CAHIER 1 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation CAHIER 1 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation © 2023 Banque internationale pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits réservés Cet ouvrage a été préparé par le personnel de la Banque mondiale. Les observations, interprétations et conclusions qui y sont présentées ne reflètent pas nécessairement l’opinion des membres du Conseil d’administration de la Banque mondiale ni celle des gouvernements qu’ils représentent. La Banque mondiale ne garantit en aucun cas l’exactitude des données qui y sont incluses. Les frontières, les couleurs, les dénominations et autres informations figurant sur les cartes dans le présent document ne traduisent en aucun cas une appréciation de la part de la Banque mondiale concernant le statut juridique d’un territoire, ni l’approbation ou l’acceptation de ces frontières. Pour tous renseignements sur les droits et licences, y compris les droits subsidiaires, s’adresser au Service des publications de la Banque mondiale World Bank Publications, The World Bank Group , 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, USA ; e-mail: pubrights@worldbank.org Table des matières Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Écarts entre les sexes en matière de scolarisation à Madagascar . . . . . . . . . . 14 Obstacles à l’accès à l’éducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Obstacles financiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Obstacles liés à l’école . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Obstacles liés au sexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Facteurs favorables à l’éducation des filles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Recommandations en matière de politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 Orientation stratégique 1 : lever les obstacles financiers à l’accès, au maintien et à l’achèvement de la scolarité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39 Orientation stratégique 2 : s’attaquer aux obstacles liés aux infrastructures scolaires et à la mauvaise qualité de l’enseignement . . . . . . 40 Orientation stratégique 3 : éliminer les obstacles sexospécifiques à l’accès à la scolarisation, en particulier ceux liés aux mariages d’enfants et aux grossesses précoces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Orientation stratégique 4 : améliorer les taux d’alphabétisation des femmes adultes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 Annexe A. Méthodologie de l’étude qualitative préliminaire . . . . . . . . . . . . . 43 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Résumé La présente note thématique fait partie d’une étude mixte plus large sur les inégalités de genre à Madagascar, qui vise à illustrer les principaux écarts de genre dans le pays et à mettre en lumière les défis particuliers auxquels les jeunes femmes malgaches sont confrontées dans leurs parcours scolaires, professionnels et familiaux. En raison de la persistance de barrières financières, sociales et institutionnelles, les femmes et les filles malgaches sont fortement désavantagées dans toutes les dimensions du bien-être et ne sont pas en mesure d’accéder aux mêmes opportunités que leurs concitoyens hommes et garçons. Elles sont largement limitées dans leur capacité à accumuler du capital humain dans les domaines de l’éducation et de la santé, et à participer aux opportunités économiques ; et elles sont confrontées à de graves obstacles en matière d’action et de prise de décision, en particulier en ce qui concerne la formation de la famille. En outre, les femmes et les filles semblent être impactées de manière disproportionnée par les effets du changement climatique et de la pandémie de COVID-19, qui creusent davantage les écarts préexistants entre les sexes et amplifient la vulnérabilité à la pauvreté, à la violence et à la discrimination. La présente note thématique examine en détail la situation de l’éducation des filles et des femmes à Madagascar et propose plusieurs axes d’action stratégiques pour aider les filles et les jeunes femmes à achever leur scolarité. Elle est accompagnée d’une vue d’ensemble de tous les résultats de l’étude et de trois notes thématiques qui présentent des aperçus détaillés des dimensions clés suivantes : la santé, les opportunités économiques et l’autonomisation. Remerciements La présente note fait partie d’une étude mixte plus large sur les disparités entre les sexes à Madagascar et dont un aperçu est disponible sous le titre «Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes - Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar». L’étude a été réalisée par une équipe composée d’Alina Kalle et de Miriam Muller. Le rapport a bénéficié des contributions importantes de Tamara Bah, Joaquin Gustavo Betancourt, Ursula Casabonne, Fatoumata Dieng, Alexandra Jarotschkin, Francis Muamba Mulango, Esperance Mukeshimana, Stephanie Kuttner, Carmen de Paz, Sabrina Razafindravelo, Hiska Noemi Reyes, Paula Tavares et David Seth Warren. L’équipe remercie les évaluateurs Andrew Brudevold-Newman, Tazeen Hasan et Ana Maria Oviedo pour leurs précieux commentaires. Honora Mara a révisé le rapport. Karem Edwards a fourni un excellent soutien administratif tout au long du projet. L’équipe a travaillé sous la direction de Benu Bidani, Marie-Chantal Uwanyiligira et Pierella Pacci. Une équipe d’Ivorary Consulting a collecté, transcrit, traduit et codé les données qualitatives. La présente recherche a été financée grâce à une subvention de la Fondation Hewlett. Enfin, nous exprimons notre profonde gratitude à tous les informateurs clés et aux femmes, filles et parents qui ont partagé leurs histoires personnelles avec nous. Abréviations DP Déviante positive EAH Eau, Assainissement et Hygiène EDS Enquête démographique et de santé FRAM Fikambanan’ny Ray Aman-drenin’ny Mpianatra (association de parents d’élèves) IDM Indicateurs du développement dans le monde MGA Ariary malgache MICS Enquête en grappes à indicateurs multiples PF Planning familial RGPH Recensement général de la population et de l’habitat SSR Santé sexuelle et reproductive VBG Violence fondée sur le genre Introduction Si l’égalité des sexes est importante en soi, les investissements dans l’autonomisation sociale et économique des femmes et des adolescentes ont le potentiel de se traduire par une croissance économique durable et un développement global pour Madagascar. Il est prouvé à l’échelle mondiale que l’autonomisation des femmes apporte une valeur significative aux familles et à la société dans son ensemble, car elle est positivement corrélée à la réduction de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire, à l’amélioration de la productivité du travail, et à de meilleures chances pour les générations futures (Aguirre et al. 2012 ; Allendorf 2007 ; Mulugeta et al. 2021). Il est également prouvé qu’investir dans le capital humain et l’autonomisation des adolescentes en particulier, protège les progrès réalisés pendant l’enfance, accélère la productivité et la croissance économique, et préserve la santé de la future population adulte (Levine et al. 2008). Par conséquent, concentrer les efforts d’investissements sur la santé, l’éducation et l’autonomisation des adolescentes est une action stratégique susceptible d’entraîner des gains à long terme pour la croissance économique et le développement durable. La présente note fait partie d’une étude mixte plus large sur les inégalités de genre à Madagascar, qui visait à générer des connaissances et à approfondir la compréhension des inégalités de genre et de leurs déterminants à Madagascar, en mettant l’accent sur l’adolescence ; à explorer les défis et les opportunités auxquels les adolescentes sont confrontées lorsqu’elles prennent des décisions concernant la formation de la famille, l’éducation, le travail, et l’intersection de ces éléments ; et à identifier les institutions et les stratégies qui soutiennent les jeunes femmes dans leurs décisions en matière de scolarisation, de travail, et de formation de la famille. L’étude plus large comprend trois éléments principaux : une analyse quantitative, une revue de la littérature et une étude qualitative approfondie. L’analyse quantitative a permis d’explorer l’état des écarts entre les sexes dans divers domaines (capital humain, opportunités économiques et action des femmes) en fonction des caractéristiques sociodémographiques, d’identifier les régions où les écarts entre les sexes sont les plus importants et d’évaluer l’évolution du pays en matière de réduction des disparités entre les sexes au cours des deux dernières décennies (Voir l’encadré 1 pour une liste des sources de données quantitatives utilisées dans ce rapport.) En outre, l’équipe a effectué un examen du système juridique actuel et une revue de la littérature sur le genre à Madagascar et sur ce qui fonctionne pour combler les écarts entre les sexes dans toutes les dimensions du bien-être, sur la base de données issues de la région de l’Afrique sub-saharienne (Banque mondiale 2023). En plus de l’évaluation quantitative, l’équipe a mené une recherche qualitative comprenant des entretiens individuels approfondis, des discussions de groupe et des entretiens avec des informateurs clés1 dans trois régions géographiquement diverses 1 Pour plus de détails sur la méthodologie, voir l’annexe A. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 9 de Madagascar : Analamanga, Atsimo-Atsinanana et Sofia.2 Des entretiens approfondis ont été réalisés avec des jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans et avec des mères d’adolescentes. Un sous-échantillon de jeunes femmes était composé de déviantes positives (DP), c’est-à-dire de jeunes femmes qui ont réussi dans leurs études et leur travail en dépit des mêmes obstacles socio-économiques que ceux frappant les autres participantes. En outre, des groupes de discussion ont été organisés avec des femmes âgées de 25 à 34 ans, ainsi qu’avec des mères et des pères d’adolescentes. Des entretiens avec des informateurs clés ont été réalisés avec des chefs religieux et traditionnels, des élus locaux et des représentants de la société civile et des secteurs de l’éducation, de la santé et du privé. Encadré 1. Sources des données quantitatives de l’analyse • Base de données des Indicateurs du Dével Multiple Indicator Cluster Survey (MICS) Madagascar 2018 • oppement Mondial de la Banque mondiale (IDM) • Base de données statistiques de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) • Enquête Afrobaromètre Round 7 sur les attitudes en matière de genre • Enquête démographique et de santé (EDS) 2008-09 et 2021 • Enquête en grappes à indicateurs multiples (MICS) Madagascar 2018 • Enquête permanente auprès des ménages (EPM) 2021-2022 • Ensemble de données de la Banque mondiale sur les femmes, les entreprises et le droit 2023 • Estimations de l’Organisation internationale du travail (OIT) Les principales conclusions de cette étude à méthode mixte sont les suivantes : • L’accès à l’éducation est un défi pour tous à Madagascar, mais les filles sont confrontées à des obstacles supplémentaires liés à leur genre. Bien que les filles soient plus nombreuses que les garçons à fréquenter et à achever les études primaires et secondaires, l’accès à la scolarisation est très faible pour tous les enfants : seulement 36,6 pour cent des filles et 34,3 pour cent des garçons âgés de 12 à 15 ans terminent le premier cycle de l’école secondaire (IDM, base de données 2 Les régions sélectionnées représentent non seulement diverses zones géographiques de Madagascar, mais diffèrent également de manière significative en termes de disparités entre les sexes. Analamanga (centre, représenté par la capitale Antananarivo) se distingue de Madagascar par ses taux relativement faibles de mariage d’enfants et d’analphabétisme des femmes, ainsi que par son taux élevé de fréquentation de l’école secondaire par les filles. En revanche, Sofia (nord) et Atsimo-Atsinanana (sud) présentent des écarts particulièrement importants entre les sexes en matière d’alphabétisation, de fréquentation scolaire et de prévalence des mariages d’enfants. De plus amples informations sur le choix des régions figurent à l’annexe A. 10 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 statistiques de l’UNESCO, 2019). En outre, le taux global de scolarisation reste préoccupant et une part importante des femmes adultes est analphabète (23,9 % contre 21,4 % pour les hommes ; EDS 2021). Bien que gratuite sur le papier, la scolarisation implique de multiples coûts indirects - uniformes, matériel scolaire, frais de scolarité, déjeuners et autres dépenses imprévues - qui sont souvent exacerbés par les impacts du changement climatique sur les infrastructures scolaires. Il est attendu des parents qu’ils contribuent financièrement ou en nature aux salaires des enseignants non fonctionnaires et non subventionnés qui, dans certains cas, constituent la majeure partie du personnel enseignant. Outre la pénurie générale d’écoles, les écoles existantes manquent souvent de locaux et de capacités appropriés pour accueillir tous les élèves. La participation à l’agriculture et l’implication généralisée dans divers travaux interrompent les parcours scolaires des adolescents (filles et garçons). Bien que la plupart des obstacles à l’accès à l’éducation soient universels, les chances des filles d’achever le cycle secondaire sont réduites en raison de leur forte implication dans les tâches domestiques, de la violence sexiste à l’école, du manque de pouvoir d’action et, surtout, des mariages d’enfants et des grossesses précoces. • L’accès aux services de santé sexuelle, reproductive et maternelle reste limité, en particulier pour les adolescentes et les jeunes femmes célibataires. Les femmes et les filles malgaches sont fortement désavantagées en matière de connaissances et d’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive, comme en témoignent la faible proportion d’accouchements assistés par des professionnels (45,8 %) (EDS 2021) et les besoins non satisfaits en matière de contraception (14,6 %). Le taux de mortalité maternelle est également élevé (335 décès pour 100 000 naissances vivantes) (IDM 2017). Globalement, la rareté des centres de santé et les coûts prohibitifs des consultations limitent l’accès des femmes et des filles aux services de santé en général. Dans le même temps, les chances des jeunes femmes de rechercher des services de SSR sont encore plus limitées par le manque de sources d’information fiables sur la SSR, l’absence de cliniques de qualité adaptées aux jeunes et les normes sociales négatives qui découragent l’utilisation des services de planification familiale chez les femmes non mariées/femmes sans enfants. Tous ces obstacles contribuent à la proportion élevée de grossesses chez les adolescentes (31,1 % des filles âgées de 15 à 19 ans ont commencé à avoir des enfants) (EDS 2021), ce qui est associé à de nombreux risques pour le bien-être des filles, avec des effets négatifs potentiels à long terme sur leur éducation, leur santé, leurs possibilités d’emploi et leur vulnérabilité à la pauvreté. • Le continuum des obstacles à la recherche d’un emploi de qualité affecte de manière disproportionnée les femmes et les filles. Les femmes malgaches sont moins susceptibles que les hommes de participer au marché du travail : 71,3 % contre 82,4 % respectivement (EPM 2021-22). En outre, les femmes ont un accès limité à des emplois de meilleure qualité : seulement 24 pour cent des femmes actives sont salariées contre 35 pour cent des hommes actifs, et les femmes salariées sont surreprésentées parmi les travailleurs familiaux non rémunérés (14 pour cent contre 5 pour cent des travailleurs de sexe masculin) et dans l’agriculture Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 11 de subsistance (32 pour cent contre 23 pour cent respectivement) (EPM 2021-22). Ce manque d’accès à des emplois de meilleure qualité peut s’expliquer en partie par l’absence factuelle d’emplois et l’existence de formes légales de discrimination qui empêchent les femmes d’occuper certains emplois (par exemple, dans le secteur industriel). En outre, les jeunes femmes manquent d’aptitudes et de compétences, de connaissances, d’une vision claire et d’instruments leur permettant de concrétiser leurs aspirations professionnelles. Il ressort des entretiens que les femmes sont également victimes de discriminations fondées sur leur genre, leur origine ethnique et leur apparence physique lors du processus de recrutement ; les femmes qui travaillent dans le secteur informel sont souvent confrontées à des conditions de travail dégradantes, à des revenus faibles et instables, ainsi qu’à des actes d’abus et de harcèlement sexuel de la part de leurs employeurs. • Les femmes et les filles sont fortement limitées dans leur pouvoir d’action et de décision, comme le montrent les taux élevés de violence entre partenaires intimes (41 % des femmes ayant déjà été mariées ont subi au moins une de ses formes) et le mariage d’enfants (38,8 % des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées avant l’âge de 18 ans) (EDS 2021). La formation de la famille débute à un âge très précoce pour de nombreuses filles et jeunes femmes malgaches. Pour de nombreuses filles pauvres et leurs familles, la décision de fonder une famille à un âge très précoce est motivée par le manque de moyens, car le rituel du mariage implique des avantages économiques pour le ménage (une dot). En outre, les attitudes négatives largement répandues à l’égard des femmes non mariées et des grossesses hors mariage poussent souvent les adolescentes et leurs familles à se marier tôt, en partie pour se conformer aux normes sociales et aux modèles de comportement attendus. Il est important de noter que les pratiques en matière de mariage d’enfants sont diverses et présentent des différences géographiques frappantes. À l’exception de la capitale Antananarivo, le mariage d’enfants est souvent célébré en vertu du droit coutumier. D’après les entretiens approfondis et les discussions de groupe dans trois régions de Madagascar, plusieurs déterminants croisés et interconnectés sont à l’origine des inégalités de genre observées et affectent la capacité des filles et des femmes malgaches à prendre des décisions de vie éclairées et à espérer une vie meilleure (figure 1). Tout d’abord, la pauvreté et le manque de moyens sont les principaux obstacles qui empêchent les adolescentes et les jeunes femmes d’accumuler leur capital humain en matière d’éducation et de santé, de retarder la formation précoce d’une famille et d’accéder à des emplois de meilleure qualité. En outre, les normes sociales patriarcales et les rôles inéquitables des hommes et des femmes sont en grande partie à l’origine des inégalités observées : la pression exercée pour se conformer aux modèles de comportement socialement acceptés pousse de nombreuses jeunes femmes (en particulier celles des ménages pauvres) à fonder une famille à un âge très précoce, ce qui compromet souvent leurs chances de terminer leur scolarité et d’accéder à des emplois de meilleure qualité plus tard dans leur vie. En outre, l’incapacité des femmes à accéder aux services de base et à participer aux opportunités économiques peut être attribuée à une capacité institutionnelle et à une prestation de services limitées. Enfin, la vulnérabilité aux chocs et au changement climatique pose des défis supplémentaires 12 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 et affecte les femmes de manière disproportionnée en exacerbant leur charge de travail domestique, en amplifiant l’insécurité alimentaire et la malnutrition, et en entravant l’accès à l’éducation. Dans l’ensemble, ces facteurs limitent considérablement le contexte dans lequel les adolescentes et les jeunes femmes peuvent agir et progresser dans la vie, en ne leur laissant souvent aucune option ni aucun choix. Dans tous les domaines, même lorsque des options ou des choix existent, les jeunes femmes manquent fondamentalement d’autonomie, c’est-à-dire de la capacité de prendre des décisions et d’agir en conséquence. Il est important de noter que si les écarts entre les sexes sont globalement élevés, les femmes et les filles des zones rurales et des ménages pauvres sont particulièrement désavantagées. Figure 1. Défis structurels affectant les résultats en matière d’égalité des sexes à Madagascar selon la recherche qualitative PAUVRETÉ ET MANQUE DE MOYENS ET PRESTATION DE SERVICES LIMITEES ET NORMES SOCIALES PATRIARCALES RÔLES DE GENRE INÉQUITABLES Scolarisation INSTITUTIONS Accès á la SSR Autonomisation et voix Qualité du travail VULNÉRABILITÉ AUX CHOCS EXTERNES ET AU CHANGEMENT CLIMATIQUE Source : Figure originale conçue pour ce rapport. Note : SSR = Santé sexuelle et reproductive. Cette note présente l’évaluation de la situation de l’éducation des filles par rapport à celle des garçons à Madagascar, réalisée à l’aide d’une méthode mixte. Elle fait ressortir les principaux écarts entre les sexes en matière d’éducation et examine les obstacles à l’accès à la scolarisation spécifiques au pays et au contexte, divisés en trois grandes catégories : (1) les obstacles financiers, (2) les obstacles liés à l’école et (3) les obstacles spécifiques au genre. Outre les obstacles, la note présente des preuves sur les facteurs de protection de l’éducation des filles à Madagascar. La note se termine par un ensemble Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 13 de recommandations politiques visant à améliorer l’accès des filles malgaches à la scolarisation ainsi que les taux d’alphabétisation globaux chez les femmes adultes. La sélection des actions politiques est basée sur les preuves de ce qui fonctionne pour combler les écarts entre les sexes dans l’éducation en Afrique subsaharienne. Écarts entre les sexes en matière de scolarisation à Madagascar À Madagascar, le taux d’analphabétisme reste élevé, en particulier dans les zones rurales et chez les femmes. Les taux d’analphabétisme varient considérablement d’une région à l’autre (Carte 1), les taux les plus élevés se trouvant dans le Sud, où environ 50 % de la population âgée de 15 à 49 ans ne peut pas lire une phrase. Certaines régions ont enregistré des progrès notables dans la réduction de la prévalence de l’analphabétisme des femmes au cours de la dernière décennie ; par exemple, l’Androy a connu une baisse de 16,1 points de pourcentage entre 2008 et 2021, et l’Atsimo-Andrefana une baisse de 9,6 points de pourcentage. D’autres régions, cependant, affichent une tendance inquiétante ; à Sofia et dans le Menabe, la proportion de femmes analphabètes a augmenté au cours des dernières années de 10,1 et 8,6 points de pourcentage, respectivement (Carte 1). Dans la plupart des régions, les femmes ont tendance à afficher des taux d’alphabétisation inférieurs à ceux des hommes (figure 2). Dans certaines provinces - notamment Atsimo-Atsinanana, Ihorombe, Melaky, Menabe et Sava - l’écart entre les sexes en matière d’alphabétisation est particulièrement élevé (jusqu’à 29 points de pourcentage de différence dans le Menabe), les femmes étant désavantagées. Le fossé entre les zones urbaines et rurales est également notable : 91,1 % des femmes urbaines âgées de 15 à 49 ans sont alphabétisées, contre seulement 71,8 % des femmes rurales. Les taux d’alphabétisation des hommes sont respectivement de 92,5 % et de 75 % dans les zones urbaines et rurales. De même, le taux d’analphabétisme varie considérablement en fonction du groupe de revenu : alors que seulement 5 % des femmes du quintile de richesse le plus élevé sont analphabètes, la proportion augmente à 20,3 % chez les femmes du quintile de richesse moyen et à 58,9 % chez les femmes du quintile le plus pauvre (les mêmes chiffres chez les hommes sont respectivement de 3,8 %, 19 % et 52,5 %) (EDS 2021). Madagascar a un taux de scolarisation très faible, les filles étant légèrement plus nombreuses que les garçons au primaire et au secondaire. Selon les données de l’EDS, le taux net de fréquentation de l’école primaire a baissé pour les filles et les garçons âgés de 6 à 10 ans au cours des deux dernières décennies, passant de 76,8 % pour les filles et 77,1 % pour les garçons en 2003 à respectivement 75,4 et 71,3 % en 2021. Contrairement à l’école primaire, la fréquentation de l’école secondaire a augmenté pour les garçons et les filles âgés de 11 à 17 ans (Figure 3). Entre 2003 et 2021, le taux net de fréquentation du secondaire est passé de 23,4 % à 30,8 % chez les filles, et de 21,7 % à 27,6 % chez les garçons en âge de scolarisation (EDS 2021). Il est important de noter que les taux de scolarisation au primaire et au secondaire varient considérablement en fonction du lieu de résidence et du quintile de richesse, les taux les plus bas étant observés au sein des populations rurales et celles appartenant au groupe de revenu le 14 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 Carte 1. Taux d’analphabétisme à Madagascar : Femmes ne sachant pas lire, 2008-21 Pourcentage a. Analphabétisme, 2008 b. Analphabétisme, évolution 2008-21 c. Analphabétisme, 2021 Source : Calculs des services de la Banque mondiale basés sur les enquêtes démographiques et sanitaires, 2008-09 et 2021 Figure 2. Analphabétisme à Madagascar : individus ne sachant pas lire, par sexe et par région, 2021 Pourcentage 70 60 50 40 30 20 10 0 Anosy Menabe Atsimo Atsinanana Androy Ihorombe Melaky Atsimo Andrefana Betsiboka Vatovavy Fitovinary Sava Sofia Boeny Anamoroni’j Mania Analanjirofo Atsinanana Diana Alaotra Mangoro Bongolava Haute Matsiatra Vakinankarata Itasy Antananarivo Analamanga Les femmes Les hommes Source : Enquête démographique et de santé, 2021 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 15 plus pauvre. Par exemple, seulement 4,3 % des filles âgées de 11 à 17 ans appartenant au quintile de richesse le plus bas fréquentent l’école secondaire, une proportion qui passe à 24,5 % chez les filles du quintile de richesse moyen et à 67,1 % chez les filles du quintile le plus pauvre (les mêmes chiffres chez les garçons âgés de 11 à 17 ans s’élèvent respectivement à 5,6 %, 21 % et 63,7 %) (EDS 2021). Les garçons ruraux ont le taux le plus bas de fréquentation de l’école secondaire (22,2 %), par rapport aux filles rurales (24,9 %), aux garçons urbains (52,5 %) et aux filles urbaines âgées de 11 à 17 ans (56,7 %) (EDS 2021). Les taux d’achèvement des études primaires et secondaires ont également enregistré des progrès significatifs au cours des deux dernières décennies, avec quelques différences selon le sexe. En 2019, plus de filles que de garçons en âge d’être scolarisées avaient achevé l’école primaire (66 % contre 61 %) et le premier cycle de l’enseignement secondaire (36,6 % contre 34,3 %) - Figure 4. Malgré ces progrès, le niveau de scolarisation reste faible à Madagascar, tant chez les hommes que chez les femmes. Par exemple, selon l’EDS 2021, seuls 3,1 % des femmes malgaches et 3,4 % des hommes âgés de 15 à 49 ans avaient achevé le premier cycle de l’enseignement secondaire (Figure 5), et environ 2,7 % des femmes et 3,2 % des hommes avaient atteint l’enseignement supérieur. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de n’avoir aucune éducation formelle - 19,5 pour cent contre 18,7 pour cent. En outre, Madagascar affiche des taux élevés d’adolescents n’ayant pas terminé le premier cycle de l’enseignement secondaire - 29 pour cent et 31 pour cent pour les filles et les garçons, respectivement (figure 6). Figure 3. Taux de fréquentation des écoles primaires Figure 4. Taux d’achèvement du primaire et du et secondaires, net par sexe, 2003-21 premier cycle du secondaire, net par sexe, 2000-19 Pourcentage Pourcentage 90 80 80 75,4 70 70 71,3 60 60 50 50 40 40 30,8 30 30 27,6 20 20 10 10 0 0 2003 2003 2003 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Filles primaire Filles secondaire Filles primaire Filles secondaire Garçons primaire Garçons secondaire Garçons primaire Garçons secondaire Source : Banque mondiale, Indicateurs du développement mondial 2019, Source : Enquêtes démographiques et de santé, 2003-21 . d’après la base de données statistiques de l’UNESCO. 16 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 Figure 5. Population âgée de 15 à 49 ans, par niveau d’éducation le plus élevé atteint et par sexe, 2021 Pourcentage Aucune scolarisation 3.2 2.7 Primaire non achevé 3 2.6 Primaire achevé 4.7 4.4 1er cycle secondaire non achevé 3.4 3.1 1er cycle secondaire achevé 14.3 16.4 2nd cycle secondaire non achevé 6.8 7 2nd cycle secondaire achevé 44.5 43.6 Supérieur 18.7 19.5 0 10 20 30 40 50 Femmes Hommes Source : Enquête démographique et de santé, 2021 Figure 6. Adolescents en âge de fréquenter l’école et n’ayant pas terminé le premier cycle de l’enseignement secondaire, par région et par sexe Pourcentage 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 Mozambique Afrique Madagascar Zimbabwe Ouganda Rwanda [2019] Angola [2020] subsaharienne [2019] Filles Garçons Source : Indicateurs du développement dans le monde, 2019. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 17 Le niveau d’éducation augmente avec le quintile de richesse à Madagascar. Selon les données de l’EDS 2021, seulement 0,1 % des femmes âgées de 15 à 49 ans appartenant au quintile de richesse le plus bas ont achevé l’enseignement secondaire supérieur, contre 1,3 % de celles appartenant au quintile de richesse moyen et 11,9 % de celles appartenant au quintile le plus riche. Les chiffres correspondants sont similaires chez les hommes : 0,3 %, 1,6 % et 11,9 %. En outre, alors que presque aucune femme du quintile de richesse le plus pauvre n’a un niveau d’éducation supérieur au secondaire, la proportion atteint 15,5 % chez les femmes du quintile le plus riche (contre 18,0 % chez les hommes). Il est à noter que 43,5 % des femmes âgées de 15 à 49 ans appartenant au groupe le plus pauvre ne reçoivent pas d’éducation formelle, contre 2,5 % des femmes les plus riches (40,6 % et 2,2 % chez les hommes, respectivement) (EDS 2021). Figure 7. Enfants possédant les compétences de base en calcul et en lecture, par sexe, pays sélectionnés, 2017-19 Pourcentage a. Compétences de base en numératie b. Compétences fondamentales en lecture 30 27 60 53 23 48 25 50 41 20 17 40 34 14 15 26 15 11 10 30 21 22 10 7 8 8 20 20 6 6 13 11 9 8.5 5 5 45 5 12 0.5 0.5 10 0 0 Zimbabwe Ghana Lesotho Gambie Madagascar Chad Republic Central African RDC Lesotho Zimbabwe Madagascar Ghana Gambie RDC Republic Central African Chad Filles Garçons Filles Garçons Source : Fonds des Nations unies pour l’Enfance, Enquête en grappes à indicateurs multiples, 2017-19. Note : Le sixième cycle de l’enquête en grappes à indicateurs multiples (MICS6) des pays participants dont les données sont disponibles a été utilisé. La période couverte par l’enquête MICS6 incluse dans cette base de données est 2017 et les années suivantes. Enfin, les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons en lecture et en mathématiques, bien que tous les enfants malgaches aient de faibles compétences de base en la matière. Les données de 2018 sur l’apprentissage précoce et l’implication des parents montrent que 26 % des filles et 21 % des garçons âgés de 7 à 14 ans ont acquis des compétences de base en lecture et que 8% des filles et 6 % des garçons ont acquis des compétences de base en mathématiques (Enquête en grappes à indicateurs multiples [MICS] 2018). Les enfants malgaches sont en retard par rapport à ceux du Lesotho et du Zimbabwe en ce qui concerne les compétences fondamentales en calcul et en lecture (Figure 7).3 3 Les compétences de base en numératie mesurent les compétences minimales en numératie attendues en 2e et 3e années d’études et sont divisées en quatre tâches : lecture des nombres, discrimination des nombres, addition et reconnaissance des formes. Chaque tâche est composée de plusieurs questions et 18 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 Obstacles à l’accès à l’éducation L’analyse quantitative montre un accès limité à l’éducation pour de nombreux garçons et filles malgaches, ce qui se traduit par des niveaux d’éducation globalement faibles et une proportion élevée d’adolescents non scolarisés. Cette section, qui présente les résultats de la collecte de données qualitatives, contribue à cerner les obstacles à l’accès à l’éducation spécifiques au pays et au contexte dans les régions étudiées à Madagascar. Bien que la plupart des obstacles identifiés soient universels, affectant tous les enfants indépendamment de leur sexe, certains sont spécifiques au genre et affectent particulièrement les filles. Les sous-sections suivantes présentent ces obstacles regroupés en trois grandes catégories : (1) les obstacles financiers, (2) les obstacles liés à l’école, et (3) les obstacles spécifiques au genre (Figure 8). Figure 8. Barrières empêchant l’accès des filles à la scolarisation à Madagascar Barrières financières Barrières liées à l'école Barrières spécifiques au genre Coûts directs & Shortage of schools/ indirects de la long distances to Mariage d'enfants scolarisation schools Manque/éloignement Dépenses liées à la des écoles rénovation des Grossesse précoce infrastructures Manque scolaires détruites d'enseignantes par le changement qualifiées climatique Travaux ménagers Mauvaise conduite des enseignants et Malnutrition mauvaise qualité de VBG à l'école l'enseignement Travail des enfants (conséquence de la Langue Manque pauvreté) d'enseignement d'autonomie des (Français plutôt que filles langue locale) Source : Figure originale conçue pour le présent rapport. Note : VBG = violence basée sur le genre. l’enfant doit répondre correctement à toutes les questions pour réussir la tâche. Un enfant qui réussit les quatre tâches est considéré comme ayant des compétences de base en calcul. Les compétences fondamentales en lecture mesurent les compétences minimales en lecture attendues en deuxième et troisième année et sont divisées en trois catégories : reconnaissance des mots (lire correctement 90 % des mots d’une histoire), questions littérales (répondre correctement aux trois questions littérales) et questions inférentielles (répondre correctement à toutes les deux questions inférentielles). Un enfant qui réussit les trois tâches est considéré comme ayant des compétences fondamentales en lecture. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 19 Obstacles financiers Bien que le principe de gratuité de l’éducation soit inscrit dans la Constitution de Madagascar (Art. 24), sa mise en œuvre dans la pratique n’a pas été constante. En 2020, le gouvernement malgache a mis en place un ensemble de mesures visant à réduire la charge financière des parents, communément appelée «Politique de l’ariary zéro»,4 , qui a supprimé les frais d’inscription à l’école. Cette politique visait à fournir des subventions/transferts aux parents d’enfants scolarisés pour couvrir les dépenses liées à l’école. Bien que cette politique ait été annoncée avant la pandémie de COVID-19, sa mise en œuvre prévue a coïncidé avec cette période. Le retard, et parfois l’échec, dans la mise en œuvre des mesures a souvent eu des conséquences négatives : les écoles ont continué à fonctionner malgré l’absence de fonds engagés et ont été obligées de faire appel aux parents pour couvrir les frais de fonctionnement. En réponse à cette lacune, le gouvernement a entrepris une autre réforme en adoptant la loi n°009/2022 du 15 juin 2022 sur l’orientation générale du système éducatif à Madagascar. La nouvelle loi prévoit la fourniture d’un enseignement public gratuit pour tous ; dès l’adoption et la promulgation de cette loi, l’enseignement primaire public gratuit sera un droit reconnu à Madagascar. Néanmoins, malgré les dispositions constitutionnelles et légales, les parents doivent souvent payer les différents coûts liés à la scolarisation de leurs enfants. Les parents doivent payer les frais d’inscription et couvrir les coûts des fournitures scolaires, des repas, des assurances et d’autres dépenses imprévues, telles que la rénovation des infrastructures scolaires. Plusieurs participants à l’étude ont souligné l’obligation d’acheter un uniforme scolaire. Le port de l’uniforme est exigé par les enseignants, mais il est en même temps une question de statut et de prestige. Les enfants dont les parents n’ont pas les moyens d’acheter un uniforme risquent d’être stigmatisés et discriminés. C’est pourquoi les parents font tout leur possible pour trouver l’argent nécessaire à l’achat d’un uniforme scolaire approprié. L’éducation dans les établissements publics on dit que c’est gratuit. Mais il y a quand même des frais obligatoires à payer... Il y a aussi une assurance...En dehors de ça, il y a les fournitures scolaires (Un responsable d’établissement scolaire à Antananarivo) C’est avec les frais de scolarité qu’ils achètent des équipements comme la craie, les stylos parce que l’Etat ne fait rien…Ce sont les élèves qui achètent tout. C’est la raison des cotisations (Mère d’adolescente à Atsimo Atsinanana) 4 L’annonce officielle de la page web officielle du gouvernement en malgache est disponible ici. Pour plus d’informations, voir les communiqués de presse, par exemple, https://fr.allafrica.com/ stories/202012220430.html. 20 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 En plus de ces coûts, les parents doivent également payer les salaires des enseignants non fonctionnaires ou FRAM non subventionnés,5 qui, dans certains cas, constituent la quasi-totalité du corps enseignant. Bien que le recrutement d’enseignants non fonctionnaires soit interdit depuis 2014, cette pratique se poursuit en raison du manque d’options d’emploi alternatives pour les jeunes diplômés et du manque de fonds scolaires alloués au personnel enseignant. Cependant, il n’existe aucune réglementation concernant la rémunération des enseignants FRAM, qui devient souvent une charge financière supplémentaire pour les parents d’élèves. Étant donné que seuls 19 % des enseignants non fonctionnaires sont subventionnés par l’État,6 le reste est rémunéré par les parents d’élèves. Les participants à l’étude qualitative se sont plaints à plusieurs reprises de cette pratique. Certains parents ont également signalé que, même lorsque les enseignants reçoivent des subventions de l’État, les parents sont toujours censés contribuer à leurs salaires. Il y a trop de choses. Une fois qu’on arrive à inscrire nos enfants, ça devrait être à l’Etat de salarier les enseignants. On peut s’occuper des cahiers ou des stylos mais la rémunération des suppléants est vraiment trop pour nous (Mère d’adolescente à Atsimo Atsinanana) En raison du taux élevé de pauvreté monétaire et du manque de moyens financiers, les familles paient souvent l’école sous forme de sacs de riz. Au total, les parents doivent verser aux enseignants non fonctionnaires 50 kg de riz par enfant à la fin de l’année scolaire, ce qui coïncide avec la période de soudure7 où le prix du riz grimpe généralement en flèche. Les parents signalent que, pour répondre à cette exigence, ils doivent réduire leur consommation alimentaire quotidienne, ce qui peut entraîner la sous-alimentation de leurs enfants. On paie les frais généraux, ensuite on paie deux « daba » de riz en plus !! C’est lourd pour nous, le riz avec la sécheresse ! On est en difficulté !! (Mère d’adolescente à Sofia) Le paiement des frais de scolarité devient de plus en plus difficile pour les familles, en particulier parce qu’ils augmentent avec le niveau scolaire. De nombreux participants à l’étude se sont plaints de l’augmentation injustifiée des dépenses scolaires à chaque niveau. Le fait de ne pas payer les frais de scolarité expose les enfants au risque d’être renvoyés. Par conséquent, certaines filles peuvent être contraintes de quitter l’école après la quatrième année parce que leurs parents ne sont pas en mesure de payer les frais de scolarité. Même s’ils sont en difficulté, les parents hésitent à exprimer leurs plaintes, craignant que leurs enfants ne soient victimes de discrimination ou de mauvais traitements à l’école s’ils ne se conforment pas aux modèles de comportement attendus. 5 FRAM signifie Fikambanan’ny Ray Aman-drenin’ny Mpianatra, l’équivalent malgache de l’Association des parents d’élèves. Les enseignants FRAM sont des enseignants recrutés par la communauté et financés par les parents d’élèves. Souvent, ces enseignants n’ont pas de formation initiale en enseignement. 6 Ministère de l’Education Nationale (MEN) Annuaire statistique 2020-2021. 7 La période de soudure fait référence à la période entre les récoltes, qui est généralement associée à des risques accrus d’insécurité alimentaire et financière, de pauvreté et de vulnérabilité parmi les ménages agricoles. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 21 L’année dernière…ils nous ont dit de payer vingt-six mille ariarys. Nous étions surpris en classe parce que c’est vingt mille Ariary qui est indiqué sur la facture. Nous avons demandé une explication, ils ont dit que c’était pour acheter des livres, pour améliorer l’école. Donc, ce que nous demandons […] d’ajouter une facture pour l’argent qui entre et qui sort… (Jeune fille à Antananarivo) Faire face aux coûts croissants de l’éducation peut être particulièrement difficile pour les parents les plus vulnérables, notamment les mères célibataires. La question des mères célibataires a notamment été évoquée à plusieurs reprises dans la région Atsimo-Atsinanana. Dans cette région, quel que soit le statut matrimonial, il n’est pas rare que les hommes abandonnent leurs compagnes après l’accouchement et que de nombreuses mères retournent au domicile parental avec leurs enfants. De nombreux participants ont évoqué ce phénomène en soulignant les difficultés économiques que rencontrent les mères célibataires dans ces conditions de vie. Sans le soutien financier des pères, les femmes peinent à gagner leur vie et peuvent réduire l’argent qu’elles consacrent à l’éducation de leurs enfants. Je suis inquiète … je n’ai plus les moyens. La vie est difficile, surtout quand une femme doit s’occuper seule de deux enfants ! Une seule femme ! Le riz coûte très cher… L’écolage coûte soixante-dix mille ariarys par enfant dans un Collège d’Enseignement Général, en somme cent quarante mille ariarys, sans parler de la nourriture quotidienne et de leur goûter (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) Il est important de noter que les dommages causés par les événements climatiques extrêmes entraînent des charges financières supplémentaires pour les parents d’élèves. Madagascar est très exposée aux aléas climatiques et aux catastrophes naturelles telles que les tempêtes tropicales, les cyclones, les inondations, les sécheresses et les invasions acridiennes. Plus récemment, en janvier 2023, la tempête tropicale Cheneso a touché 115 écoles, détruisant complètement 54 salles de classe et partiellement 113 salles de classe, inondant 45 écoles et affectant plus de 4 337 élèves.8 L’état de détérioration de nombreux bâtiments ou le non-respect des normes anti-ouragans entraînent souvent de graves dommages aux infrastructures du pays, y compris aux écoles, provoquant la fermeture temporaire de classes et/ou d’écoles entières. Après des événements climatiques extrêmes, les parents d’élèves doivent également faire face à des dépenses imprévues telles que la remise en état des salles de classe. Compte tenu de la pauvreté omniprésente à Madagascar, les dépenses imprévues pour réhabiliter les salles de classe endommagées par les phénomènes climatiques extrêmes constituent un obstacle sérieux à l’éducation des enfants. Les salles de classe sont détruites, notamment le toit. Les parents font des cotisations pour le réparer (Mère d’adolescente à Atsimo-Atsinanana) Enfin, les parents dans les trois régions ont mentionné à plusieurs reprises la malnutrition comme cause de démotivation des enfants et d’abandon précoce de l’école. 8 Données d’alerte de sécurité de la Banque mondiale. 22 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 La sous-alimentation est fréquente et touche aussi bien les garçons que les filles dans les trois régions : 36,1 % des filles et 43,6 % des garçons de moins de cinq ans souffrent d’un retard de croissance, et 10,5 % des filles et 14,9 % des garçons de moins de cinq ans souffrent d’un retard de croissance sévère (EDS 2021). En outre, 8,2 % des filles et 10,8 % des garçons de moins de cinq ans souffrent de malnutrition (EDS 2021). Selon les participants à l’étude, les enfants souffrant de sous-alimentation arrivent souvent en classe le ventre vide et ont du mal à se concentrer. En outre, les enfants souffrant de sous-alimentation peuvent également éprouver un sentiment de honte par rapport à leurs pairs, ce qui les démotive encore plus dans la poursuite de leurs études. Plusieurs participants à l’étude ont indiqué que cette démotivation était un déterminant clé qui poussait leurs enfants à quitter l’école. Pour mon cas, je n’ai pas honte de le dire mais ce qui a découragé mon enfant par rapport à ses études, ma petite fille plutôt, c’est le manque de nourriture. Quelque fois il y a à manger et quelque fois il n’y en a pas alors elle a perdu toute motivation (Mère d’adolescente à Antananarivo) L’alimentation nécessaire pour lui permettre de suivre ses études n’est pas suffisante (Mère d’adolescente à Sofia) En outre, le manque de moyens oblige certains enfants, en particulier les adolescentes, à donner la priorité au travail pour aider la famille à joindre les deux bouts. Plusieurs participantes à l’étude qualitative ont indiqué que la nécessité de contribuer au revenu du ménage était la principale raison pour laquelle elles choisissaient de travailler plutôt que de terminer leurs études. On a des problèmes d’argent... J’ai beaucoup de frères et sœurs, et mon père et ma mère n’arrivaient plus à subvenir à nos besoins. On n’a pas pu finir l’école, alors nous sommes allés travailler (Jeune fille à Antananarivo) Mes parents m’encourageaient à aller travailler. Ils nous disaient de travailler. Pour notre survie en zone rurale, il faut travailler. C’est comme ça ! (Déviante positive [DP],9 Sofia) La pauvreté et l’instabilité financière - et la forte pression qui en résulte pour obtenir un revenu - peuvent conduire les filles à s’engager dans des activités économiques même si leurs parents n’exercent pas de pression. Les filles et les jeunes femmes sont attirées par le gain économique des activités génératrices de revenus, telles que la culture du girofle dans le Sud ou les activités de vente ou l’extraction de l’or dans le Nord. Certaines participantes à l’étude ont admis qu’elles voulaient avoir un peu d’argent pour s’acheter des vêtements comme leurs camarades. Je voulais avoir de l’argent pourtant les parents étaient fatigués que je leur en demande tout le temps. Je me suis alors dit que ce serait bien de 9 Une approche de déviance positive (DP) implique de se concentrer sur la recherche d’individus qui font face à des défis et contraintes similaires à ceux de leurs pairs non DP, mais qui emploient des stratégies et des comportements qui les aident à surmonter ces contraintes et à obtenir des résultats positifs qui sont inhabituels dans leur propre contexte. Dans le cas présent, les DP se réfèrent à des jeunes femmes qui ont réussi leur parcours éducatif en dépit des obstacles observés dans leur communauté. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 23 travailler pour avoir mon propre argent et acheter tout ce que je voulais avec (Déviante positive à Antananarivo) Le travail des enfants touche les trois régions, mais il est particulièrement répandu dans les zones rurales. La population malgache est essentiellement rurale10 et vit principalement de l’agriculture, ce qui influence le parcours de vie des filles. Les filles de Sofia et d’Atsimo-Atsinanana contribuent largement aux travaux agricoles, et de nombreuses participantes à l’étude ont commencé à travailler entre l’âge de 10 et 13 ans. J’avais dix ans quand j’ai commencé à faire le repiquage de riz (Déviante positive à Sofia) En particulier dans les zones rurales, la tension entre les calendriers agricole et scolaire semble être une contrainte importante pour l’éducation à Madagascar, entraînant des abandons permanents et une détérioration de l’apprentissage. Les parents impliquent activement leurs enfants dans l’agriculture, ce qui affecte négativement la fréquentation scolaire. Par exemple, dans la région d’Atsimo- Atsinanana, les filles et les garçons abandonnent l’école pendant la saison des clous de girofle, mais les filles sont plus impliquées dans les activités de récolte. De nombreux élèves ne retournent jamais à l’école après leur travail agricole temporaire, et ceux qui y retournent ont parfois quelques mois de retard, ce qui entraîne une distorsion entre les classes d’âge. Les parents interrogés dans le cadre de la présente étude ont exprimé leur volonté de réinscrire leurs enfants après la saison des cultures, mais dans certains cas, les enseignants étaient réticents à accepter le retour des élèves à l’école en raison de l’absentéisme prolongé. Les élèves qui ne veulent pas redoubler peuvent changer d’école ou arrêter complètement leurs études. Prenons par exemple un élève en seconde. Dans trois mois, la campagne va débuter et il n’attend plus que ça. La campagne prend fin au début du troisième trimestre. Par la suite, il demande à revenir étudier. A partir de là, les enseignants sont mitigés sachant qu’il n’a quasiment pas suivi une grande partie du programme scolaire…On ne sait plus quoi faire. Ils n’ont pu suivre que la moitié du programme du premier trimestre. Ils étaient totalement absents durant le second trimestre, le troisième trimestre touche bientôt à sa fin. Comment peut-on donc encore les autoriser à revenir ? (Proviseur de lycée dans la région Atsimo Atsinanana) Les jeunes femmes interrogées dans le cadre de l’étude ont souligné que la récolte des clous de girofle étant la seule source de revenus de leurs familles, elles ne peuvent pas se permettre de la rater, même si cela empiète sur leur scolarisation. La priorité donnée au travail agricole par rapport à la scolarisation est probablement le résultat d’une pauvreté généralisée et d’un manque de moyens économiques. Le Plan sectoriel de l’éducation 2018-2022 a suggéré une réforme du calendrier scolaire afin de remédier à l’absentéisme des élèves et des enseignants pendant les mois de décembre et de février. La réforme n’a toutefois pas été mise en œuvre en raison des nombreuses 10 Selon le Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2018, la population vivant en milieu rural représente 80,7 % de la population totale. 24 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 réserves émises par les parents d’élèves des zones rurales et des écoles privées ;11 . L’une des préoccupations communes est que les changements du calendrier scolaire entraîneront une diminution du nombre total d’heures d’apprentissage, obligeant ainsi les enfants à étudier plus longtemps pour obtenir leur certificat de fin d’études. En général, dans la commune Masianaka, les habitants ne priorisent pas assez l’éducation car ils sont influencés par la popularité économique du girofle et du café… Au moment de la campagne, disons qu’il y a 200 élèves, tout au plus il ne reste que 100 élèves en classe (Informateur-clé dans l’éducation à Atsimo-Atsinanana) Au niveau des écoles au milieu rural, à partir du mois de janvier, les parents demandent aux enseignants d’emmener leurs enfants les aider dans les champs. Et il y a beaucoup d’élèves qui aident leurs parents pendant cette période…Cela se tient généralement entre le mois de janvier et le mois de mars pendant la période de culture…Et ce sont surtout les jeunes filles qui aident (Informateur-clé dans le secteur éducatif à Sofia) Le travail des enfants affecte non seulement les droits humains des enfants, mais aussi leur bien-être et leur santé. Les jeunes femmes interrogées dans le cadre de l’étude ont mentionné à plusieurs reprises des sentiments de fatigue et de privation dus à la nécessité de travailler très tôt. Certaines ont également souffert des conséquences sur leur santé physique de l’exercice d’activités professionnelles lourdes à un jeune âge. Tout ça c’est pour aider mes parents et non pas pas pour moi personnellement, je n’ai jamais vécu une enfance, une adolescence mais je me suis toujours battu pour la vie… (Jeune fille à Antananarivo) J’étais fatiguée. Ce que je gagnais n’était pas proportionnel à l’effort que je fournissais. On en transportait tellement alors qu’on ne percevait que très peu. La fatigue s’accumulait pour si peu d’argent (Déviante positive à Antananarivo) Obstacles liés à l’école La rareté et l’éloignement des écoles constituent un obstacle physique important à la scolarisation. Dans les zones rurales et isolées, la concentration des écoles, en particulier des écoles secondaires supérieures, dans des localités spécifiques, oblige les jeunes des communes environnantes à effectuer de longs trajets pour étudier. Ces trajets sont physiquement épuisants ; en conséquence, les élèves arrivent en classe fatigués, affamés et incapables de se concentrer, ce qui nuit à leurs résultats scolaires. À long terme, la pénurie d’infrastructures scolaires a pour conséquence que les élèves quittent l’école et retournent à la campagne pour aider leurs parents. 11 https://www.rfi.fr/fr/afrique/20190819-madagascar-polemique-s-intensifie-reforme-calendrier-scolaire ; https://newsmada.com/2023/02/10/education-la-reforme-du-calendrier-scolaire-reste-a-discuter/ Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 25 Antsakabary est à soixante-dix-neuf kilomètres ... Ils prennent la barque… Une journée et demie. Ils dorment à mi-chemin… La commune Ankebesaloha est loin … et ils sont fatiguées physiquement (Père d’adolescente à Sofia) Bien que la rareté des écoles et les longues distances à parcourir affectent tous les enfants, les obstacles semblent plus importants pour les filles. Ces résultats sont conformes aux données mondiales qui suggèrent que la nécessité de parcourir de longues distances pour se rendre à l’école la plus proche réduit la probabilité que les filles terminent leurs études. Les données régionales indiquent que les parents, craignant pour la sécurité et le bien-être de leurs filles sur la route, peuvent être réticents à les envoyer dans des écoles situées loin de chez eux (Colclough, Rose et Tembon 2000 ; Shahidul et Karim 2015). En outre, les longues distances à parcourir pour se rendre à l’école peuvent nécessiter l’utilisation des transports publics, augmentant ainsi le coût financier global de la scolarisation et la rendant inabordable pour de nombreuses familles pauvres à Madagascar. La pénurie d’écoles à Madagascar a été aggravée par l’augmentation du nombre d’élèves à la suite de l’annonce de la «Politique Zéro ariary «, qui élimine les frais d’inscription à l’école. Dans de nombreuses écoles fréquentées par les participants à la recherche, plus de trois élèves s’assoient sur un banc et beaucoup s’assoient à même le sol. Certains participants ont noté les conditions insatisfaisantes des salles de classe et des toilettes dans les écoles qu’ils fréquentent. Selon le Programme commun de surveillance de l’Organisation mondiale de la santé et du Fonds des Nations unies pour l’enfance (2022),12 , seulement 37 % des écoles malgaches disposent d’installations d’eau potable de base. Pas moins de 63 % des écoles primaires et 74 % des écoles secondaires ne disposent d’aucun service d’eau potable. En outre, 28 % des écoles n’ont pas d’installations sanitaires, les écoles primaires étant plus défavorisées que les écoles secondaires (36 % contre 21 %, respectivement). Selon les participants à l’étude, de nombreuses écoles ne disposent pas d’installations adéquates d’eau, d’assainissement et d’hygiène (EAH), et les installations existantes sont en très mauvais état. En conséquence, certaines filles font tout pour éviter d’utiliser les toilettes de l’école lorsqu’elles sont à l’école . Souvent, aller aux toilettes faisait perdre du temps puisqu’il n’y avait que deux cabines. Dès fois il arrivait que vous ayez 40 élèves devant vous et donc vous faisiez la queue pendant longtemps. Voilà. (Déviante positive à Antananarivo) C’était sale. C’était sale. Bien que ça soit un établissement libre, c’était sale. Même les salles de classe, ce n’était pas vraiment, ce n’était pas vraiment joli à regarder (Déviante positive à Antananarivo) En plus des défis liés aux infrastructures scolaires, Madagascar fait face à une grave pénurie de personnel enseignant qualifié. En 2021, les enseignants fonctionnaires et contractuels ne représentaient que 37 % du corps enseignant, les enseignants FRAM 12 Ensemble de données «EAH dans les écoles», https://data.unicef.org/resources/wash-in-schools-data- viz/. 26 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 subventionnés 19 %, et ceux payés par les parents et les communautés 43 %.13 La plupart de ces enseignants n’ont pas les qualifications et la formation répondant aux normes requises pour exercer la profession d, et ils ne reçoivent pas de formation même lorsqu’ils sont intégrés dans la fonction publique. L’absence de budget pour le recrutement et la formation et l’insuffisance des ressources financières pour les écoles font qu’il est difficile d’attirer des candidats de qualité, beaucoup choisissant la profession d’enseignant par nécessité plutôt que par vocation. Les conditions de travail déplorables dans les zones rurales contribuent au manque d’effectifs dans ces régions et diminuent la motivation du personnel qualifié à y être déployé (Ralaivao 2019 ; Venart et Reuter 2014). L’absence de réglementation concernant le recrutement et la rémunération des enseignants non fonctionnaires et FRAM affecte également la qualité du corps enseignant malgache. Les procédures et les fourchettes de rémunération sont laissées à la discrétion des autorités dans chaque cas.14 Les enseignants non subventionnés, soutenus par les parents et la communauté, sont moins bien payés que les enseignants subventionnés, qui reçoivent 220 000 ariarys malgaches, ou MGA (50,00 USD) par semestre pour le préscolaire et le primaire, 240 000 MGA (55,00 USD) pour le collège, et 300 000 MGA (68,00 USD) pour le lycée. Les enseignants subventionnés par l’État signalent toutefois d’importants retards dans le versement de leurs subventions. La faiblesse et/ou le manque de fiabilité des salaires fait partie des facteurs clés qui rendent difficile l’attraction d’enseignants qualifiés et formés (Gamero Burón et Lassibille 2016). En outre, les femmes sont toujours sous-représentées au sein du personnel éducatif, en particulier au niveau de l’enseignement secondaire. En 2019, les femmes représentaient plus de la moitié du personnel enseignant au niveau de l’école primaire (53 %), mais seulement 41 % de tous les éducateurs au niveau de l’école secondaire (IDM 2019). Les données mondiales et régionales indiquent que le recrutement d’un plus grand nombre d’enseignantes est positivement associé à l’amélioration des résultats scolaires des filles (Agyapong 2018 ; Herz 2002 ; Mouganie et Wang 2020). En plus de fournir des modèles positifs aux jeunes filles, en particulier dans les zones rurales, la présence d’enseignantes rassure les parents quant à la sécurité de leurs filles (Herz et Sperling 2004).15 Les enseignants étant au cœur du système éducatif, leur comportement à l’égard de leurs élèves peut être une source de motivation ou de démotivation pour les filles et les garçons. Les participants à l’étude ont fait état d’inconduites courantes de la part des enseignants, notamment des absences systématiques, des retards ou des états 13 Annuaire statistique du ministère de l’éducation nationale de Madagascar (2020-2021). 14 Plan Sectoriel de l’Education (2018-2022), Ministère de l’Education Nationale, Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle, Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Version finale, Juin 2017, p. 83. https://www.education.gov.mg/wp- content/uploads/2018/10/PSE-narratif.pdf. 15 Par exemple, des recherches menées en Afrique du Sud et en Ouganda montrent que les enseignantes réagissent activement à la violence sexuelle fondée sur le genre en apportant une «attention» formelle et informelle et une protection sociale en développant des relations de confiance et en animant des groupes de compétences de vie (Bhana 2015 ; Porter 2015). Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 27 d’ébriété. L’absentéisme des enseignants en particulier semble être un problème sérieux à Madagascar, signalé à de nombreuses reprises. Puis, il y en a un autre [professeur] qui boit…Parfois, ils ont cours à dix heures et le monsieur ne vient pas… Il est absent parfois une journée, parfois, une semaine (Mère d’adolescente à Atsimo-Atsinanana) Il y a un de nos professeurs qui vient de boire de l’alcool et qui arrive à l’école pour nous dire ensuite de rentrer. Notre professeur de physique qui vient ivre et qui ne peut pas souvent nous enseigner. Il est alcoolique (Jeune fille à Sofia) Les rapports indiquent également que les enseignants ont tendance à être plus attentifs aux élèves dont les parents sont plus riches ; en effet, les élèves dont les parents sont pauvres se sont plaints de négligence et parfois même de mauvais traitements de la part des enseignants. Les filles ont fait état de harcèlement et de sentiments de honte en raison de leur manque de moyens, ce qui se traduit par exemple par la mauvaise qualité de leurs cahiers ou par des rappels incessants de la nécessité de payer leurs frais de scolarité. Ces sentiments les démotivent et les incitent à abandonner l’école. Oui c’est exactement ça, ils préfèrent ceux qui arrivent à payer à temps leur écolage et toute autre question d’argent à ceux qui n’y arrivent. C’était vraiment remarquable là-bas (Jeune fille à Antananarivo) Parmi les facteurs susceptibles d’expliquer ce type d’inconduite figurent l’absence de sanctions disciplinaires, le statut social particulier attaché à l’enseignant principal (appelé ray aman-dreny, littéralement «père et mère»), la faiblesse du cadre de suivi et d’évaluation de la conduite des enseignants et l’absence de rétribution financière adéquate de la part de l’État ou les retards dans la perception des salaires des enseignants. Enfin, la loi malgache prévoit que l’enseignement se déroule en français ou en anglais, langues que beaucoup d’élèves ne maîtrisent pas. Bien que les enfants apprennent à lire en malgache et apprennent d’autres matières dans cette langue jusqu’à la troisième année, le français est la langue officielle d’enseignement à partir de la quatrième année (Secrétariat du GPE 2017). Le français a été la langue académique dominante : l’élite politique des villes envoie ses enfants dans des écoles francophones, et les familles pauvres des villes qui aspirent à un meilleur avenir pour leurs enfants essaient également de les inscrire dans des écoles francophones (Dahl 2011). Au même moment, la population rurale utilise le malgache comme langue primaire et pourrait être particulièrement désavantagée par l’usage du français comme langue d’d’enseignement dans les écoles (Dahl 2011). Il est important de noter que, comme indiqué précédemment, la population rurale représente 80 % de la population totale de Madagascar (RGPH 2018). Les élèves des zones rurales pourraient rencontrer des difficultés particulières à apprendre en français ou en anglais parce qu’ils ont peu d’occasions de pratiquer ces langues et parce que leurs enseignants ne les maîtrisent pas. 28 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 Obstacles liés au sexe Le mariage d’enfants est l’une des principales causes d’abandon scolaire, mais les circonstances et le contexte du mariage diffèrent d’une région à l’autre. Une fois les filles mariées, la scolarisation n’est souvent plus une option pour elles. Les filles mariées subissent des pressions sociales qui les obligent à donner la priorité aux responsabilités ménagères, considérées comme incompatibles avec la poursuite d’une scolarisation, en particulier dans les communautés rurales. En outre, les maris, qui dans certains cas assument seuls la prise de décisions au sein du foyer, interdisent à leurs jeunes épouses d’étudier. Dans d’autres cas, les filles elles-mêmes décident d’arrêter d’aller à l’école après le mariage, probablement en raison de l’évolution de leur rôle et de leur statut dans la société. Elle doit arrêter ! En fait, nous sommes à la campagne, ce n’est pas comme en ville. Si elle étudie et se marie à la fois, la société la jugera… (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) De même, les grossesses précoces constituent un autre obstacle important à la scolarisation des filles. Lorsque les filles tombent enceintes, elles abandonnent l’école en partie à cause des sentiments de honte et de stigmatisation. La charge de l’éducation des enfants après la grossesse ainsi que la pression pour gagner sa vie sont d’autres obstacles qui expliquent l’abandon scolaire chez les filles enceintes et les mères adolescentes. Dans l’échantillon de la présente étude, il n’y a pas eu de cas de filles enceintes ayant poursuivi avec succès leurs études sans interruption. Il est important de noter que, bien que la société accorde une grande importance à la formation d’une famille et à la procréation, la grossesse chez les adolescentes - en particulier en dehors du mariage - semble être un tabou. Par conséquent, les jeunes filles enceintes peuvent être victimes de discrimination, de moqueries ou de stigmatisation. Elles (les amies de l’école) ont rigolé, elles ont parlé de moi en disant « ah bon elle est enceinte ? … Qu’est-ce qui lui est arrivé ? ». J’avais vraiment honte (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) C’était lorsque j’étais à l’école que je tombais enceinte et c’était la cause pour laquelle j’ai quitté l’école parce qu’en me voyant, les autres étudiants rouspétaient, mais les enseignants ils ne disaient rien … Après, j’ai quitté l’école parce que j’avais honte (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) En outre, la forte implication des filles dans les tâches domestiques et les soins non rémunérés limite considérablement leur capacité à aller à l’école. Au sein des ménages, ce sont presque toujours les filles qui aident leurs mères à s’occuper des autres membres de la famille et qui effectuent toutes les tâches ménagères. Cette charge limite considérablement le temps libre dont les filles peuvent disposer et le temps qu’elles peuvent consacrer à leurs études. La situation devient encore plus difficile pour les filles qui vivent dans un ménage avec des personnes handicapées ou souffrant d’une maladie chronique. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 29 La pauvreté et les possibilités de travail limitées peuvent également décourager les aspirations et la motivation des jeunes femmes à étudier. Bien que les jeunes femmes et les filles accordent une grande importance à l’apprentissage, elles peuvent manquer d’intérêt pour les études en raison de leurs doutes quant aux bénéfices potentiels de l’éducation,16 selon un directeur d’école d’Atsimo-Atsinanana. Les filles ne perçoivent pas l’éducation comme une garantie de meilleures opportunités parce qu’elles ne voient pas clairement l’intérêt de poursuivre des études dans un contexte d’opportunités économiques limitées. Le manque de soutien et d’implication des parents peut également contribuer au manque d’intérêt pour la scolarisation. Les parents peuvent donner la priorité à l’engagement de leurs enfants dans le travail ou les activités agricoles. En outre, les filles sont peut-être moins encouragées que les garçons à étudier pour s’assurer un bon emploi à l’avenir ; l’idée qu’elles seront soutenues financièrement par leurs maris ou partenaires sape la valeur fondamentale de l’éducation, selon un informateur clé du secteur de l’éducation dans la région d’Atsimo-Atsinanana. Cette hypothèse est en contradiction avec la réalité où, comme nous l’avons vu plus haut, il n’est pas rare qu’un homme abandonne sa partenaire et ses enfants, parfois après la première année de leur relation, laissant la femme dépendre uniquement de ses propres revenus. Aujourd’hui, les hommes vous font des enfants et puis vous laissent. Ils n’assument même pas leur paternité et vous laissent vous débrouiller seules (Mère d’adolescente à Atsimo-Atsinanana) Dans le même temps, de nombreuses jeunes femmes de l’échantillon semblent manquer d’autonomie et de contrôle sur leur vie, ce qui se traduit par de faibles aspirations déclarées en matière d’éducation. Dans les trois régions, lorsqu’on les interroge sur leurs projets et leurs espoirs pour l’avenir, les jeunes femmes soulignent leur désir de posséder une maison et de pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants. Elles ont également mentionné l’achèvement de leurs études, mais rarement en tant que priorité. Notamment, lorsqu’elles parlent de leurs objectifs et de leurs projets de vie, les jeunes femmes s’appuient souvent sur leur foi en un Dieu providentiel, ce qui est une indication supplémentaire de leur incapacité à changer leurs conditions de vie et leur situation. Pour l’instant, elle a vraiment l’intention de finir ses études. Vu notre situation, elle a dit : «Nous comptons toujours sur les autres». Et si Dieu veille sur elle, selon elle, que Jésus l’aide à réussir. «Tu seras soulagée, maman, si je réussis mes études» a-t-elle dit (Mère d’adolescente à Atsimo-Atsinanana) J’essaierai et j’y arriverai si telle est la volonté de Dieu (Jeune fille à Antananarivo) 16 Les dernières données disponibles suggèrent que le rendement de la scolarisation tend à être plus élevé pour les hommes que pour les femmes. Par exemple, une scolarisation au primaire complète est associée à une augmentation des revenus de 30,4 % chez les femmes contre 36,7 % chez les hommes, et une scolarisation secondaire incomplète à une augmentation des revenus de 60,1 % chez les femmes et de 64,6 % chez les hommes. Cependant, le rendement d’une scolarisation secondaire complète semble être légèrement plus élevé pour les femmes que pour les hommes (86,4 % chez les femmes et 85,6 % chez les hommes) (EOM 2021-22). 30 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 L’étude qualitative a trouvé des preuves mitigées sur la préférence pour la scolarisation des garçons ou des filles à Madagascar. Les informateurs clés ont mentionné une préférence sociétale pour la scolarisation des garçons plutôt que des filles. Selon eux, la croyance traditionnelle selon laquelle les filles se marieront et deviendront des mères, et que les garçons deviendront des chefs de famille et les principaux pourvoyeurs, conduit les parents à considérer les investissements dans scolarisation des garçons comme plus rentables. Ces résultats sont conformes aux données mondiales : lorsqu’elles sont confrontées à des coûts prohibitifs pour les frais de scolarité, les uniformes ou les fournitures scolaires, les familles disposant de ressources limitées peuvent choisir de scolariser leurs fils plutôt que leurs filles, estimant que cet investissement est plus rentable pour la famille (Perisic, Komarecki, et Minujin 2012). Ce qui se passe dans la plupart des cas… Dans les cas où une famille a plusieurs enfants qui vont à l’école … ils choisissent d’arrêter la scolarité de la fille et préfèrent appuyer le garçon parce que… ça ne gêne pas aux gens que les filles n’aient pas de connaissance et que de toute façon, ce n’est pas elle qui subviendra aux besoins de la famille. … Et c’est pour ça que l’on choisit de soutenir les garçons parce qu’ils sont l’avenir du foyer et qu’ils vont se marier. Et ils seront les chefs de famille. … Et les parents priorisent l’éducation de leurs garçons (Informateur-clé dans le secteur éducatif à Sofia) Les parents de l’échantillon ont exprimé des préférences différentes. Certains ont admis la tendance à donner la priorité aux fils aînés. Dans certaines régions, être le lahimatoa (fils aîné) confère beaucoup de responsabilités, mais aussi plus de soutien et de priorité de la part de la famille et de la société. En retour, les parents attendent davantage de responsabilité, ou valim-babena, de la part du fils qui restera dans la maison familiale. Ces parents ne jugent pas utile d’investir dans l’éducation de leurs filles, sachant que, lorsqu’elles se marieront, elles rejoindront la famille du mari. Presque … toutes les filles dans la commune de Soamagnova, n’ont pas pu poursuivre leurs études. Première raison : la négligence parentale envers leurs filles parce que... selon les traditions, les femmes n’héritent pas de leurs parents ! Eh bien... En se mariant, l’homme va en quelque sorte entretenir sa femme, qui va rester à la maison. De ce fait, les parents préfèrent plus scolariser leurs fils car ce sont eux qui vont travailler plus tard (Jeune fille à Atsimo Atsinanana) Il est toutefois important de noter que certains pères de l’échantillon ont fait part de leur neutralité ou de leur préférence pour l’éducation des enfants les plus jeunes ou de ceux qui n’ont pas encore atteint le niveau le plus élevé, quel que soit leur sexe, lorsque les ressources financières sont limitées. Dans certains cas, la préférence est donnée aux enfants qui ont les meilleurs résultats scolaires. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 31 Ça dépend de leurs niveaux. Ce sera celui ou celle qui aura atteint la classe supérieure que ce soit une fille ou un garçon qui devra arrêter (si les moyens financiers viennent à manquer) (Père d’adolescente à Atsimo Atsinanana) Tu vois, je serai fier d’entendre que mon enfant est doué. Ce qui ne l’est pas, on le retire. Ça dépend de leur moyenne, et si l’enfant atteint une certaine moyenne, on verra ce qu’on pourra faire pour lui (Père d’adolescente à Atsimo Atsinanana) Les participants à l’étude ont indiqué que la violence sexiste exercée par le personnel enseignant peut empêcher les filles de poursuivre leurs études. Le harcèlement sexuel par un enseignant masculin est difficile à prouver, et les mécanismes de signalement de ce type d’infraction n’existent pas encore ou ne sont pas encore pleinement opérationnels. Même si les parents d’une jeune fille soutiennent sa plainte, c’est en fin de compte la parole de la jeune fille contre celle de l’enseignant qui est en jeu. Les données limitées de l’étude indiquent que les abus sexuels commis par des enseignants - et le manque de soutien psychologique pour les jeunes femmes qui y ont survécu - ont un effet fortement préjudiciable sur l’éducation et la santé mentale des filles. Oui, quand j’étais en 8è ou en 7e à l’époque, notre professeur, il m’a toujours embêté en classe car à l’époque j’étais encore toute ronde, et en classe il touchait toujours mes seins et ça m’a ôté l’envie d’aller à l’école puis je redoublais de temps en temps… j’ai redoublé en 8e et il a été à nouveau notre professeur … et finalement ma mère a décidé de me transférer dans une autre école et je n’avais plus de soucis après. Mais quand ma mère lui a parlé, il s’est fâché du coup il ne m’a pas laissée passer la classe et me harcelait toujours … c’est pourquoi ma mère était obligée de me transférer (Jeune fille à Antananarivo) Facteurs favorables à l’éducation des filles En dépit des barrières multiples et souvent croisées qui empêchent les filles malgaches d’achever leur scolarisation, plusieurs facteurs de protection qui peuvent fortement les encourager à les poursuivre ont été identifiés. Cette section présente les facteurs qui permettent et soutiennent la scolarisation des filles à Madagascar, divisés en quatre grandes catégories : (1) le soutien familial, (2) le soutien communautaire, (3) le soutien scolaire, et (4) la résilience individuelle (figure 9). Les réponses des DP de l’échantillon de recherche suggèrent que les facteurs de soutien qui maintiennent les filles à l’école - une fois que les obstacles financiers et autres ne sont pas insurmontables - sont liés aux aspects positifs de l’apprentissage, à un environnement favorable et aux encouragements de leurs familles, de leurs pairs et de leurs enseignants. 32 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 Figure 9. Facteurs favorisant et soutenant l’éducation des filles à Madagascar Résilience individuelle • Objectifs de vie clairs, aspirations et espoir d’un avenir meilleur • Grande valeur attachée à la scolarisation • Intention/ volonté de reporter le mariage précoce • Équilibre entre études, loisirs et tâches domestiques Soutien familial Soutien communautaire Soutien scolaire • Des enseignants qualifiés et Parents solidaires/impliqués Soutien des amis et des motivants parents • Fourniture de repas scolaires • Coûts financiers réduits Source : Figure originale conçue pour ce rapport. Moi je veux encore continuer mes études parce que je sais maintenant que même si j’ai rien, il y a encore des personnes qui m’encouragent, à l’école (Jeune fille à Antananarivo) Le soutien et les conseils de la famille encouragent les filles à poursuivre leurs études et à surmonter les difficultés inhérentes à leur parcours scolaire. En fait, la littérature mondiale montre clairement que les encouragements et le soutien des parents ont une incidence positive sur les résultats scolaires, les attitudes et les aspirations des enfants. Les actes de soutien des mères envers leurs enfants adolescents prédisent positivement l’estime de soi et les résultats scolaires (Bean et al. 2003). Les données indiquent en outre que les attentes des parents et les perceptions qu’ils ont de ces attentes ont le potentiel de rehausser les attentes scolaires des enfants et, par conséquent, d’améliorer leurs résultats scolaires (Patri kakou 1997). Dans l’étude, les DP ont mentionné le soutien et l’encouragement de leurs mères et d’autres membres de la famille comme des facteurs décisifs qui les ont aidés à réussir dans leurs études. Comment je l’ai surmonté… Ma mère m’encourageait toujours en me disant qu’elle avait la volonté de me scolariser. Et puis le temps passé avec les ami.es faisait quelque peu dissiper mes soucis. Et quand il m’arrivait d’y penser, la pression venait peser sur moi pour me rappeler que je devais rester à l’école (Déviante positive ayant réussi à achever sans interruption ses études secondaires) Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 33 Le soutien familial - tant émotionnel que financier - apparaît également comme un facteur de protection important pour l’achèvement de la scolarisation en cas de grossesse. Une DP de l’échantillon étudié, issue de la région de Sofia, a réussi à poursuivre ses études pendant sa grossesse et à se réinscrire au second cycle secondaire après l’accouchement. Etant donné qu’elle été absente des cours pendant quelques mois après l’accouchement, elle a dû redoubler une année, mais a finalement pu se présenter aux examens de fin d’année. Comme elle l’a expliqué, sa capacité à retourner à l’école était largement liée aux encouragements de sa famille ainsi qu’à l’aide financière et à la garde de son enfant par sa mère. Je voulais obtenir mon bac,17 c’est ce qui m’a vraiment motivée. Ma mère finance mes études, il (le père de l’enfant) m’a encouragée : «Continue tes études s’il y a quelqu’un qui peut encore s’occuper de l’enfant !» avait-il dit (Déviante positive à Sofia) En outre, certaines participantes au programme de perfectionnement professionnel de l’échantillon ont déclaré que le soutien de leurs amis les avait aidées à réussir leurs examens. Elles ont fait référence à la fois au soutien pratique (tel que le fait d’être hébergées chez des amis pendant la période des examens) et aux encouragements et aux motivations émotionnels. Le soutien des amis a été particulièrement souligné comme un aspect positif important des études par les femmes qui ont quitté leur foyer pour s’inscrire dans une école secondaire ou supérieure. Finalement, les examens approchaient mais on n’avait toujours rien chez nous et pour pouvoir me concentrer sur mes examens, j’ai dû aller vivre chez une de mes amies. Elle m’a accueillie chez eux le temps de l’examen et elle m’a dit qu’ils partageraient tout ce qu’ils avaient et ce qu’ils mangeaient. Par la grâce de Dieu, j’ai réussi mon BEPC (Déviante positive ayant réussi à achever sans interruption ses études secondaires à Atsimo Atsinanana) Une relation de confiance entre l’enseignant et l’élève est un autre facteur clé de la réussite des filles. Des études menées dans le monde entier ont abouti à des résultats similaires, montrant que les attitudes positives des enseignants à l’égard des élèves jouent un rôle essentiel dans la manière dont les jeunes perçoivent la valeur et l’importance de leur propre éducation (Banerjee et al. 2018 ; Gunderson et al. 2012 ; Li 1999 ; Machado et Muller 2018 ; Tiedemann 2002). Au-delà des relations, les participantes ont mentionné le soutien à l’alimentation des enfants dans les écoles par le biais des cantines scolaires comme un facteur clé pour maintenir les enfants à l’école. La sous-alimentation, évoquée précédemment, est l’un des principaux obstacles à la transition entre l’école primaire et l’école secondaire, ce qui rend une bonne nutrition essentielle à l’apprentissage et à l’assiduité. En 2015, le gouvernement malgache a institué des cantines scolaires dans environ 2 000 écoles 18 , 17 L’équivalent d’un diplôme de fin d’études du second cycle de l’enseignement secondaire, une condition préalable à l’entrée à l’université. 18 Pour plus d’informations, voir la page web du Ministère de l’Education Nationale sur les cantines scolaires, http://www.education.gov.mg/cantine-scolaire-le-pam-et-le-men-oeuvrent-pour-le-suivi-et- la-perennisation-du-programme/. 34 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 ce qui a aidé les parents à surmonter la difficulté de fournir une alimentation adéquate à leurs enfants et a donné à ces derniers la possibilité de mieux se concentrer en classe. Le projet, encore en phase pilote, donne la priorité aux quartiers vulnérables des agglomérations urbaines et aux régions du Sud. Donc ce qui est une bonne chose pour la commune de Soamanova en ce moment est qu’elle nous aide pour les repas … L’État aide les parents avec les études parce que l’enfant mange à l’école et après l’école il rentre (Père d’adolescente à Atsimo Atsinanana) Tous les facteurs susmentionnés contribuent à renforcer la résilience individuelle des adolescentes et les encouragent à terminer leurs études secondaires. Les entretiens avec les formateurs montrent que l’équilibre entre l’école, les loisirs et les tâches domestiques est la clé de la réussite des filles. Selon certains participants, l’essentiel est d’organiser le temps de manière à ce qu’elles puissent faire leurs révisions. Les DP de la région Atsimo-Atsinanana accordent une valeur fondamentale aux études. Les études constituent une protection contre le mariage d’enfants : dans certains cas, la possibilité de poursuivre sa scolarité apparaît comme un facteur de protection important contre les mariages d’enfants. Ces filles considèrent également l’éducation comme un moyen d’accéder à un emploi intéressant et à des opportunités économiques. Pour les filles interrogées dans le cadre d’un groupe de discussion, la scolarisation apporte la connaissance et la capacité de compréhension. Elle leur donne les compétences minimales pour affronter la vie et développer des projets personnels. L’obtention d’un diplôme devient alors un enjeu considérable pour lequel les DP sont prêtes à réunir tous les moyens nécessaires (cumul de petits boulots, épargne). Si on ne va pas à l’école et que l’on est encore mineure, on sera perdue car les parents t’obligeront à te marier car ils n’aiment pas que tu sois juste une charge supplémentaire à la maison. Ainsi donc, si je ne vais pas à l’école, les parents m’obligeront à me marier (Déviante positive ayant réussi à suivre continuellement le cursus scolaire à Atsimo-Atsinanana) À Antananarivo et à Sofia, les DP associent les études à un sentiment d’accomplissement personnel et de prestige social. Elles voient dans les études la garantie d’un avenir meilleur et la possibilité pour les filles de devenir indépendantes. Pour les jeunes femmes de la capitale, les études apportent une reconnaissance sociale mais surtout une fierté pour la famille. J’aurais mon diplôme et tous mes efforts ne sont pas vains. Avoir un diplôme est déjà une fierté pour moi, vous êtes fière de tous les efforts que vous avez fournis pour l’obtenir. Mais d’un autre côté, … je veux avoir du travail afin que je puisse financer mes études et celles de mon enfant (Jeune fille à Antananarivo) Pour améliorer la vie, car en cas de réussite, il n’est pas nécessaire d’attendre les héritages … j’étudie pour avoir une vie meilleure, pour garantir une meilleure vie à mes descendants (Jeune fille à Sofia) Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 35 De plus, contrairement à ce qui a été rapporté pour le Sud, une volonté des parents d’emmener les filles le plus loin possible en termes de scolarisation a été notée à Antananarivo et à Sofia. Cependant, cette option n’est pas disponible pour toutes les filles, et en particulier pour celles qui vivent dans la pauvreté. Comme le montre l’analyse ci-dessus, même lorsque les filles sont motivées pour étudier, l’extrême pauvreté et le manque de moyens les obligent à donner la priorité à un emploi plutôt qu’à la scolarisation. En résumé, l’accès à la scolarisation s’est accru pour les filles comme pour les garçons au cours des dernières décennies, ce qui a conduit à une relative parité entre les sexes dans les taux d’inscription et de fréquentation scolaires. Malgré ces progrès, le niveau global de scolarisation à Madagascar reste préoccupant et une grande partie des adolescents n’est pas scolarisée. Les résultats qualitatifs montrent que l’accès à l’éducation reste très limité en raison des coûts directs et indirects des études, de la pénurie d’infrastructures et d’équipements appropriés, du manque d’enseignants qualifiés et de la pauvreté omniprésente qui pousse les enfants à s’engager dans des activités génératrices de revenus dès leur plus jeune âge. Les obstacles spécifiques au genre - tels que la forte implication dans les tâches domestiques, les violences basées sur le Genre manque d’autonomie et, surtout, les mariages d’enfants et les grossesses précoces19 - semblent limiter davantage l’accès des filles à l’école comparativement à celui des garçons. Par ailleurs, le soutien de la famille, de la communauté et de l’école semble jouer un rôle protecteur important car il permet aux filles de poursuivre leurs études et de renforcer leur résilience individuelle et leur motivation à étudier. Tous ces résultats constituent la base des recommandations politiques décrites dans la section suivante. Recommandations en matière de politique L’amélioration de l’accès général à la scolarisation et en particulier l’aide apportée aux filles et aux jeunes femmes pour qu’elles achèvent leurs études primaires et secondaires représentent la priorité stratégique de développement pour Madagascar. Il est prouvé au niveau mondial que l’éducation joue un rôle protecteur crucial pour les filles : les filles qui restent à l’école sont moins susceptibles d’être mariées lorsqu’elles sont enfants et de connaître des grossesses d’adolescentes et des mariages d’enfants (Population Council 2019 ; Banque mondiale 2012). En outre, chaque année supplémentaire de scolarisation diminue les risques de mariage d’enfants et de fécondité des adolescentes (Banque mondiale 2012) et augmente les chances des femmes d’obtenir un emploi de meilleure qualité plus tard dans la vie (Habib et al. 2019). En outre, la scolarisation des femmes est positivement associée à de meilleurs investissements dans le capital humain des enfants : les enfants de femmes éduquées ont des taux de vaccination plus élevés, sont moins susceptibles de souffrir d’un retard de croissance et sont moins susceptibles de mourir en bas âge (Diamond, Newby et Varle 1998 ; Klugman et al. 2014 ; Banque mondiale 2012). Klugman et al. (2014) citent un large éventail de preuves 19 Voir la note 4, «Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes». 36 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 montrant que l’éducation est également un moteur essentiel de l’action des femmes. Les données mondiales montrent une corrélation entre l’augmentation des niveaux de scolarisation et la réduction de l’incidence de la pauvreté (Schultz 1993 ; Summers 1994 ; UNESCO 2017). Ainsi, les investissements dans l’éducation des filles et des femmes représentent une stratégie prometteuse pour Madagascar afin de réduire la pauvreté et d’accroître la prospérité partagée. Le tableau 1 résume les principaux obstacles identifiés, les orientations stratégiques potentielles et les actions politiques visant à améliorer l’accès à la scolarisation des filles malgaches et les taux d’alphabétisation globaux des femmes adultes. Il porte sur les domaines présentant les lacunes et les obstacles les plus importants en matière de genre, identifiés dans le cadre de la présente recherche à méthode mixte. Le tableau distingue également les mesures pour les réponses à court, moyen et long terme. La sélection des orientations stratégiques clés et des actions politiques décrites est basée sur les preuves de ce qui fonctionne pour combler les écarts entre les sexes dans l’éducation en Afrique subsaharienne.20 Les résultats qualitatifs ont permis d’identifier les orientations stratégiques suivantes : • Orientation stratégique 1 : lever les obstacles financiers à l’accès, au maintien et à l’achèvement de la scolarité. • Orientation stratégique 2 : s’attaquer aux obstacles liés aux infrastructures scolaires et à la mauvaise qualité de l’enseignement. • Orientation stratégique 3 : éliminer les obstacles sexospécifiques à l’accès à la scolarisation, en particulier ceux liés au mariage d’enfants et aux grossesses précoces. • Orientation stratégique 4 : améliorer les taux d’alphabétisation des femmes adultes. À court terme, il est possible de faciliter l’accès à la scolarité pour tous les enfants et pour les filles en particulier en réduisant les coûts financiers de l’éducation, par exemple en mettant en place des subventions scolaires efficaces et en garantissant le paiement des salaires des enseignants à temps et de manière transparente. Une autre priorité essentielle pour Madagascar est la mise en œuvre de la réforme proposée pour aligner les calendriers scolaires et agricoles. En ce qui concerne les infrastructures, la réponse à court terme pourrait inclure la mise à disposition de moyens de transport sûrs et fiables et la reprise des initiatives de cantines scolaires. Enfin, l’adoption de réglementations visant à encourager les jeunes filles enceintes à reprendre leurs études sans passer par des processus complexes de retrait et de réinscription apportera probablement des gains significatifs à court terme pour les résultats scolaires des filles. Le tableau 1 20 Dans le cadre du programme Gender Data for Policy, un examen des études d’évaluation d’impact a été effectué pour recueillir des preuves en Afrique subsaharienne sur ce qui fonctionne pour combler les écarts entre les hommes et les femmes. La recherche a porté sur des mémoires, des articles publiés et des documents de travail datant de 2000 et plus, publiés sur l’Open Knowledge Repository de la Banque mondiale et sur l’Evidence Hub de l’Initiative internationale pour l’évaluation d’impact. Les études sélectionnées ont été limitées à celles estimant les impacts causaux, soit par des méthodes expérimentales ou quasi-expérimentales. Sur un total de 460 études identifiées, 162 ont été sélectionnées et examinées. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 37 résume les principaux obstacles identifiés, les orientations stratégiques potentielles et les recommandations politiques pour aider les filles et les jeunes femmes de Madagascar à achever leur scolarité. Tableau 1. Recommandations en matière de politique pour aider les filles et les jeunes femmes à achever leurs scolarités Obstacles Durée Recommandations politiques Orientation stratégique 1 : lever les obstacles financiers à l’accès, au maintien et à l’achèvement de la scolarité Coûts prohibitifs de la Court terme • Mettre en œuvre des subventions scolaires efficaces en allouant des ressources à la scolarisation politique Zéro ariary et en les déboursant à temps. • Veiller à ce que les salaires et les subventions des enseignants soient pris en charge par l’État et non par les parents. Forte implication des Court terme • Reprendre les efforts pour mettre en œuvre la réforme visant à aligner les calendriers enfants dans les emplois/ scolaires et agricoles. les travaux agricoles Moyen terme • Offrir un soutien financier aux familles vulnérables par le biais d’allocations familiales et/ ou d’incitations financières par le biais de transferts monétaires inconditionnels, de bons d’études et de bourses d’études. Malnutrition ; insécurité Moyen terme alimentaire • Développer le programme gouvernemental de cantines dans les écoles, en mettant l’accent sur les zones les plus pauvres et les plus vulnérables. • Renforcer l’autonomie économique des ménages en leur fournissant des bons d’alimentation/des subventions. Orientation stratégique 2 : s’attaquer aux obstacles liés aux infrastructures scolaires et à la mauvaise qualité de l’enseignement Rareté et éloignement des Court terme • Offrir des options de transport sûres et abordables. écoles Long terme • Améliorer la disponibilité et l’accès aux écoles, en particulier dans les zones reculées. • Construire des internats pour les jeunes filles des zones rurales ou isolées. Manque d’infrastructures Long terme • Améliorer les infrastructures et les équipements scolaires (salles de classe, installations scolaires adéquates et EAH, approvisionnement en électricité, toilettes séparées) résistantes au climat • Assurer les infrastructures scolaires contre les risques liés au climat et prévoir des mécanismes de réparation. Manque d’enseignantes Moyen terme qualifiées • Recruter davantage d’enseignants fonctionnaires, en particulier des enseignantes. Mauvaise qualité de Moyen terme • Améliorer les conditions de travail des enseignants et assurer le paiement des salaires l’enseignement ; barrière dans les délais. de la langue • Dispenser un enseignement (de qualité) dans la langue maternelle au-delà des premières années de scolarité. Orientation stratégique 3 : éliminer les obstacles sexospécifiques à l’accès à la scolarisation, en particulier ceux liés aux mariages d’enfants et aux grossesses précoces Violence liée au sexe en Moyen terme • Adopter et appliquer des politiques de lutte contre le harcèlement sexuel. milieu scolaire • Mettre en place un mécanisme de plainte adapté aux enfants pour signaler les cas de mauvaise conduite des enseignants. Moyen terme • Intégrer la sensibilisation à la violence liée au genre dans les programmes scolaires et dans les exigences de certification des enseignants. L’action limitée des filles Long terme et le manque de contrôle • Développer des programmes d’autonomisation des adolescents afin d’encourager les filles sur leur vie à terminer leur scolarité. • Fournir un mentorat et des modèles féminins. 38 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 Obstacles Durée Recommandations politiques Mariage d’enfants et Court terme • Adopter des réglementations pour encourager les jeunes filles enceintes à reprendre leurs grossesse chez les études sans avoir à se soumettre à des procédures complexes de retrait et de réinscription. adolescentes Moyen terme • Apporter un soutien financier aux mères adolescentes pour qu’elles poursuivent et achèvent leurs études. • Promouvoir des attitudes positives à l’égard de la scolarisation des filles enceintes et des mères adolescentes. Orientation stratégique 4 : améliorer les taux d’alphabétisation des femmes adultes Problème identifié Recommandations politiques Faibles niveaux Moyen terme • Proposer des cours d’alphabétisation de base aux femmes adultes avec des horaires d’alphabétisation chez les flexibles et des services de garde d’enfants. femmes adultes • Organiser des réunions communautaires hebdomadaires/mensuelles et des espaces sûrs pour les femmes adultes, avec des cours d’alphabétisation. Source : Banque mondiale. Note : EAH = eau, assainissement et hygiène ; VBG = violence basée sur le genre. Orientation stratégique 1 : lever les obstacles financiers à l’accès, au maintien et à l’achèvement de la scolarité Tout d’abord, la levée des obstacles financiers à la scolarisation est une stratégie prometteuse pour améliorer les résultats scolaires de tous et des filles en particulier, surtout au regard du contexte de pauvreté et de manque de moyens. À cet égard, les politiques prioritaires pour Madagascar consisteraient à mettre en œuvre des subventions scolaires efficaces en allouant des ressources à la « Politique Zéro ariary » et en les déboursant en temps opportun, et à s’assurer que les salaires et les subventions aux enseignants sont couverts par l’État, et non par les parents. Les programmes de subvention des frais de scolarité sont positivement associés à l’amélioration des taux de scolarisation et d’abandon des filles et à l’augmentation des aspirations professionnelles, selon les données du Bénin (Koumassa, Olapade et Wantchekon 2021), du Kenya (Duflo, Dupas et Kremer 2015) et du Zimbabwe (Dion Hallfors et al. 2015). En outre, les transferts d’argent ciblant les adolescentes et/ou leurs parents semblent également être l’une des interventions les plus efficaces pour augmenter la scolarisation et l’assiduité (Akresh, De Walque, et Kazianga 2016 ; Baird et al. 2009 ; Kim 2016). Compte tenu des preuves mitigées sur les impacts des TC conditionnels, il serait recommandé pour Madagascar d’introduire des TC inconditionnels pour s’assurer que les filles/jeunes femmes ne soient pas poussées à subvenir financièrement aux besoins de leurs familles, et pour prévenir tout risque potentiel de ces programmes sur les grossesses chez les adolescentes.21 Des approches plus ciblées pour subventionner d’autres coûts liés à l’enseignement secondaire sont également nécessaires, par exemple le matériel scolaire et les uniformes au profit des familles vulnérables. L’extension des programmes de repas subventionnés dans les cantines scolaires peut également contribuer à encourager l’assiduité et à améliorer les performances des enfants les plus vulnérables tout en 21 Il convient de noter l’augmentation du nombre de grossesses chez les adolescentes observée chez les bénéficiaires de TC conditionnels au Malawi lorsqu’elles ont abandonné leurs études par rapport aux bénéficiaires de TC inconditionnels, ce qui montre qu’il existe des compromis importants entre les différents objectifs en matière de capital humain (Baird et al. 2009). Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 39 répondant à leurs besoins nutritionnels, comme le montre un programme mis en place à Madagascar (PAM 2020). L’évaluation qualitative souligne l’importance de réformer le calendrier scolaire afin de résoudre le problème de l’absentéisme des élèves et des enseignants pendant les saisons agricoles. Madagascar est le seul pays d’Afrique australe dont l’année scolaire s’étend d’octobre à mai, à l’instar du calendrier scolaire de l’hémisphère nord. Toutefois, comme l’ont signalé les participants à l’étude, ce calendrier pose des problèmes d’accès à l’école pendant les saisons de culture et d’élevage pour les enfants qui ont des tâches agricoles et pour les enseignants ruraux qui sont souvent eux-mêmes agriculteurs. Il est donc nécessaire d’élaborer un calendrier scolaire plus adapté au pays, à travers des consultations publiques, en tenant compte des différences régionales et géographiques, afin d’accroître la fréquentation et le maintien dans le système scolaire. Orientation stratégique 2 : s’attaquer aux obstacles liés aux infrastructures scolaires et à la mauvaise qualité de l’enseignement Rendre les écoles accessibles dans les zones rurales et isolées et développer les infrastructures scolaires pourrait également contribuer à augmenter les taux de scolarisation et de fréquentation. À cet égard, les interventions générales telles que la construction et l’équipement des écoles et le développement des infrastructures scolaires peuvent être bénéfiques pour tous les élèves et pour les filles en particulier (Evans et Yuan 2019). Des données provenant d’Afrique subsaharienne montrent que la construction de nouvelles écoles augmente les taux de scolarisation des filles (Dumitrescu et al. 2011), tandis que la présence de latrines et de réservoirs d’eau potable favorise la réduction de l’absentéisme chez les élèves (Freeman et al. 2012). En outre, la gratuité du transport à destination et en provenance de l’école peut être une stratégie prometteuse pour améliorer les résultats scolaires des filles (Porter 2010, 2014). Plusieurs participants à l’évaluation qualitative ont mentionné la disponibilité d’internats adéquats pour les filles des zones reculées comme un moyen potentiel de lever les obstacles physiques à l’accès. Le recrutement d’enseignantes qualifiées et la qualité de l’enseignement doivent être améliorés. Des efforts adéquats doivent être déployés pour améliorer le recrutement d’enseignants fonctionnaires, remédier à la pénurie d’enseignants et améliorer de manière générale les conditions de travail des enseignants (UNESCO 2015a, 2016). Certains systèmes éducatifs récompensent les enseignants en fonction de leurs performances, ce qui encourage la motivation et les efforts pour améliorer les résultats de l’apprentissage (UNESCO 2016). Ces récompenses peuvent prendre la forme d’allocations ciblées, de primes et d’incitations financières et non financières, y compris des pensions et d’autres formes de sécurité sociale et de droits à congé. En outre, il est conseillé de recruter davantage d’enseignantes, en particulier au niveau de l’enseignement secondaire. Les données relatives à l’Afrique subsaharienne montrent que le recrutement d’un plus grand nombre d’enseignantes est positivement associé à 40 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 une augmentation de la scolarisation des filles (Herz 2002), de la fréquentation scolaire (Banerjee et Kremer 2002), des résultats scolaires et des notes obtenues aux tests (Agyapong 2018), et de la motivation à apprendre (Bages, Verniers, et Martinot 2016). En outre, il sera nécessaire d’explorer les alternatives qui offrent un apprentissage dans les langues maternelles. Des résultats de recherche montrent que l’éducation de base devrait être dispensée dans la première langue (langue maternelle) des enfants. L’enseignement dans la langue maternelle présente de nombreux avantages pour le développement des acquis cognitifs des enfants, ainsi que pour le renforcement de leur identité culturelle et de leur compréhension d’eux-mêmes. Si la langue d’enseignement diffère de la première langue des enfants, il en résultera des difficultés cognitives et pédagogiques et une aliénation culturelle (Dahl 2011). La plupart de la population de Madagascar parle une variante du malgache au quotidien, sans aucune occasion naturelle d’entendre ou de pratiquer autre chose (Thornell et Legère 2011). Les arguments en faveur de l’enseignement dans la langue maternelle en Afrique et la promotion de cette tendance se sont multipliés ces dernières années (Kioko et al. 2014 ; Piper, Zuilkowski et Ong’ele 2016 ; UNESCO 2018). Orientation stratégique 3 : éliminer les obstacles sexospécifiques à l’accès à la scolarisation, en particulier ceux liés aux mariages d’enfants et aux grossesses précoces La lutte contre les violences basées sur le genre l’école est une stratégie importante pour améliorer les résultats scolaires des filles. Une stratégie prometteuse pour Madagascar - comme observé pour la région - pourrait impliquer des politiques de lutte contre le harcèlement sexuel et des mécanismes d’application des lois pour les enseignants, le personnel et les apprenants (Voir Beninger 2013 pour les exemples au Ghana et au Kenya). Une autre stratégie prometteuse pour protéger les élèves contre les abus perpétrés par les enseignants consiste à mettre en place un mécanisme de plainte adapté aux enfants (UNICEF 2019). Des données provenant de divers pays montrent que l’adoption d’un tel mécanisme dans différents contextes (écoles, soins de santé et autres) aide à faire entendre les voix des enfants, à reconnaître les abus et à prendre des mesures pour y remédier et les prévenir à l’avenir (UNICEF 2019). En outre, d’autres actions prioritaires pour Madagascar consistent à renforcer les aspirations des filles en matière d’éducation et à leur donner les moyens d’achever leurs études. Des données régionales montrent que la mise en œuvre de programmes d’autonomisation des adolescents contribuerait à accroître la scolarisation des filles et leur maintien à l’école. Par exemple, le programme Berhane Hewan en Éthiopie, qui combine une campagne de sensibilisation et un mentorat pour les jeunes femmes, a été associé à des améliorations spectaculaires de l’inscription et de la fréquentation scolaire des filles, ainsi qu’à des effets positifs sur l’âge du mariage, les connaissances en matière de santé reproductive et l’utilisation des contraceptifs (Erulkar et Muthengi 2009). Enfin, étant donné que le mariage d’enfants et les grossesses précoces sont parmi les principales raisons pour lesquelles les jeunes femmes abandonnent Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 41 l’école, des efforts devraient être entrepris non seulement pour renforcer l’action des filles et les encourager à retarder la formation de la famille précoce,22 mais aussi pour soutenir les filles enceintes et les mères adolescentes qui souhaitent continuer ou retourner à l’école. En termes de scolarisation, Madagascar dispose de politiques de réintégration spécifiques qui fixent des conditions pour les filles enceintes et les mères adolescentes (HRW 2022). Pour alléger le fardeau des grossesses précoces, il faut relever simultanément trois défis : (1) créer une base juridique favorable à la scolarisation des filles enceintes et des mères adolescentes, (2) promouvoir des normes sociales et des attitudes positives à l’égard des filles enceintes, et (3) alléger le fardeau financier de la garde des enfants. Ces défis peuvent être relevés grâce à des programmes ciblés qui apportent un soutien financier et/ou une aide à la garde des enfants pour les jeunes mères (Groves et al. 2021 ; Joachim et al. 2022). Ces efforts peuvent être combinés avec le programme de cours de remise à niveau récemment mis en œuvre à Madagascar, qui vise à soutenir la réintégration scolaire des apprenants qui ont abandonné l’école en leur apportant un soutien financier et matériel (Ralaiarijoana 2022). Orientation stratégique 4 : améliorer les taux d’alphabétisation des femmes adultes L’analphabétisme très répandu chez les femmes adultes à Madagascar fait qu’il est tout aussi important de se pencher sur les modèles de scolarisation des adultes. Des preuves provenant de divers pays d’Afrique subsaharienne (Angola, Mozambique et Niger) montrent que les centres spécifiquement destinés aux femmes et gérés par la société civile ou par des mentors formés au sein de la communauté sont efficaces pour accroître les compétences de base des femmes en matière d’alphabétisation (UNESCO 2015b, 2019). Le fait que les cours se déroulent dans une langue locale et qu’ils soient animés par un membre de la communauté rend ces modèles particulièrement efficaces. Un autre modèle prometteur est le programme de scolarisation mère-enfant piloté au Nigeria, qui permet aux femmes d’assister aux cours d’alphabétisation avec leurs jeunes enfants, qui peuvent jouer dans des espaces spécifiquement dédiés pendant les cours. Ce programme a permis d’augmenter les taux d’alphabétisation et de scolarisation des femmes, avec des retombées positives sur la fréquentation scolaire, les performances et les résultats d’apprentissage de leurs enfants (UNESCO 2013). De nombreuses données régionales montrent également que les programmes de mobilisation communautaire (tels que TOSTAN au Sénégal et le Programme intégré d’autonomisation des femmes en Éthiopie) ont permis de promouvoir l’alphabétisation des femmes adultes, entre autres résultats (UNESCO 2013). 22 Voir la note 2, «Défis et opportunités dans le domaine de la santé», et la note 4, «Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes». 42 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 Annexe A. Méthodologie de l’étude qualitative préliminaire Le présent rapport est basé sur des données qualitatives collectées dans trois régions de Madagascar en juin et juillet 2022. Avant la collecte de données qualitatives auprès des jeunes femmes et des parents d’adolescentes, les données quantitatives existantes ont été analysées, suivies d’une revue de la littérature, d’un examen du système juridique actuel et de 10 entretiens avec des informateurs clés. Les informateurs clés interrogés comprenaient des représentants des institutions gouvernementales concernées, des partenaires de développement, des chercheurs, des organisations non gouvernementales actives dans les domaines concernés et des activistes. Les entretiens ont consisté en une série de questions visant à expliquer les expériences des filles et des jeunes femmes en matière de scolarisation, de formation de la famille et de participation au marché du travail. Les entretiens avec les informateurs clés ont permis de débattre des obstacles, des facteurs de facilitation et d’autres aspects importants des écarts observés entre les hommes et les femmes dans le pays. Les résultats des entretiens ont permis de définir la conception et les domaines d’intérêt de la recherche qualitative qui a été réalisée. Sur la base de ces entretiens avec des informateurs clés, de l’analyse préliminaire des données quantitatives et de la revue de la littérature, un effort ultérieur de collecte de données qualitatives a porté sur l’exploration des problèmes rencontrés par les jeunes femmes à Madagascar. La recherche qualitative globale visait à générer des connaissances sur une série de déterminants qui contribuent aux inégalités entre les sexes en matière de scolarisation, de formation de la famille, d’emploi et d’accès aux soins de santé, avec un accent particulier sur les adolescentes et les jeunes femmes. S’appuyant sur une approche fondée sur le cycle de vie, l’étude a porté sur les problèmes auxquels les jeunes femmes de certaines régions sont confrontées dans leurs parcours scolaires, familiaux et professionnels. La présente recherche a respecté les principes de protection des sujets humains énoncés dans le rapport Belmont (Commission nationale pour la protection des sujets humains dans la recherche biomédicale et comportementale, 1979) et dans le document de l’Organisation mondiale de la santé intitulé «Les femmes d’abord : Recommandations en matière d’éthique et de sécurité pour la recherche sur la violence domestique à l’égard des femmes» (OMS 2001). Tous les protocoles de recherche ont été soumis à l’approbation d’un comité d’examen éthique avant la collecte des données. En outre, tous les protocoles de l’Organisation mondiale de la santé et ceux relatifs à la COVID-19 au plan national ont été respectés afin de garantir la sécurité de l’équipe de recherche et des participants. La collecte de données qualitatives s’est déroulée dans trois régions afin de refléter la diversité géographique de Madagascar. En outre, les régions sélectionnées diffèrent de manière significative en termes de disparités de genre observées (tableau A.1). En particulier, la région Analamanga était représentée par la capitale Antananarivo, qui affiche la plus faible proportion de femmes analphabètes (8,7 pour cent) et la plus faible proportion de femmes âgées de 20 à 24 ans qui se sont mariées avant l’âge de Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 43 18 ans (17,9 pour cent) (EDS 2021). À Antananarivo, deux communautés urbaines ont été choisies avec une concentration d’entreprises industrielles, de commerces et de magasins dans chaque zone. Les régions d’Atsimo-Atsinanana et de Sofia ont été choisies parce qu’elles présentent des taux élevés d’analphabétisme chez les femmes adultes (54 % et 25 %, respectivement) et des taux élevés de prévalence du mariage d’enfants (54,5 % et 65 %, respectivement, des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées pour la première fois avant l’âge de 18 ans) (EDS 2021). Les districts de Mandritsara (région de Sofia) et de Vangaindrano (région d’Atsimo-Atsinanana) ont été sélectionnés parce qu’ils présentent d’importantes disparités entre les sexes – en faveur des garçons– dans les taux d’inscription et de fréquentation de l’école secondaire. Tableau A.1. Justification du choix des régions pour l’étude Analamanga (capital Atsimo-Atsinanana Sofia Antananarivo) Taux d'analphabétisme 8,7 pour cent 54 pour cent 25 pour cent des femmes Sofia Taux de mariage 17,9 pour cent 54,5 pour cent 65 pour cent d'enfants Antananarivo Taux net de fréquentation de 54,8 % (contre 45 % 16,5 % (contre 23,1 % 21,6 % (contre 22 % l'enseignement pour les garçons) pour les garçons) pour les garçons) Atsimo secondaire Atsinanana Source : Banque mondiale. La collecte des données s’est faite à l’aide des trois principaux instruments suivants : 1. Entretiens avec un large éventail de représentants des secteurs de l’éducation, de la santé et du privé, des chefs religieux et traditionnels, des élus et des représentants de la société civile. 2. Discussions de groupe avec des femmes âgées de 25 à 34 ans et des mères et pères d’adolescentes. En raison des considérations liées à la COVID-19, chaque groupe de discussion était composé de cinq personnes au maximum. 3. Entretiens approfondis avec des jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans et des mères d’adolescentes. Un sous-échantillon de jeunes femmes pour les entretiens individuels approfondis était composé de DP. L’approche DP implique de mettre l’accent sur la recherche d’individus confrontés à des défis et contraintes similaires à ceux de leurs pairs non DP, mais qui utilisent des stratégies et des comportements qui les aident à surmonter ces contraintes et à obtenir des résultats positifs qui sont 44 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 inhabituels dans leur propre contexte. L’avantage de l’approche DP est la capacité d’identifier des solutions que certains individus utilisent déjà (Pascale et Monique 2010). Dans cette étude, les DP sont des jeunes femmes qui (1) ont achevé l’école secondaire sans interruption, (2) ont repris l’école après un décrochage, (3) ont suivi une formation professionnelle, ou (4) ont lancé leurs propres petites entreprises. Les guides d’entretien pour les différents groupes de personnes interrogées ou les groupes de discussion comprenaient des questions relatives à la scolarisation, à la formation de la famille et à la participation au marché du travail des jeunes femmes à Madagascar. Les autorités locales, en particulier les fokontany (chefs), ont soutenu le recrutement des participantes aux entretiens individuels approfondis et aux discussions de groupe. L’équipe de recherche leur a fourni les critères souhaités ainsi que les quotas à atteindre pour chaque sous-échantillon de participantes. Les autorités locales ont ensuite été chargées d’identifier les participants potentiels. Les volontaires qui venaient s’inscrire étaient sélectionnés pour s’assurer qu’ils répondaient aux critères (âge, statut de parent d’une adolescente, niveau de scolarisation, etc.) En outre, l’échantillonnage boule de neige a complété l’échantillonnage basé sur le volontariat pour identifier les quatre types de DP. Le tableau A.2 présente un résumé des participants à l’étude, de leur région et des activités auxquelles ils ont participé. Tableau A.2. Répartition des participants à l’étude, par région et par instrument de collecte des données Atsimo- Région Analamanga Sofia Atsinanana FGD IDI KII FGD IDI KII FGD IDI KII Jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans 2 3 2 2 2 2 Jeunes femmes âgées de 25 à 34 ans 2 2 2 Mères d'adolescentes 1 2 2 2 2 2 Pères d'adolescentes 1 2 2 DP (diplôme de fin d'études secondaires) 1 1 2 DP (a réintégré l'école après avoir 1 2 abandonné) DP (formation professionnelle achevée) 1 1 DP (création d'une petite entreprise) 1 2 Représentants de la société civile 1 1 Représentants du secteur de l'éducation 1 2 1 Représentants du secteur de la santé 1 1 Chefs religieux et traditionnels 1 1 2 Représentants du secteur privé 1 Les élus locaux 1 1 Total 6 8 6 8 9 5 8 8 4 Source : Banque mondiale. Note : FGD = discussion de groupe ; IDI = entretien approfondi ; KII = entretien avec un informateur clé; DP = déviante positive. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 45 Tous les entretiens individuels et les discussions de groupe menés en langue malgache ont été enregistrés, transcrits et traduits en français. Le codage générique, une méthode de codage qui implique la classification des déclarations de chaque personne interrogée dans des codes thématiques préalablement établis, a été utilisé (Huberman et Miles 2003). Au fur et à mesure que de nouvelles informations étaient disponibles, la liste des codes préétablis était revue et élargie. L’équipe a rencontré plusieurs difficultés au cours de son travail sur le terrain. Elle s’est heurtée à la barrière linguistique dans la région d’Atsimo-Atsinanana. La plupart des discussions de groupe se sont déroulées en présence du point focal, qui assurait la traduction du dialecte local vers le malgache officiel et vice versa. Comme cette traduction n’a eu lieu qu’à la fin de chaque discussion afin de ne pas couper les réponses des personnes interrogées, il est possible que la reformulation ait déformé certains commentaires. En outre, de nombreux déterminants tels que l’attitude de l’enquêteur, le statut social de la personne interrogée et les tabous existants entrent en jeu dans les situations d’entretien, affectant l’authenticité et la richesse des informations collectées. Ces facteurs ont suscité des réactions décrites par certaines des personnes interrogées au cours des différents entretiens, notamment l’inhibition (qui s’est manifestée par des réponses abruptes et peu développées au cours des entretiens ou par une participation limitée aux discussions des groupes de discussion) ou des attitudes défensives (en particulier dans le cas d’un chef traditionnel de la région d’Atsimo-Atsinanana). 46 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 Références Aguirre, D., L. Hoteit, C. Rupp, and K. Sabbagh. 2012. “Empowering the Third Billion: Women and the World of Work in 2012.” Booz and Company. Agyapong, E. 2018. “Representative Bureaucracy: Examining the Effects of Female Teachers on Girls’ Education in Ghana.”  International Journal of Public Administration 41 (16): 1338–50. Allendorf, K. 2007. “Do Women’s Land Rights Promote Empowerment and Child Health in Nepal?” World Development 35 (11): 1975–88. Akresh, R., D. De Walque, and H. Kazianga. 2016. “Evidence from a Randomized Evaluation of the Household Welfare Impacts of Conditional and Unconditional Cash Transfers Given to Mothers or Fathers.” Policy Research Working Paper 7730, World Bank, Washington, DC. Arraiz, I., and C. Calero. 2015.  “From Candles to Light: The Impact of Rural Electrification.” IDB Working Paper IDB-WP-599, Inter-American Development Bank. Ashburn, K., B. Kerner, D. Ojamuge, and R. Lundgren. 2017. “Evaluation of the Responsible, Engaged, and Loving (REAL) Fathers Initiative on Physical Child Punishment and Intimate Partner Violence in Northern Uganda.” Prevention Science 18 (7): 854–64. Bages, C., C. Verniers, and D. Martinot. 2016. “Virtues of a Hardworking Role Model to Improve Girls’ Mathematics Performance.” Psychology of Women Quarterly 40 (1): 55–64. Baird, S., E. Chirwa, C. McIntosh, and B. Özler. 2009. “The Short-Term Impacts of a Schooling Conditional Cash Transfers Program on the Sexual Behavior of Young Women.” Policy Research Working Paper 5089, World Bank, Washington, DC. Baird, S., E. Chirwa, J. de Hoop, and B. Özler. 2013. “Girl Power: Cash Transfers and Adolescent Welfare: Evidence from a Cluster Randomized Experiment in Malawi.” NBER Working Paper 19479, National Bureau of Economic Research, Cambridge, MA. Banerjee, A., and M. Kremer. 2002. Teacher-Student Ratios and School Performance in Udaipur, India: A Prospective Evaluation. Cambridge, MA: Harvard University. Banerjee, M., K. Schenke, A. Lam, and J. S. Eccles. 2018. “The Roles of Teachers, Classroom Experiences, and Finding Balance: A Qualitative Perspective on the Experiences and Expectations of Females within STEM and Non-STEM Careers.” International Journal of Gender, Science and Technology 10 (2): 287–307. Bean, R. A., K. Bush, P. McKenry, and S. Wilson. 2003. “The Impact of Parental Support, Behavioral Control, and Psychological Control on the Academic Achievement and Self-Esteem of African American and European American Adolescents.”  Journal of Adolescent Research 18 (5): 523-–41. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 47 Beninger, C. 2013. “Combating Sexual Violence in Schools in Sub-Saharan Africa: Legal Strategies under Regional and International Human Rights Law.”  African Human Rights Law Journal 13 (2): 281–301. Bergstrom, K., and B. Özler. 2021. Improving the Well-Being of Adolescent Girls in Developing Countries. Washington, DC: World Bank. Bertilsson, K., and L. Constantinou. 2018. “Electrification and Children’s Education: A Cross-Country Analysis.” Master’s Thesis in Economics, School of Business, Economics, and Law, University of Gothenburg. Bhana, D. 2015. “When Caring Is Not Enough: The Limits of Teachers’ Support for South African Primary Schoolgirls in the Context of Sexual Violence.” International Journal of Educational Development 41: 262–70. Björkman-Nyqvist, M. 2013. “Income Shocks and Gender Gaps in Education: Evidence from Uganda.” Journal of Development Economics 105: 237–53. Botea, I., S. Chakravarty, S. Haddock, and Q. Wodon. 2017. “Interventions Improving Sexual and Reproductive Health Outcomes and Delaying Child Marriage and Childbearing for Adolescent Girls.” Ending Child Marriage Notes Series, World Bank, Washington, DC. Branson, N., and T. Byker. 2018. “Causes and Consequences of Teen Childbearing: Evidence from a Reproductive Health Intervention in South Africa.” Journal of Health Economics 57: 221–35. Cas, A. G., E. Frankenberg, W. Suriastini, and D. Thomas. 2014. “The Impact of Parental Death on Child Well-Being: Evidence from the Indian Ocean Tsunami.” Demography 51 (2): 437–57. Colclough, C., P. Rose, and M. Tembon. 2000. “Gender Inequalities in Primary Schooling: The Roles of Poverty and Adverse Cultural Practice.”  International Journal of Educational Development 20 (1): 5–27. Dahl, Ø. 2011. “Linguistic Policy Challenges in Madagascar.” In North-South Contributions to African Languages, edited by C. Thornell and K. Legère, 51–79. Cologne: Rüdiger Köppe. Dasgupta, A., and A. Karandikar. 2021. “Gender Gap in Learning Outcomes under Rainfall Shocks: The Role of Gender Norms.” Working Paper 70, Department of Economics, Ashoka University. Diamond, I., M. Newby, and S. Varle. 1998. “Female Education and Fertility: Examining the Links.” In Critical Perspectives on Schooling and Fertility in the Developing World edited by C. Bledsoe, J. Casterline, J. Johnson-Kuhn, and J. Haaga. National Academies Press. Dion Hallfors, D., H. Cho, S. Rusakaniko, J. Mapfumo, B. Iritani, L. Zhang, W. Luseno, and T. Miller. 2015. “The Impact of School Subsidies on HIV-Related Outcomes among Adolescent Female Orphans.” Journal of Adolescent Health 56 (1): 79–84. 48 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 Duflo, E., P. Dupas, and M. Kremer. 2015. “Education, HIV, and Early Fertility: Experimental Evidence from Kenya.” American Economic Review 105 (9): 2757–97. Dumitrescu, A., D. Levy, C. Orfield, and M. Sloan. 2011. Impact Evaluation of Niger’s IMAGINE Program: Final Report. Princeton, NJ: Mathematica Policy Research, Inc. Erulkar, A., and E. Muthengi. 2009. “Evaluation of Berhane Hewan: A Program to Delay Child Marriage in Rural Ethiopia.” International Perspectives on Sexual and Reproductive Health 35 (1): 6–14. Evans, D., S. Hausladen, K. Kosec, and N. Reese. 2014. Community-Based Conditional Cash Transfers in Tanzania: Results from a Randomized Trial. Washington, DC: World Bank. Evans, D. K., and F. Yuan. 2019. “What We Learn about Girls’ Education from Interventions That Do Not Focus on Girls.” Policy Research Working Paper 8944, World Bank, Washington, DC. Freeman, M. C., L. E. Greene, R. Dreibelbis, S. Saboori, R. Muga, B. Brumback, and R. Rheingans. 2012. “Assessing the Impact of a School-Based Water Treatment, Hygiene and Sanitation Programme on Pupil Absence in Nyanza Province, Kenya: A Cluster- Randomized Trial.” Trop Med Int Health 17 (3): 380–91. Gamero Burón, C., and G. Lassibille. 2016. “Job Satisfaction among Primary School Personnel in Madagascar.” Journal of Development Studies 52 (11): 1628–46. GPE Secretariat. 2017. “3 Examples of Mother Tongue Education.” Education for All (blog), February 21, 2017. https://www.globalpartnership.org/ blog/3-examples-mother-tongue-education. Groves, A. K., Gebrekristos, L. T., McNaughton Reyes, L., Moddley, D., Raziano, V., and S. Maman. 2021. “A Mixed-Methods Study of Resilience and Return to School among Adolescent Mothers in South Africa.” Global Public Health 17 (9): 2111–24. Gunderson, E. A., G. Ramirez, S. C. Levine, and S. L. Beilock. 2012. “The Role of Parents and Teachers in the Development of Gender-Related Math Attitudes.” Sex Roles 66: 153–66. Habib, K., M. Shafiq, G. Afshan, and F. Qamar. 2019. “Impact of Education and Employment on Women Empowerment.”  European Online Journal of Natural and Social Sciences: Proceedings 8 (3). Harivola, S. 2021. “Gender Analysis of SRH and Climate Resilience in Madagascar: Anosy and Diana Regions.” CARE UK. Herz, B. 2002. “Universal Basic Education: What Works.” Paper prepared for the Coalition for Basic Education, Academy for Educational Development, Washington, DC. Herz, B., and G. Sperling. 2004. “What Works in Girls’ Education: Evidence and Policies from the Developing World.” New York: Council on Foreign Relations. HRW (Human Rights Watch). 2022. “A Brighter Future: Empowering Pregnant Girls and Adolescent Mothers to Stay in School.” Human Rights Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 49 Watch. https://www.hr w.org /video-photos/ interactive/2022/08/29/ brighter-future-empowering-pregnant-girls-and-adolescent. Huberman, A. M., and M. B. Miles. 2003 [1994]. Analyse des Données Qualitatives: Recueil de Nouvelles Méthodes. Brussels: De Boeck. ILO (International Labour Organization). 2013. Ending Child Labour in Domestic Work and Protecting Young Workers from Abusive Working Conditions. ILO, Geneva. Jochim, J., F. Meinck, E. Toska, K. Roberts, C. Wittesaele, N. Langwenya, and L. Cluver. 2022. “Who Goes Back to School after Birth? Factors Associated with Postpartum School Return among Adolescent Mothers in the Eastern Cape, South Africa.” Global Public Health, April 7, 2022, 1–15. Kellum, J., H. Randrianarimanana, L. Andrianaivosoa, and S. Telingator. 2020. USAID/ Madagascar Gender Analysis Report. Washington, DC: USAID. Kim, B. 2016. “Short-Term Impacts of a Cash Transfers Program for Girls’ Education on Academic Outcomes: Evidence from a Randomized Evaluation in Malawian Secondary Schools.” Seoul Journal of Economics 29 (4): 553. http://sje.ac.kr/ xml/26526/26526.pdf. Kioko, A. N., R. W. Ndung’u, M. C. Njoroge, and J. Mutiga. 2014. “Mother Tongue and Education in Africa: Publicising the Reality.” Multilingual Education 4: 18. Klugman, J., L. Hanmer, S. Twigg, T. Hasan, J. Mccleary-Sills, and J. Santamaria. 2014. Voice and Agency: Empowering Women and Girls for Shared Prosperity. Washington, DC: World Bank. Koumassa, L., M. Olapade, and L. Wantchekon. 2021. “Impact Evaluation of the Promotion of Girls’ Education in Benin.” 3ie Grantee Final Report, International Initiative for Impact Evaluation. Kwauk, C., and A. Braga. 2017. “Three Platforms for Girls’ Education in Climate Strategies.” Brookings Institution, Washington, DC. Levine, R., C. B. Lloyd, M. Greene, and C. Grown. 2008. Girls Count: A Global Investment & Action Agenda. Washington DC: Center for Global Development. Li, Q. 1999. “Teachers’ Beliefs and Gender Differences in Mathematics: A Review.” Educational Research 41: 63–76. Lomas, T. 2013. “Critical Positive Masculinity.” Masculinities & Social Change 2: 167–93. Machado, A. L., and M. Muller. 2018.  “‘If It’s Already Tough, Imagine for Me...’: A Qualitative Perspective on Youth Out of School and Out of Work in Brazil.” Policy Research Working Paper 8358, World Bank, Washington, DC. Mouganie, P. and Y. Wang. 2020. “High-Performing Peers and Female Stem Choices in School.” Journal of Labor Economics 38 (3): 805–41. 50 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 Mulugeta, G. 2021. “The Role and Determinants of Women Labor Force Participation for Household Poverty Reduction in Debre Birhan Town, North Shewa Zone, Ethiopia.” Cogent Economics & Finance 9 (1): 1892927. National Commission for the Protection of Human Subjects of Biomedical and Behavioral Research. 1979. “The Belmont Report.” US Department of Health, Education, and Welfare. Pascale, R., and S. J. S. Monique. 2010. The Power of Positive Deviance. Harvard Business Press. Patrikakou, E. N. 1997. “A Model of Parental Attitudes and the Academic Achievement of Adolescents.” Journal of Research & Development in Education 31 (1): 7–26. Perisic, M., M, Komarecki, and A. Minujin. 2012. Adolescent Girls, Cornerstone of Society: Building Evidence and Policies for Inclusive Societies. New York: New School University. Piper, B., S. S. Zuilkowski, and S. Ong’ele. 2016. “Implementing Mother Tongue Instruction in the Real World: Results from a Medium-Scale Randomized Controlled Trial in Kenya.” Comparative Education Review 60 (4). Population Council. 2019. “Sahel Women’s Empowerment and Demographic Dividend ( S W E D D ) .” h t t p s : / / w w w. p o p co u n c i l . o r g / r e s e a r c h / sahel-womens-empowerment-and-demographic-dividend-swedd. Porter, G. 2010. “Transport Planning in Sub-Saharan Africa III: The Challenges of Meeting Children and Young People’s Mobility and Transport Needs. Progress Report 3.” Progress in Development Studies 10 (2): 169–80. Porter, G. 2014. “Transport Services and Their Impact on Poverty and Growth in Rural Sub-Saharan Africa: A Review of Recent Research and Future Research Needs.” Transport Reviews 34 (1): 25–45. Porter, H. E. 2015. “‘Say No to Bad Touches’: Schools, Sexual Identity and Sexual Violence in Northern Uganda.” International Journal of Educational Development 41: 271–82. Ralaiarijoana, L. H. 2022. “In Madagascar, Catch-Up Classes Help Children Return to School.” UNICEF, July 28, 2022. https://www.unicef.org/madagascar/en/stories/ madagascar-catch-classes-help-children-return-school. Ralaivao, D. 2019. “Learning by Numbers: Teachers in Madagascar Use Data to Improve the Classroom.” UNICEF, January 9, 2019. https://www.unicef.org/stories/ learning-numbers-teachers-madagascar-use-data-improve-classroom. Schultz, T. P. 1993. “Returns to Women’s Education.” In Women’s Education in Developing Countries: Barriers, Benefits and Policies, edited by E. M. King and M. A. Hill. Baltimore, MD: Johns Hopkins University Press. Shahidul, S. M., and A. H. M. Z. Karim. 2015. “Factors Contributing to School Dropout among the Girls: A Review of Literature.” European Journal of Research and Reflection in Educational Sciences 3 (2). Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 51 Stark, L., I. Seff, IK. Asghar, D. Roth, T. Bakamore, M MacRae, et al. 2018. “Building Caregivers’ Emotional, Parental and Social Support Skills to Prevent Violence Against Adolescent Girls: Findings From a Cluster Randomised Controlled Trial in Democratic Republic of Congo.” BMJ Global Health 3 (5): e000824. Summers, L. 1994. “Investing in All the People: Educating Women in Developing Countries.” EDI Seminar Paper 45, World Bank, Washington, DC. Thornell, C., and K. Legère, eds. 2011. North-South Contributions to African Languages. Cologne: Rüdiger Köppe. Tiedemann, J. 2002. “Teachers’ Gender Stereotypes as Determinants of Teacher Perceptions in Elementary School Mathematics.” Educational Studies in Mathematics 50 (1): 49–62. UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization). 2013. “Literacy Programmes with a Focus on Women to Reduce Gender Disparities: Case Studies from UNESCO Effective Literacy and Numeracy Practices Database (LitBase).” UNESCO Institute for Lifelong Learning. UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization). 2015a. “Teachers and the Quality of Education in Sub-Saharan Africa.” Working Papers, UNESCO, Paris. UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization). 2015b. “Women’s Literacy in Angola and Mozambique, Mozambique.” UNESCO Institute for Lifelong Learning. https://uil.unesco.org/case-study/effective-practices-database- litbase-0/womens-literacy-angola-and-mozambique-mozambique. UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization). 2016. “Teaching Policies and Learning Outcomes in Sub-Saharan Africa: Issues and Options.” UNESCO, Paris. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000246501. UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization). 2017. “Reducing Global Poverty through Universal Primary and Secondary Education.” Policy Paper 32, UNESCO, Paris. UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization). 2018. Accountability in Education: Meeting Our Commitments. Global Education Monitoring Report 2017/18. Paris: UNESCO. UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization). 2019. “Women’s Functional Literacy Programme, Niger.” UNESCO Institute for Lifelong Learning. UNICEF (United Nations Children’s Fund). 2019. “National Human Rights Institutions (NHRIs) Series: Tools to Support Child-Friendly Practices. Child-Friendly Complain Mechanisms.” UNICEF, New York. Venart, L., and K. Reuter. 2014. “Education in Madagascar: A Guide on the State of the Educational System, Needed Reforms and Strategies for Improvement.”  University of Mauritius Research Journal 20: 208–47. 52 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans l’éducation Cahier 1 WFP (World Food Programme). 2020. “Évaluation décentralisée Contribution des cantines scolaires aux résultats de l’éducation dans le sud de Madagascar (2015 à 2019): Une analyse de la contribution.” WFP, Rome. WHO (World Health Organization). 2001. “Putting Women First: Ethical and Safety Recommendations for Research on Domestic Violence against Women.” WHO, Geneva. Wolf, S., and E. Aurino. 2023. “Nudges to Improve Parental Engagement and Gender Disparity in the Return to School During COVID-19 in Ghana.” Innovations for Poverty Action, February 16, 2023. https://www.poverty-action.org/nudges-improve- parental-engagement-and-gender-disparity-return-school-during-covid-19-ghana. Wolf, S., and G. Lichand. 2022. “Nudging Parents and Teachers to Improve Learning and Reduce Child Labor in Cote d’Ivoire.” https://www.researchgate.net/ publication/359098733_Nudging_Parents_and_Teachers_to_Improve_Learning_ and_Reduce_Child_Labor_in_Cote_d%27Ivoire. World Bank. 2012. World Development Report 2012: Gender Equality and Development. Washington DC: World Bank. World Bank. 2023. What Works to Narrow Gender Gaps and Empower Women in Sub- Saharan Africa?: An evidence-Review of Selected Impact Evaluation Studies. Washington DC: World Bank. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 53