Etude sur le mesure des niveaux de vie Document de travail No 122 Comparaisons de la Pauvreté Concepts et mnéthodes Martin Ravallion 5~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~k 15 Comparaisons de la Pauvreté Concepts et méthodes Etude sur la mesure des niveaux de vie L'Etude sur la mesure des niveaux de vie (LSMS) a été créée par la Banque mondiale en 1980 pour examiner les moyens d'améliorer la nature et la qualité des données sur les ménages recueillies par les bureaux de statistiques des pays du tiers monde. Son objectif est de promouvoir une utilisation accrue des données relatives aux ménages pour servir de base à la prise de décisions de politique générale. Spécifiquement, la LSMS s'efforce de mettre au point de nouvelles méthodes qui permettent de suivre les progrès réalisés pour améliorer les niveaux de vie, identifier les répercussions que les mesures offi- cielles (passées et envisagées) ont eu sur les ménages, et améliorer les commu- nications entre les statisticiens, les analystes de l'enquête et les dirigeants. La série de documents de travail de la LSMS a été entreprise pour disséminer les résultats intermédiaires de l'Etude. Les publications de la série compren- nent des études critiques couvrant différents aspects du programme LSMS de collecte de données ainsi que des rapports sur les méthodologies améliorées pour l'utilisation de données de l'Enquête sur les niveaux de vie (LSS). Des publications plus récentes recommandent d'entreprendre des enquêtes spéci- fiques, des questionnaires et des structures de traitement des domnées, et démontrent l'ampleur avec laquelle on peut analyser la politique générale en se servant des données tirées de l'Enquête sur les niveaux de vie. LSMS document de travail No 122 Comparaisons de la Pauvreté Concepts et méthodes Martin Ravallion Banque mondiale Washington, D.C. Copyright O 1996 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/BANQUE MONDIALE 1818 H Street, N.W. Washington, D.C. 20433, Etats-Unis d'Amérique Tous droits réservés Premier tirage: février 1996 Pour que les résultats des recherches puissent être présentés dans les meilleurs délais possibles, le texte dacty- lographié n'a pas été établi selon les mêmes méthodes que les textes imprimés officiels et la Banque mondiale ne s'estime pas responsable des erreurs qui pourraient s'y trouver. 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Table des matières Avant-propos ................................................. ix Résumé .................................................... xi Remerciements ................................................ xii 1 Introduction .i............. .. ... .. ... .. ... .. .. ... .. ... .. .. .. . 1 2 Concepts et méthodes de l'analyse de la pauvreté ....... . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 2.1 Approches conceptuelles de l'évaluation du «bien-être» ..... . . . . . . . . . . . 4 2.2 Recours aux enquêtes auprès des ménages pour mesurer le bien-être .i.l... . . . Il La structure de l'enquête ........ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Couverture et évaluation des biens ....... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Variabilité et période sur laquelle porte l'évaluation ..... . . . . . . . . . . . 17 Comparaisons de ménages ayant des niveaux de consommation similaires . . 20 2.3 Autres indicateurs possibles ........ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Consommation réelle par équivalent adulte ...... . . . . . . . . . . . . . . . 23 Indicateurs de nutrition ........ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Méthodes anthropologiques ............................... 31 Récapitulation ....................................... 32 2.4 Seuils de pauvreté ............. . . . ......................... 32 Pauvreté «absolue» et pauvreté 0). La personne la plus riche a recours à des sources d'énergie nutritive plus onéreuses, peut-être en achetant des céréales alimentaire importées, ou en allant au restaurant. On suppose en outre (aux fins de notre exemple), que la consommation d'énergie nutritive est la même pour les deux ménages (k'(y)=0) qui souffrent tous deux de malnutrition. En d'autres termes, leurs besoins en énergie nutritive sont supérieurs à leur consommation (k(y) < 1). L'écart de pauvreté (c'est à dire le déficit enregistré par rapport au seuil de pauvreté produit par la méthode de l'énergie nutritive) doit donc être systématiquement plus important pour le ménage le moins pauvre. Pour constater ce résultat, il suffit de noter que le seuil de pauvreté produit la méthode de l'énergie nutritive est égal à z(y)=c(y)+n(y) (puisque k=1 lorsque les besoins sont satisfaits). Il s'ensuit que z'(y)=l+c'(y)(1-k)-c(y)k'(y), qui est supérieur à l'unité lorsque c'(y)>O, k<1 et k'(y)=O, comme on l'a posé en hypothèse. Dans ces conditions, non seulement le seuil de pauvreté est plus élevé pour le ménage le plus aisé, mais la pente de la courbe des dépenses est aussi supérieure à l'unité, ce qui signifie que l'écart de pauvreté produit par la méthode de l'énergie nutritive diminue avec le niveau de vie. On parvient au même résultat lorsque la consommation d'énergie nutritive augmente en même temps que y (k'(y) >0) à condition que l'élasticité soit suffisamment faible. La condition nécessaire et suffisante pour obtenir ce résultat est que l'élasticité de la consommation d'énergie nutritive (k'(y)y/k) ne soit pas supérieure au produit de l'élasticité revenu du prix d'une calorie (c'(y)y/c) et de la proportion représentée par l'écart négatif entre la consonmnation et les besoins ((l-k)/k). 38 totales consacrées à l'alimentation par un groupe de ménages considéré comme probablement pauvre, tels les 20 % les plus pauvres de chaque sous-groupe.58 La méthode de la part du budget consacrée à l'alimentation peut poser des problèmes similaires à ceux de la méthode précédente lorsque l'on cherche à effectuer de comparaisons cohérentes de la pauvreté. Les incohérences qui peuvent se manifester tiennent simplement aux différences entre les niveaux de consommation réelle ou de revenus moyens enregistrés pour des sous groupes différents ou à des dates différentes. Les sous-groupes pour lesquels ces niveaux moyens sont plus élevés (ce qui implique que les moyennes établies pour les 20 % les plus pauvres de ces sous-groupes sont aussi plus élevées) consacrent en général une part moins importante de leur budget à la consommation, de sorte que l'on sera amené à utiliser un seuil de pauvreté plus élevé. Ce type d'incohérence peut également se produire lorsqu'un niveau de vie donné est considéré refléter un état de pauvreté dans une région, par exemple, mais pas dans une autre. En l'absence d'informations plus précises, il vaut probablement mieux utiliser la même proportion du budget pour l'ensemble du domaine des comparaisons de la pauvreté. De meilleures méthodes existent toutefois, qui peuvent être employées sans guère plus d'effort, et sont basées sur des modèles de régression de la part du budget consacrée à l'alimentation. L'Appendice 1 en propose une. L'aspect le plus préoccupant des incohérences potentielles de la méthode de l'énergie nutritive et de la méthode de la part du budget consacrée à l'alimentation tient au fait que les divergences peuvent être suffisamment importantes pour modifier le classement des différents secteurs ou régions d'une économie sur la base des niveaux de pauvreté mesurée. L'emploi d'un profil de la pauvreté non cohérent peut aussi être particulièrement préoccupant lorsque la population peut se déplacer entre les différents groupes considérés, comme c'est le cas lorsqu'il y a exode rural. Une personne peut améliorer son niveau de vie en quittant une région pour une autre tandis que la pauvreté mesurée s'accroît. Cette question est reprise plus en détail à la section 3.3. Si les méthodes indiquées ici sont celles qui sont le plus couramment utilisées en pratique, il en existe toutefois d'autres. Lipton (1983) a fait valoir que l'on pourrait envisager d'utiliser le a' Orshansky (1965) a proposé une variante de cette méthode dans laquelle elle emploie la part moyenne (des pauvres et des non pauvres) consacrée à l'alimentation. 39 niveau de revenu auquel l'élasticité revenu de la demande d'aliments de base est égale à l'unité pour identifier les «extrêmement pauvres». On ne saurait partir du principe qu'un tel point existe (ou qu'il est unique bien que, dans ce cas, on cherche probablement à définir une limite supérieure) mais, en pratique dans les pays en développement très pauvres, il n'est pas rare que l'élasticité revenu de la demande d'aliments de base soit proche de l'unité."9 On peut justifier ce seuil de pauvreté en faisant valoir que les personnes «extrêmement pauvres» non seulement consacrent une large part de leurs revenus à leur alimentation, mais aussi que cette part ne diminue pas lorsque leur revenu augmente faiblement. Le fondement normatif de ce jugement n'est pas évident. Certains des problèmes de cohérence précédemment rencontrés se posent aussi avec cette méthode. En règle générale, le seuil de pauvreté calculé de cette manière se déplace aussi en fonction des autres variables qui figurent dans la fonction de la demande de produits alimentaires (comme pour les autres méthodes examinées précédemment). Le principal message qui se dégage de ce type de raisonnement est que l'on ne devrait pas rechercher un seuil de pauvreté unique, mais au moins un seuil plus faible, délibérément choisi de manière à refléter des conditions d'austérité. Je reviendrai sur ce point dans la suite de l'analyse. Etant donné que toutes ces méthodes comportent inévitablement un certain élément d'arbitraire, certains spécialistes préfèrent postuler que «les pauvres» sont les p % les plus pauvres de la population à une date ou en un lieu de référence. L'intérêt de cette manière de procéder n'est pas toujours évident car le fait que l'on choisisse p directement ou que l'on choisisse un seuil de pauvreté (en dessous duquel se trouve p % de la population) est sans conséquence aucune. Il est par contre nettement plus important de retenir le niveau de consommation ou de revenu qui correspond à ce centile comme seuil de pauvreté pour effectuer des comparaisons avec les résultats constatés pour d'autres dates ou lieux. Cette méthode ne permet d'effectuer des comparaisons de la pauvreté cohérentes que si c'est le seuil de pauvreté qui reste fixe par référence à l'indicateur du niveau de vie sur l'ensemble du domaine des comparaisons (tandis que la valeur de p peut varier). Que se passe-t-il si l'indicateur choisi ne reflète pas de manière adéquate les différences fondamentales entre les niveaux de vie? On pourrait décider dans ce cas d'adopter, à titre de compensation, des seuils de pauvreté différents pour des sous-groupes différents. Cette manière de 59 Voir, par exemple, les résultats obtenus par Pitt (1983) pour le Bangladesh. 40 proc6der est acceptable même si le problème consiste, dans ce cas, à évaluer les niveaux de vie (comme nous l'avons vu à la section précédente) plutôt qu'à fLxer un seuil de pauvreté.'< Comme cette question revient fréquemment dans le cadre des discussions consacrées aux seuils de pauvreté, nous formulerons ici certains commentaires à cet égard. La justification de ces ajustements est parfois évidente. On pourrait, par exemple, souhaiter fixer le seuil de pauvreté en termes de consommation à un niveau plus élevé dans une région qui n'a pas accès aux biens publics.6" Dans d'autres cas, leur bien-fondé est plus difficile à établir (bien qu'il puisse être tout aussi réel). On pourrait ainsi faire valoir que les individus connaissent l'envie, de sorte que le niveau absolu de bien-être d'une personne dépend de sa position relative à l'intérieur du sous-groupe, ce qui pourrait justifier la prise en compte d'une quantité de biens non alimentaire plus importante pour les zones urbaines. Il est cependant difficile de déterminer le bien-fondé d'une telle méthode. Il n'est, par exemple, pas facile de déterminer à quel groupe il faut comparer les pauvres urbains. Il n'est pas non plus évident que des idées comme «l'envie» ou «le bonheur» soient des indicateurs appropriés du bien-être aux fins de la formation de comparaisons de la pauvreté (section 2.1). Les fondements théoriques adoptés pour mesurer le «bien-être», comme indiqué à la section 2.1, peuvent parfois guider les travaux de recherche appliquée. Sur un plan conceptuel, on pourrait justifier l'emploi d'un seuil de pauvreté plus élevé dans les zones urbaines que dans les zones rurales en faisant valoir que les facultés nécessaires pour atteindre plusieurs objectifs (comme participer plus pleinement à la vie de la société) sont les éléments dont il faudrait tenir compte pour mesurer les niveaux de vie (qui devraient être considérés comme constants dans des comparaisons de la pauvreté absolue). Les biens nécessaires pour avoir ces facultés sont, en revanche, relatifs, et varient d'un endroit à un autre.62 a Cette manière de procéder est une façon restrictive de prendre en compte les différents «besoins» puisque les comparaisons peuvent ne pas avoir de sens pour ceux qui se trouvent en dessous du seuil de pauvreté. Il vaut mieux réduire tous les «revenus» par les seuils de pauvreté spécifiques aux sous-groupes (pour obtenir un «coefficient de bien-être»; voir Blackorby et Donaldson, 1980, 1987). `1 Dans les (nombreux) pays en développement où existe un important «biais urbain> (Lipton, 1977), cette manière de procéder amènerait l'analyste à adopter un seuil de pauvreté plus élevé pour les zones rurales. 6 Voir Sen (1983, 1985a,b, 1987) pour un raisonnement rigoureux dans cette direction. 41 Dans le but de déterminer les effets que cet argument pourrait avoir sur la fixation des seuils de pauvreté, supposons que nous nous intéressions à deux grandes facultés: la première nous permet d'être suffisamment bien nourri pour rester en bonne santé, et la seconde nous permet de pleinement participer à la vie de la société dans laquelle nous vivons. Dans les deux cas, il nous faut obtenir des aliments pour maintenir un poids satisfaisant et procéder aux activités nécessaires pour participer à la vie de la société. Ce besoin alimentaire n'est pas particulièrement difficile à mesurer, et le niveau de consommation alimentaire réel requis pour le satisfaire n'est probablement guère différent dans (disons) les zones urbaines et les zones rurales. Ce qui précède ne vaut toutefois pas pour la composante non alimentaire du seuil de pauvreté, et l'on pourrait valablement avancer que, pour atteindre le même niveau de vie absolu, il est nécessaire de se procurer un ensemble de biens non alimentaires plus important dans les zones urbaines. Par exemple, pour avoir la même faculté de participer dignement à la vie d'une société urbaine, il peut être nécessaire de dépenser davantage au titre des vêtements, du logement et des transports que ce ne serait le cas dans un village. Un tel argument amènerait généralement l'analyste à donner la préférence à la méthode du pourcentage du budget consacré à l'alimentation, dans le cadre de laquelle les montants alloués à l'alimentation ne varient guère tandis que ceux qui sont consacrés aux autres dépenses varient en fonction de la part typiquement consacrée par les pauvres à leur alimentation. (Avec la méthode de l'énergie nutritive, en revanche, même les allocations alimentaires sont généralement nettement plus élevées dans les zones urbaines). Si, toutefois, nous étendons quelque peu la liste des facultés fondamentales, il cesse d'être évident qu'il nous faut porter le seuil de pauvreté à un niveau plus élevé dans les zones urbaines. Il suffit de prendre en compte la possibilité de faire appel à un médecin en cas de maladie le coût de cette démarche peut être nettement plus élevé dans les zones rurales parce que les médecins y sont nettement moins nombreux. Ces idées sont difficiles à mettre en pratique de manière convaincante, et il devient nécessaire de procéder à des jugements subjectifs. Les responsables de l'action publique et les conseillers qui (en règle générale) vivent en zone urbaine peuvent ne pas toujours être les meilleurs juges en la matière. Face à ces incertitudes, il peut être préférable de pouvoir être sûr que le profil de la pauvreté produit des résultats logiques par référence à la consommation réelle de biens et de services privés, peut-être en ayant recours à des indicateurs distincts (comme l'accès aux services publics) 42 pour prendre en compte les autres dimensions du bien-être qui n'ont pas été considérés de manière adéquate. En se basant sur ce qui précède, l'Appendice 1 suggère une méthode pour construire des seuils de pauvreté, qui peut être employée avec des données couramment (mais non systématiquement) disponibles. Cette méthode rattache le seuil de pauvreté à un besoin nutritionnel pré-déterminé, compatible avec les goûts alimentaires de la population étudiée, et incorpore une provision au titre des biens non alimentaires qui reflète la structure des dépenses des pauvres. Cette méthode précise donc les approches antérieures, en reprenant des éléments des deux méthodes de la part du budget consacrée à l'alimentation et de l'énergie nutritive, mais en évitant certains de leurs inconvénients les plus évidents. Elle est, en particulier, plus apte à produire des comparaisons logiques de la pauvreté au plan de la consommation. Seuils de pauvreté relative L,es études consacrées aux pays en développement et aux pays développés se distinguent par le fait que les premières mettent l'accent sur des considérations de pauvreté absolue tandis que les secondes s'intéressent davantage à la pauvreté relative.63 Certaines des analyses consacrées aux pays développés posent que la «pauvreté» est un phénomène entièrement «relatif».U La méthode la plus couramment suivie pour déterminer un seuil de pauvreté relative consiste à fixer celui-ci à une proportion donnée de la moyenne arithmétique ou de la médiane de la distribution de la consommation ou du revenu. Par exemple, de nombreuses études emploient un seuil de pauvreté qui correspond à environ 50 % de la médiane nationale, comme le préconise Fuchs I Il existe des exceptions à cette règle. Le gouvernement des Etats-Unis, par exemple, emploie un seuil de pauvreté absolue (Sawhill, 1988). 4 Voir, par exemple, Townsend (1985), pour un commentaire sur Sen (1983). Voir également la réponse de Sen (1985b). 43 (1967).5 Il n'est guère surprenant que cette méthode produise des comparaisons de la pauvreté très différentes de celles qui sont obtenues avec un seuil de pauvreté fixe.' Y a-t-il une raison majeure d'utiliser des seuils de pauvreté correspondant à une proportion constante de la moyenne? J'examinerai les évaluations de la pauvreté plus en détail à la section suivante et me contenterai ici de noter que presque toutes les mesures de la pauvreté sont homogènes et de degré zéro entre les valeurs de la moyenne et du seuil de pauvreté. Il s'ensuit qu'un doublement (par exemple) de tous les revenus et du seuil de pauvreté n'entrainent aucune modification de la mesure de la pauvreté.67 Nous pouvons donc représenter la pauvreté par la formule générale (1) P = P(z/I, L) où z est le seuil de pauvreté, IL est la moyenne de la distribution à partir de laquelle la pauvreté est mesurée, et L représente la courbe de Lorenz de cette distribution, qui récapitule toutes les informations pertinentes sur les inégalités relatives.68 Lorsque le seuil de pauvreté est fixé de ' Une autre méthode - moins couramment employée - consiste à définir les pauvres comme étant les personnes qui consomment certains biens en faibles quantités par rapport à la «norme» établie pour une société donnée - et évaluée, par exemple, par la consommation modale. Voir Townsend (1979) et Desai et Shah (1988) pour de plus amples détails sur cette méthode. 6 Voir Atkinson (1991) qui montre la manière dont les comparaisons de la pauvreté entre les pays européens sont modifiées par ce choix. On constate que les classements obtenus sont sensiblement différets lorsque l'on compare les évaluations de la pauvreté basées sur une proportion constante du revenu moyen de chaque pays, à celles qui sont basées sur la même proportion d'une moyenne constante établie pour l'ensemble des pays. Voir Sahota (1990) pour une comparaison des seuils de pauvreté absolue et relative dans le cas d'un pays en développement. 67 Les mesures de la pauvreté qui possèdent cette propriété sont «proportionnellement invariantes-. Dans certaines études, elles sont qualifiées de «mesures de la pauvreté relative» par opposition aux «mesures de la pauvreté absolue», qui ne se modifient pas lorsque l'on accroît du même montant la totalité des revenus et le seuil de pauvreté. Voir Blackorby et Donaldson (1980) et Foster et Shorrocks (1991). Je n'emploierai pas ici cette terminologie de peur qu'elle prête à confusion avec la distinction que j'ai fait entre les seuils de pauvreté absolue et les seuils de pauvreté relative. Presque toutes les mesures de la pauvreté couramment employées sont des «mesures de la pauvreté relative. au sens indiqué précédemment, que le seuil de pauvreté soit lui-même un seuil de pauvreté absolue ou de pauvreté relative. 6 La courbe de Lorenz indique (en ordonnée) la part du «revenu» total détenue par le pourcentage p le plus pauvre de la population (porté en abscisse) lorsque cette dernière est classée par niveaux de revenus. La courbe est positive sur l'ensemble du domaine de définition et a une pente croissante. Pour une description plus mathématique des propriétés de la courbe de Lorenz, voir Gastwirth (1971) et Kakwani (1980a). 44 manière à correspondre à une proportion constante de la moyenne, z=k.,t, où k est une constante donnée,' la mesure de la pauvreté revêt la forme P(k, L) et dépend uniquement de la courbe de Lorenz. Si tous les revenus augmentent dans les mêmes proportions, P(k, L) n'enregistre aucune variation - il ne se produit aucune modification des inégalités relatives de sorte que L ne change pas. Le seuil de pauvreté augmente dans ce cas tout simplement du même pourcentage. On pourrait faire valoir que P(k, L) demeure un bon indicateur de la «pauvreté relative» dans la mesure où l'on cherche réellement à décrire par ce concept l'ampleur des inégalités pour la distribution, que l'on peut considérer dépendre uniquement de la courbe de Lorenz. Il nous faut alors toutefois nous demander si le classement des distributions établi en fonction de P(k, L) reste le même lorsque l'on se base sur une mesure d'inégalité appropriée. Toute mesure d'inégalité doit respecter le principe selon lequel chaque fois qu'un revenu est transféré entre deux personnes, les inégalités diminuent (augmentent) si le donateur à un revenu plus (moins) élevé que le bénéficiaire (Atkinson, 1970, 1975). Il est facile de formuler des exemples dans lesquels une distribution de Lorenz A domine une distribution B - A se caractérise par moins d'inégalités que B d'après toutes les mesures ayant un comportement approprié - alors méme que P(k, L) est plus élevé pour la distribution A.70 Il est aussi possible de trouver des exemples de ce qui précède lorsque les transferts ne se font qu'entre les pauvres. Il s'ensuit non seulement que P(k, L) est indépendant de la moyenne mais aussi qu'il ne produit pas nécessairement des résultats conformes à un jugement normatif raisonnable de la pauvreté relative. Cette constante est, par exemple, souvent égale à 0,5 dans les études européennes citées par Atkinson (1991). ^ Considérons, par exemple, la mesure la plus simple de la pauvreté qui soit, c'est à dire la proportion des personnes considérées pauvres («l'indice numérique de pauvreté»). Supposons que nous souhaitions comparer la pauvreté dans deux situations A et B - il peut s'agir de nations, de régions, de catégories socio-économiques, ou encore de dates différentes pour une même population. Les courbes de Lorenz pour A et B sont, respectivement, LA(H.) et L4(H1). Les indices numériques de pauvreté, HA et HH, sont alors donnés par: L'A(Hb) = k = L'8(H1) (Notons que L'(p)g=x, qui est l'inverse de la distribution des fréquences cumulées qui indique la proportion de la population qui se trouve en dessous d'un point x quelconque; voir Gastwirth, 1971). Supposons maintenant que la moyenne de A soit supérieure à celle de B, et que la distribution de la courbe de Lorenz de A domine celle de B (les inégalités sont moins fortes en A qu'en B). Même lorsque ces conditions sont remplies, il demeure possible de trouver des courbes de Lorenz valides telles que HA > HB. L'estimation de la mesure la pauvreté pourrait indiquer que la pauvreté est plus importante en A qu'en B, bien que les inégalités et la pauvreté absolue soient clairement plus faibles en A qu'en B. 45 Il nous faut modifier quelque peu les détails de ce raisonnement lorsque le seuil de pauvreté relatif est fixé de manière à correspondre à une proportion constante de la médiane et non de la moyenne arithmétique.7' Le résultat obtenu dépend alors de la manière dont le rapport entre la médiane et la moyenne se modifie lorsque la moyenne augmente (qui dépend elle-même de la manière dont l'asymétrie de la distribution évolue). Il n'est pas possible de formuler d'autres remarques générales, bien qu'il soit certainement impossible d'éliminer la possibilité que la mesure de la pauvreté soit une fonction croissante de la moyenne. Dans ce cas encore, la signification que l'on peut donner à une telle mesure n'est pas claire. Une partie du problème qui se pose ici tient à l'hypothèse que le seuil de pauvreté correspond à une proportion constante de la moyenne ou de la médiane. Il s'ensuit que l'élasticité du seuil de pauvreté par rapport à la moyenne ou à la médiane est égale à l'unité. Est-ce plausible? Les seuils de pauvreté établis pour 36 pays, en développement et industrialisés, ont été analysés pour le Rapport sur le développement dans le monde 1990, et les résultats obtenus ont été comparés aux niveaux moyens de la consommnation privée dans ces pays (Banque mondiale, 1990, Ravallion, Datt et van de Walle, 1991). Les résultats apparaissent au graphique 1. L'élasticité du seuil de pauvreté par rapport à la consommation moyenne augmente manifestement avec la moyenne. Au point moyen des moyennes des pays, l'élasticité est égale à 0,66. Or, au point qui correspond à la consommation moyenne de l'Inde (par exemple) elle est bien plus faible (0,15) et elle n'est plus que de 0,07 au niveau de consommation moyen du pays le plus pauvre. Dans les pays hautement industrialisés, en revanche, l'élasticité est proche de l'unité. Le graphique 1 suggère aussi une manière d'établir une limite inférieure raisonnable pour le seuil de pauvreté absolue pour pouvoir effectuer des comparaisons de la pauvreté à l'échelle mondiale. Celle-ci consisterait à fixer le seuil de pauvreté au niveau auquel l'on pense que le seuil se trouve dans le pays le plus pauvre (Ravallion, Datt et van de Walle, 1991). On obtient ainsi un seuil de l'ordre de 23 dollars PPA (parité du pouvoir d'achat) par personne et par mois. 71 Comme le fait Fuchs (1967). C'est la méthode qui est suivie dans un certain nombre d'études, en particulier dans les pays développés. Voir, par exemple, les travaux de Smeeding et al.( 1990) basés sur la base de données du Luxembourg Income Study. Voir aussi Sahota (1990) pour un exemple portant sur un pays en développement. 46 0 Log du seuil de pauvreté 7 ,. - L+ Effectif - Ajusté 6 _ + 5.5 + 4.5 + 4- 3.5- + 3.s - + +,> 2.5 2 3 3.5 4 4.5 5 5.5 6 6.5 7 7.5 8 Log de la consommation moyenne Graphique 1 : Seuils de pauvreté dans 36 pays. Les seuils de pauvreté sont indiqués en fonction des niveaux de la consommation privée par habitant tirés des comptes nationaux, et sont exprimés en montants PPA vers 1985. Les valeurs ont été produites par une régression du logarithme du seuil de pauvreté par rapport à une fonction quadratique du logarithme de la consommation moyenne (Source: Ravallion, Datt et van de Walle 1991; il est possible d'obtenir ces données en s'adressant à l'auteur). En résumé, cette comparaison entre pays laisse penser que les seuils de pauvreté réels ont tendance à augmenter avec la croissance économique, bien que lentement dans les pays les plus pauvres.' Le concept de «pauvreté absolue» - selon lequel le seuil de pauvreté ne varie pas avec le niveau de vie global - semble pertinent pour les pays à faible revenu, tandis que celui de «pauvreté relative» semble mieux adapté aux pays à revenu élevé. Qui plus est, l'hypothèse de n Comme toujours, il peut être dangereux de déduire des observations purement transversales du graphique 1 quant à la manière dont le seuil de pauvreté se déplacera dans le temps sous l'effet de la croissance des pays en développement. Kilpatrick (1973) a établi que, lorsque l'on procède à des comparaisons dans le temps, l'élasticité revenu des seuils de pauvreté aux Etats-Unis est de 0,6, soit un chiffre de l'ordre de grandeur que l'on pourrait déduire du graphique 1. Il n'existe, à ma connaissance, aucune information portant sur des séries chronologiques comparables pour les pays en développement, bien qu'il faille noter que les seuils de pauvreté généMlement utilisés (établis de la manière initialement préconisée par Bardhan, 1970, et Dandekar et Rath, 1971) n'ont aucunement augmenté en termes réels au cours des 20 dernières années. 47 proportionnalité souvent retenue dans les études consacrées aux pays développés semblent étre tout à fait raisonnables pour ces pays bien que la mesure ainsi obtenue soit très difficile à interpréter à l'aide des concepts conventionnels d'inégalité et de pauvreté. Seuils de pauvreté subjectifs Cette approche reconnaît explicitement que les seuils de pauvreté sont le fruit de jugements fondamentalement subjectifs de ce que constitue un niveau de vie minimum acceptable par la population d'une société donnée. Il en va pour les individus comme pour les pays qui, comme nous l'avons vu à la section précédente, ont tendance à avoir des seuils de pauvreté différents, d'autant plus élevés, généralement, qu'ils sont riches. Cette approche se base fréquemment sur les réponses fournies dans le cadre d'enquêtes à des questions telles que (pour paraphraser Kapteyn et al, 1988): «Quel niveau de revenu considérez-vous, personnellement, comme un minimwn absolu? En d 'autres termes, quel est le niveau de revenu en dessous duquel vous ne pourriez joindre les deux bouts ?» La réponse est généralement une fonction croissante du revenu effectif. Qui plus est, les études dans le cadre desquelles cette question a été posée ont généralement détecté l'existence d'une relation du type de celle décrite au graphique 2 (Kapteyn et al, 1988). Le point z du graphique peut manifestement être considéré commun un seuil de pauvreté possible. Les personnes dont le revenu est supérieur à z estiment en général que leur revenu est adéquat, tandis que celles dont le revenu est inférieur à z pensent habituellement qu'il ne l'est pas. Cette méthode, ou des variantes de celle-ci, a été employée dans un certain nombre de pays européens (Hagenaars, 1987a). A ma connaissance, elle n'a jamais été appliquée à un pays en développement. Dans les économies qui ne sont pas extrêmement monétisées,on peut avoir à formuler la question ci-dessus en termes de quantités de produits plutôt que de revenus, ce qui peut induire des problèmes d'évaluation. Il n'est pas non plus évident de savoir quel sens norrmatif il convient de donner à des comparaisons de la pauvreté dans le cadre desquelles la méthode employée est appliquée séparément à chacune des situations qui fait l'objet des comparaisons. Il faudrait 48 néanmoins certainement envisager d'inclure dans les enquêtes auprès des ménages qui seront réalisées à l'avenir des questions portant sur un seuil de pauvreté subjectif. Doubles seuils de pauvreté Il est bon, dans chacune des méthodes de fixation du seuil de pauvreté examinées précédemment, de prendre en considération au moins deux seuils de pauvreté. Comme indiqué plus haut, le seuil inférieur pourrait être interprété comme un «seuil de pauvreté extrême»: le comportement des personnes dont les dépenses de consommation sont inférieures à ce niveau permet de penser que ces dernières courent un risque élevé de dénutrition (Lipton, 1983, 1988). De fait, étant donné la nature arbitraire du processus, on peut aisément faire valoir qu'il faudrait considérer un large intervalle de la distribution totale de la consommation ou du revenu. C'est là l'idée fondamentale sur laquelle repose «l'approche de la dominance» qui sera examinée plus en détail à la section 2.6. Revenu minimum , subjectif z Revenu effectif Graphique 2: Seuil de pauvreté subjéctif. Les personnes dont le revenu est supérieur à z considèrent généralement que leurs revenus sont adéquats, contrairement à ceux dont les revenus sont inférieurs à z. 49 La combinaison des deux concepts des seuils de pauvreté «absolue» et «relative» offre un moyen direct de déterminer des seuils de pauvreté multiples en procédant à des comparaisons de la pauvreté et présente un grand intérêt (bien qu'à ma connaissance, cela n'ait jamais été réalisé). Dans chacune des situations qui font l'objet des comparaisons, disons en deux dates différentes, on considère deux seuils de pauvreté. Le premier est constant par rapport à l'indicateur du niveau de vie pour les deux dates tandis que le second est un seuil de pauvreté relative qui prend en compte toutes les modifications intervenues dans le niveau de vie global et, partant, ce qu'entend la société par «pauvreté». Il est ainsi possible, pour deux dates différentes, d'effectuer des comparaisons distinctes des modifications de la pauvreté absolue et de la pauvreté relative. Résumé Lorsque l'on effectue des comparaisons de la pauvreté - par exemple, pour décider quelle région ou quel pays doit recevoir une aide - l'essentiel, à mon avis, est que le seuil de pauvreté produise des comparaisons cohérentes, en ce sens que la pauvreté mesurée d'un individu quelconque ne dépende que de son niveau de vie et non du sous-groupe auquel il se trouve appartenir. Pour assurer cette cohérence, il est nécessaire que le seuil de pauvreté soit constant par rapport aux niveaux de vie. Il est difficile de s'assurer que c'est bien le cas en pratique, mais il est clair que de nombreuses méthodes qui sont couramment employées pour déterminer les seuils de pauvreté ne remplissent pas cette condition. Ces mêmes méthodes ont diverses variantes qui sont plus aptes à produire des comparaisons de la pauvreté cohérentes, et sont généralement applicables avec les données disponibles. Aucune méthode n'est toutefois dénuée d'inconvénient car certains facteurs déterminants du bien-être ne sont pas quantifiables. Comme il est impossible d'éviter un certain arbitraire lorsque l'on définit un seuil de pauvreté en pratique, il faut prendre particulièrement garde à la manière dont les choix peuvent influencer les comparaisons ordinales de la pauvreté, car ce sont généralement ces dernières qui importent le plus au plan de l'action publique. Je reviendrai sur ce point à la section 2.7. 50 2.5 Quantirication de la pauvreté Supposons maintenant qu'une mesure du bien-être de l'individu a été choisie et estimée pour chaque personne ou ménage inclus dans un échantillon, et que le seuil de pauvreté est connu. De quelle manière nous faut-il regrouper ces informations en une mesure de la pauvreté pour chaque des distributions qui fait l'objet de la comparaison? Mesures de la pauvreté Il existe maintenant un grand nombre d'études sur les mesures de la pauvreté.73 Plutôt que de considérer toutes les mesures qui ont été utilisées ou proposées, je m'intéresserai ici à quelques mesures représentatives pour examiner, dans chaque cas, leurs avantages et leurs inconvénients. La mesure la plus simple (et encore la plus couramment employée) est l'indice numérique de pauvreté qui est égal au pourcentage de la population dont la consommation (ou toute autre mesure appropriée du niveau de vie), y, est inférieure au seuil de pauvreté z. Supposons que, aux termes de cette définition, q personnes soient jugées pauvres dans une population de taille n. L'indice numérique de pauvreté, H, est alors toute simplement la proportion de la population qui est jugée pauvre: (2) H = q/n Est-ce là une mesure satisfaisante de la pauvreté? A certains égards, c'est le cas. Elle est facile à interpréter et à présenter. De plus, pour certains types de comparaisons de la pauvreté, comme l'évaluation des progrès généraux accomplis dans la lutte contre la pauvreté, elle peut être tout à fait adéquate (bien qu'il soit toujours préférable de la calculer pour au moins deux seuils de pauvreté comme nous l'avons vu à la section précédente). A d'autres égards, toutefois, dont l'analyse des répercussions de politiques spécifiques sur les pauvres, l'indice numérique de pauvreté présente de graves inconvénients. Pour comprendre cette assertion, supposons qu'une personne pauvre devienne encore plus pauvre. Quel effet cette évolution a-t-elle sur la pauvreté mesurée? 73 Ces dernières ont été passées en revue avec profit par Foster (1984), Atkinson (1987) et Hagenaars (1987b). 51 Elle n'en a aucun. L'indice numérique de pauvreté n'est pas sensible aux différences d'intensité de la pauvreté. L'écart de pauvreté est un meilleur indicateur à cet égard, qui est basé sur le déficit de revenu global des pauvres par rapport au seuil de pauvreté. Il rend compte de la distance moyenne qui sépare les pauvres du seuil de pauvreté et donne donc une meilleure idée de l'intensité de cette dernière. Pour voir de quelle manière cet écart est défini, classons les niveaux de consommation par ordre croissant; la consommation de la personne la plus pauvre est y,, celle de la personne qui la suit immédiatement, Y2, etc... La consommation de la personne la moins pauvre étant dénotée par y., qui (par définition) ne peut être supérieure au seuil de pauvreté z. L'indice de l'écart de pauvreté peut alors être défini comme suit: q (3) PG = E (1 - y1/z)/n i=1 PG est donc l'écart de pauvreté moyen proportionnel pour l'ensemble de la population (les non- pauvres ont un écart de pauvreté nul). Cette formule peut aussi s'exprimer comme suit: (4) PG = I.H où I est souvent qualifié de «coefficient de déficit de revenu» et est défmi par I = 1 - 4Z/z, pz représentant ici la consommation moyenne des pauvres. Le coefficient de déficit de revenu n'est toutefois pas un bon indicateur de pauvreté. En effet, supposons qu'une personne qui se trouve juste en dessous du seuil de pauvreté voit sa situation s'améliorer suffisamment pour lui permettre d'échapper à la pauvreté. La moyenne de la consommation des personnes qui restent pauvres diminue, de sorte que le coefficient de déficit de revenu augmente. Or, la situation de l'un des pauvres s'est améliorée et celle des autres ne s'est pas aggravée. Il serait difficile de faire valoir que la pauvreté n'a pas diminué. C'est pourtant ce que suggère le coefficient de déficit de revenu. Ce problème ne se pose pas lorsque l'on multiplie ce dernier par l'indice de pauvreté pour calculer PG. 52 Dans la situation qui vient d'être décrite, cette dernière mesure indique une diminution de la pauvreté. PG peut aussi être interprété comme un indicateur des possibilités d'éliminer la pauvreté en ciblant les transferts aux pauvres. Le coût ninimwn de l'élimination de la pauvreté par des transferts ciblés est tout simplement égal à la somme de tous les écarts de pauvreté enregistrés dans une population, chaque écart de pauvreté étant comblé de manière à porter les niveaux des différents individus au seuil de pauvreté. Ce coût est égal à (z-é).q. Pour pouvoir agir de la sorte, il faudrait manifestement que le responsable de l'action publique dispose d'une vaste quantité d'informations. Il ne serait guère surprenant de constater qu'un gouvernement très «favorable aux pauvres» doive dépenser des sommes nettement supérieures à celle indiquée par cette formule dans le cadre de ses efforts de lutte contre la pauvreté. Considérons, à l'autre extrême, le coût maximum de l'élimination de la pauvreté, en supposant que le responsable de l'action publique ne sait absolument pas qui est pauvre et qui ne l'est pas. Il lui faut, dans ce cas, verser z à chaque membre de la population pour être sûr que plus personne n'est pauvre. Le coût de cette action est égal à z.n. Il n'est qu'à considérer l'équation (3) pour noter que le rapport entre le coût minimum de l'élimination de la pauvreté en cas de ciblage parfait et le coût maximum en l'absence de tout ciblage est simplement PG. Cet indicateur de la pauvreté est donc aussi un indicateur des économies potentielles que le ciblage permet de réaliser au niveau du budget de la lutte contre la pauvreté. Réaliser ce potentiel en pratique est, bien évidemment, un autre problème. L'indice de l'écart de pauvreté présente l'inconvénient de ne pas prendre en compte de manière convaincante les différences d'intensité de la pauvreté entre les pauvres. Par exemple, considérons deux distributions de la consommation établies pour quatre personnes. La distribution A est (1,2,3,4) et la distribution B est (2,2,2,4). Pour un seuil de pauvreté z=3 (H est alors égal à 0,75 dans les deux cas), PG a la même valeur pour les deux distributions (0,25). La personne la plus pauvre de A ne consomme cependant que la moitié de ce que consomme la personne la plus pauvre de B. On pourrait concevoir que la distribution B est le produit d'un transfert effectué de 53 la personne la moins pauvre à la personne la plus pauvre de A. L'écart de pauvreté n'est pas modifié par ce transfert. Sen (1976, 1981) a proposé un meilleur indicateur de l'intensité de la pauvreté, qui revêt la forme ci-après :7 Ps = H[I + k(1 - I)GP] Dans cette expression, k = q/(q + 1) (et tend vers l'unité lorsque q est élevé) et GP représente l'indice de Gini pour les niveaux de vie des pauvres;. En l'absence de toute inégalité entre les pauvres, cette formule se ramène à Ps=PG. Cette mesure ne satisfait toutefois pas une autre propriété que je qualifierai tout simplement «d'additivité»: cette propriété exige que la pauvreté totale soit égale à la somme pondérée par les effectifs de population des niveaux de pauvreté des différents sous-groupes de la société.75 L'additivité présente un certain nombre d'avantages conceptuels et pratiques pour la construction des profils de la pauvreté et les tests des hypothèses retenues pour les comparaisons de la pauvreté, que j'examinerai plus en détail à la section 2.6. Une simple mesure, additive, de l'intensité de la pauvreté est la mesure P2 de Foster-Greer- 71,orbecke qui pondère les écarts de pauvreté des pauvres par ces mêmes écarts de pauvreté aux fins de l'évaluation de la pauvreté globale. En d'autres termes q (5) P2 = E (1 - yi/z)2/n i=1 7 Voir aussi les variantes de l'indice de Sen proposées par Rhon (1979), Anand (1977, 1983), Kakwani (1980b) et Blackorby et Donaldson (1980). 75 Le terme «additif, est parfois employé pour décrire des mesures globales qui sont des sommes pondérées de manière positive de mesures établies au niveau de sous-groupes, mais dont les poids ne sont pas des pourcentages de la population (l'indice de Ray, 1989, est un exemple de ce type de mesure). Je n'examinerai pas ce type d'indicateur dans le cadre de la présente étude. L'expression «décomposable sur une base additive» est souvent employée pour décrire des mesures que j'ai choisi de ne qualifier que «d'additives». Cette propriété est également très similaire au concept «d'homogénéité du sous-groupe» (examiné à la section 2.6). 54 Cette formule est tout simplement une moyenne pondérée des écarts de pauvreté (exprimés en proportion du seuil de pauvreté), dans laquelle les poids sont les écarts de pauvreté proportionnels eux-mêmes; un écart de pauvreté de (disons) 10 % par rapport au seuil de pauvreté est affecté d'un poids de 10 % tandis qu'un écart de 50 % a un poids de 50 % (il faut noter ici que, dans le cas du PG, les pondérations sont égales). Dans l'exemple des distributions A et B considéré plus haut, P2 est égal à 0,14 pour A et à 0,08 pour B, ce qui indique que la pauvreté est plus prononcée en A. P2 présente, entre autres, l'inconvénient de ne pas être facile à interpréter en tant qu'écart de pauvreté ou (plus particulièrement) en tant qu'indice numérique de pauvreté.76 Toutefois, lorsque l'on compare la pauvreté, l'essentiel est que le classement des dates, lieux ou politiques en fonction de P2 corresponde au classement de ces mêmes éléments en fonction de l'intensité de la pauvreté. Une mesure est utile, non pas du fait des résultats numériques précis qu'elle produit, mais parce qu'elle permet de classer les distributions d'une manière plus satisfaisante que d'autres mesures. Lorsque l'on compare les formules indiquées plus haut pour H, PG et P2, on constate qu'elles ont une structure commune, ce qui suggère l'existence d'une classe de mesures générique du type: q (6) P. = , (1 - y./z)oeln i=1 pour un paramètre a non négatif. Il s'agit là de la classe de mesures de Foster-Greer-Thorbecke (Foster et al., 1984). P. est tout simplement la moyenne, calculée sur l'ensemble de la population, d'une mesure de la pauvreté des individus - égale à (1 - y1/z)oe pour les pauvres et à zéro pour les non-pauvres. (C'est aussi le moyen le plus simple et le plus exact de calculer P,« lorsque l'on dispose de données à l'échelon de l'individu ou du ménage. D'autres formulations de données agrégées plus courantes sont examinées ci-après.) Les principales mesures examinées jusqu'à présent sont des cas 7 Cette mesure peut être considérée comme la somnne de deux composantes: la prernière représente l'écart de pauvreté et la seconde les inégalités entre les pauvres. Pour être plus précis, soit CVp2 le carré du coefficient de variation de la consommation entre les pauvres, il s'ensuit que P2= I.PG + (1-I)(H-PG)CVPI. 55 particuliers. Pour l'indice numérique de pauvreté a=O, tandis que pour PG, a= 1. Pour tout a > O, la mesure de pauvreté d'un individu est une fonction strictement décroissante de son niveau de vie (plus le niveau de vie d'une personne est faible, plus celle-ci est jugée pauvre). De plus, lorsque a > 1, cette mesure a également pour propriété que l'augmentation de la pauvreté mesurée à la suite d'une baisse du niveau de vie est considérée d'autant plus importante que la personne est pauvre.77 Cette mesure est alors qualifiée de «strictement convexe» par rapport aux revenus (et de «faiblement convexe» lorsque a= 1). Le graphique 3 décrit la manière dont la relation entre la pauvreté des individus et le niveau de vie varie pour différentes valeurs de a. Plus a est élevé, plus la mesure est affectée par le niveau de bien-être de la personne la plus pauvre. Lorsque a se rapproche de l'infini, la mesure considérée se ramnène à une mesure qui n'indique que la pauvreté de la personne la plus pauvre. Le graphique 3 illustre également un autre avantage présenté au plan des concepts par P2, à savoir le fait que la mesure de pauvreté considérée devient nulle sans saut au seuil de pauvreté; il existe donc une différence négligeable entre le poids que la mesure affecte à une personne qui se trouve juste au dessus du seuil de pauvreté et à une autre qui se trouve juste en dessous de ce même seuil.7' C'est là une propriété désirable si l'on considère les préoccupations suscitées par l'introduction de discontinuités dans la mesure de la pauvreté des individus (section 2.4) et les incertitudes associées à la détermination des niveaux de vie examinées plus haut (sections 2.2 et 2.3). Certaines autres mesures de la pauvreté qui dépendent des distributions, et notamment les indices de Sen et Kakwani ne la possèdent pas. ' Le lecteur peut consulter Foster et Shorrocks (1991, Proposition 7) pour une description complète des axiomes de la classe FGT des mesures de pauvreté. La condition «d'homogénéité des sous-groupes» (qui est, fondamentalement une généralisation de la propriété «additive> examinée plus en détail dans la suite de cette étude) limite considérablement la gamme des mesures de la pauvreté admissibles. n Ce point se rapporte à la question posée de longue date, qui consiste à décider s'il vaut mieux considérer la pauvreté comme un phénomène discret ou comme un phénomène continu. Atkinson (1987) fournit de plus amples détails à cet égard. Ce problème d'évaluation s'est avéré important dans le contexte de l'analyse des effets du risque sur la pauvreté (Ravallion, 1988), et de la définition des mécanismes optimaux de réduction de la pauvreté (Bourguignon et Fields, 1990; Ravallion, 1991b). 56 p Mesure de la pauvreté Individuelle o z Consommation ou revenu, y Graphique 3: Mesures de pauvreté des individus. Le graphique indique les mesures de pauvreté des individus qui correspondent à différentes mesures P.,. Il existe d'autres mesures additives de la pauvreté qui dépendent des distributions. La première d'entre elles, par exemple, a été proposée par Watts (1968) et se présente sous la forme suivante: W = E log(z/yj)/n i=l En se basant sur Atkinson (1987), on peut définir une classe générale de mesures additives, qui englobe W, P., et d'autres encore (comme la deuxième mesure proposée par Clark, Hemming et Ulph, 1981), de la forme suivante n (7) P = E p(z, yj)/n i=l 57 Dans cette expression p(z, y;) est la mesure de la pauvreté individuelle. Celle-ci est égale à O pour les non-pauvres (yi> z)et prend une valeur positive pour les pauvres, qui est à la fois une fonction non décroissante du seuil de pauvreté et une fonction non croissante du niveau de vie de l'individu. La classe de mesures définie par l'expression (7) présente un grand intérêt pour la construction de profils de la pauvreté, comme nous allons le voir ci-après. Etant donné les efforts intellectuels qui ont été consacrés à la formulation de la théorie de l'évaluation de la pauvreté au cours des 15 dernières années, et la quasi-pléthore de mesures parmi lesquelles il est maintenant possible de choisir, il est intéressant de se demander si le choix de la mesure retenue influe vraiment sur les comparaisons de la pauvreté? Pour répondre à cette question, il faut savoir si les inégalités relatives au sein de la société sont différentes dans les situations qui font l'objet des comparaisons et, le cas échéant, de quelle manière. Si tous les niveaux de consommation (des pauvres et des non-pauvres) se sont modifiés dans la même proportion - et ont donc enregistré une croissance ou une contraction «neutre sur le plan des distributions» - toutes les mesures de la pauvreté utilisées pour effectuer les comparaisons produiront le même classement, et le classement en fonction des niveaux de pauvreté absolue dépendra uniquement de la direction dans laquelle la moyenne de la distribution se sera déplacée. Il n'est qu'à considérer, pour s'en convaincre, l'équation (1) dans laquelle les paramètres L prennent en compte les inégalités relatives (courbe de Lorenz). Les classements ne seront pas non plus modifiés si les inégalités relatives ne sont que faiblement modifiées. Les différences qui existent entre les indicateurs peuvent toutefois devenir très prononcées dans d'autres circonstances. Considérons, par exemple, deux politiques. La politique A donne lieu à une faible redistribution, des personnes qui se trouvent aux alentours du mode de la distribution - qui est aussi le niveau du seuil de pauvreté - aux ménages les plus pauvres. (Ceci décrit bien la manière dont une réduction des prix des aliments de base produits dans le pays modifierait la distribution du bien-être dans certains pays d'Asie; un exemple en est donné à la section 3.7). La politique B donne lieu à une modification de sens opposé: les plus pauvres subissent une perte tandis que les personnes qui se situent aux environs du mode enregistrent un gain. (Cela pourrait se produire en cas d'une augmentation des prix des aliments de base dans l'exemple précédent). 58 Quelques instants de réflexion suffisent pour se convaincre que l'indice numérique de pauvreté H donnera la préférence à la politique B. En effet, HA> HB puisque H dépend uniquement de la direction dans laquelle les individus franchissent le seuil de pauvreté. Un indicateur du type de P2 aboutira toutefois, à la conclusion opposée, P2A< P2B, car il est plus sensible aux gains enregistrés par les très pauvres qu'à ceux enregistrés par les moins pauvres. La nécessité de considérer des mesures de la pauvreté d'ordre plus élevé, comme PG et P2, dépend aussi de ce que la comparaison de la pauvreté effectuée sur la base de l'indice numérique de pauvreté a ou n'a pas fait intervenir plus d'un seuil de pauvreté, comme il est recommandé à la section précédente. Si un seul seuil de pauvreté a été utilisé, j'estime qu'il est impératif de considérer des mesures d'ordre plus élevé. Le calcul des valeurs de H pour un ou deux seuils de pauvreté supplémentaires peut toutefois souvent constituer un substitut adéquat. Si, pour un seuil de pauvreté donné, la mesure d'ordre supérieur donne un résultat différent de celui de l'indice numérique de pauvreté, cela sera aussi le cas pour un indice numérique d'«extrême pauvreté» basé sur un seuil de pauvreté suffisamment bas. Erreurs d'observation Les mesures de la pauvreté peuvent être très sensibles à certaines sortes d'erreurs d'observation des paramètres à partir desquels elles sont établies, mais être très robustes face à d'autres erreurs. Pour prendre un exemple frappant, supposons que l'indicateur de bien-être observé soit entaché d'une erreur aléatoire additive dont la moyenne est nulle; la valeur que l'on obtient pour l'indicateur est juste en moyenne, mais chaque observation est assortie d'une erreur. Supposons aussi (aux fins de cet exemple) que le seuil de pauvreté corresponde au mode de la distribution. Il est possible de montrer que l'espérance mathématique de l'indice de pauvreté observé n'est pas modifiée localement par des modifications du degré d'imprécision des évaluations du bien-être. En moyenne, on obtient la même prévision de l'indice avec un indicateur assujetti à des perturbations qu'avec un indicateur précis, et la moyenne est sans biais.79 Ce qui précède n'est toutefois pas 7 Soit y=x+il la valeur observée d'une valeur réelle x, et i> le terme d'erreur dont la moyenne est nulle. L'indice numérique de pauvreté observé est F,(z)=F1(z-17), expression dans laquelle les indices inférieurs «x» et «y» indiquent la distribution pertinente. Lorsque l'on calcule l'espérance mathématique à partir de la distribution de i, E[F.(z-i>)] =F1(z) si (et seulement si) F. est linéaire. Ce résultat est valide au voisinage du mode. Il peut toutefois 59 nécessairement valide pour d'autres seuils de pauvreté et pour des mesures de la pauvreté d'ordre plus élevé. Ravallion (1988) donne une formulation générale des conditions nécessaires et suffisantes pour qu'une variabilité accrue de l'indicateur de bien-être accroisse l'espérance mathématique d'une mesure de la pauvreté définie sur la base de cet indicateur. Lorsque l'on pose certaines hypothèses plausibles, l'accroissement de l'imprécision de l'indicateur de bien-être produit des estimations plus élevées de toute mesure de la pauvreté fonction d'une distribution lissée, comme P2. Considérons, à l'inverse, les erreurs de la moyenne de la distribution à partir de laquelle la mesure de la pauvreté est estimée. Il est facile de démontrer que l'élasticité de l'indice numérique de pauvreté par rapport aux erreurs de la moyenne, si l'on maintient la courbe de Lorenz constante, est simplement l'élasticité de la fonction de la distribution cumulée évaluée au seuil de pauvreté. Cette valeur est également facile à estimer et (d'après mes observations) des valeurs de l'ordre de 2 sont assez courantes, du moins pour les pays en développement.80 (Qui plus est, dans la classe FGT des mesures, les élasticités ont tendance à augmenter avec a.81) Une sous-estimation de 5 % de la consommation moyenne à tous les niveaux de consommation pourrait donc facilement entraîner une surestimation de 10 % de l'indice numérique de pauvreté et, partant, du nombre de pauvres. Il faut noter que cela suppose que la courbe de Lorenz ne comporte pas d'erreur correspondante. Il est généralement admis qu'il est plus probable que les erreurs d'observation effectuées dans le cadre d'une enquête conduisent à sous-estimer l'ampleur des inégalités. C'est le cas si les sous-estimations ont tendance à être proportionnellement plus importante pour les riches que les pauvres. De fait, il est très possible que les informations fournies dans l'enquête surestiment la consommation des pauvres (parce que les personnes interrogées peuvent avoir honte ou parce que le plan de sondage exclut certains sous-groupes de pauvres, comme les sans-abris, qui comptent ne pas être valide si la variabilité est suffisamment importante. Se reporter à Ravallion (1988) pour une analyse plus générale (portant sur les erreurs non additives et les mesures de pauvreté d'ordre plus élevé). 80 Ravallion et Huppi (1991) ont, par exemple, estimé que l'élasticité de l'indice numérique de pauvreté par rapport à la moyenne était, en 1984, de -2 pour les zones rurales mais de -3,3 pour les zones urbaines. 81 Par exemple, selon les estimations pour 1984, l'indice numérique de pauvreté national de l'Indonésie avait une élasticité par rapport à la moyenne de -2,1, tandis que la mesure du PG avait une élasticité de -2,9 et P2 une élasticité de -3,4 (Ravallion et Huppi, (1991). Mes estimations révèlent la même structure pour d'autres pays en développement. 60 parmi les membres de la population les plus démunis) et sous-estiment celle des riches (par ce que ces derniers craignent, par exemple, de révéler des transactions sur le marché noir ou une évasion fiscale). La manière dont ces facteurs se transforment en erreurs d'observation est toutefois moins évidente. Par exemple, si les revenus ou la consommation n'étaient surestimés que pour les personnes qui se trouvent au dessus du seuil de pauvreté, ces erreurs n'influeraient aucunement sur la pauvreté mesurée. Mais, c'est bien là la seule généralisation qu'il soit possible de faire quant aux effets des erreurs d'observation relatives à la courbe de Lorenz sur l'indice de pauvreté lorsque les estimations de la consommation des pauvres sont concernées."2 Toutefois, pour les mesures PG et P2 de la classe FGT, la sous-estimation (surestimation) dans le cadre de l'enquête de la consommation des pauvres entraîne une surestimation (sous-estimation) de la pauvreté. Qui plus est, la mesure retenue est d'autant plus sensible aux erreurs d'observation de la consommation des individus les plus pauvres que a est élevé. Lorsque l'on effectue des comparaisons quantitatives de la pauvreté à des dates différentes, le taux d'inflation entraîne des erreurs dans l'estimation de la consommation réelle moyenne par habitant, qui touchent tous les niveaux de consommation dans la même proportion (et partant ne modifie par la courbe de Lorenz). L'erreur ainsi créée modifie toutefois la moyenne et le seuil de pauvreté de sorte que (étant donné que la plupart des mesures de pauvreté sont homogènes par référence au seuil de pauvreté et à la moyenne comme dans l'équation 1), les mesures de la pauvreté ne sont pas modifiées. Estimation Il est parfois avancé que l'on a rarement accès aux données nécessaires pour estimer les mesures de pauvreté d'ordre supérieur qui sont plus «complexes», et que l'on ne peut généralement faire guère mieux que d'estimer l'indice numérique de pauvreté. Cette assertion est fausse. Je n'ai jamais vu de série de données qui ne permette d'estimer que l'indice de pauvreté. De fait je n'ai jamais vu de série de données pour laquelle le coût marginal de l'estimation de l'écart de pauvreté ' Par exemple, lorsque le seuil de pauvreté correspond à la moyenne de la distribution, l'indice numérique de pauvreté n'est pas modifié si tous les points situés sur la courbe de Lorenz sont entachés d'erreurs d'un même pourcentage. 61 (ou d'autres mesures de la classe FGT) par rapport au coût de l'estimation de l'indice de pauvreté n'est pas négligeable, même lorsque les moyens disponibles pour effectuer les calculs sont limités. Il existe, en pratique, deux types de séries de données: les données recouvrées à l'échelon des ménages («informations sur l'unité d'observation») et les données regroupées en tableaux, qui sont plus courantes. Les données sur les unités d'observation ne sont généralement lisibles que sur machine (elles sont enregistrées sur bandes magnétiques ou sur disques informatiques), tandis que les données regroupées sont souvent publiées dans des publications statistiques nationales. Les problèmes posés par l'estimation des mesures de pauvreté sont très différents selon que l'on utilise un type de données plutôt que l'autre. Toutes les mesures de pauvreté additives examinées précédemment peuvent être aisément calculées avec précision en tant que moyennes des mesures de la pauvreté individuelles correspondantes lorsque l'on a accès aux données sur les unités d'observation. Il faut savoir, essentiellement, que: i) on ne saurait présumer que les estimations des mesures de pauvreté effectuées à partir des données sur les unités d'observation sont plus exactes que celles qui sont effectuées à partir des données regroupées, car le regroupement des données peut entraîner une «compensation» des erreurs des données sur les unités d'observation - des chiffres de consommation négatifs, par exemple - qui pourrait entacher d'un biais important les estimations de l'intensité de la pauvreté. ii) la plupart des grandes enquêtes auprès des ménages ont recours à des échantillons stratifiés, de sorte que la probabilité d'être sélectionné pour faire partie de l'échantillon n'est pas uniforme pour toute la population. Cette procédure est fréquemment employée pour garantir que la taille de l'échantillon est suffisamment élevée dans certaines régions (voir section 2.2). Les estimations des paramètres de la population effectuées à partir d'un échantillon stratifié sont sans biais si elles sont pondérées par l'inverse du taux de sondage pertinent. Sous réserve que la série de données incorpore le taux de sondage pour chaque ménage ou région, il est facile d'appliquer cette procédure. On peut consulter Levy et Lemeshow (1991) pour de plus amples précisions. 62 iii) il faut établir clairement si l'on veut estimer la pauvreté au niveau des ménages ou au niveau des individus. Par exemple, supposons que nous classions les ménages en fonction de la consommation par personne, mais que nous mesurions la pauvreté sur la base de la proportion des ménages qui se trouvent en dessous du seuil de pauvreté. Il existe généralement une corrélation négative entre la taille du ménage et la consommation par personne, de sorte que les calculs auraient tendance à sous-estimer le nombre de personnes vivant dans des ménages pauvres (mais ils ne sous- estimeraient pas nécessairement le nombre de personnes pauvres, ce résultat dépendant aussi de la distribution au sein du ménage, qui est habituellement inconnue). A mon avis, la position la plus défendable à ce dernier égard consiste à reconnaître que la pauvreté est un phénomène qui touche les individus et non les ménages en tant que tels, de sorte que c'est la pauvreté des personnes que nous devons nous efforcer de mesurer. Bien que nous ne puissions n'avoir aucune information sur la distribution à l'intérieur des ménages, cela ne signifie pas que nous ne devons mesurer la pauvreté qu'au niveau de ces derniers. Il est d'usage courant, lorsque l'on construit une distribution estimée de la consommation des individus, de poser en hypothèse que la consommation est également répartie entre les membres des ménages. Cette hypothèse peut nous mener à sous-estimer la pauvreté des personnes, peut-être même dans une mesure importante (Haddad et Kanbur, 1990). Il n'est toutefois pas facile de déterminer ce qui pourrait constituer une meilleure hypothèse. Il conviendrait de poursuivre les travaux basés sur des données sur la consommation des individus, lorsque celles-ci sont disponibles, pour déterminer la meilleure manière de procéder en leur absence. Si les données recouvrées au niveau des individus ou des ménages sont idéales, il nous faut souvent, en pratique, nous contenter de données regroupées dans des tableaux, comme les parts de revenus revenant aux ménages classés par déciles, ou les distributions de fréquence des revenus. (Même les données recouvrées au niveau des ménages peuvent être interprétées comme des données sur les individus qui ont été regroupées). Les seuils de pauvreté sont rarement situés aux limites des catégories établies pour les données agrégées et il nous faut donc trouver un moyen d'interpoler entre ces extrêmes. 63 L'interpolation linéaire est la méthode la plus facile et la plus courante, mais elle peut produire des résultats assez inexacts, notamment lorsque le seuil de pauvreté est éloigné du mode de la distribution (par exemple lorsqu'il se situe dans la région inférieure de la distribution des fréquences cumulées qui est généralement nettement non linéaire).83 Il est généralement possible d'effectuer une interpolation quadratique avec les mêmes données. Cette méthode produit habituellement des résultats plus précis, mais il faut prendre garde à ce que la densité de probabilité (c'est à dire la pente de la distribution des fréquences) produite par cette méthode ne devienne pas négative. Une méthode d'interpolation qui peut être très précise, et qui est aussi utile dans le cadre de certaines simulations de politiques, donne lieu à l'estimation d'une courbe de Lorenz paramétrique. De nombreuses spécifications peuvent être retenues pour ce faire. Bien qu'il soit facile d'obtenir un bon ajustement avec une fonction lissée comme la courbe de Lorenz, il ne s'ensuit pas que l'on obtienne ainsi des estimations exactes des mesures de la pauvreté. L'exactitude de ces dernières dépend dans une large mesure de la spécification qui a été retenue, et certaines spécifications sont généralement supérieures à d'autres pour bien des séries de données. Les deux meilleures, à mon avis, sont le modèle quadratique généralisé (Villasenor et Arnold, 1989) et le modèle Beta (Kakwani, 1980b). Les formules des mesures de la pauvreté examinées précédemment, exprimées en fonction des paramètres de la courbe de Lorenz pour ces deux spécifications et en fonction de la moyenne de la distribution, ont été établies par Datt (1991).* A titre d'exemple, le tableau 2 présente les calculs de l'indice numérique de pauvreté en 1984 effectués pour l'Indonésie par différentes méthodes à partir: 3 Par exemple, j'ai trouvé dans une étude une estimation de l'indice numérique de pauvreté d'un pays (que je ne nommerai pas), obtenue par interpolation linéaire dans l'intervalle de classe le plus bas de la distribution des données agrégées. Cette estimation était de 9,5 %. Or, une nouvelle estimation effectuée à l'aide d'un modèle de la courbe de Lorenz (basée sur une spécification Beta, voir infra) et prenant en compte la non-linéarité de la distribution a produit un chiffre de 0,5 %. Ce cas est probablement extrême, bien que d'importantes erreurs soient vraisemblablement commises lorsque l'on procède à des interpolations linéaires à l'extrémité inférieure d'une distribution par intervalles. 84 Le programme POVCAL (Chen, Datt et Ravallion, 1991) permet d'effectuer les calculs nécessaires. Ce programme, qui est autonome, peut être facilement utilisé sur n'importe quel ordinateur compatible IBM PC. 64 i) des bandes de données primaires de l'enquête socio-économique (SUSENAS) de la consommation en 1984 effectuée auprès d'un échantillon de 55 000 ménages (pondérées par l'inverse du taux de sondage pertinent); ii) de courbes de Lorenz paramétriques (au moyen du modèle Beta), calibrées sur une description détaillée de la distribution des fréquences établie sur 50 intervalles de classe constitués à partir des données sur les unités d'observation, dont 18 se trouvent en dessous du seuil de pauvreté. iii) des courbes de Lorenz calibrées sur des distributions de fréquences bien plus «grossières» établies sur 15, 10 et 5 intervalles de classe, dont 8, 4 ou 2, respectivement, se trouvent en dessous du seuil de pauvreté. Ces caractéristiques sont celles qui sont généralement retenues dans les analyses présentées dans les publications. Lorsque les données font l'objet de regroupements plus importants, il arrive aussi souvent que le seuil de pauvreté se trouve à l'intérieur d'un intervalle de classe. ('ai construit des distributions groupées dans lesquelles le seuil de pauvreté se trouve au milieu d'un intervalle de classe). Les résultats du tableau 2 confirment que le degré d'exactitude diminue lorsque l'on utilise des données groupées, mais cette baisse est limitée. L'indice numérique de pauvreté, par exemple, est estimé avec une erreur de trois quarts de point de pourcentage lorsque l'on utilise les données groupées, bien que l'erreur proportionnelle soit plus importante pour l'indice de l'écart de pauvreté. Qui plus est, la perte d'exactitude n'est guère modifiée par la réduction du nombre d'intervalles de classe constitués pour les données groupées. Je ne peux dire dans quelle mesure ces résultats sont particuliers à ces données. Ils laissent néanmoins penser que l'on n'enregistre pas nécessairement une perte d'exactitude même lorsque l'on utilise des données très agrégées pour mesurer la pauvreté. Des erreurs sont aussi commises parce que les tableaux disponibles ordonnent fréquemment les ménages au moyen d'une échelle d'équivalence inacceptable. Par exemple, il est fréquent que les ménages soient classés en fonction de leur consommation, alors qu'il serait préférable de les classer en fonction de la consommation par personne. Il est courant de poser en hypothèse que la courbe de Lorenz n'est pas modifiée par cette manière de procéder, et d'estimer les mesures de la pauvreté 65 Tableau 2 : Méthodes utilisées pour estimer les mesures de la pauvreté en Indonésie Calculée directement Nombre d'intervalles retenus pour les estimations sur à partir des données sur données regroupées lcs unités d'observation Mesure de (1984,50 15 10 5 pauvreté (1984, échant. =55,000) (18'pauv) (80pauv) (4mpauv") (2"pauvM) Indice numérique 33,02 33,74 33,64 33,88 33,63 de pauvreté H (%) Indice de déficit de 8,52 9,10 9,04 9,17 9,10 pauvreté PG(%) Source: Ravallion, Datt et van de Walle (1991). au moyen de la moyenne correcte (qui est généralement disponible ou estimable). Cette méthode paralt manquer de rigueur (car la courbe de Lorenz est sans nul doute modifiée), mais il est difficile de savoir ce que serait une meilleure hypothèse."5 Dans les quelques cas dans lesquels j'ai utilisé les données classées des deux manières indiquées, j'ai trouvé (à condition d'avoir utilisé la moyenne correcte) que la courbe de Lorenz pour les ménages donne une bonne valeur approchée de l'indice numérique de pauvreté établi à partir de la consommation par habitant, mais j'ai aussi constaté des erreurs plus importantes pour les mesures de pauvreté d'ordre plus élevé comme P2. Tests d'hypothèses Tester les hypothèses posées pour des différences entre la pauvreté qui existe dans deux situations n'est pas difficile lorsque l'on utilise des mesures de pauvreté additives qui sont calculées à partir de données sur les unités d'observation et lorsque le seuil de pauvreté est considéré être fixe (c'est à dire mesuré sans erreur). Rappelons ici qu'il est possible de calculer des mesures additives ' Si l'on pouvait penser que le classement des ménages n'est guère, voire aucunement modifié (quand l'on utilise la consommation des ménages ou la consommation des personnes), on pourrait utiliser les données disponibles sur la taille des ménages pour chaque intervalle de classe considéré pour pondérer par les effectifs de population la courbe de Lorenz établie à partir des données sur les ménages. Je pense toutefois que cette procédure produirait des estimations moins valables car la taille du ménage a tendance à augmenter avec la consommation du ménage, bien qu'elle diminue avec la consommation par habitant. Le classement des ménages pourrait donc s'en trouver nettement modifié. 66 en prenant la moyenne d'échantillon d'une mesure de pauvreté de l'individu défmie de manière appropriée. Il est aussi facile de calculer l'erreur type pour les échantillons aléatoires.' Ceci nous permet de tester les hypothèses relatives à la pauvreté, et notamment de vérifier si celle-ci est significativement plus forte pour un sous-groupe plutôt que pour un autre. L'erreur type de l'indice numérique de pauvreté peut être calculée de la même manière que pour une proportion quelconque de la population.87 L'écart-type de la distribution d'échantillonnage de l'indice numérique de pauvreté est donné parV{H.(1-H)/n} pour un échantillon de taille n de sorte que, étant donné les propriétés de la distribution normale, dans 95 cas sur 100 (par exemple), la vraie valeur de l'indice de pauvreté se trouve dans l'intervalle: (8) H - 1.96V'H.(1-H)/n} < H < H + 1.96V{H.(1-H)/n} Pour tester l'hypothèse nulle selon laquelle HA = HH pour les distributions A et B dont les échantillons sont de taille n. and nB il faudrait calculer la fonction des observations t = (HA - H5)/s où s représente l'écart-type de la distribution d'échantillonnage de HA - HB qui (aux termes de l'hypothèse nulle) est donnée par: (9) s ={H.(1-H)( - + - Dans cette expression, H = (nAHA + nBHB)/(nA + nB) (voir, par exemple, Hamburg (1977)). Si la valeur absolue calculée de t est inférieure à 1,96 (2,58), la différence entre les indices 86 Le théorème de la limite centrale est la pierre angulaire des statistiques. Soit m la moyenne de l'échantillon d'une variable quelconque calculée à partir d'un échantillon aléatoire de taille n, et soit y la valeur réelle de la moyenne. Il est possible de démontrer que la distribution de (m-)%Vn tend vers une distribution normnale lorsque n augmente. 87 Pour les échantillons aléatoires, cette erreur type a une distribution binomiale qui tend vers une distribution normale au fur et à mesure que la taille de l'échantillon augmente. Il est une règle empirique qui peut être appliquée à tous les échantillons sauf ceux qui sont de taille très réduite (n < 5), selon laquelle les valeurs approchées calculées au moyen de la distribution normale demeurent exactes tant que la valeur absolue de V{(1-H)IH} - V{H/(1-H)} ne dépasse pas 0,3/n (Box et al., 1978). 67 numériques de pauvreté se rapportant, par exemple, à deux dates différentes ne peut être considérée significative sur le plan statistique au niveau de confiance de 5 % (1 %) avec un test bilatéral. Il est possible d'appliquer ces méthodes à d'autres mesures additives de la pauvreté. Kakwani (1990) a calculé les formules des erreurs types d'un certain nombre d'autres mesures additives, dont les mesures P. de Foster-Greer-Thorbecke. ` L'erreur type de la mesure P. est égale à V«{(P2«- Pc2)/n} qui produit l'erreur type indiquée plus haut lorsque l'on considère l'indice numérique de pauvreté puisque celui-ci est un cas particulier de la formule précédente dans lequel ci=0. Ces méthodes ont des lacunes à certains égards. Il serait préférable de traiter le seuil de pauvreté comme une variable aléatoire. Ces formules ne prennent pas non plus en compte les imprécisions dues à la méthode utilisée pour estimer les mesures de pauvreté à partir des données groupées (comme les erreurs types des estimations des paramètres de la courbe de Lorenz). Aucun résultat général n'a encore été établi, qui permettrait de résoudre ces problèmes. Des difficultés se posent aussi au plan de l'analyse, suite à la perte de la propriété d'additivité (qui permet d'utiliser le théorème de la limite centrale). Les comparaisons quantitatives de la pauvreté qui ne satisfont pas au test de signification précédent doivent néanmoins être considérées pour le moins ambiguës. Ce peut aussi être le cas de certaines comparaisons qui satisfont au test, bien que ces cas soient plus difficiles à déterminer. Résumé Les mesures de pauvreté qui dépendent des distributions additives et lissées présentent un intérêt considérable. Il n'en pas moins certain que les mesures «d'ordre inférieur» - l'indice numérique de pauvreté et l'écart de pauvreté - continueront à avoir la faveur des analystes, ne serait-ce que parce qu'elles sont plus faciles à interpréter. En règle générale, l'indice numérique de pauvreté a tendance à être moins sensible à certaines formes courantes d'erreur d'observation. Il est a Ces formules ne prennent pas en compte le plan de sondage. Il existe généralement un certain degré de grippage dans le plan de sondage qui accroît les erreurs types des mesures qui sont établies dans le cadre des simples échantillons aléatoires. Il existe aussi généralement un degré de stratification qui permet de les abaisser. Il faut aussi souvent pondérer les observations, par exemple par la taille du ménage. Se reporter à Howes et Lanjouw (1994) pour les formules des erreurs types qui permettent de prendre en compte ces caractéristiques communes des données. Voir aussi Preston (1992). 68 important de savoir si les comparaisons de la pauvreté dépendent du choix de la mesure retenue, et ce pas uniquement à cause des incertitudes associées à ce choix. Les différents classements produits par différentes mesures peuvent aussi nous fournir des informations sur la manière exacte dont la distribution des niveaux de vie s'est modifiée. Nous reviendrons sur ce point à la section 2.7 qui décrit certains outils analytiques pouvant aider à déterminer la sensibilité des résultats face au choix des mesures de pauvreté. 2.6 Décompositions Des décompositions soigneusement réalisées peuvent être d'utiles instruments de l'analyse de la pauvreté. Je commencerai par examiner la manière dont un simple chiffre de la pauvreté globale peut être décomposé pour produire un profil de la pauvreté. J'examinerai ensuite deux manières de décomposer l'évolution de la pauvreté dans le temps. Profils de la pauvreté Un «profil de la pauvreté» est tout simplement un cas particulier d'une comparaison de la pauvreté, qui montre de quelle manière celle-ci varie d'un sous-groupe à une autre de la société, qui peut être défini par la région de résidence ou le secteur d'emploi. Un profil de la pauvreté peut être extrêmement utile à l'évaluation de la manière dont la structure sectorielle ou régionale des transformations économiques influence la pauvreté globale."9 Les mesures additives de pauvreté examinées à la section précédente (comme celles de la classe FGT) peuvent grandement faciliter ces comparaisons. Considérons la classe générale des mesures de pauvreté additives représentées par l'équation (7). Supposons que la population puisse être segmentée en m sous-groupes qui s'excluent mutuellement. Le profil de la pauvreté est tout simplement la liste des mesures de pauvreté Pj, pour j = 1,... m. Il est alors possible de représenter la pauvreté globale par la moyenne des mesures de pauvreté des sous-groupes pondérées par les effectifs de population correspondants: 89 Voir Kanbur (1987, 1989) pour une étude pénétrante de certains des usages des profils de la pauvreté dans le cadre de l'analyse des politiques. 69 m (10) P = E P,n1/n j=1 ni où P = E p(zj, y,j)/n i=l est la mesure de pauvreté pour le j' sous-groupe qui compte n1 personnes dont la consommation est égale à y i=1,..,n1, la population totale étant égale à n=Enj. On pourrait aussi bien définir des «grappes» de sous-groupes. Au fur et à mesure que l'on décompose les données, le profil de la pauvreté obtenu à chaque étape peut se ramener, par sommation, au profil de l'étape précédente lorsque l'on utilise les effectifs des classes comme coefficients de pondération. Outre la facilité avec laquelle les mesures de pauvreté additives permettent de former des profils de pauvreté, leur propriété d'additivité garantit «la cohérence des sous-groupes» en ce sens que, lorsque la pauvreté augmente (diminue) dans un sous-groupe quelconque de la population, la pauvreté globale augmente (diminue) aussi (Foster et al., 1984; Foster et Shorrocks, 1991). De fait, Foster et Shorrocks (1991) montrent que (sous réserve de certaines hypothèses techniques) la cohérence des sous-groupes implique, et est impliquée par, la classe des mesures définies par l'équation (7).9° Cette propriété est intuitivement intéressante pour la construction d'un profil de la pauvreté. Une évaluation des effets sur la pauvreté globale de mécanismes ciblés de lutte contre la pauvreté - qui concentrent les avantages sur certains sous-groupes - peuvent en fait produire des résultats très trompeurs si la mesure de pauvreté utilisée ne possède pas cette propriété. La mesure de la pauvreté globale peut indiquer un accroissement de la pauvreté même si celle-ci a diminué dans le groupe ciblé et ne n'est modifié dans aucun autre sous-groupe. La cohérence des sous-groupes peut donc être considérée être une propriété désirable pour l'évaluation des mesures de lutte contre la pauvreté. Certaines mesures, qui présentent des avantages à d'autres égards, ne remplissent pas 90 A proprement parler, toute transformation strictement croissante de la classe des mesures définies par l'équation (7) peut être considérée. Foster et Shorrock (1991) caractérisent la classe générale des mesures de pauvreté pour des sous-groupes cohérents. 70 cette condition. C'est le cas des indices de Sen (1976), Kakwani (1980b), et Blackorby-Donaldson (1980). L'un des inconvénients que l'on peut reprocher à l'additivité est qu'elle n'attribue aucun poids à l'un des éléments du profil de la pauvreté, à savoir les différences de l'intensité de la pauvreté ente les sous-groupes. Considérons deux groupes de même taille - le secteur «rural» et le secteur «urbain» - qui, au départ, ont des indices de pauvreté de 0,70 et 0,20, respectivement. La pauvreté globale indiquée par les mesures additives (pondérées par les effectifs des groupes) est de 0,45. Or, le problème consiste à choisir entre deux politiques X et Y. Si l'on choisit la politique X, les indices du profil de la pauvreté passent à 0,70 et à 0,10 tandis que si l'on choisit la politique Y, ils passent à 0,60 et à 0,20. Lorsque l'on se base sur une mesure additive quelconque, on peut aussi bien choisir X que Y puisque ces deux politiques produisent un indice de pauvreté global de 0,40. Or, contrairement à la politique X, la politique Y profite au secteur rural qui est plus pauvre. Doit-on donc donner la préférence à la politique Y? Il faut répondre à cette question par l'affirmative si l'on s'intéresse aux inégalités entre les groupes, abstraction faite des niveaux de vie absolus. Sous réserve que le profil de pauvreté sous-jacent soit bien mesuré (c'est à dire que l'indicateur des niveaux de vie soit adéquat, que le seuil de pauvreté soit fixé en fonction de cet indicateur et que la mesure de la pauvreté prenne bien en compte les jugements relatifs à la distribution des niveaux de vie chez les pauvres, soit autant d'aspects de la question considérés plus haut), les politiques X et Y ont des effets équivalents sur les niveaux de vie des pauvres. Les gains enregistrés par les pauvres urbains du fait de la poursuite de la politique X sont de la même ampleur que ceux qui reviennent aux pauvres lorsque c'est la politique Y qui est choisie, et les pauvres des secteurs qui en bénéficient dans chacun des cas ont le même niveau de vie. Il s'ensuit que, pour classer ces politiques, il faut affecter des poids indépendants à des facteurs autres que les effets sur les niveaux de vie. La difficulté consiste à déterminer ceux qui doivent être considérés pertinents à la formulation de ces jugements, et l'importance relative qui doit être attribuée à ces facteurs et aux niveaux de vie. Il pourrait arriver que l'on finisse par donner la préférence à une distribution dans laquelle de faibles gains sont enregistrés par les ménages pauvres ruraux à une autre qui procure des gains importants aux pauvres urbains ayant des niveaux de vie similaires. Il semble difficile de défendre une telle politique. 71 On pourrait aboutir à une conclusion tout à fait différente s'il existait des raisons de penser que la distribution des niveaux de vie mesurés n'est pas exacte et, dans l'exemple considéré, surestime le bien-étre dans le secteur rural. Cela pourrait arriver si (comme c'est courant) les mesures de la consommation basées sur l'enquête ne prennent pas en compte 'le biais en'faveur du secteur urbain de la distribution des avantages procurés par les biens publics. On pourrait aussi spéculer que des considérations liées à l'envie qu'éprouvent les individus d'un secteur vis à vis des individus de l'autre secteur pourrait avoir des conséquences similaires. Ce sont toutefois là des problèmes plus directs sur un plan conceptuel, qui ne doivent pas nécessairement conduire à considérer que l'additivité n'est pas une propriété désirable. Un profil de la pauvreté peut être essentiellement présenté de deux manières. La première («type A») indique l'incidence la pauvreté ou toute autre mesure de la pauvreté pour chaque sous- groupe défini par une caractéristique particulière, comme le lieu de résidence. La deuxième (3 et la mesure de Watts indiquent que la pauvreté a diminué pour tous les seuils de pauvreté possibles. 83 Tableau 4: Courbes d'incidence, de déficit et d'intensité de la pauvreté pour trois personnes ayant une consommation initiale (1; 2; 3) et une consommation fmale (1,5; 1,5; 2) Courbe Courbe Courbe de déficit d'intensité d'incidence de la pauvreté de la pauvreté de la pauvreté F(z) D(z) S(z) Consommation (z) Init. Finale Init. Finale *nit. Finale 1 1/3 0 1/3 0 1/3 0 1,5 1/3 2/3 2/3 2/3 1 2/3 2 2/3 1 4/3 5/3 7/3 7/3 3 1 1 7/3 8/3 14/3 15/3 de Kolmogorow-Smirnov, qui examine la distance verticale ]a plus importante entre les deux courbes des fréquences cumulées. Ce test simple apparait dans de nombreuses publications, en même temps que les tables des valeurs critiques (voir, par exemple, Daniel, 1980, chapitre 8). Il est plus difficile de réaliser des inférences statistiques pour les conditions de dominance d'ordre plus élevé et il faut, dans ce cas, employer des méthodes plus complexes (voir Bishop et ai (1989), Chow et al.,( 1991) et Howes et Lanjouw (1991)). Plusieurs dimensions Il est possible de poursuivre des raisonnements similaires lorsque les seuils de pauvreté varient selon les ménages ou les individus d'une manière qui n'est pas connue. Par exemple, les erreurs commises dans l'évaluation des niveaux de vie peuvent conduire à penser qu'il faudrait employer des seuils de pauvreté différents pour des personnes différentes. L'existence de différences indéterminées entre les «besoins» à différents niveaux de consommation pourrait aussi impliquer que les vrais seuils de pauvreté varient. Il peut exister des variations considérables, inconnues, entre les besoins nutritifs des individus. Les erreurs commises lorsque l'on prend en compte les différences relatives à la composition démographique des ménages ou aux prix qu'il leur faut payer peuvent aussi provoquer des variations sous-jacentes des seuils de pauvreté appropriés. Il est manifestement plus difficile d'effectuer des comparaisons de la pauvreté lorsque la distribution du seuil de pauvreté n'est pas connue, mais il peut demeurer possible de parvenir à des 84 conclusions qui ne sont pas ambiguës si l'on accepte de poser certaines hypothèses. Sous réserve que la distribution des seuils de pauvreté soit la même pour les deux (ou multiples) situations qui font l'objet des comparaisons, et soit indépendante de la distribution des niveaux de vie, la dominance du premier ordre d'une distribution par une autre donne lieu à un classement des niveaux de pauvreté non ambigu. Cette conclusion est valable quelle que soit la distribution fondamentale des seuils de pauvreté. Le lecteur peut se reporter à Kakwani (1989) et à Ravallion (1992a) pour une analyse plus détaillée de cette question dans le contexte de la mesure de la malnutrition lorsque les besoins nutritifs varient de manière inconnue. Il est un autre cas intéressant, dans lequel on connaît la distribution des «besoins» (comme la taille de la famille) ainsi que la consommation mais on ne sait pas exactement de quelle manière ces deux variables agissent l'une sur l'autre pour déterminer le bien-être. Lorsque l'on considère deux dimensions du bien-être, comme la consommation globale et la taille de la famille, on peut établir des «tests de dominance à deux variables» qui sont plus ou moins rigoureux selon les hypothèses que l'on accepte de poser quant à la manière dont les différences qui peuvent exister au niveau des «besoins» peuvent affecter conjointement la consommation pour déterminer le bien-être. Les tests spécifiques dépendent (entre autres) de ce que la valeur marginale sociale de la consommation est plus ou moins élevée dans les familles plus nombreuses."0' Dans le cas particulier où la valeur marginale de la consommation est indépendante de la taille de la famille, et la distribution marginale de cette dernière est fixe, le problème se ramène à celui des tests de dominance types décrits précédemment. Supposons tout d'abord que nous ne disposions d'aucune information sur la manière dont les besoins conjuguent leurs effets à ceux de la consommation pour déterminer la pauvreté. Lorsque l'on utilise des mesures de la pauvreté additives et lorsque la distribution de la population est fixe par rapport aux différents besoins, tous les tests de dominance précédents peuvent être employés séparément pour chacun des groupes qui sont jugés avoir des besoins différents. Il est donc possible '°' Voir Atkinson et Bourguignon (1982) pour une analyse générale des tests de dominance à plusieurs variables de différentes hypothèses concernant la manière dont les multiples dimensions agissent conjointement pour déterminer le bien-être. Voir Atkinson et Bourguignon (1987)et Bourguignon (1989) pour une analyse de ce type dans le contexte spécifique des comparaisons des inégalités lorsque les besoins sont différents. L'analyse présentée dans Atkinson (1988) se place dans le contexte des mesures de la pauvreté. 85 de tester une dominance du premier ordre séparément pour (disons) les ménages ruraux et les ménages urbains, ou pour les familles nombreuses par opposition aux familles de taille réduite. Si nous constatons que la dominance du premier ordre est vérifiée pour chaque groupe considéré séparément, nous pouvons en conclure qu'elle est aussi vérifiée pour l'ensemble de la population, quelles que soient les différences qui peuvent exister entre les besoins des différents groupes. Si la dominance du premier ordre n'est pas vérifiée, il est alors possible de ne considérer que les mesures de l'ampleur et de l'intensité de la pauvreté pour tester la dominance du second ordre pour chaque groupe de «besoins» particuliers, voire même de tester la dominance du troisième ordre si nécessaire. Ces tests seront fréquemment très rigoureux. Il est possible de procéder à des tests qui le sont moins pour classer les groupes en fonction du bien-être marginal associé à l'augmentation d'une unité de consommation. Supposons que cela soit possible et posons que c'est pour le groupe 1 que la valeur marginale sociale de la consommation est la plus forte (c'est à dire que la mesure de la pauvreté individuelle est la plus élevée). A l'instar d'Atkinson et de Bourguignon (1987), supposons que ce classement soit le même pour tous les niveaux de consommation possibles (de sorte que le groupe 1 enregistre toujours la valeur marginale de la consommation la plus élevée). Lorsque l'on classe les distributions en fonction des mesures de la pauvreté, il faut aussi poser en hypothèse que la mesure de la pauvreté, en tant que fonction de la consommation, n'est pas discontinue au seuil de pauvreté (Atkinson, 1988). Il est donc impossible d'utiliser l'indice numérique de pauvreté mais peu d'autres mesures sont touchées par cette restriction. PG et P2 satisfont à cette condition comme on peut le voir au graphique 3. Il est alors possible d'effectuer de simples tests de dominance partielle. Les tests sont réalisés sur une base cumulée pour les groupes ordonnés selon leurs besoins en partant du groupe 1 et non pas séparément pour chaque groupe (Atkinson et Bourguignon 1987, Atkinson 1988). La dominance est donc testée à partir des distributions des fréquences cumulées pour le groupe 1 dans les deux situations qui font l'objet des comparaisons, puis pour la somme des groupes 1 et 2, pondérés par leurs effectifs, puis pour les groupes 1, 2 et 3, etc... Il est plus probable de pouvoir établir une dominance de cette manière. Par exemple, si la pauvreté peut être devenue plus prononcée pour certains groupes définis par les besoins, la pauvreté globale peut être considérée comme ayant diminué sous l'effet d'une réorientation des politiques. 86 Il devient toutefois nécessaire de modifier encore plus ces tests lorsque la distribution des besoins change aussi, par exemple quand la proportion de la population vivant en zone urbaine augmente pendant la période sur laquelle portent les comparaisons, comme c'est généralement le cas lorsque l'on compare la pauvreté à deux dates différentes dans les pays en développement. Il est théoriquement possible que la dominance du premier ordre soit vérifiée séparément pour chacune des zones urbaines et rurales, mais ne le soit pas pour l'ensemble de la population pour toutes les distributions des besoins possibles entre les deux secteurs et toutes les manières dont la consommation et les besoins peuvent conjuguer leurs effets pour déterminer le bien-être. Des tests plus généraux peuvent être élaborés lorsque c'est le cas, bien qu'il soit difficile de les exposer en termes non mathématiques (voir Atkinson et Bourguignon (1982)). Résumé Les tests de dominance peuvent être un moyen très utile de réaliser des comparaisons de la pauvreté. Ils peuvent être robustes face à de nombreux problèmes de mesure qui font couramment obstacle aux évaluations de la pauvreté. Ils sont en outre faciles à réaliser. Pour le test du premier ordre (qui ne requiert que peu d'hypothèses sur la manière dont la pauvreté est mesurée et est donc le plus difficile à satisfaire), il suffit de porter sur un graphique les fréquences cumulées de la consommation dans chacune des situations faisant l'objet des comparaisons, jusqu'au seuil de pauvreté admissible le plus élevé. La comparaison ordinale de la pauvreté n'est pas ambiguê tant que les deux courbes ne se croisent pas. Lorsque le test ne donne pas de résultats concluants, il peut être utile de procéder à un test du second ordre, qui porte sur l'aire située en dessous de la distribution cumulée tracée. Ce test ne permet de considérer que des mesures qui prennent en compte l'intensité de la pauvreté. Il est aussi possible de recourir à des tests d'ordre plus élevé, si nécessaire. Certains tests peuvent également prendre en compte plusieurs dimensions du bien-être qui ne peuvent être agrégées de manière précise. Les recherches actuellement consacrées à ce sujet auront probablement pour effet de faire encore plus ressortir les avantages indéniables de cette approche lorsque les données sont imparfaites et les évaluations fondamentalement sujettes à controverse. 87 3 De la Théorie a la Pratique Il est nécessaire d'effectuer des comparaisons de la pauvreté pour accomplir deux taches qui consistent, la première, à réaliser une évaluation générale des progrès réalisés par un pays, et la seconde à réaliser une évaluation de politiques ou de projets, en cours ou envisagés. La première tache peut aussi être considérée comme une évaluation des politiques au sens large; de fait, étant donné les difficultés que pose fréquemment l'évaluation d'actions spécifiques, le meilleur résultat auquel on peut raisonnablement compter parvenir dans de nombreux cas est une évaluation générale des progrès à laquelle il soit possible de se fier. La présente section traite d'un certain nombre de questions qui se posent fréquemment dans le contexte d'une évaluation de la pauvreté et de l'action publique, et cherche à illustrer la manière dont les concepts et les méthodes examinés dans la deuxième partie de l'étude peuvent permettre de mieux comprendre les réponses obtenues. On ne peut envisager d'aborder toutes les questions qui peuvent se poser en pratique. Je commencerai donc par quelques unes des questions plus courantes qui concernent les données sur la pauvreté pour passer ensuite à quelques études de cas de questions sur les effets des politiques sur la pauvreté. 3.1 Avec quelle exactitude la prévalence de la pauvreté dans un pays peut-elle être prédite sans l'aide d'une enquête auprès des ménages? Supposons que nous ne puissions pas obtenir d'informations provenant d'une enquête sur les budgets ou les revenus au niveau des ménages, comme celles qui sont mentionnées à la section 2.2. Nous-est-il encore possible d'estimer de manière raisonnablement fiable la prévalence de la pauvreté dans un pays sur la base des indicateurs globaux économiques et sociaux qui peuvent être plus facilement obtenus? La seule manière de répondre de manière convaincante à cette question consiste à estimer la mesure de la pauvreté à partir des données d'une enquête auprès des ménages, puis 88 à essayer de prédire sa valeur à partir des indicateurs globaux qui sont couramment disponibles. Il ne rester alors plus qu'à comparer les deux estimations. Pour déterminer ce qu'il en est, on a commencé par estimer l'indice numérique de pauvreté dans 22 pays sélectionnés à partir des données produites par des enquêtes auprès des ménages, en retenant un seuil de pauvreté de 31 dollars par mois, en dollars PPA de 1985.`°o Aux fins de la présente étude, on a ensuite eu recours aux données globales disponibles pour prédire le niveau de la pauvreté dans chaque pays. Pour ce faire, on a utilisé un modèle de régression pour chaque pays, calibré sur les données des 21 autres."03 Vingt-deux analyses de régression distinctes ont donc été effectuées."04 Les variables explicatives sont la consommation privée par habitant tirée des comptes nationaux et évaluée sur la base soit de la parité des pouvoirs d'achat, soit des taux de change officiels, le degré d'urbanisation, le taux de mortalité infantile, l'espérance de vie à la naissance et la proportion de la population active constituée par les femmes. (On a essayé d'utiliser un certain nombre d'autres indicateurs sociaux, mais leur prise en compte n'a pas eu pour effet d'accroître la puissance explicative des variables indépendantes). Il est peu probable que de meilleures prédictions puissent être produites par les indicateurs sociaux et économiques disponibles. Le graphique 6 récapitule les résultats. Les pays ont été classés par ordre croissant sur la base des estimations effectuées à partir des enquêtes auprès des ménages. Les valeurs prédites pour chaque pays à partir des données globales ont également été portées sur le graphique. Bien qu'il existe une corrélation positive entre les deux estimations (le coefficient de corrélation simple est de 0,87), le graphique montre que les erreurs absolues de la prévision de la prévalence de la pauvreté sont souvent assez importantes. De fait, l'erreur absolue moyenne exprimée en pourcentage de l'estimation donnée par l'enquête initiale est de 49 %. Les pays les plus pauvres ont été correctement identifiés, mais leur classement a été nettement modifié. Par exemple, d'après les 102 On a utilisé les estimations de la pauvreté employées par la Banque mondiale (1990b, chapitre 2). La méthode suivie est décrite dans Ravallion, Datt et van de Walle (1991). "'3 La procédure de modélisation adoptée est la même que celle qui est décrite dans Ravallion, Datt et van de Walle (1991) et sert à calculer des données sur les distributions pour les pays qui n'en ont pas, à partir de celles des pays dans lesquelles elles sont disponibles. `04 Notons ici que le calcul d'une estimation pour un pays donné ne suppose pas que l'on connaisse la valeur de la mesure de pauvreté de ce même pays, bien qu'on la connaisse pour chacun des 21 autres pays. 89 Pourcentage de la population pauvre 70-Estimation enquête X Prévision 60 - 50 _ 40 - 30 - 20 - Xvx X 10 - o0 , I I , , I , . . . . . . . . . . O 1 2 3 4 5 6 7 8 9 1011 12 13 141516171819202122 Pays Graphique 6: Estimation de l'indice numérique de la pauvreté en l'absence d'une enquête auprès des ménages. Les estimations de la pauvreté dans différents pays à partir des données produites par une enquête auprès des ménages sont comparées aux résultats obtenus par extrapolation à partir des indicateurs globaux et des mesures de la pauvreté d'autres pays. (Source: calculs de l'auteur). indicateurs globaux, le pays N 12 (le onzième en partant du plus pauvre selon les estimations basées sur l'enquête) est pratiquement le moins pauvre des 22 pays. L'erreur absolue la plus importante est enregistrée pour le pays N*21, pour lequel l'estimation de l'indice numérique de pauvreté à partir des données de l'enquête est de 57 % tandis que celle qui est effectuée sur la base des indicateurs économiques et sociaux globaux est de 39 %. Ces divergences tiennent à deux facteurs distincts. Premièrement, l'ampleur des inégalités varie d'un pays à un autre, ce qu'il est difficile de prendre bien en compte lorsque l'on n'a pas de données sur la répartition provenant d'enquêtes auprès des ménages. Deuxièmement, la relation 90 entre les indicateurs sociaux et les mesures de la pauvreté basées sur la consommation n'est pas la même dans tous les pays. Certains des pays pauvres en termes de consommation ont des indicateurs sociaux assez satisfaisants, un faible taux de mortalité infantile par exemple, parce que leur population bénéficie de soins de santé publique effectifs, contrairement à d'autres.'05 Il peut être difficile, du fait des différences qui existent entre les pays, d'évaluer l'ampleur de la pauvreté en l'absence d'une enquête auprès des ménages. Les agrégats économiques et sociaux qui sont couramment disponibles peuvent, au mieux, donner une idée très approximative de la prévalence de la pauvreté dans un pays. 3.2 Dans quelle mesure les indicateurs transversaux permettent-ils d'identifier les personnes qui vivent dans un état de pauvreté persistant? Les indicateurs des niveaux de vie individuels examinés aux sections 2.2 et 2.3 qui sont employés aux fins des évaluations de la pauvreté et des mécanismes ciblés de lutte contre la pauvreté mesurent généralement les caractéristiques de ménages à une date donnée, ou sur une période relativement brève. Etant donné, toutefois, que les ménages vivent dans des conditions qui changent au cours du temps, et étant donné qu'ils peuvent s'adapter à cette variabilité, des indicateurs transversaux peuvent aussi fournir des informations pertinentes sur les circonstances qui règnent à d'autres dates, comme nous l'avons vu à la section 2.2. C'est là un fait important car la lutte contre la pauvreté chronique est manifestement un objectif majeur de la politique de redistribution. Malheureusement, ni un raisonnement à priori, ni les quelques observations disponibles ne facilitent vraiment le choix d'un indicateur statique aux fins de l'identification des personnes chroniquement pauvres. Par exemple, même lorsque les ménages réussissent à étaler leur consommation dans le temps, d'autres facteurs comme les erreurs d'observation et la mesure avec laquelle différents indicateurs statiques peuvent évoluer de manière synchrone pour les divers ménages, influencent le choix entre la consommation courante et le revenu courant en tant qu'indicateur de la pauvreté chronique. '` Voir Anand et Ravallion (1993) pour une analyse de la relation entre les indicateurs sociaux, la pauvreté et les dépenses publiques consacrées à la santé dans ces pays. 91 Chaudhuri et Ravallion (1992) examinent les informations qui peuvent être tirées des données longitudinales pour faciliter le choix d'un indicateur statique dans les cas plus courants dans lesquels ces données ne sont pas disponibles. Ils proposent une simple mesure normative du succès avec lequel les indicateurs statiques permettent de déterminer les personnes chroniquement pauvres. La performance des indicateurs est mesurée par le coût des transferts nécessaires pour avoir un impact donné sur la pauvreté chronique, lorsque ces transferts sont effectués par étape, en commençant par la personne la plus pauvre.'" Ils examinent ainsi la manière dont les indicateurs transversaux les plus fréquemment utilisés permettent d'identifier les ménages chroniquement pauvres dans trois villages situés dans des zones rurales consacrées à l'aridoculture en Inde. Les auteurs examinent deux mesures de la pauvreté chronique, l'une basée sur une moyenne des revenus sur huit ans, l'autre sur une moyenne de la consommation sur six ans (le nombre d'années retenu est lié à la disponibilité des données). Ils considèrent six indicateurs transversaux de la pauvreté chronique: le revenu courant, la consommation courante (nette des dépenses au titre des biens durables et des cérémonies), la consommation courante (y compris les dépenses précédemment exclues), la consommation alimentaire courante, la part de la consommation consacrée à l'alimentation, et l'accès à la terre. Ils constatent que les observations transversales de la consommation ou du revenu permettent d'identifier correctement environ les trois-quart des personnes chroniquement pauvres en termes de leurs revenus ou de leur consommation à long terme. Elles peuvent toutefois masquer d'importants faits quant à la performance des différents indicateurs, essentiellement parce qu'elles ne font pas de distinction entre les extrêmement pauvres et ceux qui ne sont pas aussi pauvres. Lorsqu'ils utilisent leur mesure de performance favorite, qui est basée sur la mesure de P2 décrite à la section 2.5, Chaudhuri et Ravallion constatent que la consommation courante et les revenus courants donnent généralement de meilleurs résultats que tous les autres indicateurs de la pauvreté chronique. Entre ces deux indicateurs, le meilleur choix dépend en partie de la mesure de la pauvreté chronique employée. La consommation courante permet de mieux détecter la pauvreté 106 Dans ce contexte, le ciblage progressif est une procédure optimale pour les mesures de la pauvreté qui sont dépendantes des distributions comme P2. 92 chronique sur la base de la consommation moyenne (pour tous les niveaux de budget à l'exception de ceux d'un montant limité), tandis que les revenus courants donnent de meilleurs résultats en termes des revenus moyens. Le graphique 7 décrit l'impact exercé sur la pauvreté chronique lorsque l'on considère différents indicateurs et différents niveaux de budget. Le point le plus élevé porté en ordonnée est le niveau de pauvreté initial. Chaque point situé sur une courbe est le niveau de pauvreté ultime (indiqué en ordonnée) qui peut être atteint lorsqu'un budget donné (indiqué en abscisse) est alloué Pauvreté (P2x1OO) Transfert proportionnel _ . Transfert uniforme 4 -Revenu \a t - -Consommation nette Part du budget alimentation --Consomm. alimentaire 2 _ Sl \ 4 ACcc s i la terre Ciblage parfait 0 200 400 eoo s00 1000 1200 1400 1600 Budget (%z) Graphique 7 Effets sur la pauvreté chronique du ciblage réalisé au moyen de différents indicateurs statiques du bien-être. Le graphique décrit le taux de diminution de la pauvreté chronique (représentée par la consommation moyenne sur six ans) lorsqu'un ciblage progressif (des plus pauvres à ceux qui le sont moins) est effectué sur la base de différents indicateurs transversaux dans trois villages en Inde (Source: Chaudhuri et Ravallion, 1992). 93 sur la base de l'indicateur transversal utilisé pour cette courbe. Il s'ensuit que plus la courbe est basse pour un niveau de budget donné, plus l'indicateur a un effet important sur la réduction de la pauvreté à ce niveau de budget. Le graphique 7 indique les impacts sur la pauvreté chronique constatés pour plusieurs indicateurs statiques, ainsi que les résultats d'un ciblage parfait (qui permet de combler exactement tous les écarts de pauvreté, du plus important au plus faible), de transferts uniformes (chaque personne reçoit dans ce cas le même montant), et de transferts proportionnels (qui accroissent la consommation de tous les individus d'un même pourcentage). Les indicateurs statiques produisent des résultats généralement intermédiaires entre ceux d'un ciblage parfait et ceux de transferts proportionnels. La consommation courante (nette des dépenses au titre de biens de consommation durables et des cérémonies) est habituellement le meilleur indicateur jusqu'à ce que le budget atteigne un niveau très élevé, mais les indices des revenus et de la consommation alimentaire le suivent de près. Il faut aussi noter que les comparaisons portent uniquement, dans le cas présent, sur l'aptitude des indicateurs à identifier les personnes chroniquement pauvres. On peut faire valoir que la consommation courante demeure le meilleur indicateur de la pauvreté à une date déterminée. Deux autres indicateurs utilisés dans le cadre des recherches et de l'action publique donnent des résultats assez décevants, à savoir l'accès à la terre et (surtout) la part de la consommation consacrée à l'alimentation (graphique 7). De fait, il vaudrait mieux tout simplement verser à chaque personne (qu'elle soit considérée pauvre ou non) le même montant plutôt que de cibler les transferts sur la base de la fraction de la consommation revenant à l'alimentation. Certaines années, on arriverait à mieux identifier les personnes chroniquement pauvres en procédant tout à fait au hasard plutôt qu'en utilisant cet indicateur (ou, encore mieux, en sélectionnant les ménages pour lesquels cette fraction est faible!). L'élasticité revenu de la demande de produits alimentaires est, en effet, proche de l'unité dans ces villages (Chauduri et Ravallion, 1992). Les piètres résultats obtenus en considérant l'accès à la terre laissent douter de l'efficacité de diverses formes de ciblages basées sur cet indicateur qui a pourtant la faveur des responsables de l'action publique du sous-continent. Je reviendrai sur ce point à la section 3.7. 94 Les résultats de l'étude fournissent aussi quelques éclaircissements sur le coût-efficacité d'un ciblage basé sur des indicateurs statiques, et sur les avantages que peuvent procurer des observations longitudinales. Lorsqu'ils utilisent la consommation courante ou le revenu courant, les auteurs constatent qu'il est facile de réduire de moitié le montant des transferts qu'il faudrait effectuer pour avoir un impact modéré sur la pauvreté chronique en l'absence de ciblage (c'est à dire lorsque les transferts sont uniformes). Ce montant pourrait toutefois représenter encore plus du double de celui des transferts requis dans le cas d'un ciblage parfait avec des données longitudinales. Il est vrai que ces estimations ne prennent pas en compte les différences entre les coûts du recouvrement des données et de l'administration des transferts qui peuvent exister pour les divers indicateurs, autant de facteurs qui devraient être pris en considération avant de parvenir à une conclusion au plan de l'action publique. La pratique courante, qui consiste à utiliser les indices d'écart de pauvreté comme mesure du coût de l'élimination de la pauvreté par le biais d'interventions publiques, est contestable lorsque, comme c'est habituellement le cas, on est forcé d'utiliser des données transversales. L'écart de pauvreté à la période en cours peut fortement surestimer ce coût. 3.3 Dans quelle région ou secteur la pauvreté est-elle plus importante? Etablir un profil de la pauvreté fiable est une importante étape de la l'analyse appliquée de la pauvreté, car les débats sur l'action à mener sont souvent directement basés sur les informations fournies par ce profil. La présente section commence par examiner les problèmes associés à une méthode couramment employée pour fixer les seuils de pauvreté relatifs à différents secteurs dans un profil de la pauvreté. Elle présente ensuite deux profils détaillés, l'un régional, l'autre sectoriel, qui seront tous deux employés par la suite dans le cadre d'exemples d'applications. Les seuils de pauvreté urbaine et rurale en Indonésie L'approche des besoins fondamentaux est la méthode la plus couramment employée pour construire les seuils de pauvreté dans les pays en développement, comme indiqué à la section 2.4. On a vu qu'il importe de prendre des précautions lorsque l'on emploie cette méthode pour construire des profils de la pauvreté. La présente section illustre ce point par un exemple. 95 Le Bureau central des statistiques indonésien (Biro Pusat Statistik: BPS) emploie une variante de la «méthode de l'énergie nutritive» (section 2.4) pour construire des seuils de pauvreté. Il commence par fixer une consommation d'énergie nutritive de référence en calories, puis détermine le niveau des dépenses de consommation auquel une personne peut généralement se procurer ce nombre de calories. Il dénombre ensuite le nombre de personnes dont les dépenses sont inférieures à ce montant. Cette méthode revient donc à estimer le nombre de personnes dont les dépenses de consommation totales seraient insuffisantes pour obtenir ce niveau d'énergie nutritive pré-déterminé, étant donné la relation qui existe entre la consommation d'énergie nutritive et la consommation totale dans l'ensemble de la population. Le BPS applique cette procédure séparément au secteur urbain et au secteur rural, ainsi qu'à chaque date considérée. Cette méthode (ou des variantes de celle-ci) a aussi été employée pour effectuer des comparaisons de la pauvreté dans d'autres pays. La pratique retenue par l'Indonésie n'est pas inhabituelle. Il faut, évidemment, que les seuils de pauvreté retenus prennent correctement en compte les différences entre les coûts de la vie dans les différents secteurs ou entre ces dates qui font l'objet des comparaisons. Or, comme on l'a vu à la section 2.4, il est très improbable que la méthode de l'énergie nutritive produise des seuils de pauvreté fixes par rapport à la consommation réelle ou aux revenus pour tous les secteurs/dates comparés. En effet, la relation entre la consommation d'énergie calorique et la consommation ou le revenu n'est pas la même pour tous les secteurs ou dates. De plus, la méthode ne garantit aucunement que ces différences présentent de l'intérêt pour des comparaisons de la pauvreté absolue. Le cas particulier de la méthode de l'énergie nutritive employée par le BPS produit des seuils de pauvreté pour les zones urbaines et rurales qui différent dans une mesure qui semble largement excéder l'écart entre les coûts de la vie. Les différences constatées entre deux dates sont aussi généralement supérieures au taux d'inflation. Comme c'est généralement le cas dans les pays en développement, la relation entre la consommation d'énergie nutritive et les dépenses totales est très différente dans le secteur urbain et dans le secteur rural. La consommation de calories est bien plus élevée dans le secteur rural que dans le secteur urbain à tous les niveaux de dépenses de consommation. Ce fait pourrait tenir simplement à ce que les ménages qui vivent dans des milieux plus aisés achètent généralement des calories plus onéreuses. Il pourrait aussi tenir à ce que les 96 travaux agricoles sont physiquement plus durs que la plupart des activités urbaines, et donc à ce qu'une personne en milieu rural a besoin de consommer une plus grande quantité d'énergie nutritive pour maintenir son poids.'07 Les différences qui existent au niveau des prix relatifs (la nourriture est relativement meilleur marché dans les zones rurales) et au niveau des goûts peuvent aussi être importantes. Pour les mêmes raisons, la relation entre la ration calorique et le revenu ou la consommation semble évoluer dans le temps, la consommation d'énergie nutritive diminuant progressivement à tous les niveaux des dépenses réelles. La différence constatée pour les relations entre l'énergie nutritive et les revenus dans le secteur urbain et dans le secteur rural indonésiens est d'une telle ampleur que, à tous les niveaux des besoins en énergie nutritive considérés, le seuil de pauvreté urbain dépasse le seuil de pauvreté rural dans une mesure suffisante pour produire un classement opposé à celui indiqué par les estimations de l'indice numérique de la pauvreté pour les deux secteurs. Cette situation est illustrée au graphique 8, qui montre la fonction de distribution des fréquences cumulées de la consommation nominale par personne pour les zones urbaines et pour les zones rurales en Indonésie en 1987. Si l'on considère le seuil de pauvreté rural retenu par le BPS pour 1987, soit 10 294 roupies par personne et par mois, on constate que 18 % de la population rurale est pauvre. Si l'on se base sur le seuil de pauvreté urbaine du BPS, soit 17 381 roupies, on constate que 20 % de la population urbaine est pauvre. Or, quel que soit le seuil de pauvreté (constant à l'intérieur de chaque secteur), la proportion de la population rurale qui est considérée pauvre est supérieure à la proportion correspondante de la population urbaine. Cette observation demeure valide à quelque niveau que l'on fLxe le seuil de pauvreté. Les distributions du graphique 8 n'ont toutefois pas été ajustées pour prendre en compte les différences qui existe au niveau du coût de la vie. Le tableau 5 présente les estimations de l'écart critique entre les seuils de pauvreté auquel le classement des secteurs selon leur pauvreté s'inverse. Ces estimations ont été effectuées à partir des distributions de la consommation par habitant produites par le SUSENAS pour 1984 et 1987. Ainsi, pour 1987, tant que le seuil de pauvreté urbain ne dépasse pas de plus de 60 % le seuil de pauvreté rural, l'indice numérique de pauvreté est plus élevé `é7 Voir, par exemple, les estimations des besoins caloriques publiées par l'OMS pour différentes activités (1985). 97 Pourcentage cumulé de personnes 100 90 _ 80 _ Zones rurales 70 - 60 - s urbaines 50 40- 30 20- O I de r' l lSeuil de 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 Consommation par personne Graphique 8: Comparaison de la pauvreté dans le secteur urbain et dans le secteur rural en Indonésie. Fonction de distribution des fréquences cumulées de la consommation nominale par personne en Indonésie en 1987 pour les zones urbaines et les zones rurales. (Source: calculs effectués par l'auteur à partir des bandes de données de SUSENAS pour 1987). dans les zones rurales. Avec l'écart de 70 % du BPS, on aboutit toutefois à la conclusion opposée. Il n'existe malheureusement pas d'indice qui permette de manière vraiment satisfaisante d'effectuer des comparaisons spatiales du coût de la vie en Indonésie. Si l'on en croit les informations dont nous disposons sur les différences de prix entre les zones rurales et les zones urbaines, il n'est toutefois guère plausible que la différence entre les coûts de la vie puisse atteindre 70 %. Le riz est généralement 10 % plus cher dans les zones urbaines que dans les zones rurales bien que, à Djakarta, il puisse être jusqu'à 20 % plus onéreux que dans les campagnes de Java. Les coûts des logements sont manifestement bien plus élevés dans les zones urbaines, bien que cela tienne 98 Tableau 5 : Ecarts critiques entre les coûts de la vie provoquant un changement du classement entre le secteur urbain et le secteur rural indonésiens donné par les mesures de pauvreté 1984 1987 Ecart critique des coûts 71(U) 71(R) 62(U) 60(R) de la vie pour inversion du classement (urbain/rural, %)* Ecart du seuil de pauvreté BPS 77 69 (urbain/rural, %) Note : * (U) signifie qu'on a utilisé le seuil de pauvreté urbain du BPS comme valeur de référence, tandis que (R) signifie qu'on a utilisé le seuil de pauvreté rural du BPS. Source: Calculs effectués par l'auteur à partir des bandes des données du SUSENAS. en partie à des différences de qualité. Ravallion et van de Walle (1991a) ont estimé un indice du coût de la vie comportemental pour Java au moyen d'un modèle de la demande lui-même estimé avec les données de 1981. Le modèle qui permet de prendre en compte les différences entre les coûts des logements (une fois neutralisées les différences observables au plan de la qualité), ainsi que les différences entre les prix du riz. Pour les pauvres, l'estimation de la différence entre les coûts de la vie en zone urbaine et en zone rurale est de l'ordre de 10 %, bien qu'elle soit légèrement supérieure à 20 % lorsque l'on compare Djakarta et les zones rurales. Bidani et Ravallion (1992) ont estimé un indice Laspeyres des prix de 30 produits alimentaires et établi que les prix sont plus élevés d'environ 12 % dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Qui plus est, un examen superficiel de la situation permet de penser que certains biens manufacturés sont, en fait, meilleur marché dans les zones urbaines. Bien que toutes les informations n'aient pas encore été rassemblées, la conclusion la plus plausible est que, étant donné l'écart qui existe probablement entre les coûts de la vie en zones urbaines et en zones rurales, l'incidence de la pauvreté en Indonésie est plus forte dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Or, la méthode de l'énergie nutritive employée pour calculer les seuils de pauvreté suggère le contraire. Ces problèmes peuvent s'amplifier lorsque la population se déplace entre les différents groupes considérés dans le profil de pauvreté, par exemple sous l'effet de l'exode rural. Supposons, par exemple, qu'une personne qui se trouve juste au dessus du seuil de pauvreté dans le secteur rural 99 aille vivre dans le secteur urbain et y trouve un emploi qui lui procure un gain de revenu réel inférieur à l'écart entre les seuils de pauvreté des deux secteurs. Bien que la situation de cette personne se soit améliorée d'après l'indicateur des niveaux de vie utilisés, la mesure globale de la pauvreté pour l'ensemble des secteurs augmente puisque le migrant est considéré pauvre dans le secteur urbain. De fait, il est possible qu'un processus de développement économique réalisé par le biais d'un accroissement du secteur urbain, dans le cadre duquel aucun pauvre ne verrait sa situation se détériorer tandis que certains d'entre eux verraient leur situation s'améliorer, provoque un accroissement de la pauvreté mesurée. Etant donné l'importance que prendra probablement l'expansion du secteur urbain dans le cadre de l'évolution de la pauvreté en Indonésie au cours des années à venir, cette propriété des mesures de la pauvreté du BPS pourrait avoir des effets trompeurs sur les conclusions à tirer. Exemples de profils de la pauvreté sectoriels et régionaux plus détaillés Le tableau 6 donne un exemple d'un profil de la pauvreté dans lequel les ménages inclus dans l'échantillon du SUSENAS pour 1987 ont été classés en 10 groupes selon leur principale source de revenus. Il s'agit d'un résumé d'un profil de la pauvreté sectoriel plus détaillé présenté dans Huppi et Ravallion (1991). Les résultats se rapportent aux trois mesures de la pauvreté examinées à la section 2.5. Il importe de noter que: i) On a supposé que l'écart entre les coûts de la vie en zone urbaine et en zone rurale est de 10 %. Cette hypothèse paraît raisonnable si l'on en juge par l'unique étude empirique qui ait été réalisée (Ravallion et van de Walle, 1991; Bidani et Ravallion, 1992), bien que ce pourcentage soit nettement plus faible que celui qui a été retenu pour d'autres profils de la pauvreté en Indonésie comme on l'a vu plus haut. ii) Les mesures de la pauvreté sont basées sur les distributions de la population estimées sur la base de la consommation des ménages par personne, chaque membre d'un ménage donné étant supposé avoir la même consommation. Des taux de sondage spécifiques aux ménages ont été utilisés pour estimer les distributions. 100 Tableau 6 : Profil de pauvreté sectoriel en Indonésie en 1987 Principal Part de la Indice num. Indice du déficit Mesure secteur population de la pauvreté de la pauvreté FGT P2 d'emploi (1987) (H, %) (PG, %) (xlOO) Agriculture (Exploitants) 41,1 31,1 6,42 1,97 (Journaliers) 8,6 38,1 7,62 2,21 Industrie (zone urbaine) 3,0 8,1 1,26 0,32 (zone rurale) 3,4 19,4 3,00 0,76 Construction 4,3 17,4 2,92 0,80 Commerce (zone urbaine) 6,3 5,0 0,71 0,17 (zone rurale) 7,6 14,7 2,42 0,61 Transports 4,1 10,7 1,53 0,34 Services (zone urbaine) 7,6 4,2 0,61 0,14 (zone rurale) 7,3 11,6 1,84 0,49 Divers 6,7 17,1 3,55 1,03 Total 100,0 21,7 4,22 1,24 Source: Huppi et Ravallion (1991). iii) Aux fins de la construction du profil de la pauvreté, les ménages ont été regroupés en fonction de leur «principale source de revenu» déclarée. De nombreux ménages ont plus d'une source de revenus, En principe, on pourrait former des sous-groupes sur la base des différentes interactions entre les sources de revenus primaires et secondaires, mais on aboutirait ainsi rapidement à un profil de la pauvreté peu maniable. Il serait aussi possible de calculer la valeur moyenne des revenus de diverses sources pour différents groupes de consommation (par exemple «les extrêmement-pauvres», «les pauvres», «les presque pauvres», «les autres»). On peut consulter à ce propos, par exemple, Huppi et Ravallion (1991). 101 iv) Les trois mesures classent de manière pratiquement identique les secteurs en termes de pauvreté et les divergences sont très peu nombreuses. Par exemple, les deux sous-groupes agricoles sont jugés être les plus pauvres par les trois mesures. Le tableau 7 donne un exemple d'un profil de la pauvreté régional. Les trois mesures de la pauvreté précédentes ont été calculées pour les différents Etats de l'Inde à partir des informations de l'Enquête par sondage nationale de 1983. Il ressort de l'examen du tableau 7 que: i) La méthodologie employée est similaire à celle qui a été utilisée pour construire le profil de la pauvreté indonésien considéré précédemment. Les distributions indiquées sont celles des personnes classées en fonction de la consommation par personne dans les ménages. La distribution de chaque Etat a été établie à partir des distributions sous-jacentes des zones urbaines et rurales, compte tenu des différences entre les coûts de la vie dans les zones rurales et urbaines et entre les différents Etats, comme indiqué dans Datt et Ravallion (1992a) ii) Les résultats sont donnés pour deux seuils de pauvreté fréquemment employés dans les études consacrées à la pauvreté en Inde (Datt et Ravallion 1992a). iii) Les résultats montrent encore une fois que les classements des Etats produits par les trois mesures de la pauvreté et les deux seuils de pauvreté sont très similaires. Par exemple, les quatre mêmes Etats - Bihar, Orissa, Bengale occidental et Tamil Nadu - sont classés parmi les quatre premiers par les trois mesures et pour les deux seuils de pauvreté. 3.4 Quelle est la fiabilité des évaluations des progrès accomplis dans la lutte contre la pauvreté? Etant donné les nombreuses incertitudes dont sont entachées les mesures (comme nous l'avons vu dans la deuxième partie), il est important de savoir à quel point les conclusions relatives aux progrès accomplis dans le cadre de la lutte contre la pauvreté sont modifiées par des modifications des mesures utilisées. Deux études de cas sont brièvement décrites ci-après, qui testent la robustesse 102 Tableau 7 : ProrI de la pauvreté régionale en Inde, 1983 Seuil de pauvreté inférieur Seuil de pauvreté supérieur (77Rs/pp/ms) (89Rs/pp/ms) Etat Mesure de pauvreté: H PG P2 H PG P2 Andhra Pradesh 20,50 4,34 1,43 30,44 7,27 2,56 Assam 25,82 4,23 1,07 41,58 8,32 2,41 Bihar 47,98 12,71 4,62 60,76 18,52 7,48 Gujarat 29,31 5,55 1,55 43,04 9,81 3,13 Haryana 12,89 2,26 0,65 21,69 4,33 1,32 Himachal Pradesh 17,36 2,81 0,72 28,85 5,62 1,62 Jammu & Kashmir 9,73 1,32 0,29 19,56 3,14 0,78 Karnataka 34,81 9,31 3,47 45,11 13,57 5,54 Kerala 27,87 6,18 2,01 38,82 9,96 3,58 Madhya Pradesh 30,44 6,81 2,17 41,78 10,88 3,90 Maharashtra 35,69 9,18 3,28 46,65 13,62 5,38 Manipur 17,39 3,04 1,19 30,93 5,94 2,02 Meghalaya 29,59 8,30 3,19 38,44 11,87 4,98 Orissa 42,69 11,50 4,41 55,16 16,71 6,93 Punjab 11,62 2,09 0,60 19,35 3,94 1,21 Rajasthan 24,06 5,51 1,86 33,58 8,75 3,22 Tamil 40,74 11,59 4,63 51,63 16,41 7,06 Tripura 23,06 4,33 1,24 35,01 7,76 2,47 Uttar Pradesh 30,15 6,85 2,25 41,48 10,88 3,96 West Bengal 43,31 13,04 5,51 54,37 18,02 8,11 Total 32,65 8,09 2,90 43,90 12,29 4,79 Note: Toutes les mesures de pauvreté sont exprimées en pourcentage. Source: Datt et Ravallion (1992a). des comparaisons de la pauvreté dans le temps. Les méthodes employées sont facilement utilisables avec les types de données généralement disponibles pour les évaluations de la pauvreté dans les pays. Le Bangladesh dans les années 1980 Le Bureau des statistiques du Bangladesh (BBS) a récemment publié des estimations de la pauvreté pour plusieurs années comprises entre 1980 et 1990. Le BBS utilise les résultats des enquêtes sur les dépenses des ménages (HES) pour estimer l'indice numérique de pauvreté en 103 comparant les dépenses effectives des ménages et le montant estimé des dépenses nécessaires pour satisfaire à des besoins en énergie nutritive de l'ordre de 2 100 calories par personne et par jour, plus les dépenses de consommation non alimentaires. La méthode employée par le BBS pour fixer le seuil de pauvreté consiste donc à déterminer le niveau des dépenses de consommation qui permet généralement à un ménage de satisfaire aux besoins en énergie nutritive stipulés. Le BBS applique cette méthode séparément au secteur urbain et au secteur rural. (Cette manière de procéder soulève les mêmes problèmes que la méthode de l'énergie nutritive examinée à la section précédente et à la section 2.4, mais nous laisserons cette question de côté pour l'instant). Les résultats du BBS suggèrent que le nombre de personnes jugées pauvres a fortement diminué au début des années 1980, puisque l'indice numérique de pauvreté est tombé de 71 à 36 % au cours des quatre années de la période 1981/82 à 1985/86, ce qui implique que le nombre total de pauvres a été ramené de 67 à 51 millions. Si l'on accorde foi à ces chiffres, les résultats obtenus ne manquent pas d'être impressionnants. Certains sceptiques ont toutefois fait remarquer que la comparaison des résultats des enquêtes sur les dépenses des ménages à des dates différentes peut poser un certain nombre de problèmes. Les échantillons n'ont pas la même taille. La HES de 1981-82 a été réalisé auprès de 9 500 ménages, tandis que celui de 1985/86 n'en couvrait que 3 800. Un échantillon de taille plus restreinte n'est toutefois pas nécessairement moins fiable (section 2.2). Les modifications du questionnaire sont, en revanche, plus préoccupantes car elles ont eu des effets sur la mesure des revenus et de la consommation des ménages, notamment au niveau des méthodes employées pour imputer la valeur de l'autoconsommation alimentaire. De plus, des incitations à participer à l'enquête n'ont été offertes que pour la première date (il semblerait que des couvertures aient été distribuées gratuitement aux personnes interrogées), de sorte que le taux de participation des pauvres n'est probablement pas le même pour les deux enquêtes. Il existe donc de bonnes raisons de se demander quelle est la robustesse des résultats apparemment excellents récemment enregistrés dans le cadre de la lutte contre la pauvreté face aux différences qui peuvent exister entre les enquêtes sur les dépenses des ménages réalisées à des dates différentes qui ont servi de base aux estimations de la pauvreté. 104 Certaines indications peuvent être tirées d'une autre source de données sur les revenus et la consommation globale, à savoir les comptes nationaux du Bangladesh. Ces comptes et les chiffres des dépenses des ménages produisent fréquemment des estimations assez différentes de la consommation moyenne. On ne sait jamais vraiment quelles estimations sont les plus exactes. Les comptes nationaux estiment généralement la consommation par différence, et d'autres erreurs sont habituellement incluses dans ce calcul. Il est, en revanche, plausible que les enquêtes auprès de ménages sous-estiment la consommation, notamment en ce qui concerne les biens de luxe acquis par les riches (bien que cela ne soit manifestement pas un problème pour la mesure de la pauvreté). Il est toutefois plus préoccupant, pour les comparaisons de la pauvreté, que les deux sources de données produisent des estimations très différentes du taux de croissance de la consommation moyenne car celui-ci joue un rôle important dans l'évaluation de la manière dont la pauvreté absolue évolue au cours des années. L taux de croissance de la consommation réelle par habitant établi à partir de la HES est de 10 % pour la période de quatre ans considérée, tandis que celui suggéré par les comptes nationaux n'est que de 0,5 % par an, soit un niveau nettement plus faible. Ce vaste écart entre les taux de croissance ne laisse par d'être préoccupant. Il renforce les arguments selon lesquels les comparaisons basées sur les HES surestiment le taux de croissance de la consommation pendant cette période. De quelle manière cette surestimation probable du taux de croissance de la consommation réelle peut-elle influencer les estimations de la pauvreté au Bangladesh? Pour tenter de répondre à cette question, j'ai calculé les mesures de la pauvreté par deux méthodes, l'une exclusivement basée sur les HES (de la manière habituelle) et l'autre utilisant les informations sur la consommation moyenne produites par les comptes nationaux en sus des données sur les inégalités relatives tirées des HES (Ravallion 1990a). Cette dernière méthode fournit aussi un exemple d'une méthodologie qui pourrait être employée avec profit à d'autres fins, de sorte qu'il importe de la décrire plus en détail. On cherche au départ à établir des formules des mesures de la pauvreté considérées qui décrivent des fonctions de la moyenne de la distribution, ainsi qu'une série de paramètres supplémentaires qui décrivent la courbe de Lorenz. Ces derniers paramètres sont estimés par des méthodes économétriques. Les formules ainsi établies peuvent alors servir à estimer la mesure de 105 la pauvreté qui serait obtenue si la moyenne se modifiait tandis que la courbe de Lorenz demeurerait inchangée. On peut ainsi estimer les seuils de pauvreté qui demeureraient valides si la moyenne était égale à celle produite par les comptes nationaux et non à celle tirées des HES, en l'absence de toute modification de la courbe de Lorenz. Il importe de s'entendre clairement sur le but de ces calculs. Ils n'ont pas pour objet de produire la raphique 10: Test de dominanœe du premier ordre en cas d'une modifticaon du prix d'une denrée limentaire dm e étue étabuit toutes quetuteslest meses dlant et après une hausse du prix du riz. (Source : Description schématique mlos conforme des résultats presentés pour l'Indonésie dans Ravallion et van de Walle, 1991). ambigue lorsque zghe est supérieur à z*. Or, de telles valeurs ne sont pas incompatibles avec les seuils de pauvreté antérieurement retenus pour l'Indonésie. La même étude établit toutefois que toutes les mesures de l'intensité de la pauvreté enregistrent un accroissement non ambigu lorsque le prix du riz augmente, et ce pour toutes les valeurs possibles du seuil de pauvreté. En effet, la surface située en dessous de la courbe d'«avant la hausse» dans le graphique 10 est en tous points inférieure à la sur-face située sous la courbe d'«après la hausse». La dominance du second ordre permet d'ordonner les situations clarement. Toutes les mesures de pauvreté qui augmentent (diminuent) lorsque les revenus d'un pauvre quelconque diminuent (augmentent) augmenteront (diminueront) aussi lorsque le prix du riz augmentera (diminuera), et cette constatation demeure valide pour un large éventail de seuils de pauvreté. 116 Réactions du narché du travail à une modification du prix du riz dans les zones rurales du Bangladesh Les pauvres qui vivent dans les économies rurales de la plus grande partie de l'Asie, et de plus en plus en Afrique subsaharienne, tirent une large part de leurs revenus d'emplois salariés associés à la production de céréales alimentaires. Une augmentation du prix du riz donne probablement lieu à un relèvement des salaires agricoles, ce qui tempère les effets négatifs que cette hausse des prix a sur les pauvres. Combien de temps faut-il, toutefois, au marché du travail pour s'adapter à ce changement? J'ai essayé de répondre à cette question dans le cas du Bangladesh (Ravallion, 1990b). L'approche suivie fait intervenir un modèle économétrique dynamique de la détermination des salaires agricoles (Boyce et Ravallion, 1991). Le taux des salaires à chaque date est incorporé dans le modèle sous la forme d'une fonction des salaires décalée, de prix du riz courants et décalés et de diverses autres variables (autres prix et indicateurs de la productivité agricole). Les résultats ainsi obtenus ont été introduits dans un modèle des ménages agricoles et utilisés pour estimer les effets sur le bien-être des pauvres de modifications des prix du riz. La formule ci-après peut être utilisée pour calculer des estimations du premier ordre de la valeur monétaire des effets sur le bien-être d'une modification des prix à chaque niveau de revenu: Valeur monétaire pour variation (15) le ménage agricole du = [MVESR + MVESL.E] x proportionnelle changement du prix du riz du prix du riz où MVESR est la valeur monétaire de l'offre excédentaire de riz du ménage (production moins consommation), MVESL est la valeur monétaire de l'offre excédentaire de travail (temps consacré à des travaux rémunérés à l'extérieur de l'exploitation moins le temps des personnes rémunérées employées sur l'exploitation), et E est l'élasticité du taux de salaire agricole par rapport au prix du riz. Dans le cas particulier où E=O, cette formule se ramène à l'analogue du premier ordre de la méthode décrite à la section précédente à partir d'une fonction estimée de l'équivalent revenu. La valeur monétaire de la modification du bien-être due à la hausse du prix d'un produit donné, lorsque tous les autres prix demeurent constants, est évaluée de manière approchée par le produit de la 117 modification du prix et de l'offre initiale nette (production - consommation) de ce produit. Cette approximation est d'autant meilleure que la variation du prix est faible et que les effets exercés en situation d'équilibre général sur les prix des autres biens sont minimes. Les résultats obtenus pour le Bangladesh sont de E = 0,2 à court terme et E =0,5 à long terme. Les effets d'équilibre général qui s'exercent par le biais du marché du travail s'avèrent avoir une influence sur les effets sur la distribution du bien-être d'une modification du prix du riz, comme le montre plus en détail Ravallion (1990b). Il ressort essentiellement de l'étude que les personnes non-pauvres des zones rurales bénéficient en général d'une augmentation des prix du riz à court terme tandis que c'est le contraire qui se produit pour les pauvres des zones rurales et urbaines. Les effets de bien-être qui s'exercent sur les pauvres des campagnes ont tendance à être neutres ou positifs à long terme. Il faut en principe de 3 à 4 ans pour que les pauvres des zones rurales retrouvent leur niveau de bien-être antérieur. 3.8 Quels avantages les pauvres tirent-ils des mécanismes ciblés de réduction de la pauvreté? Des mécanismes de réduction de la pauvreté directement ciblés sont fréquemment employés dans les pays en développement. L'évaluation de leurs effets sur les pauvres est un problème analytique important mais difficile, étant donné que les moyens administratifs disponibles sont généralement bien moindres que ce qu'ils devraient être pour assurer un ciblage parfait. De ce fait, les pauvres, comme les non-pauvres, assument certains coûts subtils mais réels lorsqu'ils sont couverts par ces mécanismes. La présente section analyse certaines études de cas portant sur l'évaluation de ces mécanismes. Quantification des effets sur la pauvreté d'un ciblage régional Les coûts administratifs et les obstacles connexes opposés à l'emploi d'instruments pour réduire directement la pauvreté sont reconnus de manière plus générale dans les études analytiques des mesures ciblées. Ces obstacles revêtent une importance particulière pour les économies rurales sous-développées. Nous sommes loin d'en être arrivé au stade où il serait vraiment possible de 118 parler d'impôt sur le revenu négatif dans la plupart des contextes. Ce n'est pas là une option réalisable. En raison des problèmes posés par l'observation des revenus, on en est venu à adopter toutes sortes de systèmes de «ciblage par indicateur» dans le cadre desquels les transferts sont fonction de variables pour lesquelles on constate une corrélation avec la pauvreté, commne la possession de terres, la caste ou le lieu de résidence. Le ciblage régional des transferts présente un certain nombre d'aspects attrayants lorsque l'on s'efforce d'atteindre les pauvres. Il existe fréquemment de fortes disparités régionales entre les niveaux de vie dans les pays en développement, et il est souvent facile d'identifier les régions qui sont à la traîne. Le lieu de résidence peut donc être un utile indicateur de la pauvreté. L'existence d'administrations locales laisse aussi penser qu'un système administratif est généralement en place et a déjà été employé pour de nombreux mécanismes de lutte contre la pauvreté dans le monde en développement. Par exemple, en Inde, la distribution des montants versés par l'administration centrale aux différents Etats est déterminée en partie par les disparités constatées pour l'incidence de la pauvreté dans ces mêmes Etats. Datt et Ravallion (1992a) ont étudié cette question dans le contexte de l'Inde. Ils ont considéré les effets sur la pauvreté globale des transferts absorbés de manière additive et multiplicative entre les différents Etats du pays, et entre leurs zones rurales et urbaines. Dans leur analyse, ils ne prennent pas en compte les effets exercés sur les revenus ou les prix relatifs avant les transferts. Selon les hypothèses qu'ils retiennent quant à la manière dont la pauvreté est mesurée, ils constatent que 75 % et 90 %, respectivement, des transferts dans le cas desquels l'Etat ou le secteur «donateur» a une consommation moyenne supérieure à celle de l'Etat ou du secteur «bénéficiaire» auraient réduit la pauvreté globale en 1983. L'effet qualitatif d'une réduction des disparités régionales/sectorielles entre les niveaux de vie moyens s'exerce donc généralement en faveur des pauvres. Il est toutefois peu probable que les gains quantitatifs enregistrés par les pauvres du fait d'une élimination même totale des disparités régionales entre les niveaux de vie moyens en Inde soient importants. Par exemple, Datt et Ravallion ont simulé les effets sur différentes mesures de la pauvreté de l'élimination totale des disparités régionales entre les 20 Etats indiens, chacun de ces 119 Etats étant décomposé en zones rurales et urbaines, tout en maintenant constantes les inégalités relatives intra-régionales. Pour ce faire, ils ont commencé par estimer une courbe de Lorenz par région, comme indiqué à la section 2.5. Ils ont ensuite calculé les mesures de la pauvreté en tant que fonctions des paramètres de cette courbe et de la moyenne de chaque distribution locale. Il leur a alors été possible de calculer, par simulation, les valeurs numériques des effets de la réduction des disparités régionales en l'absence de toute modification des inégalités intra-régionales. Leur étude aboutit à la conclusion que l'égalisation au plan régional des consommations moyennes n'entraînerait qu'une faible réduction du pourcentage de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, qui tomberait d'une valeur initiale de 44 % à 42 % après l'élimination des disparités régionales. Les résultats sont récapitulés au tableau 10. Datt et Ravallion examinent aussi les effets supplémentaires qui pourraient s'exercer sur la pauvreté si les informations sur la distribution à l'intérieur des régions (produites par les enquêtes auprès des ménages) étaient utilisées de manière optimale aux fins du ciblage régional. Dans ce cas également, ils constatent que les effets potentiels seraient limités. Ces résultats s'expliquent essentiellement par le fait que, malgré les fortes disparités régionales indiquées pour les mesures de la pauvreté au tableau 7, la région de résidence telle qu'elle Tableau 10 : Effets simulés de mesures d'égalisation régionales sur la pauvreté en Inde Simulé avec consommation moyenne Résultat (1983 NSS, seuil de égalisée pour tous les Etats et entre Measure de la pauvreté pauvreté = 89 Rs/pers/mois) zones urbaines et rurales Indice numérique de la 43,9 42,3 pauvreté (H) Indice du déficit de la 12,3 11,3 pauvreté (PG) Foster-Greer-Thorbecke 4,8 4,7 Note: Les simulations supposent que la moyenne nationale n'est pas modifiée par les redistributions régionales et que les courbes de Lorenz ne sont pas non plus modifiées à l'intérieur des régions. Source : Datt and Ravallion (1992a). 120 est défmie sur la base des limites administratives de l'Inde s'avère être un indicateur de la pauvreté relativement médiocre. De nombreuses personnes non-pauvres vivent dans les régions «pauvres», et de nombreux pauvres vivent dans les régions «riches». Ce dernier groupe assume une partie du coût du ciblage régional tandis que certains avantages se répercutent sur le premier. Les types de ciblage régional/sectoriel réalisables au plan administratif peuvent donc être des instruments assez mal adaptés à la réduction de la pauvreté globale en Inde. Les coûts engendrés en termes de croissance par le déplacement de ressources des sites les plus rentables vers des sites moins rentables ont probablement pour effet de réduire encore plus les gains enregistrés par les pauvres. Les efforts similaires déployés en Indonésie, où les disparités régionales qui existent au niveau de l'incidence et de l'intensité de la pauvreté dans les différentes îles sont plus importantes, laissent penser que ce type de ciblage y a eu des résultats plus positifs - et aussi que les gains obtenus sont loin de résulter des politiques de transferts inter-régionales existantes (Ravallion, 1992b). Mais même dans ce cas, le ciblage régional n'est pas une panacée. L'impact sur la pauvreté nationale de redistributions non restreintes du revenu entre les provinces indonésiennes équivaudrait à celui d'un accroissement de trois-quart de pourcentage de la consommation moyenne nationale. Il nous faut considérer d'autres indicateurs pour ajuster le ciblage à l'intérieur des régions ou des secteurs. Ciblage en fonction de l 'accès à la terre au Bangladesh Dans les zones rurales de l'Asie du Sud (et de plus en plus en Afrique subsaharienne), l'indicateur supplémentaire le plus prometteur est probablement celui de l'appartenance ou non à la classe des propriétaires fonciers, étant donné la forte corrélation négative qui est observée entre la possession des terres et la pauvreté dans les zones rurales. Les simulations des effets sur la pauvreté que j'ai effectuées confirment la nécessité de cibler les mécanismes de réduction de la pauvreté sur les personnes qui ne possèdent que peu de terres, voire aucune, dans les zones rurales du Bangladesh (Ravallion, 1989). Le graphique 11 montre la manière dont la mesure de pauvreté Pl varie avec la superficie des propriétés foncières dans les zones rurales du Bangladesh et indique les transferts par catégorie de propriétaires qui minimiseraient la mesure de la pauvreté globale P2 pour un budget donné (se reporter à Ravallion 1989 pour de plus amples détails). Le montant des transferts diminue 121 Taka par ménage et par mois Indice du déficit de la pauvreté 3000 1500 /0.4 1000 5 T _~~~~~~~~~~~~~ 0.3 500) 0.2 -500 - E . -1 000 < -1500 ,,lX, , l0 0 5 1 0 1 5 20 25 30 35 40 Superficies moyennes possédées par classe (acres) iIndice du déficit +Revenu moyen effectif * Transfert minimum + Revenu après transfert Graphique 11: Simulations de mécanismes de transfert. Niveaux des transferts effectués en fonction des superficies possédées, qui minimisent la pauvreté dans les zones rurales du Bangladesh. (Source: adapté de Ravallion, 1989). lorsque la superficie des propriétés augmente, bien que les revenus après transferts continuent d'augmenter même lorsque la pauvreté est minimisée. Les résultats font toutefois aussi ressortir les carences d'un ciblage basé sur la propriété foncière. Bien qu'il existe une étroite corrélation entre la catégorie de propriété terrienne et la pauvreté, celle-ci n'est pas totale. On trouve dans les campagnes de nombreux pauvres qui possèdent de vastes superficies, ainsi que des non-pauvres qui n'ont pas de terres. Les différences de qualité des sols perturbent également la relation. On ne peut manifestement s'attendre à éliminer la pauvreté de cette manière, même si l'on retient les hypothèses les plus généreuses qui soient sur les types de 122 redistributions des revenus entre les classes de propriétaires terriens qui seraient réalisables au plan politique. De fait, même s'il était possible de totalement contrôler la distribution des revenus entre les 10 classes de propriété terrienne au Bangladesh, la réduction maximale de l'intensité globale de la pauvreté qui pourrait être ainsi obtenue ne serait pas supérieure à celle qui résulterait du versement à tous les ménages, en l'absence de tout ciblage, d'une somme forfaitaire équivalant à environ un dixième du PIB (Ravallion, 1989). Divers facteurs peuvent renforcer les effets de réduction de la pauvreté, comme l'impact des gains de revenus ou de patrimoine sur la productivité future des pauvres."3 D'autres réduisent les effets de ces gains en termes de réduction de la pauvreté. Les limites qui sont probablement imposées aux pouvoirs de redistribution du gouvernement contribueraient aussi à réduire les gains que peuvent tirer les pauvres de telles politiques. Les programmes publics pour l'emploi Les perspectives décevantes d'une réduction directe de la pauvreté par des programmes comme le ciblage régional, ont ravivé l'intérêt porté à l'un des mécanismes les plus anciens en ce domaine: les travaux publics spéciaux du type de ceux qui sont courants dans les zones rurales d'Asie du Sud et de plus en plus fréquents dans d'autres régions. L'on ne compte pas, lorsque l'on a recours à ces programmes, réduire la pauvreté en créant des actifs générateurs de revenus (bien qu'il faille se réjouir si c'est le cas). Les exigences des travaux peuvent toutefois encourager de manière tout à fait appropriée l'auto-ciblage de la population en ce sens que les non-pauvres ne veulent que rarement participer aux programmes alors qu'un grand nombre des pauvres le souhaitent. 114 De quelle manière faudrait-il organiser ces programmes pour qu'ils permettent de réduire la pauvreté de la manière la plus efficace possible au plan des coûts? La double question du taux de rémunération et de la couverture des travaux publics spéciaux se pose au stade de la formulation des politiques. Pour un budget à long terme donné, il faut choisir entre un système qui vise à couvrir "3 Ravallion et Sen (1992) ont examiné cette question et constaté que la prise en compte, dans une mesure plausible, des effets différentiels de productivité accro^t l'impact sur la pauvreté d'un ciblage basé sur la propriété terrienne, bien que cet effet soit limité. ' Voir Ravallion (1991a) pour un exposé de la théorie et diverses observations. 123 une grande partie de la population en offrant des niveaux de rémunération qui peuvent être faibles et un système qui rationne la participation à un niveau de rémunération suffisamment élevé pour permettre à un nombre plus élevé de participants d'échapper à la pauvreté. Ravallion (1991b) s'est penché sur la question et a établi les conditions du classement de différentes politiques simplifiées sur la base d'une vaste classe de mesures de la pauvreté. Les simulations empiriques des différentes politiques possibles pour le Bangladesh confortent généralement les arguments en faveur d'une vaste couverture à des taux de rémunération peu élevés lorsque le responsable de l'action publique vise à réduire l'intensité de la pauvreté globale mesurée, par exemple par la mesure de Foster-Greer- Thorbecke P2. Cette conclusion peut rester valable même lorsque les coûts non salariaux par travailleur sont assez élevés (mais s'ils atteignent des niveaux très élevés, il deviendra souhaitable de réduire la couverture du programme). Un programme de vaste portée a tendance à toucher les personnes plus pauvres en premier et a donc un effet plus marqué sur P2 que sur PG ou sur H. Un test de dominance du second ordre a généralement pour effet de favoriser une large couverture,'5 de sorte que la conclusion est robuste face au choix du seuil de pauvreté et de la mesure de pauvreté, sous réserve que cette dernière évalue les réductions apportées à l'intensité de la pauvreté. Les arguments présentés pour justifier une limitation de la couverture lorsque les taux de rémunération sont plus élevés sont plus convaincants lorsque l'on se préoccupe uniquement de l'incidence de la pauvreté, que mesure H, puisque dans ce cas un plus grand nombre de personnes franchissent le seuil de pauvreté. L'impact sur la pauvreté d'un programme public pour l'emploi offrant de faibles rémunérations est bien illustré par certains résultats obtenus par Datt et Ravallion (1992c). Ces auteurs ont étudié les effets sur les revenus des possibilités d'emploi public (essentiellement dans le cadre du «système d'emploi garanti» du Maharashtra) dans un village pauvre de cette province en utilisant les séries de données d'une étude longitudinale réalisée à l'échelon des ménages sur une période de six ans. Ces données leur ont permis d'estimer les revenus auxquels les participants au système ont dû renoncer et, donc, de calculer les revenus qui auraient été dégagés en l'absence du programme. Le graphique 12 décrit la distribution cumulée du revenu moyen par personne. La moyenne en question a été établie sur la période de six ans et peut donc être considérée fournir une "' Cette conclusion peut cesser d'être valide si le coût administratif par personne employée est suffisamment élevé. Voir Ravallion (199lb). 124 Pourcentage cumulé de personnes _ 90 Sons travaux publics Avec travaux public* * 80 70 - 60 50 40 -30 20 10 400 600 800 1000 1200 1400 1600 Revenu moyen par personne (Rs/an, prix de 1983) Graphique 12: Courbes d'incidence de la pauvreté avec ou sans rémunérations provenant d'un programme de travaux publics spéciaux dans un village indien. Distribution de la moyenne sur six ans du revenu des ménages par personne dans un village indien, et distribution simulée en l'absence d'emplois fournis par un programme de travaux publics spéciaux, compte tenu des revenus qui auraient été produits par d'autres activités et auxquels il a fallu renoncer. (Source: Datt et Ravallion, 1991c.) bonne indication d'un niveau de vie normal «en longue période». Deux distributions sont portées sur le graphique. La première décrit la situation avec le programme de travaux publics spéciaux et la seconde celle qui aurait existé en son absence. 125 La dominance du premier ordre doit demeurer valide dans ce cas. Aucun revenu ne diminue du fait de l'existence d'un programme de travaux publics spéciaux."16 On peut toutefois aussi voir que le programme est ciblé puisque les deux courbes de distribution ne sont pas parallèles. La distance verticale la plus importante est enregistrée pour un revenu tout juste inférieur à 700 roupies par personne et par an et est de 13 points en pourcentage. En d'autres termes, si le seuil de pauvreté est de cet ordre de grandeur, l'indice numérique de pauvreté diminue de ce même pourcentage et tombe de 33 à 20 % grâce au programme. Les seuils de pauvreté généralement constatés pour les zones rurales indiennes sont toutefois nettement supérieurs à ce niveau. Le seuil le plus couramment retenu impliquerait un chiffre de l'ordre de 900 roupies par personne et par an. A ce niveau, l'impact du programme sur l'indice numérique de pauvreté est bien plus faible puisque ce dernier tombe de 42 à 40 % sous l'effet de l'accès à des emplois publics. Cette comparaison ne permet toutefois évidemment pas de déterminer l'effet réel du programme sur les personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Une mesure de l'intensité de la pauvreté comme P2 fournit de meilleures indications à cet égard. Au même seuil de pauvreté, elle montre que le programme fait fortement diminuer la pauvreté puisque la valeur de P2 tombe de 5 à 3,2 % Les programmes publics pour l'emploi offrent un exemple de la manière dont la détermination d'une politique peut dépendre dans une large mesure des jugements de valeur qui interviennent dans la définition et la mesure de la pauvreté. A mon avis - que je pense être partagé par de nombreux lecteurs - les évaluations des politiques devraient être non seulement plus sensibles aux effets de ces dernières sur les pauvres par comparaison à leurs effets sur les non-pauvres, mais elles devraient aussi attribuer un poids maximum aux effets sur les plus pauvres. 116 Le programme est essentiellement financé par des taxes prélevées dans le secteur urbain dans l'Etat de Maharashtra. Notons que ces résultats ne signifient pas qu'aucune autre politique n'aurait pu avoir un impact plus élevé sur la pauvreté pour les mêmes décaissements bruts. Voir Ravallion et Datt (1992). 126 4 Conclusions et recommandations Les évaluations des progrès d'une économie, et des mérites de politiques spécifiques, sont souvent basées sur les informations produites par des estimations quantitatives de l'ampleur, de la profondeur et de l'intensité de la pauvreté. Comme nous l'avons noté à diverses reprises dans cette monographie, ces évaluations peuvent dépendre dans une large mesure des hypothèses retenues pour les mesures. Par exemple, il est courant que les seuils de pauvreté des pays en développement soient fixés à des niveaux proches sinon égaux à la valeur du mode de la distribution de la consommation. Or, dans ce cas l'indice numérique de pauvreté dépend très fortement de la valeur exacte du mode puisque c'est en ce point que la pente de la distribution des fréquences cumulées est la plus forte. Nous cherchons, heureusement, bien souvent non pas tant à estimer de manière précise une mesure de la pauvreté qu'à déterminer dans quelle situation (par exemple avant et après une modification des politiques) la pauvreté est plus prononcée. Je me suis appuyé sur des théories et des observations récentes pour tenter de montrer comment il est possible de procéder à ces comparaisons de la pauvreté, et quels sont les écueils que l'on peut rencontrer ce faisant. Lorsque l'on évalue les niveaux de vie, le meilleur indicateur qui puisse généralement être utilisé est une mesure complète et bien normalisée des dépenses de consommation des ménages établies à partir d'informations fournies pendant les entrevues d'une enquête transversale auprès d'un échantillon représentatif de ménages. On pourrait toutefois obtenir de meilleurs résultats en ce domaine, notamment en répétant les entrevues auprès des individus à des dates différentes. Cette procédure est toutefois plus onéreuse pour un échantillon de taille donnée, de sorte qu'un compromis s'impose. La décision finale dépend de l'ordre des priorités des multiples objectifs de l'enquête et des ressources disponibles. Je pense que, dans les prochaines années, les enquêtes réalisées à l'échelle de la nation seront encore pour l'essentiel transversales, tandis que les enquêtes longitudinales ne porteront que sur une fraction nettement plus limitée de la population et serviront à répondre à des questions bien précises (comme celles liées à l'étude de la dynamique de la pauvreté au niveau des individus ou des ménages), et à 127 évaluer les répercussions d'interventions spécifiques de l'Etat, peut-être sur une base expérimentale. Il est souvent utile de disposer de mesures globales en sus de celles qui peuvent être établies à partir des enquêtes auprès des ménages, en raison des problèmes que pose l'établissement d'une mesure monétaire idéale du bien-être. Citons à cet égard les différents «indicateurs sociaux» (espérance de vie, mortalité infantile, analphabétisme), les agrégats économiques définis au sens strict comme ceux qui peuvent être calculés à partir des comptes nationaux, et les données sur les principaux prix relatifs, comme les taux de salaires réels de la main-d'oeuvre non qualifiée. Ces mesures présentent de l'intérêt parce qu'elles couvrent des aspects du bien-être des ménages qui ne sont pas pris en compte de manière adéquate par les mesures basées sur la consommation ou le revenu. Cependant, si elles peuvent fournir des informations supplémentaires utiles aux comparaisons de la pauvreté, on ne saurait toutefois se fier uniquement sur elles. Elles ne fournissent pas nécessairement d'information sur les niveaux de vie des pauvres. Par exemple, la consommation moyenne (estimée à partir des comptes nationaux) peut augmenter même si les pauvres n'enregistrent aucun gain. Certains indicateurs sociaux peuvent aussi réagir trop fortement à des progrès même limités des soins de santé primaires, en particulier lorsque le taux de mortalité est au départ très élevé. Si la prévention de maladies infectieuses et parasitaires courantes comme le paludisme est un progrès indéniable - et doit être un objectif hautement prioritaire dans les régions où elle n'est pas assurée - l'élimination de la pauvreté dépasse largement le cadre de cette action. Qui plus est, si certains de ces indicateurs globaux sont manifestement influencés par la distribution de la consommation ou du revenu, leur utilité en tant qu'indicateur de distribution est pour le moins ambigu. Ils peuvent, par exemple, ne pas être influencés dans la mesure souhaitée par le niveau de bien-être des extrêmement pauvres. Il est donc probable que les données sur les niveaux de vie produites par les enquêtes auprès des ménages demeureront la principale - et la meilleure - source d'information pour les comparaisons de la pauvreté. 128 Il arrive souvent qu'il faille décider s'il serait judicieux qu'un pays en développement fasse ou non l'effort d'investir dans une enquête auprès des ménages. En principe, on peut répondre à cette question en évaluant les coûts et les avantages de l'existence des données que cette enquête pourrait produire. Mais si les coûts sont faciles à déterminer, il n'en est pas de même pour les avantages. Des gains qualitatifs sont enregistrés, qui tiennent au fait que les pouvoirs publics, les citoyens et la communauté des chercheurs acquièrent alors les moyens d'évaluer de manière critique et pourtant systématique les politiques en cours ou proposées, et les progrès généraux accomplis par le pays. En l'absence d'un profil de la pauvreté, on ne peut que deviner la forme que pourraient avoir des mesures en faveur des pauvres. Quelle valeur faut-il attribuer à ces gains ou, de fait, à toute information essentielle sur les niveaux de vie d'une société? Nul n'a jamais entrepris, à ma connaissance, d'analyser les coûts-avantages du recouvrement des données pour l'établissement des comptes nationaux. Il est quasiment universellement admis que ces données sont aussi essentielles que le gouvernement lui-même. Il semblerait tout aussi justifié de considérer de la même manière des enquêtes périodiques sur les niveaux de vie d'une population représentative à l'échelon national. Lorsqu'il dispose de données comparables provenant d'une enquête sur la consommation des ménages pour au moins deux dates ou sites différents (ou des situations caractérisées par la poursuite ou non d'une politique), l'analyste devrait, en premier lieu, construire chacune des courbes d'incidence de la pauvreté indiquant la proportion de la population qui, selon les estimations, consomme une quantité inférieure à un niveau de consommation par personne spécifié - ce dernier niveau allant de zéro à la consommation maximale. Si les courbes d'incidence tracées ne se croisent en aucun point à l'intérieur de ces limites - situation qualifiée de «dominance du premier ordre» - la comparaison ordinale de la pauvreté est dénuée d'ambiguité et il n'est pas nécessaire de poursuivre les calculs. Quel que soit le niveau auquel est fixé le seuil de pauvreté, ou quelle que soit la mesure de la pauvreté retenue (à l'intérieur d'une très vaste classe de mesures), la situation décrite par la courbe d'incidence inférieure se caractérise par une pauvreté moindre. Si les deux courbes se croisent, ou s'il est nécessaire de procéder à une comparaison en termes quantitatifs, il devient nécessaire d'obtenir des informations supplémentaires. Ces dernières peuvent se rapporter à ce qui est jugé être un seuil de pauvreté raisonnable pour le 129 pays et/ou aux propriétés que l'on considère raisonnables pour la mesure de la pauvreté. Dans les deux cas, l'analyse peut prêter à controverse. J'ai examiné les principales méthodes employées pour déterminer les seuils de pauvreté lorsque cette opération est nécessaire. Certaines méthodes couramment employées peuvent entraîner des confusions entre la pauvreté «absolue» et la pauvreté «relative» de manières qui, de plus, ne permettent pas de déterminer clairement si l'on observe une modification de la pauvreté absolue ou une modification de la pauvreté relative. Il n'est en outre même pas évident que les considérations de pauvreté relative soient prises en compte de manière appropriée dans les comparaisons. Lorsque l'on compare des cas de pauvreté absolue, il faut uniquement ajuster le seuil de pauvreté de manière à ce qu'il demeure constant par rapport à l'indicateur des niveaux de vie utilisé. Lorsque l'on se base sur des données sur la consommation ou les revenus, cela signifie généralement que le seuil de pauvreté ne doit être ajusté qu'au titre des différences enregistrées au plan du coût de la vie pour les pauvres à des dates ou en des lieux différents. A mon sens, la meilleure manière de fixer un seuil de pauvreté consiste à utiliser le coût d'un ensemble bien défini de biens jugés permettre de garantir la satisfaction des besoins nutritionnels et autres besoins de base d'une personne moyenne. A l'exception des éléments nutritifs dont le corps humain a besoin pour pouvoir poursuivre des activités modérées, ces besoins sont déterminés par des jugements normatifs. En pratique, la variation des seuils de pauvreté résulte généralement surtout de la prise en compte des biens non alimentaires. Une méthode couramment employée, pour ce faire, consiste à baser la provision correspondante sur les dépenses des personnes qui satisfont tout juste à leurs besoins nutritifs. Il faut toutefois prendre garde à effectuer des calculs distincts pour chaque sous-groupe inclus dans les comparaisons car des groupes de population aisés dépensent manifestement plus pour satisfaire à leurs besoins nutritionnels que des groupes moins bien nantis. La méthode utilisée pour déterminer les seuils de pauvreté pourrait alors avoir des conséquences pour les inégalités existantes sur l'évaluation de la pauvreté de manières difficilement justifiables. Il importe de systématiquement vérifier la mesure dans laquelle le classement des sous-groupes en termes de pauvreté dépend de ces choix. 130 Une meilleure méthode consiste, à mon avis, à commencer par déterminer le coût d'un panier de produits alimentaires qui satisfait les besoins nutritionnels moyens en respectant les régimes habituels. On y ajoute alors celui d'un ensemble de produits non alimentaires caractéristiques de ceux qui sont généralement achetés, soit par ceux qui peuvent tout juste se permettre d'acquérir le panier d'aliments (pour établir une limite inférieure raisonnable d'une gamme acceptable de seuils de pauvreté) ou par ceux qui atteignent tout juste ce niveau de dépenses alimentaires (pour établir une limite supérieure justifiable). Dans bien des cas, toutefois, on constate que les comparaisons de la pauvreté ne dépendent guère du niveau exact du seuil de pauvreté utilisé tant que celui-ci se trouve à l'intérieur d'une fourchette raisonnablement large. Si les chiffres de la pauvreté se modifient (peut-être dans une mesure importante), les classements demeurent inchangés. Sous réserve qu'il soit possible de dire que le seuil de pauvreté ne dépasse pas une valeur critique spécifique, et que cette dernière valeur n'est pas supérieure au plus bas des points d'intersection des courbes d'incidence de la pauvreté, l'analyste a tous les éléments dont il peut avoir besoin. Dans ce cas encore, la comparaison ordinale est concluante, quelle que soit la mesure de la pauvreté retenue. Si, toutefois, l'on ne dispose pas d'informations suffisantes sur le seuil de pauvreté, ou si le classement demeure ambigu à l'intérieur de la fourchette plausible des seuils, il devient nécessaire d'imposer des restrictions à la classe des mesures de la pauvreté utilisées lorsque la dominance du premier ordre n'est pas valide, comme c'est le cas lorsque certains pauvres bénéficient de la situation tandis que d'autres y perdent. Il peut suffire de ne considérer que les mesures pour lesquelles un accroissement de la consommation d'une personne quelconque ne peut accroître la pauvreté. Cette restriction produit des comparaisons ordinales décisives de la pauvreté si les courbes du déficit de la pauvreté, qui sont déterminées par la surface située en dessous des courbes d'incidence de la pauvreté, ne se coupent en aucun point situé à l'intérieur du domaine. En d'autres termes, l'une des courbes est plus élevée que l'autre du moins en certains points et n'est jamais inférieure en deçà du seuil de pauvreté maximum. Dans ce cas, on peut dire qu'il existe une «dominance du second ordre». Par exemple, lorsque certains pauvres perdent du fait de l'évolution de la situation tandis que d'autres y gagnent, la 131 courbe du déficit de pauvreté se déplace vers le bas si les gains globaux sont supérieurs aux pertes globales. Si le test précédent n'est pas concluant (les courbes du déficit de la pauvreté se coupent un un point inférieur au seuil de pauvreté le plus élevé admissible), il importe alors de préciser la manière dont la mesure de la pauvreté pondère les gains ou les pertes à différents niveaux de consommation pour les pauvres et, en particulier, d'établir son degré de dépendance à l'égard de l'intensité de la pauvreté. Il est naturel de supposer que le poids affecté à un gain particulier est d'autant plus élevé que le bénéficiaire est pauvre. Il faut dans ce cas comparer les courbes d'intensité de la pauvreté qui sont définies par les aires situées en dessous des courbes du déficit de la pauvreté, et effectuer un test de «dominance du troisième ordre», analogue aux tests du premier et du second ordre décrits précédemment. Si le test est concluant, il s'ensuit que la comparaison de la pauvreté effectuée au moyen des mesures de l'intensité de la pauvreté n'est pas ambiguê. Il ne suffit pas toujours de procéder à des comparaisons purement ordinales de la pauvreté. On peut avoir à déterminer dans quelle mesure le niveau de vie des pauvres a changé, et quels sont les facteurs qui ont contribué à ce changement. Il est possible, pour ce faire, de recourir à certaines méthodes de décomposition. Un profil de la pauvreté peut identifier les sous-groupes pour lesquels l'incidence, l'ampleur ou l'intensité de la pauvreté sont les plus élevés, et ainsi permettre de mieux comprendre la manière dont les changements effectués ou prévus touchent les pauvres. Les comparaisons dans le temps peuvent aussi être décomposées en divers éléments, comme les effets de la croissance par opposition à ceux de la redistribution, ou en composantes sectorielles. Enfin, si l'on pousse la décomposition au maximum, il est souvent possible de quantifier les répercussions qui s'exercent probablement sur le bien-être au niveau des ménages avec une confiance raisonnable en utilisant les méthodes micro- économétriques modernes. Il est ainsi possible de mieux comprendre les effets qui s'exercent sur les pauvres et la manière dont ceux-ci ajusteront probablement leur comportement. J'ai fourni un certain nombre d'exemples pour montrer comment ces méthodes peuvent être utilisées dans le cadre des évaluations de la pauvreté et de l'analyse des politiques qui sont couramment effectuées. On a vu que certaines évaluations des répercussions sur la pauvreté 132 sont nettement moins robustes que d'autres face aux hypothèses adoptées pour mesurer la pauvreté. Certaines comparaisons des politiques dépendent, de même, dans une plus large mesure que d'autres, de jugements de valeur souvent difficiles, qui sont effectuées pour mesurer la pauvreté. Aucune généralité ne peut être formulée à cet égard. Ce qui est évident, c'est que quelques instruments relativement simples de l'analyse de la pauvreté peuvent grandement faciliter l'évaluation de la robustesse des comparaisons face aux hypothèses retenues pour les mesures. Il est au moins possible d'éviter le pire, c'est à dire une situation dans laquelle on n'aurait aucune idée de la fragilité réelle des conclusions face aux données et aux hypothèses sur lesquelles elles reposent. Heureusement, comme certains des cas pratiques examinés ici l'on montré, on constate fréquemment que les comparaisons de la pauvreté sont robustes dans toute une gamme de circonstances, ce qui accroît la confiance qui peut être accordée aux conclusions formulées au plan des politiques. 133 Appendice 1 : Une méthode de fixation des seuils de pauvreté Il n'existe pas de méthode idéale pour fixer les seuils de pauvreté, et les choix effectués prêteront presque certainement à controverse. La section 2.4 a examiné les avantages et les inconvénients des méthodes antérieurement utilisées pour construire ces seuils. Le présent appendice suggère d'apporter une amélioration à ces méthodes qui semble avoir un certain attrait. Les définitions présentées ici sont justifiables dans le contexte d'un pays en développement, et utilisables avec les données que produisent généralement les enquêtes auprès des ménages. Il est possible de considérer qu'un seuil de pauvreté a deux composantes: la première, qui est un seuil de pauvreté alimentaire, couvre les «aliments de base», et la seconde les «produits de base non alimentaires». Les besoins nutritionnels qui doivent être satisfaits pour assurer un bon état de santé sont un élément de référence évident pour la détermination des besoins alimentaires de base. Presque tous les seuils de pauvreté utilisés sont liés aux besoins nutritionnels bien que les méthodes employées à cet effet varient fortement. Les besoins en énergie nutritive ont été estimés par l'OMS (1985). Le seuil de pauvreté alimentaire ne peut être uniquement déterminé par les besoins nutritionnels. De nombreuses combinaisons d'aliments peuvent produire une ration calorique donnée. On pourrait envisager de retenir la combinaison d'aliments qui minimise le coût de la satisfaction des besoins en énergie nutritive pour des prix donnés. Il ne serait toutefois pas raisonnable d'insister pour que soit adopté un régime alimentaire qui ferait abstraction des habitudes diététiques de la population, qui sont souvent bien défmies par des traditions ancestrales. Un seuil de pauvreté alimentaire établi de manière à minimiser le coût de la satisfaction des besoins nutritionnels aux prix en vigueur (par le biais d'une programmation linéaire, par exemple) pourrait produire un régime qui ne serait pas acceptable au plan culturel même par les pauvres, et ne présenterait donc guère d'intérêt. Il vaut mieux fixer le seuil de pauvreté en fonction des coûts locaux d'un panier de denrées qui permet de satisfaire aux besoins en énergie nutritive minima en respectant les traditions locales. Ce panier doit être compatible avec la structure de la consommation du quintile (par exemple) le plus pauvre de 134 la population défini par les estimations effectuées à partir d'une enquête auprès des ménages. Il est alors possible d'ajuster à la hausse ou à la baisse la consommation effective de ce groupe (en conservant tous les rapports entre les éléments constituant le panier) jusqu'à ce que l'on ait satisfait exactement aux besoins en énergie nutritive stipulés. Les goûts peuvent varier à l'intérieur d'un même pays. Une denrée alimentaire traditionnelle dans une région peut ne pas être consommée dans une autre. Il faudrait, en principe, pendre en compte ces différences bien que la manière de procéder pour ce faire ne soit pas toujours évidente. On risque encore ici de confondre les différences de «goût» et les différences de niveaux de vie. C'est ce qui risque fort de se produire si l'on considère le quintile de la population le plus pauvre dans chaque région. Il vaut mieux, dans ce cas, se baser sur un panier de denrées typiques pour les personnes dont les dépenses de consommation totales sont inférieures à un montant pré-déterminé (interprétable comme une «première approximation» du seuil de pauvreté). Une fois le panier de denrées déterminé, il faudrait, dans l'idéal, estimer son coût séparément pour chacun des sous-groupes inclus dans le profil de pauvreté. En pratique, il faut essentiellement prendre garde aux variations des prix des denrées alimentaires entre les régions et (surtout) entre les zones urbaines et les zones rurales. De nos jours, les bureaux statistiques suivent couramment les prix dans les zones urbaines et rurales, et il est possible de construire le seuil de pauvreté alimentaire à partir de ces données (Bidani et Ravallion (1992) en fournissent un exemple). En principe, on pourrait procéder de la même manière pour les produits non alimentaires. On choisirait alors un groupe de biens dont on établirait le coût séparément pour chaque région et chaque secteur. Il existe toutefois certaines raisons de ne pas procéder de la sorte dans le cas des produits non alimentaires. Si les besoins en énergie nutritive sont un étalon évident de la consommation alimentaire, il n'existe pas de point de référence analogue pour la consommation non alimentaire de base. Il est, en outre, fréquemment difficile dans la plupart des pays en développement de bien suivre les prix des produits non alimentaires (qui sont, de fait, rarement disponibles). 135 Le problème qui se pose en pratique consiste à déterminer la meilleure manière de prendre en compte les différences entre les biens fondamentaux non alimentaires qui sont nécessaires pour procurer le même niveau de vie dans les différents secteurs ou régions qui font l'objet des comparaisons. Les méthodes antérieurement suivies pour établir les seuils de pauvreté tentaient de baser les provisions au titre des biens non alimentaires sur le comportement de consommation des pauvres, en considérant fréquemment les 20 % (par exemple) de la population les plus pauvres de chaque secteur ou région. Or, les 20 % les plus pauvres des zones urbaines sont probablement mieux nantis que les 20 % les plus pauvres des zones rurales, de sorte que cette méthode se traduit certainement par une provision plus généreuse pour les biens non alimentaires dans les zones urbaines. D'importantes différences peuvent ainsi être engendrées entre les provisions pour les produits non alimentaires des deux secteurs, et il faut se demander si cela est justifiable car cette pratique entraîne probablement l'adoption d'un seuil de pauvreté urbain correspondant à un niveau de vie sensiblement plus élevé que le seuil de pauvreté rural. L'idée de baser la provision au titre des biens non alimentaires sur la structure de la consommation des pauvres est toutefois judicieuse. Le problème tient davantage au choix du niveau de la distribution de la consommation entre les pauvres qu'il convient de considérer. Un critère intuitivement attrayant pour définir ce que constitue un «bien essentiel non alimentaire» consiste à poser que c'est un bien pour l'obtention duquel une personne est prête à renoncer à satisfaire à un besoin alimentaire de base. Nous pouvons donc nous demander quel est le niveau des dépenses que les individus accepteront de consacrer à des biens non alimentaires au lieu de denrées alimentaires de base non alimentaires correspondant au seuil de pauvreté alimentaire. Il se produit sans aucun doute une substitution de certaines dépenses au détriment des aliments de base sur un large éventail de niveaux de consommation. Même les ménages dont les dépenses de consommation totales sont inférieures au montant nécessaire pour satisfaire à leurs besoins nutritionnels avec leur régime traditionnel affectent certainement une partie de leurs dépenses à des biens non alimentaires. Il vaut mieux mesurer les dépenses non alimentaires de base en considérant le montant des dépenses non alimentaires des ménages qui sont capables de satisfaire à leur besoins nutritionnels mais décident de ne pas le faire. A l'évidence, des sommes assez importantes peuvent être consacrées par certains ménages à des biens 136 non alimentaires, alors même qu'ils n'ont pas satisfait de manière adéquate à leurs besoins nutritionnels. On ne saurait nécessairement considérer que tous ces ménages sont «pauvres». On constatera aussi quelques variations dans la structure de la consommation à tous les niveaux de budget du fait, par exemple, d'erreurs d'observation ou de variations aléatoires des goûts. En raison de cette hétérogénéité, il serait plus raisonnable de se demander quelle est la valeur type des dépenses non alimentaires d'un ménage qui estjuste capable de satisfaire à ses besoins nutritionnels. Tant que le bien non alimentaire est un bien normal, cette valeur est aussi égale au montant le plus faible des dépenses non alimentaires des ménages qui ont les moyens de se procurer le panier de denrées alimentaires de base. Elle peut donc être considérée représenter le montant minimal des dépenses au titre des produits non alimentaires compatible avec la provision pour les dépenses au titre des denrées alimentaires de base. Elle peut aussi être considérée être une limite inférieure raisonnable pour le seuil de pauvreté, que nous qualifierons de ZL. Il est souvent possible d'appliquer cette définition avec les données qui sont généralement disponibles. Supposons, par exemple, que les dépenses alimentaires augmentent avec les dépenses totales, et que la courbe ainsi décrite ait une pente inférieure à l'unité qui diminue au fur et à mesure que les dépenses totales augmentent, comme indiqué au graphique 13. (Il est possible de considérer la courbe comme une droite de régression qui donne l'espérance mathématique des dépenses alimentaires pour toutes les valeurs possibles des dépenses totales.) Supposons également qu'il existe un niveau unique de dépenses qui permet de satisfaire les besoins nutritionnels, comme au graphique 13. Cette valeur correspond au seuil de pauvreté zF. Pour les ménages qui peuvent se permettre de satisfaire à leurs besoins nutritionnels (pour des goûts donnés), le niveau le plus faible des dépenses non alimentaires est représenté par la distance NF sur le graphique 13, et celui-ci remplace en totalité des dépenses d'alimentation de base. Il s'agit donc là du niveau de base des dépenses non alimentaires. Le seuil de pauvreté mixte est représenté par ZL (composante des aliments essentiels plus NF). Il est facile d'estimer la valeur de NF de la manière indiquée ci-après. On se donne au départ une fonction de la demande de denrées alimentaires, qui exprime la part consacrée à l'alimentation sous la forme d'une fonction linéaire du rapport entre la valeur des dépenses totales (alimentaires et non alimentaires) et la composante alimentaire du seuil de pauvreté. (D'autres variables, comme les caractéristiques démographiques du ménage peuvent également être prises en compte bien qu'on ne l'ait pas fait ici). Pour le ménage i: 137 t ' Dépenses alimentaires z .. .. .. .. .. .. .. . ... Dépenses 2 totales Graphique 13: Détermination de la composante non alimentaire d'un seuil de pauvreté. Le graphique décrit une relation schématique entre les dépenses alimentaires et les dépenses totales. Le seuil de pauvreté inférieur (zl) est défini par la somme du seuil de pauvreté alimentaire (z5) et des dépenses non alimentaires des ménages qui peuvent tout juste se permettre de dépenser z. Le seuil de pauvreté supérieur (Zu) est le niveau des dépenses totales auquel un ménage consacre effectivement Ze aux dépenses d'alimentation. si = a + elog(xI/zF) + terme d'erreuri où si est la part des dépenses totales x; consacrée à l'alimentation, ZF est le seuil de pauvreté alimentaire, et a et B sont des paramètres qui doivent être estimés. L'ordonnée à l'origine, a, est une estimation de la part de la consommation alimentaire moyenne des ménages qui se situent tout juste au niveau du seuil de pauvreté, c'est à dire ceux pour lesquels xi=zF.1I7 Le seuil de pauvreté inférieur est alors donné par: ZL = z . (2-_C) Il, CettO rsertion demere valide lorsque l'on ajoute un terme au carré de la valeur de log(x/z); cette opéion produit probablement un milleur ajudtment puisqu'elle permet à l'élasticité revenu de la demande de denrées alim de dépsser l'unité lorsque x est faible; cette spécification peut donc également être retenue pour estimer le seuil de puveté proposé par Lipton (1983) comme indiqué à la section 2.4. 138 En d'autres termes, le seuil de pauvreté est un multiple du seuil de pauvreté alimentaire, l'accroissement proportionnel étant donné par la part estimée du budget non alimentaire au seuil de pauvreté alimentaire. Il est toujours avisé de considérer plus d'un seuil de pauvreté (voir section 2.4). Une autre méthode, qui produit un seuil de pauvreté plus généreux, consiste à se demander quel est le niveau des dépenses non alimentaires constaté pour ceux qui atteignent effectivement le seuil de pauvreté alimentaire (et non pas ceux qui peuvent simplement se perme#tre ces dépenses lorsqu'ils renoncent à toute dépense non alimentaire). Dans le graphique 13, ce niveau est indiqué par N*F*. Il peut être considéré comme représentant une provision maximale raisonnable pour les besoins non alimentaires de base, si l'on suppose que les personnes qui satisfont à leurs besoins nutritionnels ont aussi satisfait à leurs besoins non alimentaires. Le seuil de pauvreté supérieur est alors Zu. Ce niveau est un peu plus difficile à calculer à partir de l'équation de régression précédente puisqu'il faut résoudre cette dernière pour produire une valeur numérique. Soit s l'espérance mathématique de la part des dépenses alimentaires au point auquel ces dernières sont égales au seuil de pauvreté alimentaire. Le seuil de pauvreté supérieur est tout simplement égal à zu=zF/s. La valeur de si est implicitement définie par s' = a + elog(1/s ) Si l'on évalue de manière approchée log(s) par s'-1, on obtient une première approximation de s, soit s0=(a+(3)/(1 +e). Il est possible d'estimer cette quantité de manière plus précise par la méthode de Newton. Si l'on commence avec l'itération t= 1, l'estimation à la ième itération est donc égale à Set = s5-, - ((st-, +log(s*,)-a)(1 +,+/s*l) Cet algorithme devrait rapidement converger. Lorsque l'on divise le seuil de pauvreté alimentaire par la part estimée des dépenses consacrées à l'alimentation, on obtient le seuil de pauvreté auquel une personne satisfait généralement à ses besoins d'alimentation de base. 139 Il est donc possible de suggérer deux seuils de pauvreté: un seuil inférieur, qui comporte une provision minimale au titre de certains biens non alimentaires (correspondant généralement aux dépenses non alimentaires des personnes qui peuvent tout juste se permettre de satisfaire à leurs besoins alimentaires) et un seuil supérieur, qui comporte une provision plus généreuse (correspondant aux dépenses non alimentaires typiquement effectuées par ceux qui atteignent tout juste le niveau auquel les besoins alimentaires sont satisfaits). On peut penser que, contrairement aux méthodes de la part du budget consacré à l'alimentation ou de l'énergie nutritive (section 2.4), ces méthodes produisent des comparaisons cohérentes de la pauvreté lorsqu'elles sont employées séparément pour chaque secteur, région ou date. (Les paramètres a et e varient ainsi selon les situations qui font l'objet des comparaisons). C'est manifestement le cas par rapport à la méthode de la part du budget consacrée à l'alimentation puisque l'on élimine (en fait) la corrélation qui existe entre la part du budget consacrée à l'alimentation et la consommation ou le revenu réel. Par référence à la méthode de l'énergie nutritive, on élimine la source de distorsions que l'on peut considérer être la plus importante, à savoir le fait que les ménages qui vivent dans des régions ou à des périodes plus prospères (comme les ménages urbains dans l'exemple de l'Indonésie décrit à la section 3.3) achètent en général des calories plus onéreuses. Le tableau 11 fournit des exemples des diverses méthodes de construction de seuils de pauvreté examinées dans le présent appendice ainsi qu'aux sections 2.4 et 3.3. La première méthode est la variante de la méthode de l'énergie nutritive employée par le BPS (1992) comme indiqué à la section 3.3. Le seuil correspond au niveau des dépenses auquel les besoins moyens en énergie nutritive, soit 2 100 calories par personne et par jour, sont généralement satisfaits dans chaque secteur, d'après la méthode du BPS (1992). La deuxième méthode consiste à considérer un seuil de pauvreté alimentaire qui correspond au coût moyen dans chaque secteur (pour l'ensemble des 26 provinces) d'un panier de denrées alimentaires qui satisfait aux besoins moyens en énergie nutritive avec les produits généralement consommés par les pauvres en Indonésie (Bidani et Ravallion, 1992). Les deux autres méthodes sont basées l'une sur le seuil de pauvreté «inférieur» et l'autre sur le seuil de pauvreté «supérieur» décrits précédemment. Le seuil inférieur est la sonme du seuil de pauvreté alimentaire et d'une provision au titre des besoins non alimentaires de base (égale aux dépenses non 140 Tableau 11 : Différentes estimations des mesures de la pauvreté pour les zones urbaines et rurales indonésiennes en 1990 Méthode de construction du seuil de pauvreté Zones urbaines Zones rurales 1. Méthode de l'énergie nutritive Seuil de pauvreté 20.614 13.295 (Rp/pers./mois) Indice numérique de la 16,75 14,33 pauvreté(%) Indice du déficit de la 3,23 2,06 pauvreté(%) Indice P2 (xlOO) 0,94 0,53 2. Seuil de pauvreté Seuil de pauvreté 14.043 12.581 alimentaire (Rp/pers./mois) (z" dans le Graphique 13) Indice numérique de la 3,19 11,57 pauvreté(%) Indice du déficit de la 0,35 1,65 pauvreté(%) IndiceP2 (xlOO) 0,07 0,37 3. Seuil de pauvreté Seuil de pauvreté inférieur (z, dans le (Rp/pers./mois) 18.363 15.778 graphique 13) Indice numérique de la 12,34 24,55 pauvreté(%) Indice du déficit de la 2,03 4,69 pauvreté(%) Indice P2 (xlO0) 0,49 1,24 4. Seuil de pauvreté Seuil de pauvreté supérieur (Rp/pers/mois) 21.936 17.292 (z~ dans graphique 13) Indice numérique de la 21,19 31,66 pauvreté (%) Indice du déficit de la 4,42 6,74 pauvreté (%) Indice P2 (xlOO) 1,30 1.99 Sources: Les données indiquées pour la méthode 1 proviennent du BPS (1992). Les données relatives à la méthode 2 sont basées sur Bidani and Ravallion (1992), tandis que les chiffres indiqués pour les méthodes 3 et 4 sont le résultat de nouveaux calculs effectués à partir des bandes de données du SUSENAS de 1990. 141 alimentaires types des personnes qui peuvent tout juste satisfaire aux besoins associés au seuil de pauvreté alimentaire). Le seuil de pauvreté supérieur correspond au montant des dépenses d'un ménage qui atteint typiquement le seuil de pauvreté alimentaire dans chaque secteur. Ces deux derniers seuils de pauvreté ont été calculés au moyen d'une variante un peu plus générale de la méthode basée sur les régressions des parts du budget consacrées à l'alimentation décrite plus haut."8 On peut voir que la méthode de l'énergie nutritive (suivie par le PBS 1992) produit des mesures de la pauvreté plus élevées pour le secteur urbain mais (comme on l'a vu aux sections 2.4 et 3.3) les comparaisons ainsi effectuées sont probablement trompeuses puisque la valeur réelle du seuil de pauvreté n'est vraisemblablement pas constante. Les trois autres méthodes aboutissent à la conclusion opposée, et donnent des résultats compatibles avec la prise en compte de différences plausibles du coût de la vie entre les deux secteurs. 118 Un terme au carré pour le log(xI/zt) a été inclut dans la régression, de même qu'une série complète de variables démographiques (nombre de personnes de chaque sexe appartenant à des groupes d'âge différents), et des variables fictives pour les provinces. Notons ici qu'une analyse de régression distincte est réalisée pour chaque secteur. Les seuils de pauvreté ont tous été évalués au niveau de la moyenne de ces variables pour chaque secteur. 142 Appendice 2 : Comparaisons ordinales de la pauvreté: Récapitulation des défmitions et des résultats pour des distributions continues Le présent appendice récapitule les principales définitions et résultats des tests de dominance employés à la section 2.7 et dans le reste de l'étude. Les informations présentées ci-après peuvent être retrouvées, à quelques différences près, dans les études consacrées à ce sujet."'9 Je ne donnerai pas ici les démonstrations mathématiques mais décrirai brièvement la manière dont les résultats ont été obtenus. La fonction de distribution cumulée donne la probabilité d'observer une personne dont l'indicateur de bien-être est inférieur à y, lorsque 0< y < y'; elle est définie comme suit: y (Ai) F(y) = 1 f(x)dx où f(x) est la probabilité d'observer un indicateur ayant la valeur x. (Notons que F'(y) = f(y).) Si z représente le seuil de pauvreté, la classe des mesures de pauvreté FGT décrites à la section 2.5 peut être représentée par: z (A2) P.(z) = I (1-x/z)« f(x)dx o où a est un paramètre non-négatif. Cette formule donne l'indice numérique de pauvreté, H(z), lorsque a=O. Il s'ensuit que H(z) = P,(z) = F(z). Lorsque ca= 1, (A2) devient l'indice du déficit de la pauvreté PG(z), tandis que lorsque a=2, elle produit la mesure dépendante de la distribution P2(Z)- "9 Voir, en particulier, Atrinson (1987) et Foster et Shorrocks (1988a,b). Le lecteur trouvera aussi d'intéressantes analyses dans Lambert (1989) et Howes (1992). 143 Au lieu de restreindre le seuil de pauvreté à un seul chiffre, considérons la fourchette la plus large qui puisse être retenue entre 0 et le niveau maximum possible zx. La courbe d'incidence de la pauvreté est simplement défmie par les valeurs prises par la fonction de distribution cumulée sur l'intervalle pertinent. La courbe de l'incidence de la pauvreté est donc F(z), lorsque z est compris entre 0 et z. On peut directement lire les valeurs de l'indice numérique de pauvreté sur la courbe de l'incidence de la pauvreté. Lorsque l'on compare deux distributions A et B, si FA(z) est située en tous points au dessus de FB(z) jusqu'à z' (comme c'est le cas dans le graphique 4a), il s'ensuit que l'indice numérique de pauvreté est donc aussi nécessairement plus élevé pour A, quel que soit le niveau du seuil de pauvreté. Jusque là, le raisonnement est évident. Comme on l'a vu plus haut, les courbes d'incidence de la pauvreté peuvent aussi indiquer les classements produits par des mesures de pauvreté d'ordre plus élevé. Par exemple, si FA(z) > FB(z) pour tout z inférieur ou égal à z, la pauvreté est plus importante en A qu'en B pour toutes les valeurs de a, quelles que soient celles du seuil ou de la mesure de pauvreté (dans cette classe de mesures) adopté. Chaque point de la courbe du déficit de la pauvreté est défmi par: (A3) D(z) = | (z-x)f(x)dx et l'on obtient la courbe en reportant les valeurs de D(z) lorsque z varie entre 0 et z'. Si l'on intègre (A3) par parties, on peut aussi exprimer la courbe du déficit de la pauvreté comme suit: z (A4) D(z) = I F(x)dx o de sorte que l'on peut obtenir D(z) en reportant simplement l'aire située en dessous de F(z), comme indiqué au graphique 4b. L'indice du déficit de la pauvreté pour tous les seuils de pauvreté peut être directement déterminé à partir des points situés sur la courbe du déficit de pauvreté, étant donné que (d'après A2): (A5) PG(z) = D(z)/z 144 ce qui montre bien aussi que le classement des distributions sur la base des courbes de déficit de la pauvreté sera identique à celui effectué sur la base de l'indice du déficit de la pauvreté. Si DA(z) > DB(z) pour toutes les valeurs de z inférieures ou égale à z' (comme on peut le voir au graphique 5b), il s'ensuit nécessairement que PGA(z) > PGB(z), pour utiliser une notation évidente. Comme nous le verrons bientôt clairement, la courbe du déficit de la pauvreté peut aussi indiquer les classements de la pauvreté sur la base des mesures d'ordre supérieur (lorsque a> 1). L'équation (A5) produit aussi une formule simple de l'indicateur du bien-être moyen, ze, pour les ménages dont la valeur de l'indicateur est inférieure à z, à savoir jHZ(z) = z - D(z)/F(z) De même, le niveau de vie moyen du pourcentage p le plus pauvre de la population, jp, est simplement: 1,(p) = y - D(y)/p où y = FP(p), qui est la fonction réciproque de F(y) (une proportion p de la population a un niveau de vie inférieur à F1(p)). La courbe de Lorenz généralisée, GL(p) peut être définie comme suit: p (A6) GL(p) = i F-5(t)dt o qui peut également s'écrire: GL(p) = ILL(p) dans laquelle L(p) = pgplg 145 est la courbe de Lorenz ordinaire (qui donne la part du revenu global y détenue par les p pour cent les plus pauvres de la population). Il s'ensuit que la courbe de Lorenz généralisée est tout simplement une courbe de Lorenz ordinaire multipliée par la moyenne. Il convient aussi de noter que (d'après (A6)) GL'(p) = F-'(p) ce qui est équivalent à y/l = L'(p) (et implique aussi que L"(p) = 1I/(If(y)) > O). La pente de la courbe de Lorenz généralisée au niveau de l'indice numérique de la pauvreté est donc égale au seuil de pauvreté. Lorsque l'on compare (A4) et (A6), il est aisé de voir que le classement de distributions toutes entières sur la base des courbes du déficit de la pauvreté est exactement opposé au classement obtenu sur la base des courbes de Lorenz généralisées. Le premier classement est établi à partir des surfaces situées sous F(y) tandis que le second est établi à partir des surfaces situées sous F1(p). Il devient toutefois difficile d'utiliser la courbe de Lorenz généralisée lorsque zr < y' puisque les limites supérieures de courbes différentes sont aussi différentes pour un même seuil de pauvreté. De plus, étant donné que l'on peut directement déterminer l'indice numérique de pauvreté à partir de D(z), le choix de D(z) est plus naturel dans ce contexte. Si on laisse de nouveau z varier de O à z±, la courbe d'intensité de la pauvreté est définie par: z (A7) S(z) = I (z-x)F(x)dx o qui peut aussi s'écrire: z (A8) S(z) = l D(x)dx o lorsque l'on intégré (A7) par parties. Les points situés sur la courbe d'intensité de la pauvreté peuvent également servir à déterminer la mesure de pauvreté P2 étant donné que: P2(z) = 2S(z)/z2 146 qui (comme c'est le cas pour F(z) et D(z)) montre immédiatement pourquoi les tests de dominance appliqués aux courbes d'intensité de la pauvreté peuvent servir à classer les distributions sur la base de P2. Lorsque l'on compare (A4) et (A8), on peut voir que les trois courbes F(z), D(z) et S(z) sont "emboîtées", en ce sens que S(z) est la surface située en dessous de D(z), qui est elle-même la surface située en dessous de F(z), comme on peut le voir au graphique 4. On peut en déduire que, si la courbe d'incidence de la pauvreté de la distribution A se trouve en tous points au dessus de celle de B, il en ira alors de même pour les courbes de déficit de la pauvreté et de l'intensité de la pauvreté de A et B. De même, si la courbe du déficit de la pauvreté de A se trouve au dessus de celle de B, il en est alors de même des courbes d'intensité de la pauvreté. (Les propositions inverses ne sont toutefois pas vérifiées. La courbe d'intensité de la pauvreté de A peut être en tous points située au dessus de celle de B tandis que les courbes d'incidence ou d'intensité de la pauvreté se croisent.) Il s'ensuit qu'un classement non ambigu des distributions sur la base des mesures de la pauvreté P, pour tous les seuils de pauvreté à hauteur de z' doit aussi impliquer un classement non ambigu pour tous les valeurs de a plus élevées sur le même intervalle de variation des seuils de pauvreté. Moyennant quelques modifications peu importantes, il est possible de généraliser les principaux résultats indiqués plus haut à des mesures de pauvreté additives autres que celles de la classe FGT. 147 Documents de référence Ahmad, S. Ehtisham., and Nicholas H. Stern, Ihe lheory and Practice of Tax Reform Analysis for Developing Countries, Cambridge: Camnbridge University Press, 1991. Ainsworth, Martha and Jacques van der Gaag, Guidelines for Adapting the LSMS Living Standards Questionnaires to Local Conditions, Living Standards Measurement Study Working Paper No. 34, World Bank, Washington, D.C., 1988. 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