DOUBLE TROUBLE ? Évaluation des risques climatiques physiques et de transition pour le secteur bancaire marocain AVRIL 2024 DOUBLE TROUBLE ? Évaluation des risques climatiques physiques et de transition pour le secteur bancaire marocain AVRIL 2024 BANK AL-MAGHRIB – PROGRAMME D'ASSISTANCE TECHNIQUE DE LA BANQUE MONDIALE © 2024 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/La Banque mondiale 1818 H Street NW Washington, DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 Internet: www.worldbank.org Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit ni l’exactitude, ni l’exhaustivité, ni l’actualité des données citées dans cet ouvrage. 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La Banque mondiale encourageant la diffusion de ses travaux, cet ouvrage peut être reproduit, en tout ou en partie, à des fins non commerciales à condition que l’origine du texte soit expressément indiquée. Mention de la source : L’ouvrage doit être cité de la manière suivante : Banque mondiale, 2024. « Double problème ? Évaluation des risques climatiques physiques et de transition pour le secteur bancaire marocain », World Bank, Washington, DC. Tous renseignements sur les droits et licences, y compris les droits subsidiaires, doivent être adressés à World Bank Publications, The World Bank Group, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, USA; télécopie : 202-522- 2625; courriel : pubrights@worldbank.org. Crédit pour les images hors BM : istockphoto.com Conception de la page de couverture : Kane Chong Sdn Bhd Double Trouble ? Évaluation des risques climatiques physiques et de transition pour le secteur bancaire marocain Remerciements Cet ouvrage a été élaboré sous la direction de la Banque mondiale et de Bank Al-Maghrib (BAM) du Maroc, avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD) et du Global Risk Financing Facility. L'équipe de travail conjointe Banque mondiale-BAM responsable de ce rapport était composée de Martijn Gert Jan Regelink (chef d'équipe), Reda Aboutajdine, Antoine Bavandi, Dorra Berraies, Thibault Bouessel du Bourg, Fabio Cian, Emma Dalhuijsen, Michaela Dolk, Olivier Masetti, Rachel Mok (Banque mondiale), Hiba Zahoui, Nabil Badr et Najwa Mouhaouri (BAM), sous la direction de Djibrilla Adamou Issa et Olivier Mahul (Banque mondiale). Le rapport et sa couverture ont été conçus par Kane Chong. Le rapport a grandement bénéficié des précieuses contributions et observations de Javier Diaz Cassou, Henk Jan Reinders (Banque mondiale) et Nicola Ann Ranger (Oxford Sustainable Finance Group). 3 Double Trouble ? Évaluation des risques climatiques physiques et de transition pour le secteur bancaire marocain Résumé analytique À l’échelle mondiale, l’on prend de plus en plus conscience des effets potentiels des changements climatiques sur la stabilité financière. Les risques financiers liés au climat peuvent être globalement regroupés en deux catégories : 1) les risques physiques climatiques, qui sont des risques financiers résultant des effets progressifs et brusques des changements climatiques (principalement les sécheresses et les inondations dans le cas du Maroc, comme en témoignent la grave sécheresse en cours et les récentes inondations) et 2) les risques de transition climatique, qui sont des risques financiers pouvant résulter de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, par exemple en raison de changements dans la politique climatique, la technologie ou le sentiment du marché. L’objectif de ce rapport est de mieux faire comprendre l’impact de ces risques climatiques sur le secteur bancaire marocain. Il s’agit notamment de comprendre le degré d’exposition du secteur bancaire face aux secteurs et aux régions vulnérables aux risques physiques et de transition climatiques, ainsi qu’une quantification des effets du climat sur les bilans des banques selon différents scénarios. Ce rapport fait également le point sur les pratiques actuelles de gestion des risques du secteur bancaire marocain et sur la réponse prudentielle aux risques financiers liés au climat. Le secteur bancaire marocain est exposé aux risques physiques climatiques, notamment les inondations et les sécheresses. Les catastrophes naturelles pourraient affecter les biens immobiliers, les actifs des entreprises, le patrimoine des ménages et les bénéfices des entreprises, ce qui pourrait réduire la capacité des emprunteurs à assurer le service de leur dette. Par exemple, les producteurs agricoles et les éleveurs pourraient subir d’importantes pertes économiques du fait des sécheresses, un risque naturel auquel le Maroc est particulièrement vulnérable. Cela signifie que les banques exposées au secteur agricole pourraient être directement touchées par les risques physiques climatiques, tandis que les banques exposées à d’autres secteurs liés au secteur agricole à travers la chaîne de valeur (par exemple, l’agroalimentaire et le tourisme) pourraient également en pâtir. En cas de sécheresse grave, d’autres secteurs peuvent également être touchés, par exemple lorsque la pénurie d’eau et les restrictions imposées en matière d’eau affectent également les utilisateurs d’eau non agricoles. Par ailleurs, le Maroc est très vulnérable aux inondations, en particulier autour du littoral, où se concentre la majeure partie de la population et de l’activité industrielle. Les inondations pourraient affecter le secteur bancaire en réduisant la valeur des actifs et des propriétés (par exemple les prêts hypothécaires). Les inondations pourraient également perturber des infrastructures essentielles, telles que les réseaux routiers et de communication, ce qui pourrait engendrer des pertes économiques dans des secteurs tels que les transports, le tourisme et l’agriculture et avoir une incidence négative sur les banques exposées à ces entités. Les portefeuilles de crédit des banques marocaines sont géographiquement concentrés dans quelques régions, et certaines banques présentent également une forte concentration sectorielle, un tiers des prêts bancaires sectoriels étant exposés à des risques physiques particulièrement élevés. Casablanca, Rabat et Marrakech représentent ensemble 77 % du risque de crédit total. Certaines banques ont des portefeuilles de crédit très concentrés sur quelques secteurs, comme l’agriculture, ce qui a des incidences importantes sur les profils de risque climatique des banques, car certains secteurs sont plus susceptibles que d’autres d’être touchés par les catastrophes liées au climat. Par exemple, les sécheresses peuvent avoir un impact direct sur l’agriculture et le secteur de l’eau, avec des retombées indirectes sur d’autres secteurs de la chaîne de valeur agricole, comme la transformation des aliments. Une part importante des prêts bancaires est accordée aux zones sujettes aux sécheresses, notamment dans certaines parties des régions de Marrakech- Safi et de Souss-Massa qui ont historiquement connu une fréquence élevée de sécheresses agricoles. Les inondations peuvent avoir un impact dans une certaine mesure sur la plupart des secteurs, si leur stock de capital est situé dans des zones touchées par les inondations. Une grande partie des prêts bancaires est accordée aux provinces vulnérables aux inondations pluviales ou fluviales, notamment Rabat, Salé et Marrakech. Si l’on considère à la fois les risques de sécheresse et d’inondation, environ un tiers des prêts bancaires sont destinés 4 Double Trouble ? Évaluation des risques climatiques physiques et de transition pour le secteur bancaire marocain à des secteurs présentant un risque climatique physique particulièrement élevé (bien que d’autres secteurs soient également susceptibles d’être touchés directement ou indirectement par les risques climatiques). La modélisation des catastrophes montre que les changements climatiques amplifieraient les dommages économiques causés par les inondations et les sécheresses. Cela se voit sur toute la gamme des périodes de retour modélisées, avec des dommages amplifiés aussi bien pour les événements fréquents que pour les événements plus rares. Par exemple, les dommages directs estimés et les effets indirects à court terme pour le scénario de sécheresse « climatique actuelle » survenant une fois tous les 500 ans sur la durée de trois ans de l’événement s’élèvent à 41,8 milliards de dirhams marocains (DH). Ceux-ci augmenteraient considérablement dans des conditions de changement climatique, ce qui se traduirait par 58,6 milliards de DH selon le scénario du profil représentatif d'évolution des concentrations (RCP) de 4,5 pour 2050 (augmentation de 40 %) et 69,5 milliards de DH selon le scénario de 8,5 pour 2050 (augmentation de 66 %). En revanche, la modélisation des catastrophes montre que pour les inondations, les dommages directs estimés et les effets indirects à court terme pour le scénario de niveau d’inondation « climatique actuelle » survenant une fois tous les 500 ans sont de 80 milliards de DH pour les inondations pluviales. L’impact direct des inondations devrait s’accentuer en raison des changements climatiques. Pour les inondations pluviales, les effets directs et indirects à court terme augmentent d'environ 8 % à 86,7 milliards de DH d'ici 2050 selon le scénario RCP 4,5 et d'environ 30 % à 104,8 milliards de DH d'ici 2050 selon le scénario RCP 8,5. Cependant, cette modélisation est basée sur les changements prévus dans les précipitations extrêmes au niveau national, mais certaines régions du Maroc peuvent connaître différentes tendances à la hausse ou à la baisse de ces extrêmes. L'analyse macroéconomique et financière montre que les changements climatiques pourraient aggraver l'incidence des sécheresses sur les indicateurs macroéconomiques et financiers. S’appuyant sur des données historiques, le modèle montre que les sécheresses avec un RCP de 1 tous les 500 ans pourraient entraîner une baisse de la production dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des services. Il en résulterait divers effets macroéconomiques, notamment des pertes annuelles de produit intérieur brut (PIB) pouvant atteindre 1,8 point de pourcentage pour une sécheresse pluriannuelle. Cela pourrait augmenter le ratio de prêts non productifs et la probabilité de défaut des secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des services. Par exemple, les ratios annuels de prêts non productifs pour le secteur agricole augmentent, passant de 7,8 % à 10,5 % (ratio moyen de prêts non productifs de 8,9 % pour les 5 années de simulation). Le ratio de solvabilité pourrait également diminuer de 3,3 points de pourcentage (réduction moyenne de 1,3 point de pourcentage sur les 5 années de simulation). Il est important de noter que les effets pourraient potentiellement être plus élevés, car tous les profils de transmission ne sont pas pris en compte dans la modélisation. Même si les répercussions macroéconomiques sur le secteur financier peuvent être moins prononcées pour les événements avec un RCP plus faible, de tels événements peuvent néanmoins avoir des effets substantiels sur les entreprises et affecter les moyens de subsistance et les niveaux de pauvreté. L’analyse montre que les changements climatiques pourraient aggraver l’incidence des sécheresses sur les indicateurs macroéconomiques et financiers. Notamment, l’incidence sur les variables financières pourrait presque doubler dans le scénario le plus extrême (RCP 8,5 pour 2050) par rapport au scénario de sécheresse survenant tous les 500 ans dans des conditions climatiques historiques. Dans ce scénario, les pertes de PIB sont estimées à 3,5 points de pourcentage, et la réduction moyenne du ratio de solvabilité pour les 5 années de simulation est estimée à 2,2 points de pourcentage. De même, la macroanalyse montre que les changements climatiques pourraient aggraver l’incidence des inondations sur les indicateurs macroéconomiques et financiers, bien que celle-ci soit nettement inférieure à celle des scénarios de sécheresse. S’appuyant sur les données historiques, le modèle montre que des cas extrêmes d'inondations pluviales pourraient réduire la production dans les secteurs de l'agriculture, de l'industrie et des services. Il en résulterait divers effets macroéconomiques négatifs, notamment des pertes annuelles de PIB pouvant atteindre 1,6 % pour le niveau d’inondation pluviale survenant une fois tous le 500 ans dans des conditions climatiques historiques. Les inondations sont des événements de durée relativement courte, contrairement aux sécheresses, qui ont un impact direct de plus longue durée. Selon les estimations du modèle, Résumé analytique 5 Double Trouble ? Évaluation des risques climatiques physiques et de transition pour le secteur bancaire marocain l’incidence globale des inondations sur les mesures du risque financier est nettement inférieure à celle de la sécheresse. Néanmoins, le modèle montre toujours que les inondations pourraient avoir un incidence négative sur les mesures du risque financier. Par exemple, le ratio annuel de prêts non productifs augmente jusqu’à 0,7 point de pourcentage pour le secteur le plus gravement touché (agriculture) (augmentation moyenne de 0,3 point de pourcentage pour les 5 années de simulation), tandis que la perte annuelle de ratio de solvabilité reste limitée à un maximum de 0,2 % pour cent (réduction moyenne de 0,11 point de pourcentage pour les 5 années de la simulation). En outre, l'analyse montre que les changements climatiques pourraient aggraver considérablement les effets des inondations sur les mesures macroéconomiques, bien que les effets sur les mesures du risque financier restent relativement faibles (par exemple, pour le niveau d'inondation d'une fréquence de 1 tous les 500 ans selon le RCP 8,5 en 2050, la réduction du ratio de solvabilité pour les 5 années de simulation est de 0,14 point de pourcentage). Une microanalyse complémentaire montre que l’incidence financière des sécheresses et des inondations varie considérablement d’une banque à l’autre. Elle varie considérablement selon les institutions, les banques disposant de portefeuilles de prêts agricoles et de prêts aux ménages plus importants étant susceptibles d’être plus touchées par les sécheresses. L’analyse montre également que les facteurs sous-jacents à l’augmentation des prêts non productifs varient selon les banques. Pour les grandes banques marocaines, l’augmentation globale des prêts non productifs provient principalement de la détérioration de l’important portefeuille de prêts aux ménages plutôt que du portefeuille de prêts aux petites exploitations agricoles. En revanche, l’évaluation de la vulnérabilité montre que les effets des inondations sont concentrés géographiquement. On estime que l’impact des risques de transition climatique sur le secteur bancaire est important, mais potentiellement gérable. L’impact des risques de transition climatique sur le secteur bancaire peut être gérable puisque le Maroc est un petit émetteur de gaz à effet de serre (GES), représentant seulement 0,16 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2). Néanmoins, les émissions nationales de GES sont en augmentation (notamment celles du secteur de l’énergie), ce qui pourrait accroître l’exposition aux risques de transition climatique à l’avenir. Sur la base des émissions de GES des industries et de l’intensité des émissions de GES, les secteurs d’activité potentiellement sensibles aux risques de transition au Maroc pourraient comprendre la production d’électricité, les transports, l’exploitation minière, l’agriculture, l’industrie manufacturière et les services publics. L’Union européenne (UE) étant le plus grand partenaire commercial du Maroc, les industries « sensibles à la transition » peuvent aussi comprendre celles qui sont touchées par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACB) de l’UE, comme les industries associées à la production de ciment, d’électricité et d’aluminium. Le rapport révèle que le risque crédit global pour les secteurs définis comme étant très ou modérément sensibles à la transition représente 24,3 % du total des prêts et 43,6 % des prêts aux entreprises non financières. Les risques les plus élevés concernent le secteur manufacturier (9 % du total des prêts), l'électricité (5 % du total des prêts) et l'agriculture (4 % du total des prêts). Alors que la plupart des banques présentent un risque crédit aux secteurs sensibles à la transition de moins de 25 %, quatre banques présentent un risque qui dépasse 50 %. L’analyse montre que les petites et moyennes banques qui disposent de portefeuilles de crédits spécialisés sont les plus exposées aux risques de transition. Pour estimer les effets futurs des risques de transition, une évaluation de la vulnérabilité a été réalisée sur la base de deux scénarios de prix du carbone. Le modèle a révélé qu’à l’échelle du système, 1,9 % du total des prêts aux entreprises, soit 0,7 % des actifs du secteur bancaire, seraient exposés à un risque crédit accru1, suite à la mise en œuvre d’une taxe carbone de 25 dollars/tCO2. Une taxe carbone de 75 dollars/tCO2 exposerait 8,4 % des prêts aux entreprises à l’échelle du système, soit 3,1 % des actifs du secteur bancaire, à un risque crédit accru. Les résultats varient considérablement d’une banque à l’autre, ce qui montre les différentes orientations sectorielles des banques en matière de prêts, la part des prêts des sociétés 1 Les estimations de l’augmentation du risque crédit sont obtenues en multipliant l’augmentation de la dette à risque au niveau sectoriel par l’encours des prêts de chaque banque à ces secteurs. 6 Résumé analytique Double Trouble ? Évaluation des risques climatiques physiques et de transition pour le secteur bancaire marocain non financières dans le total des prêts et la part des prêts dans le total des actifs. La plupart des cas aberrants en termes d’augmentation très élevée ou très faible du risque crédit sont de petites banques disposant de portefeuilles spécialisés. Les conclusions quantitatives du rapport doivent être interprétées avec prudence, compte tenu des incertitudes et de la complexité de l’estimation des risques financiers liés au climat. Les incidences du climat sur le secteur bancaire pourraient être sous-estimées en raison des incertitudes inhérentes à la modélisation des points de bascule climatiques. Par ailleurs, il existe des liens complexes entre les effets macroéconomiques, financiers et climatiques (par exemple, interaction entre la transition et les risques physiques ou interaction entre les changements climatiques et d’autres crises telles que la pandémie), qui pourraient amplifier les chocs sur le système financier. En outre, le manque de données précises et à jour (par exemple, des données sur le risque financier et l’intensité des émissions de GES) et la diversité des approches de modélisation pourraient réduire la robustesse et l’exactitude de l’évaluation. L’évaluation se veut donc de nature exploratoire et devrait être mise à jour au fil du temps à mesure que la compréhension des risques climatiques s’améliore. Les banques marocaines progressent dans l’intégration des risques climatiques dans les cadres de gestion des risques, même si elles devront faire davantage pour enraciner correctement cette démarche dans leurs activités. En s'appuyant sur une enquête menée dans le secteur bancaire (en juillet 2021), le rapport révèle que même si les banques sont largement conscientes des risques climatiques, la plupart d'entre elles en sont encore aux premiers stades de l'intégration du climat dans leurs cadres de gestion des risques et n'ont pas procédé à des évaluations de la vulnérabilité aux risques climatiques. Depuis lors, des progrès ont été réalisés, plusieurs banques prenant en compte le risque climatique dans leur processus interne d’adéquation et d’évaluation des fonds propres (ICAAP). Certaines banques, en particulier celles qui sont multinationales, ont pris des mesures pour intégrer le climat dans leur cadre de gouvernance, par exemple en veillant à ce que le conseil d'administration soit impliqué dans les questions climatiques. Un nombre limité de banques divulguent des informations sur les risques climatiques, mais environ la moitié d'entre elles prévoient d'améliorer la divulgation, conformément aux prescriptions du Groupe de travail sur l'information financière relative aux changements climatiques (GTIFCC). De manière générale, les banques réclament davantage de conseils, de données et de renforcement des capacités de la part des autorités et des organisations internationales pour les aider à évaluer et à gérer les risques climatiques. Bank Al-Maghrib (BAM) a fait de la gestion des risques climatiques une priorité majeure. En 2019, BAM a publié la directive sur la gestion des risques financiers climatiques et environnementaux, qui donne des orientations de haut niveau aux banques. À l’avenir, BAM a l’intention d’élaborer des orientations prudentielles plus détaillées en réponse aux risques climatiques, notamment en matière de tests de résistance et de communication de l’information. BAM s’emploie à intégrer les risques climatiques dans les outils et pratiques de supervision quotidiens, comme leur évaluation dans le processus de supervision et d'évaluation de BAM, conformément à sa directive sur les risques climatiques et environnementaux et à d'autres normes pertinentes, et l’intégration des risques climatiques dans les rapports du processus interne d’adéquation et d’évaluation des fonds propres. Au fil du temps, BAM pourrait envisager une intégration plus poussée de ces risques dans ce processus et dans le cadre de tests d’adéquation et de qualification. BAM prendra également les mesures réglementaires qui pourraient être nécessaires pour combler les lacunes graves en matière de données sur les risques climatiques, y compris des mesures pouvant faire intervenir des décideurs au-delà de BAM, telles que des exigences de divulgation et de communication de l’information pour les entreprises et une taxonomie verte. Sur la base de l’analyse initiale des risques climatiques présentée dans ce rapport, BAM évalue si le cadre de surveillance et d’évaluation macroprudentielle et microprudentielle de la banque centrale doit être mis à jour pour intégrer structurellement les risques climatiques identifiés. À l’avenir, une attention particulière sera accordée aux principes du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire relatifs à la gestion et à la surveillance efficaces des risques financiers liés au climat, afin de garantir la conformité aux normes mondiales. Résumé analytique 7 Double Trouble ? Évaluation des risques climatiques physiques et de transition pour le secteur bancaire marocain Sur la base des conclusions de ce rapport, une série de recommandations concrètes ont été formulées en vue de mieux évaluer et gérer les risques financiers liés au climat pour le secteur bancaire. Le tableau ES1 présente un ensemble de politiques, les autorités qui peuvent être chargées de leur mise en œuvre et le calendrier provisoire d'élaboration des politiques. La section 5 présente de manière plus approfondie les politiques et les mesures préliminaires, qui pourraient être prises, pour améliorer la gestion des risques liés au climat et renforcer la protection financière contre les risques climatiques et de catastrophe. TABLEAU ES1 Recommandations concrètes pour l’évaluation et la gestion des risques climatiques pour le secteur bancaire RECOMMANDATIONS CONCRÈTES AUTORITÉS CONCERNÉES CALENDRIER ontinuer à améliorer la compréhension et la gestion des • C risques financiers liés au climat en mettant à jour l'analyse des risques, le cas échéant, en collectant des données et BAM COURT TERME en définissant les indicateurs nécessaires pour surveiller les principaux risques climatiques et en continuant à renforcer les capacités institutionnelles. laborer un plan pour intégrer davantage l'analyse des • É risques climatiques dans le cadre de surveillance et BAM MOYEN TERME d'évaluation macroprudentielle et microprudentielle de la banque centrale. laborer des orientations prudentielles plus détaillées pour • É le secteur bancaire, afin d'améliorer la gestion des risques BAM COURT TERME climatiques, en s'appuyant sur la directive 5/W/2021. nvisager un examen prudentiel thématique sur le climat ou • E BAM MOYEN TERME une surveillance sur place pour les entités très exposées. Ministères de tutelle ombler les lacunes en matière de données qui limitent • C (par exemple, le ministère la capacité des autorités et des institutions financières à des Finances, le ministère COURT TERME évaluer et à mesurer les risques financiers liés au climat. de l'Énergie), BAM ollaborer avec les ministères et les autorités concernés • C pour fournir des orientations climatiques prospectives, afin d'éclairer les pratiques de prise de décision et de gestion Ministères de tutelle, BAM COURT TERME des risques à long terme. • Stimuler le développement de marchés d'assurance privés BAM, ministère des et/ou de régimes publics pour transférer les risques Finances, ministère de COURT TERME imatiques. l’Environnement *Note: CT = court terme (1 à 3 ans) ; MT = moyen terme (3 à 5 ans) 8 Résumé analytique