Des trajectoires pour une croissance durable au Niger MÉMORANDUM ÉCONOMIQUE DU NIGER DU GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE Avis de non-responsabilité : Ce volume est un produit du personnel de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement/ Banque mondiale. Les résultats, interprétations et conclusions exprimés dans ce document ne reflètent pas nécessairement les opinions des administrateurs de la Banque mondiale ou des gouvernements qu’ils représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données incluses dans cet ouvrage. Les frontières, couleurs, dénominations et autres informations figurant sur les cartes de cet ouvrage n’impliquent aucun jugement de la part de la Banque mondiale concernant le statut juridique d’un territoire ou l’approbation ou l’acceptation de ces frontières. Copyright: Le matériel contenu dans cette publication est protégé par le droit d’auteur. 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DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 3 REMERCIEMENTS Ce mémorandum économique du Niger (MEN) a été rédigé par une équipe de collaborateurs de la Banque mondiale et d’experts externes dirigée par Paolo Di Lorenzo (économiste principal et chef de projet) et Fatoumata Fadika (spécialiste du secteur financier, chef de projet), sous la supervision de Theo David Thomas (directeur ‘Practice’), Consolate Rusagara (directrice ‘Practice), Soukeyna Kane (directrice-pays jusqu’en juin 2021) et de Clara de Sousa (directrice-pays Niger actuelle). Le rapport a été édité par Paolo Di Lorenzo et Carlos Topi (Consultant), sur la base des contributions des membres de l’équipe : pour le chapitre 1, Paolo Di Lorenzo (chef de projet), Chadi Bou Habib (économiste principal), Sally Beth Murray (jeune professionnelle), Catalina Quintero (consultante) ; pour le chapitre 2, Paolo Di Lorenzo (chef de projet), Chadi Bou Habib (économiste principal, EMFTX), Hans Lofgren (consultant), Martin Cicowiez (consultant), Arthur Galego Mendes (consultant), Steve Pennings (économiste) ; pour le chapitre 3, Fatoumata Fadika (chef de projet), Juan Buchenau (consultant), Emiliano Duch (spécialiste principal du secteur privé), Anouk Pechevy (analyste de la stratégie, SFI), Doreen Oppan (responsable des opérations pour le Niger) ; pour le chapitre 4, Abel Bove (responsable, spécialiste principal de la gouvernance), Kelvin Tan (consultant), Rahma Ahmed, Arthur Galego Mendes ; pour le chapitre 5, Claudia Soto (responsable, spécialiste en gestion du risque de catastrophe), Oscar A. Ishizawa (spécialiste principal en gestion du risque de catastrophe), Simon Hagemann (spécialiste du secteur financier), avec le soutien de Luc Bonnafous (jeune professionnel), Illya Miko (consultant), Joaquín Muñoz (consultant), Nathalie Wandel (administrateur auxiliaire), Mare Lo (spécialiste principal en gestion du risque de catastrophe) et Antoine Bavandi (spécialiste principal du secteur financier). L’équipe de supervision remercie Jean-Pierre Chauffour (Chef de programme), Joelle Dehasse (directrice-pays), Andreas Eberhard (Consultant), Anne Goujon (IIASA), Markus Kitzmuller (économiste principal), Ivailo Izvorski (directeurs ‘Practice’), Yue Man Lee (économiste principal), Martin Lokanc (économiste senior spécialiste du secteur minier), Jean-Michel Marchat (économiste principal), Michel Matera (chef de secteur), Dino Merotto (économiste principal), Aminata Ndiaye (économiste senior), Nathalie Picarelli (économiste), Gael Raballand (spécialiste principal du secteur public), Ernest Sargenti (économiste senior), James Thurlow (IFPRI) pour leurs commentaires et leurs suggestions. Micky Ananth (analyste des opérations pour le Niger), Theresa Bampoe (assistante de programme), Ofumilayo Fewo Olympio (assistante de programme) et Maude Jean-Baptiste (assistante de programme) ont fourni le soutien administratif. Les auteurs sont très reconnaissants envers les nombreux homologues au Niger qui ont gracieusement partagé leurs connaissances et donné de leur temps et de leur soutien de multiples façons. Vice-Président Région : Ousmane Diagana Directrice-pays : Ana Coutinho de Sousa Directeur ‘Global Practice’ : Marcelo Estevao Directeur Régional : Abebe Adugna Directeur ‘Practice’ : Theo Thomas Chefs de projet : Paolo Di Lorenzo et Fatoumata Fadika DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 4 TABLE OF CONTENTS Acronymes et abréviations 8 Résumé exécutif 10 Contexte national 26 Chapitre 1 : Le bilan de la croissance du Niger au cours des 20 dernières années : de faibles gains de revenu et de productivité du travail, de nombreux problèmes non résolus. 33 1. Le modèle de développement du Niger face aux expériences réussies de développement 34 2. Une démographie défavorable et la faible dynamique de la productivité du travail ne permettent pas une croissance substantielle des revenus. 38 3. La portée du changement structurel a été limitée 44 4. Conclusions 50 Chapitre 2 : Politiques de croissance des revenus et de réduction de la pauvreté au Niger : Scénarios alternatifs à l’horizon 2050 51 1. Le modèle de croissance à long terme (LTGM) 52 2. Modèle de simulation des objectifs de développement durable (ODD) 66 3. Conclusions 69 Chapitre 3 : Accélérer la croissance tirée par le secteur privé grâce aux nouvelles technologies 71 1. Le développement du secteur privé du Niger 71 2. Secteurs où la technologie peut contribuer à créer un changement stratégique et dynamique 79 3. Renforcer l’inclusion financière pour soutenir ce changement stratégique 92 4. Conclusions 101 Chapitre 4 : Le secteur extractif au Niger : Impact sur la croissance, l’emploi, la gouvernance et la fragilité 102 1. Aperçu du secteur des ressources naturelles au Niger 103 2. L’impact du secteur des industries extractives sur la croissance à long terme (LTGM) 107 3. L’impact du secteur des industries extractives sur l’emploi (en termes de contenu local) 118 4. L’impact du secteur extractif sur les institutions et la fragilité 124 5. Conclusions 130 Chapitre 5 : Risques liés aux catastrophes et au climat au Niger 132 1. Contexte historique des risques liés aux catastrophes et au climat au Niger 132 2. Profil de risque-pays du Niger 134 3. Impact des catastrophes sur la pauvreté et la sécurité alimentaire 138 4. Impact macro-économique des catastrophes 142 5. Facteurs futurs du risque de catastrophe : conditions climatiques et tendances de l’urbanisation 146 6. Cadre institutionnel et politique pour la gestion du risque de catastrophe 150 7. Financement des risques de catastrophe au Niger 153 8. Conclusions 161 Chapitre 6 : Des mesures de politique clés 162 1. Le développement du secteur privé 162 2. Gestion des ressources naturelles 167 3. Gestion du risque de catastrophe et financement des risques de catastrophes 172 Annexes 174 DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 5 LIST OF FIGURES Figure 1. Taux de croissance réel et par habitant (1970-2019) 26 Figure 2. Les vecteurs de la FCV au Niger 30 Figure 3. Nombre de décès signalés au Niger 30 Figure 4. Nombre de décès et d’incidents violents signalés par type de violence, manifestations et émeutes au Niger, 2010-2020 31 Figure 5. IDE, investissement et stock de capital au Niger 36 Figure 6. Les principaux moteurs de la croissance par habitant 38 Figure 7. Taux de croissance annuels composés et niveaux du PIB par habitant (graphique de gauche) 39 Figure 8. Tendances démographiques au Niger 40 Figure 9. Évolution du nombre d’heures travaillées au Niger 42 Figure 10. Évolution de la structure de l’emploi au Niger 43 Figure 11. Décomposition de la productivité (bandeaux supérieurs) et évolution sectorielle (bandeaux inférieurs) 46 Figure 12. Niveaux de productivité (valeur ajoutée par travailleur) 47 Figure 13. Production de pétrole de référence, en barils par jour 55 Figure 14. Réserves de pétrole de référence, en milliards de barils 55 Figure 15. Investissement de référence 56 Figure 16. Revenu pétrolier de référence 56 Figure 17. Croissance du PIB de référence au Niger, taux de croissance annuel, en pourcentage 57 Figure 18. Répartition de la croissance du PIB par habitant dans les PFR et PRII, moyenne sur 2009-2019 57 Figure 19. Décomposition de la croissance du PIB par habitant de référence, 2021-2050 58 Figure 20. Répartition de la croissance de la PTF dans les PFR et les PRII. 61 Figure 21. Les effets des réformes de la PTF non pétrolière sur la croissance du PIB par habitant, taux de croissance annuel, en %. 61 Figure 22. La croissance du capital humain est plus rapide dans les pays à faible taux de scolarisation 62 Figure 23. Effets des réformes du capital humain sur la croissance du PIB par habitant, taux de croissance annuel, en %. 62 Figure 24. Répartition de l’investissement privé dans les PFR et les PRII, moyenne sur 2000-2019 63 Figure 25. Effets des réformes sur l’investissement sur la croissance du PIB par habitant, taux de croissance annuel, en %. 63 Figure 26. Effets des scénarios de réformes sur la croissance du PIB par habitant, taux de croissance annuel, en %. 64 Figure 27. Effets des scénarios de réformes sur le PIB par habitant. Dollars É.-U. TCER 2010 64 Figure 28. Décomposition de la croissance additionnelle, en point de pourcentage de croissance supplémentaire due à chaque réforme 65 DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 6 Figure 29. Combler l’écart avec les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure d’aujourd’hui 66 Figure 30. Contributions sectorielles à la croissance du PIB réel du Niger, 2013-2018 73 Figure 31. L’informalité généralisée crée une concurrence déloyale avec le secteur privé formel 73 Figure 32. Variation moyenne des ventes mensuelles des entreprises nigériennes entre juin 2019 et juin 2020 76 Figure 33. Part des entreprises nigériennes qui ont connu des changements dans la gestion de leurs liquidités et de leur trésorerie entre l’arrivée de la pandémie de COVID-19 et juin 2020 76 Figure 34. Taux de pénétration du mobile pour la voix (2G) et le haut débit (3G, 4G), en % de la population, 2018 80 Figure 35. Pourcentage de la population non connectée 80 Figure 36. Coût moyen des services numériques par habitant 81 Figure 37. Faible adoption des services numériques comparé au reste du monde 81 Figure 38. Limites du marché sans la logistique à température contrôlée (TCL) 84 Figure 39. Le marché de la logistique à température contrôlée 85 Figure 40. Nouveau modèle de financement de la chaîne de valeur agroalimentaire basé sur la blockchain. 88 Figure 41. Exportations d’oignons secs en quantité et en valeur, Niger et Sénégal 90 Figure 42. Nombre de paiements entre particuliers (P2P) dans l’UEMOA comparé aux pays pairs 93 Figure 43. Croissance du pourcentage de la population adulte possédant un compte formel de transaction bancaire (microfinance bancaire et Mobile Money) 94 Figure 44. Valeur des transactions de Mobile Money/PIB 94 Figure 45. Localisation de l’industrie extractive à l’échelle industrielle au Niger 103 Figure 46. Recettes des ressources publiques dans les grands exportateurs de pétrole africains*, en pourcentage du PIB sur les ressources 108 Figure 47. Recettes pétrolières de l’État, en pourcentage des recettes publiques totales Figure 48. Prix du pétrole, en dollars américains réels de 2010 par baril 112 Figure 49. Recettes pétrolières de l’État, en pourcentage du PIB 112 Figure 50. FInvestissement public supplémentaire, en pourcentage du PIB 114 Figure 51. Croissance différentielle du PIB, en point de pourcentage (différentielle = scénario donné 114 Figure 52. Croissance supplémentaire du revenu national brut, en point de pourcentage (supplémentaire = scénario donné – scénario de référence) 115 Figure 53. Revenu national brut par habitant, en dollars É.-U. réels 2010/baril. 115 Figure 54. Recettes pétrolières de l’État, en pourcentage du PIB 116 Figure 55. Croissance différentielle du PIB, points de pourcentage (différentielle = scénario donné – scénario de référence) 116 Figure 56. Population totale affectée par type de catastrophe 133 Figure 57. Nombre total de décès par type de catastrophe 133 Figure 58. Croissance annuelle du PIB et PIB par habitant 135 DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 7 Figure 59. Nombre de personnes touchées par des inondations catastrophiques dans le bassin du fleuve Niger entre 1980 et 2014, à partir de 3 sources de données différentes 137 Figure 60. Principales causes de la pauvreté (en pourcentage des ménages, 2011) 138 Figure 61. Les chocs sont plus fréquents dans les zones rurales 139 Figure 62. Nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire et la réponse humanitaire au Niger selon les différentes sources 140 Figure 63. Classification de la population régionale par niveau d’insécurité alimentaire chronique (IAC) 141 Figure 64. Impact de la sécheresse sur la croissance en fonction des centiles des indices de sécheresse 144 Figure 65. Contribution des évènements climatiques extrêmes aux précipitations annuelles depuis 1982 selon les observations par satellite. 147 Figure 66. Série chronologique du débit maximal annuel de la station de jaugeage de Garbey Kourou 149 Figure 67. Projections de l’urbanisation au Niger 150 Figure 68. Insécurité alimentaire liée à la sécheresse 154 Figure 69. Coûts globaux liés à l’insécurité alimentaire 154 Figure 70. Montants et couverture des appels d’aide humanitaire du Niger entre 2011 – 2019 155 Figure 71. Cadre de travail des instruments financiers pour la réponse aux catastrophes 156 Figure 72. Instruments financiers disponibles au Niger 156 DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 8 ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS AAL Pertes annuelles moyennes FCV Vecteurs de la fragilité, des conflits et de ARC African Risk Capacity la violence ASS Afrique subsaharienne GAR Rapport d’évaluation globale BAD Banque africaine de développement GBM Groupe Banque mondiale BAU Business-as-Usual GdN Gouvernement du Niger BBR Règle d’équilibre budgétaire GFC Crise financière mondiale BCEAO Banque centrale des États de l’Afrique de CPI Compagnies pétrolières internationales l’Ouest GRC Gestion du risque de catastrophe b/j Baril par jour GSMA Association Global System for Mobile BM Banque mondiale IAC Communications dans son acronyme CEDEAO Communauté économique des États de anglais l’Afrique de l’Ouest ICE insécurité alimentaire chronique CEMAC Communauté économique et monétaire IDA indice de complexité économique de l’Afrique centrale Association internationale de CNPC China National Petroleum Corporation développement (International COVID-19 COVID-19 CoronaVirus Disease 2019 (SARS- Development Association dans son CoV-2), maladie à Coronavirus 2019 acronyme anglais -Groupe Banque DRF Financement des risques de catastrophe mondiale) EGC Équilibre général calculable IDE Investissements directs étrangers EHCVM Enquête harmonisée sur les conditions IDH Indice de développement humain de vie des ménages IIG Indice d’inégalité de genre EIU Economist Intelligence Unit IMF Institutions de microfinance EMAPE Exploitations minières artisanales et à IPC Cadre intégré de classification de la petite échelle sécurité alimentaire EMDE Marchés émergents et économies en ISF Indice synthétique de fécondité développement ITIE Initiative pour la transparence dans les É.-U. Dollar américain industries extractives EXPY Indice de sophistication des exportations KYC Vigilance raisonnable ou ‘Connaissez- FCFA Franc de la Communauté Financière vous votre client (KYC dans son acronyme Africaine (CFA), monnaie anglais) FIC Fonds d’investissement climatique LaR Pertes liés aux risques FMI Fonds Monétaire International LCB/FT Lutte contre le blanchiment des capitaux FTS Service de surveillance financière et le financement du terrorisme (Financial Tracking Service dans son LTGM Modèle de croissance à long terme (Long acronyme anglais) term global model dans son acronyme FCS En situation de fragilité et de conflit anglais) (Fragile and Conflict-affected situation LTGM-NR Modèle de croissance à long terme, dans son acronyme anglais ressources naturelles DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 9 MCS Matrice de comptabilité sociale RN Ressources naturelles MEN Mémorandum économique du Niger RNB Revenu national brut MENA Moyen-Orient et Afrique du Nord RRA Évaluation des risques et de la (Région) résilience (Risk and Resilience MIMIC Modèle des indicateurs multiples, Assessment dans son acronyme anglais) causes multiples RRC Réduction des risques de catastrophe MPME Micro, petites et moyennes entreprises SDGSIM Sustainable Development Goal OCDE Organisation de coopération et de Simulations développement économiques SFI Société financière international ODD Objectifs de développement durable SIG Systèmes d’information de gestion OIT Organisation internationale du travail SPEI indice standardisé de précipitations- ONU Organisation des Nations unies évapotranspiration OP Organisations paysannes TCL Logistique à température contrôlée ORM Opérateurs de réseaux de téléphonie (temperature-controlled logistics dans mobile son acronyme anglais) PAM Plan alimentaire mondial TCER Taux de change effectif réel PDES Plan de développement économique et TVA Taxe de la valeur ajoutée social UE Union européenne PDI Personnes déplacées internes UEMOA Union économique et monétaire ouest- P2P Paiements entre particuliers africaine PFR Pays à faible revenu USAID Agence des États-Unis pour le PIB Produit intérieur brut développement international PME Petites et moyennes entreprises VAB Valeur ajoutée brute PTF Productivité totale des facteurs WBL Indice « Les femmes, l’Entreprise et le PVI Villages Intelligents pour la Croissance Droit » de la Banque mondiale (Women, Rurale et l’Inclusion Numérique Business and Law dans son acronyme PWT Penn World Table anglais) PRI/PRII Pays à revenu intermédiaire de la WDI Indicateurs de développement dans le tranche inférieure monde (World development indicators RDC République démocratique du Congo dans son acronyme anglais). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 10 RÉSUMÉ EXÉCUTIF Ce Mémorandum économique du Niger (MEN) est destiné à soutenir les efforts du Niger pour s’engager sur une trajectoire propice à une croissance économique résiliente et durable. Pour ce faire, ce rapport tente de répondre aux cinq questions suivantes, dont chacune fait l’objet d’un chapitre distinct : (i) Quelles ont été les caractéristiques structurelles marquantes de croissance du Niger au cours des vingt dernières années ? (ii) Quelles sont les marges de manœuvre pour accélérer la croissance à moyen et long terme ? (iii) Comment la technologie peut-elle être un vecteur de croissance et de développement pour le secteur privé ? (iv) Comment gérer les importantes ressources naturelles du pays de manière transparente et les faire bénéficier à l’ensemble de la population ? (v) Comment renforcer le cadre actuel de gestion des catastrophes pour accroître la résilience aux chocs naturels ? Au milieu des besoins et des priorités de développement concurrents, trois principaux domaines d’analyse et de réformes politiques ont été sélectionnés. Les critères de sélection reposent sur les leçons tirées des expériences d’autres pays en développement, sur les spécificités du Niger et sur les gains potentiels de meilleurs passages à la frontière. Ces domaines sont (i) l’utilisation de la technologie pour développer le secteur privé ; (ii) le développement d’une industrie extractive bien gérée ; et (iii) l’établissement d’un cadre financier et de gestion du risque de catastrophe. Pour chaque domaine, les goulets d’étranglement de longue date qui ont freiné la croissance sont identifiés, et des mesures spécifiques sont présentées afin de créer des trajectoires permettant d’accroître la diversification économique, de réduire la vulnérabilité aux catastrophes naturelles et, en définitive, de stimuler la croissance à long terme de manière durable. En particulier, cinq trajectoires sont identifiées tout au long des chapitres : • Tirer parti des nouvelles technologies pour promouvoir la productivité agricole et l’orientation vers l’exportation ; • Favoriser le développement de la finance numérique ; • Promouvoir des politiques de contenu local performantes dans le secteur extractif ; • Gérer les recettes provenant du pétrole de manière transparente et responsable sur le plan fiscal ; • Renforcer le cadre de gestion des risques de catastrophe et établir une stratégie de financement des risques de catastrophe. Il convient de souligner que ces trajectoires ne s’excluent pas mutuellement. Au contraire, la croissance augmentera par la mise en œuvre de réformes globales qui exploitent les complémentarités profondes entre chacun de ces domaines. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 11 20 ans de faible productivité, de faibles revenus et de problèmes non résolus Bien que la croissance récente du PIB du Niger ait été relativement robuste (5,2 % en moyenne entre 2000 et 2019), elle n’a pas entraîné le changement fondamental de l’économie nécessaire pour parvenir à une période de croissance soutenue des revenus et de réduction de la pauvreté face à des perspectives démographiques difficiles. Le PIB par habitant du Niger, à prix courants, ne s’élève qu’à 568 dollars É.-U. en 2020, comparé à 197 dollars É.-U. en 2000. L’évolution modeste du PIB par habitant est également imputable à la faiblesse des gains de productivité, de l’ordre de 2 % par an, et à un taux de croissance démographique rapide de 3,8 %. En raison du taux de fécondité le plus élevé au monde (6,2 enfants par femme en 2020 selon l’enquête nationale la plus récente), la croissance économique du Niger a été trop faible pour réduire de manière significative la pauvreté. Alors que le taux de pauvreté est passé de plus de 50 % à 41,2 % au cours de cette même période, le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté (à savoir avec moins de 1,9 dollar É.-U. par jour) a augmenté pour atteindre 10 millions en 2020. L’agriculture reste le principal secteur en termes de travailleurs employés (75 % de la main-d’œuvre totale) et représente à peu près la même part de la valeur ajoutée (40,8 %) que les services. Une métaphore pertinente pour représenter cette situation pourrait être celle d’un athlète courant sur un tapis roulant : énergique mais statique. Cette inertie s’explique par le fait que l’économie nigérienne est restée fondamentalement la même qu’il y a deux décennies, peu diversifiée et peu spécialisée. L’agriculture reste le principal secteur en termes de travailleurs employés (75 % de la main-d’œuvre totale) et représente à peu près la même part de la valeur ajoutée (40,8 %) que les services. Toutefois, les chocs climatiques récurrents affectent la productivité agricole et génèrent l’insécurité alimentaire. En moyenne, les sécheresses entraînent des pertes de revenus agricoles annuelles de 15 millions de dollars É.-U. et les inondations de 20 à 70 millions de dollars É.-U. La faiblesse des institutions, la mauvaise gouvernance, la propagation de la violence et de l’insécurité et d’autres facteurs internes et externes de fragilité compliquent davantage la poursuite d’une stratégie de développement à long terme. Les défis de longue date qui doivent être relevés pour créer les conditions d’un processus de croissance autonome nécessaire pour sortir des millions de personnes de la pauvreté comprennent (i) un secteur privé formel sous-développé ; (ii) un vaste secteur agricole marqué par une faible productivité, en niveau et en croissance, et des liens insuffisants avec les marchés d’exportation et financiers ; (iii) un niveau d’inclusion financière faible ; (iv) un secteur extractif en pleine croissance avec un contenu local restreint ; et (v) des impacts des catastrophes naturelles récurrentes négatifs sur le niveau de la vie et les moyens de subsistance de la population nigérienne. En 2022, le Niger se trouve à un moment critique car les formidables enjeux du développement sont exacerbés par des chocs multiformes et le risque d’une escalade des conflits. La propagation de la violence et de l’instabilité reste un problème, alors même que le pays célèbre sa première transition politique pacifique. Le Niger est confronté à l’instabilité politique depuis son indépendance en 1960. Depuis, le pays a connu sept républiques et de violentes prises de pouvoir par l’armée nationale. L’insécurité régionale croissante et la présence de groupes extrémistes violents dans les zones frontalières menacent la stabilité du pays et alimentent les tensions inter- et intra-communautaires préexistantes. Ces facteurs de fragilité et de conflit ont un impact important sur l’économie, car ils amplifient les tensions intercommunautaires et intracommunautaires DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 12 préexistantes, notamment entre éleveurs et agriculteurs. Ils exacerbent également les conflits autour des ressources naturelles, la marginalisation des jeunes et des femmes sur le marché du travail et la faiblesse des services publics dans les zones frontalières. Si la première transition pacifique du pouvoir a eu lieu en 2021, il reste à voir si cela permettra de rétablir le contrat social qui s’est détérioré en raison de l’absence d’amélioration du niveau de vie. La sphère politique nigérienne est caractérisée par un système dans lequel la cohésion sociale et la stabilité politique sont maintenues en accordant aux élites politiques un contrôle privilégié sur certaines parties de l’économie et du pouvoir de l’État. Cela conduit à la centralisation du pouvoir et des services sur Niamey, laissant la majorité des habitants du reste du pays avec un accès restreint. Cet équilibre est maintenu en privilégiant la stabilité sur le dynamisme, en évitant les perturbations à court terme qu’un programme de réformes audacieux pourrait entraîner. Le processus de développement économique nécessite un ensemble de changements structurels capables de soutenir une augmentation continue des revenus et du bien-être social (voir chapitre 1). Malheureusement, le Niger n’a pu que partiellement reproduire les modèles observés dans d’autres pays qui ont réussi à passer d’un système où la structure économique était principalement caractérisée par des activités à faible revenu, informelles et à forte intensité de main-d’œuvre, à un système caractérisé par des revenus plus élevés, une épargne plus importante et des investissements financés par le pays, notamment dans le secteur manufacturier. Par exemple, compte tenu du faible niveau de revenu et de la croissance rapide et soutenue de la population, la consommation intérieure est toujours fortement orientée (70 % du PIB) vers les denrées alimentaires et même la composition des produits alimentaires consommés ne montre pas de tendance vers des produits plus sophistiqués ou plus nutritifs. La tendance démographique soutenue génère une demande croissante de services et d’infrastructures, tout en limitant le niveau actuel de l’épargne intérieure. Cette demande ne peut donc être satisfaite sans un accès important aux capitaux étrangers. Cette situation est évidente dans le secteur extractif où l’on observe la présence d’opérateurs étrangers en situation de monopole dans les secteurs de l’uranium, de l’or et du pétrole, chacun exploitant un seul site. L’afflux significatif de capitaux étrangers n’a pas permis d’augmenter la productivité ou d’élargir la base de production. D’importants investissements directs étrangers (IDE), supérieurs à la moyenne de l’Afrique subsaharienne en part du PIB, avaient jusqu’en 2011 contribué à augmenter de façon substantielle du capital fixe pour atteindre environ 24 % du PIB. Toutefois, la valeur réelle du stock total de capital public et privé (en pourcentage du PIB) par personne en 2019 représentait 86 % de ce qu’elle était en 2000. Les IDE ont été concentrés principalement dans des activités de recherche de rente dans les industries extractives, bien qu’elles présentent un niveau élevé de contenu local dans leurs opérations en termes de fractions de dépenses effectuées au Niger ou par du personnel nigérien. Les investissements dans l’agriculture ont été presque inexistants, empêchant l’adoption de technologies qui, associées à des politiques publiques adéquates pour développer l’accès aux marchés, auraient favorisé le développement d’avantages comparatifs dans le commerce agricole. Les changements structurels au cours des vingt dernières années, ont été très limités, s’élevant à 12 % de la variation totale de la productivité et ne contribuant que pour 0,25 point de pourcentage à la croissance annuelle de la valeur ajoutée par habitant. Les mouvements intersectoriels (c’est-à-dire le déplacement de la DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 13 main-d’œuvre des secteurs à faible productivité vers des secteurs à forte productivité) ont eu lieu à un rythme plus lent que dans de nombreux pays comparables. De 2010 à 2019, le Niger a connu une augmentation de la part de l’agriculture dans la valeur ajoutée, et une baisse continue de la part de l’emploi dans l’industrie à un taux annuel moyen de -0,5 point de pourcentage. Le secteur des services est le seul secteur contribuant positivement au changement structurel, mais l’impact est beaucoup plus faible que dans les pays comparables. La faiblesse de la gouvernance et l’incapacité à mettre en place des conditions de concurrence équitables au fil des ans ont eu un effet négatif sur le secteur privé, empêchant la réaffectation des ressources vers un secteur plus productif. Sur une note plus positive, les données empiriques montrent que dans les pays riches en ressources, un taux de changement structurel plus faible n’implique pas nécessairement une croissance globale de la productivité plus faible. Les pays riches en ressources ont tendance à avoir des industries minières et d’extraction enclavées hautement capitalisées. Les gains de productivité moyens liés au passage d’une personne de l’agriculture à l’industrie sont en fait 30 % plus élevés dans les pays riches en ressources que dans les pays à faible revenu (PFR) pauvres en ressources. Ceci est de bonne augure pour le Niger compte tenu de l’augmentation attendue de la part de l’emploi dans l’industrie suite à l’expansion du secteur des ressources naturelles, à condition que les mesures de politique destinées à développer le contenu local soient en place. Décomposition du PIB par travailleur, Niger Contribution annuelle à la croissance (en %) 2000-2019 2000-2009 2010-2019 Valeur ajoutée totale par habitant 1,43 0,46 2,05 Productivité 2,07 0,70 3,17 Productivité intra-sectorielle 1,82 0,54 2,74 Productivité intersectorielle 1 0,25 0,16 0,41 Taux de participation -0,41 0,14 -1,04 Taux d’emploi -0,04 -0,01 -0,07 Changement démographique -0,19 -0,37 -0,01 Le faible niveau de productivité par travailleur pourrait cacher un sous-emploi et une sous-utilisation du potentiel productif. La productivité intra-sectorielle a connu une croissance rapide au Niger, mais le niveau global de productivité (mesurée par la valeur ajoutée par travailleur) reste très faible. L’une des raisons de cette performance (notamment dans l’agriculture) est la sous-utilisation du capital humain (faible nombre 1 Les gains de productivité intersectoriels tiennent compte de deux éléments : 1) le déplacement de la main-d’œuvre vers des secteurs à haut niveau de productivité ; et 2) les mouvements intersectoriels de type dynamique, comme le montrent les graphiques (délocalisation des travailleurs vers des secteurs dont les niveaux de productivité augmentent (ou diminuent) (McMillan, Rodrik, & et Sepúlveda, 2017). Toutefois, ce second terme seul peut être difficile à interpréter lorsque, par exemple, les réductions de la part de l’emploi s’accompagnent d’une augmentation de la productivité. En effet, le terme devient négatif, semblant agir comme un frein à la productivité, alors qu’en fait, il pourrait être considéré comme une évolution positive dans des secteurs tels que l’agriculture. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 14 d’heures travaillées) et des technologies existantes, en raison du manque d’intrants (eau, électricité) ou de l’inaccessibilité aux marchés (transports coûteux). Parallèlement, les rares ressources disponibles ne sont pas utilisées de manière efficace. Une grande partie de la population en âge de travailler est employée, mais le travail est concentré dans des activités à petite échelle et à faible productivité, principalement dans l’agriculture. Les emplois salariés demeurent l’exception : 40,7 % du travail dans le secteur agricole nigérien n’est pas rémunéré, et 51,6 % sont des emplois indépendants. En conséquence, un tiers des adultes ruraux actifs ne sont pas rémunérés, contre seulement 8,7 % dans les zones urbaines. La productivité dans l’agriculture pourrait être augmentée par une utilisation plus étendue de la main-d’œuvre en éliminant les goulets d’étranglement dans la structure de production et l’accessibilité au marché qui entravent une utilisation de la capacité productive de la main-d’œuvre (Chapitre 3). La productivité du travail est entravée par de fortes inégalités entre les sexes qui ont un coût élevé en termes d’opportunités économiques. Malgré les efforts déployés, le taux d’achèvement du cycle primaire pour les filles âgées de 15 à 18 ans n’atteint que 26,5 %, contre 41,4 % pour les garçons. Les jeunes femmes sont confrontées à des défis particulièrement redoutables liés au mariage et à la maternité précoces, à un faible accès à l’éducation et à la participation au marché du travail, ainsi qu’à une représentation limitée dans les structures de gouvernance locales et nationales, notamment traditionnelles. Les normes sociales et certains obstacles juridiques entraînent des inégalités entre les sexes qui font que les femmes ont moins d’opportunités sur le marché du travail que les hommes, qu’elles perçoivent un salaire inférieur et qu’elles sont moins productives. En 2018, une femme était deux fois plus susceptible qu’un homme de ne pas percevoir de revenu : 63,2 % des femmes étaient soit hors de la population active, soit dans un emploi non rémunéré, contre 32,5 % pour les hommes. Les lacunes dans l’accès aux services de base, les responsabilités accrues en matière de soins aux enfants durant la pandémie de COVID-19 et les restrictions de circulation sont venus s’ajouter à la chaîne des pièges à pauvreté existantes des femmes nigériennes. Politiques de croissance des revenus et de réduction de la pauvreté au Niger : Quels scénarios alternatifs jusqu’en 2050 ? Dans le cadre des politiques actuelles, comparé aux années précédentes, les performances de croissance ne devraient pas s’accélérer de manière significative. Les simulations effectuées avec deux modèles (Chapitre 2) montrent que le taux de croissance devrait s’établir en moyenne à 4,8 % entre 2026 et 2050. Malgré l’augmentation de la population, la croissance du PIB par habitant devrait s’accélérer pour atteindre 2 % dans les années 2040. En particulier, les simulations du modèle de croissance à long terme (LTGM) de la Banque mondiale prévoient que la croissance moyenne du PIB par habitant passera à 1 % dans les années 2030, puis à 2 % dans les années 2040. Ces simulations supposent que la population croîtra à un rythme moyen de 3,5 %, tandis que la production de pétrole devrait atteindre un plateau de 120 000 barils par jour à un prix de 60 dollars (prix réels de 2010), mais commencera à diminuer au milieu des années 2030. Les réserves de pétrole sont prudemment estimées à deux milliards de barils en 2020, et le scénario de base suppose, qu’en l’absence de nouvelles découvertes, les réserves de pétrole devraient diminuer de moitié d’ici 2050. L’épuisement des réserves pétrolières et l’absence DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 15 de gains de productivité entraînera un effondrement des investissements dans le secteur pétrolier à presque zéro sur le long terme. En conséquence, les investissements dans le secteur non pétrolier passent de 20 % du PIB à court terme à 25 % à long terme. En outre, l’efficience de l’investissement (à savoir le produit marginal du capital) augmente au fil du temps en raison du maintien des prévisions des gains de productivité dans le secteur non pétrolier —principalement grâce à la productivité totale des facteurs (PTF), mais aussi au capital humain. En conséquence, la contribution de l’investissement non pétrolier à la croissance s’accélère, passant de 1 point de pourcentage à moyen terme à 1,7 point de pourcentage dans les années 2030 et à 2,2 points de pourcentage dans les années 2040. Par conséquent, le Niger ne devrait pas rattraper son retard, mais plutôt connaître un écart de développement croissant par rapport aux autres pays à faible revenu. Un taux de croissance par habitant de 2 % à long terme se situe au-dessus du 75ème (95ème) centile de la distribution de la croissance dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (respectivement PFR et PRI) en Afrique subsaharienne (ASS) au cours de la dernière décennie. Bien que ce taux de croissance ne soit pas négligeable, la trajectoire du PIB par habitant du Niger serait encore en deçà de l’ambition du pays, restant inférieur à 1000 dollars É.-U. (en prix constants de 2010) d’ici 2050, soit bien en-dessous du niveau observé aujourd’hui dans de nombreux pays de l’ASS. Si le revenu par habitant dans les PRI continue de croître au même taux que celui observé entre 2000 et 2019 (2,7 %), le PIB par habitant en 2050 resterait à environ 20 % du niveau attendu dans les PRI. Le PIB par habitant du Niger devrait croître de 9 % jusqu’en 2050 pour rattraper ce groupe de pays, à un PIB par habitant de 5337 dollars É.-U. en prix courants de 2010. En tenant compte de ces hypothèses démographiques sous-jacentes, la croissance moyenne du PIB réel devra être de 12,5 % par an. Si l’économie croît au rythme observé dans le scénario de base, la convergence ne devrait se produire qu’en 2170. Des réformes économiques de grande envergure pourraient générer des gains économiques significatifs et réduire l’écart de développement. Les simulations du modèle de croissance à long terme (LTGM) de la Banque mondiale montrent qu’un ensemble de réformes modérées basées sur l’augmentation de la productivité totale des facteurs non pétroliers et du capital humain jusqu’au 75ème centile de la distribution dans les PFR et les PRI, et de l’investissement jusqu’au 90ème centile, stimulerait la croissance du PIB par habitant de 2,3 points de pourcentage supplémentaires en moyenne jusqu’en 2050 comparé au scénario de référence, le portant à environ 1720 dollars É.-U. Une décomposition de la croissance montre que les réformes de l’investissement privé génèrent un surcroît de croissance significatif à moyen terme, mais qu’à long terme, la croissance supplémentaire est principalement induite par les réformes augmentant la productivité totale des facteurs non-pétroliers et du capital humain. La croissance du PIB par habitant pourrait être augmentée de 2,2 points de pourcentage supplémentaires en moyenne jusqu’en 2050 dans le cadre d’un dispositif de réformes plus ambitieux dans lequel les moteurs de la croissance atteindraient le 90ème centile, ou plus, de la distribution dans les PFR et les PRI, le Niger bénéficiant de la complémentarité des réformes. Par exemple, les réformes de l’investissement bénéficient largement d’une croissance plus élevée de la PTF non pétroliers, car elle augmente le produit marginal du capital, ralentissant la diminution de l’efficacité de l’investissement dans le temps. Dans ce scénario le plus favorable, la convergence vers le niveau moyen de revenu par habitant dans le groupe des pays à faible revenu se produira en 2060. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 16 Simulated GDP per capita: lower-middle income countries versus Niger’s baseline and reform scenarios, Real 2010 U.S. Dollars Source : Calculs des auteurs Première trajectoire : Faire progresser une croissance tirée par le secteur privé grâce aux nouvelles technologies Il est possible de renforcer une croissance en réformant les fondements de l’économie et en supprimant les goulets d’étranglement qui entravent le développement du secteur privé (voir chapitre 3). La priorité pour les pays à faible revenu comme le Niger devrait être de continuer à investir dans les compétences humaines et le capital physique tout en supprimant les goulets d’étranglement réglementaires, notamment l’accès au financement, à l’entrepreneuriat, et au développement du secteur privé. À ce jour, le climat des affaires, le paysage commercial et le système de gouvernance du Niger, au lieu de soutenir le développement du secteur privé et la création d’emplois, entravent leur attractivité pour les investissements étrangers et découragent l’esprit d’entreprise. Les nouvelles technologies telles que les plateformes agricoles, la blockchain, l’agriculture de précision, le stockage et la gestion des produits basés sur la technologie, tels que la logistique à température contrôlée, entre autres, offrent des possibilités d’améliorer la productivité et la compétitivité des chaînes de valeur agricoles au Niger, mais cela ne suffira pas. Bien que les solutions numériques puissent jouer un rôle-clé, un nouveau paradigme devra être défini. Les limites des modèles commerciaux actuels doivent être mieux appréhendées. Il sera primordial de repenser les marchés-cibles où le Niger aura des avantages comparatifs durables en tenant compte de la contre-saisonnalité et des estimations de l’impact du changement climatique sur les principaux concurrents. Le pays devra investir dans l’irrigation, la logistique et les infrastructures numériques pour assurer la croissance et passer d’une agriculture de subsistance à une agriculture plus commerciale. Les opportunités commerciales intra-sahéliennes sont limitées en raison des similitudes climatiques. Toutefois, de nouvelles opportunités apparaissent avec l’augmentation des eaux souterraines du Niger, observée par le satellite Grace de la NASA. Cela pourrait permettre au pays de devenir un plus grand producteur et exportateur DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 17 de produits horticoles et d’augmenter sa participation aux chaînes de valeur mondiales au-delà du sésame, des oignons, des noix tigrées et des produits de la chaîne de valeur du bétail, etc. Pour cela, il sera crucial pour le Niger d’accroître ses investissements dans la logistique à température contrôlée (TCL), les infrastructures de transport et la mobilisation de capitaux privés dans le secteur agricole. Diverses politiques seront nécessaires pour permettre au Niger de participer aux chaînes de valeur mondiales, notamment une meilleure politique de facilitation des échanges, la réglementation des services aux entreprises, une fiscalité favorable aux entreprises et une meilleure conformité aux normes internationales. La structure atomisée des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire constitue un obstacle significatif à la génération d’une offre plus importante de produits agricoles homogènes de haute qualité, et devra être abordée en renforçant les organisations paysannes (OP). Si elles sont soutenues et encadrées de manière adéquate, les organisations paysannes peuvent jouer un rôle important dans l’agrégation des produits des petits exploitants et révolutionner le secteur, soutenu nécessairement par une volonté politique forte. Par ailleurs, diverses mesures seront indispensables pour renforcer les intermédiaires financiers, notamment ceux qui servent l’agriculture, pour qu’ils puissent offrir un accès durable et compétitif au financement à l’ensemble des acteurs des chaînes de valeur. Nouveau modèle de financement de la chaîne de valeur agroalimentaire basé sur la blockchain. Source : Banque mondiale DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 18 Deuxième trajectoire : Favoriser le développement de la finance numérique pour l’inclusion financière Les expériences de pays présentant des similitudes structurelles avec le Niger ont confirmé que la technologie mobile peut favoriser l’inclusion financière même dans des environnements fragiles et stimuler la résilience et la productivité. En effet, la finance mobile a changé le paysage des marchés financiers dans six des huit pays de la région de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) en doublant, voire en triplant, le pourcentage d’adultes disposant d’un compte bancaire au cours des deux dernières années. Au Mali et au Burkina Faso par exemple, en 2017, le pourcentage de la population adulte disposant d’un compte formel a augmenté de 115 %, passant de 20 à 43 %, et de 335 %, passant de 14 à 71 %, respectivement, grâce à une plus forte pénétration du mobile2. La Banque centrale a estimé à 340 000 le nombre de comptes actifs de Mobile Money au Niger, contre 7,8 millions au Burkina Faso. L’accès aux services financiers étant une partie indissociable du processus d’accroissement de la productivité et de la croissance économique, le Niger devra se concentrer davantage sur les services financiers numériques au cours de la prochaine décennie pour stimuler le développement de son secteur privé et accroître la résilience de sa population et de ses entreprises. Une place centrale sera accordée (i) à la mise en œuvre des initiatives et des projets d’économie numérique existants du Gouvernement ; (ii) à la transformation numérique du système financier traditionnel du pays ; (iii) à la numérisation des paiements de l’État ; et (iv) à la création d’un cadre juridique propice à l’adoption de la téléphonie mobile, compte tenu de la mauvaise réputation des opérateurs privés de téléphonie mobile et de la confiance limitée dans la finance mobile. Ces mesures seront cruciales pour permettre aux 85,5 % de la population actuellement exclus financièrement d’accéder aux services financiers de base, et s’éloigner de l’économie monétaire existante avec tous les défis qu’elle comporte. Une meilleure accessibilité aux points d’accès financiers et un nombre accru de modes d’utilisation de la finance mobile seront des facteurs cruciaux. Le nombre actuel de points d’accès à l’argent, 25 100 dont environ 9570 actifs, comparé au nombre très faible d’agences bancaires et d’institutions de microfinance (372)3 montre clairement que la finance mobile sera la clé de l’inclusion financière au Niger. Des gains rapides émaneront des efforts concertés entre le gouvernement et le secteur privé pour s’assurer que les points d’accès à l’argent mobile sont fonctionnels et liquides, facilitant les paiements numériques dans les secteurs clés de l’économie. Les paiements numériques pour l’agriculture dans les zones rurales, les filets de sécurité, les bourses d’études, les impôts et d’autres types de paiements gouvernementaux peuvent être payés électroniquement via les téléphones mobiles ou les banques. Des efforts sont nécessaires pour s’assurer que les femmes et les jeunes disposent d’une éducation financière et numérique (avec le soutien des autorités religieuses et traditionnelles), que la couverture mobile croissante est fiable, que les systèmes d’identification biométrique sont disponibles à la majorité de la population pour faciliter l’ouverture de comptes et l’accès au crédit, que des plateformes d’infrastructure numérique sont en place pour faciliter l’embarquement numérique à grande échelle et, et que la deuxième génération de produits de finance mobile tels que le crédit 2 Findex 2017 3 Banque mondiale, ANSI, SOFRECOM. « Demand and supply Mobile money in Niger report ». 2021.) DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 19 de prêt numérique et l’assurance par le biais de la téléphonie mobile sont introduits. Cela permettra au Niger d’accélérer l’adoption de la finance mobile, de passer des faibles transactions de finance numérique de 0,6 par habitant et par an à 35 transactions de finance numérique par habitant et par an comme au Mali, et donc de commencer le processus de suppression de l’encaissement du pays. Les bénéfices seront conséquents pour le Niger dans le secteur de la fiscalité, car l’impact de l’élimination de l’encaissement se fera sentir à la fois sur les recettes et les dépenses. Du côté des recettes, le niveau des recettes non fiscales pour les gouvernements provenant du numérique sera inévitablement affecté4. Troisième trajectoire : Gérer les revenus pétroliers de manière transparente et fiscalement responsable Avec l’expansion de la production pétrolière, le rôle du secteur extractif est susceptible de se développer dans un avenir proche (Chapitre 4). L’industrie extractive a historiquement joué un rôle important dans l’économie du Niger, mais sa contribution devrait diminuer dans un contexte de baisse des recettes de l’uranium en raison de la fermeture des mines et de la baisse des prix de l’uranium sur le marché mondial. Selon les projections du scénario de référence, le secteur pétrolier, avant la construction de l’oléoduc Niger-Bénin, était de taille modeste, ne représentant que 2 % du PIB en 2022. Lorsque l’oléoduc deviendra opérationnel en 2023-2024, le secteur pétrolier passe à 12 % du PIB. Par habitant, les revenus pétroliers annuels passent alors de 13 à 84 dollars, ce qui représente environ 15 % du PIB par habitant de 2020. Toutefois, ce revenu supplémentaire n’est pas durable, tombant lentement à 25 dollars É.-U. d’ici 2050. La croissance du secteur extractif est entravée par les mêmes facteurs structurels qui ont freiné la croissance du Niger, notamment la rareté du capital financier et du capital humain qualifié.. Il est peu probable que les recettes pétrolières aient un impact important sur la croissance économique à long terme du Niger, même dans le cadre d’une règle budgétaire prévoyant l’investissement de la totalité de la manne pétrolière. La manne pétrolière résultant de la hausse des prix du pétrole ne devrait pas être suffisamment importante ou persistante pour donner une impulsion substantielle à l’investissement et à la croissance à long terme, même dans le cadre de règles budgétaires procycliques. Des prix du pétrole plus élevés dans le scénario de référence —d’environ dix dollars É.-U. par baril— génèreraient des recettes budgétaires supplémentaires d’environ 1 % du PIB par rapport au scénario de référence d’ici 2030. Dans le cas d’un choc transitoire, l’impulsion donnée à la croissance serait faible, même si la totalité de la manne est investie. En outre, même une augmentation permanente des prix du pétrole ne serait pas en mesure de financer un niveau d’investissement public sensiblement plus élevé à long terme. En effet, le secteur pétrolier du Niger devrait se contracter fortement en raison de l’épuisement prévu des réserves de pétrole. Dans les années suivantes, le secteur pétrolier générera moins de recettes budgétaires, tandis que l’efficience de l’investissement diminue fortement —en raison de la baisse du produit marginal du capital et de l’augmentation des pertes dues à la dépréciation du capital. Sous ces circonstances, il est conseillé de mettre en œuvre des règles budgétaires pour (i) lisser les phases d’expansion et de ralentissement ; et (ii) investir dans les secteurs productifs non pétroliers. 4 FMI. Document de travail WP/17/71. « The Macroeconomics of De-Cashing ». Alexeï Kireyev. Mars 2017. https://www.imf.org/-/media/Files/ Publications/WP/2017/wp1771.ashx DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 20 Recettes pétrolières de l’État, en pourcentage du PIB Source : Calculs des auteurs Bien que la manne pétrolière ne puisse pas en soi stimuler la croissance à long terme et présente le risque de la « malédiction des ressources », elle représente néanmoins une grande opportunité de financer des investissements cruciaux à court et moyen terme. Le boom pétrolier devrait générer des recettes budgétaires supplémentaires de 3 à 4 % du PIB pendant plus d’une décennie. Cette manne pourrait contribuer à financer les importants besoins d’investissement dans les infrastructures et le capital humain, à condition qu’ils soient bien gérés, pour éviter une mauvaise gestion budgétaire, des distorsions économiques et la corruption liée au pétrole observées dans un certain nombre de pays riches en ressources. Quatrième trajectoire : Promouvoir des politiques judicieuses en matière de contenu local dans le secteur extractif Bien que le potentiel du secteur extractif en matière de création d’emplois et de croissance soit limité, ses avantages économiques n’ont pas encore été pleinement exploités. L’expansion du secteur extractif comporte d’importants risques institutionnels et de fragilité. Le secteur extractif joue un rôle important dans la dynamique des conflits dans le pays, étant donné la concurrence pour les rentes entre les différentes parties prenantes, y compris les groupes armés régionaux, les griefs passés liés au partage inéquitable des gains du secteur, et la corruption (chapitre 4 et Annexe D). En outre, le secteur public a une capacité limitée à faire respecter les réglementations en raison d’une mauvaise gouvernance, d’un faible capital humain et de ressources techniques et financières limitées. L’augmentation du contenu local est un moyen crucial d’intégrer le secteur extractif à l’économie agricole au sens large. La promotion de politiques judicieuses en matière de contenu local est un moyen de garantir que les bénéfices provenant du secteur extractif soient partagés localement et utilisés comme un véhicule pour accroître le capital humain, tout en restant attractifs pour les capitaux étrangers. Il est donc crucial de mettre en place une stratégie globale de contenu local qui se concentre sur l’augmentation des capacités du pool existant de travailleurs nigériens tout en attirant de nouveaux capitaux. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 21 Cinquième trajectoire : Renforcer le cadre de gestion du risque de catastrophe et établir une stratégie de financement du risque de catastrophe. Pays enclavé au climat essentiellement semi-aride, le Niger est confronté à de multiples menaces climatiques, dont les plus importantes sont les sécheresses et les inondations récurrentes. Plusieurs facteurs, dont la dépendance à l’égard de l’agriculture pluviale, la croissance démographique rapide, l’instabilité politique, la pauvreté généralisée et l’insécurité alimentaire persistante, aggravent la vulnérabilité du pays à ces menaces climatiques. En moyenne, le Niger connaît une année de sécheresse qui réduit le PIB par habitant de -1,5 % au moins une fois tous les 2,2 ans, générant une perte annuelle de revenus agricoles de 15 millions de dollars É.- U. due aux sécheresses (2019 Banque mondiale-GFDRR). Les pertes moyennes annuelles dues aux inondations sont estimées entre 20 à 70 millions de dollars É.-U. par an (2017 UN Global Assessment Report on Disaster Risk Reduction). Les coûts d’urgence liés à la sécheresse sont encore plus élevés, atteignant près de 100 millions de dollars É.-U. par an. Les pauvres pâtissent de manière disproportionnée des événements naturels néfastes considérés comme le principal moteur de la pauvreté. Les défis actuels devraient s’amplifier face au changement climatique. Malgré la capacité limitée des modèles climatiques à représenter des modèles régionaux complexes et à détecter des tendances dans les régimes de précipitations extrêmes, les recherches les plus récentes indiquent une augmentation des événements pluvieux extrêmes au Niger. Le changement climatique et les événements naturels défavorables pourraient avoir un impact sur la dynamique de la migration rurale-urbaine et accroître l’urbanisation. À leur tour, les tendances démographiques et d’urbanisation prévues au Niger pourraient conduire à une aggravation des effets négatifs des inondations par une exposition et une vulnérabilité accrue. Outre les mesures de protection sociale à court et moyen terme destinées à aider la population à faire face à ces événements, il est crucial d’investir dans des solutions à long terme axées sur des politiques et des plans intégrés d’aménagement du territoire urbain, des infrastructures résilientes, des systèmes d’alerte précoce et des stratégies de réduction des risques. La réduction des impacts des catastrophes sur les humains et l’économie nécessiterait le renforcement des capacités de préparation et de réponse aux urgences, ainsi que des investissements et des mesures de politiques de réduction des risques. Toutefois, bien que la gestion du risque de catastrophe (GRC) ait été identifiée par le Gouvernement du Niger comme une priorité dans son plan de développement stratégique, les secteurs liés à la gestion du risque de catastrophe sont toujours confrontés à plusieurs défis relatifs aux limitations institutionnelles et de ressources. Il s’agit notamment de l’absence d’une loi sur la GRC clarifiant les rôles et les responsabilités en matière de GRC aux niveaux central et local, de l’insuffisance des capacités de préparation et de réponse aux situations d’urgence aux niveaux national et local, y compris les systèmes d’alerte précoce, de la faiblesse de la GRC au niveau local et de l’absence d’un système d’alerte précoce ; les capacités et les ressources budgétaires limitées pour la réduction des risques de catastrophe sont soulignées dans ce mémorandum économique comme étant des lacunes cruciales à combler dans le cadre de la GRC. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 22 Les simulations présentées dans ce rapport montrent que l’insécurité alimentaire liée aux chocs constitue un lourd handicap pour le Niger. Les coûts d’urgence liés à la sécheresse pour répondre à l’insécurité alimentaire au Niger s’élèvent à près de 100 millions de dollars É.-U. par an. En moyenne, les sécheresses d’une année sur cinq entraînent un passif de près de 200 millions de dollars É.-U. Ce chiffre passe à environ 250 millions de dollars É.-U. pour les événements survenant une fois tous les 25 ans. Si l’on considère un ensemble plus complet des causes d’insécurité alimentaire, à savoir les causes climatiques (sécheresse, vagues de chaleur et inondations), ainsi que les conflits et la violence, l’instabilité politique, les chocs commerciaux, les prix des produits de base et les marchés instables, et enfin les migrations forcées, le passif annuel lié aux coûts de la sécurité alimentaire s’élève à 150 millions de dollars É.-U en moyenne. Toutefois, ces coûts moyens de 150 millions de dollars É.-U. peuvent augmenter considérablement en cas de catastrophe. Le Niger est confronté à des coûts d’intervention d’urgence de plus de 200 millions de dollars É.-U. tous les cinq ans et de près de 300 millions de dollars É.-U. tous les dix ans, en moyenne. Le Gouvernement du Niger est confronté à un fort déficit de financement. Le Niger dispose de ressources globales de 66,02 millions de dollars É.-U. pour toutes les catégories de risque (Fonds d’urgence des catastrophes, réserves alimentaires, Assurance contre la sécheresse de l’ARC), et de 60,7 millions de dollars É.- U. pour les catégories de risque inférieurs (1-5 ans, Fonds d’urgence des catastrophes, réserves alimentaires). Comparé au simple coût de l’insécurité alimentaire liée à la sécheresse (100 millions de dollars É.-U. par an) et à la sécurité alimentaire globale (150 millions de dollars É.-U. par an), le déficit de financement s’élève à environ 40 à 90 millions de dollars É.-U. par an. Le déficit de financement augmente de manière significative si l’on prend en compte les chocs de production alimentaire modélisés. Le déficit de financement humanitaire et économique combiné est de 768 millions de dollars É.-U. pour les chocs de production alimentaire d’une année sur cinq et de 1,1 milliard de dollars É.-U. pour les chocs de production alimentaire d’une année sur dix. S’appuyant sur l’aide humanitaire faisant suite aux catastrophes, le Niger est confronté à l’incertitude quant au montant du financement mobilisé, et à des retards dans la fourniture de l’aide. Le Niger est hautement dépendant de l’aide humanitaire internationale ad-hoc pour financer sa réponse aux chocs. De 2012 à 2019, le Niger a reçu entre 200 et 400 millions de dollars É.-U. par an d’aide humanitaire internationale externe (Service de surveillance financière -FTS- du BCAH-ONU). À l’heure actuelle, le pays n’est pas suffisamment préparé à faire face aux chocs et finance ces chocs humanitaires essentiellement a posteriori grâce au soutien des donateurs externes et, dans une moindre mesure, par des réaffectations budgétaires. L’aide humanitaire arrive en moyenne 7 à 9 mois après une catastrophe, cette approche est trop lente et peu fiable, et entraîne des pertes de vies et de moyens de subsistance inutiles. Les incertitudes quant aux montants de financement disponibles peuvent affaiblir la planification des efforts d’intervention du Gouvernement et entraîner des pénuries dans l’assistance fournie aux populations touchées. Dans le cas du Niger, les appels à l’aide humanitaire lancés entre 2011 et 2019 n’ont été financés qu’en moyenne à hauteur de 63,9 %. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 23 Dans ce contexte, une stratégie de financement des risques de catastrophe élaborée autour d’une approche de stratification des risques pourrait aider le Gouvernement du Niger à gérer financièrement ses risques de manière plus efficace et à réduire l’impact économique, budgétaire et humain des catastrophes. La stratification des risques fait référence à la combinaison d’instruments permettant de garantir un financement efficace des interventions d’urgence et du relèvement à long terme. Dans la mesure où aucun instrument unique n’est optimal pour répondre à toutes les catastrophes, la manière la plus rentable de financer la réponse aux catastrophes est de recourir à une série d’outils permettant de traiter les différentes catégories de risque, allant des événements fréquents à petite échelle à des événements catastrophiques rares. S’appuyant sur l’aide humanitaire à la suite de catastrophes, le Niger fait face à des incertitudes quant au montant des fonds mobilisés ainsi qu’à des retards dans la fourniture de l’aide. Une stratégie de financement du risque de catastrophe pourrait permettre au Gouvernement nigérien de mieux quantifier ces risques, de discuter des risques qui seront assumés par le Gouvernement à différents niveaux (national/régional/local), des risques qui seront partagés avec d’autres acteurs tels que les ménages et les entreprises, et des risques qui seront assumés par les partenaires internationaux. Une stratégie de financement du risque de catastrophe pourrait également aider le Gouvernement du Niger à mettre en place des bons instruments de financement performants et à garantir un financement adéquat afin que les fonds soient disponibles rapidement dès nécessaire. Figure 1 : mécanismes de financement des risques de catastrophes Financial Niger: available instruments instruments Low frequency/ RESIDUAL High intensity International Aid Around US$ 200 million provided annually TRANSFER RISK TRANSFER Parametric Insurance (ARC) Drought coverage: US$ 5.3 million GOVERNMENT Budget (re)allocation LOSSES RESOURCES National Disaster Fund 1. Fonds commun des Donateurs app. US$ 15 million RETENTION High frequency/ Low intensity Stocks: US$ 46 million Stock National Sécurité a. Fonds de Sécurité Alimentaire b. Réserve alimentaire stratégique Source: Banque mondiale DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 24 Principales mesures de politiques économiques5 Recommandations de mesures de politique Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Rendre l’enregistrement/utilisation de la technologie simple et sans problème Court terme Faible pour le consommateur en améliorant les réformes en matière de protection des consommateurs et en adoptant des mesures de ‘Connaissance de son client’ (KYC). Améliorer la qualité des produits d’exportation du Niger en fournissant une formation Long terme Faible et une assistance technique aux différents acteurs de la chaîne de valeur et en renforçant les processus de certification. Assurer des conditions de concurrence équitables pour attirer et retenir les IDE en Moyen terme Moyen garantissant un processus décisionnel fondé sur des règles et la transparence de la réglementation des entreprises. Investir dans les systèmes d’énergie solaire, l’irrigation, la logistique, les technologies Moyen terme Élevé telles que l’agriculture de précision et l’irrigation au goutte-à-goutte, les plateformes agroalimentaires numériques et la blockchain. Concentrer la stratégie pour l’agriculture commerciale sur des marchés et des produits Moyen terme Élevé cibles où le Niger aura des avantages compétitifs durables en tenant compte des changements climatiques et de la collaboration/rivalité infrarégionale. Remédier aux lacunes du secteur de la microfinance et lui donner un nouvel élan en Moyen terme Moyen faisant appel, dans la mesure du possible, aux solutions FinTech et aux nouveaux acteurs du secteur de la microfinance. Concevoir correctement un Fonds pour l’inclusion financière afin de fournir des prêts Long terme Moyen à moyen et long terme pour renforcer les IMF, les Fintech et les banques par une combinaison de fonds propres, de prêts et de subventions pour la transformation numérique. Promouvoir les accords de financement de la chaîne de valeur, y compris l’utilisation Court terme Moyen de récépissés d’entreposage. Mandater un organisme approprié du Gouvernement (par exemple, le Ministère de Court terme Faible l’Industrie ou équivalent) pour se concentrer spécifiquement sur les besoins et les opportunités de contenu local. Fournir des incitations aux multinationales opérant au Niger pour organiser Moyen terme Faible régulièrement des ateliers de formation, par exemple tous les trimestres, sur diverses questions techniques/industrielles importantes pour l’industrie (par exemple, la conception des routes, la sécurité industrielle, l’hygiène alimentaire, etc.). Encourager ou exiger que les investisseurs étrangers au Niger épargnent une certaine Moyen terme Faible fraction de leur salaire (de 2 à 10 %) pour la formation de leurs propres employés. 5 Notes : Calendrier de mise en œuvre : Court terme (1 an) ; Moyen terme (2-3 ans) ; Long terme (plus de 3 ans). Les répercussions budgétaires sont estimées : (i) faibles si elles sont accessibles dans le cadre de la structure actuelle des dépenses ; (ii) moyennes si elles nécessitent une réaffectation budgétaire ; (iii) élevées si elles nécessitent des réformes plus approfondies, des sources de financement et une mobilisation des recettes intérieures. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 25 Recommandations de mesures de politique Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Mettre en œuvre un cadre de partage des recettes, apurer les arriérés de paiements Court terme Moyen en suspens et veiller à ce que les fonds soient dépensés pour des projets de développement local. Élaborer une législation sur la gestion des recettes, par exemple en créant un fonds de Moyen terme Moyen stabilisation fiscale. Renforcer la législation mettant en œuvre la discipline budgétaire autour de Moyen terme Faible l’utilisation des rentes exceptionnelles des ressources. Élargir l’accès à la formalisation de l’EMAPE en décentralisant les processus Court terme Faible fondamentaux tels que l’enregistrement et la délivrance de licences aux collectivités locales. Adopter une loi sur la gestion du risque de catastrophe (GRC) qui clarifie les rôles Moyen terme Faible et les responsabilités en matière de gestion du risque de catastrophe aux niveaux central et local. Renforcer les capacités de préparation et de réponse aux urgences aux niveaux Moyen terme Moyen national et local, y compris les systèmes d’alerte précoce. Utiliser la plate-forme nationale pour améliorer la coordination interministérielle Court terme Faible et celle des autres parties prenantes. Renforcer les capacités et les ressources budgétaires pour la réduction du risque Moyen terme Moyen de catastrophe, notamment en investissant dans la résilience des secteurs clés, l’aménagement du territoire et l’application des codes de construction. Augmenter les investissements dans les activités de réduction du risque de Long terme Élevé catastrophe et de gestion du risque de catastrophe. Le financement de la réduction du risque de catastrophe est souvent plus rentable que le financement de la recherche, du sauvetage, des secours, de la réhabilitation, de la reconstruction et du rétablissement après une catastrophe. Développer une stratégie globale de financement du risque de catastrophe. Le Long terme Élevé Niger étant confronté à un passif éventuel élevé lié aux catastrophes naturelles, notamment en raison des sécheresses et des inondations, il y a une forte nécessité de travailler à une approche plus systématique du financement de ces chocs. Travailler sur la stratification des risques. L’élaboration d’une stratégie de Long terme Élevé financement du risque de catastrophe pourrait contribuer à l’identification d’une répartition optimale des risques. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 26 CONTEXTE NATIONAL Le Niger a connu deux épisodes de décélération de la croissance au cours des 50 dernières années et n’a pas encore amorcé un processus autonome de croissance économique. Les taux de croissance ont largement fluctué en réponse aux chocs auxquels le Niger a été régulièrement confrontés. Ainsi, la croissance du PIB par habitant a été inférieure à 1 % de 1963 à 1978, et a diminué de 3 % en moyenne pendant les années 1980 et une partie des années 1990. La croissance tendancielle ne s’est régulièrement accélérée qu’à la suite de la dévaluation du Franc CFA en 1994, qui a contribué à rétablir la viabilité extérieure. L’amélioration de la stabilité macroéconomique au cours des dernières années a conduit à une croissance économique un peu moins volatile. Au cours de la dernière décennie (2010-2019), l’économie a enregistré de meilleures performances que la moyenne de l’Afrique subsaharienne, avec une croissance du PIB réel de 5,9 % en moyenne. Toutefois, le Niger n’est pas cité dans les 127 épisodes d’accélération persistante de la croissance6 répertoriés par le FMI (2017) entre 1970 et 2014. Il apparaît plutôt dans deux épisodes de décélération de la croissance (en 1971 et 1982). Figure 1. Taux de croissance réel et par habitant (1970-2019) Exposition aux chocs climatiques, politiques et ToT 20 Dévaluation Chocs climatiques Stabilité politique 15 de l’UEMOA et politiques 10 5 0 -5 -10 1970 1972 1974 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2002 2004 2006 2008 2010 20012 2014 2016 2018 -15 1976 2000 -20 -25 Croissance du PIB (% annuel) TENDANCE HP Croissance du PIB par habitant Source : Élaboration de la Banque mondiale à partir des données des Indicateurs du développement dans le monde (WDI). 6 Les accélérations persistantes sont associées à des augmentations du revenu réel par habitant allant généralement de 15 à 40 % au-dessus du niveau de départ avant l’épisode sur une période de quatre ans. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 27 Des conditions structurelles défavorables, à la fois exogènes et endogènes, ont historiquement joué un rôle primordial en freinant et en conditionnant la volatilité de la croissance au Niger. Il s’agit notamment de chocs purement exogènes, tels que des conditions géographiques et météorologiques défavorables, et les forces perturbatrices du changement climatique qui ont conduit à plusieurs années de sécheresse au début des années 1970, ainsi que les cycles d’envolée et de chute des prix des produits de base (Figure 1). À cela s’ajoutent l’instabilité persistante dans la région du Sahel et la crise sanitaire de la COVID-19 qui constituent des goulets d’étranglement et des sources de fragilité supplémentaires. Le secteur primaire, principal moteur de l’économie, est soumis à des chocs climatiques fréquents, notamment la sécheresse, qui provoquent l’insécurité alimentaire. D’autres éléments plus endogènes sont également en jeu, tels que des taux de croissance démographique élevés, un faible capital humain (santé et éducation), un important secteur informel représentant plus de la moitié de la valeur ajoutée, un secteur privé et financier sous-développés et des lacunes en matière d’infrastructures. La faiblesse des institutions, la mauvaise gouvernance et d’autres facteurs internes de fragilité accentuent ce qui est susmentionné, et compliquent davantage la poursuite d’une stratégie de développement à long terme. L’instabilité politique de la période postindépendance a entravé la capacité à formuler et à mettre en œuvre des politiques cohérentes pour résoudre les obstacles structurels. Les réformes n’ont pas produit une croissance soutenue au cours des dernières décennies en raison d’une succession de coups d’État et de luttes de pouvoir entre les élites. Depuis l’indépendance en 1960 et jusqu’en 2010, le Niger a connu cinq coups d’État dirigés par des militaires et six chartes constitutionnelles différentes. Cette incertitude prolongée a eu un fort impact sur la croissance des revenus, en affaiblissant la gouvernance, en décourageant les investissements privés, et en empêchant un horizon à long terme nécessaire à une bonne planification, à la mise en œuvre et au suivi de réformes économiques réussies. Ni les politiques expansionnistes et interventionnistes du boom de l’uranium tout au long des années 1970 et au début des années 1980, ni les réformes structurelles et les politiques de libéralisation de la période d’ajustement qui a suivi n’ont réussi à influer sur ces contraintes structurelles susmentionnées. Le mémorandum économique du Niger de 2007 avait identifié trois causes possibles pour expliquer pourquoi les politiques ont eu un impact positif limité sur l’économie nigérienne : (i) la majorité de l’impact des politiques économiques gouvernementales n’est perceptible que par le secteur moderne représentant qu’un quart du PIB ; (ii) durant des années, très peu d’investissements significatifs ont été réalisés pour réduire les goulets d’étranglement des activités économiques productives dans des secteurs comme l’éducation et l’infrastructure ; (iii) l’incapacité à réduire la charge que représente le taux de fécondité élevé sur les ressources publiques et sur la capacité d’épargne. Dans l’arène politique, de multiples acteurs dominent une population vivant en mode de survie et ayant besoin de de protection, tout en rivalisant pour extraire des rentes des ressources limitées du pays et de l’État. Parmi les principaux acteurs du pouvoir, on trouve les militaires, un microcosme politicien se succédant à lui-même, des commerçants puissants, ainsi que des chefs traditionnels, des cheikhs et des chefs religieux sélectionnés qui concilient les intérêts (et le pouvoir) de chacun dans un équilibre dynamique relativement stable. Cette « classe politique » est soutenue par une population très pauvre, majoritairement non éduquée qui cherche à se protéger contre la pauvreté et les chocs. Le diagnostic-pays systématique pour le Niger de 2017 explique, qu’en raison de ce paysage complexe, les incitations dans le secteur public ne sont pas alignées sur la DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 28 réduction de la pauvreté et les possibilités de changement sont limitées. La recherche de rentes, le clientélisme et l’impunité sont endémiques et assurent une certaine stabilité, mais conduisent également à un modèle de développement non inclusif, orienté vers la génération de bénéfices pour les initiés. Cela explique la préférence du secteur public pour les investissements à forte intensité de capital, tels que les routes principales, les barrages, les grands projets d’irrigation et les raffineries de pétrole, au détriment des investissements dans la vulgarisation agricole, l’irrigation à petite échelle ou l’électrification rurale, et de la promotion de l’inclusion financière et du développement du secteur privé. Cela traduit également l’importance du secteur informel, l’économie étant dominée par un petit nombre de monopoles publics et privés qui préfèrent restreindre la concurrence dans leurs domaines respectifs. Tout ceci donne lieu à un environnement commercial défavorable avec des coûts de transaction élevés pouvant être évités en restant informel ou en devenant grand et bien connu. Cet environnement engendre une administration inefficace avec de nombreux ministères et des procédures de passation de marchés contraignantes. Enfin, il conduit à l’exclusion économique et à l’inefficacité, ainsi qu’à une prestation de services de très faible qualité dans les domaines de la santé et de l’éducation. Il sera impossible d’améliorer le niveau de vie si l’on ne s’attaque pas aux goulets d’étranglement pour aller vers une croissance plus élevée et plus stable. Avant même la crise sanitaire de la Covid-19, la croissance du Niger était inférieure aux niveaux nécessaires pour améliorer le niveau de vie des Nigériens. La part de la population nigérienne vivant en-dessous du seuil de pauvreté national était de 42 % en 2019, selon l’enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages (EHCVM) 2018-2019 récemment collectée. Parmi ceux-ci, 95 % (9 millions) résident dans les zones rurales. Près de la moitié de la population rurale n’est pas en mesure de satisfaire ses besoins nutritionnels et non alimentaires de base, contre 13 % pour la population urbaine. La croissance démographique constante a généré un fossé persistant entre le PIB global et les taux de croissance par habitant. Par ailleurs, un point de pourcentage supplémentaire de croissance du PIB est indispensable pour atteindre la même croissance du PIB par habitant que le Burkina Faso, uniquement en raison du taux de fécondité actuel du Niger (6,8 enfants par femme) et du taux de croissance démographique (3,8 %). En conséquence, le retour au rythme de croissance antérieur ne suffira pas à combler les retards de développement accumulés au fil des ans et encore moins à relever les nouveaux défis. Depuis plus de dix ans, le pays se classe dans le dernier rang de l’indice de développement humain (IDH) des Nations unies, et les perspectives de remonter de quelques places demeurent très sombres. Au cours des trente prochaines années, le pays sera confronté à une détérioration persistante des conditions climatiques, augmentant son exposition aux chocs, avec des conséquences colossales pour la population et l’activité économique. Le Niger devra également apprendre à gérer la richesse potentielle provenant de la hausse de la production pétrolière sans s’exposer à la « malédiction des ressources » observée dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne. Enfin, le pays sera confronté à une augmentation constante de la population sous l’effet d’un taux de fécondité élevé. L’économie devra alors fournir des emplois à une grande masse de nouveaux arrivants sur le marché du travail, mais sans changement substantiel de la structure d’âge, et qui par conséquent, ne bénéficieront guère d’une transition démographique insaisissable. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 29 En particulier, cinq trajectoires sont identifiées au long des chapitres : • Promouvoir de solides politiques de contenu local dans le secteur extractif ; • Gérer les recettes provenant du pétrole de manière transparente et responsable sur le plan fiscal ; • Tirer parti des nouvelles technologies pour promouvoir la productivité agricole et une orientation vers l’exportation ; • Favoriser le développement de la finance numérique ; • Renforcer le cadre de gestion des risques de catastrophe et établir une stratégie de financement des risques de catastrophe. Il convient de souligner que ces trajectoires ne s’excluent pas mutuellement. Au contraire, la performance globale de la croissance sera amplifiée par la mise en œuvre de réformes globales qui exploitent les importantes complémentarités existantes entre chacun de ces domaines. Encadré 1. Facteurs de fragilité, de conflit et de violence au Niger L’évaluation des risques et de la résilience (RRA) de la Banque mondiale au Niger, en cours de finalisation au moment de la rédaction de ce rapport, analyse les facteurs structurels et les vecteurs récents de la fragilité, des conflits et de la violence (FCV) dans le pays. Elle explique les liens entre les cycles d’instabilité qui ont été provoqués par des facteurs exogènes et endogènes, comme le montre la figure ci-dessous. Le vecteur 1 montre comment l’insécurité transfrontalière croissante et la violence intercommunale perpétuent les cycles de violence et de traumatisme ; le vecteur 2 illustre comment la compétition pour les ressources naturelles et l’absence de partage des recettes de l’extraction minière aggravée par le changement climatique et les pressions démographiques, conduit à une augmentation des niveaux de conflits intercommunautaires ; le vecteur 3 montre comment l’exclusion, les inégalités entre les groupes et les territoires dans un contexte de diminution des opportunités économiques génèrent des mécontentements ; le vecteur 4 décrit comment les espaces non gouvernés, la marginalisation territoriale et le manque de décentralisation limitent la capacité de l’État à fournir des services à ses citoyens ; et enfin le vecteur 5 se concentre sur l’élite qui se préserve et saisit les rentes pour se maintenir au pouvoir, empêchant d’établir un contrat social entre les citoyens et l’État. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 30 Figure 2. Les vecteurs de la FCV au Niger Figure 3. Nombre de décès signalés au Niger DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 31 Figure 4. Nombre de décès et d’incidents violents signalés par type de violence, manifestations et émeutes au Niger, 2010-2020 Source : Analyse des données Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED), réalisée pour le RRA du Niger, juin 2021. La violence est en hausse constante depuis 2017, l’année 2020 marquant un record tant pour le nombre d’événements violents signalés que pour les décès qui y sont associés (Figure 3). Les affrontements entre acteurs armés sont le principal facteur expliquant en moyenne 64 % des décès. En parallèle, la part des décès de civils a fortement augmenté, atteignant le record de la décennie avec 35 % en 2020. Neuf attaques massives ont été menées entre janvier et juin 2021 par des éléments susceptibles d’appartenir à de groupes armés non étatiques visant des positions des forces de défense et de sécurité, respectivement, à Diffa, Mainé-Soroa et Bosso. Certaines de ces violences sont imputables aux forces de sécurité de l’État, la Commission Nationale des Droits Humains (CNDH) ayant signalé en juillet 2020 que 102 hommes avaient été victimes de disparition forcée par les forces de sécurité à Inates à Tillabéri. On observe également une hausse constante des activités de protestation et d’émeute qui ont plus que doublé en 2020 comparé à 2019 (Figure 4). Même si des enquêtes récentes montrent que les Nigériens ont déjà un niveau modéré de confiance dans les institutions publiques, les niveaux élevés de corruption, l’extrémisme violent et le manque d’accès aux services continuent d’affecter les niveaux de confiance dans l’État comme le démontrent les événements récents. Entre 2010 et 2020, 41 % des activités de protestations et d’émeutes ont été localisées sur Niamey. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 32 La situation sécuritaire dans la zone dite des « trois frontières » (où les groupes terroristes ont établi des bases) continue particulièrement de se détériorer, 2020 étant l’année la plus meurtrière depuis le début de la crise. Au cours des premiers mois de 2021, quelque 300 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été tuées dans des attaques armées menées par des militants présumés de l’organisation terroriste État Islamique au Grand Sahara (EISG). Les assaillants ont également fait de nombreux blessés, détruit des infrastructures et des maisons, et volé du bétail. Le gouvernement nigérien a renforcé la présence de personnel de sécurité et 1200 soldats tchadiens sont aussi déployés sous la bannière du G5 Sahel. Néanmoins, on déplore une trentaine de soldats tués dans des attaques terroristes. Dans le sud-est, la situation sécuritaire reste précaire dans la région de Diffa, où des militants de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) et de la faction Boko Haram mènent des attaques contre les forces de sécurité de l’État et sèment la terreur auprès des civils. Plus à l’ouest, dans la région de Maradi, le rythme des attaques contre les villages frontaliers du Nigeria, impliquant vols de bétail et enlèvements, reste élevé. Trois des huit régions du pays, à savoir Diffa, Tahoua et Tillabéri, sont toujours sous l’état d’urgence. Les forces de défense et de sécurité nigériennes, avec le soutien des forces du G5 Sahel (FC-G5S) et des forces françaises Barkhane, continuent de déployer des opérations militaires. Le 10 juin 2021, le président de la République française, Emmanuel Macron, a annoncé la fin sous sa forme actuelle de l’opération militaire Barkhane et la réduction des troupes de 5100 soldats au début de l’opération en août 2014 à 3000. Les troupes françaises restantes concentreront leurs efforts sur la zone des « trois frontières » entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali, et continueront de soutenir les forces armées de l’armée sahélienne avec d’autres forces armées européennes, notamment la Task Force Takuba dont le centre de commandement est désormais transféré au Niger. Cela place le Niger au centre des efforts de lutte contre le terrorisme au Sahel et en fait le nouveau partenaire de sécurité privilégié de la France dans la région. En conséquence, on observe une augmentation importante du nombre de réfugiés et de personnes déplacées internes (PDI) qui met à rude épreuve les services gouvernementaux et sollicite le tissu social des communautés d’accueil. La violence et l’insécurité dans les zones frontalières ont entraîné le déplacement de 300 000 personnes, principalement à Diffa et Tillabéri, dont la moitié depuis novembre 2019. Près de 35 000 Nigériens ont également revenus au Niger depuis des régions encore plus insécurisées du Nigéria. Par ailleurs, le Niger accueille 234 000 réfugiés, ce qui exerce une pression supplémentaire sur les ressources naturelles et socio-économiques des zones d’accueil. Les principaux groupes de réfugiés sont originaires du Nigéria (172 000) et du Mali (60 000) et sont installés dans des zones déjà en conflit ou risquant de l’être, comme les régions de Diffa et de Tillabéri. L’état d’urgence déclaré à Diffa, Tahoua, Tillabéri et Maradi continue d’ajouter des pressions économiques et sociales à un système de prestation de services déjà faible dans ces zones fragiles. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 33 CHAPITRE 1 Le bilan de la croissance du Niger au cours des 20 dernières années : de faibles gains de revenu et de productivité du travail, de nombreux problèmes non résolus. Ce chapitre dresse un aperçu des principaux obstacles économiques qui ont empêché un processus plus soutenu de convergence des revenus en explorant l’évolution de la productivité du travail, largement considérée comme le principal facteur de développement économique et d’amélioration du niveau de vie. Une première section propose de vérifier la contribution de la productivité du travail et d’autres facteurs à la croissance du revenu par habitant au Niger de 2000 à 2019. Ensuite, la production par travailleur est décomposée de manière plus approfondie afin d’évaluer dans quelle mesure les gains de productivité ont été induits par le changement structurel ou par la dynamique de la productivité au niveau sectoriel. Cette section évalue aussi la manière dont la croissance et les gains de productivité se sont traduits par la création de meilleurs emplois pour un plus grand nombre de personnes, avec un accent particulier sur l’emploi salarié et la participation des femmes au marché du travail. Une deuxième section applique le cadre conceptuel de Chenery et Syrquin (1975) et de Simon Kuznets (1966) pour explorer la nature de la transformation structurelle par rapport à trois processus qui ne s’excluent pas mutuellement. Pour recenser les domaines dans lesquels le Niger doit relever les plus grands défis pour accélérer sa croissance, trois groupes d’analyse comparative ont été identifiés. Le premier groupe, appelé comparateurs régionaux, regroupe pour chaque indicateur les valeurs moyennes en Afrique subsaharienne (ASS) et dans les pays à faible revenu (PFR). Par ailleurs, une approche axée sur les données a été utilisée pour identifier les pays pairs structurels et aspirationnels7. Cette approche a conduit à la sélection du Burundi, de la République démocratique du Congo (RDC) et du Burkina Faso comme pairs structurels. La République du Laos, l’Ouzbékistan et le Rwanda ont été choisis comme pairs aspirationnels8. Certains de ces pays sont confrontés à des contextes de conflits similaires, sont des pays à forte intensité de ressources ou des pays enclavés. 7 Les pairs structurels sont définis comme des pays qui présentaient des caractéristiques économiques similaires à celles du Niger au cours des dernières années (2011-2019), tandis que les pairs aspirationnels partagent des caractéristiques économiques et institutionnelles communes avec le Niger mais qui ont réussi à évoluer et à obtenir de meilleures performances que le Niger selon un ensemble de critères de croissance aspirationnels, de 2000 à 2019. 8 Le même ensemble de pays (plus le Sénégal) a été choisi comme comparateurs structurels dans la récente Revue des dépenses publiques du Niger de la Banque mondiale. Toutefois, en raison de certaines limitations des données, les valeurs pour le Laos ne sont parfois pas rapportées dans les figures. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 34 1. Le modèle de développement du Niger face aux expériences réussies de développement La transformation d’une économie sous-développée en une économie développée peut être définie « par l’ensemble des changements structurels requis pour soutenir une augmentation continue du revenu et du bien-être social » (Chenery, 1982). Bien que ces exigences tendent à varier en fonction des caractéristiques des pays –telles que les dotations de capital naturel et les objectifs sociaux de chaque pays– il existe des facteurs qui, hypothétiquement, produisent une certaine homogénéité dans cette transition. Ces facteurs comprennent les changements dans les habitudes de consommation en fonction du niveau de revenu, la nécessité d’accumuler du capital physique et humain pour augmenter la production, l’accès à des sources communes de technologie et le développement du commerce international. En suivant Kuznets (1966), les principales dimensions de cette transformation sont mesurées par le changement de la composition de la demande globale, de la production, du commerce international et de l’utilisation du capital et de la main-d’œuvre à mesure que le niveau de revenu d’un pays augmente. Nous verrons que le Niger n’a pu que partiellement reproduire le schéma observé dans d’autres pays qui ont réussi la transition d’un système où la structure économique était principalement caractérisée par des activités à faible revenu, informelles et à forte intensité de main d’œuvre, à une configuration où un revenu plus élevé a été associé à une utilisation différente de ce revenu, une épargne plus élevée et ensuite des investissements financés au niveau national. Du point de vue de la demande, cette transformation ne peut pas venir de l’étranger, comme le montre le ralentissement de l’afflux de fonds extérieurs et le fait que la spécialisation commerciale est encore à un stade embryonnaire. Au cours des 20 dernières années, la composition de la consommation privée au Niger a fait preuve d’une remarquable constance, laissant entrevoir des changements non significatifs dans les niveaux de revenus et du bien-être. Une régularité empirique bien connue est que les changements dans la composition de la production, des échanges et de l’emploi augmentent le revenu, ce qui transforme à son tour la structure de la consommation. Par exemple, la loi d’Engel prédit que la proportion de la demande de certains biens, notamment alimentaires, diminue suite à une hausse du revenu, même si les dépenses absolues augmentent. Cela se produit généralement au profit d’autres postes tels que le logement ou les communications et le transport. Dans le cas du Niger, entre 2011 et 2017 (la première et les dernières années pour lesquelles des données désagrégées sont disponibles), la proportion de produits alimentaires consommés dans la consommation finale totale des ménages est restée stable à 53-54 %. En outre, la composition des produits alimentaires consommés ne montre pas de tendance vers des produits plus sophistiqués ou plus nutritifs. Le pain et les céréales sont restés stables en tant que principal produit consommé (45 %), tandis que le poids de la consommation de viande a même diminué de 1,2 point de pourcentage. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 35 Toutefois, l’accumulation de capital s’est accélérée, compensant une baisse relative de la part de la consommation publique. Une autre régularité empirique dans de nombreux pays en développement est, qu’à mesure que le revenu moyen augmente, la part de la consommation diminue et celle des investissements augmente, aidant l’économie à se rééquilibrer de l’agriculture vers l’industrie manufacturière et les services. Merotto (2020) constate que dans les pays pauvres en ressources naturelles dont la croissance du PIB par habitant a été plus rapide que celle des moyennes régionales au cours des 30 dernières années, la croissance a été alimentée soit par une augmentation des investissements physiques (dans les plus grands pays, la Chine, l’Inde et le Bangladesh), soit par une combinaison d’augmentation du commerce et de l’investissement net (dans les plus petits pays)9. La part de la consommation finale dans le PIB total du Niger a diminué d’environ 7 points de pourcentage entre 2000 et 2019, avec une baisse plus marquée (5 points de pourcentage) pour la consommation publique. Parallèlement, la formation brute de capital fixe a augmenté de façon spectaculaire, passant de 14,4 % du PIB en 2007 à 21 % en 2008 sous l’effet d’un pic de l’investissement privé, et a fluctué autour de 24 % du PIB au cours des dix dernières années. Le bas niveau de l’épargne est une contrainte majeure pour que les investissements suivent le rythme de la croissance démographique. Les dépenses d’investissement financées par le pays jouent actuellement un rôle important dans la composition des investissements, représentant 85 % du total des dépenses d’investissement en 2019, contre 68 % en 2010 (Tableau 1). Cela est dû principalement à la tendance à la hausse de l’investissement privé, compensant la baisse de la valeur du stock de capital privé observée entre 2000 et 2008. Dans l’ensemble, la valeur du stock total de capital public et privé (en tant que part du PIB) au Niger est estimée comme étant bien supérieure à celle des pays de comparaison, avec un ratio à la production d’environ 470 % en 2019 (Figure 5)10. De même, le stock de capital par individu en 2019 est 90 % plus élevé au Burkina Faso et presque 4 fois plus élevé au Rwanda ou en Ouzbékistan. Toutefois, le stock de capital au Niger représente 86 % de ce qu’il était en 2000. Cela peut s’expliquer en partie par la croissance rapide et continue de la population du Niger. Des tendances démographiques soutenues, comme celle du Niger, génèrent une demande croissante de services et d’infrastructures et requièrent un niveau élevé de capital pour garantir une productivité du travail suffisamment élevée. Le niveau actuel de l’épargne nationale ne permet pas de répondre à la demande d’investissements en capital physique, ce qui accroît la nécessité pour le pays d’accéder aux capitaux étrangers. Le stock d’IDE est conforme à la moyenne de la région de l’ASS et, en 2019, le Niger recevait encore plus d’entrées d’IDE (en part du PIB) que les pays de comparaison. Toutefois, les entrées d’IDE ont diminué de moitié depuis 2010, passant de 10 % du PIB à moins de 5 %, et la plupart des emplois au Niger restent dans des « secteurs traditionnels » à faible intensité de capital, caractérisés par un degré élevé d’informalité. 9 Dino Merotto, mars 2020. Groupe de travail Banque mondiale. “In Low Income Countries It Is Factor Accumulation That Drives Transformative Growth”. Consulté sur https://www.jobsanddevelopment.org/in-low-income-countries-it-is-factor-accumulation-that-drives-transformative- growth/ 10 Il s’agit de la valeur du Penn World Table (PWT) basée sur des prix constants exprimés en dollars É.-U. de 2017. Elle est considérablement plus élevée que celle enregistrée dans la plupart des pays pairs (340 % au Burundi, 181 % en RDC, 140 % au Rwanda, par exemple). L’ensemble de données du FMI sur l’investissement et le stock de capital, exprimé en PPP, donne également des valeurs similaires très élevées, qui sont difficiles à concilier avec la réalité économique sur le terrain. Une explication possible peut être qu’un déflateur de prix trop faible a été utilisé pour transformer les valeurs actuelles en valeurs constantes. Comme la question nécessite un examen plus approfondi, nous préférons nous concentrer ici sur les tendances spécifiques du Niger, plutôt que de nous engager dans une comparaison entre pays qui peut être méthodologiquement imparfaite. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 36 Le rôle croissant de l’investissement dans la demande interne ne s’est que partiellement reflété dans la structure de production. L’évolution de la demande interne a entraîné une détérioration de la balance commerciale induite par une augmentation de huit points de pourcentage du PIB des importations, principalement des équipements destinés à des projets dans les industries extractives et à des investissements publics. Cela s’ajoute à la balance des services et des revenus primaires toujours négative, avec des envois de fonds limités. Dans l’ensemble, si le Niger a pu accéder à des capitaux étrangers pour aider à financer des investissements favorisant la croissance, il n’a pas été en mesure, parallèlement, d’accroître la productivité par des politiques susceptibles de soutenir l’avantage comparatif dans le commerce. Bien que le FMI ait généralement estimé que le taux de change effectif réel était conforme aux fondamentaux, les problèmes de compétitivité ont été soulignés à plusieurs reprises. Figure 5. IDE, investissement et stock de capital au Niger 25 20 15 % of GDP 10 5 0 2009 2011 2013 2015 2017 Entrées d’IDE Remises APD reçue Total 300 250 30 200 25 20 150 15 100 10 50 5 0 0 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 Niger Burundi DRC Rwanda RDP Lao Burkina Faso Ouzbékistan Inv publique Inv privé Stock de capital public Stock de capital privé Source : PWT, Indicateurs du développement dans le monde (WDI), FM I. Le PIB et la formation brute de capital fixe sont mesurées en UCL constants. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 37 Tableau 1. Investissement étranger vs national au Niger (2010-2019, en % du PIB) Niger ASS Année Investissement IDE Investissement Investissement IDE Investissement total intérieur total intérieur 2010 31,90 10,22 21,68 22,55 6,79 16,37 2011 31,59 12,26 19,32 22,63 7,49 15,59 2012 28,80 8,98 19,82 22,52 6,74 15,83 2013 29,58 7,08 22,49 22,49 5,75 16,70 2014 30,70 7,61 23,09 23,96 4,39 19,64 2015 32,43 5,48 26,95 23,26 4,90 18,48 2016 26,24 2,93 23,31 23,18 3,61 19,74 2017 28,10 3,03 25,07 21,67 4,22 17,63 2018 28,97 3,63 25,33 21,63 3,78 17,89 2019 30,19 4,59 25,61 23,45 3,29 20,14 Source : Indicateurs du développement dans le monde (WDI). L’ouverture commerciale11 s’est accrue au fil du temps, mais elle reste inférieure à la moyenne des pays de comparaison régionaux et nationaux, et la spécialisation commerciale actuelle entrave la croissance de la productivité. Ceci est strictement corrélé avec le manque de diversification des activités à faible productivité. L’expérience internationale montre que la croissance de la productivité bénéficie de l’expertise dans la production d’exportations relativement complexes et sophistiquées, qui est associée à la diffusion internationale des technologies (Hausmann, Hwang et Rodrik, 2007). Sur la base des données disponibles pour le Niger pour les indicateurs de complexité économique12, le pays présente un indice d’aptitude économique très faible et décroissant, en adéquation avec la moyenne des PFR, mais un niveau de sophistication des exportations bien inférieur à celui de ses pairs. Les produits dans lesquels le pays montre une spécialisation relative se trouvent principalement dans les secteurs de l’agriculture et des extractibles, mais le faible niveau de productivité des secteurs de l’agriculture et de l’élevage empêche une augmentation de la part totale des exportations. En moyenne entre 2011 et 2017, l’alimentation et l’industrie manufacturière n’ont représenté qu’un quart des exportations totales de marchandises, tandis que les biens alimentaires constituent les principales importations. Dans le même temps, les animaux vivants —vaches, moutons et chèvres qui principalement vendus au Nigeria et au Tchad— sont, en grande partie, non comptabilisés dans les données officielles sur les exportations. Le secteur extractif joue un rôle important dans l’économie du Niger, l’uranium et l’or, représentant entre 6 et 8 % du PIB et environ 50 % des recettes d’exportation du pays. 11 Calculée comme la valeur totale des exportations et des importations du pays et divisée par le PIB du pays. 12 Les indicateurs de complexité économique mesurent les connaissances d’une société qui se traduisent par les produits qu’elle fabrique (Hidalgo et Hausmann, 2009). La complexité reflète la diversification et les capacités de production et peut être liée à une productivité plus élevée ou à une plus grande possibilité de croissance future. L’indice de complexité économique (ICE) n’est pas disponible pour le Niger. Les indicateurs disponibles comprennent (i) l’aptitude économique, une métrique au niveau du pays basée sur la diversification et la complexité des exportations compétitives d’un pays, où des scores plus élevés indiquent un panier d’exportation plus diversifié et plus complexe ; et (ii) l’indice de sophistication des exportations (EXPY) qui estime le niveau de sophistication technologique contenu dans le portefeuille d’exportations d’un pays. Un EXPY élevé indique un portefeuille d’exportations plus sophistiqué. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 38 2. Une démographie défavorable et la faible dynamique de la productivité du travail ne permettent pas une croissance substantielle des revenus. La productivité est un moteur essentiel dans la création de richesses et d’emplois. La productivité concerne la façon dont les gens utilisent les ressources pour produire des biens et des services. La productivité du travail, ou la quantité de production réalisée par travailleur dans une économie, est un point de départ utile pour comprendre la productivité d’une économie. Pour les pays, il s’agit de créer davantage à partir des ressources disponibles, telles que les matières premières, la main-d’œuvre, les compétences, les biens d’équipement, les terres, la propriété intellectuelle, les capacités de gestion et le capital financier. Une productivité plus élevée est donc synonyme de production plus importante, de création de valeur plus élevée et de revenus plus élevés. Par conséquent, plus la productivité d’un pays est élevée, plus le niveau de vie qu’il peut s’offrir est élevé, et plus il peut améliorer le bien-être de ses citoyens (par exemple, dans les soins de santé, l’éducation, les routes et télécommunications, la sécurité et dans un soutien social plus fort). Concernant l’ensemble de l’économie, la productivité génère également davantage d’emplois et des emplois de meilleure qualité, offrant des salaires plus élevés. Si le taux d’activité reste constant, les pays, dans lesquels la production par travailleur est en baisse, sont confrontés à la perspective redoutable d’une diminution de la qualité de vie, conduisant à un comportement plus axé sur la recherche de rente. La baisse du niveau de vie peut contribuer à donner l’impression que le bien-être est un jeu à somme nulle, en mettant à mal la confiance du public et en érodant le contrat social. La Figure 6 illustre comment la croissance des revenus peut être décomposée en ses principaux moteurs. D’autres éléments et définitions figurent à l’Annexe A. Figure 6. Les principaux moteurs de la croissance par habitant GDP per capita growth Changes in Changes in Changes in Changes in the employment rate output per worker participation rate demographic structure of the population Sectoral pattern of Changes in productivity Changes from employment generation within sectors employment relocations between sectors Changes in capital labor ratio and TFP DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 39 Au cours des deux dernières décennies, la croissance du PIB par habitant du Niger a été inférieure à celle de ses pairs et les perspectives de rattrapage demeurent limitées. De 2000 à 2019, la valeur ajoutée par habitant a augmenté de 130 dollars É.-U. en prix constants de 2010, dont 85 uniquement à partir de 2010. Cette évolution constante de la croissance du PIB par habitant dans le temps a suivi l’évolution de la productivité du travail : la croissance de la productivité du Niger est décevante malgré l’accélération de ces dernières années (Figure 7). La productivité du travail a progressé d’environ 2 % par an et a été le principal moteur de la croissance des revenus du Niger au XXIe. siècle. Contrairement à la plupart des pays (à tous les niveaux de revenus), le Niger n’a pas connu de ralentissement de la croissance de la productivité après la crise financière mondiale (GFC). Au contraire, une accélération s’est produite au cours de la décennie qui a suivi la crise, lorsque la croissance annuelle est passée de moins de 1 % à un peu moins de 3 %. Toutefois, cette performance est inférieure à celle de tous les pays pairs (à l’exception du Burundi) dont la productivité a augmenté à un taux compris entre 3,2 % (Burkina Faso, RDC) et 4,7 % (Laos) par an (Tableau 2). Une simple extrapolation (Tableau 3) montre que si la valeur ajoutée et l’emploi continuent de croître aux taux récents (2010-2019), dans 30 ans le niveau de production par travailleur au Niger ne sera encore qu’à à peine plus de 70 % de ce qui est observé dans la région, même s’il y aura un processus de rattrapage du niveau moyen de productivité dans les PFR. Figure 7. Taux de croissance annuels composés du PIB par habitant (graphique de gauche) et par personne employée (graphique de droite) au Niger et dans les pays pairs 2000-2010 2000-2010 NER NER 2010-2019 2010-2019 2000-2010 2000-2010 structural structural 2010-2019 2010-2019 aspirational aspirational 2000-2010 2000-2010 2010-2019 2010-2019 0 2 4 6 0 1 2 3 4 annualized growth in p.c. GDP in % annualized growth in value added per worker in % Source : Job Group JD Standard Code (JDSC) sur la base de WDI Source : Job Group JD Standard Code (JDSC) sur la base de WDI La forte croissance démographique a exercé une pression énorme sur le marché du travail. La lenteur de la croissance de la productivité du travail, combinée à une transition démographique précoce, suggère que le Niger n’est pas encore bien positionné pour tirer parti d’un dividende démographique. Après des années d’augmentation soutenue de la population, sous l’effet du taux de fécondité le plus élevé au monde, le Niger DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 40 donne des signes d’une phase de transition précoce (ou premier dividende démographique), caractérisée par une baisse du taux de mortalité, une augmentation de la part de la population en âge de travailler et une baisse du taux de dépendance des enfants13. Toutefois, la structure par âge au Niger restera probablement dominée par les jeunes (moins de 15 ans), avec une faible proportion de personnes âgées. En 2050, la part de la population nigérienne âgée de moins de 15 ans serait encore très élevée, à 44,7 %, en raison de la lenteur de la baisse prévue du taux de fécondité. Par conséquent, en 2050, les travailleurs nigériens devront subvenir aux besoins d’un grand nombre de jeunes, d’environ 30 millions (Figure 8). La marginalisation des jeunes due à des opportunités économiques limitées et à une exclusion sociale peut alimenter les différends et est susceptible de rendre cette population vulnérable aux activités illicites ou à la radicalisation, en particulier dans les zones en proie à des conflits ou dans lesquelles le taux d’impunité est élevé. Compte tenu de la mauvaise qualité du système éducatif et des faibles taux de fréquentation, de nombreux jeunes sont peu instruits et largement non qualifiés. Même les jeunes qui atteignent les niveaux d’enseignement secondaire et supérieur se voient offrir peu de possibilités de travail. Les autres défis à relever sont l’accès à la terre ou aux biens difficile et le peu de représentations dans la sphère publique, d’où un sentiment d’exclusion. Les opportunités dans les zones à risque ou touchées par les conflits sont encore plus limitées étant donné l’état d’urgence et les couvre-feux affectant les secteurs qui drainent de nombreux jeunes (comme l’interdiction des motos, le petit commerce ou le commerce informel). Certains jeunes ont recours à des sources de revenus illégales ou rejoignent des groupes extrémistes violents. Toutefois, les zones offrant plus d’opportunités économiques offrent aux jeunes une transition plus viable vers l’autonomie via une économie locale plus dynamique. Figure 8. Tendances démographiques au Niger 70,000 60,000 50,000 Employment 15-64 40,000 1,000 people Unemployment 15-64 30,000 20,000 Outside Labor Force 15-64 10,000 Dependents <15 and 65> 0 -10,000 2000 2010 2020 (p) 2050 (p) Source : Estimations du personnel du Groupe Banque mondiale, utilisant l’outil « JobStructure Tool Demography ». GBM, 2020. 13 Depuis 1985, le taux de mortalité des moins de cinq ans a fortement diminué, passant de 333 à environ 80 pour 1000 enfants en 2019, rattrapant ainsi les taux de mortalité moyens de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de l’Afrique subsaharienne. En conséquence, l’espérance de vie s’est améliorée de plus de 20 ans au cours de cette période, passant de 41,2 ans en 1985 à 62 ans en 2018. Après une décennie où le taux de fécondité a été proche de 8 naissances par femme, il est passé sous la barre des 7 pour la première fois en 2018. Ce chiffre reste toutefois supérieur à la moyenne des PFR et de l’ASS (à l’exclusion des pays à revenu élevé), qui est de deux enfants par femme. L’ONU prévoit une baisse progressive de la fécondité au Niger, mais le taux demeurerait encore à cinq enfants par femme en 2040, alors que les PFR auront ramené cette valeur à 3,3 enfants par femme. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 41 Tableau 2. Décomposition de la croissance de la valeur ajoutée par habitant (2000-2019) Variation annuelle Niger Burkina Faso DRC Rwanda RDP Lao Ouzbékistan PFR SSA (en point de pourcentage) Total 1,4 2,7 2,0 5,1 5,4 5,0 2,2 1,6 Productivité 2,1 3,7 2,8 4,8 4,5 3,6 2,1 1,6 Taux d’emploi 0,1 -0,2 -0,1 0,0 0,1 0,4 0,0 0,0 Taux de participation -0,5 -0,9 -0,7 -0,2 -0,1 0,2 -0,2 -0,2 Changement -0,2 0,2 -0,1 0,5 1,0 0,8 0,3 0,2 démographique Source : Estimations du personnel du GBM, utilisant l’outil « JobStructure Tool Demography ». En outre, la participation au marché du travail et les facteurs démographiques ont eu un impact négatif sur la croissance du revenu par habitant. Parmi les pairs aspirationnels du Niger, au cours des deux dernières décennies, la contribution des facteurs démographiques à la valeur ajoutée par habitant a été modeste mais généralement positive, créant des conditions favorables à une augmentation de la production et de la croissance des revenus par plusieurs moyens. Les individus entrant dans la population active peuvent produire pour leur ménage et pour eux-mêmes, tout en ayant moins d’enfants à charge que les générations précédentes, ce qui stimule l’épargne interne. Ce résultat est amplifié lorsque la baisse de la fécondité permet également à une plus grande proportion de femmes d’entrer dans la population active. Cela permet également à la société —tant pour les ménages que l’État— d’investir davantage de ressources en matière d’éducation et de santé pour un nombre d’enfants moins élevé, augmentant ainsi le capital humain des membres de cette génération. Toutefois, ces « dividendes démographiques » dépendent de l’augmentation de la demande de main-d’œuvre (induite par la transformation structurelle et la croissance de la productivité) pour répondre à l’offre ; lorsque cela ne se produit pas, il peut en résulter une hausse du chômage et du sous-emploi de la population en âge de travailler. L’augmentation de l’offre de main-d’œuvre au Niger n’a pas été suivie d’une augmentation similaire de la demande de main-d’œuvre ; ceci a entraîné une baisse du taux d’activité et d’emploi de la population en âge de travailler. De plus, parmi la population employée, les données des enquêtes auprès des ménages suggèrent que les heures travaillées ont diminué de manière substantielle, jusqu’à 39 % pour les hommes et 53 % pour les femmes entre 2002 et 2018. Tableau 3. PIB par personne employée, 2019-2050, Niger et pays de comparaison Productivité totale (en dollars constants de 2010 par personne) 2019 2050 Niger 1,610 3,847 ASS (hors pays à haut revenu) 4,740 5,246 PFR 2,260 2,877 Source : Estimations du personnel du GBM, utilisant l’outil « JobStructure Tool Demography ». DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 42 Actuellement, l’emploi est concentré dans des activités à petite échelle et à faible productivité, principalement dans l’agriculture, et le nombre d’heures travaillées par semaine a chuté. Les enquêtes menées auprès des ménages en 2014 et 2018 ont révélé que les trois quarts de la population en âge de travailler étaient employés ou indépendants. Toutefois, cette mesure englobe tous les résidents en âge de travailler ayant travaillé au moins une heure au cours de la semaine précédant l’enquête, rémunérés ou non, formels ou informels. En 2018, environ 30 % des Nigériens actifs étaient des employés non rémunérés, et presque tous ceux qui avaient des revenus étaient des travailleurs indépendants14 Le sous-emploi est élevé, les Nigériens actifs travaillant en moyenne 25,8 heures par semaine dans leur emploi principal (contre 33,2 heures par semaine en 2014). Cela reflète particulièrement la dépendance continue des Nigériens à l’égard de l’agriculture rurale à petite échelle, où l’on ne travaille en moyenne que 25 heures par semaine, ce qui contraste avec les 37,2 heures travaillées dans le secteur des services. En outre, dans le secteur agricole, 40,7 % du travail n’est pas rémunéré et 51,6 % sont des travailleurs indépendants (Figure 10). En conséquence, un tiers des adultes ruraux qui travaillent ne sont pas rémunérés, contre seulement 8,7 % dans les zones urbaines. Bien que les résidents urbains soient plus susceptibles d’occuper un emploi rémunéré et moins enclins à dépendre d’un travail non rémunéré, ils ont également plus de risques d’être totalement sans emploi, près de la moitié de la population en âge de travailler dans les zones urbaines ne travaillant pas –un résultat qui s’est peu amélioré depuis 1995. Figure 9. Évolution du nombre d’heures travaillées au Niger 52.2 43.0 Heures travaillées en partie 7 jours (moyenne, population occupée en âge de travailler) 53.1 50 50 Heures travaillées en partie 7 jours (moyenne, population occupée) 47.0 45.5 45.1 43.5 42.5 40.7 40 39.6 40 38.2 37.5 38.5 37.1 37.2 34.0 34.6 32.0 30 30 28.3 26.8 25.0 23.8 20 18.5 20 10 10 0 0 2002 2007 2014 2018 2002 2007 2014 2018 2002 2002 2002 2002 2007 2007 2007 2007 2018 2018 2018 2018 2014 2014 2014 2014 Homme Femme Agriculture Industrie Prestations Autre de service Source : Institut national de la statistique du Niger. 14 Cela peut être en partie dû à une meilleure mesure de l’emploi non rémunéré dans les enquêtes auprès des ménages. L’emploi non rémunéré concerne le plus souvent un travail dans une exploitation agricole autre que la sienne. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 43 Figure 10. Évolution de la structure de l’emploi au Niger 100 100 Share of working age population (15-64) 11.3 12.7 Part de la population en âge de travailler (15-64) 20.0 18.8 21.9 34.5 80 39.3 24.0 19.8 37.8 80 50.5 45.2 45.0 9.1 49.2 45.6 0.6 53.1 59.4 71.3 31.4 0.9 7.9 26.5 60 60 16.0 8.0 8.7 5.4 0.2 29.2 25.4 0.2 4.6 0.7 10.4 6.4 1.9 3.5 14.7 40 65.2 48.2 40 0.9 0.7 0.3 56.6 12.1 2.5 0.2 1.6 27.4 25.0 0.1 0.1 27.1 28.9 39.9 47.5 20 34.6 32.7 20 34.8 48.8 43.3 27.5 25.0 17.9 11.1 17.5 4.1 5.0 7.2 11.5 1.2 1.5 10.9 1.2 0.8 0 0.9 2.5 0 1.0 3.6 1995 2005 2014 2018 1995 2005 2014 2018 1995 2005 2014 2018 1995 2005 2014 2018 Homme Femme Urban Rural Paid employee Self-employed Employer Paid employee Self-employed Employer Unpaid employee Not working Unpaid employee Not working Source : BM, utilisant les données I2D2 des enquêtes LSS, LFS et ECVMA du Niger. Note : En 2004-2005, le Niger a subi une grave perte de récolte et une crise alimentaire qui ont déprimé la production et l’emploi. Les changements de 2005 à 2014 ne doivent pas être interprétés comme une amélioration linéaire. En effet, les données du WDI montrent une diminution de la participation au travail de 2010 à 2019. Les écarts importants de genre continuent d’être un sérieux obstacle à une croissance soutenue et inclusive. Le Niger a une valeur d’indice d’inégalité de genre de 0,647, se classant au dernier rang à 189 dans l’indice 201815. L’inégalité entre les sexes est prépondérante dans l’inégalité des opportunités économiques, l’accès aux services financiers, la participation au marché du travail et du niveau d’éducation. Le sous-emploi est plus marqué chez les femmes, puisqu’elles ne travaillent qu’en moyenne 18,5 heures par semaine, soit moins de 60 % des heures travaillées par les hommes. En 2018, une femme était deux fois plus susceptible de ne pas percevoir de revenu, comparé à un homme. 63,2 % des femmes étaient, soit hors de la population active, soit dans un emploi non rémunéré, contre 32,5 % pour les hommes. En outre, seuls 2,5 % des femmes ont un emploi rémunéré, contre 11 % des hommes. L’accès au crédit formel est plus complexe pour les femmes en raison des exigences restrictives en matière de garanties, de la durée plus courte des prêts et des taux d’intérêt plus élevés que pour les hommes. Les lois régissant l’ouverture de comptes bancaires, les droits de propriété et les droits fonciers sont discriminatoires à l’égard des femmes. Bien que la Constitution de 2010 couvre l’égalité en matière de droit, les femmes sont confrontées à des normes et des barrières culturelles qui dépassent le cadre de la législation officielle. Les femmes sont confrontées à de fortes inégalités entre les sexes, lequel a un coût élevé en termes d’impact économique et d’exclusion sociale, aggravant leur vulnérabilité dans le contexte FCV du Niger. Malgré les efforts déployés, le taux d’achèvement du cycle primaire pour les filles âgées de 15 à 18 ans n’atteint que 26,5 % contre 41,4 % pour les garçons. Les jeunes femmes sont confrontées à des défis particulièrement redoutables liés au mariage et à la maternité précoces, à un faible accès à l’éducation et à la participation à la vie active, ainsi qu’à une faible représentation dans les structures de gouvernance locales et nationales, notamment 15 Indice d’inégalité de genre (IIG) des Nations Unies, 2018. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 44 traditionnelles. Les normes sociales et certains obstacles juridiques renforcent les inégalités entre les sexes qui font que les femmes ont moins d’opportunités sur le marché du travail que les hommes, qu’elles reçoivent moins de rémunération et qu’elles sont moins productives. L’État a pris des mesures pour lutter contre les inégalités en matière de genre dans le deuxième plan de développement économique et social 2017-2021 (PDES II), dans lequel le Gouvernement reconnaît les disparités persistantes entre les hommes et les femmes. La faiblesse du capital humain exacerbe la faible productivité du travail et les défis démographiques du Niger. L’éducation est un solide indicateur de résultats sur le marché du travail au Niger : 82,3 % des adultes ayant achevé le deuxième cycle de l’enseignement secondaire occupaient un emploi rémunéré ou suivaient des études en 2018, comparé à moins de 58 % de ceux qui ne suivaient que le premier cycle de l’enseignement secondaire, le premier cycle de l’enseignement primaire ou aucune éducation. Malheureusement, la grande majorité des Nigériens en âge de travailler –96,9 % des femmes et 94,2 % des hommes– n’ont pas dépassé le niveau du premier cycle de l’enseignement secondaire. Les Nigériens ayant un niveau d’éducation primaire ou secondaire inférieur ne sont pas plus susceptibles d’occuper un emploi rémunéré ou de suivre des études que les Nigériens sans éducation –ceci reflète à la fois la mauvaise qualité de l’éducation dispensée et la prédominance des emplois peu qualifiés. 3. La portée du changement structurel a été limitée L’expérience des différents pays montre que le modèle de transformation structurelle tend à être associé à une courbe en forme de cloche pour la production manufacturière en tant que part du PIB (Banque mondiale, 2017). Toutefois, le tournant semble se produire à des niveaux de revenu beaucoup plus faibles pour les pays en développement, de sorte que leur déclin dans le secteur manufacturier commence à des niveaux de revenu qui ne représentent qu’une fraction de ceux auxquels les économies avancées commencent à se désindustrialiser. Ainsi, les pays en développement font la transition vers des économies de services plus tôt que les pays développés, un phénomène que l’on qualifie de ‘désindustrialisation prématurée’ (Rodrik, 2016). C’est le cas de nombreux pays d’Afrique subsaharienne qui ont connu une baisse de la part de l’industrie manufacturière dans l’emploi et la valeur ajoutée réelle depuis les années 1980. Les données internationales montrent, qu’en l’absence d’un changement structurel durable (forte croissance de la productivité intersectorielle), la croissance intra sectorielle ne suffit pas à générer durablement des emplois de meilleure qualité. Le changement structurel se produit très lentement et ne concerne pas l’industrie manufacturière. Les changements structurels au Niger au cours des 20 dernières années ont été très limités, représentant 12 % de l’augmentation totale de la productivité et ne contribuant que pour 0,25 point de pourcentage à la croissance annuelle de la valeur ajoutée par habitant (Tableau 4). Toutefois, cette contribution est passée de 0,16 % au cours de la première décennie, à 0,4 % au cours de la seconde. Cette contribution provient entièrement du secteur des services, mais en raison de sa taille peu élevée, l’impact sur l’économie globale a été beaucoup plus faible que dans les pays de comparaison (Figure 11). Malgré un niveau de productivité plus élevé que celui de l’agriculture, en raison d’une croissance négative de la productivité dans les services entre 2000 et 2010, la production réelle par travailleur en 2019 dans ce secteur était toujours au même niveau qu’en 2000. Les services ont été importants dans les zones urbaines, où ils représentent 88,3 % des emplois rémunérés et 62,8 % de DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 45 l’ensemble du travail, et ont favorisé un meilleur emploi pour les femmes. Toutefois, dans les zones rurales où réside encore la majorité des Nigériens, l’évolution du travail vers le secteur des services non agricoles (tels que le commerce et les services de transport, sans parler des services financiers et des services aux entreprises) qui a été cruciale à la réduction de la pauvreté dans les pays pairs aspirationnels comme le Rwanda, ne s’est pas produite. Par conséquent, 83,8 % de la population active rurale demeure dans le secteur de l’agriculture, 9,8 % dans les services et 6,5 % dans l’industrie. Tableau 4. Décomposition de la croissance du PIB par travailleur, Niger Contribution annuelle à la croissance (en %) 2000-2019 2000-2009 2010-2019 Valeur ajoutée totale par habitant (1) 1,43 0,46 2,05 =(2)-((5)+(6)+(7)) Productivité (2) = (3) +(4) 2,07 0,70 3,17 Productivité intra-sectorielle (3) 1,82 0,54 2,74 Productivité intersectorielle (4) 16 0,25 0,16 0,41 Taux de participation (5) -0,41 0,14 -1,04 Taux d’emploi (6) -0,04 -0,01 -0,07 Variation démographique (7) -0,19 -0,37 -0,01 Note : 16-incomprehensible. La décomposition est utile, mais il s’agirait de l’expliquer clairement JdM La prédominance de la croissance intra-sectorielle suggère des problèmes plus profonds dans le climat des affaires limitant l’efficacité de l’allocation des ressources dans l’économie. Compte tenu de la faiblesse de la transformation structurelle, les gains de productivité intra-sectorielle ont été le moteur de la croissance de la productivité, tirée par la hausse de la productivité dans les secteurs de l’agriculture et l’industrie. La croissance de la productivité intra-sectorielle a été plus rapide au Niger que dans tout autre pays de comparaison, à l’exception de l’Ouzbékistan (5,2 %) (Figure 11, graphique de gauche). Toutefois, le niveau de la productivité (Figure 12) reste très faible et inférieur à celui des pays de comparaison pour chaque secteur, même dans le secteur agricole où les pairs structurels affichent également une faible performance. Sur une note plus positive, les données montrent que dans les pays riches en ressources naturelles, un taux de changement structurel plus faible n’implique pas nécessairement une croissance globale de la productivité plus faible. Les pays riches en ressources naturelles ont tendance à avoir des industries minières et d’extraction enclavées hautement capitalisées. Les gains de productivité moyens liés au passage d’une personne de l’agriculture vers le l’industrie sont en fait 30 % plus élevés dans les PFR riches en ressources naturelles, que dans les PFR pauvres en ressources naturelles (Eberhard-Ruiz & Pela, 2020). Cela signifie que les pays pauvres, riches en ressources naturelles, peuvent se permettre d’avoir un mouvement plus faible de l’agriculture vers l’industrie sans affecter négativement leur croissance globale de la productivité. 16 Les gains de productivité intersectoriels capturent deux éléments : (1) le déplacement de la main-d’œuvre vers des secteurs à haut niveau de productivité et ; (2) des mouvements intersectoriels de type dynamique, comme le soulignent les graphiques (déplacement des travailleurs vers des secteurs dont les niveaux de productivité augmentent (ou diminuent) (McMillan, Rodrik, & Sepúlveda, 2017). Toutefois, ce second terme seul peut être difficile à interpréter lorsque, par exemple, les réductions de la part de l’emploi s’accompagnent d’une augmentation de la productivité. C’est parce que le terme devient négatif, agissant apparemment comme un frein à la productivité, alors qu’en fait, il pourrait être considéré comme une évolution positive dans des secteurs comme celui de l’agriculture. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 46 Figure 11. Décomposition de la productivité (bandeaux supérieurs) et évolution sectorielle (bandeaux inférieurs) Niger, 2000-2019 agriculture Niger, 2000-2010 industrie NER NER Niger, 2010-2019 Burundi, 2000-2019 prestations Burundi, 2000-2010 de service Burundi, 2010-2019 Burkina Faso, 2000-2019 de construction de construction Burkina Faso, 2000-2010 agriculture Burkina Faso, 2010-2019 industrie Congo, Dem Rep, 2000-2019 Congo, Dem Rep, 2000-2010 prestations Congo, Dem Rep, 2010-2019 de service Rwanda, 2000-2019 Rwanda, 2000-2010 agriculture ambitieux ambitieux Rwanda, 2010-2019 industrie Uzbekistan, 2000-2019 Uzbekistan, 2000-2010 prestations Uzbekistan, 2010-2019 de service -5 0 5 10 -1 0 1 2 3 croissance annualisée de la valeur ajoutée par travailleurin % croissance annualisée de la valeur ajoutée par travailleur en % within-sector across-sector dynamic within-sector across-sector dynamic Source : Job Group JD Standard Code (JDSC) sur la base de WDI Source : Job Group JD Standard Code (JDSC) sur la base de WDI 100 100 part dans la valeur ajoutée totale, en pourcentage 13.5 15.4 17.7 part dans l’emploi total, en pourcentage 80 40.2 80 8.6 44.2 36.8 7.5 7.2 60 60 22.6 19.5 17.1 40 40 77.9 77.1 75.1 20 38.7 38.7 40.3 20 0 0 2000 2010 2019 2000 2010 2019 within-sector across-sector dynamic within-sector across-sector dynamic Source : Job Group JD Standard Code (JDSC) sur la base de WDI Source : Job Group JD Standard Code (JDSC) sur la base de WDI DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 47 Figure 12. Niveaux de productivité (valeur ajoutée par travailleur) econ.-wide agriculture NER industry services econ.-wide de construction agriculture industry services econ.-wide agriculture ambitieux industry services 0 5,000 10,000 15,000 20,000 25,000 valeur ajoutée par travailleur en USD courants, PPA ajustée (2019) Source : Job Group JD Standard Code (JDSC) sur la base de WDI Le faible niveau de productivité par travailleur pourrait cacher un sous-emploi et une sous-utilisation du potentiel productif. Ceci est particulièrement vrai dans l’agriculture où le nombre d’heures travaillées est significativement inférieur à celui des autres secteurs, mais cela peut également être vrai pour de nombreux autres secteurs de l’économie, où même le capital humain et les technologies existantes sont sous-utilisés. Cela peut être lié à la non-disponibilité d’intrants complémentaires (eau, électricité) ou à l’inaccessibilité aux marchés (transports coûteux). Ainsi les quelques ressources disponibles ne sont pas utilisées de manière efficace. Les estimations issues du cadre de décomposition de la croissance révèlent que si la contribution de la productivité totale des facteurs (PTF) au Niger entre 2000 et 2010 à la croissance de la productivité du travail a été négative, elle est aussi le seul facteur expliquant l’accélération après 2010. Le faible niveau de croissance de la PTF et la forte contribution de l’approfondissement du capital sont cohérents avec ce qui s’est passé en ASS et dans d’autres pays à faible revenu, où l’investissement dans les infrastructures publiques a soutenu la croissance de la production et de la productivité après la crise financière mondiale. La faible productivité agricole et la forte croissance démographique freinent le changement structurel et affectent les disponibilités alimentaires. Le diagnostic-pays systémique du Niger de la Banque mondiale suggère que le transfert permanent de la main-d’œuvre d’un secteur agricole relativement improductif, avec des niveaux DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 48 élevés de sous-emploi saisonnier, vers des activités économiques où l’on peut être productif toute l’année, est une source potentielle de croissance. Mais pour soutenir une transition des travailleurs hors du secteur de l’agriculture, la production agricole doit augmenter plus rapidement que la demande de nourriture par tête17. De 2000 à 2018, les rendements céréaliers ont augmenté de 3,8 %. C’est presque exactement le même rythme que la croissance démographique, tandis que le niveau de valeur ajoutée par travailleur agricole demeure bien inférieur à celui des pays de comparaison en raison du manque d’accès aux technologies modernes. Accélérer la productivité agricole et développer et intégrer les marchés alimentaires est crucial pour sauver des vies et améliorer les moyens de subsistance, et constitue une condition préalable à la création de meilleurs emplois grâce au changement structurel (voir le chapitre 3). La productivité agricole au Niger est fortement corrélée à une variable exogène telle que la pluviométrie, qui est sévèrement affectée par les chocs météorologiques avec des conséquences importantes en termes d’accès à la nourriture et de pauvreté, incluant des épisodes fréquents où les ménages perdent leurs actifs (voir le chapitre 5). Les ménages qui ont accès à l’irrigation sont moins exposés aux chocs climatiques, tandis que les autres agriculteurs optent pour des cultures relativement sûres, mais à faible rendement comme le millet et le sorgho (Banque mondiale, 2017). La concurrence pour les pâturages, le réchauffement climatique et l’insécurité peuvent avoir un impact sur la mobilité interne et la répartition de la main-d’œuvre entre les secteurs. Compte tenu du manque d’opportunités dans les villes, la proportion de la population vivant dans les zones urbaines est restée constante pendant plus de 20 ans au faible niveau de 16 % (malgré une hausse de près de deux millions de personnes en valeur absolue). Toutefois, cette situation devrait changer car les conditions de plus en plus difficiles dans les zones rurales pourraient n’offrir que peu d’alternatives à la population rurale, souvent sous-employée (en particulier les jeunes). Selon des estimations prudentes, le taux d’urbanisation devrait s’accélérer au cours des prochaines décennies (pour atteindre 21 % en 2035 et 28 % en 2050). Voir l’Annexe A pour une discussion sur l’impact du changement structurel sur l’urbanisation au Niger. Une telle dynamique créera des défis pour la fourniture de services publics aux personnes vivant dans ces zones . L’évolution de la dynamique de la transhumance, le changement climatique, l’augmentation de la population et la pression sur le bétail provoquent des conflits croissants entre agriculteurs et éleveurs au sujet des ressources naturelles. Les cultivateurs se tournent vers l’élevage, ce qui réduit encore les pâturages disponibles pour le bétail et accroît la pression sur les terres. En outre, la fermeture des frontières dans les régions où les conflits se propagent a limité la dynamique des déplacements pastoraux et a poussé les éleveurs à repenser leur mobilité et leurs zones de pâturage, au risque d’alimenter de nouveaux conflits fonciers locaux. L’expansion des terres agricoles laisse moins d’espace au bétail pour paître, ce qui entraîne un appauvrissement progressif des éleveurs et provoque des conflits entre eux et les autres utilisateurs des terres, en particulier les agriculteurs. De nombreux éleveurs se tournent vers des groupes locaux d’autodéfense pour assurer leurs moyens de subsistance et se protéger des vols de bétail, et comme moyen d’accéder à des positions de pouvoir. 17 En Chine, tant au cours de la période 1991-2017, qu’au cours des trois décennies précédentes de 1961 à 1991, la croissance des rendements céréaliers était presque de deux fois supérieure au taux de croissance de la population. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 49 Une augmentation de la productivité agricole permettrait de stabiliser les prix et la disponibilité des denrées alimentaires, et de soutenir la migration urbaine, à condition de s’attaquer aux goulets d’étranglement de la productivité dans les secteurs formel et informel. La productivité par personne employée dans le secteur de l’agriculture pourrait être augmentée par une utilisation plus étendue du facteur travail en éliminant les goulets d’étranglement dans la structure et l’accessibilité du marché qui empêchent l’utilisation de la capacité productive de la main-d’œuvre (voir le chapitre 3). Cela permettra d’augmenter la production tout en soutenant l’urbanisation et la production non agricole. D’autre part, la création d’emplois salariés formels dans des secteurs susceptibles de générer des gains de productivité généralisés est impératif pour générer des revenus et accumuler une épargne suffisante pour de nouveaux investissements dans la capacité de production du pays. Jusqu’à présent, la petite partie de la main-d’œuvre nigérienne qui a quitté l’agriculture s’est principalement orientée vers les services publics (tels que l’éducation et la santé) et, dans une moindre mesure, vers l’industrie manufacturière et les services de transport qui ont enregistré de faibles améliorations de la productivité (Banque mondiale, 2017) . Ces tendances sont conformes aux enquêtes indiquant que la majorité de la population aspire à un emploi dans le secteur public, même si elle n’a pas bénéficié d’instruction (Banque mondiale, 2021). En 2018, le secteur public et les entreprises d’État représentaient environ un tiers des emplois rémunérés (formels et informels) au niveau national, et quatre emplois rémunérés sur dix dans les zones urbaines (chiffres ne tenant pas compte des emplois indépendants). Malgré leurs niveaux de productivité plus élevés, l’expérience des autres pays (notamment dans la région MENA) montre à quel point l’emploi dépend excessivement d’activités de recherche de rente, comme les services publics et les industries extractives, qui pourrait entraver le potentiel de croissance à long terme, réduire les possibilités de croissance par le secteur privé, décourager l’innovation et exacerber les vulnérabilités budgétaires. L’augmentation de la productivité agricole revêt une importance particulière dans le contexte de l’arrivée du pétrole. La rente pétrolière sera certainement un moteur de la croissance de la demande privée (investissement mais aussi consommation si le contenu local suit) et des recettes fiscales. Si des gains de productivité agricole sont obtenus, la production alimentaire pourra répondre à la demande, évitant ainsi une augmentation des importations. Une réponse adéquate du côté de l’offre est également requise dans les secteurs non échangeables afin de garantir que les efforts de réforme destinés à renforcer la compétitivité de l’économie ne soient pas coupés à la source par l’appréciation réelle du taux de change habituellement observée dans les économies qui connaissent un boom pétrolier. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 50 4. Conclusions Malgré les progrès récents et les politiques axées sur les réformes, l’économie du Niger est aujourd’hui fondamentalement restée la même qu’il y a vingt ans, peu diversifiée, fragile et extrêmement vulnérable aux chocs exogènes. Une métaphore appropriée pour représenter cette situation pourrait être celle d’un athlète essayant de courir aussi vite qu’il le peut, mais ne pouvant avancer puisqu’il court sur un tapis roulant. En ce sens, le Niger est aussi éloigné du ‘mécanisme d’ascenseur’ qu’il peut l’être de la croissance économique associée à l’expansion de l’industrie manufacturière (McMillan, Rodrik et Sepúlveda, 2017) . Deux caractéristiques structurelles restreignent la capacité du Niger à connaître une croissance tirée par l’industrialisation et basée sur l’augmentation des emplois salariés. Premièrement, les pays à un stade précoce de leur transition démographique comme le Niger éprouvent des difficultés particulières à accélérer le processus de changement structurel. Ceteris paribus, les pays avec une population jeune doivent croître plus rapidement pour créer des emplois de meilleure qualité et plus productifs, car leur population active augmente plus vite. Deuxièmement, le Niger reproduit la même expérience que de nombreuses économies dépendantes de leurs ressources naturelles où le changement structurel limité traduit l’abandon du travail agricole indépendant au profit d’un travail indépendant dans des services à faible productivité ayant peu de liens avec le reste de l’économie et produisant ainsi peu de diversification. Dans ce contexte, les gains de productivité du travail au sein des secteurs sont cruciaux. Il est possible de renforcer la croissance en réformant les fondamentaux de l’économie et en supprimant les goulets d’étranglement qui entravent le développement du secteur privé. Cela permettra également à l’économie de mieux se positionner pour profiter pleinement des gains de revenus substantiels provenant des exportations de pétrole, sans mettre en péril sa position budgétaire et externe. La priorité pour les pays riches en ressources et à faible revenu comme le Niger devrait être de continuer à investir dans les compétences (capital humain) et le capital physique (notamment les réseaux numériques et énergétiques) tout en supprimant les goulets d’étranglement réglementaires, notamment l’accès au financement, l’esprit d’entreprise et le développement du secteur privé. Cela permettrait de tirer la main-d’œuvre sous-employée hors du secteur agricole et de créer des conditions favorables pour un plus grand nombre d’emplois rémunérés. Dans le cas du Niger, cela suppose de prendre les mesures nécessaires pour favoriser l’adaptation aux chocs climatiques pour soutenir la productivité agricole, accroître la résilience et réduire la pauvreté, tout en améliorant la gouvernance et les institutions pour garantir également que les recettes provenant des ressources naturelles sont utilisées de manière transparente et profitent à l’ensemble du pays. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 51 CHAPITRE 2 Politiques de croissance des revenus et de réduction de la pauvreté au Niger : Scénarios alternatifs à l’horizon 2050 Ce chapitre explore les conséquences des actions gouvernementales destinées à résoudre les contraintes interdépendantes qui font obstacle à la croissance des revenus, à la création d’emplois et à la réduction de la pauvreté. Comme l’a illustré le chapitre 1, le Niger est confronté à un ensemble de contraintes : faiblesses en matière de capital humain, de gouvernance, de sécurité, d’infrastructures, conséquences du changement climatique, et l’un des taux de fécondité les plus élevés au monde. Ce chapitre se concentre sur les contraintes qui sont principalement de nature domestique : les infrastructures, le capital humain et la fécondité. Ce faisant, l’analyse souligne l’importance d’améliorer la gouvernance. Ce chapitre applique deux modèles économiques pour évaluer la croissance économique du Niger au cours des 30 prochaines années selon différents scénarios démographiques et économiques. Pour augmenter la richesse de l’analyse et la robustesse des résultats, nous avons choisi d’utiliser deux outils économiques différents. Les deux modèles présentés ici sont le modèle de croissance à long terme (LTGM)18 de la Banque mondiale et le modèle d’équilibre général calculable le Sustainable Development Goal Simulations (SDGSIM)19. Le LTGM utilise le modèle de croissance Solow-Swan pour générer différentes simulations de la croissance des revenus, basées sur les différents paramètres de la fonction de production Cobb-Douglas, en particulier la qualité et la quantité des intrants (travail, capital et productivité totale des facteurs). Le SDGSIM est un modèle d’équilibre général calculable (EGC) dynamique récursif conçu pour l’analyse des politiques de développement à moyen et long terme au niveau national. Pour cette analyse, les deux modèles ont été adaptés et calibrés au contexte du Niger avec un nouvel ensemble de données. Une nouvelle matrice de comptabilité sociale (MCS) pour 2019, l’année la plus récente avec des informations suffisamment détaillées, a été construite expressément pour les besoins de ce chapitre et utilisée pour exécuter les simulations sous le modèle SDGSIM. 18 Pour plus d’informations, visiter le site Internet sur le modèle de croissance à long terme de la Banque mondiale : www.worldbank.org/ LTGM 19 Le SDGSIM est documenté en detail dans Lofgren et Cicowiez (2019). Le point de départ de SDGSIM était le modèle MAMS conçu pour l’analyse des stratégies liées à l’agenda des OMD. Voir Lofgren et al. (2013) pour une documentation qui est également pertinente pour le SDGSIM. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 52 Bien que les deux modèles soient calibrés de manière à refléter les tendances et les caractéristiques de l’économie nigérienne, ils sont construits autour de logiques économiques différentes (une logique purement macroéconomique face à une approche micro économique financé par des agents rationnels optimisateurs). Les deux modèles partent d’un scénario de référence, puis illustrent les conséquences sur le bien-être et la croissance d’une série de chocs économiques positifs. Les deux modèles présentent une certaine complémentarité, car le premier modèle n’est composé que de deux secteurs économiques (pétrole et non pétrole) tandis que le second offre une subdivision des secteurs économiques qui permet d’analyser les tendances de changement structurel, tout en intégrant différents scénarios démographiques. De cette façon, ils peuvent fournir un éventail complet de simulations sur différents scénarios économiques, sociaux et démographiques, qu’il aurait été difficile d’obtenir avec un seul modèle. Le chapitre est organisé comme suit : les deux modèles sont présentés dans deux sections distinctes. Dans la première section, après une brève présentation du modèle LTGM, nous commençons par présenter le scénario de référence, puis un ensemble de scénarios politiques alternatifs présentant des réformes dans les principaux moteurs de croissance tels que l’infrastructure, le capital humain et la productivité sont modélisés pour évaluer les effets à long terme sur le revenu, notamment en présentant une estimation du taux de croissance nécessaire pour combler l’écart de développement avec les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure d’ici 205020. La deuxième section présente certains des résultats du modèle SDGSIM, en particulier (i) la façon dont différents scénarios démographiques pourraient avoir un impact sur la pauvreté et le revenu ; (ii) les effets de différents programmes de réformes, combinés à différentes hypothèses sur la manière dont ces réformes pourraient être financées. Compte-tenu de la richesse de l’analyse et de l’originalité de la construction du modèle et de la structure de la MCS, nous avons décidé de présenter l’ensemble des scénarios dans un document de travail séparé associé à ce rapport principal, tandis que plus de détails sur la méthodologie et les résultats sont présentés dans l’Annexe B. 1. Le modèle de croissance à long terme (LTGM) Le LGTM se base sur des hypothèses concernant les fondamentaux de la croissance —moteurs de la croissance—, tels que l’investissement et la productivité, pour générer une trajectoire de croissance économique sur les trois prochaines décennies21. Ce chapitre utilise l’extension des ressources naturelles (NR) du LTGM. Le Niger devrait devenir un grand exportateur de pétrole dans un avenir proche. L’extension NR permet une décomposition de l’économie en secteurs pétroliers et non pétroliers. Cette décomposition est importante 20 L’Annexe B fournit des informations supplémentaires sur le modèle LTGM, des tableaux avec des résultats de simulation complémentaires et un résumé d’une analyse de sensibilité systématique des simulations du corps du texte et de leurs résultats. 21 Le LTGM et ses extensions sont une suite d’outils basés sur Excel pour analyser les scénarios de croissance future à long terme, en s’appuyant sur le célèbre modèle de croissance Solow-Swan (1956). Les outils sont conçus pour être simples, transparents, et pour avoir de faibles exigences en matière de données. Le LTGM et ses extensions sont conçus pour des exercices de simulation à long terme sur les 5 à 30 prochaines années, mais pas pour des prévisions à court terme. Les modèles ne fonctionnent qu’à une fréquence annuelle, n’incluent pas de demande keynésienne et sont trop simples pour capturer la multitude de chocs sur la croissance à court terme. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 53 dans la mesure où la dynamique de la croissance est très hétérogène entre ces deux secteurs. Le secteur non pétrolier prend pour hypothèse les moteurs de croissance dit « standard », tels que la productivité totale des facteurs (PTF), le capital humain, l’investissement et la démographie (croissance de la population, structure par âge et participation de la population active). Par ailleurs, en plus des moteurs « standard », la croissance du secteur pétrolier dépend du niveau des réserves pétrolifères prouvées et, et donc du profil des découvertes et des extractions de pétrole22. 1.1. Scénario de référence pour les affaires courantes (business-as-usual) 1.1.1. Tendances récentes au Niger et hypothèses de référence On trouvera ci-dessous une brève discussion des tendances économiques-clés au Niger et de la manière dont elles sont extrapolées jusqu’en 2050 dans les simulations LTGM. Premièrement, les investissements étaient faibles dans les années 1990, mais ils ont fortement augmenté depuis 2000. Le taux d’investissement moyen au Niger est passé de 10 % du PIB dans les années 1990 à 23 % au cours de la période 2000-2017. Cette évolution de l’investissement a été principalement portée par l’investissement privé, parti d’un niveau très bas dans les années 1990 à une moyenne de 15 % du PIB au cours de la période 2000-2017 (voir en Annexe Figure 8). D’autre part, l’investissement public a suivi une tendance à la hausse régulière depuis 2000, atteignant 12 % du PIB en 2016 (voir Annexe Figure 9). Le scénario de référence suppose, qu’après une certaine volatilité à court terme, les investissements privés et publics se stabiliseront, respectivement, à 15 et 10 % du PIB. Deuxièmement, la croissance de la productivité a été très volatile mais elle s’est accélérée depuis 2000, tandis que le capital humain a progressé à un rythme modéré, mais à partir d’une base faible. Mesurée par la PTF, la croissance moyenne de la productivité s’est accélérée, passant de 0,5 % dans les années 1990 à 1 % au cours de la période 2000-2019 (voir Annexe Figure 10)23. Le capital humain, qui pour le LTGM est mesuré sur la base du nombre moyen d’années de scolarité, a été plus stable, avec une croissance moyenne de 0,5 % depuis 1990. Toutefois, le Niger affiche toujours l’un des taux de scolarisation les plus faibles du monde (voir Figure 11 Annexe). Sur la base de ces tendances, le scénario de référence suppose que la PTF non pétrolière et le capital humain augmenteront, respectivement, de 1 et 0,5 % de 2024 à 2050. 22 Par exemple, Pour produire du pétrole, un pays a besoin de technologie, de capital physique et de réserves de pétrole brut. Au fur et à mesure que les réserves se raréfient par l’extraction, il faut davantage de capital et de technologie pour produire un baril de pétrole, les entreprises étant obligées de forer plus loin sous terre ou dans des endroits moins accessibles. La fonction de production s’inspire des travaux de Arezki et al. (2017) et Hansen & Gross (2018). 23 Rappelons que comme la PTF est calculée comme un résidu (croissance moins accumulation de facteurs), elle oscille avec le cycle économique et est très volatile. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 54 Troisièmement, le Niger a une croissance démographique exceptionnellement élevée et la part de la population en âge de travailler la plus faible des pays à faible revenu (PFR) et des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. La croissance démographique a été très élevée au début des années 1990 et a continué à s’accélérer jusqu’à ce qu’elle se stabilise à un peu moins de 4 % après 2010 (voir Annexe Figure 12). Par ailleurs, la population en âge de travailler (part de la population âgée de 15 à 64 ans) est restée stable, juste en dessous de 50 %, depuis les années 1990. En 2019, le Niger avait la population en âge de travailler la plus faible parmi les PFR et les PRII (voir Annexe Figure 13 et Annexe Figure 14). La simulation du scénario de référence intègre les prévisions de l’Organisation internationale du travail (OIT) des Nations unies. L’ONU prévoit, qu’entre 2020 et 2050, la croissance démographique du Niger ralentira à 3 % et que la part de la population en âge de travailler atteindra 55 %24. Quatrièmement, la participation à la population active a diminué au cours de la dernière décennie. Le taux de participation à la population active est resté stable à 80 % (environ 90 % et 70 % pour les femmes) jusqu’en 2011, après quoi il est tombé à 73 % et est resté stable depuis 2014 (voir Appendix Figure 15). Malgré cette baisse récente, le taux d’activité du Niger est relativement élevé par rapport aux pays pairs régionaux et aux pays à faible revenu, comme le Nigeria, le Mali et, plus généralement, la moyenne de l’Afrique subsaharienne. Le scénario de référence suppose que le taux de participation reste constant à 73 % jusqu’en 2050. Le Niger a un ratio capital-production élevé et des réserves de pétrole estimées à deux milliards de barils. Le ratio capital/production initial dans le scénario de référence est fixé à 4 pour correspondre à l’estimation pour le Niger en 2019 (Penn World Table 10 -PWT10)25. Cette valeur est inhabituellement élevée pour les pays à faible revenu et conduit à une faible efficacité initiale de l’investissement (voir Appendix Figure 16). Par ailleurs, le scénario de référence suppose que les réserves de pétrole s’élèvent à deux milliards de barils en 2020 et qu’il n’y aura pas de nouvelles découvertes avant 2050. Il s’agit d’une hypothèse prudente basée sur les données de la China National Petroleum Corporation (CNPC). La CNPC estime qu’il y a un milliard de barils dans le bloc d’Agadem et, au moins, un autre milliard de barils dans le bloc de Tenere. Les simulations alternatives avec des hypothèses plus optimistes sur les découvertes futures ont un faible impact sur la croissance globale (voir l’Annexe B). 1.1.2. L’oléoduc d’exportation Niger-Bénin et les projections du scenario de référence de la production pétrolière Avec la finalisation de l’oléoduc d’exportation, la production de pétrole devrait passer de 15 000 à environ 100 000 barils par jour (b/j) d’ici 2024. Actuellement, la production de pétrole au Niger est contrainte par une capacité limitée de transport du pétrole brut des champs pétrolifères vers la côte. L’oléoduc d’exportation Niger- Bénin, construit par la CNPC, portera la capacité d’exportation de pétrole brut du Niger à 180 000 b/j. Selon les experts, l’oléoduc d’exportation deviendrait pleinement opérationnel en 2023, et la production de pétrole devrait passer de 15 000 b/j actuellement à 100 000 b/j en 2024 (FMI 2019). 24 Plus précisément, nous utilisons l’estimation de la variante haute de la croissance démographique pour le Niger de 2020 à 2050 fournie par le World Population Prospects, 2019, de l’ONU. 25 Dans le LTGM, les variables de stock sont généralement fixées aux données les plus récemment observées plutôt qu’à la tendance historique. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 55 La production de pétrole devrait atteindre un plateau à 120 000 b/j, mais commencer à décliner au milieu des années 2030. Le LTGM-NR prévoit que l’industrie pétrolière continuera de croître jusqu’à ce que la production atteigne 120 000 b/j, et se maintiendra à ce plateau jusqu’au milieu des années 2030 (Figure 13). La production de pétrole devrait ensuite diminuer lentement, pour atteindre 80 000 b/j en 2050. Ce déclin de la production est en partie dû à l’épuisement des réserves de pétrole qui devraient diminuer de moitié d’ici à 2050 (Figure 16) . Par ailleurs, les investissements dans le secteur pétrolier seront en nette diminution après 2030 (Figure 15). L’épuisement des réserves réduit la production en soi et décourage les investissements dans le secteur, renforçant ainsi la contraction initiale. En raison de la baisse de la production, les revenus supplémentaires générés dans le secteur pétrolier ne sont pas durables à long terme. Avant l’achèvement de l’oléoduc d’exportation, le secteur pétrolier reste modeste, ne représentant que 2 % du PIB en 2022. Avec le boom prévu pour 2023-2024, le secteur pétrolier passe à 12 % du PIB (Figure 15). En termes par habitant, les revenus pétroliers passent de 13 à 84 dollars (prix de 2010), représentant environ 15 % du PIB par habitant de 2020. Toutefois, ce revenu supplémentaire n’est pas durable, puisqu’il tombe lentement à 25 dollars É.-U. en 2050. Bien que le choc pétrolier ne soit pas susceptible de stimuler la croissance à long terme en soi, il offre au Niger une opportunité de développement unique. Comme nous l’expliquons ci-dessous, les recettes budgétaires générées par le boom pétrolier peuvent être utilisées pour soutenir des réformes macroéconomiques-clés ayant un potentiel substantiel pour générer une croissance soutenue. Figure 13. Production de pétrole de référence, Figure 14. Réserves de pétrole de référence, en barils par jour en milliards de barils DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 56 Figure 15. Investissement de référence, en Figure 16. Revenu pétrolier de référence pourcentage du PIB Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale 1.1.3. Projections du scénario de référence de la croissance du PIB pour le Niger Le scénario de référence pour les affaires courantes “business-as-usual” mesure le potentiel de croissance de l’économie en l’absence de chocs ou de réformes économiques futurs. La première contribution de ce chapitre est de simuler la future trajectoire de croissance économique du Niger, en supposant que les tendances historiques récentes se poursuivent —c’est-à-dire le scénario de référence “business-as-usual”. La simulation se déroule annuellement de 2024 à 2050. La période précédente, 2020-2023, n’est pas simulée, et le modèle prend comme entrées les prévisions officielles pour 2020-2023 (voir Banque mondiale 2021). En effet, le LTGM n’est pas adapté pour tenir compte de la volatilité à court terme induite en 2020-2023 par la pandémie de COVID-19 et l’achèvement de l’oléoduc d’exportation Niger-Bénin26. L’une des principales hypothèses de la simulation du scénario de de référence est que les tendances récentes des moteurs de la croissance se poursuivront jusqu’en 2050. Le LTGM prévoit que la croissance tendancielle du PIB du Niger se stabilisera autour de 4 % à moyen terme (2026-2029), avec une tendance à la hausse à 5,5 % à long terme (2030-2050). Après l’atténuation des effets de la crise sanitaire de la COVID-19 et du boom pétrolier, l’économie nigérienne reviendra à sa tendance potentielle. En 2026, la croissance du PIB devrait s’établir à 4,3 %, puis s’accélérer progressivement au fil des ans jusqu’à atteindre 5,4 % en 2050 (Figure 17). 26 Le LTGM est conçu pour analyser les tendances à long terme du potentiel de production de l’économie mais ne convient pas pour les prévisions à court terme. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 57 Toutefois, en raison de la forte croissance démographique, la croissance du PIB par habitant devrait être lente à moyen terme, surtout si on la compare à celle des pays pairs. La croissance démographique réduit drastiquement la croissance moyenne du PIB par habitant à 0,5 % à moyen terme. Ce taux de croissance est comparable au 25ème centile le plus bas de la distribution de la croissance dans les PFR et les PRII au cours de la dernière décennie (Figure 18). En conséquence, le PIB réel par habitant n’augmenterait que de 14 dollars É.-U. en quatre ans, passant de 698 dollars É.-U. en 2025 à 712 dollars É.-U. en 2029. Néanmoins, la croissance du PIB par habitant du Niger devrait très nettement s’accélérer à plus long terme. L’accélération est progressive, la croissance moyenne du PIB par habitant passant à 1 % dans les années 2030, puis à 2 % dans les années 2040. Cette poussée de croissance n’est pas anodine. Un taux de croissance de 2 % se situe au-dessus du 75ème (95ème) centile de la distribution de la croissance dans les PFR et les PFR-PRII (Afrique subsaharienne) au cours de la dernière décennie (Figure 18). Toutefois, la trajectoire du PIB par habitant n’est toujours pas satisfaisante, puisqu’il restera inférieur à 1000 dollars É.-U. d’ici 2050 (Figure 17). Figure 17. Croissance du PIB de référence au Niger, Figure 18. Répartition de la croissance du PIB par habitant taux de croissance annuel, en pourcentage dans les PFR et PRII, moyenne sur 2009-2019 Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale, basées Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale, basées sur le LTGM. sur le WDI. 1.2. Décomposition de la croissance du PIB par habitant du scénario de référence Une décomposition du PIB par habitant permet de mieux comprendre les sources de la faible croissance et de l’accélération consécutive (Figure 19). Le taux de croissance moyen du PIB par habitant passe de 4,5 % à court terme à 0,5 % à moyen terme. À moyen terme, le principal moteur du ralentissement est la normalisation du taux d’investissement, qui converge d’un sommet historique en 2021-2025 vers sa tendance à long terme de 25 % du PIB. Le secteur pétrolier est relativement plus touché par la baisse de l’investissement. La contribution de l’investissement pétrolier à la croissance à moyen terme tombe à 0,6 point de pourcentage (contre 4,2 à court terme), tandis que la contribution de l’investissement non pétrolier tombe à 1 % (contre 1,6 %). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 58 À moyen terme, la démographie est le principal obstacle à la croissance du PIB par habitant. La croissance démographique réduit la croissance moyenne du PIB par habitant de 2,1 points de pourcentage à moyen terme. Bien qu’une population plus élevée augmente la main-d’œuvre —et donc le PIB total— en raison de rendements marginaux décroissants du travail, chaque travailleur supplémentaire génère une augmentation plus faible de la production (les autres facteurs de production restant constants). Dans ce cas, la croissance du PIB par habitant ralentit avec la croissance démographique. Dans un scénario contrefactuel sans croissance démographique, le PIB par habitant augmenterait de 2,6 % en moyenne en 2026-202927. À long terme, la croissance s’accélère en raison d’une réorientation de l’économie vers le secteur non pétrolier et d’une amélioration des tendances démographiques. Un facteur-clé pour expliquer l’accélération de la croissance du PIB par habitant est la réaffectation du capital physique hors du secteur pétrolier. L’épuisement des réserves de pétrole et le déficit de gains de productivité ont conduit l’investissement dans le secteur pétrolier à s’effondrer pour devenir quasiment nul à long terme. Ainsi, l’investissement dans le secteur non pétrolier passe de 20 % du PIB à court terme à 25 % à long terme (Figure 15). De plus, en raison des gains de productivité substantiels dans le secteur non pétrolier —principalement grâce à la PTF mais aussi au capital humain—l’efficacité de l’investissement (c’est-à-dire le produit marginal du capital) augmente avec le temps. En conséquence, la contribution des investissements non pétroliers à la croissance s’accélère, passant de 1 point de pourcentage à moyen terme à 1,7 dans les années 2030 et à 2,2 dans les années 2040. En termes de démographie, la croissance de la population diminue, atténuant l’impact négatif sur la croissance par habitant à -1,6 point de pourcentage. Finalement, le Niger commence à percevoir des dividendes démographiques modestes mais positifs, puisque la population en âge de travailler passe de 47 à 54 %, contribuant ainsi à 0,3 point de pourcentage de la croissance dans les années 2040. Figure 19. Décomposition de la croissance du PIB par habitant de référence, 2021-2050 Points de pourcentage de croissance dus à chaque moteur de croissance Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale, basées sur le LTGM. 27 Le ralentissement de la croissance à moyen terme est également lié à la plus forte participation du secteur pétrolier dans l’économie. Premièrement, en raison de l’épuisement des réserves et du manque de gains de productivité (PTF et capital humain), le secteur pétrolier ne génère pas de croissance durable. Deuxièmement, comme la part du secteur non pétrolier dans le PIB total diminue, les gains de capital humain et de PTF s’appliquent à une base plus faible, ayant un effet moindre sur la croissance globale. La même logique s’applique à la démographie. Le secteur non pétrolier étant plus intensif en main-d’œuvre, une augmentation de la main-d’œuvre (induite par la croissance démographique) a un impact moindre sur la croissance lorsque la part du secteur non pétrolier dans le PIB total est plus faible. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 59 1.3. Réformes des moteurs de croissance individuels : croissance de la PTF non pétrolière, capital humain, investissement. Malgré l’augmentation des revenus pétroliers, le PIB du scénario de référence par habitant devrait rester inférieur à 1000 dollars É.-U. d’ici 2050, limitant le développement social et économique du Niger. En réponse à ces perspectives difficiles, cette section fournit un guide aux décideurs politiques pour évaluer les options permettant de stimuler la croissance au Niger. Ces réformes impliqueraient des améliorations substantielles dans des domaines essentiels tels que l’éducation, les infrastructures et l’efficacité des marchés. La mise en œuvre de ces réformes n’est pas une tâche triviale et nécessiterait non seulement une capacité institutionnelle élevée et une stabilité politique, mais aussi des ressources financières substantielles (en raison des besoins en investissements publics, des modifications des politiques fiscales et des subventions, etc.). Dans ce contexte, la manne pétrolière représente pour le Niger un défi pour éviter la « malédiction des ressources », mais aussi une grande opportunité pour mettre en œuvre les réformes nécessaires. Comme nous l’avons vu au chapitre 4, le boom pétrolier devrait générer des recettes fiscales supplémentaires de 3 à 4 % du PIB pendant plus d’une décennie. Cette manne ne devrait pas conduire à une mauvaise gestion budgétaire, à des distorsions économiques ou à la corruption politique, mais plutôt à fournir une réserve pour les besoins financiers associés à la mise en œuvre des réformes économiques discutées ci-dessous. Plus précisément, cette section analyse comment le Niger pourrait accroître son potentiel de croissance grâce à des réformes visant à stimuler chaque moteur de croissance. Une croissance faible du PIB par habitant de référence limiterait les développements sociaux et économiques au Niger. En termes de réforme, l’objectif pour chaque moteur de croissance est basé sur des pays pairs régionaux ou de revenu. L’effet de chaque réforme sur la croissance dépendra (i) de la sensibilité de la croissance nigérienne au moteur de croissance spécifique ; et (ii) du retard du Niger par rapport aux pays pairs. Plus précisément, la section analyse les réformes de trois moteurs de croissance : (A) la croissance de la PTF hors pétrole ; (B) la croissance du capital humain ; et (C) l’investissement (privé et public). Elle considère deux variantes de réformes —modérée et ambitieuse— pour chaque moteur de (A) à (C). En général, une réforme modérée (ambitieuse) fait passer un moteur au centile 75ème (90ème) de la distribution dans les PFR et les PRII. Cette section se concentre sur le moyen terme (2026- 2029) et le long terme (2030-2050). Le Tableau 5 résume les principales hypothèses des scénarios de base et de réformes (Panel A), ainsi que les résultats en matière de niveau et de croissance du PIB (Panel B). Pour de plus amples détails, se référer aux Annexe Figure 18 et Annexe Tableau 2. Une réforme modérée qui fait passer la croissance de la PTF non pétrolière de 1 à 2 % stimulerait la croissance du PIB par habitant de 1,2 point de pourcentage en moyenne jusqu’en 2050 (Figure 21). Les réformes de la PTF pourraient être induites par des changements de politique en matière d’innovation, d’éducation, d’efficience du marché, d’infrastructures et d’institutions (voir Kim et Loayza 2019). Le scénario de réformes modérées suppose que la croissance de la PTF non pétrolière s’accélère pour atteindre 2 % d’ici 2030, ce qui correspond au 75ème centile de la distribution de la croissance de la PTF dans les PFR et les PRII sur la période 2000-2019 (Figure 20). En termes d’impact, une augmentation d’un point de pourcentage de la croissance de la PTF non pétrolière accroît le PIB non pétrolier d’exactement 1 %. L’effet sur la croissance globale augmente avec le temps, à mesure que le DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 60 Tableau 5. Résumé des simulations LTGM dans les scénarios de référence et de réformes Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale, basées sur le LTGM calibré pour le Niger. * Toutes les réformes sont introduites progressivement au cour de la période 2025-2030. **L’Afrique subsaharienne exclut les Seychelles et l’Île Maurice. Le niveau du PIB en 2050 pour les pays pairs sont calculés en supposant que la croissance du PIB en 2021-2050 est égale à la croissance moyenne en 2000-2019. secteur non pétrolier se développe. En outre, une PTF plus élevée entraîne (i) davantage d’investissements, dont on suppose qu’il représente une part fixe du revenu ; et (ii) de meilleurs investissements, la PTF augmentant le produit marginal du capital. En conséquence, la croissance différentielle générée par la réforme atteint 1,5 % en moyenne dans les années 2040. Dans ce scénario, la croissance du PIB par habitant atteint 4 % en 2050 (contre 2,3 % dans le scénario de référence). Une réforme ambitieuse qui porterait la croissance de la PTF non pétrolière à 3 % stimulerait la croissance du PIB par habitant de 2,4 points de pourcentage en moyenne jusqu’en 2050 (Figure 21). Cette réforme ambitieuse repose sur un scénario très optimiste dans lequel la croissance de la PTF non pétrolière s’accélère pour atteindre 3 % en 2030, soit le 90ème centile de la distribution dans les PFR et les PRII. Une croissance à un tel taux pendant de nombreuses années nécessite non seulement de profondes réformes pro-marché, mais également un processus continu de transformation structurelle et d’urbanisation. Dans ce scénario, la croissance moyenne du PIB par habitant atteindrait 4,8 % dans les années 2040, et 5,8 % en 2050. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 61 Figure 20. Répartition de la croissance de la PTF dans Figure 21. Les effets des réformes de la PTF non les PFR et les PRII. pétrolière sur la croissance du PIB par habitant, Moyenne de la croissance de la PTF, 2000-2019 taux de croissance annuel, en %. Source : Penn World Table 10. Suppression des valeurs aberrantes Source: Estimations du personnel de la Banque mondiale, basées : Tadjikistan et l’Arménie. sur le LTGM. Une réforme modérée destinée à augmenter la scolarisation au Niger peut faire passer la croissance du capital humain à 1,5 % d’ici 2030. Les pays peuvent accélérer la croissance du capital humain en augmentant le nombre moyen des années de scolarité de leur population (Banque mondiale, 2019). Une comparaison avec les pays pairs suggère qu’il y a un potentiel significatif pour accélérer la croissance du capital humain au Niger grâce à des réformes ciblant la scolarisation. En 2019, la population adulte du Niger avait en moyenne 1,5 année de scolarité (PWT10), l’un des taux les plus faibles de scolarisation au monde. D’autant plus qu’il est relativement facile d’augmenter rapidement la scolarisation à partir d’une base faible (Figure 22). Par exemple, les pays ayant moins de quatre années de scolarité en 1979 ou en 1999 ont connu une croissance du capital humain allant de zéro à 3 % au cours des 20 années suivantes (1979-1999 ou 1999-2019). Parallèlement, les pays ayant plus de dix ans de scolarité ont enregistré une croissance moyenne du capital humain inférieure à 1 % au cours des mêmes périodes. De ce fait, le scénario suppose qu’une réforme modérée de l’éducation en 2021 atteindrait son plein effet en 2050, portant le taux de scolarisation moyen à 7 ans. Le Niger se situerait alors au 75ème centile de la répartition de la croissance du capital humain dans les pays où la durée moyenne de scolarisation est inférieure à quatre ans. Une réforme modérée du capital humain stimulerait la croissance du PIB par habitant de +0,6 point de pourcentage en moyenne jusqu’en 2050. Le capital humain accroît l’efficience de la main-d’œuvre dans le processus de production, augmentant la production par unité de travail. Quantitativement, un point de pourcentage supplémentaire de croissance du capital humain génère, en termes d’impact, +0,5 point de pourcentage supplémentaire de croissance du PIB non pétrolier (où β=0,5 est l’intensité de travail de la technologie de production). L’impact sur la croissance du PIB total par habitant s’amplifie au fil du temps car (i) le secteur non pétrolier se développe ; et (ii) un capital humain plus élevé entraîne des investissements plus nombreux et plus efficaces. Par conséquent, la réforme modérée de l’éducation ferait passer la croissance à 3,2 % en 2050, soit une augmentation de 0,9 point de pourcentage comparé au scénario de référence (Figure 22). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 62 Une réforme ambitieuse qui porte la croissance du capital humain à 2,5 % d’ici 2030 augmenterait la croissance du PIB par habitant de +1,2 point de pourcentage en moyenne jusqu’en 2050. On considère également qu’une réforme très ambitieuse fait passer le Niger au 95ème centile de la distribution de la croissance du capital humain des pays ayant moins de quatre années de scolarité. Cette réforme ambitieuse aurait un effet beaucoup plus important sur l’économie, faisant passer la croissance du PIB par habitant à 4,1 % d’ici 2050, soit une augmentation de 1,8 point de pourcentage comparé au scénario de référence (Figure 23). Figure 22. La croissance du capital humain est plus Figure 23. Effets des réformes du capital humain sur rapide dans les pays à faible taux de scolarisation la croissance du PIB par habitant, taux de croissance annuel, en %. Notes : Suppression de trois valeurs aberrantes. Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale, basées Années de scolarisation antérieures à la moyenne des 20 ans. sur le LTGM. Périodes pour les échantillons : 1979-1999 et 1999-2019. Source : Penn World Table 10 Des réformes modérées axées sur le secteur privé pourraient faire passer le taux d’investissement du Niger de 25 à 30 % du PIB, tandis que des réformes ambitieuses impliquant également le secteur public, pourraient faire passer le taux d’investissement à 32 % du PIB. Le Niger dispose d’un large éventail de réformes économiques disponibles pour renforcer l’investissement privé et public. Du côté du secteur privé, les réformes pourraient élargir l’accès au financement et aux infrastructures, réduire les réglementations lourdes, promouvoir l’esprit d’entreprise et le développement des compétences. Du côté du secteur public, les réformes budgétaires pourraient améliorer la mobilisation des recettes et privilégier les dépenses d’investissement par rapport à la consommation. Le scénario modéré suppose que les réformes amèneraient le taux d’investissement privé au Niger au 90ème centile de la distribution des PFR et des PRII (Figure 24). Cela conduirait à une augmentation de l’investissement privé de 15 à 20 % du PIB. Le scénario ambitieux suppose que, en plus des réformes du secteur privé, l’investissement public passerait de 10 à 12 % du PIB, ce qui est le taux le plus élevé parmi les pays à faible revenu (voir le Panel D, Annexe Figure 17). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 63 Des réformes modérées de l’investissement pourraient stimuler la croissance du PIB par habitant de +0,4 point de pourcentage en moyenne jusqu’en 2050. La relance simulée de l’investissement a un fort impact sur la croissance dans les premières années (+0,6 point de pourcentage en moyenne dans les années 2030), mais cet effet s’estompe au fil du temps. En l’absence de réformes complémentaires visant à améliorer la productivité, l’efficience de l’investissement diminue fortement à la fin de la période considérée, en raison de la baisse du produit marginal du capital et de l’augmentation des pertes dues à la dépréciation du capital. En conséquence, la croissance moyenne supplémentaire générée par les réformes tombe à +0,4 dans les années 2040. Les réformes ambitieuses donnent un petit coup de pouce supplémentaire à l’investissement, mais celui- ci s’affaiblit également au fil du temps. Ces simulations soulignent que l’investissement seul ne permet pas d’obtenir une croissance durable à long terme. Figure 24. Répartition de l’investissement privé dans Figure 25. Effets des réformes sur l’investissement sur les PFR et les PRII, moyenne sur 2000-2019 la croissance du PIB par habitant, taux de croissance annuel, en %. Source : Ensemble de données sur l’investissement et le stock de Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale, basées capital, FMI - Département des affaires budgétaires. sur le LTGM. 1.4. Des scénarios de réformes Des réformes portant sur des facteurs individuels stimuleraient considérablement la croissance, mais une combinaison de réformes bénéficierait de la complémentarité et aboutirait à la trajectoire de croissance la plus forte28. Cette sous-section examine des ensembles de réformes qui augmentent simultanément (A) la PTF hors pétrole, (B) le capital humain et (C) l’investissement. Les réformes sont analogues à celles discutées individuellement dans la sous-section ‎1.3. En particulier, le scénario de réformes modérées repose sur l’augmentation de (A) et de (B) aux 75ème centiles de la distribution dans les PFR et les PRII, et (C) au 90ème centile. Le scénario de réformes ambitieuses augmente tous les moteurs de croissance de (A) à (C) jusqu’au 90ème centile ou le plus élevé (Annexe Figure 18). 28 Un exemple est la complémentarité entre la PTF et l’investissement. Les réformes de l’investissement bénéficient grandement d’une croissance plus élevée de la PTF hors pétrole, car elle augmente le produit marginal du capital, empêchant l’efficience de l’investissement de diminuer trop fortement au fil du temps. Inversement, les réformes de la PTF non pétrolière bénéficient également d’une hausse de l’investissement, car la productivité plus élevée s’applique à une base plus large (stock de capital). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 64 Un scénario de réformes modérées stimulerait la croissance du PIB par habitant de 2,3 points de pourcentage en moyenne jusqu’en 2050. Lorsque l’ensemble des réformes modérées deviendra pleinement effectif en 2030, la croissance du PIB par habitant atteindra 2,6 %, soit une augmentation de 2 points de pourcentage comparé au scénario de référence (Figure 25). Cette croissance additionnelle augmenterait ensuite avec le temps, pour atteindre 2,4 points de pourcentage en moyenne dans les années 2030, et 2,8 dans les années 2040. Une décomposition de la croissance montre que les réformes de l’investissement privé génèrent une croissance supplémentaire significative à moyen terme, mais qu’elle s’estompe au fil du temps (comme pour les réformes individuelles de l’investissement) (voir le Panel A de la Figure 28). À long terme, la croissance supplémentaire est principalement due aux réformes de la PTF non pétrolière et du capital humain. À elles deux, elles représentent 2,4 des 2,8 points de pourcentage de croissance additionnelle dans les années 2040. En outre, les effets du scénario de réformes se répercutent presque entièrement sur le secteur non pétrolier et n’ont que de faibles retombées sur l’économie pétrolière. Dans le cadre du scénario de réformes ambitieuses, les réformes se renforceraient mutuellement, plaçant ainsi le Niger sur la trajectoire de croissance la plus forte et stimulant la croissance du PIB par habitant de 4,5 points de pourcentage en moyenne jusqu’en 2050. Lorsque l’ensemble des réformes ambitieuses deviendra pleinement effectif en 2030, la croissance du PIB par habitant atteindra 4,3 %, soit une augmentation de 3,7 points de pourcentage comparé au scénario de référence (Figure 26). Cette croissance additionnelle atteindra 4,5 points de pourcentage en moyenne dans les années 2030, et 5,5 dans les années 2040. Les réformes ambitieuses sont suffisamment fortes pour générer une complémentarité substantielle, la croissance additionnelle du scénario de réformes ambitieuses étant sensiblement plus importante que la somme des réformes individuelles. Comme pour les réformes modérées, une décomposition de la croissance montre que les réformes de l’investissement perdent de leur élan (mais moins fortement que celui des réformes individuelles de l’investissement), et que seules les réformes de la PTF et du capital humain peuvent produire une croissance additionnelle durable à long terme. Enfin, les réformes ambitieuses auraient un effet négatif net sur le secteur pétrolier, en raison d’une réaffectation des investissements vers le secteur non pétrolier, plus prospère. Figure 26. Effets des scénarios de réformes sur la Figure 27. Effets des scénarios de réformes sur le PIB croissance du PIB par habitant, taux de croissance par habitant. Dollars É.-U. TCER 2010 annuel, en %. Source : Ensemble de données sur l’investissement et le stock de Source : Ensemble de données sur l’investissement et le stock de capital, FMI - Département des affaires budgétaires. capital, FMI - Département des affaires budgétaires. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 65 Figure 28. Décomposition de la croissance additionnelle, en point de pourcentage de croissance supplémentaire due à chaque réforme A. Réformes modérées B. Réformes ambitieuses Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale basées sur le LTGM. 1.5. Prospectives de convergence des revenus Comme simulation finale, le modèle LGTM a été utilisé pour calculer le taux de croissance moyen nécessaire pour que le Niger rattrape en 2050 le PIB par habitant du groupe des pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure, en supposant que ce groupe de pays connaîtra le même taux de croissance que celui observé entre les années 2000 et 2019 (2,7 %). Le PIB par habitant du Niger devrait croître de 9 % jusqu’en 2050 pour rattraper un niveau de PIB par habitant de 5337 dollars É.-U. En revanche, si la croissance du Niger suit la tendance observée dans le scénario de référence, la convergence ne devrait se produire qu’en 2170. Les réformes incluses dans le scénario de réformes ambitieuses soutiendront judicieusement la convergence des revenus, réduisant le temps nécessaire à une convergence complète de 110 ans, jusqu’en 2060. Si les réformes du scénario de réformes modérées sont mises en œuvre, l’économie du Niger devra encore attendre jusqu’en 2080 pour un rattrapage complet. Tableau 6. Combler l’écart avec les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (PRII) d’aujourd’hui PIB/ha. en 2050 Croissance moyenne du Année à laquelle le PIB/ PIB/ha sur 2026-2050 ha atteindra 5337$É.-U.* Niveau Écart avec les PFR En % Écart avec les PFR A. Rattrapage PFR 5,337 9.05% 2050 B. Baseline 976 4,361 1.4% 7.6% 2170 C. Moderate reforms 1,720 3,617 3.7% 5.3% 2080 D. Ambitious reforms 2,888 2,449 5.9% 3.1% 2060 * Calculée en supposant que la croissance moyenne en 2026-2050 se poursuit indéfiniment. Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 66 Figure 29. Combler l’écart avec les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure d’aujourd’hui Panel A. PIB par habitant dans les PRII ; taux de Panel B. PIB par habitant simulé : PRII comparé au croissance annuel moyen sur 2000-2019 (axe des scénario de référence et aux scenarios des réformes ordonnées) comparé au niveau du PIB par habitant du Niger ; dollars É.-U. TCER 2010 (axe des abscisses). Source : Données Banque mondiale Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale 2. Modèle de simulation des objectifs de développement durable (ODD) 2.1. Résultats pour différents scénarios démographiques Le modèle SDGSIM est un modèle d’équilibre général calculable (EGC) conçu pour l’analyse des politiques de développement à moyen et long terme au niveau national, en mettant l’accent sur l’agenda des ODD et le changement structurel. Techniquement, le modèle est constitué d’un ensemble d’équations linéaires et non linéaires simultanées. Il s’applique à l’ensemble de l’économie, offrant une vision complète et cohérente de l’économie, y compris les liens entre les secteurs de production désagrégés et les revenus qu’ils génèrent, les ménages, l’État (ses politiques budgétaires et fiscales) et la balance des paiements. Il s’agit d’un outil approprié pour analyser les questions de changement structurel (comme celles auxquelles est confrontée l’économie nigérienne), étant donné qu’il capture de manière intégrée le bien-être des ménages, les questions budgétaires et les différences entre les secteurs en termes de préférences des ménages, d’intensité du travail, d’accumulation de capital, de changement technologique et de liens entre le commerce international et l’économie nationale, d’une manière intégrée. Les simulations consistent en un scénario de référence et un ensemble de scénarios contrefactuels sur la période 2021-2050. Les simulations du SDGISM analysent l’impact sur la croissance d’une réduction de l’indice synthétique de fécondité (ISF), d’une amélioration progressive du niveau d’éducation de la population active et d’investissements dans les infrastructures destinés à accroître la productivité des facteurs dans des secteurs DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 67 ciblés. En outre, il permet de comparer les résultats des différents scénarios sur le bien-être des ménages, la pauvreté, le marché du travail, les différents secteurs et la balance commerciale. Les hypothèses détaillées pour le scénario de référence et des divers scénarios de réformes, ainsi que les résultats des simulations sont présentés dans un document de travail distinct. Dans ce chapitre, nous nous concentrerons plutôt sur certains résultats plus directement liés à l’impact des tendances démographiques sur les indicateurs de revenu et de bien-être. Nom Description Scénario 1 Scénarios avec chocs dans les zones sélectionnées Pop- Identique au scénario de référence, hormis la projection de la population qui passe de la vari- ante de fécondité moyenne à la variante de fécondité faible des Nations Unies, Pop+ Identique au scénario de référence, hormis la projection de la population qui passe de la vari- ante de fécondité moyenne à la variante de fécondité élevée des Nations Unies, Pop-s+ Identique au scénario Pop-, hormis l’augmentation du taux d’épargne des ménages de 20 à 25 % du PIB, Pop-edu+ Identique au scénario Pop-, hormis pour une plus grande augmentation de la part de la main-d’œuvre ayant achevé le cycle de l’enseignement primaire ou plus, combinée à une aug- mentation des dépenses publiques en matière d’éducation. Le scénario de référence est conçu pour fournir un modèle central, de type ‘business-as-usual’, pour l’évolution de l’économie du Niger jusqu’en 2050. Il s’agit d’un scénario sans changement de politique économique et sans émergence de déséquilibres macroéconomiques majeurs. Il donne un point de référence par rapport auquel sont mesurés les résultats des scénarios autres que celui de référence. Pour 2020 et 2021, des estimations ou projections de croissance du PIB au coût des facteurs de la Banque mondiale sont imposées (Banque mondiale, 2021a). Pour la période 2022-2050, le modèle est configuré de telle sorte que, grâce à l’expansion pétrolière anticipée, il génère une expansion de 0,5 point de pourcentage comparé au taux annuel observé de 5,2 % pour 2000-201929. Au-delà du PIB, à partir de 2020, les paiements liés à l’État, à la balance des paiements, à l’épargne et à l’investissement, définis comme des parts du PIB, sont fixés pour s’assurer que la trajectoire de l’économie est durable. En outre, il suppose qu’à partir de 2022, la croissance des différents groupes d’âge de la population suit la variante de fécondité moyenne de l’ONU (ONU, 2019) qui prévoit que la diminution de l’indice synthétique de fécondité suivra la même tendance linéaire observée depuis 2000, passant de 6,95 naissances vivantes par femme en 2015-2020, à 4,32 en 2045-2050. 29 Techniquement, le scénario de référence a été construit en deux étapes : (1) On a supposé que le secteur pétrolier était stagnant et que la croissance du PIB au coût des facteurs était exogène alors que, dans le même temps, le modèle comporte une variable endogène qui, chaque année, met à l’échelle la PTF dans des activités de production sélectionnées de sorte que le niveau de PIB exogène soit généré ; et (2) Ensuite le scénario a été reproduit avec une croissance endogène du PIB, sans mise à l’échelle de la PTF endogène (mais en imposant les résultats de la mise à l’échelle de l’étape 1), et un secteur pétrolier en expansion (en raison de l’accès croissant à la ressource naturelle). L’analyse utilise les résultats de l’étape 2, qui est ce que l’on a nommé le scénario de référence. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 68 Le niveau de revenu par habitant et l’ampleur de la pauvreté au Niger peuvent changer radicalement en fonction des tendances démographiques futures. Les deux premiers scénarios alternatifs pop- et pop+ ne diffèrent du scénario de référence que pour la trajectoire de la population. Dans le premier scénario plus favorable (la variante de basse fécondité de l’ONU), la tendance à la réduction de l’indice synthétique de fécondité observée depuis le début des années 2000 s’accélérera, passant à 3,82 naissances vivantes par femme en 2045-2050. En conséquence, le taux moyen de croissance démographique passera de 3,8 en 2020, à 3,1 en 2050. Ce seul fait permettra un certain bénéfice en termes de réduction de la pauvreté et de revenu par habitant, qui augmentera d’environ 4,3 % en 2050 comparé au scénario de référence. Toutefois, si le rythme de la réduction de l’indice synthétique de fécondité devait ralentir de sorte que le nombre de naissances vivantes par femme en soit encore de 4,8 (variante haute de l’ONU), le niveau de revenu par habitant serait sensiblement inférieur, à 573 000 XOF -Franc CFA BCEAO- (valeurs 2015). Le premier scénario, pop, traite de la population indépendamment des autres changements. Il suppose qu’à partir de 2022, la croissance des différents groupes d’âge de la population passe de la variante moyenne à la variante de faible fécondité de l’ONU (ONU, 2019). En conséquence, d’ici 2050, l’indice synthétique de fécondité tombe à 3,8 et la population totale atteint environ 61 millions, contre, respectivement, 4,3 et 65 millions pour la variante moyenne, tandis que le taux de dépendance diminue de 78 à 72 %, créant un dividende démographique potentiel dans la mesure où la main-d’œuvre supplémentaire peut être employée de manière productive. Une discussion plus approfondie sur l’impact de ce scénario et des autres se trouve à l’Annexe B.2. Un tel changement démographique est susceptible de se traduire par une amélioration des résultats scolaires et du taux d’épargne. En conséquence, le troisième scénario, pop-edu+, combine l’hypothèse démographique du scénario pop avec une augmentation des dépenses publiques en matière d’éducation, et une augmentation de la part de la main-d’œuvre ayant achevé le cycle de l’enseignement primaire ou plus. Dans ce modèle, le gain résultant de cette modification des parts est dû à l’hypothèse selon laquelle le groupe de travailleurs plus instruits a une productivité marginale plus élevée et, par conséquent, reçoit des salaires plus élevés. Enfin, l’espace budgétaire nécessaire à cette expansion des dépenses est généré par l’augmentation des impôts nationaux (directes et indirectes, taxes commerciales non incluses). L’Annexe B.2 fournit plus de détails à ce sujet. Enfin, le niveau le plus élevé de PIB sera atteint dans un scénario dit pop-s+, où le couple épargne- investissement est pleinement à l’œuvre. La baisse de la fécondité permet aux ménages d’augmenter la part de leurs revenus qui est épargnée et utilisée pour financer l’investissement domestique. C’est l’élément fondamental par lequel le dividende démographique se matérialise. Dans ce cas, tout en gardant les variables démographiques inchangées, le niveau du PIB par habitant s’écarte du scénario de référence. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 69 Tableau 7. Données sélectionnées pour l’analyse démographique (valeurs en 2021 et par scénario en 2050) 2021 Scénario de Scénario Scénario Scénario Scénario Référence pop- pop+ pop-edu+ pop-s+ Headcount poverty rate (%) 47.5 34.4 32.8 37.7 25.9 282.2 GDP per capita (CFA fr, constant 2019 prices) 314,303 616,030 643,069 575,326 693,661 720,871 Household savings (% of GDP) 12.1 11.9 11.9 12.0 12.0 16.0 Dependency ratio (%) 110.3 78.0 72.0 84.4 72.0 72.0 Working age population (% total population) 47.6 56.1 58.6 54.2 58.1 58.1 Source: SDGSIM 2.2. Scénarios de réformes Un ensemble plus élaboré de scénarios de réformes combine des éléments des simulations de la première série avec des réformes destinées à accroître l’investissement public et teste le rôle de hypothèses sélectionnées sur la marge de manœuvre budgétaire. La première simulation, dite combi, combine des changements destinés à réduire la croissance démographique, mieux former la main-d’œuvre et mettre en place des infrastructures permettant d’accroître la productivité du plus grand nombre de secteurs. Les autres simulations testent l’impact de différentes hypothèses dans le cadre du scénario combi. (A) Le scénario combi-0 suppose la même augmentation des dépenses publiques que pour le scénario combi, mais sans gains en matière d’éducation ou de productivité – reflétant l’impact d’une gouvernance déficiente. (B) Le scénario combi-fg suppose qu’au lieu d’augmenter les impôts, le besoin de financement accru de l’État est couvert par des subventions étrangères. (C) Le scénario combi-eff introduit une augmentation parallèle de l’efficience du Gouvernement du Niger (réduction des dépenses publiques pour l’administration publique sans aucun impact négatif) suffisante pour créer une marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour augmenter les dépenses en matière d’éducation et d’infrastructure. Une discussion détaillée de chaque scénario se trouve en annexe. 3. Conclusions Un ensemble de simulations a été réalisé pour illustrer des scénarios potentiels pour la croissance de l’économie et la réduction de la pauvreté jusqu’en 2050. Le scénario de croissance de référence du LTGM suggère une transition lente vers le niveau de revenu moyen inférieur, avec une croissance tendancielle du PIB par habitant du Niger qui devrait se stabiliser autour de 0,5 % à moyen terme, avec une tendance à la hausse à 2 % à long terme. L’accélération de la croissance est due à une réorientation de l’économie vers le secteur non pétrolier (qui présente de meilleurs fondamentaux) et à une amélioration des tendances démographiques. Selon cette projection de référence, le PIB par habitant du Niger se situera juste en dessous de 1000 dollars É.-U. (en termes réels de 2010) d’ici 2050. Cette faible croissance économique entraverait la réduction de la pauvreté et le développement social dans le pays. Toutefois, des réformes modérées en faveur de l’investissement, du capital humain et de la croissance de la PTF hors pétrole, peuvent propulser la croissance du PIB par habitant DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 70 à long terme à environ 5 %, même avec une croissance démographique inchangée. Dans ce cas, le PIB par habitant dépasserait 1700 dollars É.-U. en 2050. Dans le cadre d’un scénario prévoyant un ensemble de réformes ambitieuses, la croissance à long terme du PIB par habitant atteindrait 8 %, pour un PIB par habitant proche de 3000 dollars É.-U. en 2050. Dans toutes les simulations, le secteur non pétrolier est le moteur de la croissance, et il n’y a pas de grandes retombées d’un secteur à l’autre. Ce chapitre explore également l’impact des actions alternatives destinées à promouvoir le développement au Niger, en utilisant un modèle EGC construit autour d’une nouvelle MCS du Niger pour 2019. Nous constatons ici que les ensembles des interventions de politiques qui répondent aux principaux défis du Niger dans les domaines de la démographie, de l’éducation et de l’infrastructure, promettent des gains substantiels, voire spectaculaires, comparé au scénario de référence qui suit les tendances actuelles. Plus précisément, une comparaison entre les résultats de l’ensemble des interventions de politiques le plus réussi et le scénario de référence suggère qu’au cours de la période 2021-2050, une combinaison d’une réduction de la croissance démographique (passage de la projection démographique moyenne à faible de l’ONU), associée à un développement de l’éducation et à un renforcement des investissements dans les infrastructures pour accroître la productivité, pourrait augmenter la croissance annuelle de la consommation des ménages par habitant de 0,6 point de pourcentage (de 1,9 à 2,5 % ) et réduire le taux de pauvreté en 2050 de 12 points de pourcentage (de 34 à 22 %). Les gains d’un tel ensemble de politiques ne dépendent pas fortement des spécificités de l’expansion pétrolière du Niger, même si elle peut apporter des avantages substantiels et contribuer à la marge de manœuvre pour les ensembles des interventions de politiques. Néanmoins, le succès du programme envisagé dépend essentiellement de la bonne gouvernance. La hausse des subventions étrangères peut jouer un rôle positif en réduisant la nécessité d’augmenter les impôts d’une population dont le taux de pauvreté est fortement élevé. Pour conclure sur une note de modestie, si les simulations avec des modèles économiques imposent rigueur et logique à l’analyse, celle-ci demeure toutefois qu’exploratoire, en raison des connaissances limitées sur les détails des rouages de l’économie nigérienne, et compte tenu que les développements futurs sont soumis à de nombreuses incertitudes, tant internes qu’externes. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 71 CHAPITRE 3 Accélérer la croissance tirée par le secteur privé grâce aux nouvelles technologies Plusieurs goulets d’étranglement empêchent le secteur privé du Niger de devenir le principal moteur de la croissance économique. Parmi les principaux défis à relever, on peut citer l’omniprésence de l’informalité économique et un accès au financement médiocre, qui contribuent au faible niveau de productivité de la main- d’œuvre mis en évidence au chapitre 1, limitant ainsi les recettes fiscales et par conséquent des dépenses de développement. Le climat des affaires, le paysage commercial et le système de gouvernance, au lieu de soutenir le développement du secteur privé et la création d’emplois, entravent l’attractivité du Niger pour les investissements étrangers. Dans ce contexte, ce chapitre analyse le potentiel des nouvelles technologies pour transformer radicalement la trajectoire de développement du pays. Après une brève description des principales caractéristiques du secteur privé, le chapitre identifie l’agro-industrie et la finance comme étant les secteurs les mieux placés pour tirer le meilleur parti d’une expansion rapide des technologies numériques. En canalisant davantage de ressources vers les zones rurales, les technologies numériques permettent également d’exploiter les complémentarités significatives entre les deux secteurs, dépassant ainsi les gains pouvant être obtenus par la transformation numérique des secteurs individuels. 1. Le développement du secteur privé du Niger 1.1. Caractéristiques du secteur privé au Niger Le développement du secteur privé au Niger est paralysé par une informalité omniprésente. Comparé aux pays pairs et aux pays aspirationnels, le Niger est le pays où la concurrence déloyale du secteur informel est la plus grande contrainte au développement des entreprises (Figure 31). Le secteur privé formel, qui représente moins de 10 % du PIB, reste parmi les plus petits de l’Afrique subsaharienne. Les entreprises privées en dehors des deux villes principales de Niamey et Maradi sont très peu nombreuses. D’autre part, le secteur informel a connu une croissance très rapide, représentant entre 40 et 50 % du PIB au cours des cinq dernières années. Il DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 72 emploie environ 91 % de la population, dont 96 % de femmes et 87 % d’hommes30. La plus grande contribution de l’économie informelle à la valeur ajoutée brute (VAB) provient du commerce à 31,4 %, suivi de l’industrie manufacturière à 15,2 %, de la construction à 13,4 %, des services de réparations et personnels à 11,2 %, et de la préparation des aliments et boissons et des services commerciaux à 8,9 %31. La participation des femmes au secteur privé est limitée aux secteurs informel et agricole, et leur contribution à l’économie est faible. La quasi-totalité des femmes actives au Niger (95 %) travaillent dans le secteur informel, et 91 % d’entre elles sont des travailleuses indépendantes. Dans les faits, seules quelques privilégiées, 4 %, ont obtenu un emploi dans le secteur formel. Avec des taux de fécondité élevés à plus de six bébés par femme, un accès limité à la formation et l’absence de système de soutien familial, il est particulièrement difficile pour les femmes de mener des activités productives et génératrices de revenus. Toutefois, bien que les femmes dominent l’économie informelle au Niger, elles ne représentent que 28,7 % de la contribution de l’économie informelle à la valeur ajoutée brute, contre 71,3 % pour les hommes. Pour remédier à l’impact négatif du taux de dépendance des ménages sur l’activité des femmes au Niger, il faudrait se concentrer sur la réduction de la fécondité et explorer des mesures de politiques telles que la garde d’enfants au niveau des communautés et le soutien technique aux travailleurs indépendants. Cela permettrait non seulement aux femmes de consacrer plus de temps à des activités productives et à la supervision du travail agricole, mais également de participer à des groupes tels que les organisations de producteurs, qui peuvent être une source importante d’informations techniques et d’apprentissage. La productivité du secteur privé est faible, car la transformation structurelle a été très limitée et la plupart des gains de productivité se réalisent au sein des secteurs. La productivité est bridée par les faibles niveaux d’éducation, puisque près de 70 % des Nigériens n’ont pas achevé leur scolarité, bien que ce chiffre diminue rapidement chez les jeunes générations. La productivité est encore plus faible pour les femmes et le secteur agricole. On estime que 34 % des femmes nigériennes se trouvent hors de la population active à un moment donné pour des raisons familiales. Les gains de productivité dans l’agriculture ont été limités au cours de la dernière décennie. Plus de 80 % de la main-d’œuvre nigérienne travaille dans des activités agricoles peu qualifiées, dépendant de l’agriculture pluviale et de l’élevage. Alors que la productivité est beaucoup plus élevée dans l’industrie, stimulée par le secteur extractif, les travailleurs ne se sont pas déplacés vers les secteurs où la productivité augmente plus que la moyenne. 30 FMI (2019). Niger. Au titre de l’article IV. Rapport du FMI n° 19/239. Août 2019 31 FMI (2017). « Shadow Economics Around the World : What Did We Learn Over the Last 20 Years ». Document de travail du FMI WP/18/17. Janvier 2018. En moyenne sur la période 1991-2015, le FMI estime la taille de l’économie souterraine à 51,5 % en utilisant l’appariement moyen prédictif et à 39,7 % en utilisant le modèle des indicateurs multiples, causes multiples (MIMIC). Le MIMIC, qui utilise l’approche de l’intensité des lumières nocturnes, estime que le ratio de l’économie souterraine sur le PIB a diminué de 43 % en 2004 à 34 % en 2015. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 73 Figure 30. Contributions sectorielles à la croissance Figure 31. L’informalité généralisée crée une du PIB réel du Niger, 2013-2018 concurrence déloyale avec le secteur privé formel 120 8 100 7 80 90 60 6 60 40 5 20 30 4 0 Burkina Faso (2009) Burundi (2014) DRC (2013) Malawi (2014) Niger (2017) Rwanda (2019) Tajikistan (2019) 0 3 -30 2 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Pourcentage d’entreprises en concurrence avec des entreprises non enregistrées ou informelles Secteur informel Gouvernement Pourcentage d’entreprises enregistrées lorsqu’elles ont commencé leurs activités dans le pays Extractif Formelle non extractive Pourcentage d’entreprises identifiant les pratiques Autre Taux de croissance du PIB réel des concurrents dans le secteur informel comme une (éch. droite) contrainte majeure Source : FMI 2019, Article IV, n° 19/239. Source : Enquêtes auprès des entreprises. Banque mondiale 1.2. Que faudrait-il pour changer la trajectoire du développement du secteur privé au Niger ? Si les récents progrès en matière de climat d’investissement sont un bon début, il reste beaucoup à faire pour créer les conditions fondamentales permettant de soutenir l’investissement privé. Le Plan de développement économique et social (PDES) pour la période 2017-2021 se concentre principalement sur le secteur privé comme l’un des principaux moteurs de l’accélération de la croissance économique à moyen et long terme. Le Gouvernement du Niger (GdN) a pris de bonnes mesures pour améliorer le climat de l’investissement, en mettant en œuvre 15 réformes entre 2017 et 202032. Malheureusement, beaucoup de ces améliorations concernant le climat des affaires ne se traduisent pas par des améliorations matérielles. Si de nombreuses réformes sont prises, la plupart d’entre elles sont inconnues des Nigériens. Il est difficile de savoir si elles ne sont pas efficacement 32 Par exemple, le Niger a réduit le coût de l’enregistrement et le capital requis pour créer une entreprise, ce qui devrait faciliter la formalisation des entreprises. Par ailleurs, en 2018, le Niger a rendu l’enregistrement de la propriété plus rapide en diminuant le temps nécessaire pour transférer et enregistrer une propriété. Il faut désormais 13 jours et 4 procédures pour enregistrer une propriété (contre 35 jours et 4 procédures). Le GdN a également supprimé les restrictions à l’emploi des femmes dans les secteurs de l’exploitation minière, de la construction et de l’industrie manufacturière, ce qui est une mesure bienvenue pour exploiter le potentiel inexploité d’une meilleure intégration des femmes dans la population active (« Les femmes, l’entreprise et le droit » Women, Business and Law (WBL), 2021). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 74 mises en œuvre en raison d’un manque de capacités ou simplement d’un manque de volonté politique. La mauvaise application constante de la politique officielle et des cadres juridiques a coloré le climat des affaires avec la perception de la corruption. Diverses entreprises étrangères opèrent dans les secteurs naissants de l’or et du pétrole, mais plusieurs entreprises ont été découragées par un cadre d’investissement bureaucratique obsolète et opaque. Le cadre de la concurrence sur les marchés est très faible et régi par des règles informelles. L’incapacité à développer des règles équitables au fil des ans a eu un effet négatif sur le secteur privé. Le manque persistant de transparence à tous les niveaux a miné la confiance dans les institutions du Niger33. Selon le modèle de risque opérationnel du centre de recherche The Economist Intelligence Unit (EIU) en juin 2021, les investisseurs nigériens estiment que les risques pour faire des affaires, liés aux conditions de concurrence sont motivés par des intérêts particuliers. En l’absence d’une application efficace des contrats, les opérateurs économiques ont tendance à rester au sein de leurs réseaux familiaux ou sociaux. Ces types d’arrangements pourraient nuire à la productivité et aux incitations à innover, car ils n’octroient un avantage comparatif qu’à certaines entreprises, qui n’est pas nécessairement associé à leur efficacité34. Une autre contrainte importante est la capture par l’État et les élites. Les entretiens menés dans le cadre des projets des donateurs ont montré que les subventions des projets financés par l’État et soutenant le secteur agricole ont tendance à être captées par les élites ou à aller à des agriculteurs qui étaient eux-mêmes fonctionnaires. Un exemple de mécanisme de capture par l’État qui a été observé au Niger concerne l’utilisation de la fiscalité pour maintenir ou influencer les avantages concurrentiels des entreprises politiquement connectées. Le climat des affaires ne favorise pas le développement du secteur privé et la création d’emplois. Les entreprises nigériennes passent en moyenne 21 % de leur temps à s’occuper des exigences réglementaires, contre une moyenne de 7 % en Afrique subsaharienne, selon les résultats des enquêtes auprès des entreprises de la Banque mondiale. Avec peu de services d’accréditation, les difficultés d’exécution des contrats et l’accès limité au crédit, entre autres contraintes, les entreprises sont peu incitées à s’établir officiellement, même dans le secteur formel. Les coûts et les bénéfices doivent être orientés de manière à encourager les entreprises à entrer dans le secteur formel. En particulier, l’obtention de l’électricité et le paiement des taxes sont des domaines qui présentent des obstacles majeurs pour les opérations commerciales. Bien que le Niger ait facilité l’exécution de tous les contrats en créant un tribunal spécialisé à Niamey, celui-ci n’aide pas les parties concernées en dehors de la capitale où un mécanisme d’exécution juridique efficace reste absent. Les conflits de propriété sont fréquents dans les zones rurales soumises à des titres fonciers coutumiers. La gouvernance et le contrôle de la corruption doivent être renforcés. La corruption se classe au quatrième rang des obstacles pour les entreprises au Niger (Enquête auprès des entreprises de la Banque mondiale, 33 David Dollar, 2000. « Governance and Social Justice in Caribbean States ». Groupe de recherche sur le développement. Banque mondiale. Projet de discussion. Rapport n° 20449-LAC, juin 2000. 34 Fiebelkorn, Andreas. 2019. « State Capture Analysis : How to Quantitatively Analyze the Regulatory Abuse by Business-State Relationships ». Document de discussion sur la gouvernance, n°2. Banque mondiale. Washington, D.C. : Groupe de la Banque mondiale. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 75 2017) et l’analyse du FMI révèle un effet négatif important des pots-de-vin sur la croissance des ventes et de la productivité, en particulier pour les jeunes entreprises et les exportateurs. Les administrations douanières et fiscales sont perçues comme les pires contrevenants, suivies par la police et les passations des marchés publics. Le Niger compte plus de 160 entreprises publiques (EP) et organismes parastataux, qui sont des acteurs économiques importants, notamment dans les secteurs pétrolier, gazier et minier, et dans la fourniture de services publics. Les difficultés à contrôler la corruption dans ces entreprises d’État et le manque de transparence dans les passations des marchés publics entravent l’accès des entreprises privées aux marchés35. À l’avenir, des efforts considérables seront nécessaires pour attirer et retenir les entreprises privées et les IDE. Outre les niveaux élevés de corruption, la petite taille et la forte disparité du marché nigérien, ainsi que les rendements peu attrayants ont contribué à réduire la capacité du Niger à attirer et à retenir les grandes entreprises. Ces dernières années, trois entreprises internationales telles qu’Unilever, Orange, Braniger SA (filiale du groupe Castel) ont brusquement quitté le pays. Bien que deux de ces entreprises aient été rachetées par des investisseurs locaux, cette situation a laissé une perception négative du marché et de l’environnement commercial du Niger. Les entretiens avec les entreprises privées formelles et informelles révèlent que les inquiétudes concernant une éventuelle capture de l’État restent importantes. L’investissement privé a contribué à une dotation en capital relativement élevée, grâce à la disponibilité de financements externes. Bien qu’à un rythme décroissant, les IDE ont afflué dans le pays, les flux entrants s’étant stabilisés à environ 5 % du PIB en 2016-2017. Au cours des cinq dernières années, dans le cadre de la préparation du sommet de l’Unité africaine, le Niger a attiré des investissements privés à grande échelle dans les hôtels et le secteur de la construction, avec l’objectif de faire du pays un hub de conférence régional. Néanmoins, les investissements n’ont pas contribué à relever la productivité du travail de son faible niveau et le capital par heure de travail reste faible, limitant les gains de productivité. Le secteur minier pourrait représenter un tremplin vers le développement d’un écosystème économique privé formel. Les liens entre les grandes entreprises et les MPME locales n’existent pratiquement pas. Il sera important d’établir de tels liens pour créer de nouvelles opportunités pour ces entreprises, comme discuté dans le chapitre 4. L’exposition historiquement élevée du Niger aux risques de catastrophes naturelles remet en cause le développement du secteur privé et appelle une nouvelle approche. Les sécheresses et les risques d’inondations sont les plus importants et sont susceptibles d’avoir un impact négatif sur les secteurs agricole et non agricole. Les entreprises de la partie occidentale du Niger sont exposées à un risque d’inondations significatif qui pourrait affecter les bâtiments et l’accès aux infrastructures, avec le potentiel de perturber les échanges. La modélisation du risque de catastrophe du Groupe de la Banque mondiale montre que plus de 500 millions de dollars É.- U. de dommages au parc immobilier peuvent être causés par au moins une inondation au cours de la vie d’une personne et qu’en moyenne, chaque année, les inondations sont susceptibles d’exposer 200 kilomètres 35 Banque mondiale, 2019. Cadre intégré des entreprises publiques, République du Niger. Gouvernance d’entreprise et redevabilité et analyse des risques budgétaires. Décembre 2019, Banque mondiale. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 76 d’infrastructures de transport36. Le secteur de l’assurance est peu développé, avec des options limitées pour offrir une protection au secteur privé contre les risques auxquels il est confronté en raison du changement climatique et d’autres raisons. En l’absence de système de soutien aux assurances et avec une approche limitée du risque de catastrophe, comme discuté au chapitre 5, les progrès ont peu de chances de durer dans le temps. La pandémie de COVID-19 a ajouté aux défis existants. Au cours des trois premiers mois de la pandémie, les ventes mensuelles des entreprises nigériennes ont diminué de 56 %, les petites et moyennes entreprises et celles opérant dans le secteur des services étant les plus touchées37. Environ 95 % des entreprises ont connu une diminution du nombre d’heures travaillées comparé à la même période de l’année précédente, tandis que 85 % ont vu leurs disponibilités de trésorerie réduites. Pour faire face au manque de liquidités, plus de 60 % d’entre elles ont différé leurs paiements aux fournisseurs, aux propriétaires ou aux autorités fiscales pendant plus d’une semaine, tandis que 18 % des entreprises ont eu recours à des prêts auprès de banques commerciales, 22 % à des fonds propres et 11 % ont retardé les paiements des fournisseurs ou des salariés. Au cours de la même période, 60 % des grandes entreprises ont déclaré avoir reçu une aide gouvernementale liée à la crise sanitaire de la COVID-19, contre 4 % des petites entreprises et 12 % des moyennes entreprises. Le Gouvernement nigérien a récemment lancé quelques initiatives pour faciliter l’accès au crédit et aider au redressement des entreprises touchées par la pandémie de COVID-19, mais elles se sont avérées inefficaces jusqu’à présent. Le programme de garantie de 150 milliards de francs CFA (300 millions de dollars É.-U., soit 2 % du PIB) destiné à soutenir le crédit aux entreprises touchées par la pandémie de COVID-19 a eu très peu de résultats38. Figure 32. Variation moyenne des ventes mensuelles Figure 33. Part des entreprises nigériennes qui ont des entreprises nigériennes entre juin 2019 et juin connu des changements dans la gestion de leurs 2020 liquidités et de leur trésorerie entre l’arrivée de la Niger Petit Moyen Grand Manuf. Serv. pandémie de COVID-19 et juin 2020 0 100% -10 80% % de variation des ventes -20 60% -30 40% -40 20% -50 0% Liquidité Ventes à crédit Achats à crédit -49 -60 -53 -56 -57 -57 -56 Je ne sais pas Augmenter -70 Reste le même Diminuer Source : Enquête auprès des entreprises 2020 de la Banque mondiale - Suivi de la pandémie de COVID-19 36 Groupe Banque mondiale, 2019. « Niger disaster risk profile ». Accessible sur https://documents1.worldbank.org/curated/ en/720421574234645191/pdf/Disaster-Risk-Profile-Niger.pdf 37 Banque mondiale, 2020. Niger, Enquête auprès des entreprises 2020 de la Banque mondiale - Suivi de la pandémie de COVID-19 38 Le programme, qui prévoit une garantie de 25 % pour les grandes entreprises et de 50 % pour les PME, est accessible à toutes les banques commerciales du Niger. Jusqu’à présent, les résultats sont bien en deçà des attentes. En janvier 2020, le programme avait fourni une garantie de seulement quatre milliards de FCFA pour couvrir un total de 11 milliards de FCFA de prêts équivalents. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 77 Des efforts très limités ont été déployés pour construire un secteur financier plus fort et plus compétitif, où les entreprises privées peuvent prospérer. Comme de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, le Niger a créé plusieurs banques d’État pour servir les populations non bancarisées. Bien que ce modèle ait été décevant en termes de performances financières et d’impact social, il continue d’attirer les décideurs politiques du Niger. Par exemple, une nouvelle banque de l’habitat a été créée ces dernières années. Malgré des tentatives difficiles pour réorganiser certaines banques publiques, une grande attention est accordée à l’utilisation des organismes publics pour fournir des services financiers, ou la nationalisation de certaines institutions de microfinance privées. Cela a conduit à un faible niveau de concurrence qui, à son tour, contribue à maintenir un marché superficiel et immature. Le secteur de la microfinance, qui, dans les pays pairs, s’efforce de servir les populations rurales, s’est révélé très inefficient au Niger, ne totalisant qu’environ 296 000 clients –la plus faible couverture de la Région UEMOA. En 2020, le Niger figurait parmi les pays ayant les niveaux d’inclusion financière les plus faibles au monde, avec 84 % de la population adulte n’ayant pas de compte de transaction formel. 68 % des adultes épargnaient par le biais d’associations rotatives d’épargne informelles ou en investissant dans le bétail. L’incapacité à fournir aux secteurs privé et agricole un accès durable au financement continue de nuire fortement à la croissance. Les entreprises nigériennes sont –depuis trois décennies et plus–toujours soumises à de fortes contraintes de crédit. Le crédit intérieur au secteur privé, en pourcentage du PIB, était l’un des plus bas d’Afrique, s’établissant autour de 11,2 % en 2019, inférieur à la fois à la moyenne de 13,8 % dans les pays fragiles d’Afrique et à la moyenne de 23,2 % de la région de l’UEMOA. La demande potentielle de financement des MPME a été estimée à 3,4 milliards de dollars É.-U., contre une offre réelle de 329 millions de dollars É.-U. . Les banques publiques et privées n’ont consacré ensemble que 0,8 % de leur portefeuille total à l’agriculture en 2017 . Si quelques banques privées ont entrepris des efforts pour prêter à la production agricole, utilisant ainsi les garanties de crédit partielles fournies par les donateurs, ces expériences ont parfois entraîné des pertes pour les entités participantes, diminuant ainsi leur volonté de prêter à l’agriculture. La BAGRI, la banque publique nigérienne dédiée à l’agriculture, joue un rôle-clé en continuant à augmenter ses prêts à ce secteur, et en affinant remarquablement son approche. Malgré ces évolutions positives, la taille et la qualité du portefeuille des prêts vers le secteur agricole restent limitées, en l’absence de politiques et d’instruments adéquats d’atténuation des risques. Il faut accorder plus de place au crédit commercial qu’aux subventions. L’octroi persistant de subventions directes aux MPME et aux agriculteurs par les donateurs au cours des décennies a contribué à l’éviction du crédit commercial et a empêché le développement d’une culture financière. L’expérience du Niger montre que l’octroi de subventions ou de financements concessionnels directs aux MPME est généralement inefficace. Les bénéficiaires de ces programmes, même lorsqu’ils deviennent solvables, ont tendance à attendre une deuxième série de subventions au lieu de se tourner vers les banques commerciales. Les récents efforts du Gouvernement nigérien pour stimuler l’inclusion financière et permettre au secteur financier de soutenir l’accès au financement commencent à susciter un intérêt nouveau et croissant pour le crédit. Cette attention tant attendue devra être concrétisée le plus rapidement possible afin de fournir un approvisionnement durable en financement aux MPME, ce qui permettra au secteur privé du Niger de se développer. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 78 L’attention limité accordée aux politiques de l’emploi et de la formation des jeunes est alarmant en entravant tous les efforts destinés à stimuler le développement du secteur privé et en créant un cercle vicieux : ceux qui restent exclus du marché du travail ou de l’entrepreneuriat sont plus vulnérables dans un contexte de fragilité et de violence. Le marché du travail formel étant peu développé, il est difficile pour les entreprises privées de trouver du personnel qualifié et d’attirer de nouvelles entreprises dans le pays. La reconnaissance de cette contrainte majeure devrait appeler de nouvelles approches. Des opportunités émergent, renforcées par une connectivité numérique plus large et l’utilisation de WhatsApp et d’autres applications mobiles. Le commerce électronique sur WhatsApp suscite une confiance croissante et se développe —malgré d’énormes difficultés— dans l’ensemble des communautés urbaines et, étonnamment, dans tous groupes d’âge, de niveaux d’éducation et de genre. Toutefois, ces opportunités ne seront pas suffisantes compte tenu du faible niveau d’alphabétisation, de la grande proportion d’individus sans formation, des fréquentes situations de crise et des normes sociales et culturelles tolérant, voire parfois encourageant, le chômage des femmes ou discriminant certaines castes. Des politiques concrètes et bien adaptées devront être mises en place par le Gouvernement du Niger pour offrir une formation décente dans des secteurs-clés tels que la production agricole, l’industrie alimentaire, l’exploitation minière et la construction. Les réformes récentes soutenues par la Banque mondiale vont dans le bon sens, en donnant aux institutions de formation l’autonomie institutionnelle et financière nécessaire, et en accordant aux apprentis une petite bourse d’études pour s’assurer que les étudiants les plus pauvres puissent également suivre les cours. L’esprit d’entreprise peut être un moyen efficace de faciliter l’inclusion économique des jeunes si un écosystème propice est créé. Au cours des trois dernières décennies, le Gouvernement nigérien a mené très peu d’initiatives pour promouvoir l’esprit d’entreprise. Des réformes ont été faites sur le papier pour faciliter l’ouverture d’une entreprise, mais tous les fondements pour créer un écosystème de l’entrepreneuriat n’ont pas été mises en place. Les entrepreneurs prometteurs sont confrontés à un manque d’accès à la formation, au financement et au soutien social d’une façon générale. En outre, le système éducatif du Niger s’attache à encourager une culture qui socialise et prépare la population à dépendre de la recherche d’un emploi de fonctionnaire dans les secteurs publics de l’économie plutôt qu’à créer une nouvelle entreprise. La plupart des entrepreneurs opèrent donc dans l’informalité. Encourager la formalisation des activités et développer des mécanismes de protection sociale pour renforcer l’application du droit du travail et permettre aux travailleurs, y compris les indépendants, de percevoir les prestations auxquels ils peuvent prétendre en matière de santé, de chômage, de famille, de retraite, etc. peuvent constituer un moyen potentiel pour progresser. La formation, l’accès au financement, l’accès aux marchés et les liens avec les opportunités seront également cruciaux. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 79 2. Secteurs où la technologie peut contribuer à créer un changement stratégique et dynamique 2.1. Bref aperçu de la pénétration de la technologie numérique au Niger Le changement technologique au Niger s’accélère, même s’il reste plus lent que dans la plupart des pays de la région de l’UEMOA. La structure du marché des télécommunications est raisonnablement concurrentielle, avec quatre acteurs qui se disputent le marché dont trois entreprises privées et une entreprise publique. Fin 2019, Airtel était le leader du marché avec environ 42 % du marché, suivi de Moov (26 %), Orange (24 %), et Niger Telecom à la traîne avec seulement 7 %. Toutefois, Niger Telecom bénéficie d’un monopole effectif sur la fibre dorsale, car il bénéficie d’une protection juridique qui empêche les autres opérateurs de poser la fibre sur les routes où il dispose déjà de capacités. La confiance des investisseurs dans le marché a été ébranlée par la décision du groupe Orange de vendre la totalité de ses parts dans Orange Niger à Zamani Com S.A.S. appartenant à des intérêts commerciaux locaux, se retirant ainsi du marché des télécommunications du Niger. En termes de couverture, l’écart reste important. Même si 81 % de la population dispersée du Niger est désormais couverte par un réseau mobile, il est nécessaire d’améliorer la qualité de la couverture mobile. Environ la moitié de la population n’est pas couverte par le haut débit mobile. La 3G est disponible pour moins de 50 % de la population. La sensibilisation à l’Internet mobile augmente grâce à l’intérêt croissant de la population pour l’utilisation des médias sociaux tels que WhatsApp, mais elle est loin d’être généralisée. Des efforts significatifs sont actuellement déployés pour réduire la fracture numérique entre les zones rurales et urbaines et entre les sexes et permettre au Niger de sauter le pas. Depuis l’adoption du Plan stratégique ‘Niger 2.0’, le pays a pris des mesures concrètes pour lancer sa transformation numérique. La transition numérique devrait être stimulée grâce : (i) à d’importants investissements récents dans l’infrastructure numérique (comme la fibre optique et la connectivité) avec le soutien de la Banque mondiale et d’autres donateurs, pour améliorer le réseau mobile et Internet dans les zones rurales ; et (ii) à des investissements destinés à améliorer les compétences numériques et les services financiers mobiles pour environ 1,4 million d’individus grâce au ‘Projet Villages Intelligents pour la Croissance Rurale et l’Inclusion Numérique (PVI)’ et au projet de fibre optique. Le lancement récent d’une application permettant de proposer des services publics en ligne, tels que le renouvellement des certificats de naissance et d’autres formulaires administratifs, contribuera à faciliter l’adoption de services numériques. Ces efforts ne résoudront pas tous les problèmes, mais ils créeront des bases solides pour la révolution numérique du Niger et ouvriront des possibilités de déploiement de services mobiles innovants dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’agriculture. Pour tirer pleinement parti des avantages de l’économie numérique, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour rendre plus abordables les appareils permettant d’accéder à l’Internet et encourager l’adoption de services numériques. Les smartphones deviennent progressivement plus abordables grâce à la DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 80 croissance du marché des appareils d’occasion et à l’adoption croissante des téléphones intelligents39, mais l’accessibilité financière reste le principal obstacle à l’acquisition d’un téléphone portable, en particulier pour les 40 % de personnes ayant les revenus les plus faibles. Le coût total de la possession d’un mobile (TCMO) est très élevé au Niger, représentant plus de 30 % des revenus mensuels pour les 40 % de revenus les plus faibles, contre 6 % au Ghana. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les écouteurs/combinés, par exemple, est toujours de l’ordre de 20 % et est considérée comme un obstacle majeur à l’amélioration de l’accessibilité financière des appareils. La fiscalité représente environ 23 % du TCMO, qui comprend le coût d’achat de l’appareil, le coût d’activation et le coût d’utilisation (voix, données et SMS). Les écarts entre les hommes et les femmes en matière de possession d’appareils devront être résolus avec un soutien plus important de l’État. Bien que les 150 centres numériques à venir devraient renforcer les compétences numériques, il sera crucial d’intensifier les campagnes numériques de sensibilisation pour atteindre davantage les femmes, les populations rurales et les entreprises. L’accès à l’électricité pour recharger les appareils sera également une composante-clé. Figure 34. Taux de pénétration du mobile pour la voix Figure 35. Pourcentage de la population non (2G) et le haut débit (3G, 4G), en % de la population, connectée 2018 Mauritania Mali Burkina Faso Chad Niger Africa Afrique de l’Ouest Afrique centrale 0% 20% 40% 60% 80% 100% 120% Mobile BB (3G/4G) Mobile BB (2G only) Source : GSMA Intelligence Note : Taux de pénétration calculé sur le nombre de cartes SIM. 39 Ils sont généralement plus abordables que les smartphones. Bien qu’ils ne partagent pas toutes les capacités d’un smartphone, ils permettent en général l’installation des applications populaires telles que Facebook, YouTube, WhatsApp et Google Assistant. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 81 Figure 36. Coût moyen des services numériques par Figure 37. Faible adoption des services numériques habitant comparé au reste du monde 180 160 140 120 100 Part du RNB 80 60 40 20 0 Panier haut débit Panier cellulaire Panier haut débit Panier voix et fixe 5 Go mobile faible mobile données données à forte consommation uniquement consommation (70 min + 20 SMS) 1,5 Go (140 min + 70 SMS + 1,5 Go) Niger Africa Source : Union Internationale des télécommunications (UIT), 2018 Source : WBG and ITU, 2018 2.2. Opportunités pour utiliser la technologie pour stimuler l’agriculture commerciale au Niger Les technologies prometteuses offrent des possibilités d’améliorer la productivité et la compétitivité des chaînes de valeur agricoles. Les nouvelles technologies peuvent aider le Niger à développer un secteur agricole commercial et à relever certains des défis auxquels il est confronté. Les performances des produits agricoles pourraient être améliorées grâce à de meilleures technologies, une meilleure connaissance des procédures d’exportation et des dispositions réglementaires simplifiées. Pour une croissance durable de l’agriculture commerciale en général, il sera essentiel d’avoir une stratégie beaucoup plus orientée sur des produits et des technologies pouvant être utilisés pour générer des recettes plus élevées ultérieurement. Bien qu’il y ait un large éventail d’innovations technologiques testées et mises en œuvre à l’échelle mondiale, le Niger bénéficierait tout particulièrement de la promotion des innovations suivantes : • Le Niger dispose d’une énergie solaire abondante qui pourrait contribuer de manière significative à étendre la disponibilité de l’énergie électrique générée par des panneaux solaires à un coût raisonnable. Dans l’agriculture, cette énergie pourrait être utilisée pour alimenter des systèmes d’irrigation (par exemple, par le biais de services solaires payants pour pomper l’eau, refroidir les produits ou moudre les céréales, comme ceux qui ont été mis en œuvre avec succès en Inde et au Kenya)40 pour refroidir des entrepôts de stockage ou pour alimenter des équipements de communication. 40 Voir le site Internet : https://www.oorjasolutions.org/ et https://spectrum.ieee.org/energy/renewables/offgrid-solars-killer-app DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 82 • L’agriculture de précision et l’irrigation au goutte-à-goutte ont émergé dans de nombreux endroits comme un moyen rentable d’accroître l’efficacité de l’utilisation de l’eau et des intrants agricoles et sont déjà testées au Niger41. Dans le cadre de ces programmes, les quantités d’intrants et d’eau administrées aux plantes et aux animaux sont déterminées en fonction de la situation spécifique de la culture ou du troupeau, ce qui permet de réduire considérablement les coûts tout en garantissant une productivité élevée. Dans le cas de l’irrigation au goutte-à-goutte, l’eau est acheminée uniquement vers les plantes à irriguer, et est activée ou désactivée en fonction de l’heure de la journée et de l’humidité du sol. Certaines de ces technologies peuvent même déterminer les quantités à utiliser en fonction de la situation de chaque plante ou animal grâce à des capteurs qui analysent la couleur et d’autres facteurs de chaque plante. En plus d’accroître l’efficacité, ces innovations y compris des variétés de cultures et d’animaux plus résistantes, peuvent également contribuer à mieux gérer les impacts du changement climatique. • De même, les nouvelles technologies permettent de s’assurer que les produits sont correctement stockés et gérés tout au long de la chaîne de valeur, afin qu’ils puissent être utilisés comme garantie dans le financement de la chaîne de valeur. Les capteurs qui surveillent l’humidité et la température, par exemple, peuvent contribuer à garantir que les produits sont stockés et transportés de manière adéquate pour maintenir leur qualité. En outre, les technologies Blockchain peuvent aider à suivre les mouvements des produits agricoles de la ferme au marché, en enregistrant le respect des normes de qualité et en assurant la traçabilité des produits. Cette technologie permet de générer des informations, permettant l’utilisation de contrats intelligents (contrats auto-exécutables) qui émettent des paiements une fois que certaines étapes sont respectées de manière satisfaisante. Ce type de financement de la chaîne de valeur repose sur la blockchain, auquel s’ajoute la disponibilité des fournisseurs de services de logistique tierce partie, ou 3PL, permet aux petits agriculteurs de conserver la propriété de leurs produits jusqu’à ce que le produit soit vendu à la destination finale, capturant ainsi des marges plus élevées. Il garantit également aux consommateurs et aux gouvernements que les aliments sont produits, traités et transportés en toute sécurité, dans le respect des normes sociales et environnementales applicables. • La technologie pourrait être utilisée pour améliorer la performance et la transparence des PME et des organisations paysannes (OP). Plusieurs pays ont mis en œuvre des projets destinés à renforcer la capacité de gestion des PME et des organisations paysannes engagées dans les chaînes de valeur agricoles par le biais de la formation et de l’appui aux mises à jour de leurs systèmes d’information de gestion (SIG). Cela leur permet d’obtenir des informations en temps utile et de prendre des décisions éclairées qui améliorent leurs performances. Pour améliorer l’efficacité et la capacité de gestion de ces entités, il est conseillé de promouvoir des mécanismes de contrôle adéquats et/ou d’audit externes. Cela permettrait une évaluation indépendante de leurs opérations et de leurs performances, augmentant ainsi la transparence et la fiabilité 41 Le Niger – Agricultural and Livestock Transformation project (IDA, P164509), projet de transformation de l’agriculture et de l’élevage au Niger va mettre en œuvre 65 systèmes de ce type en utilisant des pompes diesel et des pompes solaires. Le Fonds d’investissement climatique (FIC) a déjà mis en œuvre un projet-pilote au Niger sur les techniques d’irrigation intelligentes et les systèmes d’irrigation goutte- à-goutte alimentés par des pompes solaires, avec le soutien du Fonds d’investissement climatique. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 83 des informations qu’elles fournissent, et par conséquent, leur solvabilité. Ces mécanismes de contrôle externe peuvent inclure des auditeurs indépendants, ainsi que des entités privées qualifiées et des associations de PME, et des organisations paysannes. • Enfin, le Niger devrait poursuivre le lancement de modèles qui tirent parti du potentiel des agri- plateformes numériques multifonctionnelles pour accroître l’accès aux marchés et aux financements. Bien que relativement nouvelles et diverses, les plateformes numériques multifonctionnelles ont attiré beaucoup d’attention en raison de leur potentiel à atteindre un grand nombre d’acteurs géographiquement dispersés, pour autant qu’ils aient accès à l’Internet et à un appareil mobile. Les plateformes à venir dans le cadre du projet « Villages intelligents » devraient connecter une grande diversité d’acteurs, notamment les petits exploitants agricoles, les fournisseurs d’intrants, les acheteurs et les transformateurs de produits agricoles, les fournisseurs de services financiers et les fournisseurs d’informations, d’une manière similaire à celles d’Amazon, eBay ou Alibaba, pour les aider à effectuer des transactions entre eux. Il sera crucial de lever des fonds importants nécessaires pour financer l’introduction d’une infrastructure adaptée aux conditions et aux ressources disponibles au Niger permettant de tirer parti de l’accès du pays à l’énergie solaire. L’introduction des améliorations technologiques essentielles en matière d’irrigation, de logistique et d’infrastructures numériques nécessitera d’augmenter substantiellement les ressources disponibles et d’étendre les conditions de financement, passant d’un financement à court terme qui permet un cycle de production agricole, à un financement à moyen et long terme. Les efforts du Niger dans ce domaine sont récents, et il sera important de s’appuyer sur les expériences des autres pays afin d’élaborer une approche commune réunissant les entreprises technologiques privées intéressées, les ministères et les organismes gouvernementaux et les parties prenantes des chaînes de valeur de l’agriculture. Le système Aadhar de l’Inde et l’expérience du Kenya dans la mise en place de la « One Million Farmer Platform » pourraient fournir des enseignements précieux42. Les risques potentiels élevés liés au manque de protection des données, à la cybersécurité et aux abus des consommateurs, doivent également être pris en compte lors de la mise en œuvre de toutes ces nouvelles technologies pour le Niger. Enfin, la priorité doit être donnée à la disponibilité de points d’accès physiques pour faciliter l’utilisation des agri-plateformes numériques multifonctionnelles et, d’une manière générale, de l’ensemble des solutions numériques par la population. 42 Le Kenya a lancé en 2019, avec un soutien international, un concours de défis qui a rassemblé les innovateurs Agritech les plus prometteurs du pays pour mettre en œuvre une plateforme numérique polyvalente dans le but de faciliter l’accès à la vulgarisation, au financement, aux marchés et aux applications axées sur les données. La plateforme est déjà au service de 100 000 agriculteurs. Voir : https://kenyaomf. webdev.comunity.me/ DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 84 2.3. Aller au-delà du commerce régional intra-africain et sahélien grâce à la maîtrise de la technologie de la logistique à température contrôlée. Le Niger doit aller au-delà du commerce régional intra-africain et sahélien pour utiliser l’agriculture et transformer ainsi son économie. L’État nigérien est capable d’adopter les stratégies des économies basées sur l’extraction, comme au Chili ou au Pérou, qui sont devenues des puissances agricoles en se concentrant sur l’exportation de leurs produits à haute valeur ajoutée vers des marchés à revenu élevé comme les États-Unis et l’Europe. Cette transformation structurelle doit commencer par : a. Comprendre les limites des modèles commerciaux actuels –où les produits sont affectés par des handicaps logistiques du côté de l’offre et par des marchés faussés du côté de la demande. b. Redéfinir les marchés cibles où le Niger aura des avantages concurrentiels pérennes –en utilisant la contre-saisonnalité et les estimations de l’impact du changement climatique sur les principaux concurrents. c. Investir dans les infrastructures en matière d’irrigation, de logistique et numérique pour les 20 prochaines années –Les investissements doivent commencer dès maintenant pour construire les systèmes de production, de logistique et d’information de l’avenir. a) Comprendre les limites des modèles commerciaux actuels L’absence de technologie de la logistique à température contrôlée (TCL) limite automatiquement les capacités commerciales du Niger à la durée de conservation naturelle de ses produits. Les produits ‘stockables’, comme le sésame, peuvent atteindre des pays lointains comme la Chine ; les produits périssables résistants, comme les oignons, sont limités aux pays voisins par des voyages de 2 à 3 jours en camion non réfrigéré, tandis que les produits à emporter, comme le bétail, peuvent être transportés juste de l’autre côté de la frontière. En s’en tenant seulement à un niveau d’échange local/régional, les avantages concurrentiels du Niger restent limités. Figure 38. Limites du marché sans la logistique à température contrôlée (TCL) DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 85 Dans l’exemple ci-dessus (Figure 38), le Niger peut desservir le marché ouest-africain des oignons sans disposer d’une chaîne de valeur de la TCL, puisque les oignons peuvent supporter des températures élevées durant quelques jours. Avec la TCL et l’atmosphère contrôlée, les oignons pourraient se conserver jusqu’à quatre mois. Cela pourrait ouvrir l’accès à de nouveaux marchés mais ouvrirait également le marché ouest- africain à des concurrents mondiaux en termes de coûts, comme la Chine, incitant les producteurs nigériens à se focaliser sur la qualité et la différenciation, par exemple sur les marchés biologiques d’Europe qui apprécient la variété d’oignon Violet de Galmi. Toutefois, dès que la chaîne de valeur de la TCL sera disponible, d’autres produits, à ce jour non considérés, pourraient devenir plus attractifs, surtout lorsque la concurrence n’est pas mondiale et que les aspects saisonniers peuvent donner un meilleur atout au Niger. Dans le cas ci-dessous (Figure 39), en utilisant les tomates en grappes comme exemple, la zone de marché avec la TCL peut atteindre le marché de l’UE, en concurrençant la contre-saison. Figure 39. Le marché de la logistique à température contrôlée L’effet néfaste des schémas commerciaux actuels s’étend à d’autres secteurs, et rend les importations difficiles, créant des marchés ‘protégés’ qui détournent l’attention du secteur privé vers des produits non compétitifs. Les opportunités commerciales et les technologies intra-sahéliennes pourraient avoir un effet dissuasif sur ces marchés ‘protégés’ si les pays voisins s’ouvraient à des alternatives importées à moindre coût, mais pourraient avoir l’effet inverse s’ils finissaient par cloisonner ces marchés régionaux faussés qui ne seront plus servis que par des acteurs régionaux. Le piège de la substitution aux importations « import-substitution » pourrait avoir un triple effet négatif sur la région : (i) Nuire aux consommateurs en raison de l’augmentation des prix ; (ii) Nuire à l’environnement en produisant des produits à forte consommation d’eau et de fourrage tels que le bétail commercial ; (iii) Empêcher l’évolution vers des marchés d’exportation à forte valeur ajoutée pour des produits présentant un réel avantage concurrentiel et un rendement élevé de l’eau. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 86 Les avantages les plus probants du commerce infrarégional –spécialisation et complémentarité– peuvent ne pas être aussi évidents pour les pays de la région du Sahel. Par exemple, la spécialisation, telle que la combinaison d’économies d’échelle ou d’activités d’apprentissage dans certains pays, tout en déplaçant les opérations à forte intensité de main-d’œuvre vers des pays voisins à moindre coût, peut ne pas être applicable dans cette région, puisque ces différences sont plus évidentes à l’intérieur d’un même pays. De même, la complémentarité de la production agricole exige que les pays se trouvent dans des zones climatiques différentes et se spécialisent dans certains produits. L’accord commercial régional Nord-Sud permet à l’Espagne de se concentrer sur les oranges et au Danemark sur les produits laitiers. Les pays du Sahel, même s’ils présentent de fortes différences Nord-Sud à l’intérieur de leurs propres frontières, sont peut-être trop similaires pour être complémentaires entre pays. b) Redéfinir les marchés cibles où le Niger aura des avantages concurrentiels pérennes Le Niger pourrait être dans une position privilégiée pour bénéficier d’avantages comparatifs dans l’agriculture, mais cela nécessite un changement radical de stratégie et d’état d’esprit. Le changement climatique et l’épuisement des eaux agricoles modifient les chaînes de valeur mondiales (CVM) de l’alimentation. Les marchés, les produits, les systèmes de production, les voies logistiques et les nouvelles technologies qui les soutiennent doivent être redéfinis. Les marchés, les produits, les systèmes de production, les voies logistiques et les nouvelles technologies qui les soutiennent doivent être redéfinis. Le Niger a le potentiel pour se doter d’un avantage concurrentiel pérenne face aux producteurs européens, moyen-orientaux et sud-africains, qui souffriront davantage de la pénurie d’eau, ou aux producteurs latino-américains, dont l’empreinte carbone est beaucoup plus élevée. L’avantage concurrentiel dans l’horticulture ne signifie pas que les conditions au Niger seront idéales, mais que le Niger peut être mieux placé que ses concurrents pour servir ces marchés dans le cadre de la durée de vie des produits. Mais tout d’abord, un changement de mentalité doit s’opérer face à deux contraintes liées aux idées reçues : (i) « le Niger n’a pas suffisamment d’eau pour son agriculture » ; et (ii) « la position enclavée du Niger limite sa capacité d’exportation ». i. « Le Niger n’a pas suffisamment d’eau pour son agriculture ». Paradoxalement, le Niger et la région du Sahel en général ont connu une augmentation de leurs eaux souterraines, selon la mission satellitaire GRACE qui mesure l’évolution des niveaux d’eau depuis 2002. Cela ne signifie pas que la région est riche en eau43, mais la tendance montre que si la disponibilité des eaux souterraines augmente dans le Sahel, elle diminue dans les pays qui alimentent aujourd’hui les pays d’Europe et du Moyen-Orient. Cela peut représenter une opportunité de supplanter l’Espagne, l’Italie, la Grèce, le Maroc et la Turquie comme principaux fournisseurs de produits horticoles sur les marchés européens. Le temps requis nécessite une analyse qui dépasse le cadre de cette étude, mais par exemple dans le cas de la Californie qui subit un épuisement similaire, on estime que dans moins de 25 ans, celle-ci ne produira plus de produits horticoles, alors qu’elle fournit aujourd’hui 85 % des produits frais aux États-Unis. 43 Pour plus d’explications sur les multiples causes et effets : « Emerging trends in global freshwater availability ». M. Rodelli, J. S. Famiglietti et al. Mai 2018. Nature. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 87 ii. « La position enclavée du Niger limite sa capacité d’exportation ». Le Niger a une position stratégique sur la route transsaharienne vers Alger qui peut devenir la ligne de vie des produits frais à destination de l’Europe. Si l’accès aux ports maritimes est important pour les exportateurs de produits agricoles qui expédient en vrac des produits stockables pour réduire les coûts, la plupart des expéditions de produits frais se font par camion offrant plus de flexibilité, de tailles plus petites et une fréquence plus élevée. Les distances entre le Niger et Rotterdam par camion sont similaires à celles entre le sud du Mexique et New York, transitées quotidiennement par des camions frigorifiques qui transportent plus de 12 milliards de dollars de produits frais par an. Le montant équivalent de l’Afrique de l’Ouest vers l’Europe est insignifiant, alors que l’Europe s’approvisionne en Amérique latine pour la plupart de ses produits tropicaux. La rivalité intra régionale peut être plus importante que la coopération intra régionale et peut contribuer au contrôle du marché. Par exemple, la rivalité entre le Pérou et le Chili en ce qui concerne la culture des avocats a amélioré la compétitivité des deux pays, avec une lutte constante pour l’innovation et la qualité. Au sein de cette rivalité, la complémentarité saisonnière est une raison importante de collaboration, car ces deux pays couvrent des saisons légèrement différentes qui peuvent se compléter. Le Pérou, couvrant la période avril-septembre, et le Chili, la période octobre-mars, permettent de répondre aux besoins du marché et de maintenir des routes maritimes viables tout au long de l’année. Dans la région du Sahel, cela peut être plus complexe étant donné les modèles de culture plus similaires, mais les différentes opportunités pour les produits frais doivent être attentivement étudiées, en recherchant des produits ayant des complémentarités saisonnières pour couvrir les besoins des marchés de destination. c) Investir dans les infrastructures en matière d’irrigation, de logistique et numérique pour les 20 prochaines années Le Niger devrait utiliser les capacités de ses chaînes de valeur extractives pour aider sa transformation de l’eau. Des travaux récents de la Banque mondiale examinent comment appliquer les compétences organisationnelles et techniques des industries extractives à l’eau pour l’agriculture. Par exemple, une étude récente sur les secteurs pétrolier et gazier au Tchad a identifié trois domaines de connaissances des dits secteurs qui pourraient être utilisés à d’autres fins : (i) l’analyse du Big Data pour la recherche géologique peut être utilisée pour analyser la localisation des eaux souterraines ; (ii) les capacités de forage et d’extraction peuvent être transformées en forage et gestion de l’eau pour l’agriculture ; (iii) les capacités des pipelines peuvent être transformées en gestion des infrastructures partagées (par exemple, eau, électricité et fibre optique), et en création d’oasis dans les régions en retard le long des axes. Le Niger pourrait bénéficier d’une étude similaire portant sur les capacités spécifiques de l’exploitation minière de l’uranium et de l’or, et examiner la manière dont elles pourraient contribuer à la transformation requise dans l’agriculture. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 88 Pour tirer parti des nouveaux modèles commerciaux dans l’agriculture qui utilisent la technologie blockchain, le Niger devrait investir dans les réseaux de télécommunication. Les technologies blockchain et de l’IoT (Internet de l’objet) permettent aux fournisseurs de services 3PL de suivre des procédures opérationnelles standardisées44 qui permettent aux agriculteurs de vendre directement aux destinations finales, en capturant des valeurs plus élevées et en obtenant un financement de la chaîne d’approvisionnement, en utilisant les produits enregistrés dans la blockchain comme garantie. Figure 40. Nouveau modèle de financement de la chaîne de valeur agroalimentaire basé sur la blockchain. Toutes ces technologies et infrastructures sont déjà disponibles ; toutefois, leur mise en place exigera un renforcement des capacités locales et des investissements et demandera du temps. Dans les pays ayant connu des transformations similaires, comme le Pérou et le Chili, une forte coalition entre le secteur public, le secteur privé et les institutions scientifiques a été la clé. Le Niger doit poursuivre cette coalition pour mener à bien un programme de transformation aussi ambitieux. 44 La Banque mondiale met en œuvre ce modèle dans plusieurs pays, notamment en Afrique de l’Ouest. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 89 2.4. L’utilisation de la technologie sera-t-elle suffisante pour saisir ces opportunités ? Si la technologie peut aider à saisir certaines opportunités, des actions supplémentaires doivent être entreprises pour relever les défis liés à l’avancement de l’agriculture commerciale45. Pour mener ces actions, il sera nécessaire de prendre en compte les éléments suivants : La structure atomisée du secteur constitue un obstacle significatif pour générer une offre plus importante de produits agricoles homogènes de haute qualité pouvant satisfaire la demande des marchés urbains et internationaux prometteurs qui, dans la plupart des cas, exigent un volume minimum de production pour être viables. Les volumes plus importants peuvent être produits par de grandes unités ou regroupés par des entreprises de la chaîne de valeurs qui peuvent être elles-mêmes de nature privée ou coopérative. Trois options, qui ne sont pas mutuellement exclusives mais plutôt complémentaires, seront particulièrement nécessaires pour le Niger. Il s’agit de : a. Renforcer les entreprises existantes (qui sont peu nombreuses) ; b. Créer de nouvelles entreprises par des entrepreneurs locaux ou internationaux (y compris des organisations paysannes locales) ; ceci nécessiterait du capital-risque fourni idéalement par des entreprises opérant déjà sur des marchés similaires au Niger ou à l’étranger (à ce stade, il ne semble pas exister de fournisseurs potentiels de capitaux propres pour de telles entreprises) ; c. Ouvrir des succursales de sociétés internationales existantes entrant sur le marché nigérien. Si elles sont soutenues et supervisées de manière adéquate, les organisations paysannes (OP) sont en capacité de jouer un rôle significatif dans le regroupement des produits des petits exploitants agricoles. En plus de faciliter la concentration des produits, les OP contribueraient à l’amélioration de la qualité et, particulièrement, au développement du pouvoir de négociation de leurs membres, tout en facilitant l’accès aux services commerciaux et aux intrants. Comme le montre l’expérience du Niger et d’autres pays, les activités destinées à renforcer et à professionnaliser le fonctionnement des organisations paysannes doivent s’inscrire dans une perspective à long terme, car elles doivent remédier à plusieurs lacunes, notamment, des compétences médiocres ou faibles en matière de gestion et de commerce, un manque de transparence, une participation insuffisante des membres aux décisions de leur organisation, et un accès médiocre aux services financiers, aux marchés et aux informations sur les marchés. Quant aux mesures destinées à renforcer ces organisations, elles devraient inclure, d’une part, un soutien direct et un renforcement des capacités et, d’autre part, la mise en place de mécanismes de contrôle et de surveillance appropriés qui favorisent la transparence des opérations. L’impact des projets qui n’ont pas bénéficié de suffisamment de temps et de ressources pour aborder ces questions a été considérablement limité, avec pour conséquence l’impossibilité pour les syndicats de producteurs de reprendre la gestion de leurs organisations à la fin des projets. 45 Voir en Annexe pour plus d’informations. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 90 Recettes de l’État provenant du pétrole, en pourcentage du PIB La faible performance de l’agriculture nigérienne sur le marché, qui constitue un autre domaine crucial à améliorer, a entraîné une baisse significative de la valeur des exportations de bovins vivants et d’oignons à partir de 2013. La situation de la chaîne de valeur de l’oignon, qui a perdu du terrain au profit de concurrents tels que le Sénégal, illustre les enjeux qui doivent être abordés pour améliorer la compétitivité et la rentabilité de la production agricole au Niger. Selon le rapport précité de la Banque mondiale sur la diversification des exportations « […] les transformateurs continuent d’utiliser les grands sacs de jute traditionnels qui contribuent à la perte de récolte durant le transport et à une valeur plus faible. Les exportateurs préfèrent utiliser les grands sacs pour réduire les tarifs d’exportation qui sont calculés en fonction du nombre de sacs et non du poids. […]. ». Par ailleurs, la compétitivité de ce produit est réduite en raison de « […] la faible qualité et la disponibilité des intrants et des équipements ; le manque d’accès aux semences certifiées ; la capacité financière limitée des producteurs ; le manque de certification et de traçabilité ; des infrastructures de stockage inadéquates ; une transformation à faible valeur ajoutée ; le manque de pouvoir de négociation des producteurs vis-à-vis des négociants ; une offre excédentaire pendant la saison principale de l’oignon ; la concurrence des marchés régionaux et européens ; et le manque d’innovation et d’investissement du secteur privé.” Figure 41. Exportations d’oignons secs en quantité et en valeur, Niger et Sénégal 15k 125k 12.5k 100k Part du RNB 10k 75k tonnes 7.5k 50k 5k 25k 2.5k 0 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Quantité d’exportation Valeur des Quantité d’exportation du Valeur des du Niger exportations du Niger Sénégal exportations du Oignons, secs Oignons, secs Oignons, secs Sénégal Oignons, secs Source : DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 91 En conséquence, le Niger ne profite pas des opportunités de marché existantes pour les oignons. En revanche, le Sénégal a pu accroître considérablement la valeur de ses exportations d’oignons secs en améliorant la qualité de ses systèmes de production, de stockage et de transport, lui permettant de cibler les marchés européens tandis que le Niger a continué à desservir ses marchés traditionnels en Afrique de l’Ouest avec des processus légèrement améliorés . En 2019, les exportations d’oignons secs ont généré un revenu total d’environ 9,26 millions de dollars pour le Sénégal, ce qui est similaire aux exportations du Niger (9,18 millions de dollars É.-U.) . La principale différence est que le Niger a exporté cette année-là un total de 79 500 tonnes, tandis que le Sénégal n’a exporté que 6300 tonnes, reflétant le prix nettement plus élevé que le Sénégal a pu obtenir en raison de la qualité élevée de ses produits. Comme le montre la Figure 41, la valeur totale des exportations du Sénégal n’a cessé d’augmenter ces dernières années, tandis que la valeur des exportations d’oignons du Niger a stagné à un faible niveau. L’introduction de nouvelles technologies numériques entraîne de nouveaux risques qu’il convient de traiter. L’un d’eux est le risque d’exclusion de larges segments de la population face à la « fracture numérique », qui peut accentuer l’exclusion des personnes ayant déjà un accès limité à de nombreux biens et services. Bien que certaines de ces contraintes soient prises en compte par le projet « Villages intelligents » (Smart Villages) mis en œuvre avec le soutien de la Banque mondiale, il sera important de surveiller également leurs effets sur le marché du travail, car « les technologies numériques augmentent la demande de main-d’œuvre qualifiée tout en réduisant celle de la main-d’œuvre non qualifiée, ce qui signifie qu’elles peuvent exacerber et perpétuer les inégalités sur le marché du travail et creuser davantage le fossé entre les genres dans les zones rurales. Les femmes et les filles se heurtent à des obstacles à l’inclusion numérique qui reflètent leurs inégalités dans l’accès à l’éducation, aux carrières et à d’autres opportunités »46. Enfin, il est important de mentionner que les plateformes numériques peuvent nécessiter des réglementations afin de faire face à la tendance observée de concentrer leur pouvoir de marché compte tenu des coûts fixes élevés, des forts effets de réseau et des faibles coûts marginaux de leur expansion47. Ces réglementations devraient, entre autres, faire respecter les contrôles de confidentialité, fournir des protocoles d’utilisation des données et définir des normes d’interopérabilité. 46 Schroeder, Kateryna ; Lampietti, Julian et Elabed, Ghada. 2021. « What’s Cooking : Digital Transformation of the Agrifood System. Série Agriculture et Alimentation ». Washington, D.C. : Banque mondiale. https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/35216 47 George J. Stigler Center for the Study of the Economy and the State. Université de Chicago. 15 mai 2019. « Committee for the Study of Digital Platforms. Market Structure and Antitrust Subcommittee ». Disponible sur : https://research.chicagobooth.edu/-/media/research/stigler/ pdfs/market-structure---report-as-of-15-may-2019.pdf?la=en&hash=B2F11FB118904F2AD701B78FA24F08CFF1C0F58F. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 92 3. Renforcer l’inclusion financière pour soutenir ce changement stratégique 3.1. La finance numérique : Moteurs et perspectives Au Niger, les inondations et les sécheresses récurrentes, ainsi que la crise sanitaire de la COVID-19, ont mis en évidence l’importance de systèmes financiers numériques efficients pour apporter une aide financière rapide, fiable et transparente aux populations vulnérables et aux MPME. Alors que la plupart des pays du monde ont été en mesure de fournir rapidement une aide monétaire à leurs populations et aux MPME lors de la pandémie de COVID-19, le Niger n’a pas pu le faire en raison de la précarité de son système financier, du sous-développement de la finance numérique et du faible niveau d’inclusion financière. Les millions de dollars d’aide financière versés aux particuliers ont été distribués en espèces, malgré le risque de créer un système non sécurisé de distribution des dépenses et des recettes fiscales et de favoriser la corruption. C’est une occasion manquée de stimuler l’inclusion financière qui aurait pu ouvrir des portes aux ménages et aux agriculteurs les plus pauvres, leur permettant d’être plus résilients, de lisser leur consommation et d’investir dans des activités productives génératrices de revenus. Elle aurait également permis aux entreprises formelles —mais aussi informelles grâce au crédit– d’accroître leurs investissements dans des activités à forte valeur ajoutée, augmentant ainsi la croissance économique. La mise à mal du lien entre un secteur financier bien développé et une inclusion financière renforcée par les décideurs politiques nigériens au cours des 20 dernières années a contribué à maintenir des segments de la population du pays dans l’exclusion financière. Le système bancaire du Niger, bien que robuste, est le moins efficace de la région. Cela s’explique par le fait que son rayon d’action est limité aux populations à haut revenu, à sa forte dépendance vis-à-vis des dépôts provenant des bailleurs de fonds et des entreprises parapubliques, et a son aversion au risque. Il faudra du temps pour que les gains d’efficacité macroéconomique de l’intermédiation financière se réalisent dans la mesure où une forte proportion de l’épargne nationale ne va pas dans le système financier formel nigérien. Le Niger a le plus faible niveau de dépôts de la région, malgré son taux d’intérêt sur les dépôts le plus élevé (5,7 %). Les prêts sont concentrés ; il y a une forte concurrence pour prêter à trois groupes principaux –les entreprises parapubliques étant donné la garantie perçue de l’État, les entreprises politiquement liées ou bien connectées, et les employés du secteur formel. Au cours de la dernière décennie, le pourcentage de la population adulte ayant accédé à un prêt bancaire a oscillé entre 2 et 4,5 %. Le fait que les prestataires de services financiers manquent de présence dans les zones rurales et ne s’appuient pas sur la finance numérique pour développer la finance rurale, aggrave davantage l’exclusion financière. En 2018, les banques disposaient de 169 agences et de 183 dispositifs ATM/POS. Cela se traduit par environ, respectivement, 1,6 agence bancaire et 1,8 dispositif ATM/POS pour 100 000 habitants adultes soit un niveau de couverture bien inférieur à celui des pays pairs du Niger. Étant donné que 56 % des agences bancaires et 65 % des guichets automatiques du Niger se trouvent à Niamey qui abrite moins de 10 % de la population du pays, ces ratios chutent en dehors de la capitale du pays à environ, respectivement, 0,41 agence bancaire et 0,36 DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 93 guichet automatique pour 100 000 habitants, et jusqu’à une présence négligeable dans les zones rurales48. Outre les banques, les Institutions de micro finance (IMF) exploitaient 125 agences. En revanche, les opérateurs de réseaux de téléphonie mobile (ORM) et les agences de transfert d’argent (MTA) disposent de réseaux importants avec, respectivement, environ 830 et 9300 points de service. Si les ORM et les MTA sont plus présents que les autres prestataires, leur offre de services reste très limitée. La pénétration de la finance mobile s’est améliorée, mais les taux d’utilisation ont été décevants, même lors de la pandémie de COVID-19. Alors que les pays du monde entier ont enregistré une croissance sans précédent de l’argent mobile, le nombre d’utilisateurs d’argent mobile a stagné au Niger entre 2017 et 2019 à 9 %, après être passé de 3,5 à 9 % entre 2014 et 2017. Les données recueillies auprès du régulateur des télécommunications en 2020 indiquent une augmentation du nombre de titulaires de comptes d’argent mobile passant de 2,7 millions à 3,4 millions, mais leur utilisation était extrêmement faible. Seuls 4 % des comptes étaient actifs, contre une moyenne de 33 % de comptes actifs dans la région de l’UEMOA. La concurrence est jugée décente entre les trois opérateurs de Mobile Money49 et une banque, mais l’offre est peu diversifiée et insuffisante. Elle ne comprend que des services de première génération tels que les paiements de particulier à particulier (P2P), les systèmes de paiements de masse, les paiements de factures et les portefeuilles mobiles. Le nombre de transactions de paiement P2P –qui sont les services les plus élémentaires– était extrêmement faible, reflétant le manque d’adoption de l’argent mobile dans le pays (Figure 42). Il s’est élevé à 356 000 en 2019, contre 29 millions au Mali et une moyenne de 30 millions dans la région de l’UEMOA. La forte concurrence des solutions de transfert de fonds, le manque de liquidités des agents de Mobile Money, le manque de culture numérique et le manque de sensibilisation sont les principales raisons de ce faible niveau de paiements P2P. Les services de deuxième niveau tels que l’épargne, les prêts et l’assurance via le mobile ne sont pas disponibles. Figure 42. Nombre de paiements entre particuliers (P2P) dans l’UEMOA comparé aux pays pairs Togo Senegal Niger Mali Côte d’Ivoire Burkina Faso Benin Source : BCEAO, 2020 48 Fadika et Varcando Consulting. 2020. « Financial Inclusion Fund in Niger Feasibility Study ». EFI Insight-Finance. Washington, D.C. : Banque mondiale. 49 Toutes les entreprises de télécommunications collaborent avec les banques pour proposer des services d’argent mobile, car les actifs sous-jacents sont généralement détenus par une banque sur un compte à valeur stockée dédié, ou sur un compte courant lié. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 94 Les expériences de pays présentant des similitudes structurelles avec le Niger ont confirmé que la technologie mobile pouvait favoriser l’inclusion financière même dans des environnements fragiles. En effet, la finance mobile a changé le paysage des marchés financiers dans six des huit pays de la région UEMOA en doublant, voire triplant dans certains pays, le pourcentage d’adultes disposant de comptes de transaction. Au Mali et au Burkina Faso, le pourcentage de la population adulte disposant de comptes formels a augmenté de 115 %, passant de 20 à 43 %, et de 335 %, passant, respectivement, de 14 à 71 %. Dans chaque cas, plus des deux tiers de cette croissance sont attribués à l’argent mobile. La valeur des transactions de Mobile Money par rapport au PIB était de 2,9 % au Niger, contre 33,9 % au Mali et 51,92 % au Burkina Faso. Dans la plupart des pays de l’UEMOA, l’adoption de la finance mobile était liée au vaste réseau de points d’accès aux espèces, à la numérisation des paiements gouvernementaux, aux mesures présumées de connaissance du client (KYC) pour l’ouverture de comptes d’argent mobile, à l’acceptation des paiements de Mobile Money par les commerçants, au microcrédit et à l’épargne par mobile. Figure 43. Croissance du pourcentage de la Figure 44. Valeur des transactions de Mobile Money/ population adulte possédant un compte formel PIB de transaction bancaire (microfinance bancaire et Mobile Money) 80 90% 80% 60 70% 60% 40 50% 40% 20 30% 20% 10% 0 2015 2016 2017 2018 2019 0% 2014 2017 2019 2014 2017 2019 2014 2017 2019 2014 2017 2019 2014 2017 2019 2014 2017 2019 2014 2017 2019 Niger Mali Benin Burkina Côte Mali Niger Senegal Togo Faso d’Ivoire Burkina Faso Senegal Source : Base de données Global Findex du GBM et BCEAO Source : FMI, Enquête sur l’accès aux services financiers L’avenir semble prometteur si le Gouvernement du Niger décide de numériser efficacement tous ses paiements, et s’assure que le projet ‘Villages intelligents’ et autres initiatives numériques soient correctement mis en œuvre. Au cours des quatre dernières années, les décideurs politiques du Niger ont montré un intérêt croissant pour l’inclusion financière dans son ensemble. Toutefois, ce n’est que récemment que cet intérêt s’est traduit par des actions concrètes telles que l’adoption de la Stratégie nationale de finance inclusive révisée et son plan d’actions 2019-2023, qui se concentre sur la finance numérique, et le lancement du Projet Villages Intelligents pour la Croissance Rurale et l’Inclusion Numérique (PVI). Les défis structurels, notamment l’alphabétisation et la sensibilisation limitées aux questions financières, la faible connectivité dans les zones DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 95 rurales, la présence limitée d’agents de téléphonie mobile actifs, le nombre restreint de cas d’utilisation et l’absence d’un environnement plus propice aux paiements mobiles, devraient être résolus au cours des cinq prochaines années grâce à ce projet. Cela nécessitera des efforts concertés entre le Gouvernement du Niger et le secteur privé, y compris les ORM, les banques et autres organismes. Un engagement plus fort du Gouvernement nigérien dans la numérisation de ses paiements sera crucial. Pour l’instant, il est difficile de savoir si c’est en raison du changement de régime politique ou d’une volonté politique limitée, que les réformes préparées au cours des deux dernières années sur la digitalisation des paiements étatiques via la téléphonie mobile sont au point mort. Il sera crucial de créer un dynamisme beaucoup plus important autour de la finance numérique en impliquant également les autorités traditionnelles et religieuses, ainsi que les secteurs public et privé, compte tenu des avantages pour la population et la croissance de l’économie nigérienne, qui regroupent : a. La sécurité, l’autonomisation et l’indépendance financière des individus. Compte tenu de l’insécurité qui règne dans de nombreuses régions du Niger, l’argent mobile offre aux agriculteurs et aux éleveurs la possibilité de stocker de l’argent de manière plus efficace et plus sûre et de faciliter leur accès aux opportunités de marchés. Des études sur le marché kenyan montrent que l’utilisation de l’argent mobile a conduit les ménages à épargner davantage. Les ménages possédant un compte d’argent mobile étaient 16 à 22 % plus susceptibles d’épargner et l’épargne moyenne de leur ménage a augmenté de 15 à 21 %, soit l’équivalent de 2,7 à 3,7 dollars É.-U. par mois50,51 . Les chercheurs affirment que l’argent mobile permettrait aux femmes des ménages dirigés par un homme, et généralement sources de revenus secondaires, d’acquérir une plus grande indépendance financière. b. La lutte contre l’informalité et l’amélioration de la transparence. Les paiements mobiles peuvent contribuer à réduire les paiements en espèces qui, non seulement contribuent à renforcer les économies informelles freinant la concurrence, mais privent également les gouvernements de recettes fiscales et découragent les investissements des entreprises. Bien qu’aucune donnée ne permette de le confirmer au Niger, l’expérience des autres pays montre que l’argent mobile pourrait aider le gouvernement nigérien à économiser des millions de dollars par an en réduisant les détournements dans les dépenses publiques et les recettes fiscales. c. Une mobilisation plus forte des dépôts pour une meilleure intermédiation financière. La finance mobile pourrait faciliter la collecte des dépôts. Pour cela, les banques devraient soit s’associer aux ORM, soit lancer leurs propres programmes de transformation numérique. 50 Parekh, Nidhi & Aimee Hare. 22 octobre 2020. « The rise of mobile money in Sub-Saharan Africa: Has this digital technology lived up to its promise? ». Innovations for Poverty Action (IPA). https://www.povertyactionlab.org/es/node/2955386 51 Fondation Bill & Melinda Gates. Avril 2021. « The Impact of Mobile Money on Poverty ». https://docs.gatesfoundation.org/Documents/ ImpactofMobileMoneyonPoverty_ResearchBrief.pdf DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 96 d. L’ouverture de voies à un meilleur financement des MPME, y compris celles du secteur informel. Les données que laissent ces technologies pourraient permettre aux prêteurs d’évaluer la solvabilité des emprunteurs et aider les entreprises à mieux gérer leurs finances. La finance mobile enregistre toutes les transactions par voie électronique, améliorant la sécurité des paiements et leur transparence, dont les conséquences pourraient être considérables sur l’économie. e. Stimuler la croissance économique. Le modèle macroéconomique d’équilibre général calculable exclusif de McKinsey montre que la finance numérique pourrait augmenter le PIB des économies émergentes d’environ 6 %. Les deux tiers de cette croissance du PIB proviendraient probablement de l’amélioration de la productivité dynamisée par les paiements numériques. Environ un tiers proviendrait de l’investissement supplémentaire qu’apporterait une plus grande inclusion financière des individus et des MPME. Le petit reste proviendrait des économies de temps réalisées par les particuliers permettant une meilleure intermédiation52. 3.2. Les leçons des pays pairs et des pays aspirationnels La crise sanitaire de la COVID-19 a mis en évidence la nécessité pour de nombreux pays d’adapter leurs cadres réglementaires et politiques concernant la fourniture de paiements et de services financiers numériques par des organismes non-bancaires, notamment sur les questions de KYC et AML/CFT, les questions liées à la fiscalité ou à la confidentialité des données, ainsi que les exigences en matière d’interopérabilité dans le domaine des services financiers numériques. a. Ghana : Le Ghana a supprimé les frais pour les envois de fonds de faible valeur, assoupli les limites de transaction et de taille de portefeuille pour l’argent mobile, rendu le KYC transférable à partir des enregistrements de la carte SIM pour permettre une ouverture de comptes d’argent mobile à distance, et détaxé toutes les transactions interopérables effectuées par le biais du commutateur interbancaire switch. Les identifications numériques ou nationales ont été mises à profit pour faciliter encore davantage l’inclusion financière lors de la pandémie de COVID-19 : b. Le système d’identification numérique biométrique du Pakistan. Le système national d’identification numérique biométrique du Pakistan, développé et géré par la National Database and Registration Authority (NADRA), est utilisé depuis plus de dix ans pour faciliter l’ouverture de comptes par les personnes pauvres. Selon la NADRA, la carte d’identité nationale informatisée (CNIC) du Pakistan —une carte à puce qui stocke les données démographiques et biométriques d’un citoyen et comporte un numéro d’identification unique à 13 chiffres— couvre près de 100 % de la population adulte. Les données de la NADRA sont utilisées pour la vérification l’identité des personnes dans le cadre de l’ouverture d’un compte bancaire et de l’enregistrement obligatoire d’une carte SIM mobile. Lorsqu’un utilisateur possède une carte SIM déjà vérifiée, un prestataire de services financiers peut ouvrir à distance un compte de base pour cette personne (SBP 2016)53. 52 McKinsey Global Institute. Septembre 2016. « Digital finance for all : Powering inclusive growth in emerging economies ». 53 Banque mondiale. COVID-19 Briefing rapid account opening. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 97 c. Le Togo, grâce à sa plateforme Novissi, a pu délivrer des transferts monétaires d’urgence sans contact, basés sur l’identification nationale (cartes électorales), les techniques d’apprentissage automatique et l’argent mobile. Le système a permis l’inclusion financière d’environ 500 000 personnes après les six premiers mois de fonctionnement. Les applications de paiement basées sur des interfaces mobiles et des codes à réponse rapide (QR) ont ouvert la voie à toute une gamme de services financiers allant des paiements numériques aux petits prêts pour les commerçants basés sur la traçabilité des paiements numériques reçus, en passant par les petits prêts pour les dépenses de santé. d. Le Ghana a lancé une politique financière numérique demandant à tous les commerçants du pays d’accepter les paiements par codes QR et de réduire les frais de transaction. Le programme Connected Women (femmes connectées) de la GSMA a constaté que ce service de paiement a servi de catalyseur pour les paiements numériques54, en particulier dans les entreprises féminines. Il a renforcé l’autonomie des femmes micro entrepreneures sur les marchés grâce à la numérisation de leurs transactions, et a renforcé leur inclusion financière. Il favorise également une plus grande utilisation de l’argent mobile et un plus grand engagement parmi les clientes. e. En Inde, la Banque centrale a autorisé l’utilisation de données de crédit alternatives pour prendre des décisions de crédit, et structurer des produits financiers qui peuvent débloquer le financement des dépenses de santé. Arogya Finance propose des prêts médicaux non garantis destinés aux emprunteurs à faible revenu du secteur informel, en utilisant des données de crédit alternatives pour effectuer les évaluations. Les clients peuvent contracter des prêts allant de 300 à 7000 dollars É.-U. pour une variété de besoins médicaux, pour des durées n’excédant pas quatre ans, à des taux d’intérêt inférieurs à ceux qui sont souvent disponibles pour d’autres types de prêts. 3.3. Construire un système financier capable de soutenir le virage numérique et stratégique du Niger vers l’agriculture commerciale pour devenir le futur «grenier » de la sous région. Dans l’ensemble, l’analyse de rentabilité des prêts à l’agriculture au Niger est faible, car des problèmes substantiels liés à la demande génèrent des coûts élevés, tandis que plusieurs facteurs limitent les revenus des prêts. Les principaux problèmes sont les suivants : • La faible performance du marché des principales chaînes de valeur agricoles • La capacité limitée des entreprises et des organisations paysannes engagées dans les chaînes de valeur agricoles à fournir des informations financières et de performance pertinentes et fiables. 54 GSMA (2020). « MTN MoMo Pay Merchant Payments: Expanding Female Mobile Money Usage in Ghana». Voir le site Internet : https://www. gsma.com/mobilefordevelopment/wp-content/uploads/2020/05/MTN-MoMo-Pay-Merchant-Payments-Expanding-Female-Mobile-Money- Usage-in-Ghana.pdf. Le programme Connected Women est destiné à éliminer les barrières entre les genres en matière d’Internet mobile et d’argent mobile, et à en favoriser leur accès et leur utilisation (NDLT). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 98 • Les coûts élevés pour l’acquisition et le service des clients individuels dans les zones rurales, dont beaucoup n’ont pas d’identification officielle et sur lesquels il n’existe que peu d’informations. • Les incertitudes juridiques qui limitent la capacité des entreprises et des particuliers à fournir des terres et des biens immobiliers en garantie, et qui touchent particulièrement les femmes agricultrices et cheffes d’entreprise. • L’utilisation limitée par les banques et les IMF de technologies numériques susceptibles de réduire les coûts. • Les plafonds de taux d’intérêt en vigueur qui limitent la capacité des banques et des IMF à couvrir les coûts administratifs et les risques élevés liés à l’octroi de prêts accordés à certains emprunteurs actifs dans l’agriculture. • Le sous-développement de l’infrastructure financière (registres de garanties sur support papier, etc.), qui rend difficile l’utilisation d’actifs mobiliers comme garantie. • Les contraintes résultant de l’insécurité et des conflits dans certaines parties du pays L’offre de financement par le biais de plus grandes entreprises de la chaîne de valeur, telles que les fournisseurs d’intrants et les transformateurs de produits agricoles, est également très limitée ; les rares financements disponibles sont fournis principalement de manière informelle par les grands négociants ou par certaines des coopératives agricoles55. Contrairement à d’autres pays dans lesquels le financement de l’agriculture par le biais de grandes entreprises de la chaîne de valeur est important, au Niger, ce type de financement est limité par la nature informelle de la plupart des chaînes de valeur, et par le petit nombre de grandes entreprises qui pourraient canaliser et gérer ce type de financement vers leurs fournisseurs ou acheteurs. Le Gouvernement du Niger et ses partenaires internationaux ont déjà pris des mesures importantes qui renforceront l’offre et la demande de services financiers pour l’agriculture, mais il reste encore beaucoup à faire. Il est important de noter que la mise en œuvre de réformes et de programmes pour faciliter un approvisionnement durable en financement pour les investissements agricoles commerciaux doit s’inscrire dans une perspective à long terme, et inclure des efforts spécifiques pour accroître les informations disponibles concernant l’agriculture et les zones rurales. La conception et la mise en œuvre de bon nombre des réformes suggérées prendront du temps. Parallèlement, leur mise en œuvre exigera des efforts significatifs pour améliorer la disponibilité des données, entre autres sur les différentes chaînes de valeur agricoles et les flux de fonds. Cela facilitera la formulation des politiques publiques et des stratégies du marché privé et permettra de suivre l’évolution des réformes elles-mêmes. 55 Fadika et al. 2020. « Note de politique sur le développement du crédit agricole au Niger ». EFI Insight-Finance. Washington, D.C. Banque mondiale. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 99 Mesures cruciales devant être mises en place par le Calendrier de Répercussions Gouvernement du Niger mise en œuvre budgétaires Supprimer les obstacles à la croissance du secteur privé du pays - Renforcer les réformes du climat d’investissement ; Moyen terme Moyenne - Renforcer la gouvernance des entreprises parapubliques et la lutte contre la Moyen terme Moyenne corruption ; - Renforcer les mécanismes de dialogue public-privé ; Court terme Faible - Assurer les conditions de concurrence équitables pour attirer et retenir Moyen terme Moyenne les IDE en garantissant un processus décisionnel fondé sur des règles et la transparence de la réglementation des entreprises ; - Soutenir les entrepreneurs et les femmes dans les secteurs de l’agriculture Moyen terme Moyenne numérique et commerciale - Améliorer les liens entre les IDE et les entrepreneurs locaux. Moyen terme Moyenne Exploiter la technologie pour l’agriculture commerciale et entrer dans la chaîne de valeur mondiale, et se concentrer également sur d’autres politiques - Investir dans les systèmes d’énergie solaire, l’irrigation, la logistique, les Moyen terme Élevée technologies telles que l’agriculture de précision et l’irrigation goutte-à-goutte, les plateformes agroalimentaires numériques et la blockchain ; - Concentrer la stratégie pour l’agriculture commerciale sur des marchés et Moyen terme Élevée des produits cibles où le Niger aura des avantages concurrentiels pérennes, compte tenu des changements climatiques et de la collaboration ou rivalité intra régionale ; - Créer de meilleures conditions pour encourager l’ouverture par des Moyen terme Moyenne entreprises internationales et des groupes locaux (y compris des organisations d’agriculteurs et des entrepreneurs) de nouvelles entreprises investies dans les chaînes de valeur agricoles. Promouvoir l’adoption de la finance numérique - Mettre en œuvre des réformes autour de la digitalisation des paiements de Court terme Moyenne l’Administration publique pour améliorer la transparence et la traçabilité, et promouvoir le financement numérique ; - Favoriser la législation et la réglementation relatives au financement Court terme Moyenne numérique pour permettre des partenariats entre les opérateurs d’argent mobile et les institutions financières traditionnelles pour lancer des services numériques de deuxième génération ; - Tirer les enseignements des pays pairs pour réviser les politiques relatives à Court terme Faible la finance numérique afin d’en faire progresser son adoption ; - Assurer la mise en œuvre effective du projet ‘Villages intelligent’ pour Court terme Moyenne améliorer la couverture, les compétences numériques et l’adoption de services numériques ; - Améliorer le cadre de la protection des consommateurs et de la culture Court terme Moyenne numérique afin de rendre l’utilisation des technologies simple et sans problème pour la population ; DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 100 Mesures cruciales devant être mises en place par le Calendrier de Répercussions Gouvernement du Niger mise en œuvre budgétaires - Promouvoir l’accès des femmes et des groupes vulnérables aux services Moyen terme Moyenne numériques en modifiant les taxes sur les combinés et les services numériques, et en créant des centres d’apprentissage. Favoriser l’offre de financement pour passer à l’agriculture commerciale et intégrer les chaînes de valeur mondiales - Renforcer les politiques relatives à la numérisation du secteur financier par le Court terme Faible biais de plateformes numériques partagées ; - Consolider la conception et la gouvernance du Fonds pour l’inclusion Court terme Élevée financière afin qu’il puisse attirer à terme d’autres financements privés ; - Rationaliser les politiques relatives aux subventions aux petits exploitants ; Court terme Moyenne - Promouvoir l’utilisation de financements mixtes pour attirer des sources de Moyen terme Moyenne financement privées. Notes: Court terme (1 an) ; Moyen terme (2-3 ans) ; Long terme (plus de 3 ans). Les implications budgétaires sont jugées : (i) faibles si elles sont accessibles dans le cadre de la structure actuelle des dépenses ; (ii) moyennes si elles nécessitent une réaffectation budgétaire ; (iii) élevées si elles nécessitent des réformes plus approfondies, des sources de financement et une mobilisation des recettes intérieures. 4. Conclusions Les obstacles à la croissance du secteur privé du pays doivent être surmontés. Les efforts doivent se concentrer sur la consolidation des réformes du climat d’investissement, le renforcement de la gouvernance des entreprises d’État, le contrôle de la corruption et l’amélioration de l’accès du secteur privé au crédit. Cet aspect est crucial. En effet, une plus grande transparence des réglementations commerciales et un processus décisionnel fondé sur des règles accroîtront la capacité du pays à attirer et à retenir les investissements directs étrangers (IDE). Par ailleurs, il sera important pour le Gouvernement du Niger d’améliorer les liens entre les IDE et les entrepreneurs locaux, par exemple en étayant les mécanismes du dialogue public-privé. Enfin, il convient de donner la priorité aux efforts concertés pour soutenir les entrepreneurs et les femmes dans les secteurs du numérique et de l’agriculture commerciale, par exemple en développant la connectivité numérique, en fournissant des ressources pour améliorer leurs connaissances financières et numériques, et en augmentant leur accès au financement numérique. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 101 Tirer parti de la technologie pour l’agriculture commerciale et intégrer la chaîne de valeur mondiale, et également se concentrer sur d’autres politiques. Le Gouvernement du Niger devrait axer sa stratégie pour l’agriculture commerciale sur des marchés et des produits cibles où il aura des avantages concurrentiels pérennes, en tenant compte de l’impact du changement climatique et de la collaboration/rivalité intra régionale potentielle. Pour accroître l’efficacité de la production agricole et des marchés agricoles, l’État devrait investir dans des plateformes numériques au service du secteur agricole, dans l’agriculture de précision et l’irrigation goutte-à-goutte, les systèmes d’énergie solaire, et les nouvelles technologies telles que la Blockchain pour garantir la transparence tout au long de la chaîne de valeur. Le Gouvernement nigérien devrait également créer de meilleures conditions d’investissement pour encourager l’ouverture par des entreprises internationales et des groupes locaux (y compris des organisations paysannes et des entrepreneurs) de nouvelles entreprises investies dans les chaînes de valeur agricoles. De meilleurs résultats pourraient être obtenus pour faire progresser le secteur privé et l’agriculture commerciale en tirant parti de la finance numérique pour accroître l’accès au financement. Cela nécessitera des efforts concertés de la part de tous les acteurs, y compris le gouvernement nigérien, qui pourrait donner le ton de la finance numérique en numérisant ses propres paiements. Pour que l’utilisation de la technologie numérique soit sûre, simple et sans problème pour le public, le Gouvernement devrait améliorer le cadre réglementaire de la finance numérique et le cadre connexe de protection des consommateurs. Les efforts doivent être maintenus pour assurer une mise en œuvre efficace de toutes les initiatives liées aux économies numériques. Il sera essentiel de favoriser l’offre de financement pour passer à l’agriculture commerciale et intégrer les chaînes de valeur mondiales. Cela peut se faire en renforçant les politiques relatives à la numérisation du secteur financier par le biais de plateformes numériques partagées ; en consolidation la conception et la gouvernance du Fonds pour l’inclusion financière afin qu’il puisse attirer à terme d’autres financements privés ; en rationalisant les politiques relatives aux subventions aux petits exploitants et en encourageant l’utilisation de financements mixtes pour attirer des sources de financement privées. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 102 CHAPITRE 4 Le secteur extractif au Niger : Impact sur la croissance, l’emploi, la gouvernance et la fragilité Le chapitre 4 étudie l’importance du secteur extractif du Niger sur la croissance économique, la création d’emplois, la gouvernance et la fragilité. Le secteur des industries extractives a historiquement joué un rôle important dans l’économie du Niger. Avec l’expansion de la production pétrolière, il est susceptible de jouer un rôle encore plus important dans un avenir proche. Ceci est particulièrement bienvenu dans le contexte de la baisse des revenus de l’uranium due à la fermeture des mines et à la dépression des prix du marché mondial. Le chapitre commence par un bref aperçu des ressources dont dispose le pays, à savoir l’uranium, l’or et le pétrole, et des risques associés au secteur extractif. La sous-section 2 applique le modèle de croissance à long terme (LTGM) de la Banque mondiale pour évaluer (i) l’impact de l’expansion du secteur pétrolier sur la croissance économique et les recettes publiques ; et (ii) comment il dépend de différents scénarios de prix et de cadres budgétaires. Cette sous-section finit par une brève discussion sur les effets d’entraînement à court terme des prix du pétrole, du syndrome hollandais (Dutch disease) et de la malédiction des ressources naturelles dans le contexte du Niger. Après avoir analysé les conséquences macro-budgétaires du boom de l’industrie extractive, la sous-section 3 se penche sur le potentiel de la politique de contenu local pour intégrer le secteur extractif à l’économie agricole au sens large. Enfin, ce chapitre aborde les risques posés par l’expansion du secteur extractif sur les institutions, la gouvernance et la fragilité du Niger. Dans l’ensemble, le chapitre conclut que même dans un scénario de prix élevés du pétrole et d’un cadre budgétaire approprié, l’expansion du secteur pétrolier ne soutiendrait pas à elle seule la croissance économique et le développement à long terme du Niger. D’autre part, la littérature économique suggère que le boom pétrolier peut avoir des retombées substantielles à court terme sur l’économie locale mais représente également un risque pour la stabilité macroéconomique du Niger. En termes de création d’emplois, le chapitre conclut que l’expansion de l’industrie pétrolière serait une bonne opportunité pour une politique de contenu local. Un bon objectif pour le Niger serait une politique de contenu local qui favorise les capitaux étrangers et les nouvelles technologies, mais qui vise également à augmenter l’emploi nigérien. Enfin, le chapitre conclut que le renforcement des systèmes de gouvernance est crucial pour que le Niger transforme ses ressources extractives en moteurs de croissance et de développement inclusif à large base, plutôt qu’en fragilité. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 103 1. Aperçu du secteur des ressources naturelles au Niger L’économie du Niger est fortement dépendante de l’agriculture qui représente 28,5 % du PIB en 2018 et constitue la principale source de revenus pour plus de 80 % de la population. Les industries extractives représentent aussi un autre secteur important, mais sa contribution au PIB a été relativement faible, estimée à 4,4 % en 2018. Les principaux minéraux produits sont l’uranium, dont le Niger est le 7ème producteur mondial à partir de 2020, le pétrole et l’or (OCDE/AEN & AIEA, 2020). 70 % des recettes extractives proviennent du pétrole, alors que l’uranium représente 28,5 %. La majeure partie de l’or du Niger –environ 10 tonnes– est produite par l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE/ASM), la seule mine d’or industrielle du pays, Samira Hill, produisant 1,3 tonne par an (ITIE, 2021). Par ailleurs, l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) produit des matières premières de moindre valeur comme le gypse (à Tahoua), le sel (à Dosso et Agadez) et le natron (à Diffa, Dosso et Zinder) (Banque mondiale, 2020). Le secteur de l’EMAPE a de profondes implications économiques et sociales, car il emploie environ 450 000 personnes, et 20 % de la population en dépend comme source unique ou complémentaire de revenus (UNECA, n.d.). Figure 45. Localisation de l’industrie extractive à l’échelle industrielle au Niger Source : Banque mondiale DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 104 1.1. Uranium Le Niger est historiquement un fournisseur d’uranium important au niveau international. L’exploitation de l’uranium au Niger a commencé en 1971, et a été largement dominée depuis lors, par des entités sous le contrôle de l’État français (principalement, Orano, anciennement connu sous le nom d’Areva). Les ressources en uranium sont situées relativement près de la ville d’Arlit dans la région d’Agadez. Parmi ces ressources, trois gisements majeurs sont, ou ont été développés/exploités par Orano. Il s’agit de SOMAIR (en production), COMINAK (fermé le 31 mars 2021) et Imouraren (potentiellement à ouvrir en fonction des conditions du marché). Une ressource supplémentaire est SOMINA, qui était exploitée par China National Nuclear Corporation (CNNC) mais a été fermée en 2015. L’État nigérien a détenu une position de capital via des entités étatiques dans chacune de ces mines, généralement de l’ordre de 1/3 du capital en question. Conformément au code minier du Niger, l’État délivre des permis d’exploitation minière à condition de recevoir 10 % du capital d’une société minière considérés comme actions gratuites, puis il est autorisé à acheter des actions supplémentaires à titre onéreux, en espèces ou en nature, jusqu’à un maximum de 40 % du capital de la société. La demande mondiale d’uranium a diminué ces dernières années, impactant négativement la production du Niger. En principe, le Niger pourrait être en mesure de profiter d’une éventuelle resurgence de la demande d’énergie nucléaire. Toutefois, il n’est pas certain que le prix au comptant de l’uranium fournisse de bons signaux de marché pour le démarrage des mines, dans la mesure où (i) la demande d’uranium est très irrégulière (c’est- à-dire liée à la mise en service de nouvelles centrales nucléaires) ; (ii) le coût du combustible ne représente qu’une petite fraction du coût global de l’énergie nucléaire et ; (iii) il existe divers stocks d’uranium stratégique et commercial dans le monde. Par conséquent, les grandes compagnies internationales d’énergie nucléaire, comme Orano, sont un intermédiaire essentiel de la chaîne d’approvisionnement en uranium. Elles semblent avoir été historiquement prêtes à payer un prix assez élevé pour l’uranium nigérien, bien au-dessus du coût de production. 1.2. Or Le Niger possède une mine d’or commerciale et industrielle à Samira Hill dans la région de Tillabéri, qui est en activité depuis 2004. Elle était auparavant exploitée par un groupe minier canadien qui détenait 80 % des parts, avec un solde de 20 % du Gouvernement du Niger. Toutefois, la mine de Samira Hill est en fin de vie. En réalité, elle a été cédée à des entreprises nigériennes locales qui tentaient d’entreprendre de nouvelles prospections. Il semble que ces efforts n’aient pu aboutir. D’autres tentatives de nouvelles prospections sont actuellement en cours avec de nouvelles sociétés minières juniors internationales. Toutefois, pour des raisons pratiques, il s’agirait de nouveaux gisements plutôt que des réserves existantes de Samira Hill. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 105 1.3. Pétrole La production pétrolière est d’environ 13 500 barils par jour (b/j) et se situe dans la région de Diffa. Il est ensuite transporté par oléoduc vers une raffinerie de 20 000 b/j à Zinder. La production et le raffinage sont gérés par la China National Petroleum Corporation (CNPC). Les volumes de production limités résultent de deux caractéristiques du pétrole nigérien. Tout d’abord, l’enclavement du Niger rend l’exportation difficile. Cette situation pourrait être améliorée par le projet Pipeline Export Niger-Bénin (PENB), dont la capacité est estimée à 150 000 – 185 000 b/j. Deuxièmement, les réserves prouvées du Niger sont limitées, l’Agence gouvernementale américaine d’information sur l’énergie (EIA) les estimant à 150 millions de barils par jour (mb/j), soit l’équivalent de 20 ans de production aux taux actuels. Il est possible que les réserves prouvées augmentent de manière significative si les prix du pétrole et les options de transport deviennent plus attractifs. En effet, certains éléments indiquent que la CNPC pourrait estimer les véritables réserves de pétrole au Niger à plus d’un milliard de barils, contrairement aux estimations de l’agence américaine EIA. Cependant, le quantum réel des réserves prouvées n’est pas certain à ce stade. Si le pétrole a été découvert au Niger en 1975, ce n’est qu’en 2012 que la production a commencé à l’échelle commerciale. Entre ces deux périodes, des compagnies pétrolières internationales (CPI) ont tenté d’exploiter le pétrole nigérien, mais elles ont dû se retirer pour des raisons diverses. L’une de ces raisons pour lesquelles ces premières CPI se sont retirées était qu’elles n’ont pas pu ou pas voulu, se conformer à l’exigence du Gouvernement du Niger de construire une raffinerie dans le cadre du développement global du pétrole nigérien. Cela s’explique probablement par le fait qu’il est extrêmement difficile pour les très petites raffineries d’atteindre les taux d’investissement typiques des CPI, la capacité d’une raffinerie « d’envergure mondiale » étant aujourd’hui fixée à environ 300 000 b/j. Ainsi, la raffinerie de Zinder est beaucoup plus petite que prévu pour une nouvelle construction dans le contexte actuel, ce qui a des conséquences sur l’efficacité opérationnelle. Néanmoins, l’existence de la raffinerie de Zinder, d’une capacité de 20 000 barils, peut être considérée comme un exemple de la volonté de la CNPC de s’étendre dans le domaine du contenu local spécifique au Niger. 1.4. La valeur économique du secteur des industries extractives La valeur agrégée de la production extractive au Niger varie d’une année sur l’autre et est assez variable étant donné la concentration dans un nombre limité de ressources. Néanmoins, certaines observations peuvent être faites, sur la base des estimations publiques de la production annuelle et des estimations raisonnables des prix des matières premières. Il s’agit, toutefois, d’estimations à partir d’un ordre de grandeur calculé pour encadrer la discussion sur le contenu local. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 106 Tableau 8. Valeur estimée des activités extractives au Niger56 Ressource Uranium Or* Pétrole Production annuelle 1700 tonnes 100 000 oz 5,3 mb/j Prix 66 000/tonne $ É.-U (30/lb $É.-U) 175/oz $ É.-U 60/b/j $ É.-U Recettes annuelles brutes pour 110 millions de dollars É.-U. 175 millions de 320 millions de l’industrie dollars É.-U. dollars É.-U. Bénéfice annuel pour l’industrie 17 millions de dollars É.-U. 26 millions de 48 millions de (~15 %) dollars É.-U. dollars É.-U. Source: Estimation de l’ordre de grandeur basée sur des données publiques Compte tenu d’une estimation approximative des bénéfices annuels globaux du secteur extractif formel au Niger, qui s’élèvent à environ 90 millions de dollars É.-U. par an (somme de 16,6 millions, 26 millions et 48 millions, (Tableau 8), nous disposons d’un point de référence pour examiner les types de politiques de contenu local qui pourraient être appliquées. En principe, celles-ci doivent (i) répondre aux objectifs de base d’une politique de contenu local ; et (ii) être viables dans le contexte des recettes et donc de la structure de coûts « raisonnable » de l’industrie. En effet, alors qu’une politique de contenu local inexistante risque de manquer des opportunités de développement des capacités et de diversification économique au fil du temps, une politique trop stricte risque de dissuader les investissements en capital ou d’avoir un impact négatif sur les recettes budgétaires de l’État. Nous partons de l’hypothèse que le coût maximal raisonnable d’une ‘politique de contenu local’ (au-delà de ce que l’industrie pourrait faire dans son propre intérêt commercial) pourrait être de l’ordre de 1 à 10 % des bénéfices, en fonction de l’évaluation de l’attrait à long terme de l’investissement. En principe, les intérêts du Gouvernement du Niger et du secteur privé devraient être alignés sur le point de la rentabilité du projet, c’est-à-dire que les deux parties souhaitent que l’industrie extractive soit viable et commercialement attractive à long terme. Par ailleurs, un autre point à considérer est le potentiel de croissance future. Par exemple, si la production de pétrole au Niger devait atteindre 150 000 b/j (sur la base des aspirations de la CNPC), cela impliquerait des recettes de l’industrie pétrolière de l’ordre de trois milliards de dollars É.-U., avec une augmentation concomitante des financements potentiels disponibles pour le contenu local. Une attention particulière doit être accordée à la gestion de la relation entre le Gouvernement du Niger (GdN) et la CNPC, en vue d’améliorer le contenu local. En effet, parmi les trois principales ressources extractives du Niger, le pétrole est celui qui devrait se développer à moyen terme. De plus, la CNPC est la seule compagnie pétrolière internationale opérant actuellement au Niger. 56 Note : La production d’or semble être en déclin au Niger. Néanmoins, pour les besoins du ‘contenu local’, on a supposé que, sous réserve de l’exploitation de nouvelles mines, une industrie dont les recettes sont du même ordre de grandeur que les recettes historiques est possible. ^ Note : Les estimations pétrolières présentées ici ne tiennent pas compte des expansions potentielles résultant d’un développement futur. Toutefois, les estimations peuvent être revus à la hausse en conséquence si une telle expansion devait se produire. Ceci est noté dans la discussion ci-dessous. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 107 2. L’impact du secteur des industries extractives sur la croissance à long terme (LTGM) Cette section applique le modèle de croissance à long terme (LTGM) de la Banque mondiale pour évaluer comment l’expansion du secteur pétrolier pourrait affecter la croissance économique et les recettes budgétaires du Niger, et comment cela dépend de différents scénarios de prix et de cadres budgétaires. Plus précisément, cette section utilise l’extension Ressources naturelles de la LTGM, (LTGM-NR) qui permet de désagréger l’économie en secteurs pétroliers et non pétroliers, ainsi que d’évaluer les effets des prix du pétrole sur la croissance à moyen et long terme sous différentes règles budgétaires. Dans le modèle, les chocs pétroliers génèrent une recette budgétaire pétrolière exceptionnelle, et une règle budgétaire simple détermine la part de cette manne à investir dans le capital physique. Les règles qui investissent une part élevée de la manne conduisent à une croissance économique plus rapide que les règles qui donnent la priorité à d’autres types de dépenses. Cette section aborde également d’autres canaux en dehors du cadre de la LTGM-NR. Il est important de noter que, en tant que modèle de croissance néoclassique étendu, le LTGM-NR ne prend pas en compte tous les canaux potentiels par lesquels le secteur des ressources pourrait affecter la croissance. Plus important encore, le modèle ne comporte pas de demande agrégée, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’effet stimulant des dépenses supplémentaires liées aux produits de base sur l’économie locale à court terme. Pour cette raison, à la fin de la section, il est fourni une brève discussion des mécanismes reliant le secteur des industries extractives et la croissance qui ne sont pas capturés par la LTGM-NR, tels que les effets d’entraînement à court terme, le syndrome hollandais et la malédiction des ressources. 2.1. Projection du scénario de référence de la production pétrolière, des revenus et des recettes budgétaires Le Niger deviendra bientôt un grand exportateur de pétrole, mais la manne pétrolière n’est pas permanente. Avec l’achèvement du pipeline Export Niger-Bénin (PENB), la production de pétrole devrait passer de 15 000 à environ 100 000 barils/jour d’ici 2024. Dans l’hypothèse d’un prix du pétrole de 60 $EU/baril en prix constants 201057, le boom de la production amènera le secteur pétrolier à représenter 13 % du PIB du Niger (contre 2 % en 2020). Toutefois, en l’absence de découvertes futures, le scénario de référence prévoit que l’épuisement des réserves de pétrole entraînera un déclin régulier de la production pétrolière après 2030. En 2050, le secteur pétrolier devrait se contracter pour revenir à 2 % du PIB (voir les Figures 13 et 16 du chapitre 2). Des données récentes suggèrent que le Gouvernement nigérien capte environ 40 % des revenus générés par le secteur pétrolier du Niger. Les recettes budgétaires pétrolières comprennent toutes les recettes gouvernementales liées au pétrole, tels que les redevances des concessions d’exploration, les recettes fiscales des entreprises extractives privées (par exemple, la China National Petroleum Corporation, CNPC) et les bénéfices 57 L’inflation cumulée de l’Indice des prix à la consommation (IPC) américain entre 2010 et 2020 étant de 18 %, la valeur correspondante en dollars américains actuels serait de 70 $É.-U. Cependant, la Pink Sheet de la Banque mondiale convertit les prix en utilisant l’indice MUV (Manufactures Unit Value) comme déflateur. L’indice MUV est resté stable entre 2010 et 2020, de sorte que le prix actuel du pétrole serait également de 60 $É.-U. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 108 des entreprises publiques. La part de 40 % repose sur deux observations. Premièrement, le FMI indique que les recettes pétrolières budgétaires du Niger ont représenté 40 à 60 % du total des revenus pétroliers sur la période 2011-2013. Deuxièmement, les accords typiques de partage de la production ont tendance à augmenter la part de l’État en période de prix élevés des produits de base, comme sur la période 2011-2013 (Figure 46). La deuxième observation fait craindre que les données de 2011-2013 ne surestiment la part réelle du Gouvernement à long terme (lorsque les prix du pétrole seront de 70 ou de 40 $É.-U.). En guise de compromis, la LTGM-NR fixe la part future du Niger dans les revenus pétroliers à 40 %, ce qui correspond à l’extrémité inférieure des valeurs observées sur 2011-2013. Par ailleurs, cette part est cohérente avec les preuves transnationales selon lesquelles les États conservent en moyenne 65-85 % des rentes dans le secteur des hydrocarbures (FMI 2012)58. Le boom pétrolier devrait générer des recettes budgétaires pétrolières substantielles pour le Niger. Néanmoins, la dépendance du Niger vis-à-vis des recettes pétrolières resterait modérée par rapport à d’autres pays exportateurs de matières premières. Les recettes pétrolières étaient minces avant le boom, représentant moins d’1 %du PIB ou dix % des recettes budgétaires totales. Dans le scénario de croissance de référence, les recettes pétrolières devraient atteindre 5 % du PIB, soit près d’un quart des recettes budgétaires totales (Figure 47). Bien que le Niger soit beaucoup plus exposé aux chocs pétroliers, il ne serait que modérément dépendant des recettes pétrolières comparé aux autres grands pays exportateurs de matières premières. Par exemple, des pairs régionaux comme le Nigeria, l’Angola et le Congo ont des recettes pétrolières qui représentent plus de 70 % des recettes totales (Voir Annexe Figure 23). Figure 46. Recettes des ressources publiques dans les Figure 47. Recettes pétrolières de l’État, grands exportateurs de pétrole africains*, en pourcentage des recettes publiques totales en pourcentage du PIB sur les ressources Données Source: Données source : PIB des ressources provenant Notes: Les données sur les recettes des ressources provenant de du FMI-WCE ; Recettes dégagées des ressources naturelles d’après UN-WIDER GRD ne sont disponibles que pour les années 2000- la base de données UN-WIDER sur les recettes publiques. 2003 et 2006-2013. Valeurs aberrantes éliminées : NER 2008 et AGO 1993. Données UN-Comtrade : Exportations pétrolières moyennes sur 2008-2012 (en pourcentage du PIB) : NER=1 %, NGA=21 %, AGO=59 %, DZA=22 %, COG=57 %, GAB=46 %. 58 Les rentes pétrolières sont définies comme les recettes totales pouvant être générées par l’extraction des réserves de pétrole, moins le coût de l’extraction (y compris le rendement du capital). La LTGM-NR suppose des rentes pétrolières proches de 50 %, ce qui est la valeur médiane pour l’Afrique subsaharienne (données Global Trade Analysis Project (GTAP). Dans ce cas, une part de 40 % du revenu pétrolier total correspondrait à environ 80 % des rentes pétrolières. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 109 2.2. L’impact des prix du pétrole sur la croissance économique à long terme au Niger Dans la LTGM-NR, les chocs pétroliers génèrent des recettes budgétaires pétrolières, et une règle budgétaire simple détermine la part de cette manne à investir dans le capital physique. L’impact des prix du pétrole sur la croissance dépend essentiellement du cadre fiscal. L’impact d’une hausse des prix du pétrole sur les revenus est évident, puisqu’elle augmente mécaniquement la valeur en dollars de chaque baril de pétrole exporté. Toutefois, la croissance économique, mesurée par le PIB, n’est pas directement affectée par les mouvements de prix59. La littérature aborde plusieurs canaux par lesquels les prix des matières premières peuvent affecter la croissance économique60. La LTGM-NR se concentre sur un mécanisme simple mais important : la hausse des prix du pétrole génère des recettes budgétaires pétrolières exceptionnelles qui pourraient financer les investissements publics en capital physique, stimulant ainsi la croissance du PIB61. Les règles budgétaires sont essentielles car elles déterminent la part de la manne à investir dans le capital physique (par opposition à l’épargne ou à la consommation). Une mise en garde importante concernant la LTGM-NR est que, en tant que modèle de croissance, il analyse uniquement les tendances à long terme du potentiel de production de l’économie et fait abstraction de tout effet « keynésien » potentiel à court terme des prix du pétrole sur la croissance62. Cette section analyse des scénarios de prix alternatifs pour la croissance économique potentielle du Niger au cours des trois prochaines décennies. En supposant que le prix du pétrole reste constant à 60 $EU/baril jusqu’en 2050, le scénario de référence de la LTGM-NR prévoit que la croissance tendancielle du PIB par habitant du Niger se stabilise autour de 0,5 % à moyen terme (2026-2029), avec une tendance à la hausse à 2 % à long terme (2030-2050). Cette section évalue deux scénarios de prix alternatifs —une augmentation permanente à 70 $É.-U./ baril et une baisse permanente à 40 $É.-U/baril— et deux règles fiscales simples. La sous-section (‎2.2.1) décrit en détail les règles budgétaires considérées. Ensuite, on analyse comment le boom pétrolier (prévu pour 2023- 59 Dans une économie ouverte dotée d’un important secteur pétrolier, il est important de distinguer les effets des prix du pétrole sur le PIB réel et le revenu national brut (RNB) réel. Le RNB, en tant que mesure du revenu, est directement affecté par une variation des prix des matières premières. Le PIB réel, en tant que mesure de la production, n’est affecté qu’indirectement, à mesure que le choc initial des prix se propage dans l’activité économique. Voir Kehoe et Ruhl (2008) pour une discussion complète sur les différences méthodologiques entre le PIB et le RNB dans une économie ouverte et leur relation avec les prix des produits de base. 60 La littérature sur les ressources naturelles et la croissance économique est encore peu concluante et fait l’objet d’un débat académique. En théorie, l richesse naturelle d’un pays peut être réinvestie dans le capital humain et physique, les nouvelles technologies et les infrastructures, ce qui stimule le développement social et économique. D’autre part, la littérature sur le syndrome hollandais soutient que les ressources naturelles peuvent apprécier les termes de l’échange, rendant les autres industries moins compétitives. L’hypothèse de la malédiction des ressources suggère que les ressources naturelles entraînent la corruption, des activités de recherche de rente socialement inefficaces et une mauvaise gestion budgétaire, et deviennent un frein à la croissance à long terme. Empiriquement, l’expérience internationale est mitigée. Certains pays ont largement profité de leurs richesses naturelles. D’autres semblent avoir abouti à la vulnérabilité économique (voir Terry Lynn et Wood, 1999, Cust et Mihalyi, 2017, Richmond et al., 2013, et Medina et Soto, 2007). 61 Par exemple, Suescún (2007) soutient que la politique budgétaire peut stimuler la croissance à long terme avec des investissements publiques dans les infrastructures et des dépenses visant l’accumulation du capital human. 62 Les prix des produits de base peuvent affecter la croissance à la fréquence du cycle économique par plusieurs canaux « keynésiens ». Ces canaux fonctionnent du côté de la demande de l’économie. Ils impliquent l’impact des prix des produits de base sur le taux d’intérêt du pays (le taux directeur ou le différentiel), le taux de change, les dépenses publiques, etc. (pour une analyse complète, voir Fernández et al., 2007 et 2020). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 110 2034) pourrait avoir un impact sur les recettes budgétaires du Niger (sous-section ‎2.2.2) et sur l’investissement publique (sous-section ‎2.2.3). Enfin, nous présentons les projections du modèle pour la croissance économique du Niger sous deux scénarios de prix alternatifs (sous-section ‎2.2.3). La sous-section ‎2.2.4 fournit une simulation de robustesse avec une part plus élevée de l’État dans le secteur pétrolier. La principale conclusion est que les fluctuations des prix du pétrole sont peu susceptibles d’avoir un impact important sur la croissance économique à long terme du Niger, même dans le cadre d’une règle budgétaire qui investit toute la manne pétrolière. Par exemple, une augmentation permanente de dix dollars des prix du pétrole générerait une manne budgétaire modeste (moins d’1 % du PIB) et ne produirait que 0,1 à 0,4 point de pourcentage de croissance supplémentaire à moyen terme. En outre, ce supplément de croissance disparaîtrait à long terme, à mesure que les réserves de pétrole s’épuisent, que la manne budgétaire se tarit et que l’investissement public revient à des niveaux normaux. 2.2.1. Des règles budgétaires simples pour les investissements publics Dans la LTGM-NR, des règles budgétaires simples déterminent la façon dont l’investissement public réagit aux fluctuations des prix du pétrole. Dans les deux simulations de prix du pétrole (70 $É.-U./baril ou 40 $É.-U./ baril), l’investissement public est déterminé comme étant la somme de l’investissement public de référence plus un terme qui répond aux recettes pétrolières budgétaires exceptionnelles (c’est-à-dire l’écart des recettes pétrolières budgétaires par rapport à la référence) : Où π est la fraction de la manne qui est consacrée à l’investissement public. De même, les recettes pétrolières budgétaires sont supposées représenter une part fixe (µ) des revenus générés dans le secteur pétrolier, qui, à son tour, dépend de la production pétrolière (barils par an, Q) et du prix du pétrole ($É.-U./baril, P). Soit : Pétrole_Recettes= µPQ. Pour chaque scénario de prix, deux règles budgétaires sont envisagées : une règle procyclique forte qui investit la totalité des recettes pétrolières exceptionnelles (π=1), et une règle procyclique modérée qui investit seulement la moitié des recettes exceptionnelles (π=0.5). Une règle budgétaire procyclique est définie comme une règle qui augmente les dépenses lorsque les prix du pétrole sont élevés et les réduit lorsque les prix baissent. Dans le cadre de la règle procyclique forte (π=1), chaque dollar supplémentaire de recettes pétrolières généré par une augmentation des prix du pétrole (comparé au scénario de référence) engendre une augmentation exacte d’un dollar dans l’investissement public. Il convient de noter que la règle est symétrique, ainsi l’investissement diminue d’autant du même montant lorsque les recettes pétrolières baissent à leur tour DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 111 comparé au niveau du scénario de référence (effet d’aubaine négatif). La règle procyclique modérée fixe (π=0.5). Dans ce cas, une augmentation (baisse) d’un dollar des recettes pétrolières engendre une hausse (baisse) de 0,50 dollar É.-U. dans l’investissement public. La règle procyclique modérée ressemblerait à l’adoption d’une règle d’équilibre budgétaire (BBR) au Niger. Les BBR sont des règles budgétaires populaires dans le monde en développement. Elles imposent généralement des limites au solde budgétaire primaire, en excluant éventuellement certains postes de dépenses ou de recettes. Bien que les BBR soient très efficaces pour favoriser la viabilité de la dette, elles conduisent généralement à une orientation budgétaire procyclique. Dans le cadre d’une BBR, chaque dollar supplémentaire de recettes pétrolières exceptionnelles serait dépensé, une partie de ces dépenses supplémentaires étant affectée à l’investissement public. Dans ce cas, si elle est fixée pour correspondre à la part de l’investissement public dans les dépenses publiques totales, la règle budgétaire simple (Équation 1) et une BBR généreraient la même trajectoire pour l’investissement public. La règle procyclique modérée fixe π=0.5, qui est la part moyenne de l’investissement public dans les dépenses publiques totales du Niger sur la période 1995-2017 (FMI/WEO). Dans ce cas, en termes d’investissement public, la règle procyclique modérée pourrait être considérée comme une approximation d’une BBR. La règle procyclique forte ressemble à la règle de Hartwick. Pour structurer la gestion de la manne des ressources naturelles, certains pays ont adopté des règles budgétaires fondées sur la règle de « Hartwick » selon lequel l’ensemble des revenus des ressources doivent être investis dans des actifs financiers, humains ou en capital. Une application célèbre de la règle de Hartwick a été le Botswana, l’un des très rares pays africains à avoir géré ses ressources naturelles de manière appropriée et à avoir évité les conséquences négatives de l’abondance des ressources (‘malédiction des ressources’, voir Arezki et al., 2011). La règle procyclique forte pourrait être considérée comme une simplification de la règle de Hartwick dans lequel toute la manne pétrolière est investie dans le capital physique (π=1)63. La LTGM-NR se concentre sur l’investissement public et fait abstraction des autres aspects de la gestion des ressources naturelles. La LTGM-NR se concentre sur les effets de l’investissement public sur la croissance à long terme. Dans ce modèle, seule la part de la manne investie π affecte la croissance, et le modèle fait totalement abstraction de l’allocation de la part restante de 1-π, ou de ses effets potentiels sur la croissance. La LTGM-NR fait également abstraction des conséquences négatives bien connues de la politique budgétaire procyclique sur la stabilité macroéconomique (Gavin et Perotti, 1997 ; et Frankel et al. 2013). 63 Une mise en garde s’impose : les règles de Hartwick ne sont pas nécessairement procycliques, car les recettes tirées de l’exploitation des ressources naturelles pourraient être épargnées sous forme d’actifs financiers pendant les périodes où les prix des produits de base sont élevés. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 112 2.2.2. L’impact des prix du pétrole sur les recettes budgétaires pétrolières Les prix élevés du pétrole généreraient des recettes budgétaires supplémentaires représentant environ 1 % du PIB d’ici à 2030, mais cette manne n’est pas permanente. Selon le scénario optimiste, le prix du pétrole passerait de 60 $É.-U./baril à 70 $É.-U./baril d’ici à 2030 (Figure 48). Cette hausse augmenterait les revenus pétroliers de 17 % (10/60), équivalent à peu plus de 2 % du PIB (le secteur pétrolier représentant environ 13 % du PIB). Étant donné que l’État capture 40 % des revenus pétroliers, le choc des prix générerait des recettes budgétaires supplémentaires de près d’1 % du PIB par rapport au scénario de référence d’ici 2030. Toutefois, cette manne se réduirait au fil du temps, au fur et à mesure que les réserves de pétrole et la production pétrolière diminuent. D’ici 2050, les recettes budgétaires exceptionnelles relatives au pétrole chuteraient à moins de 0,25 % du PIB (Figure 49). En revanche, la faiblesse des prix du pétrole signifierait une perte de recettes budgétaires d’environ 1,5 % du PIB d’ici à 2030. Selon le scénario pessimiste, le prix du pétrole passerait de 60 $É.-U./baril à 40 $É.-U./baril d’ici à 2030. Ce choc entraînerait une baisse des revenus pétroliers de 33 % (-20/60), représentant une perte de revenus globale d’environ 4 % du PIB. Comparé au scénario de référence, les recettes budgétaires pétrolières se réduiraient d’environ 1,6 % du PIB d’ici à 2030. Comme dans les autres scénarios, les recettes budgétaires pétrolières diminuent au fil du temps, pour atteindre moins de 1 % du PIB en 2050. Figure 48. Prix du pétrole, en dollars américains réels Figure 49. Recettes pétrolières de l’État, en pourcent- de 2010 par baril age du PIB Source : DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 113 2.2.3. L’impact des prix du pétrole sur l’investissement public et la croissance du PIB à long terme Dans le scénario de prix optimiste, l’investissement public augmenterait légèrement, mais l’impact sur la croissance à moyen terme serait faible. Dans le cadre de la règle budgétaire procyclique forte, le gouvernement investit l’ensemble des recettes pétrolières exceptionnelles générées par les prix plus élevés. Dans ce cas, l’investissement public augmenterait de près d’1 % du PIB par rapport au scénario de référence d’ici à 2030 (Figure 50). Cet investissement supplémentaire accélérerait l’accumulation de capital, mais l’impact quantitatif sur la croissance serait limité. La croissance différentielle —c’est-à-dire la croissance supérieure au scénario de croissance de référence—atteindrait son point culminant en 2030, à 0,2 point de pourcentage. Dans le cadre de la règle budgétaire procyclique modérée, l’investissement public augmenterait de moins de 0,5 % du PIB, et la croissance différentielle resterait inférieure à 0,15 point de pourcentage (Figure 51). L’impact des prix élevés du pétrole disparaîtrait à long terme. Quelle que soit la règle retenue, la croissance différentielle atteindrait un pic vers 2030, puis diminuerait lentement, pour s’annuler en 2045. Trois facteurs expliquent cette chute. Premièrement, l’investissement public marginal s’effondre à mesure que les réserves de pétrole s’épuisent et que le secteur pétrolier génère moins de recettes budgétaires. Deuxièmement, l’efficacité de l’investissement se réduit fortement dans les dernières années, en raison de la baisse du produit marginal du capital et de l’accroissement des pertes dues à la dépréciation du capital. Troisièmement, des prix du pétrole plus élevés attireraient davantage d’investissements dans le secteur pétrolier. Cela accélérerait l’épuisement des réserves pétrolières et ralentirait la productivité globale (le secteur pétrolier enregistrant de faibles gains de productivité comparé au secteur non pétrolier). En résumé, la croissance différentielle moyenne sur 2026-2050 atteindrait 0,1 point de pourcentage avec la règle budgétaire forte, mais resterait proche de zéro avec la règle budgétaire modérée (Annexe Tableau 5). Dans le scénario de prix pessimiste, l’investissement public et la croissance à moyen terme chuteraient modérément, mais ils se redresseraient progressivement à long terme. Dans le cadre de la règle procyclique forte, le Gouvernement réduirait les investissements publics pour couvrir la baisse des recettes pétrolières. Dans ce cas, l’investissement public diminuerait de 1,5 % du PIB d’ici 2030. En conséquence, la croissance ralentirait de 0,4 point de pourcentage par rapport à la trajectoire de croissance de référence. La règle procyclique modérée aurait un effet plus faible, l’investissement public diminuant de moins de 1 % du PIB et la croissance ralentissant d’environ 0,25 point de pourcentage d’ici à 2030. Pour l’une ou l’autre règle, la croissance se redresserait progressivement pour rattraper le niveau de référence en 2045. La croissance différentielle serait en moyenne de -0,1 et -0,2 point de pourcentage sur la période 2026-2050 dans le cadre des règles budgétaires procycliques modérées et fortes, respectivement. Il en résulte que les gains découlant de l’amélioration des investissements dans les infrastructures ne sont pas très sensibles au niveau des prix du pétrole64. 64 Des résultats très similaires sont obtenus en utilisant le modèle SDGSIM. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 114 Figure 50. Investissement public supplémentaire, Figure 51. Croissance différentielle du PIB, en point de en pourcentage du PIB, (supplémentaire = scénario pourcentage (différentielle = scénario donné – scénar- donné – scénario de référence) io de référence) Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale 2.2.4. L’impact des prix du pétrole sur le revenu national À moyen terme, les prix du pétrole ont un impact substantiel sur le revenu national brut (RNB). Le fait que les chocs pétroliers aient un faible impact sur la croissance du PIB ne signifie pas nécessairement qu’ils ne sont pas pertinents pour le bien-être. Naturellement, les termes de l’échange affectent le revenu réel et la consommation au Niger. Plus précisément, l’impact des prix du pétrole sur le revenu peut être décomposé en un effet sur la production —l’effet PIB— et l’effet des termes de l’échange sur le pouvoir d’achat du consommateur. L’ampleur de l’effet des termes de l’échange est simplement le pourcentage du changement des prix du pétrole, mis à l’échelle par la part du pétrole dans le revenu total. Dans le scénario optimiste, l’effet cumulé des termes de l’échange est substantiel, atteignant près de 2,5 % sur la période 2026-2030. En revanche, la dépréciation des termes de l’échange dans le scénario pessimiste entraîne une perte de revenu de 5 %. Comme pour l’effet du PIB, l’effet des termes de l’échange s’affaiblit au fil du temps à mesure que la part du secteur pétrolier dans le PIB diminue. En conséquence, en 2050, le RNB par habitant dans le scénario optimiste atteindrait 990 dollars É.-U., soit seulement environ 5 points de pourcentage de plus que pour le scénario de référence de 968 dollars É.-U., et 10 points de pourcentage de plus que dans le scénario pessimiste, 930 dollars É.-U. (Figure 53). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 115 Figure 52. Croissance supplémentaire du revenu Figure 53. Revenu national brut par habitant, en national brut, en point de pourcentage (supplémentaire dollars É.-U. réels 2010/baril. = scénario donné – scénario de référence) Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale 2.2.5. Robustesse face à des recettes budgétaires élevées Une part plus importante des revenus pétroliers pour le Gouvernement nigérien renforcerait l’impact des prix du pétrole sur la croissance. Si l’on compare avec les pays pairs de la région, le Gouvernement du Niger ne capture qu’une part modérée des revenus générés par le secteur pétrolier (Figure 46). En guise de test de robustesse, le modèle LTGM-NR simule à nouveau le scénario de prix optimiste, mais cette fois en supposant que les réformes fiscales portent la part de l’État dans le secteur pétrolier à 60 % (contre 40 % par défaut)65. La simulation montre que la part la plus élevée génèrerait une manne nettement plus importante et une croissance supplémentaire. D’ici 2030, les recettes budgétaires pétrolières atteindraient 8 % du PIB, contre 4,5 % dans le scénario de référence (Figure 54). Dans le cadre d’une règle procyclique forte, toutes les mannes seraient investies, générant 0,5 point de pourcentage de croissance supplémentaire. Cette croissance supplémentaire serait significative étant donné que la croissance de référence du PIB par habitant du Niger se situe dans une fourchette entre 0,5 et 1 % jusqu’à la fin des années 2030 (Figure 55). Toutefois, le coup de pouce à la croissance ne sera qu’éphémère, diminuant progressivement après 2030 et atteignant zéro en 2045. 65 On peut noter que pour atteindre une part de 60 %, le Gouvernement du Niger devrait capturer une grande part de la rente pétrolière, ainsi qu’une part des rendements du capital dans le secteur. Cela s’explique par le fait que le modèle LTGM-NR suppose que les rentes pétrolières au Niger ne représentent que 50 % des revenus pétroliers. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 116 Figure 54. Recettes pétrolières de l’État, en Figure 55. Croissance différentielle du PIB, points pourcentage du PIB de pourcentage (différentielle = scénario donné – scénario de référence) Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale 2.3. Mécanismes hors de cadre du modèle LTGM-NR : retombées à court terme, le syndrome hollandais et la pré-malédiction des ressources naturelles Le modèle LTGM-NR est un modèle de croissance néoclassique étendu simple qui ne tient pas compte de plusieurs canaux par lesquels les prix du pétrole peuvent affecter la croissance économique du Niger. Cette sous-section fournit une brève analyse de trois mécanismes soulignés dans la littérature qui sont potentiellement quantitativement importants pour le contexte nigérien : les retombées provenant des chocs de prix sur l’économie locale, le syndrome hollandais et la malédiction des ressources naturelles. La littérature économique suggère que les chocs de prix du pétrole peuvent avoir des retombées substantielles à court terme sur l’économie locale dans les grands pays exportateurs de pétrole66. Le raisonnement est bien connu et implique la réponse rationnelle du ménage à l’évolution de l’environnement économique. Par exemple, lorsque les prix du pétrole augmentent, les ménages révisent à la hausse leurs revenus futurs attendus (les prix élevés du pétrole augmentant le pouvoir d’achat). En anticipant les bénéfices futurs, les ménages augmentent leur consommation d’aujourd’hui qui porte en partie sur les biens et services locaux. Pour répondre à la hausse de la demande, les entreprises locales peuvent embaucher des travailleurs supplémentaires et augmenter les heures de travail des employés en poste. À leur tour, les propriétaires et les travailleurs de ces entreprises dépensent une partie de leurs revenus supplémentaires et dynamisent la demande dans l’économie locale. Au fur et à mesure que ce processus se poursuit, des revenus supplémentaires reviennent à des segments de la population qui peuvent être différents des bénéficiaires initiaux du choc des prix du pétrole. 66 Voir Kumhof et Laxton (2013), Pieschacon (2012), et Mendes et Pennings (2021). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 117 Bien qu’il y ait un débat actif sur l’ampleur des retombées, le Niger présente plusieurs caractéristiques qui impliquent un effet important. En premier lieu, l’ampleur des retombées dépend de la fraction du revenu supplémentaire dépensée en biens locaux, qui tend à être élevée au Niger. Ceci est dû (i) à une grande proportion d’individus pauvres qui consomment au jour le jour ; (ii) au fait que les chocs des prix du pétrole sont généralement très persistants, même les ménages sans contraintes financières ont tendance à dépenser une grande partie de leur revenu supplémentaire ; (iii) au fait que l’économie étant relativement fermée aux échanges, lorsque les ménages dépensent leur revenu supplémentaire, ils le font en priorité sur des biens et services locaux ; et enfin, (iv) l’ancrage à l’euro empêchera le taux de change nominal de s’apprécier, éloignant ainsi la demande locale supplémentaire des produits locaux. Deuxièmement, l’ampleur des retombées dépend également de la capacité des entreprises à embaucher des travailleurs supplémentaires sans subir une forte inflation des salaires. Ce n’est probablement pas le cas pour le Niger, car le pays souffre de taux de chômage élevés et d’un manque de dynamisme structurel sur les marchés du travail. Une autre branche importante de la littérature se concentre sur le “syndrome hollandais” (ou malédiction des ressources naturelles), qui fait référence à la relation négative observée entre les ressources naturelles et la croissance. Cette littérature met l’accent sur certains mécanismes théoriques par lesquels les ressources naturelles peuvent ralentir la croissance économique. La principale préoccupation est que les chocs sur les prix des matières premières peuvent déclencher une réaffectation des ressources dans l’économie, le capital et la main-d’œuvre se détournant des secteurs non liés aux ressources. Au fil du temps, ce mouvement peut ralentir la productivité globale car le processus d’absorption et de création de nouvelles technologies tend à être plus soutenu dans les secteurs non liés aux ressources. Cette réallocation peut être particulièrement forte lorsque les prix des matières premières et le taux de change réel évoluent dans la même direction (Sachs et Warne 2001, Alexeev et Conrad 2009). Toutefois, étant donné la faible productivité généralisée dans l’économie, le concept du syndrome hollandais peut être de second ordre de grandeur pour le Niger. Cependant, une littérature plus récente a étendu le concept de malédiction des ressources naturelles à la ‘pré-malédiction des ressources naturelles’, qui peut représenter un risque encore plus considérable pour le Niger. La pré-malédiction des ressources naturelles est un phénomène qui touche les pays dotés d’institutions faibles où les découvertes de ressources naturelles entraînent une mauvaise gestion budgétaire et deviennent un frein à la croissance avant même que la production de la ressource naturelle ne commence (Cust et Mihalyi 2017). Le Ghana est un exemple notable de la malédiction des ressources naturelles en Afrique subsaharienne. La découverte des gisements pétroliers de Jubilee au Ghana en 2007 a modifié l’orientation de la politique économique, qui est passée d’une discipline budgétaire et monétaire à des dépenses excessives et à un assouplissement monétaire. L’attente trop optimiste que le secteur pétrolier allait stimuler la croissance et résoudre les éventuels déséquilibres a conduit le pays à augmenter le financement extérieur à des niveaux bien supérieurs à l’épargne supplémentaire générée par la nouvelle activité pétrolière (Bawumia et Halland 2017). En conséquence, la dette nationale et extérieure a augmenté de façon spectaculaire depuis 2007 et est désormais considérée comme insoutenable. La pré-malédiction des ressources est particulièrement présente en Afrique où plusieurs autres pays sont touchés par ce phénomène, comme le Nigeria et l’Afrique du Sud. Comme les risques budgétaires et institutionnels associés aux grandes mannes de ressources semblent représenter un danger important pour le Niger, ce sujet sera abordé plus en détail dans la sous-section 4. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 118 3. L’impact du secteur des industries extractives sur l’emploi (en termes de contenu local) 3.1. Contenu local dans l’industrie extractive nigérienne Dans la mesure où chaque industrie extractive au Niger est identifiée à une multinationale spécifique, il n’est pas surprenant que la société nigérienne ait pu développer des perspectives distinctes sur les entreprises/ industries. Une partie de ces perspectives peut être attribuée à leur histoire dans le pays, une partie à leurs approches de contenu local et une partie peut-être aux différences culturelles. Les industries de l’uranium et de l’or sont considérées comme des contributeurs positifs dans l’espace du contenu local. Ces industries ont une longue histoire dans le pays, employant une grande partie du personnel local et semblant s’être « intégrées » dans la société en tant qu’entreprises citoyennes. De plus, en tant qu’entreprises françaises/canadiennes, elles n’ont pas de barrière linguistique au Niger, ce qui peut avoir rendu les questions de contenu local plus faciles à gérer. Inversement, il semble que leurs normes opérationnelles élevées puissent constituer des barrières naturelles à l’entrée. Par exemple, Orano (de manière anecdotique) importe des aliments de l’extérieur du Niger car les produits locaux ne répondent pas aux normes requises, les tests de laboratoire pour les minéraux sont effectués à l’étranger en raison du manque de certification des laboratoires nigériens, etc. L’opinion publique sur la CNPC et sa participation dans l’industrie pétrolière est un peu plus complexe. La société nigérienne s’inquiète, sans ressentiment, du fait que la CNPC préfère les services des entreprises et des sous-traitants chinois pour « tout ». Toutefois, ce n’est peut-être pas tout, car la CNPC était prête à installer une raffinerie de pétrole au Niger là où personne d’autre n’était prêt à entreprendre, et selon des rapports anecdotiques, s’approvisionne sur les marchés locaux. D’autres facteurs sont également en jeu en ce qui concerne la perception du public de la CNPC et de l’industrie pétrolière. La CNPC (i) a une histoire beaucoup plus récente au Niger ; (ii) elle est dans une phase de construction d’infrastructures, nécessitant donc nécessairement plus de biens d’équipement ; (iii) elle n’est pas soumise à diverses pressions de transparence, en tant qu’entreprise d’État chinoise (SOE) ; et (d) elle fait face à une barrière linguistique potentiellement importante. Dans ce contexte. La CNPC estime probablement l’impression d’en faire autant, voire plus, que ce qui est approprié dans le domaine du contenu local. Enfin, bien qu’il existe plusieurs mines artisanales, l’exploitation minière artisanale n’est pas un point de départ probable pour une bonne politique de contenu local. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 119 Tableau 9. Niveau actuel de l’activité opérationnelle dans le secteur extractif et de l’activité relative au contenu local Pétrole^ Or* (secteur formel) Uranium* Dépenses en matières premières — 2,5 millions $ É.-U. 34.6 millions $ É.-U. Dont la fraction dépensée au Niger — 17% 77% Dépenses en biens et services — 22.2 millions $ É.-U. 98 millions $ É.-U. Dont la fraction dépensée au Niger — 65% 55% Emplois 749 299 1,165 Dont personnel nigérien 462 295 1,157 Personnel d’encadrement 33 7 Dont personnel nigérien 16 Tous les nigériens 6 *Note: Les chiffres relatifs à l’or et à l’uranium sont tirés des données 2014 de l’USAID, dont on nous a dit qu’elles étaient toujours d’actualité ; ils ne tiennent toutefois pas compte de l’impact potentiel des fermetures de mines. ^ Note: Les chiffres du pétrole sont tirés de 2014 pour mettre en évidence la répartition du personnel. En 2020, la totalité des emplois de l’industrie pétrolière (CNPC et contractants directs) a été estimée à 2396 personnes. Les ventilations par nationalité du personnel ainsi que les ventilations des dépenses n’étaient pas facilement disponibles. Comme on peut le voir dans le Tableau 9, les industries de l’uranium et de l’or au Niger présentent un niveau élevé de « localisation » dans leurs opérations. L’industrie pétrolière est un peu plus faible, et les données ne sont pas aussi claires. Toutefois, il semblerait que l’emploi total pour l’ensemble des industries soit élevé par rapport à ce que l’on pourrait attendre au niveau international. Notez que les fournisseurs constitués en société au Niger peuvent légalement être de propriété étrangère. Par exemple, parmi les principaux fournisseurs de l’industrie de l’uranium, il semblerait que 78 % sont contrôlés par des entreprises françaises, 18 % par des entreprises belges, et 4 % par des dirigeants nigériens. Cela reflète vraisemblablement la réalité de la rareté des capitaux au Niger. Par conséquent, l’observation de « sociétés multinationales fournissant l’industrie » au Niger est prévisible, et peut en fait être positive, à savoir qu’elle permet d’attirer des capitaux étrangers dans l’industrie au Niger. Des observations similaires peuvent être faites au niveau des sous-traitants, où la majorité des sous-traitants sont de propriété étrangère, parfois par des entreprises d’autres États africains comme le Ghana, le Maroc et le Togo. 3.2. Politique de contenu local existante au Niger (codes) La politique de contenu local au Niger, spécifique aux industries extractives, est codifiée dans : (i) Le Code Pétrolier, Loi N° 2017-63 du 14 aout 2017, portant Code Pétrolier. Titre 1er : Des dispositions communes aux opérations pétrolières ; et le décret N° 2018-659/PRN/MPE, fixant les modalités d’application de la loi N° 2017-63 précitée. (ii) Le Code minier, Ordonnance 93-16, établit en 1993. Les effets de ces codes sur le contenu local, dans leurs industries respectives, sont examinés ci-dessous. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 120 3.2.1. Le Code pétrolier Le Code pétrolier, pris dans son ensemble, est bien intentionné puisqu’il spécifie que les entreprises nigériennes doivent avoir la préférence dans les contrats de tous types, sous réserve de conditions de qualité et de livraison équivalentes, à condition que les prix de l’entreprise nigérienne ne soient pas supérieurs de plus de 10 % à ceux de la concurrence étrangère. Bien que la loi ne définisse pas spécifiquement ce qui constitue une « entreprise nigérienne », son esprit est clair. Par ailleurs, les ressortissants nigériens doivent bénéficier d’un emploi préférentiel, tant au niveau des donneurs d’ordre que des sous-traitants. À cette fin, le donneur d’ordre pétrolier doit établir et financer des programmes de formation pour les Nigériens à tous les niveaux de qualification/effectifs. Selon la loi du Code pétrolier, le Ministère en charge des hydrocarbures doit mettre à disposition une liste d’entreprises nigériennes capables d’opérer dans les sous-segments pertinents de l’industrie pétrolière. Cette liste doit être mise à jour régulièrement. En vertu du processus de demande pour un projet pétrolier élaboré dans le Code pétrolier, le donneur d’ordre devra également fournir un programme pétrolier de développement communal (PPDC) et un programme pétrolier de développement régional (PPDR) (dans le respect des orientations des Plans de développement communal et régional-NDLT). Les spécificités de ces programmes ne sont pas, à proprement parler, codifiées dans la législation nationale, mais auraient fait partie du processus de négociation et seraient vraisemblablement plus précises en ce qui concerne ce que le donneur d’ordre s’engage à entreprendre. Il ne s’agit pas strictement de contenu local, mais plutôt du sujet connexe à l’enrichissement local, afin que les communautés vivant sur le ‘territoire de laquelle est situé l’objet de la demande’ (le pétrole) tirent un bénéfice certain du développement. La mise en œuvre du PPDC/PPDR peut légalement être inscrite dans la réglementation municipale. Le montant du financement d’un tel enrichissement est défini par la loi et s’élèverait actuellement à 500 000 dollars É.-U. par an, à répartir équitablement entre les communautés et les régions concernées. Ce montant peut être porté à 1,5 million de dollars É.-U. par an si la production pétrolière dépasse 50 000 barils par jour. 3.2.2. Le Code minier Le Code minier, plus ancien a été élaboré en 1993 et est de nature plus générale. Il précise que la préférence doit être accordée (i) aux sociétés nigériennes ; (ii) aux employés nigériens ; (iii) à la formation et au transfert de technologies, le tout en termes généraux. Dans la pratique, le développement du contenu local est significativement plus élevé dans les mines d’uranium et d’or qu’il ne l’est dans le secteur pétrolier, peut-être en partie en raison de l’expérience beaucoup plus longue des mineurs d’uranium et d’or au Niger. Ce point sera abordé plus loin. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 121 3.2.3. Observations générales sur les codes D’une manière générale, le corpus législatif combiné représenté par le Code pétrolier et le Code minier peut être considéré comme reflétant une approche pratique du contenu local, compte tenu du niveau de développement économique du Niger et donc de sa capacité à contrôler la mise en œuvre du contenu local. Il convient de noter que le Code minier et le Code pétrolier du Niger ne précisent pas la part de propriété des entreprises « nigériennes » devant être détenue/réservée aux ressortissants nigériens. Les entreprises opérant dans cet espace doivent plutôt être légalement établies en vertu de la loi nigérienne. En théorie, cela peut retarder le développement du contenu local, en réduisant les possibilités de participation des entreprises locales. Toutefois en pratique, la loi actuelle peut refléter une adaptation pragmatique de la réalité commerciale. Étant donné que le Niger n’est pas susceptible d’être un pays avec un excès de capital financier à court ou moyen terme, fixer une exigence de propriété nigérienne dans une entreprise ou un secteur donné peut risquer de retarder le développement du secteur en question (en réduisant le capital financier disponible). À l’inverse, si les entreprises constituées au Niger sont acceptées comme « nigériennes », quelles que soient leurs sources de capitaux, cela augmentera, toutes choses égales par ailleurs, le capital financier disponible dans le pays. Ce capital financier accru devrait alors permettre à tous les acteurs du marché national (en particulier les employés potentiels) d’acquérir des revenus, des compétences et, en général, de développer leurs capacités. Le défi consiste donc à trouver un équilibre entre une approche pratique du contenu local et la nécessité de veiller à ce qu’une « entreprise nigérienne » financée par des étrangers soit incitée à agir en tant qu’entreprise citoyenne dans toute la mesure du possible. Au fur et à mesure que le Niger se développe et que les compétences techniques et commerciales se perfectionnent, il est possible d’accroître le niveau de précision des Codes des industries extractives en ce qui concerne le contenu local. Si tel est le cas, ces Codes doivent être conçus en tenant compte de l’évolution de l’environnement commercial au fil du temps. Cet « environnement commercial plus large » comprendrait les régimes fiscaux, la qualité des ressources, la productivité de la main-d’œuvre, la qualité des infrastructures et la sécurité de l’occupation, entre autres facteurs. Une conception pragmatique de la réglementation sur le contenu local, tenant compte de l’environnement commercial plus large, peut alors être utilisée pour encourager le comportement des investisseurs en matière de contenu local et de citoyenneté d’entreprise, au fil du temps. 3.3. Degré de complexité de l’économie nigérienne et implications pour le contenu local Le Niger peut être considéré comme une économie de « faible complexité ». Il dispose d’un revenu relativement faible de PIB par habitant de 553 dollars É.-U. en 2019, ainsi que de faibles niveaux d’emploi formel et d’alphabétisation (35,5 %). En 2014, l’emploi formel total était estimé à environ 170 000 individus, dont 60 000 dans la fonction publique, le reste étant dans le secteur privé et parapublic. À l’époque, la population en âge de travailler était estimée à 7,4 millions de personnes. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 122 Dans ce contexte, les industries extractives, bien qu’elles ne représentent qu’une petite fraction de l’emploi total au Niger, constituent une fraction beaucoup plus importante de l’emploi formel. En fait, on estime que l’industrie extractive dans son ensemble –y compris l’emploi au-delà de l’uranium, de l’or et du pétrole– est le deuxième plus grand employeur du secteur privé au Niger (le premier étant les services sociaux, dont nous supposons qu’ils sont principalement financés par des donateurs). Cela conduit à des considérations importantes dans l’élaboration du contenu local dans l’industrie extractive au Niger. Tout d’abord, l’industrie est économiquement beaucoup plus importante pour le Niger que pour un investisseur potentiel. Deuxièmement, le pays dans son ensemble manque de capitaux pour financer les nouvelles entreprises dans les espaces de sous-traitance ou autres. Dans les cas de l’uranium, de l’or et du pétrole, il y a des opérateurs étrangers en situation de monopole dans le pays, chacun exploitant un seul site. Cette situation, combinée à des antécédents de délais de développement de projets très longs, ajoutée aux problèmes de logistique découlant de la position enclavée du Niger, suggère que le Niger est un preneur de prix pour le capital, alors que les investisseurs étrangers doivent considérer une allocation ou non de capitaux au Niger relatif à d’autres investissements potentiels. En outre, le capital humain qualifié est relativement rare, signifiant que les multinationales qui cherchent à employer des Nigériens doivent tenir compte du coût et du temps nécessaires à la formation et au développement. Les industries de l’uranium, de l’or et du pétrole au Niger semblent déjà dotées d’un personnel complet, voire sans doute un peu supérieur aux normes internationales, compte tenu de leur niveau d’activités. Par conséquent, le potentiel d’augmentation du personnel dépendra largement de la capacité à étendre les opérations, à savoir l’attrait du Niger pour les nouveaux capitaux dans ces industries. Dans ce contexte, l’expansion prévue de l’industrie pétrolière au Niger (basée sur de nouveaux champs et pipelines d’exportation), si elle est couronnée de succès, constituerait une voie importante pour des dépenses supplémentaires en contenu local au Niger. Inversement, la part de l’activité pétrolière totale constituée par le contenu local devrait, en principe, être indépendante du niveau d’activité, mais devrait plutôt être liée au niveau global de dynamisme et de sophistication de l’économie nigérienne. Les industries nigériennes n’utilisent peut-être pas des technologies de pointe, mais ces dernières peuvent être adaptées à leur besoin. En effet, la « technologie périmée » peut être un élément important pour permettre aux employés et aux sous-traitants nigériens d’accéder à « l’ascenseur de la croissance ». La haute technologie ne serait pas nécessairement le meilleur résultat pour le Niger à ce stade, car les opérations de haute technologie sont par nature moins intensives en travail (moins d’emplois) et déflationnistes (moins de revenus pour l’économie en général). Inversement, elles tendent à augmenter le rendement du capital, qui n’est pas fourni par le Niger. Néanmoins, l’amélioration des normes (pour l’ingénierie, les opérations, la sécurité, etc.) peut être un élément très important pour positionner le Niger sur « l’ascenseur de la croissance ». DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 123 Le Niger est donc confronté à un défi à plusieurs niveaux : (i) Maintenir des postes de premier échelon pour les sous-traitants/individus nigériens, pour accroître la taille relative de l’économie formelle ; (ii) Accroître la complexité et la sophistication de l’économie formelle au fil du temps ; (iii) Attirer des capitaux étrangers pour atteindre ces deux objectifs. Il convient de noter que le développement de l’employabilité et des compétences de la population environnante n’est pas susceptible d’augmenter l’emploi global et l’activité dans l’industrie à moins que des capitaux supplémentaires n’arrivent et que de nouveaux projets ne fleurissent au Niger. Par conséquent, une bonne stratégie de contenu local se concentrerait sur (i) l’augmentation des capacités du pool existant de travailleurs et de sous-traitants nigériens, tout en (ii) créant une base suffisante pour que ce pool puisse s’agrandir si de nouveaux projets démarrent, tout en (iii) attirant de nouveaux capitaux (et donc des technologies, des compétences, etc.) dans les industries. Sur la base de ce qui précède, une politique de contenu local qui utilise une technologie adaptée, accueille des capitaux étrangers à tous les niveaux, se focalise sur une hausse d’emplois nigériens, et se concentre sur la formation et le développement à tous les niveaux serait très probablement un bon objectif pour le Niger. De plus, les niveaux élevés d’effectifs dans l’industrie extractive mentionnés ci-dessus, et le manque général de capital financier national nigérien, suggèrent que l’opportunité n’est pas d’augmenter le volume d’activité des entreprises/individus nigériens dans la chaîne de valeur de l’industrie, mais plutôt d’augmenter leur valeur ajoutée. L’élément ‘augmentation de l’emploi’ est un avantage significatif pour tous. Il est dans l’intérêt commercial des entreprises internationales d’augmenter l’emploi local au fil du temps si (i) elles pensent qu’elles vont résider au Niger à long terme ; et (ii) que cet emploi apporte une valeur ajoutée à l’entreprise. Pour conclure, les politiques de contenu local prématurées peuvent créer une dépendance à l’égard des politiques futures. Le cadre politique initial devrait, par principe, permettre et encourager la concurrence entre les entreprises nigériennes, tout en sachant qu’il est peu probable qu’une telle concurrence se matérialise à court ou moyen terme, les industries en question étant petites et sans doute concentrées. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 124 4. L’impact du secteur extractif sur les institutions et la fragilité Le secteur extractif présente un risque pour les institutions du Niger à travers différents aspects : il peut éroder le contrat budgétaire entre les citoyens et l’État, mettre en péril la stabilité budgétaire en exposant le pays à de multiples chocs sur les prix des matières premières, et menacer la stabilité politique en exacerbant les divisions sociales et les griefs existants. 4.1. Risques budgétaires 1. Le secteur extractif représente 6,9 % du PIB et 23 % des recettes publiques, ce qui rend le Niger particulièrement vulnérable aux chocs des prix des matières premières (Banque mondiale, 2020 ; ITIE, 2021). La récente dégringolade des prix de l’uranium et la contraction de la production d’uranium en raison de l’épuisement du pétrole et des coûts d’exploitation élevés, ont contribué à la contraction des recettes publiques de 2 % du PIB entre 2014-2018 (FMI, 2019). 2. L’augmentation de la production pétrolière peut compenser le vide laissé par le déclin de l’uranium, mais amplifie davantage le risque budgétaire occasionné par la volatilité des prix des matières premières. Il y a de grands espoirs que le pétrole serve de catalyseur au développement du Niger, comme en témoigne la nouvelle politique pétrolière nationale adoptée par le Gouvernement en 2019. Cette politique prévoit que la contribution du secteur pétrolier au PIB passera de 4 % en 2017 à 25 % en 2025, qu’il emploiera entre 8 et 12 % de la main-d’œuvre (contre 5 à 8 % en 2012) et qu’il représentera 45 % des recettes de l’État (contre 19 % en 2017) (Berenger, 2019). 3. Une exposition plus élevée à la volatilité des marchés mondiaux des matières premières menacerait davantage la situation budgétaire du Niger déjà précaire. Une augmentation des dépenses sociales et de santé due à la pandémie de Covid-19, et l’augmentation des dépenses de sécurité due à une recrudescence des activités terroristes, ont ajouté des pressions supplémentaires sur les ressources budgétaires du Gouvernement. Ces pressions fiscales sont aggravées par les besoins d’une population croissante : Le taux de croissance démographique du Niger, de 3,8 %, est le deuxième plus élevé au monde (Banque mondiale, 2019b). Par conséquent, les dépenses publiques de ces dernières années ont été de plus en plus financées par la dette. Entre 2012 et 2017, les dépenses publiques ont augmenté de 22,5 % à 26,8 % du PIB, la dette publique passant de 26,1 % à 49,7 % du PIB. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 125 Encadré 2. Guinée équatoriale - une manne pétrolière mal gérée La croissance économique de la Guinée équatoriale n’a pas réussi à se traduire par un développement équitable. La Guinée équatoriale a découvert d’importantes réserves de pétrole dans les années 1990 et est devenue le troisième producteur de pétrole d’Afrique, après le Nigeria et l’Angola. Grâce à l’abondance des ressources et aux investissements dans l’industrie des hydrocarbures, elle est rapidement devenue l’une des économies à la croissance la plus rapide d’Afrique. Bien que le PIB par habitant du pays au plus fort de sa croissance soit équivalent à celui de la Corée du Sud, son indice de développement humain (IDH) le plaçait tout près de la République du Congo, faisant de la Guinée équatoriale le pays présentant la plus grande différence entre le revenu par habitant et l’IDH (Diamond & Mosbacher, 2013 ; PNUD, 2020 ; ONU, 2015). Le paradoxe a persisté : selon les données disponibles les plus récentes, le pays obtient des résultats inférieurs à la moyenne de l’Afrique subsaharienne pour plusieurs mesures du développement, notamment l’espérance de vie, la scolarisation dans le primaire et la mortalité infantile, tout en la dépassant en termes de revenu par habitant (Banque mondiale, 2019). La Guinée équatoriale est connue pour son Gouvernement autoritaire, ses institutions faibles, sa corruption élevée et son clientélisme. Le pays est tristement célèbre pour ses dirigeants corrompus et autoritaires qui maintiennent une main de fer sur pratiquement tous les aspects de la vie publique par une combinaison de répression et de favoritisme (McSherry, 2006 ; Wenar, 2008). Le pays se classe dans les derniers rangs de l’indice de perception de la corruption (IPC) 2020 de Transparency International (174ème/180), de l’indice Ibrahim de la gouvernance africaine (IIAG) 2019 (51ème/54), et des indicateurs mondiaux de la gouvernance (WDI) 2019 de la Banque mondiale (où il se classe avant-dernier derrière le Soudan du Sud, spécifiquement pour la maîtrise de la corruption). La rente des ressources a conféré à l’État une autonomie budgétaire, l’isolant ainsi de la responsabilité publique et des pressions démocratiques venant d’en bas, comme c’est généralement le cas dans un État dépendant des recettes budgétaires (Ross, 1999, 2001 ; Auty, 2001). La Guinée équatoriale a été fortement impactée par la chute du prix des matières premières, l’obligeant à solliciter l’aide des donateurs. Entre 2014 et 2016, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) a été confrontée à une crise macroéconomique déclenchée par une forte baisse des prix du pétrole combinée à une insécurité croissante . La Guinée équatoriale, fortement dépendante du pétrole, a été particulièrement touchée (Banque mondiale, 2020 ; BAD, 2018 ; FMI, 2017). Entre 2013 et 2017, le PIB s’est contracté de 57 % et les recettes publiques de 45 % (BAD, 2018). Alors que les déséquilibres budgétaires et extérieurs s’aggravaient, les pays de la CEMAC ont eu recours à leurs dépôts auprès de la Banque centrale régionale, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC). Les réserves de change ont diminué, et les arriérés des paiements intérieurs des gouvernements nationaux se sont accumulés. Alors que la crise de liquidité se poursuivait, on craignait que le franc CFA ne doive être dévalué. Face à l’amenuisement des ressources budgétaires, la Guinée équatoriale a conclu un programme de programme de référence, le « staff monitored program », avec le FMI en janvier 2018. Enfin, en décembre 2019, le FMI a approuvé un accord triennal pour un mécanisme élargi de crédit (MEDC) d’environ 282,8 millions de dollars É.-U. (FMI, 2019a). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 126 Le soutien du FMI est conditionné à l’amélioration de la transparence du secteur extractif, au renforcement des politiques de lutte contre la corruption et à la diversification de l’économie. Entre autres conditions, le MEDC stipule que la Guinée équatoriale doit accroître la transparence dans le secteur des hydrocarbures. Cela implique d’adhérer à l’ITIE, de rendre publiques les données sur les contrats, la production et les recettes publiques, ainsi que de publier les rapports d’audit des entreprises publiques du pétrole et du gaz, respectivement, GEPetrol et SONAGAS (FMI, 2019). Pourtant, depuis 2010, la Guinée équatoriale n’est toujours pas en conformité. Ces efforts sectoriels seraient complétés par des réformes plus larges centrées sur le renforcement des cadres de lutte contre la corruption, la diversification de l’économie, l’augmentation de la protection sociale et l’amélioration de la gestion des finances publiques. Un autre problème crucial de la Guinée équatoriale est la rareté des données statistiques fiables qui exacerbe encore le manque de transparence. Pour y remédier, la Banque mondiale s’est engagée à fournir une assistance technique à un institut de statistiques nationales récemment créé (Banque mondiale, 2020). Il est encore trop tôt pour évaluer l’efficacité de ces conditionnalités de prêt et leur impact sur les institutions et la politique de développement en faveur des pauvres. Comme le pays ne peut plus compter confortablement sur les revenus de ses hydrocarbures, il est possible que cette crise annonce le début d’une nouvelle ère dans la culture politique de la Guinée équatoriale. Toutefois, il reste à voir si cela sera une incitation suffisante pour que l’élite politique à s’engager dans une véritable réforme et à mieux gérer ses ressources naturelles, ou si elle optera simplement pour des changements superficiels pour simplement se conformer aux conditionnalités des prêts (EIU, 2019). 4.2. Risques institutionnels La littérature sur les ressources naturelles et le développement institutionnel indique que les gouvernements qui tirent leurs recettes des rentes des ressources naturelles ont moins besoin des impôts de leurs citoyens. Lorsque les impôts sont faibles, le public est lui-même moins enclin à demander au Gouvernement d’être représenté et de rendre des comptes. Ainsi, les revenus tirés des ressources naturelles inhibent les pressions démocratiques à la baisse en affaiblissant le lien entre l’imposition et la représentation, la relation mutuellement bénéfique qui constitue la base de la démocratie. Les recettes exceptionnelles peuvent également permettre le financement de systèmes de favoritisme étendus qui étouffent les pressions démocratiques et réduisent la dissidence. Les bénéficiaires actuels ou potentiels de ces systèmes développent un intérêt direct à maintenir le statu quo, ce qui réduit encore davantage la pression sociale en faveur de la démocratie. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 127 La corruption et le manque de transparence sont monnaie courante dans le secteur extractif nigérien. Les accords miniers, y compris les licences d’exploration et d’exploitation, sont rarement accessibles au public, bien que cette divulgation soit une exigence constitutionnelle (ITIE, 2021). Il y a également un manque d’informations sur les divulgations de propriété effective, et sur les flux de recettes parmi la myriade d’entreprises publiques du secteur (ITIE, 2017). Au-delà du secteur des ressources, le pays présente un bilan mitigé en termes d’indicateurs de gouvernance : si l’état de droit et le contrôle de la corruption sont en hausse depuis 2014, la voix et la responsabilité, ainsi que l’efficience de la gouvernance ont connu une tendance à la baisse. À l’exception de la stabilité politique et de l’absence de violences, le Niger obtient également des résultats relativement bons comparé d’une part aux pays à ressources élevées et d’autre part aux pays fragiles et touchés par des conflits en Afrique subsaharienne. Toutefois, le pays reste à la traîne de la moyenne de l’UEMOA pour tous les indicateurs sauf un –l’état de droit (Banque mondiale, 2019a). Encadré 3. Nigeria – Pétrole et corruption Le secteur pétrolier du Nigéria est composé de multiples organismes mal coordonnées, dont les fonctions se chevauchent fréquemment ou ne sont pas clairement délimitées (OCDE/BAD, 2014 ; FMI, 2019). La Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC), la compagnie pétrolière publique verticalement intégrée, est le représentant du Gouvernement dans toutes les activités pétrolières, allant de l’exploration, la production, la commercialisation des produits pétroliers, le raffinage et la fourniture de services d’ingénierie et de soutien aux données. La NNPC joue des rôles commerciaux et non commerciaux qui ne sont pas clairement définis : ainsi, elle perçoit des recettes, participe à la réglementation et agit en tant qu’agent commercial qui achète et vend du pétrole brut et des produits pétroliers raffinés. Cette enchevêtrement de fonctions commerciales et non commerciales mal définies au sein d’une même entité est l’un des principaux dysfonctionnements de la NNPC car elle crée des conflits d’intérêts substantiels (FMI, 2019b ; Toledano et al., 2020 OCDE/BAD, 2004). Un rapport conjoint du Revenue Watch Institute et de Transparency International a révélé que la NNPC présente le pire bilan en matière de transparence parmi les 44 entreprises énergétiques nationales et mondiales qu’il a examinées, notamment en ce qui concerne la divulgation d’informations sur l’organisation et les rapports sur la lutte contre la corruption (Transparency International / Revenue Watch Institute, 2011). Une autre preuve de ses problèmes de gouvernance de longue date réside dans le fait que la NNPC fait face à des allégations récurrentes de corruption à hauteur de milliards de dollars. Cela inclut une affaire de 2016 dans laquelle la NNPC aurait omis de verser à l’État nigérian 16 milliards de dollars É.-U. de recettes (BBC, 2016). Une affaire similaire impliquant la disparition de 20 milliards de dollars É.-U. de recettes pétrolières a eu lieu en 2014 (BBC, 2014). Toutefois, les nouvelles réformes réglementaires en cours laissent entrevoir la volonté de tourner une nouvelle page dans l’histoire du secteur pétrolier au Nigeria. Un projet de loi exhaustif sur l’industrie pétrolière (Petroleum Industry Bill) est actuellement en cours de discussion, et reflète la volonté du Gouvernement nigérian de remanier son cadre juridique, réglementaire et institutionnel régissant ses industries pétrolière et gazière. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 128 La capacité du secteur public à superviser le secteur extractif est limitée, en raison de la mauvaise gouvernance, du capital humain faible et de la rareté des ressources techniques et financières. Les ressources publiques sont fortement concentrées à Niamey, ce qui a un impact négatif sur la prestation de services dans le reste du pays, et s’ajoute aux griefs des citoyens concernant la gestion des ressources (Banque mondiale 2018, 2020). Bien que le Gouvernement du Niger ait adopté des réformes de décentralisation et du secteur extractif pour réduire les contraintes liées au capital technique et humain, leur mise en œuvre a été lente. La mauvaise gestion financière, se traduisant par de faibles taux d’exécution budgétaire (estimés de 6 à 41 % pour le Ministère de l’Énergie et du Pétrole, et de 27 à 82 % pour le Ministère des Mines et de l’Industrie entre 2013-2017) et la sur-affectation des ressources à Niamey (par exemple, plus de 95 % des dépenses du Ministère des Mines en 2017) ont des répercussions négatives sur les performances des ministères impliqués dans le secteur extractif. En outre, les dépenses publiques consacrées à l’exploitation minière et pétrolière sont faibles –moins de 1 % des dépenses de l’État entre 2013 et 2017– malgré les recettes extractives représentant plus de 20 % des recettes publiques (Banque mondiale, 2020). Le Niger obtient des résultats médiocres en termes de transparence budgétaire, se classant 101ème sur les 118 pays dont le profil a été établi dans l’Open Budget Index 2019. Son indice est également inférieur à la moyenne à la fois des pays à ressources élevées et des pays fragiles et touchés par des conflits en Afrique subsaharienne, ainsi que de l’UEMOA (Open Budget Survey, 2019). Les déficiences de l’administration publique limitent également la gouvernance environnementale. L’exploitation minière de l’uranium a provoqué une pollution radioactive considérable, accompagnée de rapports sur les effets néfastes sur la santé, la contamination des sols et des plans d’eau, ainsi qu’un stress supplémentaire sur les rares ressources en eau, alimentant les tensions entre les communautés locales et les grandes sociétés minières (Larsen & Mamosso, 2013). La fermeture de la mine de Cominak a soulevé des préoccupations persistantes quant à l’adéquation des plans de réhabilitation des mines proposés par les sociétés minières, notamment en termes de suivi sanitaire à long terme des travailleurs de la mine. Les droits pétroliers accordés à la CNPC menacent les réserves naturelles de Termit et Tin Toumma qui s’étendent sur Agadez, Diffa et Zinder, et abritent plusieurs espèces sauvages menacées (France24, 2019). La faible présence de l’État et la corruption sur les sites des exploitations minières artisanales et à petite échelle (EMAPE) contribuent également à la dégradation de l’environnement, avec des pots-de-vin versés pour contourner les réglementations limitant l’utilisation des explosifs et de mercure pour l’extraction de l’or, tout comme l’exploitation minière durant la saison des pluies qui augmente les risques sur la santé (noyades) et la sécurité liée aux glissements de terrain (Hilson et al, 2016). Le Niger a fait des progrès considérables dans la prévention du recours au travail des enfants dans les EMAPE, mais la menace de régression demeure, et pourrait être plus forte suite à la récente ruée vers l’or (OIT, 2007). En outre, bien qu’il existe un cadre de partage des recettes qui exige que 15 % des recettes de l’extraction minière soient rétrocédés aux communautés locales où se déroulent les opérations minières, dans la réalité cela se concrétise rarement. Les redevances et taxes sont dûment payées à l’État, mais ce dernier transfère rarement les revenus aux autorités locales, en partie en raison de leurs capacités limitées. Entre 2012 et 2016, les paiements de rétrocession se sont transformés en arriérés de paiements. Voir l’Annexe D.1 pour une discussion plus approfondie sur l’impact des ressources naturelles sur les institutions publiques. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 129 4.3. Les risques de fragilité Le secteur extractif joue un rôle particulièrement important dans le façonnement de la dynamique des conflits dans le pays. Agadez, Diffa, Tillabéri et Zinder, qui sont les principales régions extractives qui contribuent à au moins un quart des recettes publiques, sont également parmi les régions les plus fragiles. Ces régions ont des frontières vulnérables très poreuses : Tillabéri avec le Mali et le Burkina Faso, Diffa avec le Tchad et le Nigeria, Zinder avec le Nigeria et Agadez avec la Libye. Compte tenu de la gravité de la situation sécuritaire, l’état d’urgence a été déclaré dans les régions de Diffa, de Tahoua et de Tillabéri. Malgré ses avantages pour l’économie locale, le secteur aurifère de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle comporte des risques importants de fragilité. L’or est une matière première de grande valeur susceptible d’être pillée et, dans le contexte de la faible présence de l’État au Niger, le risque de capture par des groupes criminels est particulièrement élevé. En effet, une telle capture a déjà eu lieu : au printemps 2014, de nouveaux sites aurifères d’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) ont été saisis par des groupes armés tchadiens soupçonnés d’être liés à des groupes rebelles de Libye. Ils ont contrôlé ces sites jusqu’en 2016, élargissant leur commerce illégal sur le territoire libyen. En 2017, les autorités nigérianes ont fermé le site EMAPE de Djado afin d’endiguer les menaces croissantes pour la sécurité provenant de ces groupes et d’une myriade de groupes armés, notamment des groupes terroristes, des trafiquants, des bandits et des groupes rebelles (International Crisis Group (ICG), 2019). Le risque d’appropriation par des groupes terroristes est également accentué par le fait que les sites d’EMAPE se trouvent dans des régions où les groupes terroristes sont très actifs. Ainsi, Téra dans la région du Liptako, riche en or, est une zone d’opérations majeures pour les groupes terroristes maliens. De tels débordements de conflits provenant d’États fragiles voisins, dont le Mali, le Nigeria et la Libye, soulignent le caractère transnational des menaces sécuritaires au Niger (Pellerin, 2017 ; Grégoire & Gagnol,2017). Des décennies de rébellions menées par des séparatistes Touaregs contribuent à la précarité de la situation sécuritaire dans le nord du pays d’où l’uranium est extrait. Les raisons de ce conflit prolongé sont complexes mais tournent autour de la marginalisation et de l’exclusion économique des Touaregs. Bien que la région abrite les mines d’uranium qui ont longtemps constitué la base économique du pays, elle reste sous-développée. Les communautés locales se sentent donc exclues des bénéfices du secteur extractif et doivent supporter le fardeau des dommages environnementaux causés par l’exploitation minière (Keenan, 2008 ; Baudais et al. 2021). Ces problèmes interdépendants de marginalisation et de partage inéquitable des recettes, notamment de celles issues de l’uranium, ont donné lieu à des activités militantes, comme celles du Mouvement des Nigériens pour la Justice – MNJ) (Emerson, 2011). Les risques intrinsèques au pétrole, une matière première à forte rente susceptible d’être capturée et associée à l’éclatement de conflits, sont exacerbés par l’activité des groupes terroristes dans des régions productrices de pétrole telles que Zinder et Diffa. Les rentes élevées en jeu peuvent inciter des acteurs malhonnêtes, y compris les terroristes, à entreprendre ou à intensifier des activités d’insurrection contre l’État. Les installations pétrolières pourraient donc devenir de nouvelles cibles potentielles pour les terroristes. Voir l’Annexe D.2. pour une analyse sur le lien entre les conflits et les ressources naturelles. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 130 5. Conclusions Bien que le Niger soit doté de ressources significatives, la croissance du secteur extractif est entravée par plusieurs facteurs structurels, notamment la rareté du capital financier et la rareté du capital humain qualifié local. La promotion de politiques judicieuses en matière de contenu local est un moyen de s’assurer que les bénéfices du secteur extractif soient partagés localement et utilisés comme un moteur pour accroître le capital humain, tout en restant attractif pour les capitaux étrangers. Le secteur extractif du Niger présente un potentiel de développement significatif. Toutefois, il s’accompagne également de risques importants susceptibles d’exacerber les défis sociopolitiques et environnementaux existants. Cela souligne l’importance de renforcer les systèmes de gouvernance, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du secteur des ressources naturelles, pour échapper à la malédiction des ressources naturelles. Enfin, ce chapitre applique également le modèle LTGM-NR pour évaluer l’impact des prix du pétrole sur la croissance économique du Niger au cours des 30 prochaines années. Dans le modèle LTGM-NR, les chocs pétroliers génèrent des recettes budgétaires pétrolières exceptionnelles qui peuvent être investis dans le capital physique pour stimuler la croissance économique. Toutefois, les bénéfices exceptionnels générés dans le cadre des scénarios de prix analysés ne sont pas assez importants ou pérennes pour donner une impulsion substantielle à l’investissement et à la croissance à long terme, même dans le cadre de règles budgétaires procycliques. En outre, même une augmentation permanente des prix du pétrole ne serait pas en mesure de financer un niveau plus élevé d’investissement public à long terme. En effet, le secteur pétrolier du Niger devrait se contracter fortement au fil du temps en raison de l’épuisement des réserves de pétrole. Par conséquent, les variations des prix du pétrole ont un faible effet sur la croissance à moyen terme, et presque aucun effet à long terme. Mesures pour une meilleure gestion du secteur extractif au Niger Mesures particulièrement cruciales devant être mise en place par le Calendrier de Répercussions Gouvernement du Niger mise en œuvre budgétaires Réduire la vulnérabilité budgétaire - Élaborer une législation sur la gestion des revenus, par exemple en Moyen terme Moyenne créant un fonds de stabilisation budgétaire ; - Renforcer la législation imposant un cadre budgétaire autour de Moyen terme Faible l’utilisation des rentes exceptionnelles provenant des ressources naturelles ; - Envisager de mettre en œuvre des transferts directs en espèces Long terme Moyenne pour partager la manne des recettes des ressources naturelles avec la population locale ; - Améliorer la mobilisation des recettes intérieures pour diversifier les Moyen terme Moyenne sources de recettes de l’État. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 131 Mesures particulièrement cruciales devant être mise en place par le Calendrier de Répercussions Gouvernement du Niger mise en œuvre budgétaires Renforcer la formalisation de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) - Décentraliser les processus essentiels pour la formalisation de Court terme Faible l’EMAPE, comme l’enregistrement et l’octroi des licences ; - Adopter une approche graduelle (permis différenciés) pour répondre Court terme Faible aux besoins des différents mineurs à multiples niveaux de revenus et réduire les obstacles à la formalisation ; - Fournir des incitations à la formalisation, par exemple, en Court terme Moyenne conditionnant l’accès aux centres de traitement et aux connaissances techniques à l’obtention d’une licence officielle. Renforcer les systèmes de gouvernance - Mettre en œuvre des systèmes numérisés pour les impôts et les Moyen terme Moyenne douanes afin de réduire les fuites de recettes dues aux flux illicites de matières premières comme l’or provenant de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle ; - Faire respecter les normes environnementales grâce à des Moyen terme Moyenne partenariats avec la société civile, l’ITIE et les communautés locales ; - Mettre en œuvre le cadre de partage des recettes, apurer les arriérés Court terme Moyenne de paiements intérieurs en suspens, et veiller à ce que les financements soient consacrés à des projets de développement local. Promouvoir le développement du contenu local - Créer une entité spécifique chargée de se concentrer sur les besoins Court terme Faible et les possibilités en matière de contenu local ; - Développer des programmes de formation et de compétences Moyen terme Moyenne professionnelles pour accroître les connaissances techniques de la population ; - Renforcer le centre de données de Niamey en rendant obligatoire le Court terme Faible partage des données géologiques et en les mettant à la disposition du Gouvernement du Niger ; - Améliorer les normes des laboratoires locaux et envisager une Long terme Élevé obtention de l’accréditation internationale. Notes: Court terme (1 an) ; Moyen terme (2-3 ans) ; Long terme (plus de 3 ans). Les implications budgétaires sont jugées : (i) faibles si elles sont accessibles dans le cadre de la structure actuelle des dépenses ; (ii) moyennes si elles nécessitent une réaffectation budgétaire ; (iii) élevées si elles nécessitent des réformes plus approfondies, des sources de financement et une mobilisation des recettes intérieures.. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 132 CHAPITRE 5 Risques liés aux catastrophes et au climat au Niger Pays enclavé de l’Afrique occidentale au climat essentiellement semi-aride, le Niger est confronté à de multiples menaces climatiques dont les plus importantes sont les sécheresses récurrentes. Plusieurs facteurs, dont la dépendance à l’égard de l’agriculture pluviale, la croissance démographique rapide, l’instabilité politique, la pauvreté généralisée et l’insécurité alimentaire persistante, aggravent davantage la vulnérabilité du pays aux menaces climatiques. Dans la mesure où l’on s’attend à ce que ces défis soient accentués par les changements climatiques, un cadre intégré de gestion du risque de catastrophe (GRC) est crucial pour le Niger. Ce chapitre aborde le profil du risque du Niger, puis il analyse les cadres institutionnels et politiques existants pour faire face aux risques climatiques et examiner les possibilités de financement durable des risques liés aux catastrophes. En plus des mesures de protection sociale à court et moyen terme destinées à aider la population à faire face aux événements naturels hautement défavorables, il est crucial d’investir dans des solutions à long terme axées sur des politiques et des plans intégrés d’aménagement du territoire urbain, des infrastructures résilientes, des systèmes d’alerte précoce et des stratégies de réduction du risque. 1. Contexte historique des risques liés aux catastrophes et au climat au Niger Pays enclavé d’Afrique occidentale, le Niger est particulièrement exposé aux catastrophes hydrométéorologiques, les inondations et les sécheresses étant récurrentes. 35 % de la population (zone nord) vit dans un climat désertique aride et chaud, avec des conditions ensoleillées et sèches toute l’année. Les autres 65 % de la population (zone sud, y compris Niamey) vivent sous un climat semi-aride chaud, avec des étés chauds et des hivers chauds à frais, et des précipitations faibles à minimes. Les précipitations annuelles moyennes varient géographiquement, mais sont généralement plus faibles dans le nord (0-150 mm) que dans le sud (500-600 mm) et se limitent aux mois d’été, de juin à septembre. Entre 1986 et 2020, 56 événements climatiques ont été signalés au Niger. La plupart de ces événements étaient des sécheresses, des inondations et des épidémies qui ont causé 10 384 décès et affecté 28,2 millions de personnes. Alors que les sécheresses affectent la majorité de la population touchée par les catastrophes (89 %) (Figure 56), les épidémies sont responsables quant à elles de la majorité des décès dans le pays, à 94 % (Figure 57). D’autre part, bien qu’elles touchent une plus petite partie de la population et qu’elles soient moins meurtrières, les inondations ont constitué une menace sérieuse pour le Niger ces dernières années, de grandes inondations ayant été signalées en 2017, 2018 et 2020. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 133 Les ressources renouvelables et extractives sont primordiales pour le développement des moyens de subsistance au Niger ; toutefois, les conflits sont en augmentation autour de ces secteurs. Les ressources renouvelables subissent la pression de la croissance démographique, de l’insécurité, des migrations, du changement climatique et de la mauvaise gestion des terres et des ressources naturelles, avec pour conséquence la dégradation des terres, la réduction de la productivité agricole et l’insécurité alimentaire67. L’évolution de la dynamique de la transhumance en raison du changement climatique, l’augmentation de la population et la pression exercée par le bétail entraînent des conflits croissants entre agriculteurs et éleveurs au sujet des ressources naturelles68. Les cultivateurs se tournent vers l’élevage, réduisant davantage les pâturages disponibles pour le bétail et augmentant la pression sur les terres69. Par ailleurs, les fermetures de frontières dans les régions où les conflits se sont propagés, ont limité la dynamique des déplacements pastoraux, et ont poussé les pasteurs à repenser leur mobilité et leurs zones de pâturage, au risque d’alimenter de nouveaux conflits fonciers locaux70. Figure 56. Population totale affectée par type de Figure 57. Nombre total de décès par type de catastrophe catastrophe 10 6 8 4 Des millions 6 Milliers 4 2 2 0 0 1985-1990 1991-1995 1996-2000 2001-2005 2006-2010 2011-2015 2016-2020 1985-1990 1991-1995 1996-2000 2001-2005 2006-2010 2011-2015 2016-2020 Sécheresse Épidémie Inondation Sécheresse Épidémie Inondation Source : Auteurs avec des données de la base de données Source : Auteurs avec des données de EM-DAT (CRED, 2021). des événements d’urgence (EM-DAT). (Centre de recherche sur l’épidémiologie des catastrophes CRED, 2021). 67 Voir le site Internet : https://opendocs.ids.ac.uk/opendocs/bitstream/handle/20.500.12413/14277/453_Natural_Resources_Management_ Strategies_in_the_Sahel.pdf?sequence=90&isAllowed=y 68 FAO, Le Niger Programme de résilience, page 1 http://www.fao.org/emergencies/resources/documents/resources-detail/en/c/1414150/ 69 Voir le Rapport Afrique N°301 du 29 avril 2021 de Crisis Group (ICG). « Sud-ouest du Niger : prévenir un nouveau front insurrectionnel », page 4. https://www.crisisgroup.org/africa/sahel/niger/301-sud-ouest-du-niger-prevenir-un-nouveau-front-insurrectionnel 70 Projet Resilac. Étude régionale de recherche. « Bassin du lac Tchad : Soutenir la cohésion sociale par l’appui aux mécanismes endogènes de prévention, médiation et résolution de conflits ? ». Page 19. Octobre 2019. https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/ Rapport_RESILAC_CohesionSociale_Bassin-du-lac-Tchad.pdf DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 134 Reconnaissant l’importance d’une meilleure gestion du risque de catastrophe au Niger, la Banque mondiale a approuvé en 2013 le projet de gestion du risque de catastrophe et de développement urbain pour un montant de 106,65 millions de dollars É.-U. —complété en 2019 par un financement supplémentaire de 25 millions de dollars É.-U. L’objectif de développement du projet (PDO) est d’améliorer la résilience du Niger aux risques naturels par des interventions sélectionnées de gestion du risque de catastrophe dans les sites ciblés du projet (Régions de Tillabéri, de Niamey, de Dosso et de Diffa avec une extension en 2017 aux régions de Tahoua et d’Agadez) en renforçant la capacité de l’État à répondre rapidement et efficacement à une crise reconnue ou une urgence. Le Gouvernement du Niger (GdN) prépare actuellement une nouvelle opération de résilience urbaine avec le soutien de la Banque mondiale, dont l’objectif sera également de renforcer la résilience aux risques climatiques. La Banque mondiale soutient également le projet du nouveau système de protection sociale adaptive au Niger depuis 2011, le projet « filets sociaux du Niger » (Adaptive Safety Net Project). Avec un engagement total de 280 millions de dollars É.-U. sur plusieurs phases, cette opération vise à accroître l’accès des populations pauvres et vulnérables à des programmes de transferts monétaires et « d’argent contre travail » (cash-for-works), et à augmenter ainsi leur résilience aux catastrophes naturelles. Dans le cadre du projet, différentes modalités de transfert monétaires et des mesures d’accompagnement comportementales sont fournies aux ménages les plus pauvres dans toutes les régions du pays. Le programme comprend également une composante de réponse aux chocs, dans le cadre duquel une aide d’urgence rapide en espèces est fournie aux populations touchées par les catastrophes, par exemple en réponse aux sécheresses et aux inondations. 2. Profil de risque-pays du Niger 2.1. Risque de sécheresse Les sécheresses ont un impact économique significative au Niger, le pays étant largement dépendant de l’agriculture. Bien que les données sur les pertes réelles dues aux événements historiques soient limitées, des pertes indicatives ont été estimées par la Banque mondiale (2013) pour comprendre la fréquence et l’ampleur des événements défavorables au secteur agricole71. La production agricole, mesurée en termes de valeur de la production brute, a été réduite de manière significative à sept reprises par des événements climatiques néfastes entre 1991 et 2010 (Tableau 10). Au cours de certaines de ces années, le Niger a connu une chute de 10 à 20 % par rapport aux tendances sous-jacentes de la production, et a subi des pertes de plus de 100 millions de dollars É.-U. La sécheresse a été la principale cause des chocs les plus importants, parfois combinée avec d’autres événements climatiques et sécuritaires72. 71 Les pertes indicatives pour chaque événement ont été calculées en estimant la différence entre les valeurs réelles et les valeurs tendancielles historiques de chaque culture concernée en utilisant les prix réels à la production. La proportion de cette valeur de perte totale en dessous d’un seuil (0,33 écart-type en dessous de la tendance de production) a été considérée comme représentative de la perte attribuable à l’évènement néfaste. Cette mesure reflète l’impact combiné des variations interannuelles de la production et des prix. Les risques de production ont été analysés que pour les cultures, les données disponibles sur l’élevage ont été estimées insuffisantes. 72 Une analyse menée par le Centre Régional AGRHYMET (institution spécialisée du Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) dont le Niger est membre), révèle que les longues périodes de sécheresse (nombre de jours consécutifs sans précipitations) et l’arrivée tardive des pluies sont les deux principaux facteurs responsables des pertes de rendement et des mauvaises récoltes au Niger. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 135 Tableau 10. Pertes indicatives dues à des événements défavorables sur la production végétale (1991 – 2010) Année Écart de la production par Valeur indicative des pertes Perte en pourcentage Contexte rapport à la tendance (en %) (2010 millions de dollars É.-U.) du PIB agricole 1995 -23,2 % -122,1 -24,1 % Sécheresses, invasions localisées de criquets, incertitude politique 1996 -13,6 % -35 -6,2 % Incertitude politique 1997 -23,1 % -135,8 -23,7 % Sécheresses 2000 -9,1 % -10,8 -1,4 % Sécheresses 2004 -17,2 % -125,3 -11,6 % Sécheresses, criquets 2005 -7 % -4,2 -0,3 % Faibles précipitations 2009 -10,4 % -55,6 -3,1 % Sécheresses, inondations. Note : Les pertes sont calculées comme la valeur de la production réelle moins la production tendancielle, moins le seuil des pertes nor- males à la tendance. Source : Extrait de la Banque mondiale (2013), sur la base des données de FAOSTAT. Une période grave et continue d’épreuves difficiles a eu lieu de 1995 à 1997 suite à une combinaison de sécheresse et d’incertitude politique. L’impact cumulatif de ces multiples chocs successifs peut être dévastateur pour une économie comme celle du Niger où l’agriculture représente 40 % du PIB (Banque mondiale, 2017). Outre l’impact sur la production agricole, les événements défavorables —et en particulier les sécheresses— peuvent affecter les recettes en devises, réduire le taux de croissance du PIB et le revenu par habitant, entraîner une perte de recettes publiques et nécessitent des ressources financières considérables pour les interventions d’urgence et le redressement. La Figure 58 illustre la volatilité du taux de croissance du PIB national et du taux de croissance du PIB par habitant au Niger sur une période de 26 ans (1984 – 2010). On peut observer une forte corrélation entre une baisse du taux de croissance du PIB et la fréquences d’événements néfastes. Le taux de croissance du PIB a été négatif pendant huit des 26 années analysées et, pour six d’entre elles, les baisses peuvent être en partie expliquées par des événements de sécheresse (Banque mondiale, 2013). Figure 58. Croissance annuelle du PIB et PIB par habitant 10 5 percent 0 -5 drought drought political drought+ drought+ -10 1987 1990 political instability locust 2004 2009 drought instability 1999* 2000 -15 1992* -20 drought 1984 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 GDP growth (annual %) GDP per capita growth (annual %) Note : * instabilité politique de 1992 (Gouvernement de transition, novembre 1991 – avril 1993) et instabilité politique de 1999. Source : Banque mondiale (2013), fondé sur la base de données des indicateurs du développement mondial (WDI). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 136 Le Niger est gravement exposé aux chocs de production agricole. Un rapport de la Banque mondiale modélise la production des cultures vivrières et les pertes de production pour les cultures vivrières les plus importantes en Afrique de l’Ouest, ainsi que les coûts pour répondre à ces risques. (Banque mondiale, 2021d). Le rapport constate que les pertes de production des cultures vivrières au Burkina Faso, au Mali, au Niger, en Sierra Leone, au Tchad et au Togo pourraient s’élever en moyenne à plus de 700 millions de dollars É.-U. par an et atteindre plus d’un milliard de dollars tous les cinq ans. Les principaux facteurs de ces pertes sont les risques liés au climat, notamment les sécheresses et les inondations, mais aussi les maladies et les insectes ravageurs agricoles. Les invasions des insectes, notamment les essaims de criquets, sont en augmentation. On s’attend à une intensification de ces risques en raison du changement climatique. Si l’on considère les cinq principales cultures vivrières (maïs, millet, riz, sorgho et niébé), l’analyse des pertes liés aux risques (LaR) indique que le Niger pourrait subir des pertes de production alimentaire équivalentes à 24,2 % de l’exposition une fois tous les 10 ans, et même 41,9 % de l’exposition (ou 1,32 milliard de dollars É.-U.) une fois tous les 100 ans (Tableau 11). Par ailleurs, le rapport modélise les pertes économiques et les coûts humanitaires liés à la sécurité alimentaire. Au Niger, ces coûts s’élèvent à 304 millions de dollars É.-U. pour les événements d’une année sur cinq et à 391 millions de dollars É.-U. pour les événements d’une année sur dix. Tableau 11. Valeurs escomptées de LaR au Niger Rendement(années) Pertes annuelles 10 25 50 100 150 200 250 500 moyennes LaR (en % 8,98 % 24,2 % 32 % 37,1 % 41,9 % 44,2 % 45,9 % 46,9 % 50,6 % d’exposition) LaR (en million de 284 765 1,012 1,175 1,325 1,399 1,452 1,482 1,599 $É.-U.) Source: Banque mondiale (2021d). Le risque de sécheresse est jugé particulièrement élevé au Niger. La Facilité mondiale pour la prévention des risques de catastrophes et le relèvement (GFDRR) a estimé la perte de revenu agricole causée par la sécheresse agricole73. Les résultats indiquent qu’en moyenne, le Niger subit une perte annuelle de revenu agricole de 15 millions de dollars É.-U. On peut s’attendre à des pertes supérieures à 60 millions de dollars É.-U. en moyenne une fois par décennie ; tandis que des pertes supérieures à 150 millions de dollars É.-U. se produiraient en moyenne une fois tous les 50 ans. Maradi, Tahoua et Zinder sont les régions où le risque de perte de récolte est le plus élevé. Compte tenu des pertes historiques indicatives estimées par la Banque mondiale (2013 et 2021d), les estimations du GFDRR semblent plutôt conservatrices. Ces chocs de production pourraient entraîner une sévère aggravation de l’insécurité alimentaire au Niger. Si l’on traduit les pertes de production agricole consécutives aux chocs en une réduction de la consommation 73 La perte de revenu agricole correspond à la valeur des récoltes perdues en raison de la sécheresse agricole, basée sur les prix des cultures à long terme et la perte de rendement estimée. La sécheresse agricole est évaluée en estimant le potentiel de manque de précipitations et son impact sur les cultures pluviales. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 137 alimentaire des ménages, l’analyse révèle que le nombre de personnes qui se retrouvent en situation d’insécurité alimentaire est particulièrement élevé au Niger, car la sous-alimentation et l’exposition aux chocs de production alimentaire sont particulièrement élevées : même les chocs de faible gravité peuvent conduire à un nombre important de personnes sous-alimentés, et les chocs graves peuvent conduire à la sous-alimentation de la quasi-totalité de la population nigérienne. 2.2. Risque d’inondation Les inondations constituent principalement une menace dans le bassin du fleuve Niger, affectant en moyenne bien plus de 100 000 personnes par an. La Figure 59 illustre que le nombre de personnes touchées par des inondations catastrophiques dans le bassin du fleuve Niger a augmenté de façon significative ces dernières années. Cela s’explique par plusieurs raisons, notamment l’augmentation des fortes précipitations, une hausse du débit des cours d’eau en raison de changements défavorables de l’utilisation des terres et l’encroûtement des sols qui ont conduit à une augmentation du ruissellement de surface alors que le climat général de la région continue quant à lui de devenir plus sec. En particulier, au Niger, on estime qu’environ 92 000 maisons ont été détruites et 41 000 maisons ont été endommagées par des inondations depuis 1986 (UNISDR, n.d.). Figure 59. Nombre de personnes touchées par des inondations catastrophiques dans le bassin du fleuve Niger entre 1980 et 2014, à partir de 3 sources de données différentes Note : Scale of the y-axis is logarithmic. Source : Aich et al. (2016). Les pertes annuelles moyennes (AAL) dues aux inondations fluviales sont estimées entre 20 et 70 millions de dollars É.-U. au Niger. Les inondations ont un impact négatif récurrent sur la population et sur l’économie, particulièrement dans la partie sud-ouest du Niger. Le Rapport d’évaluation globale (GAR) de 2017 sur la réduction des risques de catastrophe (RRC) estime l’AAL du stock de capital due au risque d’inondations fluviales au Niger à 21,4 millions de dollars É.-U., soit environ 0,2 % du PIB de 2017. Étant donné que les estimations des risques sont hautement incertaines lorsque des données disponibles pour la calibration sont limitées —comme c’est le cas au Niger— il est bon de comparer les résultats des différentes études. Le GFDRR de 2019, par exemple, estime que le risque d’inondation fluviale est nettement plus important que les estimations du GAR. Le GFDRR DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 138 suggère que les pertes AAL du seul secteur du logement dues aux inondations fluviales s’élèvent jusqu’à 70 millions de dollars É.-U. (soit 0,6 % du PIB), et que les inondations fluviales causant des pertes de plus de 300 millions de dollars É.-U. devraient se produire relativement fréquemment, en moyenne une fois tous les 10 ans. Les informations historiques suite aux grandes inondations récentes (2012, 2020) suggèrent que le niveau de risque d’inondation fluviale se situe entre les résultats des deux études. En ce sens, les estimations du GAR pourraient être considérées comme la limite inférieure des risques d’inondation, et celles du GFDRR comme la limite supérieure. Il convient de noter que ces estimations sont basées sur les conditions actuelles —avec le changement climatique et l’augmentation de la population, ces chiffres vont probablement augmenter de manière substantielle dans les années à venir. Par exemple, l’évaluation des dommages et des pertes (DaLA) réalisée par le Gouvernement du Niger à la suite des inondations de 2020 estime le total des dommages et des pertes à 261,7 millions de dollars É.-U. (153,7 millions de dollars É.-U. en dommages directs et 108 millions de dollars É.-U. en pertes indirectes)74. 3. Impact des catastrophes sur la pauvreté et la sécurité alimentaire 3.1. Relation entre les catastrophes et la pauvreté Au Niger, les pauvres pâtissent de manière disproportionnée des événements naturels néfastes, qui sont considérés comme le principal moteur de la pauvreté. L’analyse de l’étude sur la mesure des niveaux de vie de 2011 et 2014 —enquêtes intégrées sur l’agriculture, permet de mieux comprendre l’impact des événements néfastes naturels sur les niveaux de pauvreté et le bien-être des Nigériens (LSMS-ISA)75. En se basant sur ces enquêtes, la Banque mondiale (2017) montre que les ménages qui se considèrent comme pauvres déclarent que les sécheresses et les inondations sont les principales causes de la pauvreté généralisée (33 %, Figure 60), suivi par le manque d’emploi (28 %) et le coût élevé de la vie (16 %). La forte dépendance de la population vis-à-vis de l’agriculture implique que les catastrophes peuvent limiter les efforts de réduction de la pauvreté et faire retomber les personnes vulnérables dans la pauvreté. Figure 60. Principales causes de la pauvreté (en pourcentage des ménages, 2011) Sécheresses/inondations Manque d'emploi Coût de la vie La corruption Manque de troupeaux Pas d'éducation Manque de terre Manque d'eau/pâturage Paresse Autre % 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% Source : Extrait de la Banque mondiale (2017). Calculs basés sur les données de LSMS-ISA. 74 Évaluation rapide des dommages, pertes et besoins — stratégie de relèvement post-inondation 2020 au Niger, février 2021. 75 Il s’agit d’enquêtes standard auprès des ménages comprenant des modules sur les chocs subis, les conséquences négatives des chocs (perte d’actifs, de revenus, de production alimentaire et de stocks alimentaires), ainsi que les mécanismes d’adaptation adoptés par les ménages à la suite d’un choc sur les revenus. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 139 Au Niger, la plupart des ménages interviewés ont signalé des pertes soudaines de revenus et d’actifs —78 % des ménages ont déclaré avoir subi une baisse de revenus à la suite d’un choc, tandis que 57 % des ménages ont signalé des pertes d’actifs (Banque mondiale, 2018a) Les chocs de prix sont les plus récurrents, suivis par les chocs météorologiques, les premiers se produisant 1,3 fois plus fréquemment que les seconds. En plus d’être souvent touchés par les chocs de prix, les Nigériens urbains paient déjà une prime de 11 % sur les prix des denrées alimentaires par rapport aux pays ayant des niveaux de revenus similaires, les 20 % les plus pauvres de la distribution des revenus dépensant jusqu’à 59 % de leurs revenus en nourriture (Nakamura et al., 2016). En général, les chocs —particulièrement ceux liés aux risques de sécheresse et d’inondation— sont également plus fréquemment signalés par les ménages ruraux, ce qui souligne leur plus grande exposition et vulnérabilité aux événements naturels défavorables (Figure 61). Figure 61. Les chocs sont plus fréquents dans les zones rurales 14 Part des ménages ruraux subissant un choc 13 12 par rapport aux ménages urbains 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 Maladie des cultures Risque climatique (sécheresse et inondation) Hausse du prix des intrants Conflit Autre Chute des prix à la production Aliments Le prix aug- mente Décès Vol Chocs sur les entreprises ou l'emploi Maladies Maladie du bétail Autres pertes ou dommages aux Note : Le graphique représente le rapport entre le pourcentage de ménages ruraux ayant subi des chocs et le pourcentage de ménages actifs urbains ayant subi des chocs. Les barres bleues indiquent que le ratio est significativement supérieur à 1 ; les barres vertes indiquent que le ratio est significativement inférieur à 1 ; les barres orange indiquent qu’il n’y a aucune différence significative entre les zones rurales et urbaines. Cette analyse ne tient pas compte de l’impact de ces chocs, elle ne permet donc pas de savoir si les chocs subis par les ménages ruraux ont un effet plus ou moins important sur le bien-être que les chocs subis par les ménages urbains. Source : Extrait de la Banque mondiale (2018a). Calculs basés sur les données de LSMS-ISA. 3.2. L’insécurité alimentaire au Niger Dans un pays où l’agriculture et l’élevage sont les principaux moyens de subsistance de plus de 80 % de la population et où l’agriculture contribue à 40 % du PIB, les chocs liés au climat sont susceptibles d’avoir un impact négatif important sur la pauvreté et la sécurité alimentaire. La majorité des agriculteurs dépendent fortement des précipitations, la plupart des terres cultivées n’étant pas irriguées. L’agriculture est donc hautement vulnérable aux chocs externes, notamment aux sécheresses courantes dans le Sahel, mais aussi aux inondations, principalement dans la partie sud-ouest du Niger. La population nigérienne est très exposée aux sécheresses et aux inondations et a souffert d’épisodes d'insécurité alimentaire récurrents ces dernières DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 140 années, avec plusieurs millions de personnes qui ont dû bénéficier d’une assistance alimentaire76. Le Cadre Harmonisé et le Food Security Cluster ont estimé en mars 2021 que 2,343 millions de personnes (soit environ 9 % de la population totale) seraient en insécurité alimentaire durant la période de soudure (juin-août 2021), dont 1,3 million de personnes étaient prioritaires (PAM, 2021) et 218 000 personnes en situation d’urgence. Le nombre de personnes touchées par l’insécurité alimentaire est élevé, mais diverge fortement selon les sources. Selon la source et la méthodologie employée, les chiffres peuvent diverger de manière significative. En se basant sur l’analyse de sept sources différentes, la Figure 62 illustre comment (i) différents ensembles de données montrent des estimations différentes des personnes en situation d’insécurité alimentaire au Niger ; et, (ii) montre que le nombre de personnes touchées par l’insécurité alimentaire est constamment élevé, non seulement lors des périodes d’événements naturels défavorables et de conflit, mais aussi tout au long de l’année. Figure 62. Nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire et la réponse humanitaire au Niger selon les différentes sources Source : Auteurs se basant sur des données provenant du Cadre Harmonisé, du Système d’Alerte Précoce (SAP), de Villages Déficitaires, du Financial Tracking System (FTS) de l’UN OCHA, de Plans de Soutien, de Plan de Réponse Humanitaire, et d’ARC. Comme dans d’autres pays sahéliens, les facteurs d’insécurité alimentaire chronique et transitoire sont divers au Niger. D’une part, la variabilité climatique entraîne des chocs de production récurrents qui plongent de nombreux ménages agropastoraux dans une insécurité alimentaire à court terme pendant les années de sécheresse. Ceci s’ajoute à la détérioration des conditions de sécurité dans l’ensemble du pays, ce qui affecte également les activités productives locales. D’autre part, les facteurs structurels conduisant à une insécurité alimentaire permanente regroupent une économie dominée par des activités agropastorales exposées aux aléas climatiques, des techniques de production de base n’ayant pas évolué suffisamment rapidement, et une croissance démographique rapide entraînant l’apparition d’une nouvelle agriculture sur des terres marginales inadaptées à l’agriculture pluviale. L’accès à la terre est également un problème et les zones cultivées ont connu une fragmentation continue. Le faible niveau d’éducation, le manque d’infrastructures sanitaires et routières, le faible accès à l’eau potable et les facteurs culturels sont également souvent cités comme des facteurs limitant le développement agricole (PAM, 2010). 76 Outre le problème de l’insécurité alimentaire, la malnutrition et les retards de croissance sont des également des problèmes graves au Niger. On estime que 15 % des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë et que 48 % des enfants souffrent d’un retard de croissance (UNICEF, n.d.). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 141 Alors que les événements naturels défavorables peuvent diminuer les niveaux de sécurité alimentaire, les problèmes d’insécurité alimentaire chronique sont également prépondérants. La prévalence et l’ampleur de l’insécurité alimentaire chronique (IAC) ont été estimées en 2019 dans 24 zones comprenant 13 zones de moyens d’existence différentes du Niger. La population a été classée dans quatre catégories différentes sur la base du Cadre intégré de la classification de la sécurité alimentaire (IPC), en considérant trois domaines-clé de la sécurité alimentaire : la qualité de la nourriture consommée, la quantité de nourriture consommée et la malnutrition chronique (IPC, 2019)77. Au niveau national, on estime qu’un Nigérien sur trois est en situation d’insécurité alimentaire chronique modérée ou sévère, avec des carences alimentaires saisonnières récurrentes deux à quatre mois par an, et un régime alimentaire peu diversifié. Une analyse au niveau régional montre que l’insécurité alimentaire chronique est généralisée sur le territoire nigérien (Figure 63, USAID, 2019). Le degré élevé d’insécurité alimentaire chronique, la grande vulnérabilité de la population, et la faible capacité de résilience face aux chocs suggèrent que les risques liés au climat, tels que les sécheresses ou les inondations, peuvent gravement compromettre la sécurité alimentaire des Nigériens. Figure 63. Classification de la population régionale par niveau d’insécurité alimentaire chronique (IAC) Tahoua Zinder Maradi Tillaberi Dosso Diffa Agadez - 1,000,000 2,000,000 3,000,000 4,000,000 5,000,000 Population Non/minime CFI CFI légère CFI modéré CFI sévère Source : Auteurs se basant sur les données de l’USAID (2019). 77 L’insécurité alimentaire chronique (IAC) est définie comme « une insécurité alimentaire qui persiste dans le temps, notamment pour des raisons structurelles ». Cela signifie que l’insécurité alimentaire existe même pendant les périodes autres que les périodes exceptionnelles (à savoir les périodes où aucun événement atypique ne se produit). Quatre catégories de sévérité de l’IAC se distinguent dans le cadre intégré de l’IPC : (i) Niveau 1 : Pas d’IAC, nulle ou minime. Les ménages sont continuellement en mesure d’accéder et de consommer un régime alimentaire de quantité et de qualité acceptables pour une vie active et saine. Les moyens de subsistance des ménages sont durables et résistants aux chocs. (ii) Niveau 2 : IAC légère. Les ménages peuvent accéder à un régime alimentaire de quantité adéquate, mais pas toujours de qualité adéquate. (iii) Niveau 3 : IAC modérée. Les ménages présentent en permanence de légers déficits en quantité de nourriture, et/ ou des déficits saisonniers en quantité de nourriture pendant 2 à 4 mois de l’année, et ne consomment pas toujours une alimentation de qualité adéquate. Les moyens de subsistance des ménages sont marginalement durables, et leur résilience aux chocs est très limitée. Les ménages sont susceptibles d’avoir des enfants souffrant d’un retard de croissance modéré. (iv) Niveau 4 : Sévère. Les ménages présentent des déficits saisonniers en quantité de nourriture pendant plus de quatre mois sur l’année, et ils ne consomment pas toujours une alimentation de qualité adéquate. Les moyens de subsistance des ménages sont très marginaux et ne sont pas résilients. Les ménages sont susceptibles d’avoir des enfants souffrant d’un retard de croissance sévère (IPC, 2019). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 142 4. Impact macro-économique des catastrophes Les sécheresses et les inondations sont les événements naturels les plus proéminents qui affectent les ménages et l’économie du Niger. Les données soient encore rares, mais des études et évaluations récentes suggèrent un impact limité mais tout de même significatif des inondations et des sécheresses sur la croissance, avec des dynamiques différentes selon les caractéristiques de la catastrophe. Si les inondations sont des événements à déclenchement rapide, généralement limitées dans le temps et géographiquement, et qu'elles produisent avant tout des pertes et des dommages aux biens, les sécheresses, en tant qu’événements à déclenchement lent, peuvent durer longtemps et avoir un impact sur l’économie au sens large par le biais de divers canaux. 4.1. L’impact macro-économique des sécheresses La sécheresse est un phénomène complexe avec des impacts multiples. Il y a une grande variété de définitions, mais la sécheresse est généralement classée comme étant soit météorologique, hydrologique, agricole ou socio- économique. Alors que les deux premières catégories se concentrent exclusivement sur les caractéristiques physiques, les deux dernières s’intéressent aux inadéquations entre l’offre et la demande. Les effets des précipitations météorologiques se manifestent généralement après une longue période de précipitations inférieures à la normale et leurs impacts sur les systèmes naturels et socio-économiques dépendent d’un large éventail de facteurs supplémentaires, tels que la température locale et d’autres conditions climatiques, la température locale et d’autres conditions climatiques, la prévalence de l’utilisation des terres ou les pratiques d’irrigation et agricoles. Ses impacts économiques se matérialisent généralement d’abord par des dommages à la production agricole, au bétail et au capital physique lié à l’eau (par exemple, les centrales hydroélectriques ou les infrastructures d’irrigation), ce qui diminue la productivité moyenne et entraîne une baisse de la production. Au fil du temps, cela tend à réduire l’accumulation de capital humain par la réduction des possibilités d’emploi dans les zones rurales, des mécanismes d’adaptation défavorables (comme la malnutrition et l’interruption de la scolarité) voire même la mort, ce qui a un impact supplémentaire sur la croissance à long terme78. Les chocs liés à la sécheresse peuvent aggraver les chocs existants, générer un ensemble complexe d’interactions et déclencher des boucles de rétroaction avec l’instabilité, la violence ou les conflits transnationaux, aggravant davantage leurs impacts économiques. 78 Bien qu’à court terme, cet impact négatif puisse être compensé dans une certaine mesure par des apports d’aide ou des politiques budgétaires anticycliques, ceux-ci nécessitent des institutions appropriées, une marge de manœuvre budgétaire et des conditions de financement adéquates, ainsi que la capacité d’absorber des chocs expansifs pour assurer un processus de rattrapage. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 143 Une étude récente de la Banque mondiale a évalué l’impact des sécheresses sur la croissance dans les pays du G5 Sahel (Van der Borght, 2021). L’étude utilise des indices de sécheresse pour examiner l’effet statistique sur le taux de croissance du PIB réel, ainsi que sur le niveau du PIB79. L’impact de la sécheresse sur la croissance a été estimé au niveau régional du G5 Sahel à travers deux modèles complémentaires : où est le taux de croissance du PIB réel par habitant ; est le logarithme du PIB par habitant retardé ; est l’indice de la sécheresse ; est un vecteur de variables de contrôle sous forme retardée qui inclut des facteurs structurels ; sont des effets fixes pays ; sont des effets fixes temps ; et est le niveau de PIB (en dollars É.-U. constant de 2010). Pour le Niger, l’étude estime qu’au cours de la période 1981-2018, l’évènement de sécheresse moyenne a fait chuter le taux de croissance du PIB par habitant de -1,49 point de pourcentage (p.p.), alors que des sécheresses sévères ont entraîné une baisse de la croissance du PIB par habitant de - 2,75 pp.80. Avec un taux de croissance moyen du PIB par habitant de 0,63 % pour la même période, cela implique des pertes substantielles car l’épisode de sécheresse moyenne peut annuler potentiellement environ deux années de gains moyens du PIB par habitant. Concernant les niveaux de PIB, une sécheresse moyenne devrait entraîner une réduction du PIB de -4,46 % et une sécheresse sévère pourrait entraîner une réduction du PIB de -8,20 % (Tableau 12). De nouveau, avec un taux de croissance moyen du PIB de 3,01 % par an au cours de la période 1981- 2018, ces impacts impliquent un lourd tribut sur la trajectoire de croissance du Niger. Tableau 12. Impact de la sécheresse sur la croissance au Niger, 1981-2018 Année de sécheresse moyenne Année de sécheresse sévère (soit la valeur moyenne de (soit l’indice moyen + 1 sd) l'indice) Réduction du taux de croissance du PIB par -1,49 -2,75 habitant (en p.p.) Réduction du PIB (en %) -4,46 -8,20 Source : Extrait de Van der Borght et al. (projet 2021). 79 La complexité inhérente à une quantification objective des événements de sécheresse a conduit au développement de deux indices de sécheresse basés sur des informations météorologiques et hydrologiques dérivées de sources de télédétection : Une première mesure de la sécheresse a été construite à travers la survenue d’épisodes de déficit pluviométrique durables et significatifs —un indice basé sur la pluie. Une deuxième mesure de la sécheresse a été développée par l’incorporation de la température et de l’évapotranspiration comme facteurs influençant la sévérité des sécheresses —un indice standardisé de précipitation et d’évapotranspiration (indice basé sur le SPEI). Les résultats rapportés correspondent aux estimations obtenues avec l’indice basé sur le SPEI qui a fourni des résultats avec une signification statistique plus élevée. 80 Les sécheresses sévères sont définies par un indice de sécheresse qui se situe à un écart-type au-dessus de la moyenne de l’échantillon. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 144 D’un point de vue probabiliste, le modèle prédit que le Niger connaît, en moyenne, une année de sécheresse qui réduit le PIB par habitant de -1,5 % au moins une fois tous les 2,2 ans (1/0,45)81. La Figure 64 montre l’effet de la sécheresse sur la croissance à différents niveaux des centiles de l’indice de sécheresse qui décrivent la gravité de la sécheresse82. Il met en évidence que pour les 50 % de valeurs de sécheresse les plus faibles, la réduction de la croissance attendue est inférieure à -1,5 %, tandis que les 5 % de sécheresses les plus extrêmes entraînent une perte substantielle du PIB par habitant d’au moins -3,6 %83. Il est important de garder à l’esprit que les pertes estimées ne doivent pas être interprétées comme des pertes de stock de capital ou des dommages, mais plutôt comme des pertes de flux de production. Figure 64. Impact de la sécheresse sur la croissance en fonction des centiles des indices de sécheresse Note : La figure représente la perte estimée en termes de réduction du PIB par habitant (en pourcentage) en fonction de différentes réalisations de l'indice de sécheresse. Source : Van der Borght et al. (Projet 2021). L’étude a testé deux types d'indices, l'un basé sur la pluie et l'autre tenant également compte de l’évapotranspiration (basé sur le SPEI). Des résultats avec une signification statistique plus élevée ont été obtenus en utilisant l’indice basé sur le SPEI, suggérant que l’évapotranspiration joue un rôle prépondérant pour expliquer l’impact des épisodes de sécheresse au Sahel. À l’avenir, la température moyenne devrait 81 Les pertes de PIB par habitant de -1,5 % sont atteintes au 55ème centile de l’indice de sécheresse, impliquant qu’une réduction du PIB par habitant de 1,5 % a une probabilité annuelle d’être dépassée de 45 % (1 - 0,55). Cette probabilité de dépassement a été estimée en calculant la perte en termes de réduction du PIB par habitant (en pourcentage) en fonction de différentes réalisations de l’indice de sécheresse. Les estimations sont basées sur l'impact marginal des sécheresses. 82 L’indice reflète une situation où les déficits hydriques représentent des écarts significatifs et durables comparé aux moyennes à long terme, en tenant compte de l’hétérogénéité spatio-temporelle des modèles de bilan hydrique. Les valeurs extrêmes ont été détectées à l’aide des scores Z traditionnels. De plus amples détails peuvent être trouvés dans Van der Borght (2021). 83 La relation non linéaire entre les réalisations de l’indice de sécheresse et les pertes de production est due à la distribution très asymétrique des valeurs de l’indice et est conforme aux résultats de la modélisation théorique (Hallegatte et al., 2007). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 145 augmenter 1,5 fois plus rapidement dans la région du Sahel que pour la moyenne mondiale. En raison de l’augmentation de l’évapotranspiration et des besoins en eau des cultures, le changement climatique est donc susceptible d’exacerber davantage l’intensité des sécheresses au Niger, même en l’absence de modification du régime des précipitations. Il est donc nécessaire de prendre rapidement des mesures dans le but d’accroître la résilience aux catastrophes pour garantir l’adaptation au changement climatique. 4.2. L’impact macro-économique des inondations Le Niger connaît un passé d’inondations historiques, avec des événements significatifs en 2010, 2012, 2017 et 2020 qui ont causé des dommages et des pertes considérables, touchant particulièrement le secteur de l’habitat, et engendrant des impacts économiques significatifs (Banque mondiale, 2020a). La dernière inon- dation d’ampleur nationale a eu lieu à la mi-2020 et a provoqué des dégâts catastrophiques à Niamey. Dès le mois de juillet et par intermittence jusqu’au début/mi-septembre, de fortes pluies combinées à l’envasement du fleuve Niger ont provoqué des inondations fluviales et, dans une moindre mesure, des crues soudaines lo- calisées. Toutes les régions du pays ont été touchées, la population affectée s’élevant à plus d’un demi-million, un nombre comparable à celui des grandes inondations de 2010 et 2012. Les registres indiquent qu’environ 50 000 maisons et cases ont été entièrement détruites. La province la plus sévèrement touchée en termes de population était Maradi, avec plus de 153 000 personnes affectées et 17 000 maisons et cases entièrement endommagées, suivie de Niamey avec plus de 96 000 personnes touchées et plus de 8700 maisons et cases entièrement endommagées (Banque mondiale, 2020a). À Niamey, tous les quartiers bordant le fleuve Niger, la principale université publique du pays, le centre hospitalier universitaire, ainsi que plusieurs quartiers de la périphérie de la ville, ont été inondés. Une évaluation de l’impact de l’inondation de 2020 estime le total des dommages directs et des pertes indirectes à 261,7 millions de dollars É.-U., soit l’équivalent de 2,1 % du PIB de 2019. Les secteurs de l’agriculture et de l’élevage (environ 125 millions de dollars É.-U.) et du logement (environ 66 millions de dollars É.-U.) ont été les plus durement touchés, avec environ 191 millions de dollars É.-U., soit 73 % du total des pertes et dommages84. Toutefois, les coûts présumés de la reconstruction sont nettement supérieurs à ce que les chiffres théoriques peuvent laisser supposer, dans la mesure où bon nombre des habitations ou des écoles perdues ou gravement endommagées au moment de la catastrophe, avaient été construites à l’époque avec des matériaux de très mauvaise qualité. Le coût du remplacement par des normes de construction plus élevées pour réduire la vulnérabilité des biens matériels aux catastrophes futures —conformément à l’approche "Reconstruire en mieux"— dépasserait largement la valeur des maisons existantes. Une estimation préliminaire du coût des nouvelles maisons est de 470 millions de dollars É.-U. Il en va de même pour le secteur des voies navigables qui a subi des dommages, d’environ 14,6 millions de dollars É.-U., mais dont les besoins de reconstruction sont huit fois plus élevés, soit 117 millions de dollars É.-U. Globalement, il s’avère que le besoin de financement pour la reconstruction s’élève à environ 755 millions de dollars É.-U, soit environ 6 % du PIB (Banque mondiale 2020a, 2021c). 84 Le secteur de la pêche et de l’aquaculture fait partie des secteurs les plus touchés (23,5 millions de dollars É.-U., soit 9 % du total des dommages et pertes), ainsi que les infrastructures d’eau et d’assainissement (22 millions de dollars É.-U., soit 8,5 % du total des dommages et pertes). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 146 Néanmoins, les implications économiques des inondations de 2020 seront probablement limitées, étant donné que les seules pertes liées aux secteurs productifs (agriculture, élevage, gestion de l’eau, industrie et commerce) sont généralement utilisées pour estimer l’impact sur le PIB. Notamment, les pertes et dommages dans l’agriculture et les infrastructures ont représenté exclusivement environ 1,4 % du PIB, ce qui est plus faible que pour d’autres inondations comparables. La plupart des autres secteurs, comme l’industrie manufacturière, le commerce, les services publics et les transports, n’ont été qu’indirectement touchés par les inondations, mais l’ont été plus sévèrement par la pandémie de COVID-19. En raison de la combinaison des différents chocs, il est difficile d’évaluer avec certitude les répercussions économiques, et il est particulièrement difficile de démêler les effets idiosyncratiques des chocs sur la croissance du PIB (Banque mondiale, 2021c). 5. Facteurs futurs du risque de catastrophe : conditions climatiques et tendances de l’urbanisation 5.1. Tendances climatiques récentes et conditions futures Le Niger est un pays sahélien présentant en grande partie un climat désertique aride chaud, dont une petite partie dans le sud est classée comme semi-aride chaud (Kottek et al., 2006). Les températures sont élevées toute l’année, avec des moyennes annuelles allant de 21,9 à 36,4°C, avec des températures plus fraîches dans les régions montagneuses (Banque mondiale, 2021a). En dessous d’une altitude de 500m, les moyennes mensuelles enregistrées de la température diurne sont constamment supérieures à 30°C et la température nocturne supérieure à 15°C (World Data, n.d.). Les précipitations sont concentrées au cours des mois de l’été boréal, le sud recevant plus que le nord (jusqu’à 500-600 mm par an), car le Niger est situé dans les latitudes les plus septentrionales touchées par le ‘saut de mousson’ de la mousson de l’Afrique de l’Ouest (MAO) et la migration de la zone de convergence intertropicale (ZCIT). Le Sahel est caractérisé par une forte variabilité climatique interannuelle et décennale, influencée par les cycles climatiques liés aux anomalies de température des eaux de surface de la mer dans l’Atlantique, le Pacifique Est, l’océan Indien et la Méditerranée, avec des périodes de sécheresse de longue durée alternant avec des périodes plus humides (Buontempo et al., 2010 ; PNUD, 2021). Les longues sécheresses des années 1970 et 1980, ont été attribuées à la conjonction du refroidissement de l’Atlantique Nord (potentiellement en raison des émissions des aérosols sulfatés) principale source d’humidité du MAO, et de l’augmentation globale des températures des eaux de surface des océans (Giannini, 2015). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 147 Toutefois, au cours des trois ou quatre dernières décennies, les précipitations estivales ont augmenté au Niger provoquant un retour à des précipitations annuelles proches des niveaux des années 1960, alors que la température a augmenté d’environ 0,15°C par décennie, avec un nombre plus élevé de jours chauds et un nombre plus faible de jours et de nuits froids, amplifiant globalement les impacts des sécheresses météorologiques (FEWSNET, 2012). Cette reprise des précipitations annuelles s’est manifestée sous la forme de queues étendues des distributions des précipitations à court terme (par exemple, quotidiennes et pluriquotidiennes), ce qui s’est produit dans tout le Sahel (Tschakert et al., 2010) et qui est généralement associée à des épisodes d’inondations (Panthou, 2013 ; Descroix et al., 2015 ; Panthou et al., 2018). Ce phénomène a été lié à la fois au réchauffement de l’océan Atlantique nord (que cela soit dû à la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique, à la diminution des charges des aérosols grâce aux réglementations ou au réchauffement global de l’océan), contrairement à ce qui s’était passé durant les années 1970 et 1980, et à l’augmentation de la température moyenne à la surface du globe (Hoerling et al., 2006 ; Giannini et al., 2008 ; Giannini et al., 2013 et Taylor et al., 2017). Les observations par satellite confirment également que le nombre d’événements extrêmes n’a cessé d’augmenter (Figure 65)85. Figure 65. Contribution des évènements climatiques extrêmes aux précipitations annuelles depuis 1982 selon les observations par satellite. Source : Taylor et al. (2017). 85 Au Niger, le réseau de stations d’observations AMMA-CATCH (Analyse Multidisciplinaire de la Mousson Africaine – Couplage de l’Atmosphère Tropicale et du Cycle Hydrologique, écologique et météorologique (Galle et al., 2018) fournit depuis 1990 des données de relevés en temps réel des précipitations extrêmement utiles pour étudier les régimes de précipitations. Des courbes d’intensité-durée-fréquence (IDF) ont été développées (Panthou et al., 2015) et pourraient être disponibles pour approfondir l’analyse des impacts présentés ci-dessus. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 148 Les tendances à la hausse des températures à la surface des terres devraient se poursuivre, avec un potentiel de réchauffement de +4°C d’ici la fin du siècle. Compte tenu des mécanismes décrits précédemment pour expliquer les tendances récentes des précipitations, il y a toutes les raisons de s’attendre à une augmentation de la variabilité spatiale et interannuelle des précipitations sahéliennes. Toutefois, il y a encore une grande incertitude quant au signe général et à l’emplacement exacte des changements car de multiples processus pourraient influencer l’évolution de la variabilité des précipitations —comme un renforcement potentiel de la dépression thermique saharienne et ses impacts sur la différence Est/Ouest dans le changement des précipitations au Sahel et l’emplacement exact de cette limite— et aucune des modalités de ces phénomènes et de leurs interactions n’est encore entièrement comprise. Malgré la capacité limitée des modèles climatiques à représenter des schémas régionaux complexes et à détecter des tendances dans les régimes de précipitations extrêmes86, la plupart des recherches récentes indiquent des événements pluvieux plus extrêmes au Niger. Les modèles ne capturent pas très bien la relation entre les températures des eaux de surface de la mer observées et le dipôle de changement des précipitations Est/Ouest, et ont du mal à reproduire les modèles de précipitations provenant de systèmes convectifs à méso- échelle (Kendon et al., 2014 ; O’Gorman, 2015) qui sont cruciaux pour saisir l’organisation spatiale des événements pluvieux, bien que des changements dans la distribution des précipitations tout au long de l’année aient déjà été évoqués (Biasutti & Sobel, 2009 ; Sultan et al., 2014). Toutefois, si les conséquences futures à l’échelle du pays restent incertaines, des recherches récentes améliorant la capacité à modéliser les processus de système convectif à méso-échelle pertinents indiquent la possibilité d’événements pluvieux plus extrêmes en particulier au Niger, et dans la grande région sahélienne (Fitzpatrick et al., 2020). Ces changements dans les précipitations à travers la région peuvent avoir des impacts complexes sur la couverture terrestre, qui pourrait à son tour affecter les régimes pluviométriques (Saley et al., 2019). Ces dynamiques peuvent entraîner des conséquences non intuitives sur l’hydrologie de surface (Descroix et al., 2018), comme le « paradoxe hydrologique du Sahel » dans les années 1980, où l’assèchement météorologique s’est accompagné d’une augmentation des crues fluviales (Figure 66), une tendance qui s’est aujourd’hui amplifiée avec le retour des précipitations (Descroix et al., 2013). À l’heure actuelle, tant l’extrapolation des tendances du XXème que l’utilisation des projections climatiques actuelles telles qu’elles existent, semblent être une approche mal adaptée. Il est désormais crucial d’élaborer des cadres de conception et de gestion de projets décisionnels flexibles, capables d’intégrer de nouvelles informations au fur et à mesure que la recherche progresse. 86 Panthou et al. (2014) affirment ce qui suit. “This is even more true for West Africa where recent studies (e.g., Biasutti (2013) ; Monerie et al. (2012)) establish that the most recent ensemble climate simulations of Coupled Model Intercomparison Project (CMIP) Phase 5 behave similar to the previous CMIP Phase 3 simulations, known for their weakness in reproducing correctly the spatial patterns and multi‐decadal variability of the West African rainfall”. (“Cela est encore plus vrai pour l’Afrique de l’Ouest où des études récentes établissent que les simulations climatiques d’ensemble les plus récentes du projet d’intercomparaison des modèles couplés CMIP5 se comportent de manière similaire aux précédentes simulations du CMIP3, connues pour leur faiblesse à reproduire correctement les modèles spatiaux et la variabilité multi-décennale des précipitations en Afrique de l’Ouest"). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 149 Figure 66. Série chronologique du débit maximal annuel de la station de jaugeage de Garbey Kourou Source : Tamagnone et al. (2019) et Massazza et al. (2019). 5.2. Contexte et projections de l’urbanisation au Niger Les projections prévoient une très forte augmentation des niveaux d’urbanisation. Actuellement, seulement quatre millions de personnes vivent dans des zones classées comme « urbaines » (estimées à près de 17 % de la population totale nigérienne ; UN DESA, 2018). Ce nombre devrait augmenter significativement d’ici 2050, lorsque la population urbaine atteindra 20 millions —avec une croissance urbaine annuelle s’élevant en moyenne à environ un demi-million de nouveaux citadins (Figure 67)87. Au Niger, 33 % de la croissance urbaine s’explique par la migration (Banque mondiale, 2021b). Le changement climatique et les événements naturels défavorables pourraient avoir un impact sur la dynamique de la migration rurale-urbaine et accroître cette urbanisation. À leur tour, les tendances démographiques et d’urbanisation prévues au Niger pourraient conduire à une hausse des effets négatifs des inondations par une exposition et une vulnérabilité plus prononcées. 87 Bien qu’en dépit des schémas démographiques projetés, cela ne représentera que 28 % de la population totale à ce moment-là. La population est, et restera, essentiellement rurale dans un avenir prévisible (Banque mondiale, 2021b). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 150 Figure 67. Projections de l’urbanisation au Niger 25 100% Urbanization (%) 20 80% Urban population (millions) 15 60% 10 40% 5 20% 0 0% 1950 1970 1990 2010 2030 2050 Source : Auteurs à partir de données provenant de UN DESA (2018). Si des mesures de protection sociale à court et moyen terme sont nécessaires pour aider la population à faire face aux événements naturels défavorables, des solutions à long terme sont incontournables. D’une part, les investissements dans les infrastructures d’irrigation et de gestion de l’eau sont essentiels pour réduire la vulnérabilité du pays aux sécheresses et accroître le bien-être de la population. D’autre part, pour éviter les conséquences encore plus négatives des futures inondations, il est nécessaire de développer des politiques et des plans intégrés d’aménagement du territoire urbain, des infrastructures résilientes et des stratégies de réduction des risques. Ce changement nécessite un fort investissement dans la capacité des collectivités territoriales à mettre en œuvre un programme complet de gestion du risque de catastrophe et à renforcer les dispositions institutionnelles pour la coordination entre les ministères et les collectivités territoriales. 6. Cadre institutionnel et politique pour la gestion du risque de catastrophe 6.1. Institutions nationales Le Niger a progressivement élaboré un cadre de gestion du risque de catastrophe. Ce cadre a alimenté les stratégies globales de planification du développement du Niger, notamment (i) le Plan de développement économique et social du Niger 2017-2021 (PDES 2017-2021)88, dont l’objectif spécifique est de « renforcer la résilience du système de développement économique et social » ; (ii) la déclaration de politique générale (DPG) de 2021 du Gouvernement nouvellement élu, étayée par le Programme de la Renaissance Acte III, qui identifie le renforcement de la gestion du risque de catastrophe (GRC) comme un domaine prioritaire-clé89 ; ainsi que (iii) le Cadre de partenariat avec le Niger du Groupe de la Banque mondiale pour la période 2018-2022 (Banque 88 https://www.undp.org/content/dam/niger/docs/UNDP-NE-PDES%202017-2021.pdf 89 http://www.gouv.ne/index.php/1359-comprendre-les-axes-de-la-declaration-de-politique-generale-dpg DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 151 mondiale, 2018b). Diverses institutions sont impliquées dans les fonctions de GRC et en sont responsables. Toutefois, le pays ne dispose pas d’une loi spécifique sur la GRC, ce qui explique que les mandats institutionnels se chevauchent souvent, et que leur application est souvent limitée par les ressources humaines et financières. 6.2. Politiques, stratégies et outils de gestion du risque de catastrophe Les différentes structures nationales (décrites dans l’Annexe E) interagissent sur la base de diverses politiques, stratégies et outils de gestion du risque de catastrophe (GRC). Les données disponibles permettent de constater que les dépenses liées à la GRC ont une portée et une pertinence limitées, avec une sous-performance stupéfiante. Après un premier examen des données de l’exercice 2018, environ 7 % du portefeuille total des actions programmatiques gouvernementales (37 lignes au total) peuvent être considérées comme liées à la GRC (Annexe E). La part de ces lignes de dépenses agrégées liées à la GRC sur le total des dépenses publiques est proche de 2 %, ce qui contraste avec les allocations initialement prévues pour la GRC de près de 4 % du budget. En termes de déviation budgétaire, le niveau de sous-performance du secteur est plus important que celui de l’ensemble des dépenses publiques : les lignes budgétaires agrégées liées à la GRC ont un taux d’exécution à peine supérieur à 35 %. Des informations supplémentaires sont nécessaires pour avoir une compréhension plus complète de la nature de la sous- utilisation des ressources. En général, les disparités dans l’exécution du budget et la difficulté d’obtenir des informations fiables limitent la mesure correcte des dépenses sectorielles. La Stratégie nationale de réduction des risques de catastrophe du Niger (SNRRC), 2019-2030 : Conformément au Cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030, la stratégie s’articule autour de quatre axes, comme suit : (i) Axe stratégique 1 : Comprendre les risques de catastrophe ; (ii) Axe stratégique 2 : Renforcer la gouvernance des risques de catastrophe pour mieux les gérer ; (iii) Axe stratégique 3 : Investir dans la RRC aux fins de la résilience ; et (iv) Axe stratégique 4 : Renforcer l’état de préparation aux catastrophes pour intervenir de manière efficace et pour « mieux reconstruire » durant la phase de relèvement, de remise en état et de reconstruction. Le plan d’action lié à cette stratégie, qui couvre la période 2019-2023 est destiné à contribuer à la réduction des dommages et pertes liés aux catastrophes en s’attaquant aux facteurs sous-jacents de risque et de vulnérabilité, en renforçant la résilience des populations et des infrastructures socio-économiques. La stratégie nationale de relèvement durable (SNRD) se veut un cadre participatif, constructif et intégratif d’actions et d’acteurs axés vers le soutien d’un relèvement post-catastrophe résilient. Elle s’appuie sur le cadre institutionnel et politique existant et repose sur le principe de la valorisation du retour d’expérience. Ainsi, la stratégie prend en compte les acquis des institutions préexistantes telles que le Ministère de l’Action Humanitaire et de la Gestion des Catastrophes (MAH-GC), la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (HACP), la Direction Générale de la Protection Civile (DGPC), le Dispositif National de Prévention et de Gestion de catastrophes et de Crises Alimentaires et Nutritionnelles (DNPGCCA), et ses autorités déconcentrées et décentralisées, et organisations rurales et communautaires qui œuvrent dans le domaine de la gestion des DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 152 catastrophes en général et du relèvement post-crise en particulier. Cette stratégie prend également en compte les orientations issues de la conférence de Sendai, notamment le cadre d’action de Sendai 2015-2030 pour la réduction des risques de catastrophe et le guide pour la préparation du cadre de relèvement post-catastrophe (version conférence de Sendai, mars 2015). Le système d’alerte précoce (SAP) : Le système national d’alerte précoce90 prévoit des mesures pour alerter et informer le public, en toutes circonstances, y compris les menaces, les accidents et les événements climatiques défavorables. L’alerte a pour but de permettre au public de se préparer et d’agir de manière appropriée en temps utile pour réduire le risque de dommages ou de pertes. Selon la loi, la responsabilité de l’alerte d’une population donnée, dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan d’organisation des secours (ORSEC), incombe aux maires au niveau local, aux préfets pour les départements et aux gouverneurs pour les régions. Quant au niveau national, la décision de déclencher l’alerte revient au Premier ministre qui peut déléguer cette décision au Ministre de l’Intérieur chargé de la Sécurité civile, ou à tout autre ministre désigné pour gérer l’événement91. Les plans de préparation et de réponse aux situations d’urgence (Plan d’organisation de la réponse aux situations d’urgence – ORSEC ; Plans de sauvegarde municipaux) : Le pays, en s’appuyant sur le soutien technique de la Direction Générale de la Protection Civile (DGPC), a entrepris de développer des plans de préparation et de réponse aux urgences aux niveaux national et territorial. Le Plan ORSEC organise la mobilisation, la mise en œuvre et la coordination des actions de toute personne publique et privée contribuant à la protection générale des populations. Le Plan Communal de Sauvegarde définit, sous l’autorité du maire, l’organisation prévue par la commune pour assurer la diffusion de l’alerte, le partage de l’information, la protection et le soutien de la population au regard des risques connus. Il est complémentaire et aligné sur le plan d’organisation des secours du plan ORSEC. Le Cadre harmonisé pour l’analyse de la sécurité alimentaire et nutritionnelle (IAN) : Le Cadre Harmonisé (CH)92 est un outil fédérateur qui permet une analyse pertinente, consensuelle, rigoureuse et transparente des situations alimentaires et nutritionnelles actuelles et projetées. Il fournit une classification de la sévérité de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle selon l’échelle de classification internationale et se réfère à des fonctions et protocoles bien définis. Les résultats du CH sont communiqués de manière claire, cohérente et efficace pour soutenir la prise de décision en reliant l’information à l’action. Le CH fournit une plateforme pour faciliter la planification de la réponse aux crises alimentaires et nutritionnelles. 90 Créé par le décret n° 2018-538/PRN/MISP/D/ACR du 27 juillet 2018. 91 Article 5 du décret n° 2018-538/PRN/MISP/D/ACR du 27 juillet 2018. 92 Cadre harmonisé : Manuel Version 2.0 Analyse et identification des zones à risque et d’estimation des populations en insécurité alimentaire et nutritionnelle au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Centre Régional AGRHYMET (CRA). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 153 7. Financement des risques de catastrophe au Niger Les événements défavorables naturels affectent des millions de Nigériens et constituent un défi important pour la durabilité budgétaire et le développement économique du Niger. Afin de permettre au Niger d’établir un budget adéquat pour la réponse aux catastrophes, le pays doit connaître ses coûts liés aux catastrophes. Cette section cherche à quantifier ces coûts, à savoir les coûts d’insécurité alimentaire liés aux sécheresses et autres périls, ainsi qu’aux chocs agricoles. Elle détaille ensuite les instruments connus disponibles pour apporter une réponse aux catastrophes et leur financement, permettant de quantifier le déficit de financement actuel de la réponse aux catastrophes au Niger. 7.1. Coûts de l’insécurité alimentaire et des interventions d’urgence L’insécurité alimentaire liée à la sécheresse est un handicap majeur pour le Niger. Dans le cadre de cette étude, une analyse actuarielle a été développée, en ajustant les courbes de distribution fréquemment utilisées pour la sécheresse, et les appliquant aux données historiques de l’African Risk Capacity (ARC) de 2005 à 2020, ajustées à 2021. Les hypothèses entre l’ajustement (par exemple, le type de distribution, la déstendance) ne semblent pas avoir un impact majeur sur les estimations, de sorte que la principale source d’incertitude est constituée par les données historiques de référence pour cette évaluation. Le coût de l’intervention d’urgence est modélisé en estimant un coût par personne de 40 dollars É.-U. en tant que perte annuelle moyenne qui est basé sur l’expérience mondiale, c'est-à-dire qu’il n’est pas spécifique aux situations d’insécurité alimentaire par habitant rencontrées d’une année sur l’autre qui sont hautement volatiles. Les résultats montrent que les coûts d’urgence liés à la sécheresse au Niger s’élèvent à près de 100 millions de dollars É.-U. par an. La Figure 68 fournit des détails supplémentaires sur les coûts d’urgence liés à la sécheresse pour répondre à l’insécurité alimentaire, ainsi que sur les individus touchés par l’insécurité alimentaire liée à la sécheresse. En moyenne, les sécheresses d’une année sur cinq entraînent un passif de près de 200 millions de dollars É.-U. Ce chiffre peut atteindre environ 250 millions de dollars É.-U. pour les événements d’une année sur 25. L’insécurité alimentaire globale liée aux chocs constitue un handicap encore plus important pour le Niger. La Figure 69 prend en considération un mélange de données du Plan de Réponse Humanitaire du Niger et les estimations des SAP et tient compte des causes climatiques (sécheresse, canicules et inondations) mais aussi des conflits/violences, de l’instabilité politique, des chocs commerciaux/prix des matières premières et des marchés instables, et des migrations forcées. Lorsque l’on considère cet ensemble de causes d’insécurité alimentaire, le passif annuel lié aux coûts de la sécurité alimentaire s’élève à 150 millions de dollars É.-U. en moyenne. Toutefois, ces coûts moyens de 150 millions de dollars É.-U. peuvent considérablement augmenter en cas de catastrophe. Comme le montre la Figure 70, le Niger est confronté à des coûts d’intervention d’urgence de plus de 200 millions de dollars É.-U. tous les cinq ans et près de 300 millions de dollars É.-U. tous les dix ans, en moyenne. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 154 Figure 68. Insécurité alimentaire liée à la sécheresse Figure 69. Coûts globaux liés à l'insécurité alimentaire Source : Auteurs, à partir des données de l’ARC, ajustées à 2021. Source : Auteurs, à partir des données du Plan de réponse humanitaire et des bases de données de SAP, ajustées à 2021 7.2. Financement des risques de catastrophe (DRF) au Niger Le Niger est hautement dépendant de l’aide humanitaire internationale ad-hoc pour financer sa réponse aux chocs. De 2012 à 2019, le Niger a reçu entre 200 et 400 millions de dollars É.-U. par an d’aide humanitaire internationale externe (service de surveillance financière -FTS- du BCAH de l’ONU). À l’heure actuelle, le pays n’est pas suffisamment préparé à faire face aux chocs et finance ses chocs humanitaires essentiellement a posteriori grâce au soutien des donateurs extérieurs et, dans une moindre mesure, par des réaffectations budgétaires. S’appuyant sur l’aide humanitaire faisant suite aux catastrophes, le Niger est confronté à l’incertitude quant au montant du financement mobilisé, et à des retards dans la fourniture de l’aide. Bien que l’aide humanitaire soit gratuite du point de vue des États, dans de nombreux cas, il y a des déficits de financement, générant en termes d’écarts entre le montant de la demande et le financement fourni. L’aide humanitaire arrivant en moyenne 7 à 9 mois après une catastrophe, cette approche est trop lente et peu fiable, entraînant des pertes de vies et de moyens de subsistance inutiles. Les incertitudes quant aux montants de financement disponibles peuvent nuire à la planification des efforts d’intervention du Gouvernement et entraîner des pénuries dans l’assistance fournie à la population touchée. Dans le cas du Niger, les appels à l’aide humanitaire lancés entre 2011 et 2019 n’ont été financés qu’en moyenne à hauteur de 63,9 %, comme le montre la Figure 72. La RRC peut réduire l’impact économique, budgétaire et humain des épisodes de catastrophes. L’élaboration d’une stratégie de RRC pourrait permettre au Gouvernement du Niger de mieux quantifier ses risques, de discuter des risques qui seront pris en charge par le gouvernement à différents niveaux (national/ régional/local), des risques qui seront partagés avec d’autres acteurs tels que les ménages et les entreprises, et des risques qui seront assumés par les partenaires internationaux. Fondée sur les principes de base d’une RRC efficient, une stratégie de RRC pourrait aider le Gouvernement du Niger en mettant à disposition les bons instruments de financement et en assurant un financement adéquat afin que les fonds disponibles le soient rapidement quand –et seulement quand– ils sont nécessaires. Par ailleurs, la stratégie lierait toutes les parties DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 155 Figure 70. Montants et couverture des appels d’aide humanitaire du Niger entre 2011 – 2019 600 100% Pourcentage de couverture des appels 81.1% millions de dollars américains 500 80.0% 80% 55.8% 61.5% 59.8% 400 63.9% 68.0% 50.9% 60% 300 53.8% 40% 100 100 20% 0 0 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2018 Financé par ce plan Exigences non satisfaites Couverture (pourcentage) Source : Auteurs à partir des FTS de l’OCHA prenantes impliquées dans la réponse aux catastrophes à respecter des objectifs, des processus de décision et des modalités de mise en œuvre transparents et convenus à l’avance, afin de garantir que les ressources parviennent aux individus qui en ont le plus besoin, au moment où ils en ont le plus besoin93. En vue de développer une telle stratégie, le Gouvernement du Niger a nommé un comité interministériel par un décret 0126, « Comité Interministériel en charge de l’élaboration d’une Stratégie Nationale de Financement de Risques des Catastrophes au Niger ». Une approche de stratification des risques de catastrophe pourrait étayer le Gouvernement du Niger dans la gestion financière des risques de manière plus efficiente. La stratification des risques fait référence à la combinaison d’instruments pour assurer un financement rentable de la réponse d’urgence et du rétablissement à long terme. Les gouvernements peuvent réduire l’impact économique et fiscal des épisodes de catastrophes en combinant des instruments qui couvrent différents risques identifiés. Les événements d’ampleur différente sont couverts par différents types d’instruments. La littérature pertinente suggère que la combinaison d'instruments financiers pour la réponse aux catastrophes est rentable94. La Figure 71 fournit un aperçu général des outils financiers en réponse aux catastrophes pour différentes catégories de risque et de phases de réponse. Les risques fréquents à faible impact peuvent être réduits soit par l'atténuation des risques, soit par la budgétisation/les réserves, en fonction des pertes et des coûts associés. Pour les événements de taille moyenne, le financement conditionnel peut compléter les réserves si nécessaire, et le crédit post-catastrophe peut financer la reconstruction à long terme. Pour les chocs plus extrêmes mais rares, les instruments de transfert de risque peuvent généralement fournir une protection supplémentaire à l’État et au secteur privé (entreprises, ménages, agriculteurs, etc.) de la manière la plus rentable. Certains des outils mentionnés sont des instruments ex ante mis en place par l’État avant la catastrophe et déclenchés par l’évènement, tandis que d’autres sont des instruments ex post mobilisés après la survenue d’une catastrophe (comme le crédit post- catastrophe). 93 Une introduction aux principes du financement des risques de catastrophe est disponible sur le site du Forum de la protection financière de la Banque mondiale : https://www.financialprotectionforum.org/ 94 Voir par exemple, Clarke et al. 2016. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 156 Figure 71. Cadre de travail des instruments financiers pour la réponse aux catastrophes Basse fréquence/ Forte sévérité FONDÉS SUR LE INSTRUMENTS Assistance internationale (incertaine) MARCHÉ Transfert du risque souverain Assurance des biens publics Assurance du secteur privé FINANCEMENT Crédit conditionnel Crédit après sinistre INSTRUMENTS BUDGÉTAIRES Provisions budgétaires / Réserves Haute FINANCEMENT D'URGENCE RECONSTRUCTION fréquence/ Faible sévérité Source : D’après Mahul et al., 2014. 7.3. Instruments de DRF disponibles, dont l’assurance Le Niger a mis en place quelques instruments de financement des risques de catastrophe. Comme nous l’avons précédemment indiqué, aucun instrument unique n’est optimal pour répondre à tous les événements de catastrophe. La manière la plus efficiente de financer la réponse aux catastrophes est de recourir à une gamme d’outils pour traiter les différentes catégories de risque, allant des événements fréquents à petite échelle aux événements catastrophiques rares. La Figure 72 montre la disponibilité de ces outils au Niger. Figure 72. Instruments financiers disponibles au Niger Instruments Niger : instruments financiers disponibles Basse fréquence/ Environ 200 millions de dollars américains fournis RÉSIDUEL Haute intensité Aide internationale chaque année TRANSFERT RISQUE Assurance paramétrique Couverture sécheresse : 5,3 millions de dollars US TRANSFERT (ARC) RESSOURCES (ré)affectation budgétaire PERTES GOUVERNEMENTALES Fonds national de 1. Application Fonds commun des Dona- RÉTENTION Haute fréquence/ catastrophe teurs. 15 millions de dollars Basse intensité Stocks : 46 millions de dollars US Stock Sécurité Nationale a.. Fonds de Sécurité Alimentaire b. Réserve alimentaire stratégique Source: Auteurs. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 157 7.3.1. Transfert des risques African Risk Capacity — Couverture de 5,3 millions de dollars É.-U. Le Niger est membre de l’African Risk Capacity (ARC) et a acheté par intermittence l’assurance sécheresse de l’ARC. Fondée en 2014 en tant que « Mutuelle panafricaine (Union Africaine) de gestion des risques de catastrophes pour fournir des financements d’urgence aux États membres de l’Union africain », l’ARC a proposé une assurance paramétrique pour les dépenses de secours d’urgences liées à la sécheresse. En tant que rassembleur de risques régional pour les pays africains, l’ARC se propose d’offrir une assurance à un coût inférieur à celui des assurances commerciales. Pour être membre à l’ARC, les gouvernements africains doivent signer un protocole d’accord (MoU) avec l’ARC et élaborer un plan d’urgence et des plans d’opérations pour détailler l’utilisation des futurs paiements potentiels de l’assurance. Le Niger a signé son protocole d’accord en 2016 et a acheté une assurance sécheresse entre 2014 et 2017 et depuis 2019. La couverture maximale est de 5,3 millions de dollars É.-U. En 2016, le Gouvernement du Niger a reçu un versement de 3,5 millions de dollars É.-U. qu’il a utilisé pour financer des activités de type « argent contre travail » et de distribution ciblée de nourriture95. Plusieurs programmes sont destinés actuellement à étendre la couverture de l’ARC, et le Niger participe à certains d’entre eux. Bien que ciblant traditionnellement les agriculteurs, l’ARC a développé un produit alternatif pour les pasteurs actuellement testé au Niger (ARC 2020a). L’ARC teste également un programme- pilote d’assurance contre les risques liés aux inondations dans quatre pays (mais pas le Niger) qu’elle espère introduire officiellement ultérieurement en 2021 . En 2018, la Banque africaine de développement (BAD) a lancé le Programme de financement de la gestion des risques de catastrophe en Afrique (ADRiFi), qui cofinance les paiements de primes de l’ARC des gouvernements bénéficiaires, ainsi que les mesures de renforcement des capacités (renforcement institutionnel national, élaboration de politiques, établissement de profils de risques et planification d’urgence). Cinq projets nationaux ADRiFi ont été approuvés à ce jour, dont une subvention de 4,8 millions d’euros au Gouvernement du Niger en réponse aux catastrophes liées à la sécheresse. 7.3.2. Prévention des risques a. Fonds Commun des Donateurs / Fonds d’urgence des catastrophes — Couverture de 14,8 millions de dollars É.-U. Le Fonds Commun des Donateurs est un fonds central de secours par lequel le Gouvernement du Niger (Dispositif, DNPGCA) finance les interventions de sécurité alimentaire. Financé par les contributions annuelles des donateurs, les donateurs centralisent et coordonnent leur financement de l’aide alimentaire humanitaire. Le financement est d’environ 14,8 millions de dollars É.-U. par an [selon les données 2008-2017, des données supplémentaires sont nécessaires de la part du Gouvernement nigérien pour corroborer cela]. Il n’est pas clair quelle part de ce financement peut être classée comme financement ex ante des risques de catastrophe et quelle part est un financement ad hoc ou ex post (Achirou, 2017). 95 ARC (2017): Lessons Learned Summary Report: 2014/2015 ARC payouts: Senegal, Niger, Mauritania, ARC-2015-Payout-Lessons-Learned- Summary-Report.pdf (africanriskcapacity.org) DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 158 b. Réserves alimentaires — Couverture de 45,9 millions de dollars É.-U. Le Niger gère deux réserves alimentaires stratégiques nationales : • Le Stock National de Sécurité (SNS), créé à la fin des années 1980, est géré par le Gouvernement nigérien en collaboration avec les donateurs. Les stocks alimentaires sont débloqués après une alerte du système d’alerte précoce et avec l’accord du Gouvernement et du groupe de donateurs. La réserve alimentaire stratégique (RAS) se compose d’une réserve physique et d’une réserve financière, le Fonds de Sécurité Alimentaire (FSA), pouvant contenir 60 000 tonnes de céréales. • La Réserve Alimentaire Stratégique (ou le Stock d’Intervention) a été créée à la suite de la crise alimentaire de 2005 et est gérée uniquement par le Gouvernement nigérien (via l’Office des Produits Vivriers du Niger - OPVN). Comme beaucoup d’autres réserves alimentaires stratégiques (RSA) de la région, les objectifs de stockage au Niger n’ont pas été atteints. Entre 2002 et 2010, le Stock National de Sécurité n’a pu stocker qu’à hauteur de 41 %, soit 62 000 tonnes. Au niveau local, les stocks locaux sont des stocks communautaires et sont gérés par les communautés elles-mêmes. 7.3.3. Finance externe Par ailleurs, des financements externes supplémentaires sont en place pour soutenir le financement des risques de catastrophes au Niger. i. Le programme de protection sociale adaptative au Sahel (ASPP) de la Banque mondiale soutient le Gouvernement du Niger dans le développement d’un programme de protection sociale adaptatifs qui peut protéger immédiatement les populations pauvres et vulnérables du Sahel en cas de catastrophes naturelles (sécheresse jusqu’à présent). Un montant de 8,5 millions de dollars É.-U. est en place pour développer un programme-pilote sensible aux chocs (le financement total pour l’ensemble du projet 2 de protection sociale adaptative du Niger est de 210 millions de dollars É.-U.). À l’avenir, les modalités de financement devront garantir un financement pérenne. ii. Une Réserve régionale de sécurité alimentaire (RRSA) a été fondée en 2013, avec une taille cible est 411 554 MT, avec 140 000 MT détenus dans une réserve physique et 271 554 MT dans une réserve financière. Toutefois, à la fin de 2020, la réserve physique ne s’élevait qu’à 32 000 MT et aucun financement n’avait été engagé pour la réserve financière. iii. Le financement humanitaire externe représente le plus grand montant de financement externe. Le Niger a reçu entre 200 et 400 millions de dollars É.-U. par an d’aide humanitaire internationale externe, selon le système de surveillance financière d’OCHA. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 159 7.3.4. Financement du déficit Le Gouvernement du Niger est confronté à un important déficit de financement. Le Niger dispose de ressources globales de 66,02 millions de dollars É.-U. pour toutes les catégories de risque (Fonds d’urgence des catastrophes, réserves alimentaires, Assurance contre la sécheresse de l’ARC), et de 60,7 millions de dollars É.-U. pour les catégories de risque inférieurs (1-5 ans, Fonds d’urgence des catastrophes, réserves alimentaires). Comparé au simple coût de l’insécurité alimentaire liée à la sécheresse (100 millions de dollars É.-U. par an) et à la sécurité alimentaire globale (150 millions de dollars É.-U. par an), le déficit de financement s’élève à environ 40 à 90 millions de dollars É.-U. par an. Le déficit de financement augmente de manière significative si l’on prend en compte les chocs de production alimentaire modélisés. Le déficit de financement humanitaire et économique combiné est de 768 millions de dollars É.-U. pour les chocs de production alimentaire d’une année sur cinq et de 1,1 milliard de dollars É.-U. pour les chocs de production alimentaire d’une année sur dix. Options pour la gestion et le financement des risques de catastrophes au Niger Réduire les impacts humains et économiques des catastrophes au Niger exige des politiques et des investissements significatifs ainsi que des efforts de renforcement des capacités en matière de réduction et de planification des risques, de gestion des risques et de réponses appropriées et de financement des risques. Bien que la GRC ait été identifiée par le Gouvernement nigérien comme une priorité dans son Plan de développement stratégique, le secteur de la GRC se heurte toujours aux défis suivants liés aux limitations institutionnelles et aux ressources Mesures cruciales devant être mises en place par le Gouvernement Calendrier de Répercussions du Niger mise en œuvre budgétaires Renforcer les capacités de préparation et de réponse aux urgences (PRU) - Adopter une loi sur la GRC clarifiant les rôles et les responsabilités Moyen terme Faible en matière de gestion du risque de catastrophe aux niveaux central et local. - Renforcer les capacités de préparation et de réponse aux urgences Moyen terme Moyenne aux niveaux national et local, y compris les systèmes d’alerte précoce. - Utiliser la plate-forme nationale pour améliorer la coordination Court terme Faible interministérielle et celle des autres parties prenantes. - Renforcer la GRC au niveau local, dans le cadre de la planification et Moyen terme Faible de la gestion municipales. - Renforcer les capacités et les ressources budgétaires pour la Moyen terme Moyenne réduction des risques de catastrophe, y compris les investissements dans la résilience dans les secteurs clés, la planification intégrée de l’utilisation des sols, l’application de la Loi d’orientation sur l’urbanisme et l’aménagement foncier, et des infrastructures et services résilients. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 160 Mesures cruciales devant être mises en place par le Gouvernement Calendrier de Répercussions du Niger mise en œuvre budgétaires - Adopter des approches intégrées de gestion des risques et Long terme Moyenne de prévention des catastrophes pour mieux saisir les liens et l’interopérabilité (en termes d’impacts sur les communautés, de besoins de résilience et d’approches programmatiques). Accroître les investissements dans les activités de réduction des risques de catastrophes et de gestion du risque de catastrophe - Limiter les responsabilités liées aux catastrophes en investissant dans Moyen terme Moyenne des moyens d’anticipation et d’atténuation des effets des catastrophes. - Mettre en vigueur la stratégie existante de financement des risques Moyen terme Moyenne de catastrophes et investir dans des instruments de financement des risques de catastrophes préétablis. Développer une stratégie globale de financement des risques de catastrophes - Développer une approche systématique de financement des différents Moyen terme Faible types de chocs. - Identifier les lacunes et les possibilités d’amélioration du cadre de Court terme Faible financement actuel afin d’accroître l’efficacité et l’efficience. - Améliorer la collecte de données sur le financement des risques de Moyen terme Moyenne catastrophes et des réponses aux catastrophes. - Identifier le rôle des transferts monétaires et de la protection sociale Moyen terme Moyenne adaptative dans la réponse aux catastrophes. Travailler sur la répartition des risques - Identifier la répartition optimale des risques Court terme Faible Notes : Court terme (1 an) ; Moyen terme (2-3 ans) ; Long terme (plus de 3 ans). Les implications budgétaires sont jugées : (i) faibles si elles sont accessibles dans le cadre de la structure actuelle des dépenses ; (ii) moyennes si elles nécessitent une réaffectation budgétaire ; (iii) élevées si elles nécessitent des réformes plus approfondies, des sources de financement et une mobilisation des recettes intérieures. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 161 8. Conclusions Bien qu’il existe un cadre institutionnel de gestion du risque de catastrophe (GRC), soutenu par diverses politiques et instruments, le secteur de la GRC se heurte encore à plusieurs défis liés aux limitations institutionnelles et aux ressources. Réduire les impacts humains et économiques des catastrophes nécessiterait des interventions à court et à long terme pour renforcer (i) la structure de gouvernance de la GRC ; (ii) les capacités de préparation et de réponse aux urgences ; (iii) les investissements et les politiques de réduction des risques aux niveaux national et local ; et (iv) les capacités de financement des risques de catastrophes. Face à la menace croissante du changement climatique, il est crucial d’investir dans des solutions à long terme axées sur des politiques et des plans intégrés d’aménagement du territoire urbain, des infrastructures résilientes, des systèmes d’alerte précoce, des stratégies de réduction des risques et des stratégies et outils de financement des risques. À court terme, cela permettrait au pays de gérer les chocs potentiels sur les finances publiques, en évitant les coûteux transferts budgétaires ad hoc et la dépendance à l’égard d’un financement humanitaire lent et peu fiable ; et à long terme, de garantir un processus de développement plus résilient. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 162 CHAPITRE 6 Des mesures de politique clés 1. Le développement du secteur privé Mesures susceptibles d’améliorer la productivité et l’orientation vers l’exportation dans le secteur agro-alimentaire Mesures particulièrement cruciales Calendrier de Répercussions mise en œuvre96 budgétaires97 Améliorer la qualité des produits d'exportation du Niger en fournissant une formation Long terme Faible et une assistance technique aux différents acteurs de la chaîne de valeur et en renforçant les processus de certification. Si les technologies de suivi et de traçabilité, telles que la blockchain, peuvent jouer un rôle important pour garantir le respect des normes pertinentes pour le marché (par exemple, les normes des pays importateurs, les normes internationales pour les produits biologiques, le commerce équitable, etc.), il est important que cette mise en conformité soit certifiée par les entités compétentes des pays de destination. Le processus de transformation de la qualité des produits agricoles du Niger prendra du temps, les avantages d’un label de qualité crédible pour les exportations agricoles nigériennes pour les chaînes de valeur et le pays en valent la peine. Le développement des infrastructures. En tant que pays enclavé, l’accès aux marchés Long terme Élevé internationaux est coûteux, mais avec des réformes adéquates, le Niger pourrait exporter vers de grands marchés voisins. Réduire les coûts de transport nécessiterait des investissements dans l’entretien des routes, la suppression des barrages routiers fréquents et une concurrence accrue dans le secteur du camionnage, à fur et à mesure que les réglementations lourdes soient révisées et rationalisées. Développer une infrastructure logistique durable avancée pour transporter en toute sécurité les marchandises à travers le Sahara vers l’Europe devrait aller au-delà de l’achèvement de la partie non bitumée de l’autoroute A1, mais aussi vers un développement de sources d’énergie renouvelables le long de la route, pour permettre aux convois de camions électriques de traverser le Sahara avec une empreinte carbone nulle. Ces routes transsahariennes et ces installations de production d’énergie créeraient des emplois inclusifs dans les régions les moins avancées, contribuant ainsi à réduire les conflits et à partager les objectifs de développement économique apportés par les routes commerciales. 96 Calendrier de mise en œuvre : Court terme (1 an) ; Moyen terme (2-3 ans) ; Long terme (plus de 3 ans). 97 Les implications budgétaires sont jugées : (i) faibles si elles sont accessibles dans le cadre de la structure actuelle des dépenses ; (ii) moyennes si elles nécessitent une réaffectation budgétaire ; (iii) élevées si elles nécessitent des réformes plus approfondies, des sources de financement et une mobilisation des recettes intérieures. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 163 Mesures cruciales Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Renforcer les organisations paysannes, d’agriculteurs. Ces mesures doivent Moyen terme Faible inclure, d’une part, un soutien direct et un renforcement des capacités et, d’autre part, la mise en place de mécanismes de contrôle et de surveillance appropriés qui favorisent un fonctionnement transparent. L’impact des projets qui n’ont pas bénéficié de suffisamment de temps et de ressources pour aborder ces questions a été significativement réduit, empêchant les syndicats de producteurs d’être en capacité de prendre en charge la gestion de leur organisation à l’issue du projet. Établir des liens entre les PPP, les entreprises publiques et les micro, petites et Moyen terme Moyen moyennes entreprises (MPME). La loi sur les partenariats public-privé (PPP) de mai 2018 devrait ouvrir la voie à davantage de PPP et pourraient améliorer la gouvernance des entreprises publiques, tout en ayant beaucoup plus d’effets d’entraînement sur l’économie. Par exemple, l’aéroport de Niamey a été récemment entièrement financé par le secteur privé en échange d’une concession de 30 ans. Mesures pour faciliter une meilleure adoption de la finance numérique et stimuler l’inclusion financière au Niger Mesures particulièrement cruciales Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Rendre l’utilisation/l’enregistrement technologie simple et sans problème pour le Court terme Faible consommateur en améliorant les réformes de protection des consommateurs et en adoptant des mesures KYC à plusieurs niveaux, telles que l’utilisation de l’équivalent d’un certificat de naissance au lieu d’une pièce d’identité formelle pour ouvrir un compte formel pour les femmes et autres populations présentant un faible risque en matière de LCB-FT (lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme). Développer les paiements numériques dans les zones rurales. Cet aspect sera essentiel Moyen terme Moyen dans la mesure où 71 % de la population du Niger résident en zones rurales. Le projet Villages intelligents (Smart Villages) est un puissant catalyseur à cet égard, puisqu’il s’associe à des opérateurs de téléphonie mobile pour améliorer la connectivité dans 2100 villages, donnant ainsi accès aux paiements et aux financements numériques à environ un million de personnes dans les zones rurales. Numérisation des paiements publiques. Si elles sont mises en œuvre, la stratégie et Court terme Faible la feuille de route pour la numérisation des paiements publiques, tels que les bourses d’études, les filets de protection sociale, les salaires des travailleurs contractuels et les paiements d'impôts, permettront l’inclusion d’environ 800 000 personnes. Cela permettra également d’envoyer un signal fort et de sensibiliser la population à la finance mobile. Par exemple, le Gouvernement du Togo a pu inclure financièrement deux millions d’individus en quelques mois lors de la pandémie de COVID-19, grâce à la numérisation de l’aide financière publique via son système NOVISSI. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 164 Partenariats entre les opérateurs d’argent mobile, les FinTech et les institutions Moyen terme Moyen financières traditionnelles pour encourager le microcrédit et l’épargne via le mobile. La réglementation ne permettant pas aux ORM de fournir directement des crédits et de l’épargne, il sera essentiel pour les ORM de s’associer à des banques, des Fintech et des IMF. Cela profitera également aux banques car elles doivent numériser leurs services pour élargir leur champ d’action et rester pertinentes. Le principal exemple est celui de M-Shwari au Kenya, un partenariat entre Safaricom (la principale société de télécommunications du Kenya, avec une part de marché de près de 70 %) et CBA (une banque de taille moyenne au Kenya). Ce partenariat a permis d’atteindre dix millions de clients dans les 18 mois suivant son lancement, en partie grâce aux ventes croisées avec les utilisateurs de M-Pesa de Safaricom. D’autres institutions financières –telles que les institutions de microfinance, les prestataires de services de paiement et les bureaux de poste– très présentes dans les zones rurales doivent être associées à ce processus. Promouvoir l’accès des femmes aux comptes numériques. Il sera essentiel de mettre Moyen terme Faible en place des lois et des politiques favorables en ce sens, et d’encourager les produits novateurs favorisant l’égalité des sexes pour dynamiser l’adoption des paiements numériques par les femmes. Les paiements numériques peuvent faciliter les transactions et réduire le risque de transporter de l’argent liquide les jours de marché. Les marchés locaux peuvent également être des lieux propices à la sensibilisation des fournisseurs aux innovations numériques et progressivement à l’intégration des femmes. Des réformes spéciales pour faciliter l’accès des femmes aux combinés mobiles et la gestion des centres d’agents mobiles seront également utiles. L’expérience de SEWA ICT et des centres d’apprentissage communautaires en Inde est une expérience précieuse que le Niger peut reproduire. Ces centres fournissent des services aux femmes micro-entrepreneures et fonctionnent également comme un centre d’apprentissage orienté sur la finance numérique. En s’inspirant de cette expérience, le Niger pourrait, par exemple, ajouter des compétences financières numériques à l’ensemble de ses centres d’apprentissage existants. Mesures cruciales Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Relier le système national d’identification biométrique au secteur bancaire pour Moyen terme Faible faciliter l’accueil des nouveaux clients. Un certain nombre d’initiatives sont en cours au Niger qui permettraient l’inclusion financière de millions d’individus. Il s’agit notamment des efforts en cours pour connecter le système biométrique dans le cadre du programme West Africa Unique Identification for Regional Integration and Inclusion (WURI), et le système e-KYC dans le cadre du projet Villages Intelligents, ainsi que la création d’une législation adéquate sur la protection des données. Développer un réseau solide et fiable d’agents financiers mobiles à travers le pays Long terme Faible pour fournir des services d’argent mobile, dont des services d’encaissement. Cela pourrait se faire par le biais de partenariats entre les opérateurs d’argent mobile et les fournisseurs de services aux guichets. AIRTEL, par exemple, est partenaire de Money gram dans 40 pays. Des incitations spéciales seront également nécessaires afin que les ORM développent un réseau d’agents dans les zones à faible densité non rentables. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 165 Mesures pour développer une offre et une demande pérennes de financement de l’agriculture commerciale au Niger Mesures particulièrement cruciales Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Remédier aux lacunes du secteur de la microfinance et lui donner un nouvel élan, Moyen terme Moyen en faisant appel, dans la mesure du possible, aux solutions FinTech et aux nouveaux acteurs des IMF. Compte tenu de son orientation et de son expérience au service des petites exploitations agricoles et des MPME rurales, le secteur de la microfinance continuera à être un acteur prioritaire au service des petites exploitations agricoles et des MPME rurales. Pour renforcer ce secteur, il est conseillé de a. d’avancer et d’achever le processus mené par l’Autorité de Régulation du Secteur de la Microfinance (ARSM) pour renforcer et assainir ce secteur, b. inviter les IMF étrangères, qui desservent avec succès les exploitations agricoles et les MPME rurales dans d’autres pays, à s’installer au Niger, et c. favoriser l’établissement de liens d’une part, entre les IMF, et d’autre part, les entreprises FinTech fournissant des services de paiement et autres prestations. Concevoir en toute conformité le Fonds d’inclusion financière qui est mis en place Long terme Moyen pour fournir des prêts à moyen et long terme afin de renforcer les IMF, les Fintech et les banques grâce à une combinaison de fonds propres, de prêts et de subventions pour les projets numériques. Une structure de gouvernance et de décision techniquement solide, ainsi que des politiques de tarification adéquates et des procédures performantes seront déterminantes pour obtenir l’impact souhaité de ce fonds, qui peut devenir à terme un instrument crucial pour mobiliser une partie des grandes quantités de ressources publiques et privées nécessaires pour faciliter la numérisation du secteur financier. Pour être en mesure d'attirer d'autres financements à moyen et long terme, le fonds doit lui-même être géré de manière saine et transparente. Promouvoir les accords de financement de la chaîne de valeur agricole, y compris Court terme Moyen l’utilisation de récépissés d’entreposage. Au Niger, ces arrangements devraient être encouragés dans le cadre d’une stratégie de renforcement des performances des chaînes de valeur. Ils devraient impliquer, dans la mesure où cela s’avère utile, l’utilisation d’arrangements agricoles contractuels qui offrent une certitude aux acheteurs et aux vendeurs. Par ailleurs, il faudrait utiliser des entrepôts frigorifiques et normaux pour renforcer un système dans lequel les cultures stockées peuvent être utilisées comme garantie. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 166 Promouvoir l’utilisation de financements mixtes. Par ailleurs, outre la rationalisation Long terme Moyen de l’utilisation des subventions de contrepartie, il semble judicieux de promouvoir l’utilisation de mécanismes de financement mixte. Ceux-ci pourraient attirer des sources de financement privées, qu’il s’agisse d’institutions financières ou d’investisseurs, en réduisant temporairement le coût du financement et/ou en absorbant une partie du risque des investissements commercialement viables, et/ou en offrant des incitations et un renforcement des capacités aux parties prenantes intéressées. Ces accords de financement mixte combinent généralement des financements à des prix commerciaux avec des financements « doux » provenant de donateurs ou d’entités publiques, et sont particulièrement utiles pour financer les projets d’investissement de moyenne et de grande envergure qui sont nécessaires pour construire les systèmes de production, de transformation, de logistique et d’information de l’avenir mentionnés ci-dessus. Depuis ces dernières années, plusieurs structures ont été mises en place pour promouvoir le financement mixte de l’agriculture, spécifiquement au profit des petits exploitants agricoles, les plus importants sont le Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire (GAFSP) et le fonds Farmfit de l’IDH. Voir l’annexe pour des exemples d’arrangements de financement mixte qui peuvent être utiles pour des entreprises similaires au Niger. Mesures cruciales Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Établir un cadre et des politiques appropriés pour promouvoir la transformation Court terme Faible numérique du système bancaire afin de mieux servir les clients ruraux et agricoles. S’appuyant sur les travaux précédents au Niger, ainsi que sur les expériences internationales pertinentes, cet effort devrait contribuer à la conception et à la mise en œuvre d'une stratégie pour numériser la prestation de services financiers en tirant parti de l’infrastructure numérique en cours de construction. La numérisation des services financiers devrait être combinée avec le développement de réseaux d’agents non bancaires dans les zones rurales. Par ailleurs, elle devrait tirer parti des possibilités offertes par les plateformes numériques partagées du secteur financier, telles que le registre e-KYC et de notation de crédit mis en place dans le cadre du projet Villages Intelligents. Cette plateforme pourrait ensuite être reliée au système national d’identification biométrique, à l’instar du modèle pakistanais, pour permettre la centralisation des données KYC et de notation de crédit sur les clients des banques, des IMF et des ORM. Cela permettrait également de rationaliser les processus de lutte contre le blanchiment d’argent. Par ailleurs, le Niger devrait envisager d’utiliser ces plateformes pour promouvoir de meilleures techniques de production en facilitant l’accès des agriculteurs aux services de vulgarisation agricole. Continuer à rationaliser les politiques d’utilisation des subventions pour financer Court terme Low l’agriculture. Le FISAN, le Fonds d’Investissement pour la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle, a déjà pris des mesures importantes pour harmoniser l’utilisation des subventions de contrepartie dans le financement des projets agricoles des petits exploitants en encourageant l’utilisation d’accords de financement dans lesquels les bénéficiaires contribuent à hauteur de 10 % du montant requis, les entités financières fournissant 50 % et les 40 % restants étant financés par des subventions. Ces efforts importants doivent être poursuivis et approfondis afin de réduire et d’éliminer à terme les subventions aux entreprises commercialement viables. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 167 2. Gestion des ressources naturelles Mesures pour le développement du contenu local Mesures particulièrement cruciales Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Mandater un organe gouvernemental approprié (par exemple, le ministère de Court terme Faible l'industrie ou équivalent) pour se concentrer spécifiquement sur les besoins et les opportunités en matière de contenu local. L’objectif doit être (i) de maintenir un dialogue continu ; (ii) de comprendre les besoins de l’industrie ; (iii) d’établir des partenariats ; (iv) d’attirer les investissements ; et (v) de faire fonction de centre d’échange d’informations pour les entreprises/citoyens nigériens concernant les normes, les compétences, etc. requises pour les missions. Délai : de 0 à 1 an. L’impact relativement faible au départ, augmente avec le temps. L’impact final peut devenir significatif. Offrir des incitations fiscales aux multinationales opérant au Niger pour qu’elles Moyen terme Faible organisent régulièrement des ateliers de formation, par exemple tous les trimestres, sur diverses questions techniques/industrielles importantes pour l’industrie (par exemple, la conception des routes, la sécurité industrielle, l’hygiène alimentaire, etc.) Il devrait s’agir d’une formation dispensée par l’investisseur étranger aux entreprises nigériennes. La formation pourrait être dispensée sur place et à faible coût (à savoir, juste le temps du personnel spécifique de l’entreprise). La formation doit être entreprise sans attendre de contrats pour les parties nigériennes qui y participent, car il s’agit plutôt de renforcer les compétences dans l’écosystème commercial plus large. Délai : 1 à 2 ans. L’impact est de faible à moyen, et le coût budgétaire est également faible. Encourager ou exiger que les investisseurs étrangers au Niger mettent de côté une Moyen terme Faible certaine fraction de leur salaire (de 2 à 10 %) pour la formation de leurs propres employés. Cela aura pour effet de réduire les salaires nigériens, et ne visera pas les non-salariés. Toutefois, cet objectif est de former la « prochaine génération » de chefs d’entreprise nigériens, qui pourront opérer au Niger ou ailleurs. Cela pourrait également inclure, sur le principe, une formation internationale (par exemple, dans les centres de formation des organismes étrangers, que ce soit en France, en Chine ou dans d’autres pays). Délai : 1 à 2 ans. L’impact est potentiellement significatif dans le temps. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 168 Mesures cruciales Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Pour la main-d’œuvre non qualifiée à moyennement qualifiée, on peut envisager la Court terme Faible possibilité de mettre en place des ‘agences pour l’emploi’ qui maintiendraient une réserve de main-d’œuvre formée à un certain niveau, pour laquelle elles prélèveraient une fraction du revenu du travail. L’avantage de cette solution est qu’une plus grande catégorie de travailleurs devient « liée » à l’emploi formel. L’inconvénient est que l’agence pour l’emploi devrait prélever une partie des salaires pour financer ses propres coûts. Il peut y avoir une certaine controverse sur ce point, mais c’est un moyen de rationaliser le marché, tout en fournissant certains avantages de base (par exemple, les soins de santé, l’assurance d’un revenu annuel minimum) aux travailleurs. Délai : 0 à 1 an. L’impact est initialement significatif en termes d’organisation de la main-d’œuvre. Avec le temps, l’avantage d’avoir une telle entité se dissipe, mais on peut espérer que la présence d’une catégorie de travailleurs ‘formels’ normalise les attentes de la société en matière d’emploi formel. Renforcer le « Centre de données de Niamey » pour en faire un ‘département de Moyen terme Faible géologie’ à part entière, en rendant obligatoire le partage de toutes les données géologiques provenant de sociétés étrangères et en stockant ces données dans des bases de données appropriées sous le contrôle du Gouvernement du Niger. Les capacités devraient être développées au fil du temps, de sorte que, finalement, ce Département de géologie aura une connaissance approfondie du patrimoine géologique du Niger. L’objectif ultime serait de positionner ce Département comme le régulateur compétent pour l’octroi de licences en amont/la réglementation des minéraux et du pétrole. Délai 1-2 ans. L’impact est initialement faible et augmente avec le temps. L’impact final peut être significatif. En ce qui concerne spécifiquement l’attraction des investissements étrangers et Long terme Faible la création d’opportunités de progression pour le personnel nigérien, de solides compétences dans la langue de l’entreprise qui investit peuvent constituer un avantage, en particulier pour les investisseurs qui ne sont pas forcément compétents en français. On peut envisager d’intégrer des « instituts de langues » appropriés dans une université et/ou une école polytechnique nigérienne de premier plan, dans le but de constituer des catégories de personnes capables de communiquer dans des langues étrangères. L’idéal serait que l’université/polytechnique forme des techniciens compétents qui sont également compétents (disons à un niveau B1/B2 sur le cadre du CECR) dans les langues des investisseurs potentiels. Ce personnel compétent pourrait y trouver un avantage significatif pour sa carrière. Au fil du temps, cela augmenterait la probabilité que les investisseurs décident d’agir comme des entreprises citoyennes à long terme, tout en renforçant la composante « contenu local » de ces entreprises/industries. Délai 5 ans (pour la création de catégories initiales des conférenciers de langue). L’impact peut s’accroître avec le temps et devenir significatif. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 169 Adopter une ‘approche plus spécialisée’ à mesure que le pays se développe et que Aspirationnel la politique de contenu local devient plus spécialisée. Il pourrait s’agir d’un régime de licences où seuls les sous-traitants agréés peuvent opérer dans un certain secteur industriel (dominé par les étrangers), de l’octroi de licences uniquement aux sous- traitants constitués en société au Niger, etc. Toutefois, il est peu probable que cela soit possible aujourd’hui, car le marché n’est ni mature ni suffisamment dense pour le permettre. Le calendrier est aspirationnel. Il dépend du développement futur et des orientations politiques. Mesures pour la gestion du secteur extractif Mesures hautement cruciales Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Pour réduire sa vulnérabilité à la volatilité des prix des matières premières, le Moyen terme Élevé Niger pourrait élaborer une législation sur la gestion des recettes afin de créer un fonds de stabilisation budgétaire. La législation spécifierait un niveau de recettes de référence qui reflète les recettes moyennes à des niveaux de production durables ou, alternativement, ciblerait le solde primaire hors ressources comme ancrage budgétaire. Les bénéfices excédentaires au-dessus de ce seuil qui s’accumulent lors les périodes d’essor seraient dirigés vers un fonds de stabilisation pouvant être utilisés lors les périodes creuses. En outre, il est suggéré que les premières années où les recettes pétrolières sont utilisées pour créer une réserve budgétaire en réduisant l’encours actuel de la dette publique, Jusqu’à ce que les cadres régissant la gouvernance du fonds et l’utilisation des ressources pour des investissements productifs en capital humain et physique soient suffisamment robustes. Compte tenu de l’impact limité estimé des chocs pétroliers, la taille de la réserve budgétaire peut être limitée (équivalente à 1 ou 2 années ou recettes). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 170 Pour que ces financements soient efficaces, une discipline budgétaire est Moyen terme Élevé impérative. Une législation stricte régissant l’utilisation des fonds contribue à renforcer la discipline budgétaire en les tenant à l’écart du processus budgétaire normal, souvent influencé par des motivations politiques à court terme (Brown et al., 2008). Cela encouragera la politique budgétaire anticyclique et le lissage des dépenses. D’autre part, si le fait d’épargner toutes les recettes cycliques lors des périodes fastes et de les utiliser pour financer les dépenses lors des périodes difficiles peut favoriser la stabilisation anticyclique, cela peut être difficile en termes d’économie politique dans le contexte du Niger. Pour atténuer ces risques, il peut être prudent d’utiliser pour investir toutes les recettes des ressources dans des actifs financiers ; la consommation de la richesse des ressources sera donc équivalente aux intérêts gagnés sur la richesse financière accumulée. Outre le lissage des dépenses, les fonds de recettes peuvent également servir Moyen terme Élevé des objectifs économiques plus larges, comme le financement d’initiatives de diversification et de compétitivité. C’est le cas du Fonds pour la compétitivité et l’innovation du Chili (Fondo de Innovación para la Competitividad – FIC), financé par les redevances provenant du principal produit de base du pays, le cuivre. Le FIC soutient l’innovation entrepreneuriale, la formation du capital humain et promeut la science et la technologie, en particulier dans les régions minières (Brown et al., 2008). Les fonds de stabilisation de cette nature ont été utiles dans d’autres pays riches en ressources naturelles comme la Mongolie et le Chili. Le niveau d’effort et l’impact de la conception et de la mise en œuvre d'un fonds de stabilisation fiscale sont élevés. Élargir l’accès à la formalisation de l’ASM en décentralisant le processus essentiel Court terme Faible tel que l’enregistrement et la délivrance de licences aux collectivités locales. Pour accroître encore les incitations à la formalisation, le gouvernement pourrait conditionner l'accès aux services de soutien à la valeur ajoutée, aux équipements ou aux centres de traitement à la détention d’une licence (IGF, 2018b). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 171 Mesures cruciales Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Pour réduire le risque de saisie de la rente, accroître la surveillance publique Moyen terme Élevé du secteur des ressources et résoudre les griefs de longue date concernant l’allocation des recettes des ressources, le Niger pourrait mettre en place des transferts directs en espèces financés par les rentes provenant de ses ressources naturelles. Les transferts directs en espèces réduiraient également la pauvreté des ménages, et contribuer à résoudre d’autres problèmes connexes, tels que l’insécurité alimentaire, les effets du changement climatique et le risque de radicalisation dû à la pauvreté, notamment chez les jeunes pauvres sans emploi. Pour éviter certains des résultats négatifs observés lors de l’expérience de la Mongolie avec un système similaire de ressources contre argent, les paiements devraient être alignés sur les performances du secteur des ressources et indépendants de toute influence politique (Devarajan, et al. 2011 ; Moss et al. 2015). Toutefois, il est crucial de noter que les changements soudains dans la taille et/ou la fréquence des paiements, s’ils ne sont pas bien communiqués et gérés, peuvent finir par aggraver les griefs et potentiellement augmenter le risque de conflit. Le niveau d’effort requis pour concevoir un système de transfert monétaire direct est élevé et son impact le serait également. Le Gouvernement pourrait également adopter des niveaux progressifs Court terme Faible de formalisation de l’ASM pour permettre à la fois aux mineurs et aux gouvernements locaux de travailler progressivement vers la mise en conformité avec les exigences techniques, environnementales et de travail face à des contraintes de ressources significatives. Fournir différentes catégories de permis pour les différents besoins et ressources des mineurs permettrait de s’assurer que la formalisation est un objectif réalisable même pour les mineurs les plus pauvres (IGF, 2018b). Ce type d’approche graduelle s’est avéré efficace pour la formalisation de l’ASM en Colombie (Singo & Seguin, 2018). Le niveau d’effort requis pour une formalisation réussie de l’ASM est élevé, mais il est dépassé par ses avantages socio- économiques et environnementaux. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 172 3. Gestion du risque de catastrophe et financement des risques de catastrophes Mesures pour renforcer la GRC Mesures hautement cruciales Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Adopter une loi sur la GRC clarifiant les rôles et les responsabilités en matière de Moyen terme Faible gestion du risque de catastrophe aux niveaux national et local. Une loi en faveur de la GRC clarifierait les mandats juridiques et institutionnels, les mécanismes de coordination, les instruments de financement, les protocoles opérationnels, les mécanismes de participation des parties prenantes, le rôle des OSC, des organisations communautaires (y compris les femmes et les jeunes) et l’engagement du secteur privé, etc. Renforcer les capacités de préparation et de réponse aux urgences liés aux Moyen terme Moyen catastrophes aux niveaux national et local, y compris les systèmes d’alerte précoce. Le Niger étant très vulnérable aux inondations et à d’autres menaces météorologiques et climatiques, des prévisions précises et des systèmes permettant d’avertir efficacement les populations vulnérables sont essentiels et deviennent de plus en plus vitaux à mesure que les effets du changement climatique augmentent. Utiliser la Plate-forme nationale pour améliorer la coordination interministérielle Court terme Faible et celle des autres parties prenantes. La plateforme nationale est restée longtemps inactive et le chevauchement des responsabilités et des mandats entre les acteurs de la GRC a eu un impact négatif sur la coordination. Renforcer les capacités et les ressources budgétaires pour la réduction des risques Moyen terme Moyen de catastrophe, y compris les investissements dans la résilience dans les secteurs clés, l’aménagement du territoire et l’application du Code du travail et de l’habitat. Dans la plupart des secteurs, des ressources budgétaires limitées sont affectées à l’entretien des infrastructures et à l'application des normes de construction, et peu d'investissements sont réalisés pour accroître la résilience des biens vulnérables. Mesures cruciales Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Nécessité d'adopter des approches intégrées de gestion du risque et de prévention Long terme Moyen des catastrophes pour mieux saisir les liens et l’interopérabilité (en termes d’impacts sur les communautés, de besoins de résilience et d’approches programmatiques). Le contexte de fragilité sécuritaire et de vulnérabilité aux aléas naturels nécessite de relever les deux défis de manière cohérente et complémentaire. Renforcer la GRC au niveau local, dans le cadre de la planification et de la gestion Court terme Moyen municipales. Aucun financement n’est attribué par l’État aux municipalités spécifiquement à des fins de GRC, et de nombreuses municipalités ne possèdent pas les capacités et les outils de planification urbaine et d’investissement nécessaires pour répondre de manière adéquate aux besoins de résilience et à l’aménagement du territoire en vue de la réduction des risques de catastrophe. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 173 Mesures pour renforcer le DRF Mesures cruciales Calendrier de Répercussions mise en œuvre budgétaires Augmenter les investissements dans les activités de réduction des risques de Long terme Élevé catastrophe et de gestion du risque de catastrophe. Le financement de la réduction des risques de catastrophe est souvent plus rentable que le financement de la recherche, du sauvetage, des secours, de la réhabilitation, de la reconstruction et du relèvement après une catastrophe. Toutefois, des risques résiduels subsistent et doivent être complétés par un financement préétabli. Bien qu’il soit impossible de prévenir totalement les catastrophes, il est possible de minimiser l’ampleur des dommages en adoptant des mesures de réduction des risques de catastrophe. Parallèlement à la mise en œuvre de sa stratégie de financement des risques de catastrophe et à l’investissement dans des instruments de financement des risques de catastrophe pré-arrangés, le Gouvernement du Niger devrait continuer à limiter ses obligations liées aux catastrophes en investissant dans des moyens de prévenir et d'atténuer les effets des catastrophes, une action soulignée dans le projet de stratégie nationale de financement des risques de catastrophe (DRF). Développer une stratégie globale de financement des risques de catastrophes. Le Long terme Élevé Niger étant confronté à un passif éventuel élevé lié aux catastrophes naturelles, notamment en raison des sécheresses et des inondations, il y a tout lieu de travailler à une approche plus systématique du financement de ces chocs. Une stratégie globale de financement des risques de catastrophe pourrait détailler les sources de financement et les instruments les plus appropriés pour financer les différents types de chocs. Elle permet également d’identifier les lacunes et les possibilités d’amélioration du cadre de financement actuel afin d’accroître l'efficacité, la rapidité et la cohérence des différents mécanismes financiers et la transparence des interventions en cas de catastrophe. Travailler sur une telle stratégie pourrait également ouvrir des discussions sur les données de référence utilisées pour l’élaboration de ce rapport ainsi que sur les données manquantes qui pourraient aider à affiner l’évaluation du financement des risques de catastrophe au Niger, y compris les détails sur les instruments disponibles et le financement correspondant. Travailler sur la répartition des risques. L’élaboration d'une stratégie de financement Long terme Élevé des risques de catastrophe pourrait contribuer à l’identification de la répartition optimale des risques. Une première analyse montre qu’il est possible de réaliser des économies substantielles en introduisant des instruments de financement ex ante mis en place avant qu’une catastrophe ne se produise et qui garantissent qu’un financement adéquat est disponible pour les secours immédiats. Le processus d’élaboration d'une stratégie de DRF pourrait permettre au Gouvernement du Niger et à d’autres partenaires de développement de collecter des données supplémentaires en vue d’une répartition optimale du financement des risques de catastrophe. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 174 ANNEXES Chapitre 1 : Annexe A Définitions de la productivité La présente annexe examine les définitions, ainsi que les différentes techniques et difficultés liées aux différentes mesures de la productivité, et explique comment elles sont abordées dans cette étude, notamment au chapitre 198. Dans ce chapitre, la productivité est définie comme la production (PIB ou valeur ajoutée sectorielle) par unité de travail (nombre d’employés engagés plutôt que le nombre d’heures travaillées, comme mesure du facteur travail). Une deuxième mesure, la productivité totale des facteurs (PTF), est également présentée. Elle mesure l’efficacité avec laquelle les facteurs de production sont combinés et est souvent utilisée pour évaluer le progrès technologique. La PTF peut également intégrer des facteurs plus larges tels que les caractéristiques organisationnelles et institutionnelles. La production par travailleur est alors un concept plus général qui incorpore la PTF, ainsi que les différences de capital physique et humain par travailleur. Définir la productivité du travail comme la production par travailleur, le nombre d’employés étant utilisé comme unité de facteur travail, présente l’avantage d'être largement disponible dans tous les pays. Le facteur travail est destiné à saisir toutes les personnes impliquées dans le processus de production. Ainsi, les chiffres de l’emploi total incluent le travail indépendant, qui représente une grande partie de l’emploi informel dans les économies de marché émergentes et en développement (EMDE) (Banque mondiale, 2019). Toutefois, les difficultés de mesure du secteur informel créent de l’incertitude et augmentent le potentiel d’incohérence entre les pays autour du niveau de productivité, en particulier dans les EMDE où la part de l’emploi informel est élevée (Fajnzylber, Maloney & Montes-Rojas, 2011). L’efficience du facteur travail peut être influencée par le niveau d’éducation, de formation et de santé des travailleurs. En outre, la contribution du travail dans le contexte du Niger suit un comptage par habitant plutôt qu’une définition en équivalent temps plein, de sorte qu’elle ne tient pas compte du nombre réel d’heures travaillées ; les données des enquêtes auprès des ménages suggèrent que, parmi la population active, le nombre d’heures travaillées par semaine (dans l’emploi principal d’une personne) a diminué jusqu’à 39 % pour les hommes et 53 % pour les femmes entre 2002 et 2018. Le PIB par habitant et sa dynamique peuvent être décomposés en quatre vecteurs principaux. (i) Premièrement, les individus employés deviennent plus productifs dans l’exercice de leurs fonctions pour différentes raisons (comme l’apprentissage par la pratique, l’approfondissement du capital, une meilleure éducation), de sorte 98 Cet encadré s’inspire en partie de Banque mondiale, 2020. « Global Productivity. Trends, Drivers, Policies ». Washington D.C. : Banque mondiale. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 175 que la production par travailleur augmente. (ii) Deuxièmement, même si la production par travailleur reste constante, la production peut encore augmenter si la croissance du nombre d’individus ayant un emploi est supérieure à celle de la main-d’œuvre, ce qui élargit la base de production de l’économie. (iii) Troisièmement, le nombre d’individus désireux de travailler peut augmenter plus rapidement que la population active (personnes âgées de 15 à 64 ans), ce qui augmente le taux d’activité. Enfin, (iv) un effet démographique est lié à l’expansion de la population en âge de travailler en tant que part de la population, ce que l’on appelle la transition démographique. En résumé : Où Y est la production, N la population, E le facteur travail, L la main-d’œuvre (salariés, travailleurs indépendants et chômeurs), WAP est la population en âge de travailler (individus âgés de 15 à 64 ans). La productivité (Y/E) peut ensuite être analysée par la décomposition de Shapley qui permet une décomposition de ses variations en (i) les changements de la productivité au niveau du secteur (composante ‘interne’) ; et (ii) les changements résultant de la réallocation de la main-d’œuvre entre les secteurs (composante ‘transversale’ ou ‘entre’). Ce dernier nous donne une mesure de la vitesse du « changement structurel » dans l’économie. Enfin, selon la méthodologie de comptabilité de la croissance introduite pour la première fois par Solow (1957), la croissance de la productivité du travail peut être décomposée en fonction de la contribution de différents facteurs, en utilisant les différences logarithmiques d’une fonction de production Cobb-Douglas avec des rendements d'échelle constants : Où est la production par travailleur (productivité du travail) est le ratio de biens d’équipement par personne employée, est le niveau de capital humain, et est le log de la PTF, calculée comme un résidu de la croissance de la productivité du travail après soustraction de la variation de l’approfondissement du capital et du capital humain, pondéré par leurs parts respectives dans la fonction de production, étant le résidu, tout ce qui n’est pas capturé par les changements dans le travail ou le capital est repris par la croissance de la PTF. Cela inclut les erreurs de mesure et les changements dans les taux d’utilisation des facteurs de production. Une façon concise de réarranger cette formule est où A représente la PTF et X les intrants. Les deux facteurs sont interconnectés : il y a des variations de k et h générées par des différences de A (en raison de la nature non rivale de la création et de l’adoption de technologies), et A lui-même peut être affecté par l'intensité du capital X. Si A est déterminé par l'adoption de la technologie, par exemple, il est probable qu’une scolarisation plus poussée entraîne un niveau plus élevé de A. Dans un autre cas, la croissance du capital physique pourrait être attribuée à la hausse de la productivité, puisque le taux de rendement plus élevé stimule l’accumulation de capital supplémentaire (Klenow et Rodriguez-Clare 1997). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 176 Annexe A - Encadré 1. L’urbanisation : le corollaire spatial du changement structurel au Niger ? Le texte suivant est adapté du rapport sur l’urbanisation au Niger élaboré en 2021 par la Banque mondiale : « Niger Urbanization Review : supporting Niger’s modern oases ». Dans de nombreux contextes dans le monde, l’urbanisation a été le corollaire spatial d’une transformation structurelle positive. Les emplois plus productifs des secteurs des services et de l'industrie ont tendance à se regrouper dans les zones urbaines. En conséquence, la transition de la main-d'œuvre hors de l’agriculture s’accompagne souvent du déplacement physique des travailleurs (et de leurs familles) des zones rurales vers les zones urbaines. Au Niger, de 2001 à 2012, 4 sur 5 de tous les nouveaux emplois non agricoles ont été créés dans les zones urbaines, ce qui suggère que la plupart des changements structurels positifs du Niger ont eu lieu dans les zones urbaines. La lenteur de la transformation structurelle du Niger est également cohérente avec son taux d’urbanisation médiocre, qui est resté autour de 16 % pendant vingt ans. Les pressions exercées sur les moyens de subsistance des populations rurales du Niger devraient s’intensifier au cours de la prochaine décennie, ce qui pourrait accélérer l’exode rural, les résidents ruraux cherchant des opportunités et des moyens de survie dans les villes alors que les perspectives rurales s’amenuisent. D’autre part, dans certains contextes à faible revenu, les pressions rurales intenses semblent avoir atténué l’exode rural, en privant les ménages ruraux des liquidités nécessaires pour financer la migration99. Le rapport « Niger Urbanization Review : supporting Niger’s modern oases » (2021)) de la Banque mondiale a utilisé un modèle d’équilibre général calculable (EGC) pour étudier comment des scénarios d’urbanisation alternatifs peuvent avoir un impact sur le changement structurel et le bien-être au Niger jusqu’en 2035. Le scénario de Business-as-Usual (BAU) du modèle suppose que la migration rurale-urbaine continue selon les tendances récentes, augmentant presque imperceptiblement à 16,6 % en 2035. Dans ce scénario, la croissance agricole ralentit en raison de la diminution de la taille des exploitations et de la pression croissante sur les terres rurales. Le bien-être moyen des ménages augmente de 3,3 % par an, mais les inégalités se creusent, le bien-être par habitant des ménages pauvres n’augmentant que de 2,6 % par an100. Le modèle envisage ensuite un scénario de migration plus rapide « migration haute », dans lequel la migration des zones rurales vers les zones urbaines s’accélère au-delà des taux historiques, la part de la population urbaine passant à 19,6 % en 2035. Dans ce scénario, l’économie en 2035 est environ 5 % plus importante que dans le scénario de Business-as-Usual (BAU), cet effet positif sur la croissance étant entièrement dû à la migration rurale-urbaine élevée. Comme on pouvait s’y attendre, l’accélération de l’immigration entraîne une transformation structurelle positive, les travailleurs passant à des secteurs urbains non agricoles plus 99 Peri, G. & Sasahara, A. 2019. « The impact of global warming on rural-urban migrations: Evidence from global big data ». Document de travail NBER. 25728. 100 Défini comme les trois quintiles de revenu inférieurs. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 177 productifs. Comme l’on pouvait s’y attendre, l’accélération de l’immigration entraîne une transformation structurelle positive, les travailleurs passant à des secteurs urbains non agricoles plus productifs. Les nouveaux résidents urbains demandent également davantage de produits manufacturés, ce qui entraîne une augmentation de l’emploi dans les secteurs industriels du Niger, et la croissance du PIB urbain génère une demande supplémentaire d’investissement et de construction. Malgré l’exode de la main-d’œuvre rurale, le PIB agricole dans le scénario de migration haute est plus élevé (de 0,7 % d’ici 2035) que dans le scénario de BAU : dans un premier temps, la réduction de l’offre de main-d’œuvre rurale ralentit la croissance du PIB agricole ; Toutefois, les revenus et la productivité des villes augmentent, les producteurs urbains bénéficiant de l’augmentation de l’offre de main-d’œuvre urbaine, de la baisse des salaires et des prix des denrées alimentaires, ce qui a pour effet d’augmenter la demande urbaine de produits agricoles provenant des zones rurales du Niger. Globalement, ces liens en amont de la demande compensent la perte de main-d’œuvre rurale. Plus inquiétant encore, dans le scénario de migration haute, le PIB urbain du Niger n'augmente pas aussi vite que sa population urbaine, ce qui entraîne une baisse du bien-être urbain en 2035 comparé au scénario de BAU. Cela illustre une « urbanisation de la pauvreté », dans laquelle les zones urbaines ne génèrent pas une croissance suffisante pour maintenir le niveau actuel de bien-être urbain alors que de nouveaux migrants ruraux pauvres arrivent. Les gouvernements peuvent tenter d’investir davantage dans les zones urbaines pour empêcher le déclin du bien-être urbain. Une conclusion importante du modèle est que l’augmentation de l’investissement public urbain au détriment de l’investissement rural est susceptible de réduire le bien-être tant urbain que rural. Cela s’explique par l’importance des prix alimentaires pour le bien-être et la productivité des villes : la baisse des investissements ruraux réduit la productivité agricole, ce qui fait augmenter les prix des denrées alimentaires, qui représentent une part importante du panier de consommation des ménages urbains pauvres. L’investissement urbain est nécessaire pour enrayer le déclin du bien-être urbain, mais cet exercice suggère que les investissements urbains devraient être « autofinancés » par une meilleure fiscalité des entreprises et des ménages urbains, et non en détournant des ressources publiques fixes de l’agriculture rurale. La conclusion finale du modèle EGC est que, même avec un financement de l’investissement urbain assuré par les villes, celles-ci ne seront toujours pas en mesure d’accueillir une migration haute sans perte de bien-être urbain. La population rurale du Niger augmente si rapidement que même de faibles variations des taux d’urbanisation inondent les centres urbains de demandeurs d’emploi, pour la plupart non qualifiés. Dans le même temps, les marchés du travail urbains sont dominés par les services non échangeables, qui ont des possibilités limitées de réaliser des économies d’échelle et d’accroître la production. Il y a de profondes contraintes structurelles à la création d’emplois urbains et non agricoles au Niger, au-delà du financement urbain –notamment le capital humain, les taux de dépendance et les goulets d’étranglement du secteur privé– qui doivent être résolues si le Niger veut se préparer à l’urbanisation accrue attendue dans les décennies à venir, et assurer le lien entre une urbanisation plus rapide et une transformation structurelle positive. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 178 Chapitre 2 : Annexes B Annexe B.1. Robustesse face aux découvertes de pétrole Le scénario de référence suppose que les réserves de pétrole s’élèvent à deux milliards de barils en 2020 et qu’il n’y a pas de nouvelles découvertes avant 2050. Une simulation optimiste supposant la découverte de deux milliards de barils de pétrole supplémentaires entre 2020 et 2050 donne une impulsion substantielle à la production pétrolière et à la croissance à moyen terme. Toutefois, l’effet à long terme sur la croissance globale est faible. Le scénario envisage une simulation plus optimiste avec des découvertes de deux milliards de barils de pétrole supplémentaires dans le bloc Tenere jusqu’en 2050 (voir Annexe B - Figure 2). Selon ce scénario, le bloc représenterait trois milliards de barils de pétrole jusqu’en 2050, ce qui correspond à la limite supérieure des estimations de la CNPC. Selon ce scénario, la production de pétrole atteindrait 180 000 b/j (la capacité de l’oléoduc) en 2030, se maintiendrait à ce niveau jusqu’en 2040, puis déclinerait lentement au fil du temps (voir Annexe B - Figure 3). Cette production supplémentaire de pétrole stimulerait la croissance du PIB par habitant d’un point de pourcentage en 2025. Mais ce coup de pouce à la croissance serait transitoire et disparaîtrait en 2035 (voir Annexe B - Figure 4). L’effet à long terme sur le revenu du Niger serait faible : un PIB par habitant d'environ 1000 dollars É.-U. en 2050 par rapport à 976 dollars É.-U. dans le scénario de référence. Robustness to discoveries of oil Annexe B1 - Figure 1. Découvertes de pétrole, Annexe B1 - Figure 2. Production de pétrole, en millions de barils/an barils/jour DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 179 Annexe B1 - Figure 3. Croissance du PIB par habitant, Annexe B1 - Figure 4. PIB par habitant, Taux de croissance annuel différentiel, en point de En dollars américains réels de 2010 pourcentage Source : Estimations des services de la Banque mondiale basées sur le modèle LTGM. Annexe B1. Tableaux annexes Annexe B1 - Tableau 1 : Résumé des hypothèses des scénarios de référence pour le Niger (LTGM-NR) (Conditions initiales, paramètres principaux et variables exogènes sélectionnés) A.Paramètres Valeur Source C. Trajectoire de variables exogènes, 2021-2050 principaux Prix du pétrole 60 $ É.-U./baril WB-CMO Part du travail 52 % du PIB non-R PWT 10 Investissement : Rente des 45 % du PIB du GTAP ressources pétrole Privé 30 %→15 % PIB IMF-FAD Part du 40 % du PIB du IMF-WCE Public 15 %→10 % PIB IMF-FAD Gouvernement pétrole Productivité : PTF hors 1 % croissance PWT 10 B. Conditions Value Source pétrole initiales Capital humain 0,5 % croissance PWT 10 PIB par habitant 563 dollars É.-U. UN-WDI (valeur réelle Démographie : 2021→2050 2010) Croissance de 4 %→3 % UN-ILO Non-pétrole 98 % du PIB NER-SNA la population Pétrole 2 % du PIB NER-SNA Population 48 %→55 % UN-ILO en âge de Ratio capital/PIB 4 PWT 10 travailler Non-énergie 3,9 Eq. MPK Taux de 74 % constant WB-WDI Pétrole 0,1 Eq. MPK participation Réserves de 2Mds de barils BP-Energy pétrole DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 180 Annexe B1 - Tableau 2 : Résumé des simulations de croissance (LTGM-NR) Taux de croissance moyen, en pourcentage Dollars américains réels de 2010 2026-50 2026-29 2030s 2040s 2020 2030 2050 I. PIB par habitant Scénario de référence 1,4 0,5 1,0 2,0 563 716 976 Réformes modérées (une à une) : A. Croissance de la PTF hors énergie 2,6 0,9 2,2 3,5 736 1,312 B. Croissance du capital humain 2,0 0,7 1,6 2,8 727 1.139 C. Investissement 1,8 0,7 1,6 2,3 726 1,084 Ensemble de réformes (A-C) 3,7 1,4 3,4 4,8 756 1,720 Des réformes ambitieuses (une par une) : A. Croissance de la PTF hors énergie 3,8 1,4 3,4 5,0 756 1,772 B. Croissance du capital humain 2,6 1,0 2,2 3,5 737 1,330 C. Investissement 1,9 0,8 1,8 2,4 730 1,126 Ensemble des réformes (A-C) 5,9 2,1 5,5 7,4 792 2,888 II. PIB par habitant hors énergie Scénario de référence 1,9 0,8 1,8 2,4 552 616 943 Réformes modérées (une à une) : A. Croissance de la PTF hors énergie 3,2 1,4 3,0 3,9 636 1,280 B. Croissance du capital humain 2,6 1,1 2,5 3,2 626 1,107 C. Investissement 2,3 1,0 2,4 2,8 624 1,048 Ensemble de réformes (A-C) 4,3 1,8 4,3 5,2 655 1,688 Des réformes ambitieuses (une par une) : A. Croissance de la PTF hors énergie 4,5 1,9 4,3 5,5 656 1,741 B. Croissance du capital humain 3,2 1,4 3,1 4,0 637 1,298 C. Investissement 2,5 1,1 2,6 2,9 627 1,090 Ensemble des réformes (A-C) 6,5 2,7 6,6 7,8 691 2,857 III. PIB du pétrole par habitant Scénario de référence -4,7 -1,3 -4,9 -5,7 11 101 33 Réformes modérées (une à une) : A. Croissance de la PTF hors énergie -4,8 -1,4 -5,1 -5,8 100 32 B. Croissance du capital humain -4,8 -1,4 -5,0 -5,8 100 32 C. Investissement -4,4 -1,1 -4,6 -5,5 102 35 Ensemble de réformes (A-C) -4,7 -1,2 -4,9 -5,8 101 33 DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 181 Taux de croissance moyen, en pourcentage Dollars américains réels de 2010 2026-50 2026-29 2030s 2040s 2020 2030 2050 Des réformes ambitieuses (une par une) : A. Croissance de la PTF hors énergie -5,0 -1,5 -5,3 -6.0 100 31 B. Croissance du capital humain -4,9 -1,4 -5,1 -5,8 100 32 C. Investissement -4,4 -1,0 -4,4 -5,5 103 36 Ensemble des réformes (A-C) -4,9 -1,2 -5,1 -5,9 101 32 Annexe B1. Figures Annexe B1 - Figure 5. Produit intérieur brut, Annexe B1 - Figure 6. Revenu national brut par Taux de croissance annuel, en pourcentage habitant. En dollars américains réels de 2010 Source : Indicateurs du développement dans le monde (WDI) de la Source : Indicateurs du développement dans le monde (WDI) de la Banque mondiale Banque mondiale Annexe B1 - Figure 7. Investissement, Annexe B1 - Figure 8. Investissement public et privé, En pourcentage du PIB. En pourcentage du PIB. Source : Base de données du FMI sur l’investissement et le stock Source : Base de données du FMI sur l’investissement et le stock de capital de capital DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 182 Annexe B1 - Figure 9. Productivité totale des facteurs, Annexe B1 - Figure 10. Indice du capital humain, Moyenne mobile de la croissance sur trois ans, en Taux de croissance annuel, en pourcentage pourcentage Source : Penn World Table 10.0 Source : Penn World Table 10.0 Annexe B1 - Figure 11. Croissance de la population, Annexe B1 - Figure 12. Population en âge de travailler Taux de croissance annuel, En pourcentage (15-64 ans), en pourcentage de la population Source : Organisation internationale du travail Source : Indicateurs du développement dans le monde (WDI) de la Banque mondiale DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 183 Annexe B1 - Figure 13. Population en âge de travailler Annexe B1 - Figure 14. Taux d'activité de la population dans les pays à revenu faible et moyen inférieur en active 2019, Pourcentage de la population en âge de travailler Pourcentage de la population en âge de travailler (15-64 ans) (15-64 ans) Source : Organisation internationale du travail Source : Organisation internationale du travail Annexe B1 - Figure 15. Ratio capital physique/PIB Source : Penn World Table 10. Notes : Suppression des valeurs aberrantes VEN, UKR, YEM, et BRB. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 184 Panel A. Croissance de la productivité totale des Panel B. Croissance du capital humain facteurs Taux de croissance moyen sur 2000-2019, Taux de croissance moyen sur 2000-2019, en pourcentage en pourcentage Source : Penn World Table 10. Source : Penn World Table 10. Notes : Suppression des valeurs aberrantes TJK et ARM. Notes : Suppression de 3 valeurs aberrantes. Les années de scolarité sont antérieures à la moyenne de 20 ans. Les échantillons sont 1979-1999 et 1999-2019. Panel C. Investissement privé Panel D. Investissement public Moyenne sur 2000-2017, en pourcentage du PIB Moyenne sur 2000-2017, en pourcentage du PIB Source : FMI-FAD, Base de données sur l'investissement et le stock Source : FMI-FAD, Base de données sur l'investissement et le stock de capital de capital DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 185 Annexe B1 - Figure 17. Les moteurs de la croissance dans le scénario de référence et le scénario des réformes Panel A. Productivité totale des facteurs, Taux de Panel B. Croissance du capital humain croissance annuel, en pourcentage Taux de croissance annuel, en pourcentage Panel C. Investissement privé Panel D. Investissement public Pourcentage du PIB Pourcentage du PIB Source : Simulation des auteurs DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 186 Chapitre 2 : Annexe B2 Annexe B.2. Structure du modèle SDGSIM Cette annexe fournit des détails supplémentaires sur le modèle SDGSIM tel qu’il est appliqué au Niger. Le Tableau 2.1 présente la Matrice de comptabilité sociale (MCS) du Niger, la Figure A.1 résume les flux de paiement que le modèle capture au cours d’une année donnée, tandis que la Figure A.2 décrit le marché du travail. Le modèle SDGSIM (Sustainable Development Goal Simulations) est un modèle d’équilibre général calculable (EGC) conçu pour l’analyse au niveau national de mesures de politiques de développement à moyen et long terme, axé sur l’agenda des ODD et le changement structurel. Techniquement, le modèle est constitué d’un ensemble d’équations linéaires et non linéaires simultanées. Il s’applique à l’ensemble de l’économie, offrant une vision globale et cohérente de l’économie, y compris les liens entre les secteurs de production désagrégés et les revenus qu’ils génèrent, les ménages, l’État (avec ses politiques budgétaires et fiscales), et la balance des paiements. Il s’agit d’un outil approprié pour analyser les questions de changement structurel (comme celles auxquelles est confrontée l’économie du Niger) étant donné qu’il capture, de manière intégrée, le bien- être des ménages, les questions budgétaires et les différences entre les secteurs en termes de préférences des ménages, d’intensité de travail, d’accumulation de capital, de changement technologique et les liens entre le commerce international et l'économie nationale. Au cours de chaque période, les différents agents (producteurs, ménages, gouvernement, et la nation dans ses relations avec le monde extérieur) sont soumis à des contraintes budgétaires : les rentrées et les dépenses sont entièrement comptabilisées et par construction égales (comme elles le sont dans le monde réel). Les décisions de chaque agent –pour les producteurs et les ménages, respectivement, l’objectif est de maximiser les profits et l’utilité– sont soumis à ces contraintes budgétaires : par exemple, les ménages réservent une partie de leurs revenus aux impôts directs et à l’épargne, allouant ce qui reste à la consommation avec une composition maximisant l’utilité. Pour la nation, le taux de change réel s’ajuste afin d'assurer l’équilibre des comptes extérieurs afin d'assurer l’équilibre des comptes extérieurs – dans l’application au Niger, qui fait partie de la zone CFA d’Afrique de l’Ouest et opère donc avec un taux de change nominal fixe, on suppose que le taux de change réel s’ajuste par le biais des variations du niveau des prix intérieurs dans un contexte d’emprunts étrangers exogènes et de variations des réserves101. Les salaires, les loyers et les prix jouent un rôle crucial en compensant les marchés pour les facteurs et des produits de base (biens et services). Pour les produits de base qui font l’objet d’échanges internationaux (exportés et/ou importés), les prix intérieurs sont influencés par l’évolution des prix internationaux. Étant donné que le Niger est un petit pays, on suppose que les marchés internationaux demandent et fournissent les exportations et les importations du pays à des prix mondiaux donnés. 101 Pour être plus précis, les variables du modèle sont les financements nets (emprunts nets moins les paiements d’intérêts) reçus par les institutions internes (Gouvernement et ménages) du reste du monde et par le Gouvernement des autres institutions nationales. Dans les calculs ultérieurs, les implications pour les stocks de dette sont extraites compte tenu des taux d’intérêt exogènes. Ce traitement a l’avantage de ne pas exiger l’accumulation de la dette dans le modèle. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 187 Au fil du temps, la croissance de la production est déterminée par la croissance de l’emploi des facteurs et les variations de la productivité totale des facteurs (PTF). La croissance du stock de capital privé est endogène et dépend de l’investissement et de la dépréciation. L’investissement public et les variations du stock de capital sont déterminés par les politiques. Pour les autres facteurs, la croissance des stocks d’emplois est exogène. Pour la main-d’œuvre et les ressources naturelles (avec des facteurs sectoriels pour les secteurs basés sur les ressources naturelles), les approvisionnements prévus dans chaque période sont exogènes. Pour les ressources naturelles, elles sont étroitement liées aux projections de production. Pour le travail, les projections reflètent l’évolution de la population en termes d’âge de la population active, de taux d’activité et de niveau d’éducation. Le taux de chômage de la main-d’œuvre est endogène. La croissance de la PTF est constituée de deux composantes, l’une qui répond positivement à la croissance des stocks de capital d’infrastructure du Gouvernement et l’autre qui, sauf indication contraire, est exogène. La structure comptable de base et une grande partie des données nécessaires à la mise en œuvre du modèle SDGSIM sont dérivées d’une MCS. Le modèle s’appuie également sur des données complémentaires sur les stocks, l’élasticité et l’emploi de l’année de référence. Dans cette étude, l’année de référence de la base de données SDGSIM est 2019, l’année la plus récente pour laquelle des données suffisantes pour la construction d’une MCS sont disponibles. La MCS et la base de données du modèle comptent au total 36 secteurs (activités de production dont chacune génère une marchandise ou un produit) : 14 pour l’agriculture, 2 pour l’exploitation minière (pétrole et autres mines). La plupart des caractéristiques d’une MCS pour le modèle SDGSIM sont familières des MCS utilisées pour d’autres modèles d’EGC. Toutefois, une MCS du modèle SDGSIM possède certaines caractéristiques non standard pour fournir les données nécessaires à son traitement explicite des flux financiers et des différents types d’investissement. Le Tableau 2.1 montre les comptes de la MCS, qui définissent la désagrégation du modèle. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 188 Table 2.1. Disaggregation of Niger SAM and SDGSIM application Group Account name Description Group Account name Description Sectors a-/c-cer Cereals Margins marg-d Domestic distribution (activities/ commodities) a-/c-puls Pulses marg-m Import distribution a-/c-gnut Groundnuts & other oils marg-e Export distribution a-/c-leaf Leafy vegetables Factors f-labl Labor - Less than completed primary educ. a-/c-vege Other vegetables f-labh Labor - Completed primary a-/c- frui Other fruits educ. or more a-/c-crop Other crops f-land Land a-/c-catt Cattle f-capprv Capital - private a-/c-milk Raw milk f-coil Crude oil a-/c-poul Poultry f-omin Natural resource for other a-/c-smlr Small ruminants mining a-/c-oliv Other livestock Institutions hhd-rur Households - rural (current) a-/c-fore Forestry hhd-urb Households - urban a-/c-fish Capture fisheries ent Enterprises a-/c-petr Petroleum products gov Government a-/c-omin Other mining row Rest of the world a-/c-food Food processing Taxes tax-act Tax - activities a-/c-text Textiles - Clothing - Leather tax-va Tax -value added a-/c-wood Wood products tax-imp Tax - imports a-/c-metl Metals and metal products tax-exp Tax -exports a-/c-oman Other manufacturing tax-com Tax - commodity/sales c-ncimp Non-competitive imports tax-dir Tax -income a-/c-elec Electricity, gas and steam Institutions cap-ngov Aggregate non-government (capital) a-/c-watr Water supply and sewage cap-gov Government a-/c-cons Construction cap-row Rest of the world a-/c-trad Wholesale and retail trade cap-fin Financial institution (foreign reserves) a-/c-tran Transportation and storage Investment inv-priv Private a-/c-rest Restaurants - food services - hotels inv-inf Government infrastructure a-/c-comm Information and inv-gov Government other communication dstk Change in inventories (or a-/c-fsrv Finance and insurance stocks) a-/c-real Real estate activities Each sector has an activity and a commodity (output). The a-/c-bsrv Business services commodity c-ncimp (non competitive imports is the only exception. a-c-gov Public administration a-/c-educ Education a-/c-heal Health and social work a-/c-osrv Other services DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 189 Les activités produisent, vendent leur production dans le pays ou à l’étranger et utilisent leurs recettes pour couvrir leurs coûts (d’intrants intermédiaires, d’embauche de facteurs et de charges). Les décisions des activités concernant l’embauche de facteurs, qui déterminent le niveau de production, sont dictées par la maximisation des profits. Les parts exportées et vendues sur le marché intérieur dépendent des prix relatifs de leur production sur les marchés mondial et intérieur. Le modèle SDGSIM comprend trois institutions principales : les ménages, le Gouvernement et le reste du monde. • Les ménages, répartis en zones rurales et urbaines, tirent leurs revenus de facteurs, de transferts du Gouvernement et de transferts du reste du monde. Ces revenus sont utilisés pour les impôts directs, l’épargne et la consommation. La part de l’épargne est exogène ou endogène selon le mécanisme permettant d’atteindre l’équilibre entre l’investissement privé et le financement disponible. Leurs décisions de consommation évoluent en fonction des variations de revenus et de prix. Par construction (et comme l’exigent les contraintes budgétaires des ménages), la valeur de la consommation des ménages est égale à leur revenu net d’impôts directs et d’épargne. • Le Gouvernement tire ses recettes des impôts et des transferts de l’étranger ; et les utilise pour la consommation, les transferts aux ménages et les investissements (en fournissant des stocks de capital utilisés dans la production de services publics), et en recourant à des emprunts nationaux et étrangers pour le financement supplémentaire. Pour rester dans les limites de sa contrainte budgétaire, il ajuste une ou plusieurs parties de ses dépenses sur la base des recettes disponibles ou mobilise des recettes supplémentaires d’un ou plusieurs types afin de financer ses dépenses. • Le reste du monde (qui apparaît dans la balance des paiements) génère des entrées qui peuvent être classées en transferts au Gouvernement et aux ménages, en IDE, en prêts et en paiements d’exportations. Le Niger utilise es entrées pour financer ses importations et ajuster ses réserves de change. La balance des paiements s’apure (les entrées et les sorties sont égalisées) via des ajustements du taux de change réel (par des variations du niveau des prix intérieurs, en modifiant le ratio entre les niveaux des prix internationaux et intérieurs en francs CFA) qui ont lieu lorsque la balance est excédentaire ou déficitaire. Le financement de l’investissement privé est assuré par l’épargne intérieure des ménages (nette des prêts au Gouvernement) et les investissements étrangers. On suppose que les dépenses d’investissement des ménages s’ajusteront en fonction de l’évolution du financement disponible ou que l’épargne des ménages s’ajuste pour financer un niveau d’investissement prédéterminé. Sur les marchés intérieurs des produits de base, la flexibilité des prix assure l’équilibre entre les demandes de production nationale émanant des demandeurs nationaux et les approvisionnements du marché intérieur par les fournisseurs nationaux. La partie de la demande intérieure qui est destinée aux importations est confrontée à des prix mondiaux exogènes –le Niger est considéré comme un petit pays sur les marchés DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 190 mondiaux sans aucune incidence sur les prix à l’importation et à l’exportation auxquels il est confronté. Les demandeurs nationaux décident de la part des importations et de la part des produits intérieurs dans leur demande sur la base des prix relatifs des marchandises provenant de ces deux sources. De même, les fournisseurs nationaux (les activités) décident des parts pour les exportations et les approvisionnements nationaux sur la base des prix relatifs reçus sur ces deux marchés102. Les marchés des facteurs parviennent à un équilibre entre les demandes et les offres par le biais d’ajustements des salaires (ou des rentrées). Pour l’ensemble des facteurs, les courbes de demande de facteurs sont inclinées vers le bas, reflétant les réponses des activités de production aux variations des salaires des facteurs. Du côté de l’offre du marché du travail, le chômage est endogène –le modèle comprend une courbe des salaires (une courbe d’offre) qui suit une pente ascendante jusqu’à ce que le plein emploi soit atteint, auquel cas elle devient verticale (Figure A1.2). Pour les facteurs autres que le travail, les courbes d’offre sont verticales pour chaque année (l’offre est fixe). La discussion ci-dessus explique le fonctionnement de l’économie du modèle sur une seule année. Dans le modèle SDGSIM, la croissance dans le temps est endogène. L’économie se développe en raison de l’accumulation de travail et de capital, et de l’utilisation des ressources naturelles. Pour le travail, les stocks, désagrégés ici par niveau d’enseignement, augmentent au fil du temps en raison de la croissance de la population en âge de travailler et/ou de son taux d’activité. L’amélioration de l’enseignement, qui se traduit ici par une augmentation de la part de la population active pour les personnes plus instruites, augmente la productivité du travail et ses salaires. L’accumulation du capital, répartie entre le secteur privé et les infrastructures, est déterminée par l’investissement et la dépréciation. Concernant les ressources naturelles, les stocks disponibles pour l’utilisation varient au fil du temps en fonction de projections exogènes qui, s’ils s’épuisent, diminuent avec le temps. 102 Une activité de production individuelle ne réagit pas aux variations des prix relatifs des exportations et des ventes intérieures si sa production n'a qu’une seule destination, soit exportée en totalité, soit vendue en totalité sur le marché intérieur. De la même manière, les demandeurs nationaux n’ont pas le choix entre les importations et la production nationale pour les produits de base si une seule source est disponible. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 191 Figure A1. Flux de paiements agrégés dans le modèle SDGSIM Factor domestic wages and rents private savings Households Markets trnsfr+interest private consumption dir taxes lending factor demand trnsfr-interest indir taxes gov cons and inv Government Private interm input demand Investment trnsfr-interest Financing lending Activities lending Domestic FDI Commodity Rest of Markets imports World domestic demand exports foreign wages and rents private investment Figure A2. The labor market in SDGSIM Figure A.2. The labor market in SDGSIM 5 4 3 Wage Wage curve Demand 2 1 0 85 90 95 100 - unemployment rate (% ) DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 192 Dans un module de post-calculation, les informations sur les taux de pauvreté et les coefficients de Gini pour une année initiale, ainsi que l’évolution de la consommation réelle par habitant provenant des simulations sont utilisées pour générer une ou plusieurs enquêtes synthétiques sur les ménages, en supposant une distribution log-normale au sein de chaque groupe de ménages (ici rural et urbain) pour lequel les résultats de la pauvreté sont générés. Les calculs a posteriori sont également utilisés pour extraire l’évolution des stocks de dette nette –l’encours de la dette extérieure des administrations publiques (les données sur la dette extérieure non gouvernementale n’étaient pas disponibles et sont très probablement négligeables) et l’encours de la dette intérieure des administrations publiques envers les non-gouvernementaux– à partir des flux de financement nets issus des résultats de la simulation (pour faciliter la lecture, on parle d’emprunts), et des données exogènes sur les taux d’intérêt et les stocks de dette initiaux103. Annexe B.3 : Description de la base de données du modèle SDGSIM Cette annexe décrit la base de données qui a été construite pour le modèle SDGSIM du Niger. Sa principale composante est une Matrice de Comptabilité Sociale (MCS) –présentée dans la section ci-dessus– complétée par diverses autres données, y compris les élasticités, et les quantités physiques de l’emploi et des stocks de main-d’œuvre (la section ci-dessous). Les informations supplémentaires nécessaires pour définir le cycle de base dynamique et les simulations hors base sont présentées dans le corps du texte. B.3.1 La MCS de 2019 Les principales sources de données étaient la MCS de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) pour 2018, basée sur une version actualisée de la MCS 2015 de l’IFPRI, et des données complémentaires pour 2019 provenant du FMI, de l’ONU et de la Banque mondiale (IFPRI 2020 ; Randriamamonjy et Thurlow 2018 ; FMI 2020 ; UN 2020 ; et Banque mondiale 2020). Les données complémentaires ont été utilisées pour mettre à jour la MCS jusqu’en 2019 et désagréger son traitement des comptes de capital et d’investissement. En termes de procédure, la première étape a consisté à rassembler les données pertinentes dans un fichier Excel, à construire une macro-SAM 2019 à l’intérieur de ce fichier (en s’appuyant principalement sur les données du FMI sur le budget, la balance des paiements et le secteur monétaire), et rendre les données lisibles par GAMS. 103 La procédure suivante a été suivie pour le calcul du financement étranger et de la dette (en devises) : En utilisant les définitions (1) et (2) où et représentent, respectivement, les emprunts, le financement net, la dette en fin d’année, et le taux d’intérêt réel, l’emprunt a été défini en utilisant d’abord (2) pour remplacer dans (1) et réarranger : . En résolvant et (3) . En partant de l’année de référence et en utilisant (3) et (1), il est facile de calculer l’évolution de l’encours de la dette dans le temps. Pour le financement des administrations publiques nationales, on s'est écarté de cette procédure : seule une fraction de est traitée comme un emprunt. Le reste est traité comme un financement du système monétaire, qui ne s’ajoute pas à la dette publique intérieure. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 193 Ensuite, une proto MCS (une MCS « brut » de 2019) a été construite dans GAMS. Comparé à la MCS de l’IFPRI, les principaux changements sont les suivants : (a) la MCS de l’IFPRI a été scindée pour reproduire le PIB de 2019 aux prix d’achat ; (b) les ménages ont été agrégés en ruraux et urbains104; (c) le compte épargne- investissement agrégé de la MCS de l’IFPRI a été remplacé par des comptes de capital institutionnel (divisé en gouvernemental, non gouvernemental, reste du monde et secteur financier), ainsi que des comptes pour l’investissement privé, l’investissement public et la variation de stock (ou d’inventaire) alimentés par des données provenant de la MCS de l’IFPRI et de la MCS macro ; et (d) un programme d’entropie croisée (Robinson et al. 2001) a été appliqué pour générer une matrice équilibrée et reproduisant les informations de la Matrice de comptabilité sociale macro, ainsi que les données de 2019 pour les agrégats sectoriels de la valeur ajoutée, des exportations et des importations. Étant donné que la structure de l’économie en 2018 et 2019 était relativement similaire (à en juger par les données 2019 auxquelles on a eu accès), l’aspect de la mise à jour a été relativement simple. Le seul problème principal était lié au fait que la consommation publique selon les données 2019 du FMI (qui ne couvrent que l’administration centrale) était beaucoup plus faible que pour d’autres sources, qui montrent la consommation des administrations publiques. Ce niveau plus faible de consommation publique était associé à un niveau plus élevé de consommation non publique, reflétant le fait que les données pour le PIB, l’investissement et le commerce de 2019 étaient très proches dans les différentes sources (FMI et autres). Dans la MCS 2018 de l’IFPRI, les valeurs de la consommation des administrations publiques et des ménages étaient cohérentes avec les sources hors FMI. Pour garder relativement intacte la structure globale de la consommation des ménages et des administrations publiques dans la nouvelle MCS tout en s’appuyant sur le riche ensemble de données du FMI pour la mise à jour jusqu’en 2091, il a été décidé d’utiliser les deux sources, en conciliant la différence entre les deux par des ajustements des transferts entre l’État et les institutions nationales non gouvernementales (ménages et entreprises). 104 Alors que la désagrégation plus fine de l’IFPRI –les ménages sont répartis en trois catégories : ruraux agricoles, ruraux non agricoles et urbains, chaque groupe étant ventilé par quintile– peut être pertinente pour certains objectifs tels que l’analyse de statique comparative elle l'est moins dans le contexte de l'analyse dynamique, qui doit tenir compte de l’évolution démographique, elle l’est moins dans le contexte de l’analyse dynamique qui doit prendre en compte l’évolution démographique, les migrations et l’évolution des revenus relatifs des ménages (ce qui invalide les classifications des ménages par quintile). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 194 Annexe B.4 : Résultats de simulation supplémentaires Tableau C.1. Indicateurs macro réels en 2021 et par scénario (% croissance annuelle 2022-2050) 2021 base pop- pop-edu+ ag agman agmanser base-p combi combi-0 combi-fg combi-ef Absorption 8,710.6 5.5 5.4 5.7 5.7 5.7 5.7 5.3 5.9 5.4 6.0 5.9 Consommation 5,281.5 5.3 5.1 5.3 5.5 5.5 5.5 5.0 5.6 5.0 5.7 5.7 - privé Consommation - 1,323.2 6.6 6.5 7.2 6.6 6.6 6.6 6.5 7.3 7.0 7.3 7.0 gouvernement Investissement 1,238.5 5.6 5.5 5.8 5.6 5.6 5.7 5.3 5.9 5.3 6.0 6.0 fixe - privé Fixed investment 867.3 5.1 5.1 5.1 5.3 5.3 5.3 5.1 5.3 5.3 5.3 5.3 - government Exportations 1,004.7 7.6 7.5 7.7 7.7 7.8 7.8 7.5 8.0 7.3 8.0 8.1 Importations 1,816.6 5.8 5.8 6.0 5.9 6.0 6.0 5.6 6.2 5.7 6.3 6.2 PIB au coût des 7,170.6 5.7 5.6 5.9 5.8 5.8 5.9 5.5 6.1 5.6 6.2 6.1 facteurs Emploi total des 4.4 4.4 4.1 4.5 4.5 4.5 4.4 4.2 4.4 4.3 4.3 facteurs (indice) Productivité 1.2 1.2 1.7 1.3 1.3 1.3 1.2 1.9 1.2 1.9 1.9 totale des facteurs (indice) GNI 7,748.6 5.6 5.4 5.7 5.7 5.7 5.7 5.4 6.0 5.4 6.1 6.0 GNDI 8,396.9 5.6 5.5 5.7 5.7 5.7 5.7 5.4 6.0 5.4 6.0 6.0 GNI per capita 0.3 2.1 2.3 2.6 2.3 2.3 2.3 2.0 2.8 2.0 2.9 2.8 GNDI per capita 0.3 2.1 2.3 2.5 2.2 2.3 2.3 2.0 2.8 2.0 2.8 2.8 Taux de change 0.04 0.00 0.09 0.16 0.12 0.13 0.19 0.19 0.01 0.18 0.19 réel (indice) Taux de 20.5 18.7 18.8 19.2 18.4 18.1 17.9 19.5 18.0 20.1 17.6 17.6 chômage (%) Taux de pauvreté 47.5 34.4 32.8 25.9 31.9 31.8 31.6 38.8 22.6 38.8 21.7 21.5 (%) Notes : 1. Sauf indication contraire, la colonne de l'année initiale indique les données en milliards de dinars 2015. 2. Pour les taux de chômage et de pauvreté, les colonnes de l'année de référence et de la simulation indiquent respectivement les taux de l'année de référence et les taux de l'année finale spécifiques à la simulation. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 195 Tableau C.2. Indicateurs macro en 2021 et par scénario en 2050 (FCA France aux valeurs 2015) 2021 base pop- pop- ag agman agmanser base-p combi combi-0 combi- combi- combi-p edu+ fg ef Absorption 8,710.6 41513 40420 43593 42984 43120 43459 39319 46166 40378 47099 46336 44429 Consommation 5,281.5 23479 22629 23750 24719 24782 24948 21924 25632 21502 26316 26318 24476 - privé Consommation - 1,323.2 8362 8291 9927 8391 8410 8432 8241 10103 9524 10158 9386 9961 gouvernement Investissement 1,238.5 6029 5857 6274 5999 6053 6203 5512 6555 5477 6749 6756 6117 fixe - privé Investissement 867.3 3642 3642 3642 3876 3876 3876 3642 3876 3876 3876 3876 3876 fixe - gouvernement Exportations 1,004.7 8310 8115 8630 8735 8772 8863 8113 9353 7795 9363 9539 9160 Importations 1,816.6 9415 9219 9814 9671 9720 9810 8753 10350 9000 10586 10504 9802 PIB au coût des 7,170.6 35575 34550 37454 37141 37260 37567 34207 40074 34514 40698 40222 39047 facteurs Emploi total des 4.4 4.4 4.1 4.5 4.5 4.5 4.4 4.2 4.4 4.3 4.3 4.2 facteurs (indice) Productivité 1.2 1.2 1.7 1.3 1.3 1.3 1.2 1.9 1.2 1.9 1.9 1.8 totale des facteurs (indice) GNI 7,748.6 37151 36081 39193 38663 38807 39169 35608 41876 35971 42611 42067 40666 GNDI 8,396.9 40268 39155 42393 41780 41925 42286 38726 45076 39089 46004 45267 43866 GNI per capita 308.3 566.4 590.2 641.1 632.4 634.7 640.7 582.4 684.9 588.4 697.0 688.1 665.2 GNDI per capita 334.1 613.9 640.4 693.4 683.4 685.7 691.7 633.4 737.3 639.4 752.5 740.4 717.5 Taux de change 0.04 0.00 0.09 0.16 0.12 0.13 0.19 0.19 0.01 0.18 0.19 0.34 réel (indice) Taux de chômage 20.5 18.7 18.8 19.2 18.4 18.1 17.9 19.5 18.0 20.1 17.6 17.6 18.4 (%) Taux de pauvreté 47.5 34.4 32.8 25.9 31.9 31.8 31.6 38.8 22.6 38.8 21.7 21.5 25.8 (%) Notes : 1. Sauf indication contraire, la colonne de l'année initiale affiche les données en milliards de francs CFA 2015 France. 2. Pour les taux de chômage et de pauvreté, les colonnes de l'année de référence et de la simulation indiquent respectivement les taux de l'année de référence et les taux de l'année finale spécifiques à la simulation. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 196 Tableau C.3. Recettes et dépenses publiques en 2021 et par scénario en 2050 (% du PIB nominal) Indicateur 2021 base pop- pop-edu+ ag agman agmanser base-p combi combi-0 combi-fg combi-ef Reçus Impôts directs 3.1 1.5 1.6 1.8 1.5 1.5 1.5 2.0 1.7 2.3 1.6 1.4 Tarifs 2.5 2.7 2.7 2.8 2.7 2.7 2.7 2.6 2.8 2.7 2.8 2.8 d'importation Autres impôts 9.1 5.3 5.6 6.3 5.5 5.5 5.2 6.5 6.0 8.8 5.3 4.8 indirects Transferts privés 8.4 10.7 10.6 11.1 10.7 10.6 10.7 10.1 11.1 10.1 11.3 11.3 Virements 5.9 5.9 6.0 5.8 5.9 5.8 5.8 6.5 5.6 6.3 6.0 5.5 étrangers Financement 0.3 0.5 0.5 0.5 0.5 0.5 0.5 0.6 0.5 0.6 0.5 0.5 intérieur Financement 1.8 1.1 1.1 1.1 1.1 1.1 1.0 1.2 1.0 1.1 1.0 1.0 étranger Total 31.5 28.4 28.9 30.2 28.8 28.6 28.2 30.2 29.6 32.4 29.2 28.2 Dépenses Consommation 16.1 14.9 15.2 16.3 14.9 14.8 14.7 15.6 16.0 17.5 15.8 14.8 Investissement 11.6 9.6 9.9 9.4 10.2 10.1 9.9 10.4 9.5 10.9 9.3 9.4 fixe Transferts privés 3.8 3.9 3.7 4.5 3.6 3.6 3.6 4.1 4.1 4.1 4.1 4.1 Total 31.5 28.4 28.9 30.2 28.8 28.6 28.2 30.2 29.6 32.4 29.2 28.2 Tableau C.4. Balance des paiements en 2021 et par scénario en 2050 (% du PIB nominal) Indicateur 2021 base pop- pop-edu+ ag agman agmanser base-p combi combi-0 combi-fg combi-ef Sorties Importations 25.8 27.2 27.2 28.0 27.9 27.6 27.6 27.5 28.3 27.1 28.4 28.4 Paiements de 2.5 9.9 10.0 9.8 10.4 10.2 10.1 10.6 10.0 10.0 9.7 10.0 facteurs Variation des 0.5 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 réserves de change Total 28.9 37.4 37.5 38.1 38.7 38.1 38.0 38.4 38.6 37.4 38.4 38.7 Entrées Exportations 14.3 23.6 23.5 24.2 24.8 24.5 24.5 23.2 25.3 23.0 24.8 25.5 Transferts privés 3.4 3.1 3.0 3.3 3.1 3.1 3.0 3.4 3.2 3.2 3.1 3.1 Transferts 5.9 5.9 6.0 5.8 5.9 5.8 5.8 6.5 5.6 6.2 6.0 5.5 gouvernementaux Emprunt du 1.8 1.1 1.1 1.1 1.1 1.1 1.0 1.2 1.0 1.1 1.0 1.0 gouvernement IDE 3.5 3.7 3.8 3.7 3.7 3.7 3.6 4.1 3.5 3.9 3.5 3.5 Total 28.9 37.4 37.5 38.1 38.7 38.1 38.0 38.4 38.6 37.4 38.4 38.7 DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 197 Tableau C.5. PIB réel au coût des facteurs par secteur - niveau en 2021 (mds FCFA 2019) et croissance annuelle par scénario 2022-2050 (%) 2021 base pop- pop-edu+ ag agman agmanser base-p combi combi-0 combi-fg combi-ef Secteurs agrégés Agriculture 2,552.9 4.2 4.0 4.2 4.5 4.5 4.5 4.1 4.5 4.0 4.5 4.5 Industrie 1,132.0 6.6 6.6 6.8 6.8 6.8 6.8 6.5 7.0 6.4 7.2 7.1 Exploitation 444.9 7.6 7.6 7.7 7.6 7.6 7.7 7.4 7.7 7.5 7.7 7.8 minière Fabrication 366.4 5.6 5.4 6.0 6.0 6.1 6.1 5.6 6.5 5.4 6.6 6.6 Autre 320.7 6.2 6.1 6.3 6.3 6.3 6.4 6.0 6.6 5.9 6.7 6.7 Prestations de 2,515.0 6.3 6.2 6.7 6.5 6.5 6.5 6.2 6.9 6.3 7.0 6.9 service Privé 1,675.5 6.2 6.1 6.4 6.3 6.3 6.4 6.0 6.7 5.9 6.8 6.8 Gouvernement 839.5 6.6 6.6 7.2 6.7 6.7 6.7 6.6 7.3 7.0 7.3 7.1 Total 6,199.9 5.7 5.6 5.9 5.8 5.8 5.9 5.5 6.1 5.6 6.2 6.1 Table C.6. Sector structure in 2021 and 2050 (%) Valeur ajoutée Production Emploi Exportations Importations Exportation/ Importation/ sortie demande 2021 Agriculture 41.2 27.3 73.8 7.3 1.1 2.8 1.0 Industrie 18.3 30.2 8.3 69.8 66.2 15.4 31.0 Exploitation 7.2 7.4 1.7 24.3 3.4 24.5 19.4 minière Fabrication 5.9 12.0 4.0 45.5 59.8 23.6 49.7 Autre 5.2 12.0 4.0 45.5 59.8 23.6 49.7 Prestations de 40.6 42.5 17.9 23.0 32.8 4.4 10.6 service Privé 32.0 36.4 16.0 21.3 32.4 4.8 12.1 Gouvernement 8.5 6.1 1.9 1.7 0.3 2.2 0.8 Total 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 7.8 16.9 2050 Agriculture 33.9 21.2 63.5 2.4 1.0 1.6 1.0 Industrie 25.6 35.1 12.0 79.3 66.6 23.3 30.7 Exploitation 13.3 11.8 3.9 51.7 4.1 46.1 11.4 minière Fabrication 6.0 11.9 4.5 27.6 59.5 23.1 50.9 Autre 6.2 11.4 3.7 3.0 4.6 Prestations de 40.6 43.6 24.5 18.3 32.5 5.4 10.6 service DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 198 Valeur ajoutée Production Emploi Exportations Importations Exportation/ Importation/ sortie demande Privé 33.5 38.2 21.6 16.6 32.2 5.7 11.9 Gouvernement 7.1 5.4 3.0 1.6 0.3 3.8 0.8 Total 7.1 5.4 3.0 1.6 0.3 3.8 0.8 △ (2050-2021) Agriculture -7.3 -6.1 -10.3 -4.8 -0.1 -1.2 0.0 Industrie 7.3 4.9 3.7 9.5 0.4 7.9 -0.2 Exploitation 6.1 4.4 2.1 27.4 0.8 21.5 1.0 minière Fabrication 0.1 -0.1 0.5 -17.9 -0.3 -0.6 1.2 Autre 1.0 0.6 1.0 0.0 -0.2 Prestations de 0.0 1.2 6.6 -4.7 -0.3 1.1 0.0 service Privé 1.4 1.8 5.6 -4.7 -0.3 0.9 -0.1 Gouvernement -1.4 -0.6 1.0 0.0 -0.1 1.6 0.0 Total 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 3.7 0.4 Annexe B.5 Le scénario de référence est conçu pour fournir un scénario central, de type « business-as-usual », pour l’évolution de l’économie du Niger jusqu’en 2050. Il s’agit d’un scénario sans changement de politique économique et sans apparition de déséquilibres macroéconomiques majeurs. Il fournit un point de référence par rapport auquel les résultats des scénarios hors base sont mesurés. Pour 2020 et 2021, la croissance estimée ou projetée du PIB au coût des facteurs par la Banque mondiale est imposée (Banque mondiale 2021a). Pour la période 2022-2050, le modèle est configuré de telle sorte que, grâce à l’expansion pétrolière anticipée, il génère une expansion de 0,5 point de pourcentage par rapport au taux annuel observé pour la période 2000-2019, soit 5,2 %105. Au-delà du PIB, à partir de 2020, les paiements liés au Gouvernement, à la balance des paiements, à l’épargne et à l’investissement, définis en pourcentage du PIB, sont fixés de manière à garantir la viabilité de l’économie. En outre, il suppose qu’à partir de 2022, la croissance des différents groupes d’âge de la population suit la variante de fécondité moyenne de l’ONU (ONU 2019) qui prévoit que la diminution de l’indice synthétique de fécondité suivra la même tendance linéaire que celle observée depuis 2000, passant de 6,95 naissances vivantes par femme en 2015-2020 à 4,32 en 2045-2050. 105 Techniquement, le scénario de référence a été construit en deux étapes : (1) On a supposé que le secteur pétrolier était stagnant et que la croissance du PIB au coût des facteurs était exogène alors que, dans le même temps, le modèle comporte une variable endogène qui, chaque année, met à l’échelle la PTF dans certaines activités de production de manière à générer le niveau exogène du PIB ; (2) Le scénario a été relancé avec une croissance endogène du PIB, sans échelonnement endogène de la PTF (mais en imposant les résultats de l’échelonnement de l’étape 1), et un secteur pétrolier en expansion (en raison de la progression de l’accès à la ressource naturelle). L’analyse utilise les résultats de l’étape 2, qui est ce que l’on appelle le scénario de référence. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 199 Le niveau de revenu par habitant et l'ampleur de la pauvreté au Niger peuvent changer radicalement en fonction des tendances démographiques futures. Les deux premiers scénarios alternatifs pop- et pop+ ne diffèrent du scénario de référence que pour la trajectoire de la population. Dans le premier scénario, plus favorable (la variante de basse fécondité de l’ONU), la tendance à la réduction de l’indice synthétique de fécondité observée depuis le début des années 2000 s’accélérera, passant à 3,82 naissances vivantes par femme en 2045-2050. En conséquence, le taux moyen de croissance démographique passera de 3,8 en 2020 à 3,1 en 2050. Ce seul fait permettra un certain bénéfice en termes de réduction de la pauvreté et de revenu par habitant, qui augmentera d’environ 4,3 % en 2050 par rapport au scénario de référence. Toutefois, si le rythme de la réduction du taux de fécondité se ralentit de sorte que le nombre de naissances vivantes par femme en sera encore de 4,8 (variante haute de l’ONU), le niveau de revenu par habitant sera sensiblement inférieur, à 573 000 XOF (valeurs 2015). Le premier scénario, pop, traite de la population indépendamment des autres changements. Il suppose qu’à partir de 2022, la croissance des différents groupes d’âge de la population passe de la variante moyenne de l’ONU à la variante de faible fécondité de l’ONU (ONU 2019). En conséquence, en 2050, l’indice synthétique de fécondité tombe à 3,8 et la population totale atteint environ 61 millions d’habitants au lieu de, respectivement, 4,3 et 65 millions, pour la variante moyenne, tandis que le taux de dépendance passe de 78 à 72 %, ce qui crée un dividende démographique potentiel dans la mesure où la main-d’œuvre supplémentaire peut être employée de manière productive. Ce seul fait permettra un certain bénéfice en termes de réduction de la pauvreté et de revenu par habitant, qui augmentera d'environ 4,3 % en 2050 par rapport au scénario de référence. Toutefois, si le rythme de la réduction du taux de fécondité devait ralentir, pop+, de sorte que le nombre de naissances vivantes par femme sera encore de 4,8 (variante haute de l'ONU), le niveau de revenu par habitant sera sensiblement plus bas, à 573 000 XOF (valeurs 2015), alors que la population atteindra 70 millions d’habitants et que le taux de dépendance augmentera pour atteindre 78 % de la population. Un tel changement démographique est susceptible de s’accompagner d’une amélioration des résultats scolaires et du taux d’épargne. En conséquence, le troisième scénario, pop-edu+, combine l’hypothèse démographique du scénario pop avec une augmentation des dépenses publiques en matière d’éducation et une augmentation de la part de la population active ayant achevé des études primaires ou plus. Plus précisément, entre 2021 et 2024, les dépenses publiques d’éducation augmentent progressivement de 3,8 % du PIB à 5,8 %, une part qui se maintient tout au long de la période de simulation106. En ce qui concerne la main-d’œuvre, on suppose que la part des personnes ayant terminé leurs études primaires ou plus commence à croître plus rapidement, tandis que la croissance de la part de ceux qui n’ont pas terminé leurs études primaires ralentit, ce qui fait passer la part de ceux qui ont terminé leurs études primaires ou plus de 11 % en 2021 à 55 % en 2050, par rapport à une part de 39 % pour le scénario de référence en 2050107. Dans le modèle, le gain résultant de cette modification des parts est dû à l’hypothèse suivante que le groupe de travailleurs 106 À en juger par les données de la période 2012-2016 pour tous les pays à faible revenu disposant de données, ce changement dans les dépenses publiques d’éducation ferait passer le Niger d’un niveau inférieur à la moyenne à un niveau intermédiaire entre la moyenne de 4,2 % et un maximum de 7,4 % (Andrews et al. 2019, p. 11). 107 Les variations dans l’éducation de la population active ont été générés à partir des changements simulés dans Goujon et al. (2019, 2020a, 2020b). DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 200 plus instruits a une productivité marginale plus élevée et, par conséquent, reçoit des salaires plus élevés. Enfin, la marge de manœuvre budgétaire nécessaire à cette expansion des dépenses est générée par le biais d’une augmentation des taxes nationales (directes et indirectes, sans compter les taxes commerciales). Enfin, le niveau le plus élevé du PIB sera atteint dans un scénario tel que pop-s+, où le lien épargne- investissement joue à plein. La baisse de la fécondité permet aux ménages d’augmenter la part de leurs recettes qui est épargnée et utilisée pour financer l’investissement domestique. C’est l’élément fondamental par lequel le dividende démographique se matérialise. Dans ce cas, même en gardant inchangées les variables démographiques, le niveau du PIB par habitant s’écarte du scénario de référence. Annexe Tableau 3. Données sélectionnées pour l’analyse démographique (valeurs en 2021 et par scénario en 2050) 2021 Référence pop- pop+ pop-edu+ pop-s+ Taux de pauvreté de la population (%) 47,5 34,4 32,8 37,7 25,9 28,2 PIB par habitant (en FCFA, prix constants 2019) 314 303 616 030 643 069 575 326 693 661 720 871 Épargne des ménages (% du PIB) 12,1 11,9 11,9 12 12 16 Ratio de dépendance (%) 110,3 78 72 84,4 72 72 Population en âge de travailler (% de la 47,6 56,1 58,6 54,2 58,1 58,1 population totale) Source: SDGSIM Annexe B.6 : Ensembles de réformes dans le modèle SDGSIM Un ensemble plus élaboré de scénarios de réformes combine des éléments des simulations du premier ensemble avec des réformes destiné à accroître l’investissement public et teste le rôle de certaines hypothèses sur la marge de manœuvre budgétaire. La première simulation, combi, combine des changements en faveur d’une croissance démographique plus faible, d’une main-d’œuvre mieux formée et de la mise en place d’infrastructures qui augmentent la productivité du plus grand nombre de secteurs. Les autres simulations testent l’impact de différentes hypothèses dans le cadre du scénario combi : (a) combi-0 suppose les mêmes augmentations des dépenses publiques que pour combi, mais sans gains en matière d’éducation ou de productivité – ceci reflète l’impact d’une gouvernance déficiente ; (b) combi-fg suppose qu’au lieu d’une hausse des impôts, le besoin de financement accru de l’État est couvert par des subventions étrangères ; (c) combi-eff introduit une augmentation parallèle de l’efficience de l’État (réduction des dépenses publiques pour l’administration sans aucun impact négatif) suffisante pour créer l’espace budgétaire nécessaire à l’augmentation des dépenses d’éducation et d’infrastructure. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 201 Pour combi et la plupart des autres scénarios, les écarts de croissance sont légèrement plus forts que la somme des effets individuels des deux scénarios « input », pop-edu+ et agmanser, indiquant la présence de synergies108. Les résultats pour combi-0 montrent le coût d’un grave défaut de gouvernance : par exemple, au lieu d’une augmentation de la croissance d’environ 0,4 point de pourcentage, la croissance de l’absorption diminue de 0,1 point. D’un point de vue économique, cela est dû au fait que l’allocation des ressources à la consommation et à l’investissement du Gouvernement sans gain se fait au détriment de la consommation des ménages et de l’investissement privé qui, ensemble, améliorent un plus large éventail de résultats économiques. En termes de la croissance sectorielle du PIB, les modèles des deux scénarios de départ se reflètent dans les résultats de combi (Annexe Figure 20) avec une certaine synergie ajoutée (c’est-à-dire que les gains de croissance sectorielle pour les deux sont légèrement supérieurs à la somme de ceux des scénarios de départ individuels). Enfin, l’Annexe Figure 22 présente les implications de ces niveaux de consommation par habitant des ménages en 2050 pour le dénombrement de la pauvreté. Les trois scénarios les plus performants ramènent la pauvreté à environ 22-23 %, c’est-à-dire en dessous du niveau le plus bas de l’ensemble 1 d’environ 26 %. Annexe Figure 18. Absorption, PIB et croissance du Annexe Figure 19. Croissance de la consommation des commerce par scénario (écart en % par rapport au ménages et de l'investissement privé par scénario scénario de référence) (écart en % par rapport au scénario de référence) 0.60 0.50 0.50 0.40 0.40 0.30 0.30 0.20 0.20 0.10 0.10 0.00 0.00 -0.10 -0.10 -0.20 -0.20 -0.30 -0.30 -0.40 combi combi-0 combi-fg combi-ef combi combi-0 combi-fg combi-ef Absorption Exportations La consommation des ménages Importations PIB au coût des facteurs Investissement privé Source : SDGSIM 108 Par exemple, la somme des écarts de croissance de l'absorption pour les scenarios pop-edu+ et agmanser sont de 0,35 point de pourcentage tandis que les gains pour le scénario combi est de 0,39 point. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 202 Annexe Figure 20. Croissance du PIB par secteur Annexe Figure 21. Consommation des ménages par habitant par scénario (écart en % par rapport au scénario de par année (indice 2021=100) référence) 1.0 220 210 0.8 200 190 0.6 180 170 0.4 160 150 0.2 140 130 0.0 120 110 -0.2 100 90 -0.4 2 02 1 2 02 5 2 02 9 2 03 3 2 03 7 2 04 1 2 04 5 2 04 9 -0.6 base combi combi -0 combi combi-0 combi-fg combi-ef combi -fg combi -ef Agriculture Mining Manufacturing Other industry Private services Government services Source : SDGSIM Annexe Figure 22. Taux de pauvreté par habitant en 2021 et par scénario en 2050 (%) 50 47.5 45 38.8 40 34.4 35 30 25 22.6 21.7 21.5 20 15 10 5 0 2021 base combi combi-0 combi-fg combi-ef Source : SDGSIM DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 203 Chapitre 3 : Annexes C Exemples de financements mixtes – La Société Bonne Viande (BoViMa) de Madagascar. et le « Financing Ghanaian Agriculture Project » (FinGAP) du Ghana109,110 BoViMa, Madagascar : Les trois quarts de la population de Madagascar vivent dans une extrême pauvreté et le secteur de l’agriculture emploient 80 % de la population active. Bien que Madagascar dispose d’excellentes conditions pour la production bovine et caprine, l’insuffisance des services vétérinaires et des infrastructures limite les opportunités économiques et les exportations. Le Gouvernement de Madagascar, avec le soutien de la Banque mondiale, a aidé les éleveurs et les agriculteurs locaux à améliorer leurs revenus en développant les services vétérinaires, en développant de nouvelles infrastructures routières, en s’attaquant aux problèmes de politique et de gouvernance de la chaîne de valeur agricole et en renforçant les capacités techniques correspondantes. La Société financière internationale (SFI/IFC) complète ces activités par un soutien à une entreprise agroalimentaire locale, BoViMa, qui développe le premier programme de parc d’engraissement et d’abattoir moderne à Madagascar. Le Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire (GAFSP), financera d’importants services de conseil pour aider BoViMa à améliorer l’élevage des animaux et à renforcer la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise, tant pour les éleveurs que pour les agriculteurs locaux qui produisent des aliments pour animaux. La SFI et le GAFSP fournissent également un investissement de sept millions de dollars É.-U. en dette subordonnée dans l’entreprise pour rendre le projet viable et attirer d’autres investisseurs. Le financement concessionnel mixte permettra au projet BoViMa de contribuer à soutenir les moyens de subsistance et les activités de plus de 20 000 éleveurs et agriculteurs locaux. Ce projet illustre comment une approche globale impliquant des conseils au Gouvernement et aux fournisseurs, un financement des institutions de développement, un parrainage du secteur privé et un co-investissement concessionnel financé par des donateurs peut contribuer à créer des marchés. Le projet a nécessité des efforts considérables pour être développé, mais il pourrait relancer l’ancien marché d’exportation du pays pour la viande bovine et caprine. Le projet illustre également l’importance des instruments à plus haut risque, tels que les prêts subordonnés, dans les environnements à haut risque. 109 SFI. 2021. “Using Blended Concessional Finance to Invest in Challenging Markets - Economic Considerations, Transparency, Governance, and Lessons of Experience”. Disponible sur le site Internet : https://www.ifc.org/wps/wcm/connect/1decef29-1fe6-43c3-86c7-842d11398859/ IFC-BlendedFinanceReport_Feb+2021_web.pdf?MOD=AJPERES&CVID=ntFHkEh 110 Source : The Smallholder and Agri-SME Finance and Investment Network (SAFIN) / IDB Lab : “Filling a financing gap in Ghana: Blended finance case study”. Disponible sur le site Internet : https://5724c05e-8e16-4a51-a320-65710d75ed23.filesusr.com/ugd/ f6ddfc_8802e17a260a4836a9f33acc8c201bb6.pdf DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 204 FinGAP, Ghana : Un programme innovant mis en œuvre par Palladium et financé par le Gouvernement américain a transformé le marché du financement du secteur de l’agriculture au Ghana en réalignant les incitations pour motiver un changement de comportement parmi les acteurs du secteur privé local. Les incitations ont stimulé les prêts commerciaux aux emprunteurs du « milieu manquant » dans le segment longtemps négligé de l’agriculture qui se concentre sur les cultures de première nécessité que sont le maïs, le riz et le soja. Sur une période de cinq ans (de 2013 à 2018), Palladium a investi cinq millions de dollars É.-U. —sur un programme de 22 millions de dollars É.-U. de l’USAID connu sous le nom de Financing Ghanaian Agriculture Project (FinGAP)— afin de créer des « incitations intelligentes » qui encourageraient les prestataires de services de conseil aux entreprises et les institutions financières à participer à ce secteur. Au terme de cette opération, FinGAP aura débloqué 260 millions de dollars É.-U. de financement et a bénéficié à près de 3000 petites, moyennes et grandes entreprises agroalimentaires, plus de 40 % d’entre elles étant détenues par des femmes. Les incitations, qui comprenaient des subventions ou des sous-contrats, étaient accompagnées d’une formation et d’une assistance technique axées sur la demande, portant sur la manière de prêter aux chaînes d’approvisionnement agricoles et d’atténuer les risques. Palladium Group a également encouragé l’utilisation de financements mixtes au niveau des projets, en recourant à des stratégies telles que le regroupement de financements provenant de plusieurs sources stratégies comme le regroupement de financements provenant de sources multiples, en créant de nouveaux produits financiers et en mettant en place d’instruments d'atténuation des risques tels que des garanties ou des subventions au secteur privé. La combinaison de ces stratégies de financement mixte a permis d’accroître considérablement les prêts agricoles —par les institutions financières locales et internationales— qui se poursuivent aujourd’hui. Plus significatif encore, Palladium Group a contribué à créer un marché où les institutions financières sont désormais en concurrence, en l’absence de financement des donateurs, la position sur le marché du financement agricole. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 205 Annexe C.1 Des opportunités pour l’agriculture commerciale au Niger Plusieurs études montrent que l’agriculture peut être un moteur important de la croissance économique du Niger et une mesure appropriée pour diversifier ses exportations. L’agriculture au Niger est perçue comme ayant un grand potentiel de développement et de contribution à la réduction de la pauvreté qui touche de larges groupes de la population, dont les femmes et les jeunes, dans les zones rurales. Les principales sources de croissance s’observent dans : • De vastes ressources aquifères, qui offrent des possibilités de développer des systèmes agricoles diversifiés et productifs ; • Plusieurs variétés végétales et races animales reconnues pour leur potentiel d’adaptation et de production dans leurs environnements agro-climatiques et pouvant être produites et exportées de manière compétitive ; • Le savoir-faire traditionnel et la bonne expérience des producteurs dans certains domaines de production spécialisés typiques de la région et du paysage, comme la culture de décrue. L’expansion des terres irriguées est clairement l’une des façons les plus prometteuses d’augmenter la production de produits à haute valeur ajoutée. Bien que les trois quarts du Niger soient classés dans la catégorie des déserts hyper-arides, les ressources en eau potentielles globales du pays sont substantielles, estimées à 32 milliards de mètres cubes par an. La plupart de ces ressources sont externes provenant du fleuve Niger et de ses affluents. Toutefois, la plupart de ces ressources n’ont pas été exploitées de manière adéquate. À ce jour, moins de 1 % (2000 ha) des eaux de surface du Niger et moins de 20 % de ses eaux souterraines sont utilisés, et moins de 1 % de la superficie totale cultivée (15 millions d’hectares) est irriguée111. On s’intéresse de plus en plus à l’installation d’équipements d’irrigation à petite échelle qui reposent sur de petites infrastructures de rétention d’eau ou sur le pompage des eaux souterraines, qui pourraient être gérées localement par les communautés au lieu de dépendre des grandes infrastructures de surface112. Le développement de l’irrigation permettrait au Niger d’exploiter son potentiel de production d’une variété de produits agricoles exportables. L’agriculture commerciale, entendue comme une agriculture orientée vers le marché et répondant à la demande locale et internationale, n’en est encore qu’à ses balbutiements quant à de son développement au Niger. Alors que l’agriculture joue un rôle prépondérant dans l’économie locale, et comme source 111 Source : Banque mondiale. Document d’approbation du Projet de plateforme intégrée pour la sécurité hydrique (Niger-IWSP Project). N° P174414. 30 septembre 2021. 112 Voir : Stratégie nationale pour le développement de l’irrigation à petite échelle (SPIN). Mars 2015. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 206 d’alimentation et d’emploi, la plupart des exploitations agricoles sont des unités de petite ou très petite taille avec de faibles niveaux de productivité. La majeure partie de la production est destinée à l’autoconsommation des agriculteurs et il ne reste que de faibles excédents pour la vente. À l’exception du riz, les rendements moyens à l’hectare des produits agricoles tels que le mil, le sorgho et l’arachide sont bien inférieurs à la moyenne sahélienne, et encore bien plus faibles à ceux obtenus, par exemple, par l’Égypte. Comme la majeure partie de la production utilise également peu ou pas d’intrants externes, l’agriculture est, de fait, peu intégrée aux marchés. En 2019113, le secteur agroalimentaire était fortement atomisé, avec d’un côté très peu d’entreprises de taille moyenne et d’installations modernes, et de l’autre un très grand nombre d’exploitations agricoles et de microentreprises informelles. L'inventaire comprend un petit nombre d'entreprises de la chaîne de valeur formelle114, plusieurs organisations de producteurs115, un nombre inconnu d’entreprises fournissant des services de soutien aux agriculteurs et aux petites et moyennes entreprises (PME) du secteur agroalimentaire opérant dans les zones urbaines, et un très grand nombre de petites exploitations agricoles d’une superficie moyenne de 0,5 hectare. Les performances du secteur agricole sont très variables en raison d’une forte exposition aux risques agronomiques, climatiques et sécuritaires avec peu de mesures d’atténuation, en particulier pour les chocs climatiques fréquents, notamment la sécheresse, qui provoquent une insécurité alimentaire chronique. De plus, l’instabilité persistante dans la région du Sahel, les forces perturbatrices du changement climatique et la pandémie actuelle de COVID-19 compliquent la poursuite d’une stratégie de développement à long terme, et constituent des goulets d’étranglement essentiels et des sources supplémentaires de fragilité. La dégradation de l’environnement, les inondations importantes, la surexploitation des terres, l’érosion des sols et la désertification représentent les principaux risques liés à l’utilisation des terres, aggravés par une faible dynamique d’atténuation et d’adaptation. L’exposition à ces risques est accentuée par le très faible niveau d’investissement en capital dans le secteur, et le manque de ressources pour appliquer la technologie afin d’améliorer la productivité et la résilience face aux perturbations des cycles de production. Les principaux défis pour le développement d’une agrobusiness commerciale productive sont : (i) l’accès limité aux marchés en raison du manque d’informations sur les marchés, de la faiblesse des infrastructures de transport et de l’absence de relations commerciales ; (ii) le manque d’accès au financement qui se traduit par le manque d’accès à des équipements modernes, au stockage, à la transformation et à la logistique ; et (iii) le faible accès à l’énergie. Les agriculteurs recherchent souvent un soutien pour acquérir des équipements modernes, recevoir une formation sur les techniques permettant d’améliorer la productivité agricole, et améliorer le contrôle et le suivi de leur production. 113 Source : Banque mondiale. 2019. Document d’approbation de « Agricultural and livestock transformation project ». 114 Neuf entreprises de taille moyenne opérant dans l’agriculture commerciale, le commerce des oignons, des produits horticoles, de la volaille et la transformation du blé et des produits laitiers, 4 grands abattoirs dont l’un est privé, un grand transformateur laitier, « Niger Lait », et un petit nombre d’opérateurs laitiers semi-modernes. 115 Il y a environ 8500 coopératives agricoles qui vendent l’excédent de leur production sur le marché et ont commencé plus récemment à s’impliquer dans la transformation, ainsi que 50 associations de femmes impliquées dans le broyage et la transformation des fruits, des céréales et des produits laitiers. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 207 Chapitre 4 : Annexe D Annexe Tableau 4. Résumé des hypothèses de référence pour le Niger (LTGM-NR). (Conditions initiales, paramètres principaux et variables exogènes sélectionnés) A. Paramètres Valeur Source C. Trajectoire des variables exogènes, 2021-2050 principaux Prix du pétrole US$60/barrel WB-CMO Part du travail 52 % du PIB non R PWT 10 Investissement : Rentes de 45 % du PIB pétrolier GTAP ressources Privé 30 %→15 % PIB IMF-FAD Part du 40 % du PIB pétrolier IMF-WCE Public 15 %→10 % PIB IMF-FAD gouvernement Productivité : B. Conditions Valeur Source PTF non pétrolière 1 % croissance PWT 10 initiales Capital humain 0,5 % croissance PWT 10 PIB par habitant 563 $É.-U. (réel 2010) UN-WDI Démographie : 2021→2050 Non-pétrolier 98 % du PIB NER-SNA Croissance de la 4 %→3 % UN-ILO Pétrolier 2 % du PIB NER-SNA population Ratio capital/PIB 4 PWT 10 Population en âge 48 %→55 % UN-ILO Hors énergie 3,9 Eq. MPK de travailler Pétrolier 0,1 Eq. MPK Taux de 74 % constant WB-WDI participation Réserves 2Mds de barils BP-En- pétrolières ergy DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 208 Annexe Tableau 5. Résumé des simulations de croissance (LTGM-NR) Taux de croissance moyen, en pourcentage Indice (2010=100) 2026-50 2026-29 2030s 2040s 2020 2030 2030 I. Produit intérieur brut par habitant Taux de croissance de référence, en %. 1,4 % 0,5 % 1% 2% 100 127 173 Croissance différentielle par rapport au niveau de référence, p.p. : Prix élevé du pétrole (70 $) : Réponse modérée ~0 +0,1 +0,1 ~0 128 175 Réponse forte +0,1 +0,1 +0,1 ~0 128 177 Part élevée du Gouvernement dans les +0,2 +0,4 +0,3 ~0 130 182 revenus pétroliers Faible prix du pétrole (40 $) : Réponse modérée -0,1 -0,1 -0,2 ~0 126 170 Réponse forte -0,2 -0,2 -0,3 ~0 126 167 II. Revenu intérieur brut par habitant Taux de croissance de référence, en %. 1,5 % 0,6 % 1,2 % 2,1 % 100 124 173 Croissance différentielle par rapport au niveau de référence, p.p. : Prix élevé du pétrole (70 $) : Réponse modérée +0,1 +0,4 ~0 ~0 126 175 Réponse forte +0,1 +0,5 +0,1 -0,1 126 177 Part élevée du Gouvernement dans les +0,2 +0,8 +0,3 -0,1 128 183 revenus pétroliers Faible prix du pétrole (40 $) : Réponse modérée -0,1 -0,8 ~0 +0,1 119 168 Réponse forte -0,2 -0,9 -0,1 +0,1 118 166 DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 209 Annexe Figure 23 : Recettes des ressources des administrations publiques, en pourcentage des recettes totales, moyenne sur 2000-2016* (Afrique subsaharienne en bleu) Source : Données sur les recettes des ressources naturelles provenant de UN-WIDER et données sur les recettes totales provenant du FMI-WEO. Note : *Les données pour le Niger vont de 2000 à 2013 DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 210 Annexe D.1 : Littérature sur les institutions et la « malédiction des ressources naturelles » Il existe une abondante littérature dans les disciplines de l’économie et de la politique qui étudie le paradoxe de nombreux pays en développement riches en ressources naturelles qui ne parviennent pas à utiliser ces dernières comme catalyseur de la croissance et du développement, un phénomène connu sous le nom de « malédiction des ressources ». Les premières explications économiques de la « malédiction des ressources » se concentraient sur le ‘syndrome hollandais’, selon lequel un afflux des ressources naturelles entraîne l’appréciation du taux de change réel d’un pays et le déplacement de la main-d’œuvre et du capital vers l’industrie manufacturière, un secteur propice à la croissance à long terme. Cela a pour effet d’évincer la production de biens commerciaux favorisant la croissance, ce qui conduit à une stagnation économique. De nombreuses théories ultérieures mettent davantage l’accent sur des analyses institutionnelles pour expliquer les résultats médiocres du développement. Certaines, comme Easterly et Levine (2003), affirment que le seul canal par lequel les ressources naturelles (RN) influencent le développement économique est leur impact sur les institutions. Différents auteurs citent différents modes de transmission, et la chaîne de causalité est d’ailleurs controversée –les dotations naturelles affectent-elles le type d’institutions qui se développent, ce qui a ensuite un impact sur le développement au sens large, ou bien les institutions façonnent-elles l’impact des ressources naturelles sur le développement ? Un courant de la littérature sur les institutions, les ressources et la ‘malédiction des ressources’ soutient que les dotations en ressources naturelles influencent le type de régime, en particulier en conduisant au développement de régimes non démocratiques. En termes simples, les ressources naturelles génèrent des rentes importantes qui altèrent le contrat fiscal entre un Gouvernement et ses habitants. Un tel État est donc fiscalement autonome, ce qui signifie qu’il n’est pas tenu de rendre des comptes, lorsqu’il dépend des recettes fiscales pour les ressources budgétaires, ce qui conduit à une mauvaise gouvernance. Le type de ressources naturelles - ponctuelles ou diffuses - est également important pour déterminer les résultats de la gouvernance. associée à la dépendance des recettes fiscales pour les ressources budgétaires, ce qui entraîne une mauvaise gouvernance. Le type de ressources naturelles –concentrées ou diffuses– joue également un rôle dans la détermination des résultats de la gouvernance. Les ressources ponctuelles, qui sont concentrées géographiquement et regroupent les minéraux, le pétrole et les cultures de plantation, sont associées à une qualité institutionnelle plus faible et donc à des résultats économiques et politiques moins bons. Des auteurs ont trouvé un lien positif entre les rentes pétrolières en particulier et la corruption (Mehlum et al., 2006 ; Arezki et Bruckner, 2009). Les ressources diffuses, quant à elles, sont celles qui sont dispersées sur une zone géographique et une base économique plus larges (comme l’agriculture vivrière), les rendant moins susceptibles d’appropriation. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 211 L’état des institutions du pays au moment de la découverte des ressources naturelles (RN) est également crucial ; lorsque les institutions sont faibles, l’impact des ressources naturelles est susceptible d’être négatif (Arezki et Van der Ploeg, 2010). Annexe D.2 : Littérature sur les ressources naturelles et les conflits La littérature sur les effets singuliers que les ressources naturelles ont sur les conflits est vaste. Elle s’inspire de la littérature plus large sur les causes de la guerre, qui met en évidence deux mécanismes : le grief et l’avidité. Le premier mécanisme estime que les conflits naissent de griefs liés aux disparités socio-économiques, aux droits politiques limités, au manque d’accès aux bénéfices des ressources naturelles, tout en supportant leurs coûts environnementaux, ainsi que des divisions plus marquées découlant de la fragmentation ethnique et de la diversité religieuse (Ross, 2001 et Regan, 2003). Le mécanisme d’avidité, quant à lui, est motivé par des incitations économiques –les rentes obtenues par le contrôle des sites de ressources naturelles ou l’extorsion des extracteurs de ressources naturelles peuvent être utilisées pour financer le recrutement de rebelles et d’autres coûts de démarrage de la guerre. Cette conclusion est tirée d’une analyse transnationale des guerres civiles dans 161 pays depuis 1961, dans laquelle les auteurs, Collier et Hoeffler (2000), constatent que l’ampleur des exportations de produits primaires est le facteur le plus important pour déterminer le risque de conflit. Le lien entre les rentes de RN et le financement des coûts de démarrage de la guerre est contesté. D'autres auteurs, comme Fearon (2005), soutiennent que cette relation est faible et que s'il existe effectivement un lien entre les produits primaires et les conflits, c'est en raison de l'inclusion des exportations de carburant dans les données sur les produits primaires. Ceci est lié à sa conclusion selon laquelle le pétrole est en particulier associé à un risque accru de conflit. Un mécanisme différent est également proposé. Contrairement à Collier et Hoeffler (2000) qui suggèrent que les rentes des RN augmentent le risque de conflit en raison de la facilité de financement pour faire face aux coûts de démarrage d’une guerre, Fearon (2005) soutient que le risque est dû à la faiblesse de l’appareil étatique des exportateurs de pétrole compte tenu de leur revenu par habitant. Cela s’explique par le fait que l’accès facile à des recettes importantes réduit les incitations au développement de la bureaucratie et à l’approfondissement de l’appareil administratif de l’État, comme ce serait le cas dans les pays non exportateurs de pétrole. Ross (2004) constate également qu’il existe peu de preuves que les rentes des RN soient utilisées comme source de financement par les groupes rebelles émergents. Il trouve toutefois des preuves de l’existence d'un « mécanisme séparatiste » dans lequel les griefs liés à l’allocation des rentes des RN sont à l’origine des mouvements séparatistes. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 212 Blair, Christensen et Rudkin (2021), quant à eux, constatent que les ressources naturelles en général n’affectent pas la probabilité d’un conflit. Toutefois, lorsque les résultats sont ventilés par type de produit, des distinctions importantes apparaissent. Notamment, les augmentations de prix des produits agricoles réduisent la probabilité d’un conflit armé, alors que les augmentations des prix du pétrole et du gaz et des minéraux pillables tels que les diamants alluviaux et l’or, accroissent la probabilité de conflit. À ce titre, ce sont les variations de prix des produits de base et non l’abondance des RN elle-même qui déterminent l’issue des conflits. En plus d’influencer la probabilité du déclenchement d’un conflit, les RN peuvent également jouer un rôle dans l'intensité et la nature du conflit. Les ressources naturelles peuvent réduire l’intensité du conflit lorsqu’aucun belligérant ne peut s’assurer des droits exclusifs sur la ressource naturelle elle-même (Ballantine, 2003 ; Ross, 2004 ; Le Billion, 2001). L’emplacement géographique des ressources naturelles (près des centres de pouvoir comme la capitale, ou dans des régions plus éloignées) et la nature de la ressource elle-même (diffuse ou concentrée) peuvent également influencer la nature du conflit qui émerge (par exemple, le despotisme de guerre, les émeutes, les mouvements sécessionnistes ou un contrôle étatique violent). Le type de base de ressources auquel un groupe armé a accès détermine les caractéristiques de ses membres, leurs stratégies et leur organisation interne, et la manière dont ils utilisent la violence (Weinstein, 2005, 2007). Les richesses en ressources naturelles sont susceptibles d’attirer des rebelles opportunistes motivés par des gains à court terme et sont donc plus difficiles à organiser, avec de plus mauvais résultats tant pour la population civile (par exemple par le recours à la violence aveugle), que pour le groupe armé lui-même (en raison du manque de discipline ou de structure), contrairement aux rebelles motivés par des intérêts à long terme. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 213 Chapitre 5 : Annexe E Annexe E.1 : Acteurs impliqués dans le domaine de la gestion du risque de catastrophe 1. La Plateforme nationale pour la Prévention et la Réduction des Risques de Catastrophes Naturelles (PFN/PRRC) est un comité consultatif multisectoriel créé en 2012116 qui vise à promouvoir la réduction des risques de catastrophes (RRC) à différents niveaux. La Plateforme nationale est restée longtemps en léthargie en raison de la non finalisation de son plan d’action, de l’inadéquation de certaines de ses missions qui sont plus opérationnelles que consultatives, et du manque de ressources pour sa fonctionnalité. La plate-forme est dirigée par le Cabinet du Premier Ministre et le Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de la Décentralisation et des Affaires Coutumières et Religieuses (MI/SP/D/ACR) qui en assure la vice-présidence, à travers la Direction Générale de la Protection Civile (DGPC). La Cellule de Coordination du Système d’alerte précoce (CC/SAP) assurait la fonction de Secrétariat permanent. Cette fonction est désormais transférée au Ministère de l’Action Humanitaire et de la Gestion des Catastrophes (MAH/GC)117. La mission principale de la plateforme est la définition d’un cadre national de GRC, qui comprend des politiques et des programmes, connu sous le nom de Plan National de Prévention et de Réduction des Risques de Catastrophes Naturelles (PFN-PRRC). Elle est également responsable de la coordination et de l’harmonisation des activités de l’ensemble des acteurs impliqués dans les processus de RRC. La PFN-RRC est également composée de représentations régionales et prévoit l’installation de représentations au niveau départemental et municipal. 2. Le Ministère de l’action humanitaire et de la gestion des catastrophes (MAH/GC). La création du MAH/ GC en 2016 résulte d’une volonté politique forte de prévenir et de gérer le changement climatique, les catastrophes et les crises humanitaires, et d’améliorer la capacité d’adaptation des ménages et des communautés. La mission de ce ministère a été récemment recentrée en termes de rôles stratégiques et opérationnels dans le domaine de l’action humanitaire et de la gestion des risques, à travers trois programmes importants destinés à (i) renforcer le cadre institutionnel et la coordination des interventions humanitaires et de la gestion des catastrophes ; (ii) améliorer l’efficacité du système et les réponses aux urgences humanitaires ; et (iii) renforcer les mécanismes de prévention, d’alerte aux catastrophes et de transfert des risques. Pour mettre en œuvre son mandat, le MAH/GC s’appuie sur une administration centrale comprenant quatre directions techniques et six directions d’appui. Il dispose également des outils pertinents du Dispositif national de prévention et de gestion des crises alimentaires, pastorales et nutritionnelles (DNPGCCA). Le récent décret publié pour organiser le MAH/GC aborde certains des chevauchements de responsabilités rencontrés par le passé avec certaines structures actives dans le domaine de la GRC, telles que la DNPGCCA et la DGPC. C’est justement dans ce contexte que la responsabilité du Secrétariat permanent du PFN-RRC a été récemment transférée au MAH/GC. 116 Arrêté n°0030/PM du 9 février 2012. 117 Conseil des ministres, Projet de Décret 2021-319/PM, du 17 juin 2021, portant organisation du Ministère de l’Action Humanitaire et de la Gestion des Catastrophes. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 214 3. L’initiative 3N « Les Nigeriens Nourrissent les Nigeriens » (i3N) créée en 2012 découle d’une volonté politique forte de lutter contre la faim et la pauvreté. Il s’agit d’une initiative intersectorielle à grande échelle, dirigée par le Cabinet du président, destinée à accroître la productivité du bétail, de l’agriculture et des forêts, tout en augmentant la résilience des agriculteurs et des éleveurs face au changement climatique et à l’insécurité alimentaire. L’initiative 3N repose sur cinq axes stratégiques118, dont l’axe 3 qui a pour objectif d’améliorer la résilience des populations face aux changements climatiques, crises et catastrophes, et permettra (i) d’améliorer l’efficacité des mécanismes d’anticipation et de coordination des interventions en situation d’urgence ; (ii) de contribuer à apporter des réponses appropriées et adaptées dans les situations d’urgence ; et (iii) de promouvoir et renforcer les mécanismes de gestion des risques en fournissant des solutions appropriées en fonction des types de risques auxquels font face les producteurs, les ménages et les communautés. 4. Le Dispositif national de prévention et de gestion de catastrophes et des crises alimentaires et nutritionnelles (DNPGCCA) a été mis en place il y a près de trois décennies et est dirigé par le Cabinet du Premier Ministre. Il a été créé pour garantir la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages vulnérables du pays par la prévention, l’alerte rapide et la gestion efficace des catastrophes et des crises alimentaires. Il a fait l’objet de plusieurs changements, dont celui de décembre 2016, qui l’a réduit à un outil de gestion des crises alimentaires, pastorales et nutritionnelles. D’autres changements ont également permis de dynamiser l’élaboration de dispositifs et d’orientations stratégiques pour renforcer les systèmes d’alerte précoce pour mieux prévenir et répondre aux menaces et aux urgences. Le DNPGCCA est composée d’un Secrétariat Permanent, d’une Cellule de Coordination du Système d’Alerte Précoce (SAP) (CC/SAP)119, d’une Cellule de Crises Alimentaires (CCA) et d’une Cellule de Protection Sociale (CFS). Il s’appuie sur des cadres de concertation État-donateur, des groupes de travail interdisciplinaires et d’autres structures techniques opérationnelles au niveau décentralisé. Depuis 2017, Le SAP est soutenu par l’assistance technique pour la modernisation des services d’alerte précoce au Niger (CREWS) de la Banque mondiale et de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) afin de renforcer les capacités des services d’alerte précoce liées aux événements hydrométéorologiques. 5. Le Conseil national de l’environnement pour un développement durable (CNEDD) a été créé en 1996120. Placé sous la tutelle du Cabinet du Premier Ministre, le CNEDD est composé de représentants de l’État (1/3) et de la société civile (2/3) et est chargé de la coordination et du suivi de la politique nationale de l’environnement et du développement durable, notamment la mise en œuvre du Plan national de l’environnemental pour un développement durable (PNEDD). Il soutient l’intégration des considérations relatives au changement climatique dans les politiques, les stratégies et les programmes de développement nationaux. 118 Initiative 3N | Mission. 119 Il a été créé par le décret n° 89/003/PM du 23 septembre 1989 et modifié par le décret n° 95-081/PM du 31 mai 1995, puis par l’arrêté n° 0070/PM du 3 septembre 2002, et modifié par l’arrêté n° 0012/PM du 19 janvier 2012 120 Il a été créé par le décret n° 96-004/PM du 9 janvier 1996 ; modifié et complété par les décrets n° 2000-272/PRN/PM du 4 août 2000 et 2011-57/PCSRD/PM du 27 janvier 2011. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 215 6. La Direction Générale de la Protection Civile (DGPC) fait partie du Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de la Décentralisation et des Affaires Coutumières et Religieuses (MI/SP/D/ACR). La DGPC supervise diverses fonctions de gestion de risque des catastrophes (GRC), notamment l’élaboration de mesures et d’outils de préparation et d’intervention en cas d’urgence. Elle participe également à l’élaboration de stratégies et de politiques nationales de GRC, y compris les stratégies de rétablissement post-catastrophe. La DGPC assure également la coordination avec les acteurs nationaux et internationaux, notamment les institutions gouvernementales, les organisations internationales et les ONG. Elle est également chargée de la coordination opérationnelle en réponse aux événements néfastes, notamment les inondations, les incendies, les catastrophes industrielles et technologiques, et évalue les impacts humanitaires et les besoins d’assistance aux populations touchées. La DGPC coordonne également avec les secteurs affectés l’évaluation des dommages, des pertes et des besoins de récupération et de reconstruction. Elle est composée d’une direction générale, de directions territoriales agissant aux niveaux régional et municipal, d’un centre de crise opérationnel activé au niveau national et territorial ; quatre directions techniques couvrant les fonctions de préparation aux situations d’urgence et de gestion des catastrophes ; et enfin une direction administrative. 7. La Direction Générale des Ressources en Eau (DGRE/DHL) du Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement (MAH), fournit des services d’information hydrologique sur une base décennale et mensuelle, à partir d’un réseau de stations hydrologiques automatiques. La DGRE diffuse également des alertes précoces et des bulletins hydrologiques. Des notes d’information spéciales sont également élaborées en cas de situations hydrologiques particulières. Depuis décembre 2017, la DGRE teste le modèle de Système local d’alerte précoce contre les inondations de la rivière Sirba (SLAPIS) afin de développer un système d’alerte précoce opérationnel dans le bassin versant de la Sirba. La Direction ne développe pas de prévisions saisonnières mais participe activement au forum Seasonal Climate Prediction in Africa Sudan- Sahelian Countries (PRESASS), co-organisé par le Centre africain pour l’application de la météorologie au développement (ACMAD), AGRHYMET et d’autres partenaires. Le logiciel Climate Predictability Tool (CPT) est utilisé pour produire des prévisions saisonnières et des projections sur le changement climatique. 8. La Direction de la météorologie nationale (DMN) sous tutelle du Ministère des transports, créée en 1962121. La mission du DMN est de (i) collecter, traiter, valider, stocker et sécuriser les données météorologiques, climatologiques et agrométéorologiques ; (ii) élaborer et diffuser les prévisions météorologiques (y compris les prévisions saisonnières) pour les besoins des utilisateurs de l’ensemble des secteurs de développement (agriculture, élevage, ressources en eau, sylviculture, protection civile, énergie, transport, santé, faune, pêche, commerce, industrie, tourisme, travaux publics, etc.) ; et (iii) fournir les données nécessaires à l'élaboration des alertes sur les événements néfastes pour le climat, y compris les précipitations, les températures extrêmes et les conditions de sécheresse qui peuvent causer des dommages aux individus et à leurs biens. Comme les autres services météorologiques nationaux de la sous-région, la DMN participe au forum PRESASS. 121 Décret n° 62-056/MTP du 1er mars 1962. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 216 9. Instances territoriales : Régions et municipalités. Les municipalités sont responsables (i) de l’élaboration des plans de préparation et de réponses au niveau local ; (ii) de la diffusion des alertes dans le cadre du Système d’alerte précoce ; et (iii) de la sensibilisation et de la diffusion des informations avec la population locale. Les Régions et les municipalités sont également responsables de l’instauration de leurs propres plans de développement qui prennent en compte de manière intégrée les aspects liés au changement climatique et à la fragilité. Ces plans de développement couvrent une période de quatre ans et sont subdivisés chaque année en plans d’investissement (PIA) d’où découle leur budget annuel. Le Gouvernement du Niger a récemment commencé à soutenir ces entités pour qu’elles intègrent le financement d’activités liées au Système d’alerte précoce, à la réduction des risques et aux interventions d’urgence au sein de leur budget local. Toutefois, les capacités techniques en matière de GRC et de planification résiliente au niveau local restent faibles, et aucun financement spécifique et fiable n’est pour l’instant affecté aux fonctions de GRC. 10. Le Centre Régional AGRHYMET (CRA) est une institution spécialisée du Comité permanent Inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS). Les 13 pays-membres sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cabo Verde, la Côte d’Ivoire, la Gambie, la Guinée, la Guinée Bissau, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo. Créé en 1974, le Centre Régional AGRHYMET a un statut international et son siège est situé à Niamey au Niger. Les principaux objectifs d’AGRHYMET sont (i) de contribuer à la sécurité alimentaire et à l’augmentation de la production agricole dans les pays membres du CILSS et de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ; et (ii) d’aider à améliorer la gestion des ressources naturelles du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest. 11. Le Centre Africain des Applications de la Météorologie pour le Développement (ACMAD) a pour mission de fournir des informations météorologiques et climatiques et de promouvoir le développement durable de l’Afrique (notamment dans le cadre des stratégies nationales d’éradication de la pauvreté) dans les domaines de l’agriculture, des ressources en eau, de la santé, de la sécurité civile et des énergies renouvelables. L’ACMAD accomplit sa mission en renforçant les capacités des 53 Services météorologiques nationaux (SMN) de ses États membres en matière de prévisions météorologiques, de surveillance du climat (y compris les événements extrêmes), de transfert de technologie (télécommunications, informatique et communication rurale) et de recherche. En outre, l’ACMAD encourage les SMN à préparer des plans de développement stratégique qui intègrent les nouvelles initiatives africaines (le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique - NEPAD, et autres initiatives d’intégration régionale) et les conditions socio-économiques liées à l’évolution de l’environnement mondial (conventions post-Rio, protocole de Kyoto). 12. Les agences de l’ONU, par le biais de son équipe humanitaire-pays (EHP/HCT) et de ses groupes de travail, dont un pour le relèvement précoce, fournissent un soutien technique et financier au Gouvernement du Niger et aux autres ONG dans la mise en œuvre de la prévention et de la gestion des catastrophes. DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 217 13. Les organisations de la société civile (OSC), telles que la Croix-Rouge nigérienne, des ONG nationales et internationales et des organisations communautaires (OC) font également partie des processus de RRC et de GRC. Annexe E.2 : Programmes et actions liés à la GRC identifiés 100 Gestion et administration du Cabinet du Premier ministre 10003 Gestion d’un centre de santé spécial 103 Appui à la mise en œuvre des programmes sectoriels 10302 Suivi des accords environnementaux multilatéraux (AEM) 10310 Appui à la réduction de la vulnérabilité des crises alimentaires et nutritionnelles (dispositif DNPGCA) 106 Coordination de programmes spécifiques avec les partenaires techniques et financiers (PTF) 10605 Construction du barrage de Kandadji 172 Coordination des interventions/réponses humanitaires et de gestion des catastrophes 17201 Coordination, suivi et évaluation des activités d’action humanitaire et de gestion des catastrophes 17202 Mise en place et création de structures destinées à l’aide humanitaire et à la gestion des catastrophes 17203 Renforcement du plaidoyer pour une meilleure mobilisation des partenaires nationaux et des compagnies d’assurance 17204 Coordination des réponses au niveau national en relation avec les ministères et structures concernés 17205 Élaboration de politiques et de stratégies d’action humanitaire et de gestion des catastrophes ainsi que de leurs plans d’action 17206 Développement et mise en œuvre de plans de communication sur l’action humanitaire et la prévention des désastres 17207 Sensibilisation des acteurs sur l’interdiction de construire dans les zones inondables et inconstructibles 17208 Mise à disposition d’outils d’information et de sensibilisation sur l’action humanitaire et la gestion des catastrophes. 17209 Capitalisation des acquis et des bonnes pratiques en matière d’action humanitaire et de gestion des catastrophes. 17210 Renforcement des capacités techniques, opérationnelles et infrastructurelles du Ministère. 173 Amélioration de l’efficacité du système et des réponses apportées avant les urgences humanitaires 17301 Internalisation et suivi du plan unique de réponse humanitaire 17302 Création d'une base de données sur les urgences humanitaires et les désastres 17303 Suivi et évaluation de la gestion des camps de réfugiés et de personnes déplacées sur le territoire national DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 218 17304 Mobilisation et sensibilisation des individus en détresse pour les secours d’urgence 17305 Organisation et fourniture de réponses d’urgence dans les situations de post-crise 17306 Mise en place et opérationnalisation des outils de secours humanitaire d’urgence 174 Renforcement des mécanismes de prévention, d’alerte aux catastrophes et de transfert des risques 17401 Renforcement des capacités du MAH/GC et des structures régionales et locales en matière de réduc- tion des risques de catastrophe 17402 Promotion de la réduction des risques de catastrophes 17403 Diffusion des connaissances pour une meilleure gouvernance des risques de catastrophes 17404 Mise en place et opérationnalisation d’instruments financiers pour le transfert des risques 175 Soutien au rétablissement rapide et renforcement de la résilience des communautés touchées par des crises 17501 Appui au rétablissement rapide des populations touchées par des crises dues à des catastrophes naturelles 17502 Promotion et renforcement des capacités en matière d’innovations technologiques 179 Planification et modernisation des villes 17904 Construction et réhabilitation des infrastructures urbaines 180 Amélioration de la qualité de vie des citoyens 18002 Mise à jour et harmonisation du cadre réglementaire et institutionnel de l’assainissement et de l’aménagement paysager 18005 Renforcement du système d’évacuation des eaux 189 Réduction des effets néfastes de la variabilité et du changement climatique 18904 Renforcement des capacités du personnel et des autres acteurs 207 Pilotage et administration de la politique environnementale 20701 Ressources humaines et gestion des carrières 20702 Gestion financière et matérielle 20703 Coordination et communication 208 Gestion durable des terres et des eaux 20801 Récupération des sols dégradés 209 Environnement et amélioration du cadre de vie 20901 Diffusion d’outils d'adaptation et d’atténuation au changement climatique 20902 Amélioration du cadre de vie 20903 Fonctionnement du programme DES TRAJECTOIRES POUR UNE CROISSANCE DURABLE AU NIGER 219 Annexe F Références (par chapitre) Chapitre 1 Chenery, H., 1982. 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