Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Résumé S i l’égalité des sexes est importante en soi, les investissements dans l’autonomisation sociale et économique des femmes et des adolescentes ont le potentiel de se traduire par une croissance économique durable et un développement global pour Madagascar. Des preuves à l’échelle mondiale démontrent que l’autonomisation des femmes apporte une valeur significative aux familles et à la société dans son ensemble, car elle est positivement corrélée à la réduction de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire, à l’amélioration de la productivité du travail, et à de meilleures chances pour les générations futures (Aguirre et al. 2012 ; Allendorf 2007 ; Mulugeta et al. 2021). Investir en particulier dans la santé, l’éducation et l’autonomisation des adolescentes constitue une action stratégique particulièrement importante à cet égard, car elle contribue à protéger les progrès réalisés pendant l’enfance, à accélérer la productivité et la croissance économique, et à préserver la santé de la future population adulte (Levine et al. 2008). La présente synthèse expose les principales conclusions de mixte sur les inégalités de genre à Madagascar, dont le but était de générer des connaissances et d’approfondir la compréhension des inégalités de genre et de leurs déterminants à Madagascar, en mettant l’accent sur l’adolescence. L’étude s’articule autour de trois axes principaux : une analyse quantitative, une revue de la littérature et une collecte de données qualitatives menée en 2022 dans trois régions géographiquement et culturellement distinctes de Madagascar (Analamanga, Atsimo-Atsinanana et Sofia) et qui a permis d’organiser des discussions de groupe et à des entretiens individuels approfondis avec des jeunes femmes, des parents d’adolescentes et des informateurs clés. D’après les résultats de l’étude, les femmes et les filles malgaches ont encore des difficultés à accumuler du capital humain par l’éducation. Bien que les filles soient plus nombreuses que les garçons à fréquenter et à achever l’école, une part importante des enfants malgaches en âge d’être scolarisés n’a pas accès à l’éducation : seuls 30,8 % des filles et 27,6 % des garçons âgés de 11 à 17 ans fréquentent l’école secondaire (EDS 2021). En outre, une part importante des femmes adultes âgées de 15 à 49 ans est analphabète, un taux qui atteint 55,8 % dans la région du Menabe contre 26,9 % chez les hommes (EDS 2021). Bien que gratuite sur le papier, la scolarisation implique de multiples coûts indirects qui sont souvent exacerbés par les impacts du changement climatique. Les parents doivent contribuer financièrement ou en nature aux salaires des enseignants non fonctionnaires et non subventionnés qui, dans certains cas, constituent la majeure partie du personnel enseignant. Outre la pénurie générale d’écoles, les écoles existantes manquent souvent d’équipements et de capacités appropriées pour accueillir tous les élèves. La participation aux activités agricoles entre autres interrompt le parcours scolaire de nombreuses adolescentes. Bien que la plupart des obstacles à l’accès à la scolarisation soient universels, les chances des filles d’achever l’enseignement secondaire sont réduites en raison de leur forte implication dans les tâches domestiques, des violences basées sur le genre à l’école, du manque d’autonomie et, surtout, des mariages d’enfants et des grossesses précoces. Les femmes et les filles malgaches sont fortement désavantagées en matière d’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive, comme en témoignent la 2 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Résumé faible proportion d’accouchements assistés par des professionnels (45,8 pour cent) (EDS 2021) et les besoins non satisfaits en matière de contraception (14,6 pour cent). Globalement, la rareté des centres de santé et les coûts prohibitifs des consultations limitent l’accès des femmes et des filles aux services de santé en général. Par ailleurs, les chances des jeunes femmes de recourir aux services de santé sexuelle et reproductive sont encore réduites par le manque de sources d’informations fiables sur la santé sexuelle et reproductive, l’absence de cliniques de qualité adaptées aux jeunes et les normes sociales négatives qui découragent l’utilisation des services de planification familiale chez les femmes célibataires ou sans enfants. Tous ces obstacles contribuent à une proportion élevée de grossesses chez les adolescentes (31,1 % des filles âgées de 15 à 19 ans ont commencé à procréer) (EDS 2021), ce qui est associé à de nombreux risques pour le bien-être des filles, avec des effets négatifs potentiels à long terme sur leur scolarisation, leur santé, leurs possibilités d’emploi et leur vulnérabilité à la pauvreté. Le manque d’investissement dans le capital humain impacte considérablement la capacité des femmes à participer de manière active et productive aux opportunités économiques. Les femmes malgaches sont moins susceptibles que les hommes de participer au marché du travail : 71,3 % contre 82,4 % respectivement (EPM 2021-22). En outre, les femmes ont un accès limité aux emplois de meilleure qualité : seulement 24 pour cent des femmes actives sont salariées contre 35 pour cent des hommes actifs, et les femmes salariées sont surreprésentées parmi les travailleurs familiaux non rémunérés (14 pour cent contre 5 pour cent des travailleurs masculins) et dans l’agriculture de subsistance (32 pour cent contre 23 pour cent respectivement) (EPM 2021-22). Cette difficulté d’accès à des emplois de meilleure qualité peut s’expliquer en partie par l’absence factuelle d’emplois et l’existence de formes légales de discrimination qui empêchent les femmes d’occuper certains emplois (par exemple, dans le secteur industriel). En outre, les jeunes femmes manquent de qualifications et de compétences, de connaissances, d’une vision claire et d’instruments leur permettant de concrétiser leurs aspirations professionnelles. Les femmes sont également victimes de discriminations fondées sur leur genre, leur origine ethnique et leur apparence physique lors des processus de recrutement ; les femmes qui travaillent dans le secteur informel sont souvent confrontées à des conditions de travail dégradantes, ont des revenus faibles et instables, et sont victimes d’abus et de harcèlement sexuel de la part de leurs employeurs. En outre, les femmes et les filles malgaches sont fortement limitées dans leur capacité d’action et leur pouvoir de décision, comme en témoignent les taux élevés de violence entre partenaires intimes (41 % des femmes ayant déjà été mariées en ont subi au moins une de formes) et le mariage d’enfants (38,8 % des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées avant l’âge de 18 ans) (EDS 2021). La formation de la famille débute à un âge très précoce pour la plupart des femmes malgaches. Pour de nombreuses filles pauvres et leurs familles, la décision de fonder une famille à un âge très précoce est motivée par le manque de moyens et d’aspirations pour échapper à la pauvreté à la maison. En outre, les attitudes négatives largement répandues à l’égard des femmes non mariées et des grossesses hors mariage poussent souvent les adolescentes et leurs familles à envisager le mariage tôt, en partie pour se conformer aux normes sociales et Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 3 aux modèles de comportement attendus. Il est important de noter que les pratiques en matière de mariage d’enfants sont diverses et présentent des différences géographiques significatives. À l’exception de la capitale Antananarivo, le mariage d’enfants est souvent célébré en vertu du droit coutumier. Enfin, les femmes et les filles malgaches sont touchées de manière disproportionnée par les impacts du changement climatique et d’autres crises récentes telles que la COVID-19. En particulier, le changement climatique affecte de manière disproportionnée le nombre d’heures consacrées par les femmes et les filles aux travaux domestiques, ce qui peut avoir un impact négatif sur leur capacité à participer à des activités professionnelles. De même, il est avéré que les impacts négatifs à multiples facettes de la crise COVID-19 sont susceptibles d’affecter négativement l’accès des femmes et des filles aux soins de santé à Madagascar, ce qui pourrait entraîner une augmentation de la mortalité maternelle et des taux de fécondité des adolescentes. Quatre orientations stratégiques ont été identifiées pour réduire les écarts existants entre les hommes et les femmes. Une série de recommandations est proposé pour chaque orientation stratégique, sur la base des preuves régionales d’interventions et de programmes efficaces. Ces orientations stratégiques comprennent une série d’actions visant à améliorer et à renforcer l’environnement juridique. Les quatre orientations stratégiques pour Madagascar sont les suivantes : 1. Aider les filles et les jeunes femmes à achever leur scolarité. 2. Améliorer l’accès des femmes et des jeunes filles aux soins de santé professionnels. 3. Améliorer les opportunités économiques des femmes. 4. Améliorer la représentation et l’action des femmes et des filles et éliminer toutes les formes de violence fondée sur le genre. Compte tenu des aspects multidimensionnels de l’égalité des genres et des disparités existantes en termes de dotations, d’opportunités économiques et d’action, il sera essentiel de déployer des efforts globaux et multisectoriels pour combler les écarts existants entre les hommes et les femmes. 4 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Résumé