Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar © 2023 Banque internationale pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits réservés Cet ouvrage a été préparé par le personnel de la Banque mondiale. Les observations, interprétations et conclusions qui y sont présentées ne reflètent pas nécessairement l’opinion des membres du Conseil d’administration de la Banque mondiale ni celle des gouvernements qu’ils représentent. La Banque mondiale ne garantit en aucun cas l’exactitude des données qui y sont incluses. Les frontières, les couleurs, les dénominations et autres informations figurant sur les cartes dans le présent document ne traduisent en aucun cas une appréciation de la part de la Banque mondiale concernant le statut juridique d’un territoire, ni l’approbation ou l’acceptation de ces frontières. 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Méthodologie de l’étude qualitative préliminaire . . . . . . . . . . . . . . . . 53 Annexe B. Points d’entrée pour une réforme juridique visant à accroître l’autonomisation des femmes à Madagascar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 Résumé Le présent résumé présente les résultats de l’étude mixte sur les inégalités de genre à Madagascar, illustrant les principaux écarts entre les sexes dans le pays et mettant en lumière les défis particuliers auxquels les jeunes femmes malgaches sont confrontées dans leurs parcours scolaires, professionnels et familiaux. En raison de la persistance de barrières financières, sociales et institutionnelles, les femmes et les filles malgaches sont fortement désavantagées dans toutes les dimensions du bien-être et ne sont pas en mesure d’accéder aux mêmes opportunités que leurs concitoyens hommes et garçons. Elles sont largement limitées dans leur capacité à accumuler du capital humain dans les domaines de l’éducation et de la santé, et à participer aux opportunités économiques ; et elles sont confrontées à de graves obstacles en matière d’action et de prise de décision, en particulier en ce qui concerne la formation de la famille. En outre, les femmes et les filles semblent être impactées de manière disproportionnée par les effets du changement climatique et de la pandémie de COVID-19, qui creusent davantage les écarts préexistants entre les sexes et amplifient la vulnérabilité à la pauvreté, à la violence et à la discrimination. Sur la base des résultats de la recherche, l’aperçu présente les principales lacunes en matière de genre à Madagascar et propose quatre axes stratégiques de recommandations en matière de politique pour (i) aider les filles et les jeunes femmes à achever leur scolarisation, (ii) améliorer l’accès des femmes et des filles aux soins de santé professionnels et prévenir les grossesses chez les adolescentes, (iii) améliorer les opportunités économiques des femmes, et (iv) améliorer la participation et l’action des femmes et des filles à travers l’élimination de toutes les formes de violence basée sur le genre. Quatre notes thématiques accompagnent cet aperçu et présentent des résultats détaillés dans les quatre dimensions clés : la scolarisation, la santé, les opportunités économiques et l’action. Remerciements Le présent résumé fait partie d’une étude sur les disparités entre les sexes à Madagascar, intitulée «Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes - Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar». L’étude a été réalisée par une équipe composée d’Alina Kalle et de Miriam Muller. Le rapport a bénéficié d’importantes contributions de Tamara Bah, Joaquin Gustavo Betancourt, Ursula Casabonne, Fatoumata Dieng, Alexandra Jarotschkin, Francis Muamba Mulango, Esperance Mukeshimana, Stephanie Kuttner, Carmen de Paz, Sabrina Razafindravelo, Hiska Noemi Reyes, Paula Tavares et David Seth Warren. L’équipe remercie les évaluateurs Andrew Brudevold-Newman, Tazeen Hasan et Ana Maria Oviedo pour leurs précieux commentaires. Honora Mara a révisé le rapport. Karem Edwards a fourni un excellent soutien administratif tout au long du projet. L’équipe a travaillé sous la direction de Benu Bidani, Marie-Chantal Uwanyiligira et Pierella Pacci. Une équipe d’Ivorary Consulting a collecté, transcrit, traduit et codé les données qualitatives. La présente recherche a été financée grâce à une subvention de la Fondation Hewlett. Enfin, nous exprimons notre profonde gratitude à tous les informateurs clés et aux femmes, filles et parents qui ont partagé leurs histoires personnelles avec nous. Abréviations DP Déviante Positive EAH Eau, Assainissement et Hygiène EDS Enquête démographique et de santé EPM Enquête permanente auprès des ménages IDM Indicateurs du développement dans le monde ISF Indice synthétique de fécondité PF Planning familial FRAM Fikambanan’ny Ray Aman-drenin’ny Mpianatra (association de parents d’élèves) MICS Enquête en grappes à indicateurs multiples SSR Santé sexuelle et reproductive L’UNESCO Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture VBG Violences basées sur le genre VPI Violence entre partenaires intimes WBL Femmes, Entreprise et le Droit (Women, Business and the Law) Introduction L a promotion de l’égalité des sexes est cruciale non seulement pour les femmes et les filles elles-mêmes, mais aussi pour leurs familles, leurs communautés et la société dans son ensemble. D’après les données mondiales, l’autonomisation économique et sociale des femmes est associée à une augmentation de leur pouvoir de décision, à une réduction de leur vulnérabilité à la violence sexiste et à un retard des mariages d’enfants et de la fécondité (Acharya et al. 2010 ; Aizer 2010 ; Chakravarty, Das et Vaillant 2017). En outre, l’égalité des genres apporte une valeur significative aux familles et à la société, en raison de ses corrélations positives avec la croissance économique, l’amélioration de la productivité du travail, la réduction de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire, et de meilleurs résultats pour les générations futures (Aguirre et al. 2012 ; Allendorf 2007 ; Andrabi, Das, et Khwaja 2011 ; Dumas et Lambert 2011 ; Mulugeta 2021). Bien que Madagascar connaisse une transition démographique et s’attend à une croissance significative de la tranche de sa population en âge de travailler d’ici 2050, concentrer les investissements pour assurer la santé, la scolarisation et l’autonomisation des adolescentes est une action stratégique particulièrement importante qui se traduira probablement par des gains à long terme pour la croissance économique et le développement durable. Il est prouvé que les investissements sociaux et économiques en faveur des adolescents protègent les progrès réalisés pendant l’enfance, accélèrent la productivité et la croissance économique et préservent la santé de la future population adulte (Levine et al. 2008). Le présent résumé présente les principaux résultats d’une étude à méthode mixte sur les inégalités de genre à Madagascar et vise à faire la lumière sur l’autonomisation des adolescentes et des jeunes femmes dans le but ultime d’éclairer la réponse politique pour éliminer les obstacles sous-jacents. Les objectifs de l’étude étaient de générer des connaissances et d’approfondir la compréhension des inégalités de genre et de leurs déterminants à Madagascar, en mettant l’accent sur l’adolescence ; d’explorer les défis et les opportunités auxquels les adolescentes sont confrontées lorsqu’elles prennent des décisions en matière de formation de la famille, de scolarisation, de travail et d’intersection de ces éléments ; et d’identifier les facteurs et les stratégies qui soutiennent les jeunes femmes dans leurs décisions relatives à la scolarisation, au travail et à la formation de la famille. L’analyse quantitative a permis d’explorer l’état des écarts entre les sexes dans divers domaines (capital humain, opportunités économiques et action des femmes) en fonction des caractéristiques sociodémographiques, d’identifier les régions où les écarts entre les sexes sont les plus importants et d’évaluer l’évolution du pays en matière de réduction des disparités entre les sexes au cours des deux dernières décennies. (Voir l’encadré 1 pour une liste des sources de données quantitatives utilisées dans le présent rapport.) En outre, l’équipe a effectué un examen du système juridique actuel et une revue de la littérature sur le genre à Madagascar et sur ce qui fonctionne pour combler les écarts entre les sexes dans toutes les dimensions du bien-être, sur la base de données issues de la région de l’Afrique sub-saharienne (Banque mondiale 2023). 10 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar Encadré 1. Sources des données quantitatives de l’analyse • Base de données des indicateurs du développement mondial de la Banque mondiale (IDM) • Base de données statistiques de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) • Enquête Afrobaromètre Round 7 sur les attitudes en matière de genre • Enquête démographique et de santé (EDS) 2008-09 et 2021 • Enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS) Madagascar 2018 • Enquête permanente auprès des ménages (EPM) 2021-2022 • Estimations de l’Organisation internationale du travail (OIT) • Ensemble de données de la Banque mondiale sur les femmes, les entreprises et le droit 2023 En plus de l’évaluation quantitative, l’équipe a réalisé une étude qualitative dans le but de générer des connaissances sur l’ensemble des facteurs qui contribuent aux inégalités entre les sexes en matière de scolarisation, de formation de la famille, d’emploi et d’accès aux services de santé sexuelle et reproductive (SSR), avec un accent particulier sur les adolescentes et les jeunes femmes. Les domaines d’intérêt spécifiques de la recherche comprenaient (1) les facteurs d’inclusion ou de réintégration scolaire des adolescentes ; (2) les déterminants des décisions de mariage des adolescentes ; (3) les aspirations des adolescentes en termes scolarisation et de carrière professionnelle ; (4) les causes des disparités entre les sexes dans l’accès à l’emploi ; (5) les influences parentales sur les parcours scolaires et professionnels des filles ; et (6) les institutions et les stratégies qui permettent aux adolescentes et aux jeunes femmes de prendre des décisions éclairées concernant leur scolarisation, leur mariage et leur travail. Les données qualitatives ont été recueillies par le biais d’entretiens individuels approfondis, de discussions de groupe et d’entretiens avec des informateurs clés. Des entretiens individuels approfondis ont été réalisés avec plusieurs sous-échantillons de participantes : (1) des femmes âgées de 18 à 24 ans, (2) des femmes âgées de 25 à 35 ans, (3) des mères d’adolescentes, et (4) ce que l’on appelle des déviantes positives - des jeunes femmes qui ont réussi à retarder la formation précoce de la famille et à réussir dans leurs études et leur travail malgré les mêmes difficultés que d’autres sous- échantillons de jeunes femmes dans leur communauté. En outre, les discussions de groupe comprenaient les sous-échantillons de participantes suivants : (1) des femmes âgées de 18 à 24 ans, (2) des femmes âgées de 25 à 35 ans, (3) des mères d’adolescentes et (4) des pères d’adolescentes. Enfin, des entretiens avec des informateurs clés ont eu lieu avec des chefs religieux et traditionnels, des élus et un large éventail de représentants de la société civile et des secteurs de l’éducation, de la santé et du privé. Introduction 11 La collecte des données qualitatives s’est déroulée de juin à août 2022 dans trois régions géographiquement et culturellement différentes de Madagascar : Analamanga, Atsimo-Atsinanana et Sofia. La région d’Analamanga était représentée par la capitale Antananarivo, qui affiche la plus faible proportion de femmes analphabètes (8,7 pour cent) et la plus faible proportion de femmes âgées de 20 à 24 ans mariées avant l’âge de 18 ans (17,9 pour cent) (EDS 2021). À Antananarivo, deux communautés urbaines ont été choisies avec une concentration d’entreprises industrielles, de commerces et de magasins dans chaque zone. Les régions d’Atsimo-Atsinanana et de Sofia ont été choisies parce qu’elles présentent des taux élevés d’analphabétisme chez les femmes adultes (54 % et 25 %, respectivement) et des taux élevés de prévalence du mariage d’enfants (54,5 % et 65,0 %, respectivement, des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées pour la première fois avant l’âge de 18 ans) (EDS 2021). Les districts de Mandritsara (région de Sofia) et de Vangaindrano (région d’Atsimo-Atsinanana) ont été sélectionnés parce qu’ils présentent de fortes disparités entre les sexes – en faveur des garçons – dans les taux d’inscription et de fréquentation de l’école secondaire. Une description plus détaillée de la méthodologie est présentée en annexe A. Les principales conclusions de cette étude mixte sont les suivantes : • L’accès à l’éducation est un défi pour tous à Madagascar, mais les filles sont confrontées à des obstacles supplémentaires liés à leur genre. Bien que les filles soient plus nombreuses que les garçons à fréquenter et à achever les études primaires et secondaires, l’accès à la scolarisation est très faible pour tous les enfants : seulement 36,6 pour cent des filles et 34,3 pour cent des garçons âgés de 12 à 15 ans terminent le premier cycle de l’école secondaire (IDM, base de données statistiques de l’UNESCO, 2019). En outre, le taux global de scolarisation reste préoccupant et une part importante des femmes adultes est analphabète (23,9 % contre 21,4 % pour les hommes ; EDS 2021). Bien que gratuite sur le papier, la scolarisation implique de multiples coûts indirects - uniformes, matériel scolaire, frais de scolarité, déjeuners et autres dépenses imprévues - qui sont souvent exacerbés par les impacts du changement climatique sur les infrastructures scolaires. Il est attendu des parents qu’ils contribuent financièrement ou en nature aux salaires des enseignants non fonctionnaires non subventionnés qui, dans certains cas, constituent la majeure partie du personnel enseignant. Outre la pénurie générale d’écoles, les écoles existantes manquent souvent de locaux et de capacités appropriées pour accueillir tous les élèves. La participation à l’agriculture et l’implication généralisée dans divers travaux interrompent les parcours scolaires des adolescents (filles et garçons). Bien que la plupart des obstacles à l’accès à la scolarisation soient universels, les chances des filles d’achever le cycle secondaire sont réduites en raison de leur forte implication dans les tâches domestiques, de la violence sexiste à l’école, du manque de pouvoir d’action et, surtout, des mariages d’enfants et des grossesses précoces. 12 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar • L’accès aux services de santé sexuelle, reproductive et maternelle reste limité, en particulier pour les adolescentes et les jeunes femmes célibataires. Les femmes et les filles malgaches sont fortement désavantagées en matière de connaissances et d’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive, comme en témoignent la faible proportion d’accouchements assistés par des professionnels (45,8 %) (EDS 2021) et les besoins non satisfaits en matière de contraception (14,6 %). Le taux de mortalité maternelle est également élevé (335 décès pour 100 000 naissances vivantes) (IDM 2017). Globalement, la rareté des centres de santé et les coûts prohibitifs des consultations limitent l’accès des femmes et des filles aux services de santé en général. Dans le même temps, les chances des jeunes femmes de rechercher des services de SSR sont encore plus limitées par le manque de sources d’information fiables sur la SSR, l’absence de cliniques de qualité adaptées aux jeunes et les normes sociales négatives qui découragent l’utilisation des services de planification familiale chez les femmes non mariées/femmes sans enfants. Tous ces obstacles contribuent à la proportion élevée de grossesses chez les adolescentes (31,1 % des filles âgées de 15 à 19 ans ont commencé à avoir des enfants) (EDS 2021), ce qui est associé à de nombreux risques pour le bien-être des filles, avec des effets négatifs potentiels à long terme sur leur éducation, leur santé, leurs possibilités d’emploi et leur vulnérabilité à la pauvreté. • Le continuum des obstacles à la recherche d’un emploi de qualité affecte de manière disproportionnée les femmes et les filles. Les femmes malgaches sont moins susceptibles que les hommes de participer au marché du travail : 71,3 % contre 82,4 % respectivement (EPM 2021-22). En outre, les femmes ont un accès limité à des emplois de meilleure qualité : seulement 24 pour cent des femmes actives sont salariées contre 35 pour cent des hommes actifs, et les femmes salariées sont surreprésentées parmi les travailleurs familiaux non rémunérés (14 pour cent contre 5 pour cent des travailleurs de sexe masculin) et dans l’agriculture de subsistance (32 pour cent contre 23 pour cent respectivement) (EPM 2021-22). Ce manque d’accès à des emplois de meilleure qualité peut s’expliquer en partie par l’absence factuelle d’emplois et l’existence de formes légales de discrimination qui empêchent les femmes d’occuper certains emplois (par exemple, dans le secteur industriel). En outre, les jeunes femmes manquent d’aptitudes et de compétences, de connaissances, d’une vision claire et d’instruments leur permettant de concrétiser leurs aspirations professionnelles. Il ressort des entretiens que les femmes sont également victimes de discriminations fondées sur leur genre, leur origine ethnique et leur apparence physique lors des processus de recrutement ; les femmes qui travaillent dans le secteur informel sont souvent confrontées à des conditions de travail dégradantes, à des revenus faibles et instables, ainsi qu’à des acte d’abus et à de harcèlement sexuel de la part de leurs employeurs. • Les femmes et les filles sont fortement limitées dans leur pouvoir d’action et de décision, comme en témoignent les taux élevés de violence entre partenaires intimes (41 % des femmes ayant déjà été mariées ont subi au moins une de ses formes) et le mariage d’enfants (38,8 % des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées avant l’âge de 18 ans) (EDS 2021). La formation de la famille débute à un Introduction 13 âge très précoce pour de nombreuses filles et jeunes femmes malgaches. Pour de nombreuses filles pauvres et leurs familles, la décision de fonder une famille à un âge très précoce est motivée par le manque de moyens, car le rituel du mariage implique des avantages économiques pour le ménage (une dot). En outre, les attitudes négatives largement répandues à l’égard des femmes non mariées et des grossesses hors mariage poussent souvent les adolescentes et leurs familles à se marier tôt, en partie pour se conformer aux normes sociales et aux modèles de comportement attendus. Il est important de noter que les pratiques en matière de mariage d’enfants sont diverses et présentent des différences géographiques frappantes. À l’exception de la capitale Antananarivo, le mariage d’enfants est souvent célébré en vertu du droit coutumier. D’après les entretiens approfondis et les discussions de groupe dans trois régions de Madagascar, plusieurs déterminants croisés et interconnectés sont à l’origine des inégalités de genre observées et affectent la capacité des filles et des femmes malgaches à prendre des décisions de vie éclairées et à espérer une vie meilleure (figure 1). Tout d’abord, la pauvreté et le manque de moyens sont les principaux obstacles qui empêchent les adolescentes et les jeunes femmes d’accumuler leur capital humain en matière d’éducation et de santé, de retarder la formation précoce d’une famille et d’accéder à des emplois de meilleure qualité. En outre, les normes sociales patriarcales et les rôles inéquitables des hommes et des femmes sont en grande partie à l’origine des inégalités observées : la pression exercée pour se conformer aux modèles de comportement socialement acceptés pousse de nombreuses jeunes femmes (en particulier celles des ménages pauvres) à fonder une famille à un âge très précoce, ce qui compromet souvent leurs chances de terminer leur scolarité et d’accéder à des emplois de meilleure qualité plus tard dans leur vie. En outre, l’incapacité des femmes à accéder aux services de base et à participer aux opportunités économiques peut être attribuée à une capacité institutionnelle et à une prestation de services limitées. Enfin, la vulnérabilité aux chocs et au changement climatique pose des défis supplémentaires et affecte les femmes de manière disproportionnée en exacerbant leur charge de travail domestique, en amplifiant l’insécurité alimentaire et la malnutrition, et en entravant l’accès à l’éducation. Dans l’ensemble, ces facteurs limitent considérablement le contexte dans lequel les adolescentes et les jeunes femmes peuvent agir et progresser dans la vie, en ne leur laissant souvent aucune option ni aucun choix. Dans tous les domaines, même lorsque des options ou des choix existent, les jeunes femmes manquent fondamentalement de pouvoir d’action, c’est-à-dire de la capacité de prendre des décisions et d’agir en conséquence. Il est important de noter que si les écarts entre les sexes sont globalement élevés, les femmes et les filles des zones rurales et des ménages pauvres sont particulièrement désavantagées. 14 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar Figure 1 . Défis structurels affectant les résultats en matière de genre à Madagascar selon la recherche qualitative PAUVRETÉ ET MANQUE DE MOYENS ET PRESTATION DE SERVICES LIMITEES ET NORMES SOCIALES PATRIARCALES RÔLES DE GENRE INÉQUITABLES Scolarisation INSTITUTIONS Accès á la SSR Autonomisation et voix Qualité du travail VULNÉRABILITÉ AUX CHOCS EXTERNES ET AU CHANGEMENT CLIMATIQUE Source : Figure originale conçue pour ce rapport. Note : SSR = Santé sexuelle et reproductive Les sections suivantes présentent les principales lacunes en matière de genre à Madagascar à travers quatre dimensions : la scolarisation, la santé, les opportunités économiques et la capacité d’agir (Voir tableau 1). Sur la base de l’identification des lacunes et des obstacles dans chaque dimension et des preuves de ce qui fonctionne le mieux, chaque section fournit des orientations stratégiques pour des actions en matière de politique qui pourraient s’appliquer au contexte de Madagascar. Des résultats plus détaillés sont présentés dans les notes thématiques autonomes qui les accompagnent : • La note 1 : Défis et opportunités en matière de scolarisation fournit des informations plus approfondies sur l’état de la scolarisation des filles à Madagascar. • La note 2 : Défis et opportunités en matière de santé examine l’état de la santé maternelle, sexuelle et reproductive des femmes et des jeunes filles à Madagascar. • La note 3 : Défis et opportunités pour accroître l’autonomisation économique des femmes et des filles analyse l’état des opportunités économiques des femmes et des filles à Madagascar. Introduction 15 • La note 4 : Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes fournit des informations plus approfondies sur l’état de la participation et de l’action des femmes et des filles à Madagascar. Tableau 1. En un coup d’œil : Principales lacunes en matière de genre et obstacles respectifs à Madagascar Santé maternelle, sexuelle et Action des filles et des Education Opportunités économiques reproductive femmes Écarts entre les hommes et les femmes • L’analphabétisme féminin • Les services de santé • Le taux de participation des • Les violences basées sur le est très répandu, en maternelle sont largement femmes au marché du travail genre sont très répandues particulier dans les zones sous-utilisés : plus de 50 % (15-64 ans) est élevé mais : 41 % des femmes âgées rurales : 28 % des femmes des accouchements ne sont inférieur à celui des hommes de 15 à 49 ans qui ont été rurales âgées de 15 à 49 ans pas assistés par un personnel : 71,3 % contre 82,4 % pour les mariées ont été victimes ne savent pas lire, contre 24,9 qualifié. hommes (EPM 2021-22). d’une forme ou d’une autre % des hommes ruraux (EDS de violence de la part d’un 2021). • L’utilisation de la • La qualité de l’emploi féminin partenaire intime au moins contraception est faible : reste faible : les femmes sont une fois dans leur vie (EDS • Le taux d’achèvement de seulement 49,7 % des femmes surreprésentées parmi les 2021). la scolarité est plus élevé mariées/partenaires âgées travailleurs familiaux (14 chez les filles que chez les de 15 à 49 ans utilisent une pour cent de l’ensemble des • Les normes sociales garçons, tant au niveau contraception (32,3 % des travailleuses contre 5 pour tolèrent fortement les primaire (66 % contre 61 femmes du quintile de richesse cent des travailleurs) et dans VBG : 40,6 % des femmes %) qu’au premier cycle le plus pauvre contre 55,4 % l’agriculture de subsistance (32 justifient les coups portés secondaire (36,6 % contre des femmes du quintile le plus pour cent contre 23 pour cent de aux épouses pour au moins 34,3 % respectivement) (EDS riche) (EDS 2021). l’ensemble des emplois féminins une raison spécifique, 2021). et masculins respectivement) contre 27,8 % des hommes • La mortalité maternelle est (EPM 2021-22). (EDS 2021). élevée : 335 décès pour 100 000 naissances vivantes (IDM 2017). • Les écarts salariaux entre les • Le mariage d’enfants est hommes et les femmes sont un phénomène courant : • L’accès des femmes aux soins importants, s’élevant à 28,9 38,8 % des femmes âgées de de santé est limité : 70 % des points de pourcentage en faveur 20 à 24 ans ont été mariées femmes malgaches âgées de 15 des hommes (EPM 2021-22). avant l’âge de 18 ans (58,3 à 49 ans rencontrent au moins % des femmes du quintile un obstacle dans l’accès aux • L’inclusion financière des de richesse le plus pauvre soins de santé (EDS 2021). femmes est faible : seules 4,4 % contre 15 % des femmes du des femmes âgées de 15 à 49 ans quintile le plus riche). Cette • Les grossesses chez les ont un compte bancaire, contre proportion atteint 65 % adolescentes sont très 5,3 % des hommes (EDS 2021). dans la région de Sofia (EDS répandues : 31,1 % des filles 2021). âgées de 15 à 19 ans ont • Les femmes rurales sont commencé à avoir des enfants victimes de discrimination en (47,7 % chez les filles du quintile matière de propriété foncière : de richesse le plus pauvre contre seules 10,7 % des femmes rurales 12,2 % chez les filles du quintile âgées de 15 à 49 ans possèdent le plus riche) (EDS 2021). une terre contre 24,8 % des hommes ruraux (EDS 2021). 16 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar Santé maternelle, sexuelle et Action des filles et des Education Opportunités économiques reproductive femmes Déterminants des écarts observés entre les hommes et les femmes • Obstacles financiers (coûts Obstacles à l’accès aux services • Inadéquation entre les • Pauvreté et manque de prohibitifs de la scolarité, de santé maternelle, sexuelle et compétences acquises à l’école moyens. nécessité de donner la reproductive : et celles recherchées sur le priorité au travail plutôt marché du travail. • Les rôles inégaux des qu’aux études, malnutrition, • Faible couverture des hommes et des femmes dépenses financières structures de santé (manque • Rareté des emplois sur le et les normes sociales supplémentaires dues d’hôpitaux et de centres de marché du travail. patriarcales limitent aux effets du changement santé, manque d’équipement l’action des femmes, et de contraception, manque de • L’action et les aspirations des tolèrent les VBG et climatique). personnel médical formé). femmes peu qualifiées en découragent le recours aux • Obstacles liés aux matière de recherche d’emploi. services de santé sexuelle infrastructures et aux • Coûts prohibitifs des et reproductive et de traitements, des consultations, • Népotisme, corruption et écoles (pénurie d’écoles, planification familiale. de la contraception et des discrimination (fondée sur le manque d’infrastructures accouchements assistés par des sexe, l’apparence physique, • Grande importance appropriées, manque professionnels. l’origine ethnique, etc.) accordée à la fécondité et à d’enseignantes qualifiées, mauvaise qualité de la formation de la famille. • Mauvaise qualité des services • Discrimination légale.a l’enseignement, décalage • Absence d’autres options médicaux. • VBG sur le lieu de travail entre le calendrier scolaire et de vie. le calendrier agricole). Les déterminants de grossesse • Charge du travail domestique chez les adolescentes : • Impossibilité de • Obstacles liés au sexe et de la garde des enfants non poursuivre des études (par (mariage d’enfants, grossesse • Manque d’informations sur la rémunérée. manque de moyens). précoce, charge de travail santé sexuelle et reproductive domestique, VBG à l’école, et la contraception • Manque d’accès et de limitation de l’action des (connaissances limitées sur la connaissances en matière filles). santé sexuelle et reproductive, de santé sexuelle et mythes et idées fausses sur reproductive et de PF. la contraception, manque de sources d’information fiables sur la santé sexuelle et reproductive et la PF). • Accès limité à des services de planification familiale de qualité destinés aux jeunes (discrimination des filles dans l’accès aux services de PF ; normes sociales négatives concernant l’utilisation de la PF par les femmes non mariées). Sources : Compilé par le personnel de la Banque mondiale sur la base de l’Enquête démographique et de santé (EDS), 2021 ; l’Enquête permanente auprès des ménages (EPM), 2021-22 ; Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde (IDM), 2017 et 2019. Note : FP = planning familial ; SSR = santé sexuelle et reproductive ; VBG = violence basée sur le genre. a. Voir l’annexe B sur la liste des formes juridiques de discrimination empêchant l’accès des femmes et des filles au marché du travail à Madagascar. Introduction 17 L’accès à la scolarisation est un défi pour tous à Madagascar, mais les filles sont confrontées à des obstacles supplémentaires liés à leur genre A ider les filles et les jeunes femmes à terminer leurs études primaires et secondaires est une priorité absolue pour Madagascar. Les données mondiales montrent que la scolarisation des femmes déclenche une série d’améliorations dans les domaines de la santé reproductive (Kabeer 2005) et renforce la capacité prise de décision des femmes dans le ménage (Riaz et Pervaiz 2018). Chaque année supplémentaire de scolarisation diminue les risques de mariage d’enfants et de fécondité des adolescentes (Banque mondiale 2012) et augmente les chances des femmes d’obtenir un emploi de meilleure qualité plus tard dans la vie (Habib et al. 2019). En outre, la scolarisation des femmes est positivement associée à de meilleurs investissements dans le capital humain des enfants (Diamond, Newby et Varle 1998 ; Klugman et al. 2014 ; Banque mondiale 2012). C’est également un facteur clé de l’autonomisation des femmes (Klugman et al. 2014). Tous ces facteurs combinés peuvent contribuer à sortir les ménages, les communautés et les pays de la pauvreté et à accélérer la croissance économique (Schultz 1993 ; Summers 1994). Le niveau de scolarisation reste faible à Madagascar, tant chez les hommes que chez les femmes, et une part importante des femmes adultes est analphabète. En 2021, seuls 3,1 % des femmes et 3,4 % des hommes malgaches âgés de 15 à 49 ans avaient achevé le premier cycle de l’enseignement secondaire, et environ 2,7 % des femmes et 3,2 % des hommes avaient achevé l’enseignement supérieur (EDS 2021). Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de n’avoir reçu aucune scolarisation formelle : 19,5 % contre 18,7 % (EDS 2021). En outre, 23,9 % des femmes âgées de 15 à 49 ans sont analphabètes (contre 21,4 % des hommes). Par rapport aux hommes, les femmes ont tendance à afficher des taux d’alphabétisation plus faibles dans presque toutes les régions. Dans certaines provinces du Sud, l’écart entre les sexes en matière d’alphabétisation est particulièrement élevé (par exemple, jusqu’à 29 points de pourcentage dans le Menabe), les femmes étant désavantagées (EDS 2021). Parallèlement, parmi les enfants en âge d’être scolarisés, les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons en matière de scolarisation et d’achèvement des études primaires et secondaires. En 2021, 75,4 % des filles âgées de 6 à 10 ans fréquentaient l’école primaire, contre 71,3 % des garçons (EDS 2021). De même, le taux net de fréquentation du secondaire était plus élevé chez les filles que chez les garçons âgés de 11 à 17 ans (30,8 % contre 27,6 % ; EDS 2021). Des progrès significatifs ont été enregistrés dans les taux d’achèvement des cycles primaire et du secondaire au cours des deux dernières décennies. En 2019, plus de filles que de garçons en âge d’être scolarisés avaient achevé l’école primaire (66 % contre 61 %) et le premier cycle de l’enseignement secondaire (36,6 % contre 34,3 %) (base de données statistiques de l’UNESCO ; IDM 2019). Les données qualitatives montrent que si tous les enfants rencontrent des difficultés pour accéder à la scolarisation à Madagascar, les filles sont confrontées à des contraintes spécifiques liées à leur sexe. Bien que les filles soient plus nombreuses que les garçons à fréquenter l’école et à l’achever, une part importante des enfants malgaches en âge d’être scolarisés n’a pas accès à la scolarisation. Ainsi, l’exploration des défis et des barrières particuliers qui entravent l’accès à la scolarisation à Madagascar offre une grande valeur significative pour l’amélioration des résultats scolaires de tous les enfants, L’accès à la scolarisation est un défi pour tous à Madagascar, mais les filles sont confrontées 19 et des filles en particulier. Les paragraphes suivants présentent ces barrières regroupées en trois grandes catégories : (1) les barrières financières, (2) les barrières liées à l’école, et (3) les barrières spécifiques au genre (Figure 2). Figure 2. Barrières qui empêchent l’accès des filles à la scolarisation à Madagascar Barrières financières Barrières liées à l'école Barrières spécifiques au genre Coûts directs & Shortage of schools/ indirects de la long distances to Mariage d'enfants scolarisation schools Manque/éloignement Dépenses liées à la des écoles rénovation des Grossesse précoce infrastructures Manque scolaires détruites d'enseignantes par le changement qualifiées climatique Travaux ménagers Mauvaise conduite des enseignants et Malnutrition mauvaise qualité de VBG à l'école l'enseignement Travail des enfants (conséquence de la Langue Manque pauvreté) d'enseignement d'autonomie des (Français plutôt que filles langue locale) Source : Figure originale conçue pour ce rapport. Note : VBG = violence basée sur le genre. Tout d’abord, de nombreux ménages malgaches n’ont pas les moyens de scolariser leurs enfants en raison des coûts directs et indirects qui y sont associés. Les parents doivent payer des frais d’inscription et couvrir les coûts des fournitures scolaires, des déjeuners et des uniformes. Après des événements climatiques extrêmes, les parents doivent également couvrir des dépenses imprévues telles que la remise en état des salles de classe et la rénovation des infrastructures endommagées. Les parents doivent contribuer aux salaires des enseignants non fonctionnaires ou FRAM non subventionnés,1 qui, dans certains cas, constituent la quasi-totalité du corps enseignant. Le paiement des frais de scolarité est de plus en plus difficile pour les familles pauvres et les mères célibataires, en particulier parce que ces frais augmentent avec le niveau 1 FRAM signifie Fikambanan’ny Ray Aman-drenin’ny Mpianatra, l’équivalent malgache de l’Association des parents d’élèves. Les enseignants FRAM sont recrutés par la communauté et financés principalement par les parents d’élèves. Souvent, ces enseignants n’ont pas reçu de formation initiale à l’enseignement. Bien que le recrutement d’enseignants non fonctionnaires soit interdit depuis 2014, la pratique se poursuit en raison du manque d’alternatives d’emploi pour les jeunes diplômés et du manque de fonds scolaires alloués au personnel enseignant. Selon l’annuaire statistique du ministère de l’Éducation nationale (2020-2021), les enseignants FRAM représentent 62 % du personnel enseignant à Madagascar, dont 19 % sont subventionnés par l’État et 43 % par les parents d’élèves. 20 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar scolaire. Outre les coûts directs de la scolarité, les participants à l’étude dans les trois régions ont mentionné à plusieurs reprises la question connexe de l’insécurité alimentaire comme une cause importante d’abandon scolaire précoce : les enfants souffrant de sous-alimentation arrivent souvent en classe le ventre vide, ont du mal à se concentrer et ressentent de la honte, ce qui les démotive encore plus dans la poursuite de leurs études. L’incapacité à payer les frais de scolarité, à fournir les repas de midi et à couvrir d’autres dépenses directes et indirectes interrompt souvent les parcours scolaires des filles et conduit à l’abandon définitif de l’école. Le manque de moyens financiers incite les parents à donner la priorité au travail plutôt qu’aux études, ce qui entraîne une forte implication des enfants dans des activités génératrices de revenus. L’étude montre que les parents impliquent activement leurs enfants dans l’agriculture, ce qui a un impact négatif sur la fréquentation scolaire. De nombreux élèves ne retournent jamais à l’école après leur travail agricole temporaire, et ceux qui y retournent ont parfois quelques mois de retard, ce qui entraîne une distorsion entre les classes d’âge. Les parents ont exprimé leur volonté de réinscrire leurs enfants après la saison des cultures ; cependant, dans certains cas, les enseignants sont réticents à accepter le retour des élèves à l’école après un absentéisme prolongé. Deuxièmement, outre les contraintes financières, l’accès à la scolarisation est entravé par des obstacles liés à l’offre. La rareté des écoles et la distance qui les sépare constituent un obstacle physique important à la scolarisation, en particulier pour les filles. Dans les zones rurales et isolées, la concentration des écoles, en particulier le cycle secondaire, dans des localités spécifiques oblige les jeunes des communes environnantes à effectuer de longs trajets pour étudier. Ces trajets étant physiquement épuisants, les élèves arrivent en classe fatigués, affamés et incapables de se concentrer, ce qui nuit à leurs résultats scolaires. Les données régionales indiquent que le problème des longues distances à parcourir pour se rendre à l’école touche davantage les filles que les garçons : les parents, craignant pour la sécurité et le bien-être de leurs filles sur la route, peuvent être réticents à les envoyer dans des écoles situées loin de chez eux (Colclough, Rose et Tembon 2000 ; Shahidul et Karim 2015). Plusieurs personnes interrogées ont également évoqué le manque d’eau, d’installations sanitaires et d’hygiène dans les écoles, l’état insatisfaisant des toilettes et le mauvais état général des infrastructures scolaires. Un autre obstacle important lié à l’école est le fait que l’enseignement est dispensé en français ou en anglais, langues que de nombreux élèves, en particulier dans les zones rurales, ne maitrisent pas. Madagascar est également confronté à une grave pénurie d’enseignant.e.s qualifiées. La plupart des enseignantes sont recrutés parmi les membres de la communauté et n’ont pas les qualifications et la formation nécessaires pour répondre aux normes d’enseignement, et ils ne reçoivent pas de formation même lorsqu’ils sont intégrés dans la fonction publique. Les participants à l’étude ont fait état d’écarts de conduite courants chez les enseignants, notamment des absences systématiques, des retards ou des états d’ébriété. En outre, les femmes sont toujours sous-représentées au sein du personnel enseignant, en particulier au niveau de l’enseignement secondaire. En 2019, les femmes représentaient plus de la moitié du personnel enseignant de l’école primaire (53 %), mais seulement 41 % de tous les enseignants du secondaire (IDM 2019). L’accès à la scolarisation est un défi pour tous à Madagascar, mais les filles sont confrontées 21 Les données mondiales et régionales indiquent que le recrutement d’un plus grand nombre d’enseignantes est positivement associé à l’amélioration des résultats scolaires des filles (Agyapong 2018 ; Herz 2002 ; Mouganie et Wang 2020). Enfin, l’accès des filles à l’école est particulièrement limité par l’existence d’obstacles propres à leur genre. Tout d’abord, le mariage d’enfants et les grossesses précoces sont parmi les principales raisons pour lesquelles les filles abandonnent l’école prématurément avec peu de chances d’y retourner. En outre, la forte implication des filles dans les tâches domestiques et autres services non rémunérés limite considérablement leur capacité à aller à l’école. Les filles ont également fait état de problèmes liés aux violences scolaires et au harcèlement sexuel de la part des enseignants. Il est important de noter que, bien que les jeunes femmes et les filles accordent une grande importance à l’apprentissage, elles peuvent manquer d’intérêt pour les études en raison de leurs doutes quant aux bénéfices potentiels de la scolarisation. Les filles ne perçoivent pas la scolarisation comme une garantie de meilleures opportunités, parce qu’elles ne voient pas d’avantages clairs à poursuivre des études dans un contexte d’opportunités économiques limitées. Dans de telles circonstances, les filles peuvent manquer d’intérêt, d’aspirations et de connaissances pour prendre des décisions éclairées sur la poursuite de leurs études. Parallèlement, les facteurs de protection pour l’achèvement des études - une fois que les obstacles financiers, nutritionnels et autres ne sont pas insurmontables - sont liés aux aspects positifs de l’apprentissage, à un environnement favorable et aux Figure 3. Facteurs qui favorisent et soutiennent l’éducation des filles à Madagascar Résilience individuelle • Objectifs de vie clairs, aspirations et espoir d’un avenir meilleur • Grande valeur attachée à la scolarisation • Intention/ volonté de reporter le mariage précoce • Équilibre entre études, loisirs et tâches domestiques Soutien familial Soutien communautaire Soutien scolaire • Des enseignants qualifiés et Parents solidaires/impliqués Soutien des amis et des motivants parents • Fourniture de repas scolaires • Coûts financiers réduits Source : Figure originale conçue pour ce rapport. 22 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar encouragements de leurs familles, de leurs amis et de leurs paires. Une relation de confiance entre l’enseignant et l’élève est un autre facteur clé de la réussite des filles, un résultat qui s’aligne sur d’autres recherches à l’échelle mondiale (Banerjee et al. 2018 ; Gunderson et al. 2012 ; Li 1999 ; Machado et Muller 2018 ; Tiedemann 2002). Ces résultats appellent des efforts spécifiques en matière de politique. À court terme, il est possible de faciliter l’accès à la scolarisation pour tous les enfants et pour les filles en particulier en en réduisant les coûts financiers, par exemple par la mise en place de subventions scolaires efficaces et la garantie du paiement des salaires des enseignants à temps et de manière transparente. Une autre priorité essentielle pour Madagascar est la mise en œuvre de la réforme proposée pour aligner les calendriers scolaires et agricoles. En ce qui concerne les infrastructures, la réponse à court terme pourrait inclure la mise à disposition de moyens de transport sûrs et fiables et la reprise des initiatives de cantines scolaires. Enfin, l’adoption de réglementations visant à encourager les jeunes filles enceintes à reprendre leurs études sans passer par des processus complexes de retrait et de réinscription améliorera probablement de manière significative à court terme les résultats scolaires des filles. Le Tableau 2 résume les principaux obstacles identifiés, les orientations stratégiques potentielles et les recommandations en matière de politique pour aider les filles et les jeunes femmes de Madagascar à achever leur scolarité. Tableau 2. Recommandations politiques pour aider les filles et les jeunes femmes à achever leur scolarité Obstacles Durée Recommandations en matière de politique Orientation stratégique 1 : lever les obstacles financiers à l’accès, au maintien et à l’achèvement de la scolarité Coûts prohibitifs de la Court terme • Mettre en œuvre des subventions scolaires efficaces en allouant des ressources à la scolarisation politique Zéro ariary et en les déboursant en temps voulu. • Veiller à ce que les salaires et les subventions des enseignants soient pris en charge par l’État et non par les parents. Forte implication des Court terme • Reprendre les efforts pour mettre en œuvre la réforme visant à aligner les calendriers enfants dans le travail/les scolaires et agricoles. activités agricoles Moyen terme • Apporter un soutien financier aux familles vulnérables par le biais d’allocations familiales et/ou d’incitations financières à travers des transferts monétaires inconditionnels, des bons et des bourses d’études. Malnutrition ; insécurité Moyen terme • Développer le programme gouvernemental de cantines dans les écoles, en mettant alimentaire l’accent sur les zones les plus pauvres et les plus vulnérables. • Renforcer le pouvoir d’action économique des ménages en leur fournissant des bons/ subventions alimentaires. Orientation stratégique 2 : s’attaquer aux obstacles liés aux infrastructures scolaires et à la mauvaise qualité de l’enseignement Rareté et éloignement des Court terme • Offrir des options de transport sûres et abordables. écoles Long terme • Améliorer la disponibilité et l’accès aux écoles, en particulier dans les zones reculées. • Fournir des internats aux jeunes filles des zones rurales ou isolées. Manque d’infrastructures Long terme • Améliorer les infrastructures et les équipements scolaires (salles de classe, installations scolaires adéquates et EAH, approvisionnement en électricité, toilettes séparées) résistantes au climat • Assurer les infrastructures scolaires contre les risques liés au climat et prévoir des réparations. Manque d’enseignantes Moyen terme • Recruter davantage d’enseignants fonctionnaires, en particulier des enseignantes. qualifiées L’accès à la scolarisation est un défi pour tous à Madagascar, mais les filles sont confrontées 23 Obstacles Durée Recommandations en matière de politique Mauvaise qualité de Moyen terme • Améliorer les conditions de travail des enseignants et assurer le paiement des salaires l’enseignement ; barrière dans les délais. linguistique • Dispenser un enseignement (de qualité) dans la langue maternelle au-delà des premières années de scolarité. Orientation stratégique 3 : éliminer les obstacles sexospécifiques à l’accès à la scolarisation, en particulier ceux liés aux mariages d’enfants et aux grossesses précoces Violences basées sur le Moyen terme • Adopter et appliquer des politiques de lutte contre le harcèlement sexuel. genre en milieu scolaire • Mettre en place un mécanisme de plainte adapté aux enfants pour signaler les cas de mauvaise conduite des enseignants. Moyen terme • Mettre en œuvre des actions de sensibilisation aux VBG dans les programmes scolaires et dans le cadre des exigences de certification des enseignants. Action limitée des filles et Long terme • Développer des programmes d’autonomisation des adolescentes afin d’encourager les manque de contrôle sur filles à terminer leur scolarité. leur vie • Fournir un mentorat et promouvoir les modèles féminins de réussite. Mariage d’enfants et Court terme • Adopter des réglementations pour encourager les jeunes filles enceintes à reprendre leurs grossesse chez les études sans avoir à se soumettre à des procédures complexes de retrait et de réinscription. adolescentes Moyen terme • Apporter un soutien financier aux mères adolescentes pour qu’elles poursuivent et achèvent leurs études. • Promouvoir des attitudes positives à l’égard de la scolarisation des filles enceintes et des mères adolescentes. Orientation stratégique 4 : améliorer les taux d’alphabétisation des femmes adultes Problème identifié Recommandations en matière de politique Faibles niveaux Moyen terme • Proposer des cours d’alphabétisation de base aux femmes adultes avec des horaires d’alphabétisation des flexibles et des services de garde d’enfants. femmes adultes • Organiser des réunions communautaires hebdomadaires/mensuelles et aménager des espaces sûrs pour les femmes adultes, avec des cours d’alphabétisation. Source : Banque mondiale. Note : EAH = eau, assainissement et hygiène ; VBG = violence basée sur le genre. 24 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar L’accès aux services de santé sexuelle, reproductive et maternelle reste limité, en particulier pour les adolescentes et les jeunes femmes célibataires G arantir un accès adéquat aux services de santé professionnels et prévenir la mortalité maternelle est important non seulement pour le bien-être des femmes, mais aussi pour leurs familles et pour l’économie dans son ensemble. Des preuves indiquent que l’accès des femmes et des filles aux soins de santé à Madagascar est susceptible d’être affecté par les impacts négatifs à multiples facettes du changement climatique et de la crise de la COVID-19 (de Paz, Gaddis, et Muller 2021 ; Harivola 2021). Par exemple, les perturbations importantes des services à Madagascar causées par la pandémie de COVID-19 ont probablement empêché de nombreuses femmes d’accoucher dans des établissements et d’accéder aux services de planification familiale (PF), ce qui pourrait entraîner une augmentation de la mortalité infantile et maternelle (GFF 2021). La mortalité maternelle est associée à une augmentation des taux de morbidité infantile et juvénile, à la perte d’opportunités économiques et à la transmission intergénérationnelle de la pauvreté dans les familles et les communautés où les femmes meurent de complications liées à la grossesse (Miller et Belizán 2015). En outre, la mortalité maternelle s’accompagne de coûts financiers élevés et d’une perte d’opportunités pour l’éducation des enfants, et impose des chocs économiques importants aux familles, les obligeant souvent à recourir à des stratégies d’adaptation négatives telles que l’emprunt d’argent et la vente d’actifs (Kes et al. 2015 ; Knight et Yamin 2015). Par conséquent, la prévention de la mortalité maternelle et la garantie de la disponibilité et de l’accessibilité des services de santé sont susceptibles d’apporter d’importants gains économiques et sociaux à Madagascar. Le manque d’accès à des services de santé maternelle adéquats semble être un facteur important du taux élevé de mortalité maternelle dans le pays. En 2017, le taux de mortalité maternelle à Madagascar était de 335 décès pour 100 000 naissances vivantes, soit une baisse par rapport aux 559 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2000 (IDM). Les décès maternels représentent 22,1% de l’ensemble des décès féminins (MICS 2018). Ce phénomène est dû à l’accès limité aux services de santé maternelle : 10,3 % des femmes enceintes âgées de 15 à 49 ans ne reçoivent aucun soin prénatal, et plus de la moitié des femmes enceintes âgées de 15 à 49 ans (52,6 %) ne subissent aucun examen postnatal. En outre, moins de la moitié des naissances (46 pour cent) à Madagascar sont assistées par un professionnel de la santé qualifié (EDS 2021). Les participantes à l’étude qualitative réalisée dans le cadre du présent rapport ont indiqué que, outre les accouchements à l’hôpital, d’autres options comprenaient l’assistance de sages-femmes (professionnelles qualifiées), de matrones (accoucheuses traditionnelles sans formation formelle) ou de femmes de la famille, voire aucune assistance du tout. L’indice synthétique de fécondité (ISF) de Madagascar est élevé et à peine supérieur à l’indice de fécondité souhaité. En 2021, l’ISF était de 4,2 naissances par femme, en baisse par rapport aux 4,6 naissances par femme en 2018 (EDS 2021 ; MICS 2018). Un écart persiste entre les zones rurales (4,6 naissances par femme) et urbaines (3,2 naissances par femme) (EDS 2021). L’ISF diminue avec le quintile de richesse, le niveau d’instruction et l’âge tardif au premier mariage. Notamment, l’indice de fécondité désirée à Madagascar est également élevé et seulement légèrement inférieur à l’ISF. En 2021, le taux de fécondité désirée était estimé à 3,8 naissances par femme. Une part importante des femmes et des hommes mariés âgés de 15 à 49 ans déclarent que le 26 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar nombre idéal d’enfants est de 4 (34,4 pour cent des femmes et 30 pour cent des hommes ont déclaré cette préférence) (EDS 2021). Cette tendance confirme que la fertilité et la procréation sont hautement valorisées et acceptées dans la société malgache. Le taux élevé de fécondité désirée observé fait partie des facteurs qui expliquent en partie la faible utilisation de la contraception chez les femmes malgaches. En 2021, l’utilisation de la contraception était de 49,7% chez les femmes mariées âgées de 15 à 49 ans (EDS 2021). L’utilisation de la contraception chez les femmes mariées ne diffère que faiblement selon le milieu de résidence, bien que des disparités importantes soient observées selon la région, le niveau d’instruction et le quintile de richesse. Par ailleurs, bien que l’utilisation de la contraception chez les femmes mariées ait augmenté au cours de la dernière décennie, le besoin non satisfait de contraception2 reste élevé, à 14,6 pour cent. Les filles et les femmes malgaches font face à diverses difficultés pour accéder aux services de santé (généraux). Selon l’EDS 2021, 70 % des femmes malgaches âgées de 15 à 49 ans rencontrent au moins un obstacle dans l’accès aux soins de santé. Par exemple, plus de la moitié des femmes (56,7 %) déclarent que l’obtention de l’argent nécessaire pour payer le traitement est un problème important. Environ 33,7 % des femmes déclarent que les longues distances à parcourir pour se rendre au centre de santé le plus proche constituent un problème d’accès aux soins. Le manque de centres de santé est particulièrement urgent dans les régions du Sud, où il n’est pas rare d’avoir 35 à 45 centres de santé pour 100 000 femmes âgées de 15 à 49 ans, contre 65 à 75 centres de santé pour 100 000 femmes âgées de 15 à 49 ans dans les régions de l’Ouest et de l’Est (Recensement de Madagascar de 2018). En particulier, ces problèmes affectent les femmes rurales et urbaines de manière presque égale, mais avec des différences importantes observées selon le quintile de richesse et le niveau d’éducation. Les femmes interrogées dans le cadre de l’étude qualitative ont indiqué que le manque d’installations sanitaires et d’infrastructures connexes était l’une des principales raisons pour lesquelles elles n’avaient pas accès aux services de santé officiels. Malgré la présence d’un centre de santé de base pour les premiers contacts dans certaines communes, la plupart des zones rurales ne disposent pas d’installations de soins de santé professionnels. La répartition spatiale inéquitable du personnel médical (féminin) est également un obstacle à l’accès aux soins pour les filles et les jeunes femmes dans les zones étudiées. En effet, les participantes à l’étude ont indiqué que, même lorsque des structures médicales existent dans leur région, elles manquent de médecins. Plus important encore, les femmes semblent hésiter à consulter des médecins hommes dans les unités maternelles en raison d’un sentiment de honte. En outre, selon les participantes à notre étude, les coûts des soins de santé sont élevés et empêchent les femmes d’avoir recours à des soins professionnels en matière de santé maternelle, sexuelle et reproductive. La nécessité de payer pour la contraception a 2 Les femmes dont le besoin de contraception n’est pas satisfait sont celles qui sont fécondes et sexuellement actives, mais qui n’utilisent aucune méthode de contraception, et qui déclarent ne plus vouloir d’enfant ou vouloir retarder l’arrivée du prochain enfant. L’accès aux services de santé sexuelle, reproductive et maternelle reste limité, en particulier pour les adolescentes 27 été signalée comme l’un des facteurs empêchant les personnes interrogées de l’utiliser lorsqu’elles n’avaient pas d’autres services de PF disponibles gratuitement. En outre, les coûts des consultations médicales et des accouchements assistés par des professionnels dépassent les moyens économiques de la plupart des femmes, ce qui explique la grande popularité des matrones, en particulier dans les zones rurales et reculées. Il est important de noter qu’en Atsimo-Atsinanana, les femmes doivent payer un peu plus pour la naissance d’un garçon que pour celle d’une fille, qu’elles accouchent à l’hôpital ou au domicile d’une matrone. Les femmes doivent également couvrir les coûts d’éventuelles interventions chirurgicales, telles que l’accouchement par césarienne, et les frais de transport. En outre, de nombreuses jeunes femmes ont indiqué que la mauvaise qualité des services offerts dans les centres médicaux constituait un obstacle. Les participantes de l’échantillon ont fait part de leur insatisfaction à l’égard du traitement des médecins, estimant que les services reçus n’étaient pas utiles pour leur état. Il apparaît également que les femmes font généralement peu confiance aux médecins et aux professionnels de la santé. Ce manque de confiance dans les services de santé professionnels pourrait être attribué à l’incapacité des femmes à bénéficier de ces services en raison des coûts prohibitifs des soins et de la rareté des infrastructures, de l’équipement et du personnel médical. En partie à cause des obstacles susmentionnés à l’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive, la fécondité des adolescentes est un phénomène courant à Madagascar. Le taux de fécondité des adolescentes de 104 naissances pour 1 000 femmes âgées de 15 à 19 ans est supérieur à la moyenne de 98 dans la région Afrique subsaharienne (IDM 2020). Selon les données de l’EDS 2021, 31,1% des adolescentes âgées de 15 à 19 ans ont déjà commencé à avoir des enfants.3 La grossesse chez les adolescentes est source de nombreux risques pour le bien-être des filles, avec des effets négatifs potentiels à long terme sur leur scolarisation, leur santé et leurs possibilités d’emploi. Les personnes interrogées ont indiqué que la grossesse chez les adolescentes était l’une des principales raisons pour lesquelles elles abandonnaient l’école, avec peu de chances d’y retourner. D’une part, les filles enceintes abandonnent souvent l’école parce qu’elles sont victimes de brimades et de moqueries de la part de leurs camarades. D’autre part, la grossesse chez les adolescentes impose une charge économique et financière importante aux jeunes femmes, les obligeant à combiner la garde du bébé et les activités professionnelles juste après l’accouchement. Il est important de noter que, bien que dans la plupart des cas, le mariage précède la procréation à Madagascar (conformément aux données de nombreux autres pays d’Afrique subsaharienne),4 dans 3 Cette proportion comprend les adolescentes âgées de 15à 19 ans qui ont déjà accouché et qui ont été ou sont enceintes de leur premier enfant. 4 Les résultats de notre étude montrent que la plupart des accouchements précoces ont lieu après le mariage à Madagascar, et la même tendance est observée dans de nombreux autres pays d’Afrique subsaharienne, tels que la République du Congo, le Ghana, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Niger et la Zambie (voir, par exemple, Male et Wodon 2016). Il est également prouvé que dans certains pays (par exemple, l’Angola), les grossesses précoces ont lieu avant le mariage et sont le facteur déclencheur de la formation d’une union (Machado, Kalle et Muller, à paraître). 28 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar certains cas, la grossesse peut être la raison pour laquelle les filles sont précipitées dans une union. Dans le Sud en particulier, la crainte d’avoir une fille enceinte et non mariée pousse les parents à formaliser une union pour leur fille dès qu’elle commence une relation avec un partenaire. Le mariage d’enfants semble être un déterminant clé de grossesse chez les adolescentes à Madagascar. En outre, les grossesses chez les adolescentes peuvent être en partie liées aux barrières de l’offre susmentionnées, telles que le manque de structures de soins de santé, la disponibilité limitée des services de contraception et de PF, le manque de personnel médical, etc. Enfin, les grossesses précoces à Madagascar sont également dues au manque d’informations sur la santé sexuelle et reproductive (SSR) et la contraception, ainsi qu’à l’accès limité à des services de PF de qualité destinés aux jeunes. Les jeunes femmes interrogées ont fait preuve de connaissances très limitées en matière de santé sexuelle et reproductive et de contraception. Dans les trois régions étudiées, les femmes ont déclaré avoir reçu leurs premières informations sur la menstruation de la part de leur mère, de leur sœur ou de leur professeur, avec des explications très limitées. En fait, les explications détaillées sur la relation entre la menstruation et l’activité sexuelle manquent souvent, probablement en raison de la stigmatisation générale du sujet ; le poids de la tradition, qui crée une distance entre les parents et les enfants, rend difficile la discussion sur la santé sexuelle et reproductive. De même, il semble qu’il y ait beaucoup d’idées fausses et de mythes concernant l’utilisation de la contraception. Beaucoup pensent que la PF représente un danger pour la santé des femmes qui l’utilisent. L’appréhension et l’inquiétude concernant l’utilisation de méthodes contraceptives par des jeunes femmes qui n’ont pas encore accouché sont très répandues. Par exemple, des jeunes femmes d’Antananarivo ont exprimé la crainte de devenir stériles si elles utilisent des méthodes contraceptives, et des filles d’Atsimo-Atsinanana ont déclaré que les méthodes contraceptives pouvaient les rendre malades et leur donner des maux de tête. Les faibles niveaux de connaissances en matière de santé sexuelle et reproductive et de contraception peuvent être en partie attribués au manque de sources d’information fiables et crédibles. Par exemple, les écoles - qui sont souvent la première source d’information des jeunes femmes sur la santé sexuelle et reproductive - n’intègrent généralement pas des cours d’éducation sexuelle complète dans le programme scolaire, ce qui signifie que les sujets liés à la santé sexuelle et reproductive ne sont abordés que brièvement pendant les cours de science. De même, les campagnes médiatiques existantes sur la SSR et la PF ont une portée limitée : la diffusion de campagnes radiophoniques dans la langue officielle malgache signifie que certaines communautés dans les régions provinciales (où les gens utilisent les dialectes locaux) pourraient ne pas être en mesure de comprendre les messages. Certaines femmes reçoivent également des informations sur la SSR et la contraception par le biais des médias sociaux, car elles craignent de se de se heurter au jugement social si elles se rendent dans un centre de santé. Cependant, recevoir des informations sur la PF à partir de sources autres que les centres de santé officiels ou les éducateurs formés peut présenter certains risques L’accès aux services de santé sexuelle, reproductive et maternelle reste limité, en particulier pour les adolescentes 29 pour la santé des femmes, en particulier pour celles qui ont des problèmes de santé préexistants nécessitant des consultations médicales. Enfin, le manque d’accès à des services de PF de qualité et adaptés aux jeunes est un autre facteur important de grossesse chez les adolescentes. Malgré les dispositions légales reconnaissant le droit de tous les individus à accéder à la santé sexuelle et reproductive,5 les adolescentes et les jeunes femmes continuent d’être limitées dans leur capacité à bénéficier de ces dispositions. Dans notre échantillon, les participants d’Antananarivo ont signalé des cas de jeunes femmes se rendant dans des centres de santé spécifiquement pour recevoir des informations sur la santé sexuelle et reproductive, mais ces cas ne sont pas fréquents. Les données plus générales de notre étude indiquent que les services de SSR et les efforts de PF ciblent les femmes enceintes et les mères, plutôt que les femmes plus jeunes ou celles qui n’ont pas encore commencé à avoir des enfants, dans une perspective préventive. En outre, les femmes non mariées peuvent se sentir découragées de recourir aux services de SSR et de PF, par crainte de réactions négatives et de jugements de la part de leurs familles ou de leurs communautés. Ces résultats sont conformes à la littérature mondiale : dans de nombreux pays en développement, les jeunes femmes et les adolescentes déclarent être dissuadées d’accéder aux services de SSR par crainte de recevoir un accueil négatif de la part du personnel des cliniques et des membres de la communauté (Kiluvia et Tembele 1991 ; Otoide, Oronsaye et Okonofua 2001 ; Rasch et al. 2000 ; Richter et Mlambo 2005 ; Wood et Jewkes 2006). Ces résultats appellent des efforts politiques spécifiques. Les politiques prioritaires devraient cibler la réduction des obstacles financiers aux soins de santé, ce qui peut se faire par l’octroi de bons et de subventions aux populations vulnérables, y compris pour la couverture des frais de transport et des médicaments. En outre, des actions spécifiques sont nécessaires pour améliorer le code de conduite du personnel médical et les conseils sur la communication avec les patients. En outre, il est essentiel d’améliorer les connaissances des filles en matière de santé sexuelle et reproductive, de planification familiale et de prévention des grossesses, afin qu’elles puissent prendre des décisions sur le calendrier et la composition de leurs familles. L’amélioration de ces connaissances et de la prise de décision ne sera toutefois pas possible sans la formation et la sensibilisation du personnel de santé sur la manière de travailler/communiquer avec les adolescents/jeunes patients. Le tableau 3 résume les principaux obstacles identifiés et les recommandations en matière de politique pour améliorer l’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive et réduire le taux de grossesse chez les adolescentes à Madagascar. 5 Loi n° 2017-043 du 25 janvier 2018 fixant les règles générales régissant la Santé de la Reproduction et la Planification familiale. 30 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar Tableau 3. Recommandations en matière de politique pour améliorer l’accès des femmes et des filles malgaches aux soins de santé professionnels Obstacles Durée Recommandations en matière de politique Orientation stratégique 1 : éliminer les obstacles à l’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive liés à l’offre Faible couverture des Long terme • Améliorer la disponibilité et l’accessibilité des services de santé maternelle. établissements de soins de santé • Élargir l’accès aux prestataires de soins de santé de première ligne. Coût prohibitif du Court terme • Fournir des bons et des subventions pour les soins de santé aux populations vulnérables, y traitement compris pour les frais de transport et les médicaments. Préférence pour Moyen terme • Reconnaître et prendre en compte le rôle important de la médecine traditionnelle. les accoucheuses traditionnelles (en partie • Former et sensibiliser les femmes enceintes sur la manière de reconnaître les symptômes parce qu’elles sont moins dangereux pendant la grossesse. chères) • Former les guérisseurs traditionnels et les sages-femmes au traitement des complications de la grossesse. Manque de personnel Court terme • Former le personnel médical à une communication efficace avec les patients. Orientation stratégique 2 : améliorer les connaissances des filles en matière de santé sexuelle et reproductive, de planification familiale et de prévention des grossesses Faibles niveaux de Moyen terme • Améliorer la disponibilité d’informations techniques et fiables sur la contraception et son connaissances et utilisation, en particulier dans les écoles, en renforçant les initiatives existantes. existence d’idées fausses sur l’utilisation de la • Renforcer la formation, la ludo-pédagogie et le marketing social et développer des contraception campagnes de sensibilisation sur la santé sexuelle et reproductive afin de lutter contre les idées fausses et les croyances néfastes liées à l’utilisation de la contraception. Orientation stratégique 3 : améliorer l’accès à des services de santé sexuelle et reproductive adaptés aux jeunes et donner aux filles et aux jeunes femmes les moyens de les solliciter Accès insuffisant aux Court terme • Former et sensibiliser le personnel de santé sur la manière de travailler et de communiquer services de santé sexuelle avec les adolescents et les jeunes patients. et reproductive, en particulier pour les Moyen terme • Créer des cliniques accueillantes pour les jeunes et établir des lignes directrices pour la adolescents et les jeunes mise en œuvre de normes de qualité pour les cliniques. femmes. Limitation de le pouvoir Long terme d’action des filles dans • Créer un environnement favorable à la scolarisation des filles.a les décisions relatives à la grossesse et à la recherche • Utiliser des programmes de mobilisation communautaire et de d’autonomisation des de services de santé adolescents pour encourager les filles à retarder la formation d’une famille. sexuelle et reproductive Source : Banque mondiale. Note : PF = planification familiale ; SSR = santé sexuelle et reproductive. a. Voir note 1, «Défis et opportunités dans l’éducation». L’accès aux services de santé sexuelle, reproductive et maternelle reste limité, en particulier pour les adolescentes 31 Le continuum des obstacles à la recherche d’un emploi de qualité et à l’accès aux actifs productifs affecte de manière disproportionnée les femmes et les filles L a promotion de l’accès des femmes aux opportunités économiques offre de nombreux avantages, non seulement pour les femmes elles-mêmes, mais aussi pour leurs familles, leurs communautés et le développement sociétal et économique en général. D’après les données mondiales, l’autonomisation économique élargit le rôle des femmes dans le ménage et la société, car elle est associée à un pouvoir de décision accru (Acharya et al. 2010), à une moindre vulnérabilité aux violences sexistes (Aizer 2010 ; Lenze et Klasen 2017 ; Vyas et al. 2015) et à une probabilité accrue de retarder le mariage et la fertilité (Chakravarty, Das, et Vaillant 2017). En outre, l’amélioration du statut économique des femmes a une incidence positive sur la consommation des ménages et la sécurité alimentaire et procure des avantages aux générations futures (Burroway 2015 ; Doss 1996). Par ailleurs, l’augmentation de la participation des femmes au marché du travail est susceptible d’entraîner des gains macroéconomiques, vu qu’elle est associée à une augmentation du produit intérieur brut national (Aguirre et al. 2012). Inversement, l’absence d’efforts d’amélioration des opportunités économiques des femmes est associée à une perte de revenus et à une réduction de la productivité du travail (Cuberes et Teignier 2016), ainsi qu’à une vulnérabilité accrue à la pauvreté et aux chocs (Faborode et Olugbenga Alao 2016 ; Wei et al. 2021). Les femmes malgaches sont moins susceptibles que les hommes de participer au marché du travail. Bien que la participation des femmes au marché du travail soit élevée à Madagascar (71,3 pour cent en 2021), elle reste inférieure à celle des hommes (82,4 pour cent) (EPM 2021-22). L’écart de participation entre les hommes et femmes persiste au sein de la population jeune (15-19 ans), bien que dans une moindre mesure (un taux de PFF de 53,4 pour cent pour les hommes contre un taux de 47,8 pour cent pour les femmes de ce groupe d’âge ; EPM 2021-22). L’agriculture reste le secteur d’emploi le plus important, tant pour les femmes que pour les hommes. En 2021, 39,4 % des femmes actives travaillaient dans l’agriculture, contre 48,7 % des hommes actifs (hors agriculture de subsistance) (EPM 2021-22). Les travailleuses sont plus susceptibles que les travailleurs d’exercer des emplois de faible qualité et de percevoir des salaires inférieurs. Par exemple, les femmes sont surreprésentées parmi les travailleurs familiaux (14 % de toutes les travailleuses contre 5 % de tous les travailleurs) et dans l’agriculture de subsistance (32 % contre 23 % de tous les emplois féminins et masculins, respectivement). Seules 24 % des travailleuses sont salariées, contre 35 % des travailleurs (EPM 2021-22), ce qui signifie que la grande majorité des femmes sont concentrées dans le secteur informel. L’informalité menace la génération de revenus par les femmes, et son lien avec une productivité plus faible et une sécurité limitée pourrait encore amplifier les pièges de la pauvreté (Aga et al. 2021 ; Fernández et Meza 2015). En outre, les hommes sont légèrement plus susceptibles que les femmes d’être indépendants (31 % contre 27 %). Enfin, les écarts de revenus entre les hommes et les femmes persistent ; en 2021, les revenus mensuels médians étaient de 150 000 MGA (34,1 USD) pour les hommes actifs et de 106 666,7 MGA (24,2 USD) pour les femmes actives, ce qui signifie que l’écart salarial entre les sexes à Madagascar s’élevait à 28,9 points de pourcentage en faveur des hommes (EPM 2021-22). Le continuum des obstacles à la recherche d’un emploi de qualité et à l’accès aux actifs productifs 33 Les obstacles que les femmes rencontrent dans l’accès à des emplois de meilleure qualité peuvent être en partie attribués à différentes formes de discrimination légale ainsi qu’à des normes sociales néfastes. Dans le secteur formel, les femmes sont confrontées à des obstacles juridiques qui les empêchent d’accéder à certains types d’emplois, de secteurs et d’industries.6 Par ailleurs, l’accès limité des femmes à des emplois de qualité résulte de normes sociales et de valeurs traditionnelles néfastes. La récente enquête Afrobaromètre Round 7 met en lumière ces valeurs : 24 % des hommes et 16,6 % des femmes sont tout à fait d’accord pour dire que les hommes devraient être prioritaires sur les femmes pour obtenir un emploi lorsque les ressources sont rares.7 En outre, la plupart des personnes interrogées soutiennent l’affirmation selon laquelle il est préférable pour une famille qu’une femme ait la responsabilité principale de s’occuper des enfants et du ménage (42,4 % des personnes interrogées sont tout à fait d’accord et 43,1 % sont d’accord). D’après les résultats de notre étude qualitative, la faible qualité de l’emploi des femmes à Madagascar est le résultat de multiples obstacles. Selon les résultats qualitatifs, les femmes rencontrent des obstacles à différents stades de leur vie professionnelle - de la recherche d’emploi au recrutement et à l’embauche, et enfin sur le lieu de travail. Certaines barrières empêchant l’accès à des emplois de qualité affectent à la fois les femmes et les hommes, tandis que d’autres sont spécifiques au genre. La figure 4 résume le continuum des obstacles qui empêchent les femmes de trouver un emploi de qualité à Madagascar. Tout d’abord, la capacité à trouver un emploi de meilleure qualité est limitée pour tous les individus à Madagascar par la rareté générale des emplois et l’inadéquation entre les compétences acquises à l’école et celles requises sur le marché du travail. Dans les trois régions, les personnes interrogées ont souligné que le manque d’emplois est un problème grave qui pousse souvent les jeunes à se retrouver au chômage ou à occuper des emplois précaires. En outre, l’écart entre les qualifications scolaires ou universitaires et les exigences du marché du travail constitue un problème évident pour les jeunes. Le fait d’être titulaire d’un diplôme ne garantit pas la capacité des candidats à accomplir les tâches associées à un poste donné. En particulier dans les zones rurales, où la principale source d’emploi est l’agriculture, les diplômes scolaires n’offrent aucun avantage aux jeunes diplômés. La surqualification concerne un nombre important de diplômés, qui sont contraints d’effectuer le même travail que ceux qui n’ont pas reçu une scolarisation formelle, à moins qu’ils ne cherchent des opportunités ailleurs. 6 Par exemple, le code du travail (articles 85, 93 et 99) et le décret n° 62-152 du 28 mars 1962 (articles 1 et 7) interdisent aux femmes d’occuper des emplois jugés dangereux ou de travailler dans certaines industries. Pour d’autres restrictions légales en matière d’opportunités économiques, voir l’annexe B. 7 Afrobarometer 2016/18, https://www.afrobarometer.org/countries/madagascar/. 34 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar Figure 4. Obstacles empêchant les femmes de trouver un emploi de qualité à Madagascar Sur le lieu de travail Phase de recherche d’emploi Phase de recrutement/embauche (cas de l’emploi infomel) Manque de qualifications Corruption et népotisme dans VBG et harcèlement sexuel sur requises sur le marché du travail le processus de recrutement le lieu de travail Possibilités d’emploi limitées, Discrimination à l’embauche Conditions de travail en particulier dans les zones basée sur le genre el dégradantes rurales l’apparence physique Manque d’attentes et Ségrégation professionnelle Absence de projection d’aspirations chez les entre les sexes juridique et de sécurité jeunes femmes Revenus faibles et instables Fardeau des tâches ménagères des femmes exacerbé par le changement climatique Source : Figure originale conçue pour ce rapport. Note : Les cases en rouge présentent les obstacles spécifiques au genre. VBG = Violence Basée sur le Genre. En outre, les femmes se heurtent à des obstacles sexospécifiques qui réduisent encore leurs chances de trouver un emploi de meilleure qualité. Par exemple, bien que le manque de qualifications touche tous les jeunes, il affecte davantage les jeunes femmes que les jeunes hommes. Les possibilités de formation professionnelle semblent être plus accessibles aux jeunes hommes, ce qui les prépare mieux que les femmes à occuper des emplois qualifiés. En outre, les jeunes femmes ont du mal à envisager leur avenir économique ou une voie vers un travail de meilleure qualité, probablement en raison de leur pouvoir d’action limité, de leur faible sentiment de contrôle sur leur vie et de leur incapacité à espérer un avenir meilleur. Enfin, les normes sociales traditionnelles concernant les rôles des femmes et des hommes dans les sphères privée et publique constituent un déterminant clé empêchant l’inclusion des jeunes femmes sur le marché du travail et leur accès à des emplois de qualité. Les participants à l’étude ont mentionné à plusieurs reprises que les filles sont censées aider leurs mères dans les tâches ménagères et se préparer au mariage et à la maternité. Il est important de noter que, bien qu’elles soient conscientes des conséquences négatives de leurs nombreuses tâches domestiques, les jeunes femmes de l’échantillon semblent intérioriser ces attitudes et se conformer à la répartition traditionnelle des tâches au sein du foyer, ce Le continuum des obstacles à la recherche d’un emploi de qualité et à l’accès aux actifs productifs 35 qui pourrait être un moyen d’être acceptées et valorisées dans leurs familles et leurs communautés. Pour ce qui est de l’embauche, les personnes interrogées ont fréquemment cité la corruption comme partie intégrante du processus de recrutement dans les secteurs privé et public, ce qui affecte particulièrement les jeunes femmes. Les personnes interrogées ont fait état de demandes de pots-de-vin, de demandes de faveurs sexuelles et de favoritisme à l’égard des membres de la famille. L’obligation de payer des pots- de-vin constitue un véritable obstacle pour les jeunes femmes qui ont des difficultés à réunir la somme d’argent requise. Certaines jeunes femmes se sont endettées ou ont dû renoncer à leur premier salaire pour être embauchées. L’étude indique également que certaines jeunes femmes sont obligées d’avoir des relations sexuelles transactionnelles pour obtenir un emploi. En l’absence de cadre réglementaire, le recrutement est laissé à la discrétion des responsables administratifs locaux, ce qui donne occasionne la corruption. Les jeunes femmes font également l’objet de multiples formes de discrimination au cours du processus de recrutement. Dans la capitale, certaines participantes ont mentionné que les recruteurs, surtout s’il s’agit d’hommes, privilégient les femmes séduisantes et bien habillées. Outre la beauté physique, les recruteurs discriminent souvent sur la base de la couleur de la peau, ce qui résulte de préjugés sur l’origine ethnique et touche aussi bien les femmes que les hommes. La maternité, ou l’idée qu’une femme peut devenir mère à tout moment, ajoute à la réticence des recruteurs à embaucher des candidates. À Antananarivo et dans la région d’Atsimo-Atsinanana, des mères ont déclaré avoir des difficultés à trouver du travail parce que les employeurs supposent que toute l’énergie et la disponibilité des femmes sont consacrées à l’éducation des enfants et aux tâches ménagères. Les femmes sont également victimes de discrimination dans l’accès aux emplois physiquement exigeants : même lorsqu’elles sont disposées à exercer de tels emplois, ils leur sont refusés en raison des risques potentiels pour leur santé (maternelle). En outre, les emplois dans les domaines techniques et scientifiques sont souvent considérés comme l’apanage des hommes. Même dans les lycées techniques, les perceptions sociales des compétences typiquement féminines et masculines poussent les jeunes femmes et les jeunes hommes à s’orienter vers des domaines d’études différents. Il semble que les jeunes femmes qui ont suivi une formation technique finissent par occuper des emplois à faible revenu, tandis que les jeunes hommes ont accès à des emplois plus intéressants. En raison des difficultés susmentionnées, l’emploi informel devient l’une, voire la seule option disponible pour de nombreuses femmes malgaches.8 Bien que ces emplois informels soient plus faciles à obtenir, ils sont sources d’un certain nombre de risques pour les travailleuses. Parce qu’elles travaillent sans contrat écrit, les employées du secteur informel peuvent facilement perdre leurs emplois et leurs revenus 8 Selon le rapport de la 17e Conférence internationale des statisticiens du travail, l’emploi informel se caractérise par le non-respect «de la législation nationale du travail, de l’impôt sur le revenu, de la protection sociale ou du droit à certains avantages liés à l’emploi (par exemple, préavis de licenciement, indemnités de licenciement, congés payés annuels ou de maladie, etc. 36 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar à tout moment, en fonction de la disponibilité du travail et des clients. En outre, les travailleuses informelles ne sont pas couvertes par les programmes de protection sociale, ce qui les rend particulièrement vulnérables à divers chocs (Guven, Jain et Joubert 2021). Les données qualitatives recueillies montrent que les jeunes femmes qui travaillent dans le secteur informel sont souvent exposées aux abus des employeurs et à des conditions de travail indignes (par exemple, elles doivent travailler de longues heures ou la nuit et sont sous-payées). Qu’elles exercent un travail formel ou informel, les femmes constatent que leurs tâches domestiques affectent leurs activités professionnelles. L’éducation et la garde des enfants, ainsi que les travaux domestiques, prennent beaucoup de temps. Dans les zones rurales, les jeunes femmes doivent également aller chercher de l’eau. Toutes ces charges pèsent sur les femmes et les empêchent de participer activement au travail et de se développer professionnellement. Outre les difficultés d’accès aux opportunités d’emploi, les femmes ont également un accès limité aux services financiers formels, à l’exception des paiements mobiles. En 2021, seules 4,4 % des femmes âgées de 15 à 49 ans possédaient et utilisaient un compte dans une banque ou une autre institution financière, contre 5,3 % des hommes. Presqu’aucune femme ni aucun homme sans scolarisation formelle et appartenant au groupe le moins riche n’a de compte bancaire. L’utilisation d’un compte bancaire augmente avec le niveau de scolarisation, et l’augmentation est plus prononcée pour les femmes que pour les hommes (EDS 2021). Bien que Madagascar obtienne de bons résultats en termes d’égalité juridique entre les hommes et les femmes pour la signature d’un contrat, l’enregistrement d’une entreprise et l’ouverture d’un compte bancaire, il n’existe pas de législation interdisant la discrimination fondée sur le genre dans l’accès au crédit (WBL 2023). Notamment, plus de femmes que d’hommes âgés de 15 à 49 ans utilisent leur téléphone portable pour effectuer des transactions financières (56,4 % contre 45,6 % ; EDS 2021). L’utilisation des paiements mobile est positivement associée au niveau de scolarisation, au quintile de richesse et au fait de vivre dans une zone urbaine. En ce qui concerne les autres types d’actifs, les femmes malgaches sont confrontées à une discrimination en matière de propriété foncière. Bien que les hommes et les femmes aient légalement le droit de posséder des terres à Madagascar, dans la pratique, la grande majorité des terres appartiennent aux hommes (USAID 2016). Selon la dernière enquête démographique et sanitaire (2021), seulement 9,4 % des femmes âgées de 15 à 49 ans sont propriétaires de terres, contre 24,1 % des hommes. Dans le même temps, plus de la moitié des femmes (58,8 %) ne possèdent pas de terres, contre 43,7 % des hommes. La part des femmes propriétaires foncières diminue à mesure que le niveau de scolarisation et le quintile de richesse augmentent. Malgré la valeur reconnue de la sécurité foncière pour les femmes, les pratiques coutumières les désavantagent souvent en raison de leur statut matrimonial, en particulier dans les zones rurales du Sud. Etant donné que l’on s’attend à ce que les femmes quittent la maison familiale lorsqu’elles se marient, elles perdent systématiquement le droit d’hériter de la terre. Les femmes rejoignent leurs nouveaux Le continuum des obstacles à la recherche d’un emploi de qualité et à l’accès aux actifs productifs 37 foyers sans aucun bien, ce qui accentue leur dépendance financière et économique vis- à-vis de leurs maris. Les participants à l’étude dans la région d’Atsimo-Atsinanana ont indiqué que les femmes n’ont que deux possibilités pour obtenir un terrain : soit elles l’achètent avec leur propre argent, soit leur père ou leur frère le leur donne. Dans la région de Sofia, en revanche, les femmes ont le même droit à l’héritage que les hommes. En résumé, l’accès à un emploi de qualité reste limité pour les femmes malgaches, qui sont privées de la possibilité de posséder des biens et des terres, et d’accéder à des actifs productifs. Les femmes malgaches ont tendance à avoir des emplois de moindre qualité que les hommes, et les opportunités de formation professionnelle sont plus facilement accessibles aux jeunes hommes, bien que ces opportunités soient globalement rares. Par conséquent, les jeunes femmes restent souvent sans emploi ou finissent par occuper des emplois précaires qui n’exigent pas de spécialisation. Malgré l’égalité des droits prévue par la loi, les pratiques coutumières et les normes sociales négatives peuvent désavantager les femmes dans l’accès aux opportunités d’emploi et aux actifs productifs. Ces résultats appellent des efforts politiques spécifiques. À court terme, les mesures politiques pourraient cibler l’élimination de la discrimination dans les processus de recrutement en établissant des protocoles clairs et transparents pour le recrutement dans le secteur public et en permettant aux femmes d’occuper tous les emplois de la même manière que les hommes. En outre, des mesures telles que des services d’orientation professionnelle et des possibilités de formation en entreprise seront particulièrement utiles pour faciliter la transition entre l’école et le travail. Il est important de noter que même si la proportion de femmes employées dans le secteur formel est très faible à Madagascar, des politiques spéciales devraient être entreprises pour améliorer leurs conditions de travail, en particulier en prenant des mesures pour lutter contre les violences sexistes sur le lieu de travail et protéger les survivantes. Le tableau 4 résume toutes les recommandations en matière de politique visant à améliorer les opportunités économiques des femmes à Madagascar. 38 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar Tableau 4. Recommandations en matière de politique pour améliorer les opportunités économiques des femmes Obstacles Durée Recommandations politiques Orientation stratégique 1 : améliorer l’accès des femmes à des emplois de meilleure qualité Inadéquation entre Court terme • Offrir des possibilités de formation en entreprise. la scolarisation et les compétences exigées par Moyen terme • Adapter l’école aux exigences réelles du marché du travail, en particulier dans les zones le marché du travail rurales et chez les filles. • Aider les jeunes femmes à développer leurs compétences techniques et personnelles en leur facilitant l’accès aux programmes de formation, y compris la formation professionnelle, en particulier dans le secteur numérique. Manque d’emplois Long terme • Développer des programmes d’inclusion économique productifs, conçus en tenant compte de la dimension Genre et destinés aux femmes vulnérables. • Investir dans les marchés ruraux et les chaînes de valeur susceptibles de créer de meilleurs emplois pour les jeunes des zones rurales. Vision limitée des Court terme • Améliorer l’information et l’orientation des jeunes femmes sur les carrières préférences et professionnelles. des perspectives professionnelles des filles Moyen terme • Proposer des programmes combinant l’autonomisation sociale et économique des et des jeunes femmes adolescentes. • Développer les aspirations des filles et leur accès aux réseaux et à la diffusion des connaissances (par exemple, modèles de réussite féminins et programmes de mentorat). Orientation stratégique 2 : éliminer toutes les formes de discrimination et de corruption auxquelles sont confrontées les femmes malgaches sur le marché du travail Népotisme, corruption Court terme • Établir des protocoles clairs et transparents pour le recrutement et la sélection des emplois et discrimination du secteur public. dans le processus de recrutement Discrimination légale Court terme • Permettre aux femmes d’occuper tous les emplois, y compris les emplois industriels et les emplois qui semblent dangereux, de la même manière que les hommes. • Exiger une rémunération égale pour un travail de valeur égale. Orientation stratégique 3 : améliorer les conditions de travail des femmes dans l’économie informelle Les violences basées sur Court terme • Appliquer la législation contre les différentes formes de VBG et d’autres formes de violence. le genre sur le lieu de travail • Mettre en place d’un mécanisme de recours fonctionnel pour signaler les cas de VBG Long terme • Assurer la disponibilité de services de protection pour les survivantes de VBG La charge que Long terme • Promouvoir des programmes abordables pour la petite enfance et l’accès aux représentent pour les infrastructures d’éducation et de formation de la petite enfance. femmes les longues heures de travail domestique non rémunéré et la garde des enfants Orientation stratégique 4 : améliorer l’accès des femmes au financement et garantir les droits fonciers et de propriété des femmes rurales Règle de droit coutumier Moyen terme • Établir un titre de propriété conjoint par défaut ou obligatoire pour les couples mariés ou qui empêche les femmes vivant en concubinage. rurales de posséder des terres • Veiller à l’application des lois statutaires en matière de droits de succession. • Étudier les subventions subordonnées à l’obtention d’un titre de propriété conjoint. L’accès limité des femmes Moyen terme • Proposer des programmes spécifiques qui facilitent l’accès au financement (par le biais de au financement subventions, de crédits, etc.) pour les femmes entrepreneurs. • Explorer l’utilisation d’alternatives aux garanties (telles que les tests psychométriques). • Élargir l’accès des femmes au financement grâce aux services paiement mobile et à l’inclusion financière numérique. Source : Banque mondiale. Note : VBG = violence basée sur le genre. Le continuum des obstacles à la recherche d’un emploi de qualité et à l’accès aux actifs productifs 39 Les femmes et les filles sont limitées dans leur pouvoir d’action et leur prise de décision, en particulier en matière de la formation de la famille L es femmes et les filles malgaches sont confrontées à des obstacles significatifs en ce qui concerne leur participation et leur capacité à agir. La capacité à agir est comprise comme la capacité d’une personne à prendre des décisions éclairées et à les transformer en actions et résultats souhaités (Donald et al. 2017 ; Kabeer 1999 ; Sen 1985). Elle renvoie à la liberté de l’individu d’exprimer ses choix et son opinion, d’avoir un sentiment de contrôle sur sa vie et de poursuivre ses objectifs de vie préférés. Le pouvoir d’action des femmes est importante pour leur propre bien-être, car elle conditionne leur capacité à développer leur capital humain et social, à saisir les opportunités économiques, à participer à la prise de décisions au sein du ménage et de la communauté, et à mener une vie exempte de violence et de discrimination. Le pouvoir d’action des femmes est également déterminante pour les familles, les communautés et la société dans son ensemble, car elle est gage de meilleures chances pour les générations futures et d’inclusion et de diversité accrues des organisations sociales et des institutions politiques (Banque mondiale 2012). Néanmoins, malgré les progrès réalisés dans le cadre institutionnel du pays en matière d’égalité des sexes,9 , certains problèmes critiques persistent, notamment en ce qui concerne le statut décisionnel des femmes et le taux de prévalence des différentes formes de violence basée sur le genre (VBG), y compris le mariage d’enfants. La prévention des VBG, et du mariage d’enfants en particulier, est essentielle, non seulement pour des raisons de justice, mais aussi pour améliorer d’autres résultats en matière de développement. Les femmes victimes de VBG souffrent d’isolement, d’incapacité à travailler, de perte de salaire, de frais médicaux plus élevés, d’instabilité professionnelle, d’absence de participation à des activités régulières et d’une capacité limitée à prendre soin d’elles-mêmes et de leurs enfants (OMS 2019). En moyenne, les victimes de VBG ont perdu entre 43 et 47 jours de travail productifs au cours de l’année étudiée (Varna-Horna 2015). Les enfants de familles où sévit la violence entre partenaires intimes (VPI) souffrent également d’une série de conséquences négatives. Des études montrent des liens négatifs entre l’exposition à la violence domestique et les résultats scolaires (Lloyd 2018), ainsi que des impacts négatifs liés à la persistance intergénérationnelle de la violence (Banque mondiale 2012). Les enfants exposés à la violence sont plus susceptibles de devenir des auteurs ou des victimes de violence à l’âge adulte (OMS 2017). Le mariage d’enfants a des conséquences négatives pour les filles, leurs futures enfants, leurs communautés et la société dans son ensemble. Une étude récente de Wodon, Male, et al. (2017) fait état d’impacts importants et significatifs du mariage d’enfants sur la fécondité, la croissance démographique, l’éducation et les revenus. L’étude entrevoit les avantages de l’abolition du mariage d’enfants, notamment une réduction de 11 %, en moyenne, de l’indice de fécondité total national, une réduction d’environ 75 % de la proportion de filles ayant des enfants avant l’âge de 18 9 Au cours des dernières décennies, le gouvernement malgache a entrepris plusieurs initiatives pour renforcer l’autonomisation des femmes. Par exemple, le pays a signé plusieurs conventions internationales et régionales concernant les droits des femmes et l’équité entre les sexes, et a adopté la Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre (2017-2021), le Plan stratégique national sur le mariage d’enfants (2018-2024), ainsi qu’une nouvelle loi protégeant les femmes contre les différentes formes de VBG (loi n°009/2019 relative à la lutte contre les violences basées sur le genre). Les femmes et les filles sont limitées dans leur pouvoir d’action et leur prise de décision, en particulier en matière 41 ans et une augmentation de 1 % des revenus et de la productivité de la population à l’échelle nationale. Malgré les divers cadres politiques et juridiques soutenant les avancées vers l’égalité des sexes, dans la pratique, les femmes jouissent d’un pouvoir de décision inférieur à celui des hommes dans les sphères publiques. En 2021, les femmes à Madagascar ne détenaient que 18 % des sièges au Parlement national, contre 21 % en 2016 (IDM). Le niveau de participation des femmes dans les autorités décentralisées est également faible. Selon la Commission électorale nationale du pays, en 2016, aucune femme n’était à la tête d’une région, seulement 18 pour cent des chefs de districts ou de préfets étaient des femmes, et seulement 5 pour cent des maires et 6 pour cent des membres des conseils locaux étaient des femmes (Harivola 2021). Les données qualitatives recueillies pour le présent rapport révèlent de fortes disparités régionales en ce qui concerne la participation des femmes à la vie sociale. Ainsi, à Sofia et Analamanga, les femmes sont fortement encouragées à se constituer en association et des campagnes de sensibilisation sont dédiées à ce sujet. La situation est tout autre dans la région Atsimo- Atsinanana, où le rôle public des femmes dans la communauté est quasi inexistant ; cependant, les chefs traditionnels de la région Atsimo-Atsinanana ont exprimé une certaine ouverture à l’égard d’une éventuelle intégration des femmes, surtout lorsqu’ils ont entendu des exemples positifs de la participation sociale des femmes dans d’autres districts. Au sein du ménage, les femmes malgaches semblent avoir un bon pouvoir de décision, bien que ce pouvoir soit encore limité par rapport à celui des hommes. Selon l’EDS 2021, seulement 2 % des femmes âgées de 15 à 49 ans ne participent pas aux principales décisions du ménage, et les chiffres ne varient que légèrement d’une région à l’autre et d’un lieu de résidence à l’autre. En outre, les femmes sont fortement impliquées dans la prise de décisions concernant la santé reproductive et la planification familiale : dans seulement 5 % des cas, la décision d’utiliser un moyen de contraception par les femmes mariées âgées de 15 à 49 ans a été prise principalement par leurs partenaires (EDS 2021). Néanmoins, les données qualitatives collectées indiquent des nuances en termes de limitations du pouvoir de décision au sein du ménage. Par exemple, dans la région Atsimo-Atsinana, les pères ont le dernier mot en ce qui concerne, par exemple, la scolarisation des enfants. Les contraintes qui pèsent sur le rôle des femmes au sein du ménage et sur la prise de décisions dans cette région sont largement dues aux normes sociales patriarcales qui limitent le rôle des femmes à celui de mères et de dispensatrices de soins. Selon la loi, seul l’homme peut être le chef de famille légal. 10 La forte prévalence des différentes formes de VBG est l’une des négations les plus flagrantes de l’autonomisation des femmes et de leur capacité à prendre leurs propres décisions. Selon l’enquête démographique et sanitaire de 2021, 41 % des femmes âgées de 15 à 49 ans qui ont été mariées ont subi des violences physiques, sexuelles ou émotionnelles au cours de leur vie. Les VPI sont soutenues ou renforcées par les normes et valeurs de genre qui placent les femmes dans une position de subordination par 10 Loi n° 2007-022 du 20 août 2007 relative au mariage et aux régimes matrimoniaux, Art. 54. 42 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar rapport aux hommes. À Madagascar, les femmes sont systématiquement plus enclines que les hommes à justifier les coups portés aux épouses : 41 % des femmes et 29 % des hommes âgés de 15 à 49 ans déclarent que battre sa femme est justifié dans au moins une circonstance. Il est important de noter que, selon les données mondiales, les tensions économiques et les mesures de confinement liées au COVID-19 ont exposé les femmes et les filles à un risque accru de violence (Bradbury-Jones et Isham 2020 ; De Paz Nieves, Gaddis et Muller 2021 ; Peterman, O’Donnell et Palermo 2020 ; ONU Femmes 2020). A Madagascar également, la perte de revenus et la mobilité limitée, aggravées par les attentes existantes en matière de rôles de genre, ont probablement contribué à l’augmentation de la VPI et d’autres formes de VBG. En plus des VPI, les filles malgaches sont exposées au risque d’autres formes de violence, d’abus et d’exploitation. Selon les experts en droits mandatés par les Nations Unies, les abus sexuels sur les enfants et la prostitution sont répandus et pratiqués ouvertement dans les lieux touristiques, les boîtes de nuit, les salons de massage et les établissements hôteliers (CRC 2022 ; Nations Unies 2022). En outre, le trafic sexuel et humain est un problème important à Madagascar, affectant particulièrement les femmes et les filles des régions rurales et côtières et celles issues de familles pauvres dans les zones urbaines (Département d’État américain 2021). Malgré la forte prévalence des VBG à Madagascar, les résultats de notre étude qualitative indiquent que les services de prise en charge des victimes de VBG sont limités et que les femmes n’ont souvent pas conscience ou connaissance de l’aide disponible. Certains des centres de prise en charge disponibles sont soutenus par le gouvernement et fonctionnent à travers le pays, tandis que d’autres sont gérés par des acteurs privés et sont principalement concentrés dans la région de la capitale. Parmi les services mentionnés, on peut citer le Centre Intégré mis en place par l’association Fitia et présidé par la Première Dame, le centre Tabita mis en place par l’église protestante, le centre de conseil Trano Aro Zo, l’association ASEFFEMA11 , et le Centre Vonjy. Cependant, même si les services d’appui aux victimes de VBG existent, ils manquent d’infrastructures adéquates et de personnel qualifié. Les informateurs clés ont souligné le manque de conseils psychologiques complets et de capacité à héberger temporairement les survivantes de VBG dans le pays. Enfin, la majorité des femmes ayant survécu aux violences ignorent l’existence des services de soutien, et les quelques survivantes qui reçoivent des soins font état de conditions et de traitements insatisfaisants dans les centres de soutien. Le mariage d’enfants est une forme de violence qui a des effets dévastateurs sur la vie et le développement des filles et des adolescentes. Par rapport à leurs camarades qui se marient plus tard, les jeunes mariées courent davantage de risques d’avoir des problèmes de santé, d’avoir des enfants plus jeunes, d’abandonner l’école, de gagner moins d’argent au cours de leur vie et de vivre dans la pauvreté (Wodon, Tavares, et al. 2017). Les jeunes femmes qui se marient avant l’âge de 18 ans sont également plus 11 Association pour la Sensibilisation et Education des Femmes et Enfants Maltraités. Les femmes et les filles sont limitées dans leur pouvoir d’action et leur prise de décision, en particulier en matière 43 susceptibles d’être victimes de VPI, d’une capacité de mobilité et de prise de décision restreintes. Malgré l’interdiction législative12 du mariage d’enfants, la pratique se poursuit largement. Les dernières données de l’EDS 2021 montrent que 38,8 % des femmes malgaches âgées de 20 à 24 ans ont été mariées pour la première fois avant l’âge de 18 ans, et 12,7 % avant l’âge de 15 ans. Dans le même temps, seuls 11,2 % des hommes âgés de 20 à 24 ans ont été mariés pour la première fois avant l’âge de 18 ans, et aucun n’a été marié pour la première fois avant l’âge de 15 ans. Dans toutes les régions, les filles sont exceptionnellement plus susceptibles que les garçons d’être mariées lorsqu’elles sont mineures. Dans certaines régions du pays (par exemple à Sofia), jusqu’à 65% des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées pour la première fois avant l’âge de 18 ans. Selon l’étude qualitative, à Sofia et à Atsimo-Atsinanana, l’âge du premier mariage peut être encore plus bas pour les filles (12, 13 ou 14 ans). Il ressort de l’étude qualitative que l’enregistrement légal du mariage n’est typique que de la capitale Antananarivo. Les familles d’Antananarivo célèbrent généralement un mariage légal ou administratif à l’hôtel de ville ainsi qu’un mariage religieux à l’église, ce qui reflète la grande valeur attachée aux croyances chrétiennes. La célébration d’un mariage religieux représente un événement important dans la vie du couple malgache et de leurs familles respectives. En particulier, contrairement aux autres régions étudiées, la cérémonie de mariage dans la capitale Antananarivo n’est pas basée sur des coutumes ancestrales. Dans deux autres régions, les participants à l’étude ont signalé l’existence de diverses traditions de mariage couramment célébrées conformément au droit coutumier. Le fait que la plupart des pratiques de mariage impliquent des avantages économiques pour les familles des filles et sont associés à une valeur sociale et à un prestige élevés peut expliquer en partie la forte prévalence du mariage d’enfants dans les régions étudiées. Malgré les distances géographiques entre les régions, deux des traditions de mariage les plus fréquemment mentionnées (Moletry13 à Sofia et Fafy14 à Atsimo-Atsinanana) 12 En 2007, la loi sur le mariage et les régimes matrimoniaux a été modifiée pour porter l’âge légal du mariage à 18 ans pour les femmes et les hommes. Une exception permet toutefois à la Cour d’autoriser le mariage de mineures. Cette autorisation peut être accordée si le mariage est contracté pour des «raisons sérieuses» non spécifiées par la loi, et si la demande et le consentement du parent de l’enfant sont fournis. 13 La polygamie se caractérise par un accord entre les parents des futurs époux, suivi de la remise de la didin-karena (dot de mariage, composée d’un zébu - une espèce de taureau - et d’une somme d’argent) aux parents de la jeune fille. Le contrat de Moletry est valable un an, après quoi les époux choisissent soit de poursuivre leur mariage, soit de se séparer et de commencer une nouvelle relation. Si l’union dure au moins un an, la femme bénéficie de la didin-karena. Toutefois, si au cours de la première année, la femme décide de se séparer sans motif sérieux (par exemple, pas d’adultère commis par son conjoint), les parents de son mari conservent la dot ; un tel résultat serait considéré comme un déshonneur pour elle et sa famille, et la femme n’aurait pas le droit de posséder un quelconque bien partagé. 14 Chez les Fafy, un homme se rend chez les parents de la jeune fille et leur demande la permission de l’épouser. Dans certains cas, les parents des deux futurs époux se rencontrent et se mettent d’accord sur le mariage. Dans ce rituel, la bénédiction du mariage est obtenue par la remise d’un zébu par les parents du futur mari à la famille de la jeune femme. La célébration publique du mariage représente la bénédiction des parents pour leurs enfants et représente un grand honneur pour le statut de la jeune fille au sein de la communauté. 44 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar présentent plusieurs similitudes : (1) arrangement préalable entre les parents des futurs mariés ; (2) utilisation d’un zébu et d’argent comme dot de la mariée ; (3) peu de latitude laissée aux jeunes femmes dans la décision du mariage ; et (4) implication de la communauté dans la célébration. Le mariage d’enfants à Madagascar persiste pour un certain nombre de raisons, et tant les jeunes femmes que leurs familles semblent jouer un rôle important dans la perpétuation de cette pratique. Pour discuter de la variété des facteurs déterminants qui conduisent au mariage d’enfants à Madagascar, nous examinons d’abord les raisons pour lesquelles les filles décident de se marier, puis les raisons pour lesquelles les familles (parents) marient leurs filles adolescentes (Figure 5). Figure 5. Facteurs du mariage d’enfants à Madagascar Raisons pour les filles Les raisons pour lesquelles de se marier: les parents marient leurs filles: Désir d’echapper à la pauvreté et à un Pauvreté et difficultés financières environnement défavorable à la maison AA; D Volonté de garantir un bon avenir à Désir d’être indépendant des leurs filles en organisant un marriage parents/de rendre les parents fiers avec “une bonne famille” AA Prestige d’avoir une fille Pour éviter/en réponse à une mariée/honte d’avoir une fille grossesse précoce; attitudes négatives enceinte hors mariage envers les mères célibataires Attentes et normes sociales Désir d’obtenir un noveau statut dans la communauté, prestige Pas de resources pour payer la AA scolarisation des filles Aucune autre option de vie disponible Respect de la religion chrétienne TANA Sentiments romantiques; tomber (concept de virginité) amoureuses Source : Figure originale conçue pour ce rapport. Note : Sauf indication contraire, les barrières présentées sont typiques de toutes les régions étudiées. AA = Atsimo-Atsinanana ; S = Sofia ; TANA = Antananarivo. Dans les trois régions étudiées, les jeunes femmes peuvent décider de se marier parce qu’elles veulent être indépendantes de leurs parents. À cet égard, le mariage est la seule option disponible pour les filles malgaches pour se séparer de leurs parents. Ainsi, une fille voulant échapper à la violence psychologique ou matérielle ou à un climat familial défavorable peut voir dans le mariage une forme d’émancipation. Malheureusement, la conclusion d’un mariage ne constitue pas toujours un refuge ou un espace sûr pour les jeunes femmes et peut finir par amplifier leurs problèmes financiers et leur vulnérabilité aux violences. Les femmes et les filles sont limitées dans leur pouvoir d’action et leur prise de décision, en particulier en matière 45 D’autre part, les jeunes femmes peuvent chercher à se marier parce qu’elles souhaitent acquérir un meilleur statut social et apporter honneur et fierté à leurs familles. La société malgache accorde une grande importance à l’institution du mariage : alors que le mariage est considéré comme une source de fierté pour les jeunes femmes et leurs familles, le fait d’être célibataire ou non marié peut entraîner une stigmatisation sociale et une discrimination. En fait, de nombreux participants ont signalé la forte prévalence d’attitudes négatives à l’égard des (jeunes) femmes non mariées. Les participants des trois régions ont également souligné que le statut d’une fille dans la communauté change positivement lorsqu’elle devient une femme mariée. En outre, la décision de se marier peut être motivée par le désir d’éviter une grossesse hors mariage. Bien que la fécondité soit hautement valorisée à Madagascar et que les enfants soient considérés comme une bénédiction et une richesse, aucune attitude de ce type n’est exprimée à l’égard des grossesses qui précèdent la cérémonie du mariage. Les jeunes femmes et les parents interrogés dans le cadre de l’étude ont souligné que le mariage d’enfants apparaît pour de nombreuses filles comme une option viable pour éviter la honte et le déshonneur liés à une grossesse hors mariage. Enfin, même lorsque les filles semblent chercher activement à se marier, leurs décisions peuvent découler de l’absence d’autres options, ce qui montre l’influence de nombreux facteurs externes et ne reflète pas nécessairement les aspirations et les espoirs des filles elles-mêmes. Les entretiens indiquent que le choix du mariage est souvent fait par nécessité et par manque d’alternatives. Par exemple, lorsque les perspectives de scolarisation ou d’emploi sont inexistantes, le mariage est perçu comme la seule option de vie viable. Les résultats des entretiens indiquent également que les jeunes femmes ont peu de contrôle sur leur vie et n’envisagent pas de la réussir par elles- mêmes, c’est-à-dire sans se marier. Les jeunes femmes de l’échantillon ont mentionné à plusieurs reprises qu’une femme n’a que peu de valeur sans un homme et ne peut survivre seule, en partie à cause des normes sociales qui discriminent les célibataires. En outre, elles ont explicitement mentionné leur intention d’aider leurs parents comme l’une des principales motivations pour fonder une famille. C’est pourquoi l’affirmation selon laquelle une jeune femme décide en connaissance de cause de se marier doit être prise avec prudence. Du point de vue des parents, les difficultés financières et la pauvreté sont les déterminants clés de leur décision de marier leurs filles à un âge précoce. Les participants à l’étude ont mentionné à plusieurs reprises la précarité économique comme le principal moteur du contrat de mariage traditionnel. La pauvreté comme moteur du mariage d’enfants est particulièrement évoquée dans l’Atsimo-Atsinanana : certains participants de la région ont expliqué que le mariage d’une fille non seulement apporte une certaine valeur économique à la famille (argent et bétail), mais réduit également les dépenses du ménage lorsque la fille quitte la maison de ses parents pour rejoindre la famille de son mari. La nature informelle et transactionnelle de la polygamie joue le plus souvent en défaveur des filles concernées. Les participants ont expliqué que les femmes se marient souvent plusieurs fois dans le cadre d’une série de mariages 46 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar traditionnels afin que leurs parents puissent acquérir la dot du Moletry à chaque fois - ce qui pourrait expliquer en partie pourquoi les séparations de couples sont très répandues dans le Nord. Contrairement au Centre et au Sud du pays, les familles du Nord ne suivent pas le principe du lamban’akoho no isarahana (mariage éternel). Le mariage d’enfants est clairement lié à l’impossibilité de payer la scolarité. Les témoignages des régions Atsimo-Atsinanana et Sofia montrent qu’avec la pauvreté monétaire qui touche la majorité des ménages malgaches, les parents se trouvent dans l’impossibilité de payer la scolarité de leurs enfants. Ainsi, les nombreuses filles déscolarisées sont privées de leurs moyens de subsistance et sont incitées par leurs parents à trouver un conjoint pour subvenir à leurs besoins. En outre, les parents peuvent marier leurs filles pour les protéger et s’assurer qu’elles seront dans une bonne famille. C’est surtout dans la région d’Atsimo-Atsinanana que les parents préfèrent les mariages arrangés. En effet, il est de coutume que les parents se mettent d’accord sur le mariage de leurs enfants, souvent pour renforcer les liens et protéger les deux familles de l’intrusion d’un étranger. Bien que l’intention soit souvent bonne (pour «protéger» la jeune fille), cette pratique ne donne pas la parole aux deux jeunes gens dans la prise de décision : dans certains cas, les familles prennent cette décision avant la naissance de leurs enfants. Les jeunes femmes n’ont donc que très peu de contrôle sur leur propre vie en raison du poids persistant des traditions. Le fait d’avoir une fille mariée est une source de fierté pour la famille, tandis qu’une fille enceinte en dehors du mariage n’apporte que déshonneur et honte à toute la famille. À cet égard, le respect des normes sociales semble être au cœur des motivations qui sous-tendent le mariage d’enfants. Si les parents s’empressent de marier une fille dès qu’elle commence à fréquenter des garçons, c’est principalement pour éviter qu’elle ne tombe dans l’opprobre en tant que femme abandonnée ou mère célibataire. En outre, surtout à Antananarivo, une valeur importante est attachée aux principes chrétiens, dont l’un implique que les jeunes femmes doivent rester vierges jusqu’au jour de leur mariage. Ailleurs dans le pays, cependant, le maintien de la virginité avant le mariage ne semble pas être une obligation. Dans la région d’Atsimo-Atsinanana, il existe des preuves contradictoires de la valeur attachée à la virginité. D’une part, les participants ont mentionné qu’il n’y a pas d’attente sociale que les femmes restent vierges jusqu’au jour de leur mariage. D’autre part, certains parents de l’échantillon ont admis qu’ils préféreraient que leurs filles s’abstiennent d’avoir des relations sexuelles, probablement en raison de leurs inquiétudes liées aux grossesses précoces. Selon les déviantes positives (DP), les facteurs qui contribuent à retarder la formation précoce de la famille - une fois les difficultés financières atténuées - sont liés à la forte résilience individuelle des jeunes femmes et à leur sentiment de contrôle (Figure 6). Contrairement à leurs homologues non DP, les DP expriment clairement leur vision de l’avenir et leur intention de retarder la formation de la famille. Leur objectif est d’être financièrement prêtes à assumer les dépenses du ménage, avec ou sans le soutien d’un mari. Les DP considèrent que terminer leurs études et accumuler des économies sont des étapes clés avant d’envisager de fonder une famille. Les femmes et les filles sont limitées dans leur pouvoir d’action et leur prise de décision, en particulier en matière 47 Figure 6. Facteurs de soutien pour retarder la formation précoce de la famille à Madagascar Soutien et acceptation des Sécurité économique parents/ de la famille • Des parents qui valorisent et encouragent la • Stabilité financière au sein du ménage scolarisation des filles • Sécurité alimentaire • Des parents qui acceptent et soutiennent leurs • Capacité de la famille à investir dans la filles célibataires (pas de jugement/ honte) scolarisation des filles • Des normes sociales qui ne font pas pression sur les femmes por qu’elles se marient et fondent une famille Autonomisation des filles • Fort sentiment de contrôle sur sa propre vie • Disponibilité d'autres options de vie (p. ex. travail, études) • Grossesse précoce retardée Source : Figure originale conçue pour ce rapport. Ces résultats appellent des efforts spécifiques en matière de politique. Les actions prioritaires devraient porter sur le renforcement de la législation relative à l’âge minimum du mariage et, plus encore, sur la lutte contre les facteurs sous-jacents de ce phénomène (voir Tableau 5). S’attaquer aux normes sociales implique d’entamer un dialogue communautaire avec les parents, les filles et les chefs traditionnels et religieux pour plaider en faveur du report de la formation de la famille. De plus, reconnaissant que de nombreuses traditions matrimoniales à Madagascar découlent de la pauvreté, offrir des incitations financières aux familles d’adolescentes et subventionner la scolarisation des filles peut avoir des effets positifs directs sur l’action et le bien-être des filles. Une attention particulière devrait également être accordée à la prévention des VBG et au renforcement des capacités et de la disponibilité des services de soutien aux survivantes. 48 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar Tableau 5. Recommandations en matière de politique pour améliorer la capacité d’agir des femmes à Madagascar Obstacles Durée Recommandations politiques Orientation stratégique 1 : donner aux filles et aux jeunes femmes les moyens de retarder la formation de la famille La pauvreté et le manque Moyen terme • Offrir des incitations économiques aux filles et à leurs familles par le biais de transferts de moyens sont les d’argent, de microcrédits ou de prêts aux familles dans le besoin. principaux facteurs à l’origine des mariages • Fournir une aide matérielle, en nature ou alimentaire aux ménages vulnérables. d’enfants • Aider les filles et les jeunes femmes à s’inscrire à l’école et à achever leur scolarité.a Long terme • Développer des programmes de subsistance alternatifs pour les adolescentes. Les normes sociales qui Long terme • Promouvoir un changement positif des normes sociales au sein de la communauté - avec encouragent les femmes à les parents, les filles et les chefs traditionnels et religieux - par le biais de campagnes de se marier tôt sensibilisation et de programmes de mobilisation communautaire. • Offrir aux filles une formation aux aptitudes à la vie quotidienne, des espaces sûrs, une formation professionnelle et une formation aux moyens de subsistance. Règle de droit coutumier Court terme • Renforcer l’application de la législation relative au mariage, en interdisant en toutes circonstances le mariage de personnes mineures. Moyen terme • Mobiliser les chefs religieux et traditionnels pour la promotion du report de la formation de la famille et à encourager des attitudes positives à l’égard des femmes non mariées. Orientation stratégique 2 : prévenir la violence liée au sexe et remédier à ses conséquences Les pratiques Moyen terme • Élaborer des programmes de mobilisation communautaire et des campagnes de traditionnelles et sensibilisation pour promouvoir l’intolérance à l’égard de toutes les formes de violence liée culturelles patriarcales au sexe et de maltraitance des enfants. qui acceptent et tolèrent différentes formes de Moyen terme • Mettre en œuvre des interventions en milieu scolaire pour éduquer les adolescents et les violence à l’égard des jeunes et les inciter à ne pas accepter la violence liée au sexe. femmes Long terme • Réduire la vulnérabilité des femmes au VBG par l’autonomisation économique et financière. • Introduire des composantes comportementales sur les VBG dans tous les programmes d’appui financier (composante +). Accès limité aux services Court terme • Veiller à l’application adéquate de la législation existante sur les différentes formes de VBG de soutien et à la justice (violence domestique, harcèlement sexuel sur le lieu de travail et autres) et apporter un pour les survivants des soutien aux survivantes. VBG • Renforcer et améliorer la qualité des services d’aide existants en matière de VBG en mettant l’accent sur les conseils psychologiques et en offrant aux survivantes un refuge adéquat. Moyen terme • Mettre en place une formation sensible au genre pour les professionnels (premiers intervenants) dans tous les secteurs. • Permettre aux survivantes d’accéder à la justice et aux services d’aide aux victimes de VBG. Source : Banque mondiale. Note : VBG = violence basée sur le genre. a. Voir Note 1, «Défis et opportunités dans l’éducation». Les femmes et les filles sont limitées dans leur pouvoir d’action et leur prise de décision, en particulier en matière 49 Conclusions L es femmes et les filles malgaches continuent d’avoir un faible potentiel pour accumuler leur capital humain dans les domaines de de la scolarisation et de la santé. Bien que les filles soient plus nombreuses que les garçons à fréquenter et à achever l’école primaire et secondaire, leurs taux globaux de réussite scolaire restent préoccupants, en particulier dans les zones rurales. Les femmes adultes sont plus susceptibles que les hommes d’être analphabètes et de ne pas avoir reçu de scolarisation formelle. En termes de santé, Madagascar affiche un taux de mortalité maternelle élevé, probablement lié à la grave sous-utilisation des services de santé professionnels et au taux élevé de fécondité des adolescentes. En fait, les grossesses d’adolescentes sont un phénomène courant à Madagascar, qui compromet fortement la santé des femmes et a des répercussions importantes sur leur parcours scolaire et professionnel. Le manque d’investissement dans le capital humain affecte fortement le potentiel des filles et des femmes à participer activement et de manière productive aux opportunités économiques. Les femmes malgaches participent moins au marché du travail que les hommes et sont souvent concentrées dans des emplois précaires et mal rémunérés du secteur informel. La discrimination légale, les normes sociales néfastes, la ségrégation professionnelle et les écarts de revenus entre les hommes et les femmes persistent, ce qui limite davantage les chances des femmes d’accéder à un emploi de qualité. Les femmes malgaches semblent également désavantagées dans l’accès à la propriété foncière et aux services financiers formels, bien qu’elles soient plus susceptibles que les hommes d’utiliser les transactions par paiement mobile. En outre, les femmes malgaches sont confrontées à de nombreux obstacles en ce qui concerne leur pouvoir d’action et à différentes formes de violence basée sur le genre. Pour la plupart des femmes malgaches, la formation de la famille intervient à un âge très précoce, souvent en raison de la pauvreté, des normes socioculturelles, de l’inégalité des rôles entre les hommes et les femmes et du manque d’options alternatives dans la vie. Les filles et les jeunes femmes semblent être considérablement limitées dans leur capacité à prendre des décisions éclairées sur la formation de la famille et n’ont que peu de contrôle sur leur vie. La faible capacité à agir et l’absence d’options alternatives placent les jeunes femmes dans une situation particulièrement vulnérable et augmentent les risques de pauvreté et de discrimination. Enfin, les femmes et les filles malgaches sont touchées de manière disproportionnée par les impacts du changement climatique et d’autres crises récentes telles que le COVID-19. En particulier, le changement climatique impacte de manière disproportionnée le nombre d’heures consacrées par les femmes et les filles aux travaux domestiques, ce qui peut avoir un impact négatif sur leur capacité à s’engager dans des activités professionnelles. De même, les preuves indiquent que les impacts négatifs à multiples facettes de la pandémie de COVID-19 sont susceptibles d’affecter négativement l’accès des femmes et des filles aux soins de santé à Madagascar, ce qui pourrait entraîner une augmentation de la mortalité maternelle et des taux de fécondité des adolescentes. Conclusions 51 Quatre orientations stratégiques ont été identifiées pour réduire les écarts existants entre les hommes et les femmes. Une série de recommandations est fournie pour chaque orientation stratégique, sur la base des preuves régionales d’interventions et de programmes efficaces. Ces orientations stratégiques comprennent une série d’actions visant à améliorer et à renforcer l’environnement juridique. Les quatre orientations stratégiques pour Madagascar sont les suivantes : 1. Aider les filles et les jeunes femmes à achever leur scolarité. 2. Améliorer l’accès des femmes et des jeunes filles à des soins de santé professionnels. 3. Améliorer les opportunités économiques des femmes. 4. Améliorer la voix et la capacité d’agir des femmes et des filles et éliminer toutes les formes de VBG. Compte tenu des aspects multidimensionnels de l’égalité des sexes et des disparités existantes entre les de financement, d’opportunités économiques et de pouvoir d’action, il sera essentiel d’initier des efforts globaux et multisectoriels pour combler les écarts existants entre les hommes et les femmes. 52 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar Annexe A. Méthodologie de l’étude qualitative préliminaire Ce rapport est basé sur des données qualitatives collectées dans trois régions de Madagascar en juin et juillet 2022. Avant la collecte de données qualitatives auprès des jeunes femmes et des parents d’adolescentes, les données quantitatives existantes ont été analysées, suivies d’une revue de la littérature, d’un examen du système juridique actuel et de 10 entretiens avec des informateurs clés. Les informateurs clés interrogés comprenaient des représentants des institutions gouvernementales concernées, des partenaires de développement, des chercheurs, des organisations non gouvernementales actives dans les domaines concernés et des activistes. Les entretiens ont consisté en une série de questions visant à expliquer les expériences des filles et des jeunes femmes en matière de scolarisation, de formation de la famille et de participation au marché du travail. Les entretiens avec les informateurs clés ont permis de débattre des obstacles, des facteurs de facilitation et d’autres aspects importants des écarts observés entre les hommes et les femmes dans le pays Les résultats des entretiens ont permis de définir la conception et les domaines d’intérêt de la recherche qualitative qui a été réalisée. Sur la base de ces entretiens avec des informateurs clés, de l’analyse préliminaire des données quantitatives et de la revue de la littérature, un effort ultérieur de collecte de données qualitatives a porté sur l’exploration des problèmes rencontrés par les jeunes femmes à Madagascar. La recherche qualitative globale visait à générer des connaissances sur une série de déterminants qui contribuent aux inégalités entre les sexes en matière de la scolarisation, de formation de la famille, d’emploi et d’accès aux soins de santé, avec un accent particulier sur les adolescentes et les jeunes femmes. S’appuyant sur une approche fondée sur le cycle de vie, l’étude a porté sur les problèmes auxquels les jeunes femmes de certaines régions sont confrontées dans leurs parcours scolaires, familiaux et professionnels. La présente recherche a respecté les principes de protection des sujets humains énoncés dans le rapport Belmont (Commission nationale pour la protection des sujets humains dans la recherche biomédicale et comportementale, 1979) et dans le document de l’Organisation mondiale de la santé intitulé «Les femmes d’abord : Recommandations en matière d’éthique et de sécurité pour la recherche sur la violence domestique à l’égard des femmes» (OMS 2001). Tous les protocoles de recherche ont été soumis à l’approbation d’un comité d’examen éthique avant la collecte des données. En outre, tous les protocoles de l’Organisation mondiale de la santé et de ceux relatifs à la COVID-19 au plan national ont été respectés afin de garantir la sécurité de l’équipe de recherche et des participants. La collecte de données qualitatives s’est déroulée dans trois régions afin de refléter la diversité géographique de Madagascar. En outre, les régions sélectionnées diffèrent de manière significative en termes de disparités de genre observées (tableau A.1). En particulier, la région Analamanga était représentée par la capitale Antananarivo, qui affiche la plus faible proportion de femmes analphabètes (8,7 pour cent) et la plus faible proportion de femmes âgées de 20 à 24 ans qui se sont mariées avant l’âge de 18 ans (17,9 Conclusions 53 pour cent) (EDS 2021). À Antananarivo, deux communautés urbaines ont été choisies avec une concentration d’entreprises industrielles, de commerces et de magasins dans chaque zone. Les régions d’Atsimo-Atsinanana et de Sofia ont été choisies parce qu’elles ont des taux élevés d’analphabétisme chez les femmes adultes (54 pour cent et 25 pour cent, respectivement) et des taux élevés de prévalence du mariage d’enfants (54,5 pour cent et 65 pour cent, respectivement, des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées pour la première fois avant l’âge de 18 ans) (EDS 2021). Les districts de Mandritsara (région de Sofia) et de Vangaindrano (région d’Atsimo-Atsinanana) ont été sélectionnés parce qu’ils présentent d’importantes disparités entre les sexes en faveur des garçons dans les taux d’inscription et de fréquentation de l’école secondaire. Tableau A.1. Justification du choix des régions pour l’étude Analamanga (capitale Atsimo-Atsinanana Sofia Antananarivo) Taux d'analphabétisme 8,7 pour cent 54 pour cent 25 pour cent des femmes Sofia Taux de mariage 17,9 pour cent 54,5 pour cent 65 pour cent d'enfants Antananarivo Taux net de fréquentation de 54,8 % (contre 45 % 16,5 % (contre 23,1 % 21,6 % (contre 22 % Atsimo l'enseignement pour les garçons) pour les garçons) pour les garçons) Atsinanana secondaire Source : Banque mondiale. La collecte des données s’est faite à l’aide des trois principaux instruments suivants : 1. Entretiens avec un large éventail de représentants des secteurs de l’éducation, de la santé et du privé, des chefs religieux et traditionnels, des élus et des représentants de la société civile. 2. Discussions de groupe avec des femmes âgées de 25 à 34 ans et des mères et pères d’adolescentes. En raison des considérations liées à la COVID-19, chaque groupe de discussion était composé de cinq personnes au maximum. 3. Entretiens approfondis avec des jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans et des mères d’adolescentes. Un sous-échantillon de jeunes femmes pour les entretiens individuels approfondis était composé de déviantes positives (DP). L’approche des déviantes positives consiste à rechercher des individus qui sont confrontés à des défis et à des contraintes similaires à ceux de leurs pairs non déviants, mais qui utilisent des stratégies et des comportements qui les aident à surmonter ces 54 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar contraintes et à obtenir des résultats positifs qui sont inhabituels dans leur propre contexte. L’avantage de l’approche DP est la capacité d’identifier des solutions que certains individus utilisent déjà (Pascale et Monique 2010). Dans cette étude, les DP sont des jeunes femmes qui (1) ont achevé l’école secondaire sans interruption, (2) ont repris l’école après un décrochage, (3) ont suivi une formation professionnelle, ou (4) ont lancé leurs propres petites entreprises. Les guides d’entretien pour les différents groupes de personnes interrogées ou les groupes de discussion comprenaient des questions relatives à la scolarisation, à la formation de la famille et de la participation au marché du travail des jeunes femmes à Madagascar. Les autorités locales, en particulier les fokontany (chefs), ont soutenu le recrutement des participants aux entretiens individuels approfondis et aux discussions de groupe. L’équipe de recherche leur a fourni les critères souhaités ainsi que les quotas à atteindre pour chaque sous-échantillon de participants. Les autorités locales ont ensuite été chargées d’identifier les participants potentiels. Les volontaires qui venaient s’inscrire étaient sélectionnés pour s’assurer qu’ils répondaient aux critères (âge, statut de parent d’une adolescente, niveau de scolarisation, etc.) En outre, l’échantillonnage en boule de neige a complété l’échantillonnage basé sur le volontariat pour identifier les quatre types de DP. Le tableau A.2 présente un résumé des participants à l’étude, de leur région et des activités auxquelles ils ont participé. Tableau A.2. Répartition des participants à l’étude, par région et par instrument de collecte des données Atsimo- Région Analamanga Sofia Atsinanana FGD IDI KII FGD IDI KII FGD IDI KII Jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans 2 3 2 2 2 2 Jeunes femmes âgées de 25 à 34 ans 2 2 2 Mères d'adolescentes 1 2 2 2 2 2 Pères d'adolescentes 1 2 2 DP (diplôme de fin d'études secondaires) 1 1 2 DP (a réintégré l'école après avoir 1 2 abandonné) DP (formation professionnelle achevée) 1 1 DP (création d'une petite entreprise) 1 2 Représentants de la société civile 1 1 Représentants du secteur de l'éducation 1 2 1 Représentants du secteur de la santé 1 1 Chefs religieux et traditionnels 1 1 2 Représentants du secteur privé 1 Les élus locaux 1 1 Total 6 8 6 8 9 5 8 8 4 Source : Banque mondiale. Note : FGD = discussion de groupe ; IDI = entretien approfondi ; KII = entretien avec un informateur clé; DP = déviante positive. Conclusions 55 Tous les entretiens individuels et les discussions de groupe menés en malgache ont été enregistrés, transcrits et traduits en français. Le codage générique, une méthode de codage qui implique la classification des déclarations de chaque personne interrogée dans des codes thématiques préalablement établis, a été utilisé (Huberman et Miles 2003). Au fur et à mesure que de nouvelles informations étaient disponibles, la liste des codes préétablis était revue et élargie. L’équipe a rencontré plusieurs difficultés au cours de son travail sur le terrain. Elle s’est heurtée à la barrière linguistique dans la région d’Atsimo-Atsinanana. La plupart des discussions de groupe se sont déroulées en présence du point focal, qui assurait la traduction du dialecte local vers le malgache officiel et vice versa. Comme cette traduction n’a eu lieu qu’à la fin de chaque discussion afin de ne pas couper les réponses des personnes interrogées, il est possible que la reformulation ait déformé certains commentaires. En outre, de nombreux facteurs tels que l’attitude de l’enquêteur, le statut social de la personne interrogée et les tabous existants entrent en jeu dans les situations d’entretien, affectant l’authenticité et la richesse des informations collectées. Ces facteurs déterminants ont suscité des réactions décrites par certaines des personnes interrogées au cours des différents entretiens, notamment l’inhibition (qui s’est manifestée par des réponses abruptes et peu développées au cours des entretiens ou par une participation limitée aux discussions des groupes de discussion) ou des attitudes défensives (en particulier dans le cas d’un chef traditionnel de la région d’Atsimo-Atsinanana). 56 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar Annexe B. Points d’entrée pour une réforme juridique visant à accroître l’autonomisation des femmes à Madagascar Women, Business and the Law (WBL) 2023 évalue les lois et réglementations dans plusieurs domaines qui affectent les opportunités économiques des femmes dans 190 pays. Depuis les bases de mouvement au sein de la communauté jusqu’aux défis du travail, de la parentalité et de la retraite, les données du WBL offrent des repères objectifs et mesurables pour les progrès mondiaux en matière d’égalité des sexes. L’analyse des données du WBL montre que Madagascar a des opportunités de réforme et de réduction de l’écart avec les leaders mondiaux dans six des domaines réglementaires mesurés : les indicateurs de mobilité, de travail, d’entreprenariat, de parentalité, de mariage et d’actifs. Le tableau B.1 recommande huit réformes qui vont de celles destinées à donner aux femmes plus de choix dans leurs décisions d’emploi (en supprimant les restrictions sur les types d’emplois qu’elles peuvent occuper ou les secteurs dans lesquels elles peuvent travailler), à celles destinées à rendre l’embauche de femmes moins coûteuse pour les entreprises (en transférant le coût du congé de maternité des employeurs privés à l’État et en adoptant des politiques de congé de paternité et de congé parental), améliorer la législation dans les domaines touchant à la liberté de mouvement des femmes (en supprimant les obstacles procéduraux à la demande de passeports pour les femmes) et à leurs droits au sein du mariage (en autorisant les femmes à être des cheffes de famille et à hériter des biens de la même manière que les hommes), et adopter une législation imposant une rémunération égale pour un travail de valeur égale et interdisant la discrimination basée sur le genre en matière d’accès au crédit. Tableau B.1. Réformes juridiques recommandées pour renforcer l’autonomisation des femmes à Madagascar Points d'entrée Réformes juridiques recommandées Mobilité Une femme peut-elle demander un passeport de la Mobilité Non même manière qu'un homme ? 1. Uniformiser les procédures de Une femme peut-elle voyager en dehors du pays et de demande de passeport entre les Oui son domicile de la même manière qu'un homme ? femmes et les hommes. Une femme peut-elle choisir son lieu de résidence de Oui la même manière qu'un homme ? Travail Travail La loi impose-t-elle une rémunération égale pour un Non 2. Permettre aux femmes d’accéder à tous travail de valeur égale ? les emplois et à tous les secteurs et Une femme peut-elle travailler les mêmes heures de industries. Oui nuit qu'un homme ? Les femmes peuvent-elles travailler dans les mêmes 3. Introduire une disposition imposant secteurs d'activité et dans des emplois jugés Non une rémunération égale pour un travail dangereux ? de valeur égale. Conclusions 57 Points d'entrée Réformes juridiques recommandées Esprit d'entreprise La loi interdit-elle la discrimination dans l'accès au Esprit d’entreprise Non crédit basée sur le genre ? Une femme peut-elle signer un contrat et enregistrer 4. Adopter une législation interdisant la Oui discrimination fondée sur le sexe dans une entreprise comme un homme ? l’accès au financement et au crédit. Une femme peut-elle ouvrir un compte bancaire de la Oui même manière qu'un homme ? Parentalité Parentalité Les mères bénéficient-elles d'un congé payé d'au Oui 5. Introduire une législation ou des moins 14 semaines ? amendements pour que les prestations Le gouvernement prend-il en charge 100 % des Non de congé de maternité soient indemnités de congé de maternité ? entièrement prises en charge par le Existe-t-il un congé payé pour les pères et un congé gouvernement. Non parental ? 6. Introduire un congé parental et de Le licenciement des travailleuses enceintes est-il paternité rémunéré. Oui interdit ? Mariage La loi est-elle exempte de dispositions légales qui Mariage Non obligent une femme mariée à obéir à son mari ? Une femme peut-elle légalement être "cheffe de 7. Permettre aux femmes d’être des Non “cheffes de famille” au même titre que famille" ou au même titre qu'un homme ? les hommes. Une femme peut-elle divorcer et se remarier de la Oui même manière qu'un homme ? Actifs Les hommes et les femmes ont-ils les mêmes droits Oui de propriété sur les biens immobiliers ? Les fils et les filles ont-ils les mêmes droits d'hériter Actifs Non des biens de leurs parents ? Les conjoints survivants de sexe féminin et masculin 8. Permettre aux femmes d’hériter des Non biens de la même manière que les ont-ils les mêmes droits à l'héritage ? hommes. La loi accorde-t-elle une autorité administrative égale Oui sur les biens pendant le mariage ? La loi prévoit-elle l'évaluation des contributions non Oui monétaires ? Source : Banque mondiale, tiré de Women, Business and the Law. Note : Les cases rouges indiquent les réformes nécessaires. 58 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar Références Acharya, D. R., J. Bell, P. Simkhada, E. Van Teijlingen, and P. Regmi. 2010. “Women’s Autonomy in Household Decision-Making: A Demographic Study in Nepal.” Reproductive Health 7 (1): 1–12. Aga, G., F. Campos, A. Conconi, E. Davies, and C. Geginat. 2021. “Informal Firms in Mozambique: Status and Potential.” Policy Research Working Paper 9712, World Bank, Washington, DC. Aguirre, D., L. Hoteit, C. Rupp, and K. Sabbagh. 2012. “Empowering the Third Billion: Women and the World of Work in 2012.” Booz and Company. Agyapong, E. 2018. “Representative Bureaucracy: Examining the Effects of Female Teachers on Girls’ Education in Ghana.”  International Journal of Public Administration 41 (16): 1338–50. 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