CAHIER 2 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé CAHIER 2 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé © 2023 Banque internationale pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits réservés Cet ouvrage a été préparé par le personnel de la Banque mondiale. Les observations, interprétations et conclusions qui y sont présentées ne reflètent pas nécessairement l’opinion des membres du Conseil d’administration de la Banque mondiale ni celle des gouvernements qu’ils représentent. La Banque mondiale ne garantit en aucun cas l’exactitude des données qui y sont incluses. Les frontières, les couleurs, les dénominations et autres informations figurant sur les cartes dans le présent document ne traduisent en aucun cas une appréciation de la part de la Banque mondiale concernant le statut juridique d’un territoire, ni l’approbation ou l’acceptation de ces frontières. 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Méthodologie de l’étude qualitative préliminaire . . . . . . . . . . . . . 39 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Résumé La présente note thématique fait partie d’une étude mixte plus large sur les inégalités de genre à Madagascar, qui vise à illustrer les principaux écarts de genre dans le pays et à mettre en lumière les défis particuliers auxquels les jeunes femmes malgaches sont confrontées dans leurs parcours scolaires, professionnels et familiaux. En raison de la persistance de barrières financières, sociales et institutionnelles, les femmes et les filles malgaches sont fortement désavantagées dans toutes les dimensions du bien-être et ne sont pas en mesure d’accéder aux mêmes opportunités que les hommes et les garçons dans le pays. Elles sont largement limitées dans leur capacité à accumuler du capital humain dans les domaines de l’éducation et de la santé, et à participer aux opportunités économiques ; et elles sont confrontées à de graves obstacles en matière d’action et de prise de décision, en particulier en ce qui concerne la formation de la famille. En outre, les femmes et les filles semblent être impactées de manière disproportionnée par les effets du changement climatique et de la pandémie de COVID-19, qui creusent davantage les écarts préexistants entre les sexes et amplifient la vulnérabilité à la pauvreté, à la violence et à la discrimination. La présente note thématique fournit des informations détaillées sur l’état de la santé maternelle, sexuelle et reproductive des femmes et des filles à Madagascar et propose plusieurs axes d’action stratégiques pour améliorer l’accès des femmes et des filles malgaches aux soins de santé professionnels et pour prévenir les grossesses chez les adolescentes. Elle est accompagnée d’une vue d’ensemble de tous les résultats de l’étude et de trois notes thématiques qui présentent un aperçu détaillé des dimensions clés suivantes : l’éducation, les opportunités économiques et l’autonomisation. Remerciements La présente note fait partie d’une étude sur les disparités entre les sexes à Madagascar et dont un aperçu est disponible sous le titre «Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes - Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar». L’étude a été réalisée par une équipe composée d’Alina Kalle et de Miriam Muller. Le rapport a bénéficié des contributions importantes de Tamara Bah, Joaquin Gustavo Betancourt, Ursula Casabonne, Fatoumata Dieng, Alexandra Jarotschkin, Francis Muamba Mulango, Esperance Mukeshimana, Stephanie Kuttner, Carmen de Paz, Sabrina Razafindravelo, Hiska Noemi Reyes, Paula Tavares et David Seth Warren. L’équipe remercie les évaluateurs Andrew Brudevold-Newman, Tazeen Hasan et Ana Maria Oviedo pour leurs précieux commentaires. Honora Mara a révisé le rapport. Karem Edwards a fourni un excellent soutien administratif tout au long du projet. L’équipe a travaillé sous la direction de Benu Bidani, Marie-Chantal Uwanyiligira et Pierella Pacci. Une équipe d’Ivorary Consulting a collecté, transcrit, traduit et codé les données qualitatives. La présente recherche a été financée grâce à une subvention de la Fondation Hewlett. Enfin, nous exprimons notre profonde gratitude à tous les informateurs clés et aux femmes, filles et parents qui ont partagé leurs histoires personnelles avec nous. Abréviations CSB Centre santé de bases DP Déviante positive EDS Enquête démographique et de santé IDM Indicateurs du développement dans le monde ISF Indice synthétique de fécondité PF Planning familial MGA Ariary malgache MICS Enquête en grappes à indicateurs multiples SSR Santé sexuelle et reproductive TMM Taux de mortalité maternelle Introduction Si l’égalité des sexes est importante en soi, les investissements dans l’autonomisation sociale et économique des femmes et des adolescentes ont le potentiel de se traduire par une croissance économique durable et un développement global pour Madagascar. Il est prouvé à l’échelle mondiale que l’autonomisation des femmes apporte une valeur significative aux familles et à la société dans son ensemble, car elle est positivement corrélée à la réduction de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire, à l’amélioration de la productivité du travail, et à de meilleures chances pour les générations futures (Aguirre et al. 2012 ; Allendorf 2007 ; Mulugeta et al. 2021). Il est également prouvé qu’investir dans le capital humain et l’autonomisation des adolescentes en particulier protège les progrès réalisés pendant l’enfance, accélère la productivité et la croissance économique, et préserve la santé de la future population adulte (Levine et al. 2008). Par conséquent, concentrer les efforts d’investissements sur la santé, l’éducation et l’autonomisation des adolescentes est une action stratégique susceptible d’entraîner des gains à long terme pour la croissance économique et le développement durable. La présente note fait partie d’une étude mixte plus large sur les inégalités de genre à Madagascar, qui visait à générer des connaissances et à approfondir la compréhension des inégalités de genre et de leurs déterminants à Madagascar, en mettant l’accent sur l’adolescence ; à explorer les défis et les opportunités auxquels les adolescentes sont confrontées lorsqu’elles prennent des décisions concernant la formation de la famille, l’éducation, le travail et l’intersection de ces éléments ; et à identifier les institutions et les stratégies qui soutiennent les jeunes femmes dans leurs décisions en matière de scolarisation, de travail et de formation de la famille. L’étude générale comporte trois volets principaux : une analyse quantitative, une revue de la littérature et une étude qualitative approfondie. L’analyse quantitative a permis d’explorer l’état des écarts entre les sexes dans divers domaines (capital humain, opportunités économiques et action des femmes) en fonction des caractéristiques sociodémographiques, à identifier les régions où les écarts entre les sexes sont les plus importants et à évaluer l’évolution du pays en matière de réduction des disparités entre les sexes au cours des deux dernières décennies (Voir Encadré 1 1 pour une liste des sources de données quantitatives utilisées dans ce rapport.) En outre, l’équipe a effectué un examen du système juridique actuel et une revue de la littérature sur le genre à Madagascar et sur ce qui fonctionne pour combler les écarts entre les sexes dans toutes les dimensions du bien-être, sur la base de données issues de la région de l’Afrique sub-saharienne (Banque mondiale 2023). En plus de l’évaluation quantitative, l’équipe a mené une recherche qualitative comprenant des entretiens individuels approfondis, des discussions de groupe et des entretiens avec des informateurs clés1 dans trois régions géographiquement différentes de Madagascar : Analamanga (le centre et la capitale), Atsimo-Atsinanana (le Sud) et 1 Pour plus de détails sur la méthodologie, voir l’annexe A. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 9 Sofia (le Nord).2 Des entretiens approfondis ont été réalisés avec des jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans et avec des mères d’adolescentes. Un sous-échantillon de jeunes femmes était composé de déviantes positives, c’est-à-dire de jeunes femmes qui ont réussi dans leurs études et leur travail en dépit les mêmes obstacles socio-économiques que ceux frappant les autres participantes. En outre, des groupes de discussion ont été organisés avec des femmes âgées de 25 à 34 ans, ainsi qu’avec des mères et des pères d’adolescentes. Des entretiens avec des informateurs clés ont été réalisés avec des chefs religieux et traditionnels, des élus locaux et des représentants de la société civile et des secteurs de l’éducation, de la santé et du privé. Encadré 1. Sources des données quantitatives de l’analyse • Base de données des indicateurs du développement mondial de la Banque mondiale (IDM) • Base de données statistiques de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) • Enquête Afrobaromètre Round 7 sur les attitudes en matière de genre • Enquête démographique et de santé (EDS) 2008-09 et 2021 • Enquête en grappes à indicateurs multiples (MICS) Madagascar 2018 • Enquête permanente auprès des ménages (EPM) 2021-2022 • Estimations de l’Organisation internationale du travail (OIT) • Ensemble de données de la Banque mondiale sur les femmes, les entreprises et le droit 2023 Les principales conclusions de cette étude mixte sont les suivantes : • L’accès à l’éducation est un défi pour tous à Madagascar, mais les filles sont confrontées à des obstacles supplémentaires liés à leur genre. Bien que les filles soient plus nombreuses que les garçons à fréquenter et à achever les études primaires et secondaires, l’accès à la scolarisation est très faible pour tous les enfants : seulement 36,6 pour cent des filles et 34,3 pour cent des garçons âgés de 12 à 15 ans terminent le premier cycle de l’école secondaire (IDM, base de données statistiques de l’UNESCO, 2019). En outre, le taux global de scolarisation reste préoccupant et une part importante des femmes adultes est analphabète (23,9 % contre 21,4 % pour 2 Les régions sélectionnées représentent non seulement diverses zones géographiques de Madagascar, mais diffèrent également de manière significative en termes de disparités entre les sexes. Analamanga (centre, représenté par la capitale Antananarivo) se distingue de Madagascar par ses taux relativement faibles de mariage d’enfants et d’analphabétisme des femmes, ainsi que par son taux élevé de fréquentation de l’école secondaire par les filles. En revanche, Sofia (nord) et Atsimo-Atsinanana (sud) présentent des écarts particulièrement importants entre les sexes en matière d’alphabétisation, de fréquentation scolaire et de prévalence des mariages d’enfants. De plus amples informations sur le choix des régions figurent à l’annexe A. 10 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 les hommes ; EDS 2021). Bien que gratuite sur le papier, la scolarisation implique de multiples coûts indirects - uniformes, matériel scolaire, frais de scolarité, déjeuners et autres dépenses imprévues - qui sont souvent exacerbés par les impacts du changement climatique sur les infrastructures scolaires. Il est attendu des parents qu’ils contribuent financièrement ou en nature aux salaires des enseignants non fonctionnaires et non subventionnés qui, dans certains cas, constituent la majeure partie du personnel enseignant. Outre la pénurie générale d’écoles, les écoles existantes manquent souvent de locaux et de capacités appropriées pour accueillir tous les élèves. La participation à l’agriculture et l’implication généralisé dans des travaux interrompent les parcours scolaires des adolescents (filles et garçons). Bien que la plupart des obstacles à l’accès à la scolarisation soient universels, les chances des filles d’achever le cycle secondaire sont réduites en raison de leur forte implication dans les tâches domestiques, de la violence sexiste à l’école, du manque de pouvoir d’action et, surtout, des mariages d’enfants et des grossesses précoces. • L’accès aux services de santé sexuelle, reproductive et maternelle reste limité, en particulier pour les adolescentes et les jeunes femmes célibataires. Les femmes et les filles malgaches sont largement désavantagées en matière de connaissances et d’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive, comme en témoignent la faible proportion d’accouchements assistés par des professionnels (45,8 %) (EDS 2021) et les besoins non satisfaits en matière de contraception (14,6 %). Le taux de mortalité maternelle est également élevé (335 décès pour 100 000 naissances vivantes) (IDM 2017). Globalement, la rareté des centres de santé et les coûts prohibitifs des consultations limitent l’accès des femmes et des filles aux services de santé en général. Dans le même temps, les chances des jeunes femmes de rechercher des services de SSR sont encore plus limitées par le manque de sources d’information fiables sur la SSR, l’absence de cliniques de qualité adaptées aux jeunes et les normes sociales négatives qui découragent l’utilisation des services de planification familiale chez les femmes non mariées/femmes sans enfants. Tous ces obstacles contribuent à la proportion élevée de grossesses chez les adolescentes (31,1 % des filles âgées de 15 à 19 ans ont commencé à procréer) (EDS 2021), ce qui est associé à de nombreux risques pour le bien-être des filles, avec des effets négatifs potentiels à long terme sur leur éducation, leur santé, leurs possibilités d’emploi et leur vulnérabilité à la pauvreté. • Le continuum des obstacles à la recherche d’un emploi de qualité affecte de manière disproportionnée les femmes et les filles. Les femmes malgaches sont moins susceptibles que les hommes de participer au marché du travail : 71,3 % contre 82,4 % respectivement (EPM 2021-22). En outre, les femmes ont un accès limité à des emplois de meilleure qualité : seulement 24 pour cent des femmes actives sont salariées contre 35 pour cent des hommes actifs, et les femmes salariées sont surreprésentées parmi les travailleurs familiaux contributeurs (14 pour cent contre 5 pour cent des travailleurs de sexe masculin) et dans l’agriculture de subsistance (32 pour cent contre 23 pour cent respectivement) (EPM 2021-22). Ce manque d’accès à des emplois de meilleure qualité peut s’expliquer en partie par l’absence factuelle d’emplois et l’existence de formes légales de discrimination qui Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 11 empêchent les femmes d’occuper certains emplois (par exemple, dans le secteur industriel). En outre, les jeunes femmes manquent d’aptitudes et de compétences, de connaissances, d’une vision claire et d’instruments leur permettant de concrétiser leurs aspirations professionnelles. Il ressort les entretiens, les femmes sont également victimes de discriminations fondées sur leur genre, leur origine ethnique et leur apparence physique lors du processus de recrutement ; les femmes qui travaillent dans le secteur informel sont souvent confrontées à des conditions de travail dégradantes, à des revenus faibles et instables, ainsi qu’à des actes d’abus et de harcèlement sexuel de la part de leurs patrons. • Les femmes et les filles sont fortement limitées dans leur pouvoir d’action et de décision, comme le montrent les taux élevés de violence entre partenaires intimes (41 % des femmes ayant déjà été mariées ont subi au moins une de ses formes) et le mariage d’enfants (38,8 % des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées avant l’âge de 18 ans) (EDS 2021). La formation de la famille débute à un âge très précoce pour de nombreuses filles et jeunes femmes malgaches. Pour de nombreuses filles pauvres et leurs familles, la décision de fonder une famille à un âge très précoce est motivée par le manque de moyens, car le rituel du mariage implique des avantages économiques pour le ménage (une dot). En outre, les attitudes négatives largement répandues à l’égard des femmes non mariées et des grossesses hors mariage poussent souvent les adolescentes et leurs familles à se marier tôt, en partie pour se conformer aux normes sociales et aux modèles de comportement attendus. Il est important de noter que les pratiques en matière de mariage d’enfants sont diverses et présentent des différences géographiques frappantes. À l’exception de la capitale Antananarivo, le mariage d’enfants est souvent célébré en vertu du droit coutumier. D’après les entretiens approfondis et les discussions de groupe dans trois régions de Madagascar, un certain nombre de déterminants croisés et interconnectés limitent le bien-être des filles et des femmes malgaches, avec des effets à long terme sur leur capacité à prendre des décisions de vie éclairées et à espérer une vie meilleure (figure 1). Globalement, la pauvreté et le manque de moyens (capital financier, économique et social) sont les principaux obstacles qui empêchent les adolescentes et les jeunes femmes de développer leur capital humain, de retarder la formation précoce d’une famille, d’accéder à des emplois de meilleure qualité et d’avoir l’espoir d’un avenir meilleur. En outre, les normes sociales patriarcales et les rôles inéquitables des hommes et des femmes sont en grande partie à l’origine des inégalités observées : la pression exercée pour se conformer aux modèles de comportement socialement acceptés pousse de nombreuses jeunes femmes (en particulier celles des ménages pauvres) à fonder une famille à un âge très précoce, ce qui compromet souvent leurs chances de terminer leur scolarité et d’accéder à des emplois de meilleure qualité plus tard dans leur vie. En outre, l’incapacité des femmes à accéder aux services de base et à participer aux opportunités économiques peut être attribuée à une capacité institutionnelle et à une prestation de services limitées. Enfin, la vulnérabilité aux chocs et au changement climatique pose des défis supplémentaires et affecte les femmes de manière disproportionnée en exacerbant leur charge de travail domestique, en amplifiant l’insécurité alimentaire et la malnutrition, et en entravant l’accès à l’éducation. Dans l’ensemble, ces facteurs 12 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 limitent considérablement le contexte dans lequel les adolescentes et les jeunes femmes peuvent agir et progresser dans la vie, en ne leur laissant souvent aucune option ni aucun choix. Dans tous les domaines, même lorsque des options ou des choix existent, les jeunes femmes manquent fondamentalement d’autonomie, c’est-à-dire de la capacité de prendre des décisions et d’agir en conséquence. Il est important de noter que si les écarts entre les sexes sont globalement élevés, les femmes et les filles des zones rurales et des ménages pauvres sont particulièrement désavantagées. Figure 1. Défis structurels affectant les résultats en matière d’égalité des sexes à Madagascar selon la recherche qualitative PAUVRETÉ ET MANQUE DE MOYENS ET PRESTATION DE SERVICES LIMITEES ET NORMES SOCIALES PATRIARCALES RÔLES DE GENRE INÉQUITABLES Scolarisation INSTITUTIONS Accès á la SSR Autonomisation et voix Qualité du travail VULNÉRABILITÉ AUX CHOCS EXTERNES ET AU CHANGEMENT CLIMATIQUE Source : Figure originale conçue pour ce rapport. Note : SSR = Santé sexuelle et reproductive. Cette note examine l’état de la santé maternelle, sexuelle et reproductive des femmes et des filles à Madagascar et porte sur les domaines prioritaires suivants : la mortalité maternelle, la fertilité et la planification familiale, et la grossesse chez les adolescentes. Elle présente également les défis et les obstacles particuliers qui empêchent les femmes et les filles malgaches d’accéder aux soins de santé maternelle, sexuelle et reproductive et de retarder les grossesses précoces. La note se termine par un ensemble de recommandations politiques spécifiques au pays pour améliorer l’accès aux soins de santé maternelle, sexuelle et reproductive et réduire le taux de grossesse chez les adolescentes. La sélection des actions politiques est basée sur les preuves de l’efficacité des programmes dans divers pays d’Afrique subsaharienne. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 13 Santé maternelle La mortalité maternelle reste un problème important à Madagascar. Bien que le pays ait réalisé des progrès significatifs dans la réduction du taux de mortalité maternelle (TMM) au cours des deux dernières décennies, ce taux reste élevé. En 2017, le TMM à Madagascar était de 335 décès pour 100 000 naissances vivantes, soit une baisse par rapport aux 559 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2000 (IDM). Madagascar obtient de meilleurs résultats que la moyenne de l’Afrique subsaharienne (534) et certains autres pays de la région tels que l’Ouganda (375) et le Zimbabwe (458) ; cependant, le TMM de Madagascar est bien supérieur à celui de l’Angola (241), du Rwanda (248) et de la Zambie (213) (figure 2). Les dernières données disponibles (2018) de l’Enquête en grappes à indicateurs multiples (MICS) suggèrent que les décès maternels représentent 22,1 pour cent de tous les décès féminins : ce chiffre est encore plus élevé chez les femmes âgées de 20 à 24 ans (35 pour cent) et celles âgées de 25 à 29 ans (35,7 pour cent). Chez les adolescentes âgées de 15 à 19 ans, 18,9 % des décès sont dus à la maternité. Figure 2. Évolution des taux de mortalité maternelle, Madagascar, Afrique subsaharienne et pays sélectionnés 2000-17 Décès maternels pour 100 000 naissances vivantes 1200 1000 800 600 400 200 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Madagascar Mozambique Ouganda Rwanda Afrique subsaharienne Zimbabwe Angola Zambia Source : Indicateurs du développement mondial. La proportion de femmes bénéficiant de soins prénataux et postnataux est faible à Madagascar. En 2021, 10,3 % des femmes enceintes âgées de 15 à 49 ans n’avaient reçu aucun soin prénatal, et cette proportion est nettement plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain : 11,7 % contre 3,4 % (EDS 2021). La probabilité de recevoir des 14 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 soins prénataux augmente avec le niveau d’éducation des femmes : alors que 25,4 % des femmes sans éducation ne reçoivent pas de soins prénataux, la proportion est de seulement 0,7 % chez les femmes ayant un niveau d’éducation supérieur au secondaire. De même, seulement 1,6 % des femmes appartenant au quintile de richesse le plus élevé ne reçoivent pas de soins prénataux, contre 8 % des femmes appartenant au quintile moyen et 22,8 % des femmes appartenant au quintile le plus pauvre (EDS 2021). Il est important de noter que plus de la moitié des femmes enceintes âgées de 15 à 49 ans (52,6 %) ne bénéficient d’aucun examen postnatal. De même, la probabilité de bénéficier d’un examen postnatal dans les deux jours suivant l’accouchement augmente avec le niveau d’éducation et le quintile de richesse et est positivement corrélé avec le fait de vivre dans une zone urbaine (EDS 2021). En outre, moins de la moitié des accouchements (46 %) à Madagascar sont assistés par un professionnel de santé qualifié. Il est à noter que la part des accouchements assistés par un professionnel a diminué au cours des 30 dernières années, passant de 57 % en 1992 à 44 % en 2012, avant de remonter légèrement à 46 % en 2021 (Figure 3). Le pourcentage d’accouchements assistés diffère également de manière significative entre les zones rurales (40,5 %) et urbaines (74,3 %) (EDS 2021), et selon le quintile de richesse, allant de 19,4 % chez les femmes du groupe de richesse le plus pauvre à 89,4 % chez les femmes du groupe de richesse le plus riche. Par ailleurs, des disparités régionales notables sont observées ; pour les régions visitées dans notre étude qualitative, la part des accouchements assistés par un personnel professionnel est de 83,6% à Antananarivo, 42,8% à Sofia, et 24,2% à Atsimo-Atsinanana. En effet, les références à l’accouchement à l’hôpital ont été le plus souvent exprimées par les femmes à Antananarivo, bien que de tels cas aient également été rapportés dans les deux autres régions visitées. Toute ma famille était à l’hôpital … c’est toujours à l’hôpital que j’accouche (Jeune fille à Antananarivo) Moi je pense plutôt que les gens d’aujourd’hui se tournent plus vers les hôpitaux (Jeune fille à Antananarivo) Les femmes interrogées à Antananarivo et à Atsimo-Atsinanana ont également rapporté le recours aux services des accoucheuses traditionnelles (matrones). Une matrone, praticienne traditionnelle sans formation médicale, s’occupe des femmes enceintes, de l’accouchement et des premiers soins de la mère et du nouveau-né (Pourette 2018). Les matrones sont connues pour leur connaissance des plantes, qu’elles utilisent pour soulager la douleur et faciliter l’accouchement. Les femmes choisissent de se faire assister par des matrones parce que cela coute moins cher que l’assistance hospitalière, ou parce qu’elles ne sont pas satisfaites des centres de santé officiels ou qu’elles ont eu une expérience négative avec des médecins. Les matrones assistent généralement les femmes qui vivent à plus de 5 km d’un centre de santé et qui n’ont pas d’autre choix. Certaines données indiquent que les femmes préfèrent utiliser les services de matrones qui vivent dans le même village qu’elles, afin d’obtenir une aide immédiate à toute heure du jour ou de la nuit (Rasoanirainy 2013). Néanmoins, certaines femmes Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 15 Figure 3. Naissances assistées par un professionnel de santé qualifié, Madagascar, 1992-2021 Pourcentage du total des naissances 100 80 57 60 47 47 45 44 44 46 46 40 20 0 1991 1996 2001 2006 2011 2016 2021 Source : Enquêtes démographiques et de santé, 1991-2021. ont exprimé des inquiétudes quant à la compétence des matrones. Aucune mention de matrones n’a été enregistrée dans la région de Sofia. La plupart des jeunes femmes accouchent chez les matrones, faute de moyens pour aller vers les hôpitaux... (Jeune fille à Antananarivo) J’avais eu peur d’accoucher chez des matrones parce que c’était mon premier accouchement. Donc, je préférais aller à l’hôpital (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) D’autres scénarios d’accouchement dans les régions étudiées incluaient l’assistance par des femmes de la famille ou l’absence d’assistance. Dans toutes les régions, les femmes ont fait part de leur expérience d’assistance par une femme de la famille à la maison : mère, belle-mère, marraine, grand-mère, tante ou cousine. Les services des sages-femmes (3 ) ont également été mentionnés à plusieurs reprises. Dans plusieurs cas, les femmes ont accouché sans aucune assistance, en particulier lorsqu’il était trop tard pour se rendre à l’hôpital le plus proche ou lorsque les femmes de la famille étaient occupées à soigner d’autres membres de la famille pour cause de maladie. Il est important de noter que les jeunes femmes sont largement contraintes de décider du lieu de l’accouchement, et que l’accouchement à domicile a lieu souvent par nécessité plutôt que par préférence personnelle. Il est à noter qu’aucun cas d’accouchement accompagné par le partenaire de la femme n’a été signalé. Je craignais de contredire mes parents. C’était ce qu’ils avaient dit, il fallait les respecter. J’ai accouché au moment où il y avait beaucoup de mondes 3 Contrairement aux matrones, les sages-femmes reçoivent une formation formelle et sont considérées comme des professionnels médicaux qualifiés à Madagascar. 16 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 à la maison. J’allais leur demander de m’emmener à l’hôpital mais j’étais assez timides pour leur dire (Déviante positive à Sofia) Quand j’ai accouché, ma mère n’était pas là parce que mon grand-père était très malade, donc j’étais la seule à accoucher à la maison, mais ça allait, c’était une sage-femme qui m’a aidé à accoucher vu que j’étais à la maison (Jeune fille à Antananarivo) Les preuves suggèrent que les femmes et les filles à Madagascar sont susceptibles de souffrir de manière disproportionnée des impacts négatifs à multiples facettes du changement climatique et de la crise de la COVID-19 (De Paz, Gaddis, et Muller 2021 ; Harivola 2021). Parmi ces impacts négatifs figurent, par exemple, l’augmentation de la mortalité maternelle et infantile, la réduction de l’accès aux soins de santé, l’augmentation des grossesses non désirées et l’aggravation de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition. On estime en outre que les perturbations importantes des services à Madagascar causées par la pandémie de COVID-19 pourraient priver 81 600 femmes de l’accès aux accouchements en milieu hospitalier et réduire de 645 100 le nombre de femmes bénéficiant de services de planification familiale, ce qui pourrait entraîner une augmentation de 18 % de la mortalité infantile et de 12 % de la mortalité maternelle (GFF 2021). De même, des données provenant d’autres pays touchés par le climat suggèrent que les catastrophes naturelles réduisent davantage l’espérance de vie des femmes que celle des hommes, à la fois directement en tuant les femmes à un taux plus élevé que les hommes et indirectement en tuant les femmes à un âge plus précoce en raison d’une morbidité plus élevée et d’impacts économiques plus graves (Erman et al. 2021). Lorsque les catastrophes entraînent une baisse de la consommation alimentaire, les femmes sont deux fois plus susceptibles que les hommes de souffrir de malnutrition et les filles sont deux fois plus susceptibles que les garçons de mourir de malnutrition (PMNCH 2014). En résumé, l’utilisation des services de santé maternelle reste préoccupante à Madagascar, et seule une très faible proportion de femmes malgaches bénéficie de soins de santé professionnels. L’accès limité aux services de santé maternelle peut expliquer en partie le taux de mortalité maternelle élevé. Par conséquent, les efforts visant à améliorer l’accès aux soins de santé maternelle devraient être une priorité de développement pour Madagascar en tant que stratégie pour réduire les décès maternels et prévenir les complications liées à la grossesse. Fécondité et planification familiale L’indice synthétique de fécondité (ISF) de Madagascar4 est élevé et fortement corrélé avec le milieu de résidence, le quintile de richesse et le niveau d’éducation. En 2021, l’ISF était de 4,2 naissances par femme, en baisse par rapport aux 4,6 naissances par femme en 2018 (EDS 2021 ; MICS 2018). Un écart persiste entre les zones rurales (4,6 naissances par femme) et urbaines (3,2 naissances par femme) (EDS 2021). L’ISF est 4 L’ISF d’une population est le nombre moyen d’enfants nés d’une femme au cours de sa vie. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 17 fortement corrélé au quintile de richesse et est le plus faible chez les femmes des ménages les plus riches (figure 4). En outre, conformément aux tendances mondiales, un niveau d’instruction plus élevé à Madagascar correspond à un ISF plus faible (EDS 2021). Cependant, au cours des dernières années, l’ISF chez les femmes ayant un niveau d’instruction supérieur et secondaire a eu tendance à augmenter, bien qu’une tendance inverse soit observée chez les femmes sans instruction ou n’ayant qu’un niveau d’instruction primaire (figure 5). Enfin, l’ISF chez les femmes qui se sont mariées pour la première fois à l’âge de 18 ans s’élevait à 5,4 en 2018, contre 3,5 chez les femmes qui se sont mariées pour la première fois à l’âge de 25 ans ou plus (figure 6). Par conséquent, le fait de retarder l’âge des femmes au moment du premier mariage et de la première naissance est positivement corrélé à une réduction de l’ISF. Figure 4. Indice synthétique de fécondité des femmes Figure 5. Indice synthétique de fécondité des femmes âgées de 15 à 49 ans, par quintile de richesse, âgées de 15 à 49 ans, selon le niveau d’instruction, Madagascar, 2003, 2008 et 2021 Madagascar, 2003, 2008 et 2021 Naissances par femme Naissances par femme 8 7 6 6 5 4 4 3 2 2 1 0 0 Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 Aucune Primaire Secondaire Supérieur scolarisation 2003 2008 2021 2003 2008 2021 Source : Enquêtes démographiques et de santé, 2003-04, 2008-09, 2021. Source : Enquêtes démographiques et de santé, 2003-04, 2008-09, 2021. Il convient de noter que le taux de fécondité désirée à Madagascar est également élevé et seulement légèrement inférieur au ISF. En 2021, le taux de fécondité désirée est estimé à 3,8 naissances par femme (l’ISF étant de 4,3 naissances par femme) - voir Figure 7. Le taux de fécondité désirée est significativement plus élevé en milieu rural (4,1) qu’en milieu urbain (2,8), chez les femmes sans instruction (5,5) par rapport à celles ayant un niveau d’instruction primaire (4,0), secondaire (3,3) et supérieur (2,2), et chez les femmes du quintile de richesse le plus bas (5,8) par rapport aux femmes du quintile de richesse moyen (3,9) et du quintile de richesse le plus élevé (2,4). Selon les femmes 18 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 Figure 6 Indice synthétique de fécondité à Madagascar, selon l’âge au premier mariage, 2008 et 2018 Naissances par femme 6 5,5 5,4 5 4,9 5 4 3,4 3,5 3 2 1 0 Moins de 18 ans 18-24 25+ 2008 2018 Source : Enquête démographique et de santé 2008 ; Enquête en grappe à indicateurs multiples 2018 Figure 7. Indices de fécondité totale et désirée chez les femmes mariées âgées de 15 à 49 ans, selon certaines caractéristiques sociodémographiques, Madagascar, 2021 Naissances par femme 7 6 5 4 3 2 1 0 Total Urbain Rural Aucune Primaire 1er cycle 2nd cycle Supérieur Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 scolarisation secondaire secondaire Lieu de résidence Niveau de scolarisation Quintile de richesse Indice synthétique de fécondité Taux de fécondité désirée Source : Enquête démographique et de santé 2021. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 19 et les hommes mariés âgés de 15 à 49 ans, le nombre idéal d’enfants est de 4 (34,4 % des femmes et 30,0 % des hommes). Près d’un quart des femmes (24,4 %) et un tiers des hommes (29,5 %) estiment que le nombre idéal d’enfants dans le ménage est supérieur à 6. Il est intéressant de noter que la proportion de femmes mariées âgées de 15 à 49 ans qui ne souhaitent pas avoir d’enfant (ou un autre enfant) a diminué entre 2009 et 2021, passant de 43 % à 37 % (EDS 2021). Cette tendance confirme que la fertilité et la procréation sont hautement valorisées et acceptées dans la société malgache. Le taux élevé de fécondité désirée observé fait partie des facteurs déterminants qui expliquent en partie la faible utilisation de la contraception chez les femmes malgaches. En 2021, l’utilisation de la contraception était de 49,7 % chez les femmes mariées âgées de 15 à 49 ans, soit une augmentation de 3,1 points de pourcentage par rapport à 2018 (figure 8). L’utilisation de la contraception chez les femmes mariées ne diffère que légèrement selon le milieu de résidence, mais elle est plus élevée en milieu urbain (52,1 pour cent) qu’en milieu rural (49,2 pour cent) (EDS 2021). En termes d’éducation, seules des disparités minimes dans l’utilisation de la contraception sont observées parmi les femmes mariées ayant un niveau d’éducation primaire, secondaire ou supérieur (52,2 pour cent, 55,2 pour cent et 54 pour cent, respectivement), bien que l’utilisation de la contraception reste particulièrement faible chez les femmes sans éducation (31,6 pour cent). L’utilisation de la contraception augmente avec le quintile de richesse : de 32,3 pour cent chez les femmes du quintile de richesse le plus bas à 55,4 pour cent chez les femmes du quintile de richesse le plus élevé. Par région, c’est dans l’Androy que l’utilisation de la contraception est la plus faible (10,5 %) et dans l’Itasy qu’elle est la plus élevée (69,4 %). Le besoin non satisfait de contraception5 reste élevé, à 14,6% (EDS 2021). Obstacles à l’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive Les filles et les femmes malgaches sont confrontées à plusieurs difficultés pour accéder aux services de santé (généraux). Selon l’EDS 2021, 70 % des femmes malgaches âgées de 15 à 49 ans rencontrent au moins un obstacle dans l’accès aux soins de santé. Par exemple, plus de la moitié des femmes (56,7 %) ont déclaré que l’obtention de l’argent pour se faire soigner est un problème important. Environ 33,7 % des femmes déclarent que les distances jusqu’à l’établissement de santé constituent un problème d’accès aux soins. Le manque de centres de santé est particulièrement urgent dans les régions du Sud, où il n’est pas rare d’avoir 35 à 45 centres de santé pour 100 000 femmes âgées de 15 à 49 ans, contre 65 à 75 centres de santé pour 100 000 femmes âgées de 15 à 49 ans dans les régions de l’Ouest et de l’Est (Recensement de Madagascar de 2018). Parmi les autres problèmes rencontrés par les femmes malgaches dans l’accès aux services de santé figurent le refus de s’y rendre seules (31,3 pour cent) et la nécessité d’obtenir la 5 Les femmes dont le besoin de contraception n’est pas satisfait sont celles qui sont fertiles et sexuellement actives, mais qui n’utilisent aucune méthode de contraception et qui déclarent vouloir retarder le prochain enfant ou ne pas vouloir d’autres enfants. 20 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 Figure 8. Utilisation et besoins non satisfaits en matière de contraception des femmes âgées de 15 à 49 ans actuellement mariées ou en union, Madagascar, 2018 et 2021 Pourcentage 60 49,7 50 46,6 42,7 40,6 40 30 20 18,4 14,6 10 0 Prévalence de la contraception, Prévalence de la contraception, Besoin de contraception toute méthode méthode moderne non satisfait 2018 2021 Source : Enquête démographique et de santé, 2021 ; Enquête en grappes à indicateurs multiples, 2018. permission d’aller se faire soigner (15,2 pour cent) (EDS 2021). Ces problèmes touchent presqu’autant les femmes rurales que les femmes urbaines, mais des différences importantes sont observées selon le quintile de richesse et le niveau d’éducation. Les femmes plus instruites et issues de ménages non pauvres rencontrent généralement moins de problèmes pour accéder aux soins de santé que leurs homologues sans instruction et issues de ménages pauvres (figure 9). Conformément aux données quantitatives, les femmes interrogées dans le cadre de la présente étude ont indiqué que l’une des principales raisons pour lesquelles elles rencontrent des difficultés à accéder aux soins de santé est le manque de centres de santé de base et de médecins professionnels à proximité de leur domicile. Malgré la présence dans certaines communes telles que Soamanova dans l’Atsimo-Atsinanana, d’un centre de santé de base pour le premier contact, la plupart des zones rurales sont éloignées d’un hôpital pour les maladies plus graves. On n’a pas de médecin ici parce que l’hôpital se trouve après la rivière à Anosibe. C’est loin (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 21 Figure 9. Pourcentage de femmes âgées de 15 à 49 ans ayant déclaré avoir eu au moins un problème d’accès aux soins de santé, par milieu de résidence, niveau d’instruction et quintile de richesse, Madagascar, 2021 90 80,4 77 80 71,9 73,9 72,3 70 66,6 68,2 70 63,3 60 57,5 56,3 50 45 40,2 40 30 20 10 0 Urbain Rural Aucune Primaire 1er cycle 2nd cycle Supérieur Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 scolarisation secondaire secondaire Total Lieu de Quintile de richesse résidence Niveau de scolarisation Source : Enquête démographique et de santé, 2021. Comme le médecin est assez loin d’ici, la personne qui nous accouche est, vous voulez son nom ? C’est Betaza [nom d’un praticien de la médecine traditionnelle] qui nous accouche (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) La répartition spatiale inéquitable du personnel médical (féminin) est également un obstacle à l’accès aux soins pour les filles et les jeunes femmes dans les régions étudiées. Les participantes à l’étude ont indiqué que, même lorsqu’il existe des structures médicales dans leur région, celles-ci manquent de médecins. Plus important encore, les femmes semblent hésiter à consulter des médecins hommes dans les unités maternelles en raison d’un sentiment de honte. Les centres de santé existants dans cette commune, ces centres de santé ne sont pas munis de vrais médecins compétents. La plupart sont juste des paramédicaux. Mais on n’y peut rien, ce sont eux les principaux responsables des services de santé par ici. Si une personne tombe malade, on l’emmène chez eux… (Déviante positive à Atsimo-Atsinanana) Selon les participants, les coûts des soins de santé sont élevés et empêchent les femmes de recourir à des soins professionnels en matière de santé maternelle, sexuelle et reproductive. Par exemple, la nécessité de payer pour la contraception a été évoquée comme l’un des facteurs déterminants empêchant son utilisation par les personnes interrogées qui n’ont pas d’autres services de planification familiale (PF) disponibles gratuitement. Les femmes de l’échantillon ont également déclaré devoir payer pour la contraception, même si certaines cliniques sont censées la fournir gratuitement. En outre, les coûts des consultations médicales et des accouchements assistés par des professionnels sont au-dessus des moyens de la plupart des femmes. Les femmes 22 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 sont également tenues de couvrir les coûts d’éventuelles interventions chirurgicales et d’accouchements par césarienne. Dans certains cas, les femmes doivent également payer leur transport jusqu’au centre de santé le plus proche. Oui c’est vraiment grave, quand j’allais avoir mon enfant. Je n’ai fait de l’échographie qu’une fois parce que je n’avais pas les moyens (Jeune fille à Antananarivo) Il y a aussi celles qui disent qu’elles n’ont pas d’argent pour ça… par exemple, vous devez payer 1000 Ar tous les 3 mois, elles disent qu’elles n’ont pas cette somme (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) Il est important de noter qu’en Atsimo-Atsinanana, les femmes doivent payer un peu plus pour la naissance d’un garçon que pour celle d’une fille. Plusieurs participantes de la région ont confirmé que les coûts de l’accouchement dépendent du sexe du bébé. Par exemple, un accouchement assisté par une accoucheuse traditionnelle coûte environ 15 000 ariarys malgaches, ou MGA, (3,50 USD) pour une fille et 20 000 MGA (4 USD) pour un garçon. À l’hôpital, les coûts sont nettement plus élevés : MGA 77 000 (15,70 USD) pour une fille et MGA 78 000 (15,90 USD) pour un garçon. La différence de paiement s’explique par le fait qu’un garçon a plus de chances de gagner de l’argent à l’avenir qu’une fille. Aucun rapport similaire n’a été enregistré dans les deux autres régions visitées. Ils voient que les hommes gagnent plus d’argent que les femmes, c’est pour ça qu’ils augmentent le tarif (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) Oui ! Si vous avez un enfant, c’est toujours comme ça ! Que ce soit chez les guérisseurs ou les médecins, la facture est toujours plus élevée pour les garçons que pour les filles (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) En outre, de nombreuses jeunes femmes ont déclaré que la mauvaise qualité des services offerts dans les hôpitaux constituait un obstacle. Les participantes de l’échantillon ont fait part de leur insatisfaction à l’égard du traitement des médecins, estimant que les services reçus n’étaient pas utiles pour leur état. Il semble que les femmes fassent généralement peu confiance aux médecins et aux professionnels de la santé. Ce manque de confiance dans les services de santé professionnels pourrait être attribué à leur incapacité à bénéficier de ces services en raison des coûts prohibitifs des soins et de la rareté des infrastructures, de l’équipement et du personnel médical. Les participantes sont également nombreuses à penser que le fait de payer les médecins augmente les chances d’être traité avec dignité et de manière amicale. C’est pourquoi les femmes qui peuvent se permettre cette dépense supplémentaire préfèrent engager une sage-femme pour les accompagner lors des visites de grossesse et de l’accouchement à l’hôpital. Cette option n’est toutefois pas disponible pour la majorité des personnes interrogées. Quand j’ai accouché, on a pris une sage-femme particulière, on l’a vraiment prise. Ce n’était pas une sage-femme… comment dire… c’était une sage- femme qu’on a vraiment prise et qu’on a payée à part et oui, elle m’a bien prise en main jusqu’à ma sortie de l’hôpital parce qu’on a déboursé de Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 23 l’argent pour l’avoir… parce que les gens de la maternité maltraitent les patients et ne soucient pas d’eux. En prenant une sage-femme, vous pouvez être sûre qu’elle gardera un œil sur vous (Déviante positive à Antananarivo) Dans l’ensemble, la disponibilité de services de santé maternelle de qualité semble insuffisante à Madagascar. En raison du manque d’établissements de santé et du coût prohibitif des soins, de nombreuses femmes malgaches pourraient donc opter pour l’accouchement à domicile, qui peut être associé à une série de complications pour la mère et le nouveau-né. Ce problème est davantage aggravé par le manque de moyens de transport ou l’impossibilité de les payer pour accéder aux hôpitaux. En outre, les femmes ont souvent fait part de leurs doutes quant aux interventions médicales prescrites, de leur manque de confiance aux médecins et de leurs expériences négatives en matière de communication avec le personnel médical. Enfin, les femmes sont réticentes à l’idée de consulter des médecins hommes en matière de santé sexuelle et reproductive, ce qui pourrait expliquer leur préférence pour les accoucheuses traditionnelles. Fécondité des adolescents En partie attribuée aux obstacles susmentionnés dans l’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive, la fécondité des adolescentes est un phénomène courant à Madagascar. Le taux de fécondité des adolescentes de 104 naissances pour 1 000 femmes âgées de 15 à 19 ans est supérieur à la moyenne de 98 en Afrique subsaharienne (figure 10). Ce taux est inférieur à celui observé au Mozambique (168), en Angola (140) et en Zambie (119), mais supérieur à celui enregistré au Rwanda (32), au Zimbabwe (96) et en Ouganda (109). Il est important de noter que le taux de fécondité des adolescentes n’a que légèrement diminué entre 2000 et 2020, passant de 145 à 104 naissances pour 1 000 femmes âgées de 15 à 19 ans, respectivement. Selon les données de l’EDS 2021, 31,1 % des adolescentes âgées de 15 à 19 ans ont déjà commencé à avoir des enfants.6 La proportion de filles âgées de 15 à 19 ans qui ont déjà commencé à procréer est plus élevée en milieu rural (35,6 %) qu’en milieu urbain (15,5 %). À Madagascar, comme dans plusieurs autres pays d’Afrique et d’ailleurs, la fécondité des adolescentes diminue à mesure que le niveau d’éducation et le quintile de richesse augmentent. Par exemple, la proportion des adolescentes âgées de 15 à 19 ans qui ont déjà commencé à procréer est de 47,7 % dans les ménages les plus pauvres, contre 12,2 % dans les ménages les plus riches. Le pays présente également des disparités régionales visibles dans les schémas de fécondité des adolescentes. C’est à Sofia que l’on observe la plus forte proportion d’adolescentes de 15 à 19 ans ayant déjà commencé à procréer (50,4 %) et à Antananarivo, la capitale, la plus faible (13,5 %). Dans la région Atsimo-Atsinanana, cette proportion s’élève à 46,9%, ce qui est nettement supérieur à la moyenne nationale (figure 11). 6 Cette proportion comprend les adolescentes âgées de 15 à 19 ans qui (1) ont eu une naissance vivante et (2) sont enceintes d’un premier enfant. 24 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 Figure 10. Fécondité des adolescentes, Madagascar, Afrique subsaharienne et pays sélectionnés, 2000-20 Naissances pour 1 000 femmes âgées de 15 à 19 ans 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 Madagascar Mozambique Ouganda Rwanda Africa subsaharienne Zimbabwe Angola Zambia Source : Indicateurs du développement mondial. Figure 11. Pourcentage d’adolescentes âgées de 15 à 19 ans qui ont déjà commencé à avoir des enfants, par région 60 50 40 31,1 30 20 10 0 Sofia Menabe Atsimo Atsinanana Androy Betsiboka Melaky Sava Anosy Analanjirofo Ihorombe Bongolava Atsimo Andrefana Atsinanana Diana Vatovavy Fitovinany Alaotra Mangoro Boeny Anamoroni'i Mania Haute Matsiatra Itasy Vakinankarata Analamanga Antananarivo Total Source : Enquête démographique et de santé, 2021. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 25 La grossesse chez les adolescentes est associée à de nombreux risques pour le bien- être des filles, avec des effets négatifs potentiels à long terme sur leur éducation, leur santé et leurs opportunités d’emploi. Des données provenant de Madagascar indiquent que les grossesses d’adolescentes interrompent souvent les parcours scolaires des filles et peuvent laisser les jeunes femmes dans une situation financière précaire, augmentant ainsi leur vulnérabilité à la violence et à la pauvreté. Les personnes interrogées ont indiqué que la grossesse chez les adolescentes était l’une des principales raisons pour lesquelles elles abandonnaient l’école avec peu de chances d’y retourner. Bien que Madagascar applique une politique qui permet aux élèves de retourner à l’école après l’accouchement sans période d’absence stipulée, les élèves enceintes seraient régulièrement renvoyées (HRW 2022). Les filles abandonnent souvent l’école en raison des sentiments de honte, de tristesse et de manque d’estime de soi qu’elles éprouvent à la suite de leurs grossesses. En outre, les filles enceintes peuvent être victimes de moqueries et de brimades de la part de leurs camarades pour le simple fait d’être tombées enceintes en dehors du mariage. Ils étaient dans la même classe quand la fille est tombée enceinte et la fille a arrêté ses études à cause de la grossesse. La grossesse aussi est une cause fréquente. On ne peut pas cacher la grossesse quand son temps arrive …La grossesse est l’une des raisons les plus fréquentes pour laquelle les jeunes filles quittent l’école (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) C’était lorsque j’étais à l’école que je tombais enceinte et c’était la cause pour laquelle j’ai quitté l’école parce qu’en me voyant, les autres étudiants rouspétaient … Après, j’ai quitté l’école parce que j’avais honte (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) En outre, les grossesses chez les adolescentes imposent une charge économique et financière importante aux femmes, les obligeant à combiner les activités de soins et de travail juste après l’accouchement. La situation devient encore plus urgente en cas de séparation ou d’absence du partenaire. Dans certains cas, les jeunes femmes continuent à vivre avec leurs parents après l’accouchement, ce qui peut entraîner une charge financière et économique supplémentaire pour le ménage, le plongeant encore plus dans la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Il est important de noter que, bien que dans la plupart des cas le mariage précède la procréation à Madagascar, dans certains cas, la grossesse peut être la raison pour laquelle les filles se précipitent pour former une union. En raison des normes sociales et des préjugés, les jeunes femmes essaient d’éviter le statut de mère célibataire ou de femme non mariée. Dans certains cas, les jeunes femmes n’aspirent pas à fonder une famille tôt, mais sont contraintes de le faire pour éviter tout jugement social. Dans la région sud, la crainte d’avoir une fille enceinte et non mariée pousse les parents à officialiser son union dès qu’elle entame une relation avec un partenaire. Justement, la grossesse précoce est précisément la raison pour laquelle elles se marient à l’âge de 16 ans. Il y a aussi ceux qui ont des relations 26 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 sexuelles au dehors et quand la fille tombe enceinte, ils se marient (Mère d’adolescente à Antananarivo) Les causes de grossesse chez les adolescentes Parmi les causes associées aux grossesses chez les adolescentes à Madagascar, le principal est le mariage d’enfants. C’est pourquoi les efforts visant à éliminer la pratique du mariage d’enfants sont susceptibles de réduire également les grossesses chez les adolescentes. Outre le mariage d’enfants, les grossesses chez les adolescentes peuvent être dues en partie à des obstacles liés à l’offre, tels que le manque de structures de soins de santé, la disponibilité limitée des services de contraception et de PF, le manque de personnel médical, etc. Enfin, les grossesses chez les adolescentes à Madagascar sont également dues au manque d’informations sur la SSR et la contraception, ainsi qu’à l’accès limité à des services de PF de qualité destinés aux jeunes. La section précédente a discuté des barrières financières et de l’aspect Offre dans l’accès aux services de santé maternelle et de santé sexuelle et reproductive. La section ci-dessous évoque des causes spécifiques à la grossesse chez les adolescentes à Madagascar. Manque d’informations sur la santé sexuelle et reproductive et la contraception Les jeunes femmes interrogées ont fait preuve d’une connaissance très limitée de leur santé sexuelle et reproductive. Dans les trois régions visitées, les femmes reçoivent des informations sur les menstrues de la part de leurs mères, de leurs sœurs ou de leurs enseignants d’école, mais avec des explications très limitées. En fait, seule une petite partie des filles a reçu des informations précises sur le cycle menstruel, et ces filles se trouvaient principalement à Antananarivo. En revanche, de nombreuses jeunes femmes d’Atismo-Atsinanana ont admis qu’elles avaient appris ce qu’étaient les menstrues après avoir commencé à avoir leurs règles. Dans toutes les régions, les mères tentent d’inclure dans leurs conversations avec leurs filles, des recommandations sur la gestion de l’hygiène et la propreté corporelle, ainsi que des avertissements sur l’interdiction de tout contact physique avec les garçons. Néanmoins, des explications détaillées sur la relation entre les menstruations et l’activité sexuelle font souvent défaut, probablement en raison de la stigmatisation du sujet en général. Dans certains cas de notre échantillon, les femmes ont commencé à avoir leurs règles pour la première fois après leur mariage. Je saignais durant un long moment. Ils ont demandé au professeur ce que c’était et il disait que ce n’était pas une maladie et que toutes les femmes vivaient pareilles. Il nous a dit de rentrer à la maison (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) Aaah ma mère ne m’a rien dit …La première fois que je les ai eues, ma mère m’a félicitée et m’a dit certaines choses (Jeune fille à Atsimo-Atsinanana) Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 27 Par ailleurs, il semble qu’il y ait beaucoup d’idées fausses et de mythes concernant l’utilisation de la contraception, ce qui peut expliquer en partie son faible taux d’utilisation par les jeunes femmes. Les jeunes femmes d’Antananarivo ont exprimé la crainte de devenir stériles si elles utilisent des méthodes contraceptives, et les filles d’Atsimo-Atsinanana ont indiqué qu’elles pensaient que les méthodes contraceptives les rendraient malades et leur donneraient des maux de tête. L’appréhension et l’inquiétude concernant l’utilisation de méthodes contraceptives par les jeunes femmes qui n’ont pas encore donné naissance à un enfant sont très répandues. Beaucoup pensent également que la PF représente un danger pour la santé des femmes qui l’utilisent. C’est souvent ça, elles pensent que ça rend stérile, qu’elles n’auraient plus d’enfant (Jeune fille à Antananarivo) Les faibles niveaux de connaissance en matière de santé sexuelle et reproductive et de contraception peuvent être attribués en partie au manque de sources d’information fiables et crédibles. Par exemple, les écoles - souvent la première source d’information sur la santé sexuelle et reproductive pour les jeunes femmes - n’intègrent généralement pas d’éducation sexuelle complète dans le programme scolaire. Dans certains cas, les écoles organisent des séances consacrées à l’éducation sexuelle dans le cadre de partenariats avec des organisations non gouvernementales et des centres de santé. Autrement, les adolescentes apprennent l’anatomie humaine et la reproduction pendant les cours de sciences, où elles obtiennent des informations sur le cycle menstruel et la PF naturelle. Différentes participantes ont indiqué que ces cours fournissent souvent des informations incomplètes et parfois incorrectes, ce qui peut compromettre la santé des filles et ne pas les protéger contre les grossesses non désirées. En outre, malgré l’existence de campagnes médiatiques sur la SSR et la PF, leur portée reste limitée, en particulier dans les régions provinciales. Selon les informateurs clés, les activités de sensibilisation contiennent principalement des informations sur la grossesse, la PF et la contraception et sont diffusées par les chaînes de télévision et de radio au niveau national. Bien que ces activités représentent une évolution positive, certains informateurs clés se sont inquiétés de la portée limitée de ces programmes, en partie à cause de la barrière de la langue. Les campagnes radiophoniques étant diffusées en malgache, certaines communautés des régions provinciales, qui utilisent des dialectes, pourraient ne pas être en mesure de comprendre les messages. Ces derniers temps, pour prévenir les grossesses précoces, les grossesses non désirées et éventuellement d’autres obstacles que pourraient rencontrer les jeunes, il y a une publicité qui a beaucoup circulé. Je les remercie personnellement d’avoir fait cette publicité car elle aide vraiment les jeunes à réaliser leurs rêves (Jeune fille à Antananarivo) À la radio par exemple, ils utilisent souvent le malgache officiel. Pourtant, les dialectes locaux devraient être priorisés dans les sensibilisations à la radio (Informateur clé dans le secteur de la santé à Atsimo-Atsinanana). En outre, les femmes choisissent généralement d’obtenir des informations sur la SSR et la PF par le biais des médias sociaux parce qu’elles craignent de se rendre au 28 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 centre de santé et de se heurter à un jugement social. A Antananarivo, Facebook est l’outil privilégié par lequel les jeunes femmes trouvent des recommandations sur les méthodes contraceptives. Plusieurs participantes ont mentionné avoir participé ou connu des groupes de discussion qui font de la publicité pour la vente de contraceptifs. La recherche d’informations sur la PF auprès de sources autres que les centres de santé officiels ou les éducateurs formés peut cependant présenter certains risques pour la santé des jeunes femmes, en particulier dans les cas où elles ont des conditions de santé préexistantes qui nécessitent des consultations médicales. Enfin, la tabouisation des sujets de SSR et l’absence de dialogue entre parents et enfants qui en découle entravent considérablement les connaissances des filles en matière de méthodes contraceptives. Le poids de la tradition, qui crée une distance entre parents et enfants, rend difficile la discussion sur la SSR. Cette difficulté en fait un sujet presque tabou au sein de la famille, en particulier entre les parents et les jeunes femmes. Les filles ont déclaré avoir peur de parler de santé sexuelle avec leurs mères. La tradition ancestrale souligne un manque de communication. Normalement vous êtes censé expliquer à votre fille que durant ses menstruations, elle devrait faire ceci, cela. Et pourtant, ça n’existe pas ici. Là est le souci (Informateur clé dans le secteur de la santé à Atsimo-Atsinanana) Accès limité à des services de PF de qualité destinés aux jeunes Malgré les dispositions légales reconnaissant le droit de tous les individus à la SSR, les adolescentes et les jeunes femmes continuent d’être limitées dans leur capacité à bénéficier de ces dispositions. La loi n° 2017-043 fixant les règles générales relatives à la santé de la reproduction et à la planification familiale dispose : « Aucun individu ne peut être privé de ce droit (à la SSR) dont il jouit sans discrimination fondée sur l’âge, le sexe, la fortune, la couleur de peau, la religion, l’ethnie, la situation matrimoniale ou toute autre situation. « Cette disposition est une innovation car l’accès à la contraception était auparavant réservé aux personnes ayant atteint un certain âge. Malgré l’adoption de cette loi et de cette nouvelle disposition, les adolescentes et les jeunes femmes peuvent encore être limitées dans leur accès aux services de santé sexuelle et reproductive. Par exemple, les médecins refusent parfois d’aider une mineure qui souhaite utiliser une méthode contraceptive. À Madagascar un jeune qui demande accès à la contraception est stigmatisé…tout ça. Même les médecins aux CSB,7 il y a des médecins qui sont très euh, très sévère quand il y a un jeune qui demande accès à des services de contraception et tout ça (ONG à Antananarivo) Les participants de l’échantillon ont fait état d’une discrimination potentielle à l’encontre des jeunes femmes qui souhaitent accéder aux services de PF ou aux informations sur la santé sexuelle et reproductive avant de commencer à procréer. 7 Les centres de santé de bases (CSB) sont des centres de santé de base. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 29 Comme mentionné précédemment, les services de SSR et les efforts de PF sont destinés aux femmes enceintes et aux mères, plutôt que d’être utilisés comme mesures préventives pour les femmes plus jeunes ou celles qui ne sont pas encore mères. Certains participants à Antananarivo ont signalé des cas de jeunes femmes se rendant dans des centres de santé spécifiquement pour recevoir des informations sur la santé sexuelle et reproductive, mais ces femmes semblent être une minorité. Les données recueillies dans les trois régions montrent que les services de PF ne sont souvent pas conçus pour répondre aux besoins des adolescentes ou des jeunes femmes. Il est intéressant de noter que certaines jeunes femmes elles-mêmes ont soutenu l’idée que ces services devraient être principalement destinés aux adultes ou aux femmes ayant des enfants. Ces résultats sont conformes à la littérature mondiale qui indique que, dans de nombreux pays en développement, les jeunes femmes et les adolescentes déclarent être dissuadées d’accéder aux services de santé sexuelle et reproductive de peur de recevoir un accueil négatif de la part du personnel des cliniques (Kiluvia et Tembele 1991 ; Otoide, Oronsaye et Okonofua 2001 ; Rasch et al. 2000 ; Richter et Mlambo 2005 ; Wood et Jewkes 2006). En outre, les adolescentes non mariées peuvent se sentir découragées de rechercher des services de SSR et de PF, craignant des réactions négatives et des jugements de la part de leurs familles ou de leurs communautés. Oui, même si selon moi ça ne devrait pas se faire pour les enfants. Normalement ça devrait être les gens qui ont déjà eu des enfants.… (Jeune fille à Antananarivo) C’est le cas à Befelatanana. C’est après avoir accouché qu’ils sensibilisent les femmes à recourir au planning familial et les conseils sur les méthodes les plus efficaces et les différentes méthodes (Jeune fille à Antananarivo) Le fait même pour les jeunes femmes de rechercher des services de PF peut affecter négativement leur statut social et répandre des rumeurs sur leur sexualité et leur réputation. Les participants d’Antananarivo ont rapporté que les jeunes femmes qui consultent les centres de santé sexuelle et reproductive ou de PF sont perçues de manière négative. Les gens peuvent commencer à répandre des rumeurs sur leur vie sexuelle, le nombre de leurs partenaires, une éventuelle grossesse ou un avortement. La peur du rejet social est l’une des principales raisons qui empêchent les jeunes femmes d’accéder aux services de santé sexuelle et reproductive. La fille a toujours peur d’être critiquée par la société, parce que si elle va dans ces centres de santé, les gens penseraient qu’elle est enceinte, ou bien qu’elle va avorter, elles sont victimes de jugement et ainsi n’osent pas venir consulter. Les gens clament même que si elle a suivi des méthodes contraceptives, c’est parce qu’elle s’est prostituée (Jeune fille à Antananarivo) C’est la société c’est-à-dire le souci du qu’en dira-t-on?... Et cela constitue un obstacle pour venir consulter les médecins au niveau des CSB pour des raisons de santé. … surtout pour les femmes notamment quand il s’agit de la santé sexuelle. Dès fois c’est considéré comme une honte. Souvent, 30 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 le véritable obstacle, ce sont les ragots et les commérages dans la société : “untel est allé consulter là-bas” (Médecin à Antananarivo) Les partenaires masculins influencent également la décision des femmes de recourir aux services de santé sexuelle et reproductive ou de PF. À Atsimo-Atsinanana, par exemple, les hommes perçoivent l’utilisation de contraceptifs par leurs femmes comme un acte d’infidélité ou un manque d’amour. La maternité étant considérée comme une preuve de l’amour de la femme pour son mari, la grossesse est l’aboutissement attendu d’une relation amoureuse. Selon une sage-femme interrogée à Atsimo-Atsinanana, les hommes peuvent accuser leurs femmes d’adultère ou d’infidélité si elles expriment le désir d’utiliser un moyen de contraception. Par conséquent, certaines femmes recherchent la PF en secret, craignant les réactions négatives ou l’interdiction de leurs partenaires masculins. Généralement, ici, le but d’un homme qui se lie avec une femme c’est de lui faire un enfant. « Si tu m’aimes réellement, tu dois tomber enceinte de moi » (Sage-femme à Atsimo-Atsinanana) En outre, le changement climatique et d’autres crises naturelles exacerbent les normes et les inégalités de genre négatives, affectant négativement la prise de décision des femmes en matière de santé (Erman et al. 2021). Une étude qualitative entreprise à Amboasary Atsimo et Ambanja dans les régions sud-est et nord-ouest de Madagascar respectivement, a permis de collecter des informations sur la manière dont les normes de genre et la prise de décision en matière de santé sexuelle et reproductive sont liées aux efforts visant à renforcer la résilience au changement climatique (Harivola 2021). L’étude a révélé que la pénurie de nourriture et de ressources résultant des inondations ou de la sécheresse influence la décision d’utiliser ou non les services de santé sexuelle, reproductive et maternelle telle que l’achat de méthodes contraceptives ou l’accouchement dans un centre de santé. Par exemple, un agent de santé a indiqué que le nombre d’accouchements dans le centre de santé de base de Sampona avait chuté de moitié au cours d’une période récente de pénurie alimentaire, parce que les femmes avaient honte que leurs familles ne puissent pas leur fournir une nourriture suffisante pour leur séjour au centre. Enfin, les valeurs traditionnelles malgaches font des enfants la première richesse des parents dans toutes les régions du pays, ce qui peut avoir des conséquences sur la pauvreté. Cette conception traditionnelle a donné lieu à la perception que plus un couple a d’enfants, plus la société considérera l’homme comme viril et vigoureux. Il est important de noter que, bien que les données mondiales indiquent une forte corrélation positive entre le taux de fécondité total d’un pays et le taux de pauvreté, les pays ayant un taux de pauvreté plus faible ont tendance à afficher un taux de fécondité total plus faible que leurs homologues ayant une incidence élevée de pauvreté. Ces conclusions impliquent également que les efforts visant à accélérer la transition démographique par la promotion des droits reproductifs et économiques des femmes, ainsi que de la santé maternelle et infantile, peuvent offrir un énorme potentiel de réduction de la pauvreté (DeJong 2000 ; Wietzke 2020). Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 31 En résumé, les femmes malgaches sont largement privées d’accès aux soins de santé professionnels, ce qui explique en partie la sous-utilisation des soins prénataux et postnataux, la faible proportion d’accouchements assistés, le taux élevé de mortalité maternelle et le taux élevé de fécondité des adolescentes. Les femmes font face à de nombreux obstacles dans l’accès aux services de santé, la pauvreté et le manque de moyens jouant un rôle crucial. En outre, les femmes des régions étudiées ont fait état d’une pénurie d’infrastructures de soins de santé, d’équipements et de médicaments, de la mauvaise qualité des traitements et du manque de confiance aux compétences des médecins. Outre les déterminants liés à l’offre, de nombreux autres causes contribuent au taux élevé de grossesses précoces, notamment le manque d’informations sur la santé sexuelle et reproductive et la contraception, ainsi que l’accès limité à des services de PF de qualité et adaptés aux jeunes. Les grossesses précoces ont un impact négatif important sur l’éducation des filles, car la plupart des filles enceintes ou des mères adolescentes dans les régions étudiées n’ont plus la possibilité de poursuivre leur scolarité. De plus, les grossesses précoces placent les filles dans une situation financière précaire, surtout en cas de séparation d’avec leur partenaire, ce qui n’est pas rare non plus. Ainsi, l’amélioration de l’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive et la réduction des taux de grossesse chez les adolescentes devraient être une priorité absolue pour Madagascar. Recommandations en matière de politique La prévention de la mortalité maternelle et l’accès régulier aux services et infrastructures de soins de santé professionnels sont importants non seulement pour le bien-être des femmes, mais aussi pour celui de leurs familles et des économies en général. Des recherches récentes démontrent les conséquences négatives considérables de la mortalité maternelle sur les taux de morbidité infantile et juvénile, la perte d’opportunités économiques et la transmission intergénérationnelle de la pauvreté dans les familles et les communautés où les femmes meurent de complications liées à la grossesse (Miller et Belizán 2015). Des données provenant d’Afrique du Sud montrent que la mortalité maternelle s’accompagne de coûts financiers élevés et d’une perte d’opportunités pour l’éducation des enfants (Knight et Yamin 2015). De même, dans les zones rurales du Kenya, la mortalité maternelle impose des chocs économiques importants aux familles, les obligeant souvent à recourir à des stratégies d’adaptation négatives telles que l’emprunt d’argent pour les funérailles et la vente d’actifs (Kes et al. 2015). Par conséquent, la lutte contre la mortalité maternelle et la garantie de services de soins de santé abordables et accessibles peuvent contribuer à apporter des gains économiques et sociaux à Madagascar. De même, la réduction de la fécondité des adolescentes est une priorité de développement pour Madagascar. Les mères adolescentes sont confrontées à des résultats négatifs en matière de santé, d’éducation et d’économie. Les mères adolescentes ont des taux de mortalité maternelle et des complications liées à la grossesse et à l’accouchement plus élevés que les mères plus âgées (Klugman et 32 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 al. 2014 ; Sagalova et al. 2021 ; UNICEF 2008 ; OMS 2007, 2014). D’après les données disponibles pour l’Afrique subsaharienne, la grossesse chez les adolescentes est associée à de mauvais résultats scolaires et à une probabilité accrue d’abandon scolaire (Barmao-Kiptanui, Kindiki et Lelan 2015 ; Maemeko, Nkengbeza et Chokomosi 2018). Les recherches montrent également que les effets négatifs se répercutent sur la génération suivante : les enfants nés de mères adolescentes sont plus susceptibles d’avoir des résultats scolaires inférieurs, d’être au chômage et d’avoir des revenus inférieurs (Hoffman et Maynard 2008 ; Male et Wodon 2016). Le tableau 1 résume les principaux obstacles identifiés et les recommandations en matière de politique pour améliorer l’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive et pour réduire la fécondité des adolescentes. Sur la base de l’analyse des méthodes mixtes, les orientations stratégiques suivantes ont été identifiées : • Orientation stratégique 1 : s’attaquer aux obstacles financiers et liés à l’offre qui entravent l’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive. • Orientation stratégique 2 : améliorer les connaissances des filles en matière de santé sexuelle et reproductive, de planification familiale et de prévention des grossesses. • Orientation stratégique 3 : améliorer l’accès à des services de santé sexuelle et reproductive adaptés aux jeunes et donner aux filles et aux jeunes femmes les moyens de les solliciter. Les politiques prioritaires devraient porter sur la réduction des obstacles financiers aux soins de santé, ce qui peut être réalisé par l’octroi de bons et de subventions aux populations vulnérables, y compris pour la couverture des frais de transport et des médicaments. En outre, des actions spécifiques sont nécessaires pour améliorer le code de conduite du personnel médical et les conseils sur la communication avec les patientes. En outre, il est essentiel d’améliorer les connaissances des filles en matière de santé sexuelle et reproductive, de planification familiale et de prévention des grossesses, afin qu’elles puissent prendre des décisions sur le calendrier et la composition de leurs familles. L’amélioration de ces connaissances et de la prise de décisions ne sera toutefois pas possible sans la formation et la sensibilisation du personnel de santé sur la manière de travailler/communiquer avec les adolescents/jeunes patients. Le tableau 3 résume les principaux obstacles identifiés et les recommandations en matière de politique pour améliorer l’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive et réduire le taux de grossesse chez les adolescentes à Madagascar. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 33 Tableau 3. Recommandations en matière de politique pour améliorer l’accès des femmes et des filles malgaches aux soins de santé professionnels Obstacles Durée Recommandations politiques Orientation stratégique 1 : éliminer les obstacles à l’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive liés à l’offre Faible couverture des Long terme • Améliorer la disponibilité et l’accessibilité des services de santé maternelle. centres de soins de santé • Élargir l’accès aux prestataires de soins de santé de première ligne. Coat prohibitif du Court terme • Fournir des bons et des subventions pour les soins de santé aux populations vulnérables, y traitement compris pour les frais de transport et les médicaments. Préférence pour Moyen terme • Reconnaître et prendre en compte le rôle important de la médecine traditionnelle. les accoucheuses traditionnelles (en partie • Éduquer et sensibiliser les femmes enceintes sur la manière de reconnaître les symptômes parce qu’elles sont plus dangereux pendant la grossesse. abordables) • Former les guérisseuses traditionnelles et les sages-femmes au traitement des complications de la grossesse. Mauvaise conduite du Court terme • Former le personnel médical à une communication efficace avec les patients. personnel Orientation stratégique 2 : améliorer les connaissances des filles en matière de santé sexuelle et reproductive, de planification familiale et de prévention des grossesses Faibles niveaux de Moyen terme • Améliorer la disponibilité d’informations techniques et fiables sur la contraception et son connaissances et utilisation, en particulier dans les écoles, en renforçant les initiatives existantes. existence d’idées fausses sur l’utilisation de la • Renforcer l’éducation, la ludo-pédagogie et le marketing social et élaborer des campagnes contraception de sensibilisation sur la santé sexuelle et reproductive afin de lutter contre les idées fausses et les croyances néfastes liées à l’utilisation de la contraception. Orientation stratégique 3 : améliorer l’accès à des services de santé sexuelle et reproductive adaptés aux jeunes et donner aux filles et aux jeunes femmes les moyens de les solliciter Accès insuffisant aux Court terme • Former et sensibiliser le personnel de santé à la manière de travailler/communiquer avec services de santé sexuelle les adolescents/jeunes patients. et reproductive, en particulier pour les Moyen terme • Créer des cliniques accueillantes pour les jeunes et établir des lignes directrices pour la adolescents et les jeunes mise en œuvre de normes de qualité pour les cliniques. femmes. Limitation de l’autonomie Long terme • Créer un environnement favorable à l’éducation scolaire des filles.a des filles dans les décisions relatives à la • Utiliser des programmes de mobilisation communautaire et d’autonomisation des grossesse et à la recherche adolescents pour encourager les filles à retarder la formation de la famille. de services de santé sexuelle et reproductive Source : Banque mondiale Note : PF = planification familiale ; SSR = santé sexuelle et reproductive. a. Voir note 1, «Défis et opportunités dans l’éducation». Orientation stratégique 1 : éliminer les obstacles liés à l’offre en matière d’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et génésique Les efforts prioritaires devraient porter sur l’amélioration de la disponibilité générale d’institutions de soins de santé et sur l’élargissement de leur accès aux femmes malgaches. Des investissements généraux dans les infrastructures, le personnel et l’approvisionnement contribueraient fortement à améliorer l’accès aux services de santé professionnels des femmes vulnérables, en particulier celles qui vivent dans des zones reculées (OMS 2012). L’élargissement de l’accès aux prestataires de soins de santé de première ligne constitue une stratégie alternative pour remédier au manque d’accès à des soins de santé maternelle adéquats. Une stratégie pour 34 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 faciliter l’accès consiste à déléguer certaines tâches cliniques des prestataires de soins de santé de niveau supérieur aux prestataires de niveau moyen ou inférieur, y compris les agents de santé communautaires et les accoucheuses traditionnelles. Rendre les soins médicaux plus largement accessibles aux femmes peut avoir des effets positifs sur le recours effectif à un soutien professionnel pendant et après la grossesse, comme l’on l’a vu en Indonésie, où le programme Bidam Di Desa (sage-femme de village), qui a formé des sages-femmes et les a déployées dans les zones rurales de tout le pays, a considérablement augmenté la proportion d’accouchements assistés (Ensor et al. 2008 ; Ensor et al. 2014). Il sera nécessaire de lever les contraintes financières qui pèsent sur les femmes vulnérables afin de garantir la disponibilité et l’accessibilité des services de santé maternelle requis, quel que soit le revenu. Le fait de rendre les services de santé maternelle plus abordables pour les femmes par le biais de mécanismes politiques ou juridiques peut apporter un changement positif à la santé de la mère et du nouveau-né. Des données mondiales suggèrent que la réduction des frais pour les services de santé maternelle ou l’octroi de bons ou de subventions aux femmes pour qu’elles puissent bénéficier d’un soutien médical augmentent le pourcentage d’accouchements assistés et réduisent les taux de mortalité néonatale et maternelle (Alfonso et al. 2015 ; Johri et al. 2014 ; Rasella et al. 2021). Tout en améliorant l’accès aux services de santé modernes, il est important de reconnaître et de prendre en compte le rôle important de la médecine traditionnelle dans certaines régions de Madagascar. Les efforts à cet égard devraient porter sur (1) la mise à contribution des guérisseuses traditionnelles et des sages-femmes dans la sensibilisation de leurs clientes à l’importance des soins prénataux et postnataux, et (2) l’éducation des femmes sur les moyens de reconnaître les symptômes dangereux pendant la grossesse et sur le moment où elles doivent rechercher un soutien professionnel. Au Nigéria, une intervention consistant à récompenser financièrement les accoucheuses traditionnelles pour chaque cliente reçue a permis d’augmenter la proportion de femmes bénéficiant de soins postnataux et néonataux (Chukwuma et al. 2019). En outre, encourager les futures mères à rechercher un soutien médical professionnel avant, pendant et après la grossesse peut être réalisé par des interventions de mobilisation communautaire et de conseil aux couples qui visent à éduquer les futures mères sur des sujets liés à la grossesse et à expliquer l’importance de rechercher un soutien en temps opportun. Les efforts d’information et de sensibilisation peuvent également jouer un rôle clé dans la promotion de normes favorables à la santé au sein de la population (George et Branchini 2017). La garantie d’une qualité élevée des services professionnels et des traitements dispensés par le personnel médical peut également contribuer à améliorer l’utilisation des services de santé professionnels à Madagascar. Les attitudes des prestataires de soins de santé et des responsables peuvent constituer un obstacle à l’accès des femmes aux services de santé maternelle et de santé sexuelle et reproductive et diminuer leur motivation à rechercher un soutien professionnel. L’amélioration de la qualité des traitements et des consultations peut être obtenue grâce à des politiques Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 35 spécifiques visant à renforcer les capacités institutionnelles existantes et à mettre en œuvre des procédures, des protocoles et des manuels normalisés pour le personnel en ce qui concerne la communication avec les patientes. Orientation stratégique 2 : améliorer les connaissances des filles en matière de santé sexuelle et reproductive, de planification familiale et de prévention des grossesses En ce qui concerne les grossesses chez les adolescentes, une revue systématique des interventions a montré que l’éducation à la santé sexuelle et reproductive, les conseils et la disponibilité des contraceptifs sont efficaces pour améliorer les connaissances des adolescents en matière de santé sexuelle, d’utilisation des contraceptifs et de réduction des grossesses chez les adolescentes (Salam, Faqqah, et Sajjad 2016). Les adolescents de Madagascar devraient avoir accès à une éducation sexuelle complète dans le cadre du programme scolaire. Cette éducation devrait inclure à la fois les aspects biologiques et les questions socio-émotionnelles de la reproduction, couvrant un large éventail de sujets, y compris la prise de décisions concernant la sexualité et les relations, la santé sexuelle et le bien-être, et la prévention des infections sexuellement transmissibles et des grossesses (UNESCO 2009, 2014). Dans l’idéal , l’élaboration, le contenu et la mise en œuvre des programmes d’éducation sexuelle complets devraient impliquer le groupe cible spécifique des adolescentes afin que les programmes puissent maximiser leur pertinence, leur qualité et leur efficacité et refléter les différents défis, perceptions et comportements au sein des différentes communautés et des différents groupes de jeunes (UNFPA 2014). Les participants à l’évaluation qualitative ont indiqué que les divers efforts déployés dans ce sens au cours des dernières années n’ont pas encore abouti. Une priorité connexe dans ce domaine est de s’attaquer aux croyances et aux idées fausses concernant l’utilisation de la contraception chez les jeunes filles non mariées. En raison du tabou ou des risques supposés liés à la contraception, les femmes qui ont recours à ce type de service sont stigmatisées. Les médias peuvent être utilisés pour améliorer la connaissance des méthodes et modifier les normes sociales relatives à leur utilisation. La mobilisation de la communauté et les conseils individuels prodigués par des utilisatrices de contraceptifs satisfaites qui peuvent partager leurs expériences sont également des stratégies idéales pour briser les mythes omniprésents. Une autre stratégie susceptible de réduire la croyance aux mythes, en particulier chez les femmes, est la formation des agents de santé à l’interaction et au partage d’informations avec les patients (Gueye et al. 2015). La « santé numérique » présente un potentiel à cet égard, car elle permet d’éviter la stigmatisation et la honte chez les utilisateurs potentiels. Par exemple, des informations sur la santé sexuelle et reproductive envoyées par SMS à des jeunes au Kenya sur leur capacité à rejeter les mythes et les idées fausses liés à la contraception ont été associées à une baisse statistiquement significative du nombre absolu moyen de mythes et d’idées fausses auxquels elles croyaient (Gichangi et al. 2022). 36 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 Le marketing social de la contraception, qui combine des caractéristiques liées à la demande et à l’offre, a été une stratégie d’intervention importante qui a permis d’accroître l’acceptabilité de certains contraceptifs - principalement les préservatifs et la pilule - et leur utilisation (McCleary-Sills, McGonagle et Malhotra 2012). De tels campagnes mènent souvent des études de marché pour mieux comprendre leur public cible et utilisent ensuite concomitamment la publicité, les relations publiques, les ‘événements spéciaux, les parrainages et la communication personnelle pour atteindre leurs clients cibles. Elles utilisent les médias communautaires, de masse et électroniques, ainsi que la ludo-éducation, non seulement pour convaincre les clientes d’utiliser leurs produits, mais aussi pour en faire l’option souhaitable, et donc la norme. Les approches ludo-éducatives, en particulier, rendent les messages accessibles et attrayants pour les publics cibles. En Afrique du Sud, une campagne de marketing social a entraîné un changement significatif des perceptions sur les grossesses non désirées et des intentions d’utilisation de la contraception (Branson et Byker 2018). Des programmes similaires pourraient permettre de réaliser des gains en termes de réduction de la fécondité des adolescentes à Madagascar. Orientation stratégique 3 : améliorer l’accès à des services de santé sexuelle et reproductive adaptés aux jeunes et donner aux filles et aux jeunes femmes les moyens de les solliciter Il est également fondamental d’améliorer l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive adaptés aux besoins des adolescents et des jeunes. L’élargissement de la disponibilité des services par le biais d’une offre scolaire ou de centres de soins mieux équipés et plus disponibles pourrait contribuer à remédier à ce problème. Des données mondiales suggèrent que la fourniture de services de santé en milieu scolaire a réduit le taux de natalité chez les filles âgées de 15 à 18 ans de 5 points de pourcentage (Lovenheim, Reback et Wedenoja 2016). En outre, l’élimination des coûts associés aux traitements ou aux consultations dans les établissements de santé sexuelle et reproductive s’est également avérée accroître l’utilisation de la contraception et de la planification familiale chez les jeunes femmes. Par exemple, la fourniture de méthodes de contraception gratuites et d’informations sur la manière de les utiliser peut fortement réduire l’indice synthétique de fécondité. À Madagascar, par exemple, selon les informateurs clés, certaines organisations de la société civile ont procédé à une diffusion massive de méthodes contraceptives dans les zones reculées du sud de Madagascar, ce qui a permis de réduire considérablement le taux de natalité dans cette région au cours des dix dernières années. 8 Les services fournis aux adolescents et aux jeunes femmes doivent être adaptés aux jeunes. Une étude récente des principaux déterminants influençant l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive adaptés aux jeunes en Afrique subsaharienne 8 Entre 2008 et 2021, l’indice synthétique de fécondité dans le Menabe est passé de 4,8 à 3,9 naissances par femme ; dans l’Atsimo Andrefana de 6,2 à 5,6 naissances par femme ; dans le Vatovavy Fitovinany de 6,5 à 4,5 naissances par femme ; et dans la Haute Matsiatra de 6,4 à 4,3 naissances par femme (EDS 2008-09, 2021). Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 37 indique que les interventions dans ce domaine devraient comprendre la formation intensive des agents de santé et la mise en place de lignes directrices pour la mise en œuvre de normes de qualité pour les cliniques afin qu’elles d’offrent des services en fonction des besoins et des préférences des jeunes. Les interventions visant à améliorer la convivialité des services pour les jeunes dans d’autres pays peuvent également être utiles à Madagascar. En Afrique du Sud par exemple, l’initiative nationale «Adolescent Friendly Clinic» comprenait des campagnes très médiatisées, un volet clinique visant à réduire les obstacles physiques et sociaux à l’accès aux services de santé reproductive, et un volet éducatif axé sur l’éducation sexuelle et les compétences nécessaires à la vie courante. Le volet éducatif de l’initiative comprenait la construction d’espaces dédiés à l’éducation et à la socialisation des jeunes dans les cliniques - les «chill rooms» - et l’emploi de jeunes locaux pour animer des programmes d’éducation sexuelle. Les participantes au programme National Adolescent Friendly Clinic Initiative ont suivi plus d’années de scolarité que les non-participantes (Branson et Byker 2018). Enfin, les initiatives permettant aux adolescentes et aux jeunes femmes d’exercer leur pouvoir et de retarder délibérément la formation précoce de la famille sont tout aussi importantes. Les programmes d’autonomisation des adolescents constituent une méthode efficace pour renforcer l’influence des filles sur les décisions en matière de santé sexuelle et reproductive. En règle générale, ces programmes intègrent les interventions suivantes : (1) formation aux aptitudes à la vie quotidienne pour enseigner aux filles la santé, la nutrition, l’argent, les finances, la sensibilisation juridique, la communication, la négociation, la prise de décisions et d’autres sujets pertinents ; (2) formation professionnelle et formation aux moyens de subsistance pour équiper les filles en vue d’activités génératrices de revenus ; et (3) création d’espaces sûrs pour les filles. Les données de l’Afrique subsaharienne montrent que les programmes d’autonomisation des adolescents sont très efficaces pour accroître les connaissances des filles en matière de santé sexuelle et reproductive et pour prévenir les grossesses chez les adolescentes (Baldwin 2011 ; Muthengi et Erulkar 2011). De même, les programmes de mobilisation communautaire semblent prometteurs en ce qui concerne la promotion de normes sociales positives autour de l’utilisation de la contraception et pour la réduction de la stigmatisation autour de la discussion des sujets de SSR (Diop et al. 2004 ; Erulkar et Muthengi 2009). 38 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 Annexe A. Méthodologie de l’étude qualitative préliminaire Le présent rapport est basé sur des données qualitatives collectées dans trois régions de Madagascar en juin et juillet 2022. Avant la collecte de données qualitatives auprès des jeunes femmes et des parents d’adolescentes, les données quantitatives existantes ont été analysées, suivies d’une revue de la littérature, d’un examen du système juridique actuel et de 10 entretiens avec des informateurs clés. Les informateurs clés interrogés comprenaient des représentants des institutions gouvernementales concernées, des partenaires de développement, des chercheurs, des organisations non gouvernementales actives dans les domaines concernés et des activistes. Les entretiens ont consisté en une série de questions visant à expliquer les expériences des filles et des jeunes femmes en matière de scolarisation, de formation de la famille et de participation au marché du travail. Les entretiens avec les informateurs clés ont permis de réfléchir et de discuter des obstacles, des facilitateurs et d’autres aspects importants des écarts observés entre les hommes et les femmes dans le pays. Les résultats des entretiens ont permis de définir la conception et les domaines d’intérêt de la recherche qualitative qui a été réalisée. Sur la base de ces entretiens avec des informateurs clés, de l’analyse préliminaire des données quantitatives et de la revue de la littérature, un effort ultérieur de collecte de données qualitatives a porté sur l’exploration des problèmes rencontrés par les jeunes femmes à Madagascar. La recherche qualitative globale visait à générer des connaissances sur une série de déterminants qui contribuent aux inégalités entre les sexes en matière de scolarisation, de formation de la famille, d’emploi et d’accès aux soins de santé, avec un accent particulier sur les adolescentes et les jeunes femmes. S’appuyant sur une approche fondée sur le cycle de vie, l’étude sa portée sur les problèmes auxquels les jeunes femmes de certaines régions sont confrontées dans leurs parcours scolaires, familiaux et professionnels. La présente recherche a respecté les principes de protection des sujets humains énoncés dans le rapport Belmont (Commission nationale pour la protection des sujets humains dans la recherche biomédicale et comportementale, 1979) et dans le document de l’Organisation mondiale de la santé intitulé «Les femmes d’abord : Recommandations en matière d’éthique et de sécurité pour la recherche sur la violence domestique à l’égard des femmes» (OMS 2001). Tous les protocoles de recherche ont été soumis à l’approbation d’un comité d’examen éthique avant la collecte des données. En outre, tous les protocoles de l’Organisation mondiale de la santé et ceux relatifs à la COVID-19 au plan national ont été respectés afin de garantir la sécurité de l’équipe de recherche et des participants. La collecte de données qualitatives s’est déroulée dans trois régions afin de refléter la diversité géographique de Madagascar. En outre, les régions sélectionnées diffèrent de manière significative en termes de disparités de genre observées (tableau A.1). En particulier, la région Analamanga était représentée par la capitale Antananarivo, qui affiche la plus faible proportion de femmes analphabètes (8,7 pour cent) et la plus faible proportion de femmes âgées de 20 à 24 ans qui se sont mariées avant l’âge Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 39 de 18 ans (17,9 pour cent) (EDS 2021). À Antananarivo, deux communautés urbaines ont été choisies avec une concentration d’entreprises industrielles, de commerces et de magasins dans chaque zone. Les régions d’Atsimo-Atsinanana et de Sofia ont été choisies parce qu’elles ont des taux élevés d’analphabétisme chez les femmes adultes (54 pour cent et 25 pour cent, respectivement) et des taux élevés de prévalence du mariage d’enfants (54,5 pour cent et 65 pour cent, respectivement, des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées pour la première fois avant l’âge de 18 ans) (EDS 2021). Les districts de Mandritsara (région de Sofia) et de Vangaindrano (région d’Atsimo- Atsinanana) ont été sélectionnés parce qu’ils présentent d’importantes disparités entre les sexes – en faveur des garçons– dans les taux d’inscription et de fréquentation de l’école secondaire. Tableau A.1. Justification du choix des régions pour l’étude Analamanga (capital Atsimo-Atsinanana Sofia Antananarivo) Taux d'analphabétisme 8,7 pour cent 54 pour cent 25 pour cent des femmes Sofia Taux de mariage 17,9 pour cent 54,5 pour cent 65 pour cent d'enfants Antananarivo Taux net de fréquentation de 54,8 % (contre 45 % 16,5 % (contre 23,1 % 21,6 % (contre 22 % l'enseignement pour les garçons) pour les garçons) pour les garçons) Atsimo secondaire Atsinanana Source : Banque mondiale. La collecte des données s’est faite à l’aide des trois principaux instruments suivants : 1. Entretiens avec un large éventail de représentants des secteurs de l’éducation, de la santé et du privé, des chefs religieux et traditionnels, des élus et des représentants de la société civile. 2. Discussions de groupe avec des femmes âgées de 25 à 34 ans et des mères et pères d’adolescentes. Pour des raisons liées à la COVID-19, chaque groupe de discussion était composé de cinq personnes au maximum. 3. Entretiens approfondis avec des jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans et des mères d’adolescentes. Un sous-échantillon de jeunes femmes pour les entretiens individuels approfondis était composé de déviantes positives (DP). L’approche des déviantes positives consiste à rechercher des individus qui sont confrontés à des défis et à des contraintes similaires à ceux de leurs pairs non déviants, mais 40 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 qui utilisent des stratégies et des comportements qui les aident à surmonter ces contraintes et à obtenir des résultats positifs qui sont inhabituels dans leur propre contexte. L’avantage de l’approche DP est la capacité d’identifier des solutions que certains individus utilisent déjà (Pascale et Monique 2010). Dans cette étude, les DP sont des jeunes femmes qui (1) ont achevé l’école secondaire sans interruption, (2) sont repris l’école après un décrochage, (3) ont suivi une formation professionnelle, ou (4) ont lancé leurs propres petites entreprises. Les guides d’entretien pour les différents groupes de personnes interrogées ou les groupes de discussion comprenaient des questions relatives à la scolarisation, à la formation de la famille et à la participation au marché du travail des jeunes femmes à Madagascar. Les autorités locales, en particulier les fokontany (chefs), ont soutenu le recrutement des participantes aux entretiens individuels approfondis et aux discussions de groupe. L’équipe de recherche leur a fourni les critères souhaités ainsi que les quotas à atteindre pour chaque sous-échantillon de participants. Les autorités locales ont ensuite été chargées d’identifier les participants potentiels. Les volontaires qui venaient s’inscrire étaient sélectionnés pour s’assurer qu’ils répondaient aux critères (âge, statut de parent d’une adolescente, niveau de scolarisation, etc.) En outre, l’échantillonnage en boule de neige a complété l’échantillonnage basé sur le volontariat pour identifier les quatre types de déviants positifs. Le tableau A.2 présente un résumé des participants à l’étude, de leur région et des activités auxquelles ils ont participé. Tableau A.2. Répartition des participants à l’étude, par région et par instrument de collecte des données Atsimo- Région Analamanga Sofia Atsinanana FGD IDI KII FGD IDI KII FGD IDI KII Jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans 2 3 2 2 2 2 Jeunes femmes âgées de 25 à 34 ans 2 2 2 Mères d'adolescentes 1 2 2 2 2 2 Pères d'adolescentes 1 2 2 DP (diplôme de fin d'études secondaires) 1 1 2 DP (a réintégré l'école après avoir 1 2 abandonné) DP (formation professionnelle achevée) 1 1 DP (création d'une petite entreprise) 1 2 Représentants de la société civile 1 1 Représentants du secteur de l'éducation 1 2 1 Représentants du secteur de la santé 1 1 Chefs religieux et traditionnels 1 1 2 Représentants du secteur privé 1 Les élus locaux 1 1 Total 6 8 6 8 9 5 8 8 4 Source : Banque mondiale. Note : FGD = groupe de discussion ; IDI = entretien approfondi ; KII = entretien avec un informateur clé ; DP = déviante positive. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 41 Tous les entretiens individuels et les discussions de groupe menés en langue malgache ont été enregistrés, transcrits et traduits en français. Le codage générique, une méthode de codage qui implique la classification des déclarations de chaque personne interrogée dans des codes thématiques préalablement établis, a été utilisé (Huberman et Miles 2003). Au fur et à mesure que de nouvelles informations étaient disponibles, la liste des codes préétablis a été revue et élargie. L’équipe a rencontré plusieurs difficultés au cours de son travail sur le terrain. Elle s’est heurtée à la barrière linguistique dans la région d’Atsimo-Atsinanana. La plupart des discussions de groupe se sont déroulées en présence du point focal, qui assurait la traduction du dialecte local vers le malgache officiel et vice versa. Comme cette traduction n’a eu lieu qu’à la fin de chaque discussion afin de ne pas couper les réponses des personnes interrogées, il est possible que la reformulation ait déformé certains commentaires. En outre, de nombreux déterminants tels que l’attitude de l’enquêteur, le statut social de la personne interrogée et les tabous existants entrent en jeu dans les situations d’entretien, affectant l’authenticité et la richesse des informations collectées. Ces facteurs ont suscité des réactions décrites par certaines des personnes interrogées au cours des différents entretiens, notamment l’inhibition (qui s’est manifestée par des réponses abruptes et peu développées au cours des entretiens ou par une participation limitée aux discussions de groupe) ou des attitudes défensives (en particulier dans le cas d’un chef traditionnel de la région d’Atsimo-Atsinanana). 42 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le domaine de la santé Cahier 2 Références Aguirre, D., L. Hoteit, C. Rupp, and K. Sabbagh. 2012. “Empowering the Third Billion: Women and the World of Work in 2012.” Booz and Company. Alfonso, Y. N., D. Bishai, J. Bua, A. Mutebi, C. Mayora, and E. Ekirapa-Kiracho. 2015. “Cost-Effectiveness Analysis of a Voucher Scheme Combined with Obstetrical Quality Improvements: Quasi experimental Results from Uganda.” Health Policy and Planning 30 (1): 88–99. 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