Rapport et recommandation du Panel d'inspection sur la Demande d'enquête Cameroun : Projet de développement pétrolier et d'oléoduc (Prêt No 7020-CM) ; et Projet d'amélioration des capacités environnementales dans le secteur pétrolier (CAPECE) (Crédit No 3372-CM) 1. Le 25 septembre 2002, le Panel d'inspection (le « Panel ») a reçu une Demande d'enquête (la « Demande »), datée du 20 septembre 2002, relative aux projets référencés ci-dessus. Le 30 septembre 2002, conformément à la Résolution1 créant cette entité, le Panel d'inspection a averti le Conseil d'administration et le Président de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) ainsi que l'Association internationale de développement (IDA)2 de la réception de cette Demande, ce qui, dans le cadre des Procédures opérationnelles3du Panel signifie « Enregistrement » de la Demande. A. DISPOSITIONS FINANCIÈRES 2. La Demande fait référence à des problèmes relatifs à deux projets étroitement liés financés par la Banque4 au Cameroun : le Prêt BIRD 7020-CM, « le Projet de développement pétrolier et d'oléoduc » (ci-après intitulé le « Projet d'oléoduc ») et le Crédit IDA 3372-CM, « Amélioration des capacités environnementales dans le secteur pétrolier » (ci-après appelé le « CAPECE »). Les dispositions financières concernant ces projets sont les suivantes5 : 1Résolution BIRD 93-10/Résolution IDA 93-9, ¶ 17. 2Pour les besoins de ce Rapport, il est globalement fait référence à la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et à l'Association internationale de développement (IDA) sous l'intitulé la « Banque ». 3Voir Le Panel d'inspection, Procédures opérationnelles (août 1994), ¶ 17. 4Ce Rapport ne traite que des allégations ayant trait à la Banque. 5Tous les documents juridiques, en liaison avec la Demande, élaborés par la Banque pour les deux Projets ont été déclarés effectifs. 1 a) Approuvé le 6 juin 2000, le Projet d'oléoduc est partiellement financé par i) un prêt de la BIRD d'un montant de 53,4 millions de dollars6 et ii) un prêt de la Société financière internationale (SFI) d'un montant de 100 millions de dollars. Le Projet d'oléoduc reçoit également une participation financière substantielle de trois sociétés pétrolières privées (le « Consortium »)7 ; et b) D'un montant équivalent à 4 300 000 DTS (environ 5,77 millions de dollars), le crédit pour le Projet CAPECE, approuvé le 6 juin 2000, est financé par l'Association internationale de développement (IDA)8. B. LES PROJETS 3. Les Projets d'oléoduc et CAPECE sont des composantes d'un développement global des gisements pétroliers du Bassin tchadien de Doba. Ces projets comprennent la construction d'un oléoduc de plus de 1 000 kilomètres de long entre le Tchad et le Cameroun ainsi que l'apport d'une aide au renforcement des capacités au Cameroun9. Attendu que la Demande a été soumise au nom de personnes vivant au Cameroun, ce Rapport porte exclusivement sur les parties du Projet d'oléoduc situées ou réalisées dans ce pays10. 4. LE PROJET D'OLEODUC. Il est indiqué à l'annexe 2 de l'Accord de prêt concerné que « l'objectif du Projet est d'aider au développement et à l'exportation, à travers le territoire de l'Emprunteur, des réserves de pétrole des gisements du 6 L'Accord de prêt concerné, Prêt no 7020-CM, a été signé le 29 mars 2001. 7 Le coût total du Projet est estimé à 3,7 milliards de dollars. Le plan de financement révisé inséré page 7 du document daté du 31 janvier 2001 « Projet Tchad/Cameroun de développement pétrolier et d'oléoduc ­ Rapport semestriel aux administrateurs » (SecM2001-0081) présente la répartition suivante (en %) : a) participations des promoteurs privés (Exxon 40 % - Petronas 35 % - Chevron 25 %) : 80,7 % ; b) prêts d'appui d'US EXIM ­ et de la COFACE : 10,7 % ; c) Prêt A de la SFI : 2,7 % ; d) Prêt B de la SFI : 2,7 % ; e) financement BIRD de la participation camerounaise : 1,2 % ; f) financement BIRD de la participation tchadienne : 0,9 % ; g) financement Banque européenne d'investissement (BEI) de la participation camerounaise : 0,7 % ; et h) financement BEI de la participation tchadienne : 0,4 %. 8 L'Accord de crédit concerné, Crédit no 3372-CM, a été signé le 14 juillet 2000. 9 Les dispositions financières pour le Projet d'oléoduc sont similaires au Tchad et au Cameroun. Au Tchad, il y a trois projets étroitement liés entre eux, financés par la Banque et les dispositions financières qui s'y rattachent sont les suivantes : le Projet de développement pétrolier et d'oléoduc est financé à la fois par la BIRD, par un prêt d'un montant de 39,5 millions de dollars, et la SFI, par un prêt d'un montant de 100 millions de dollars. Le Projet d'oléoduc reçoit également un appui financier substantiel du Consortium qui représente 80,7 % du coût total du projet ; le Projet de gestion de l'économie pétrolière est financé par l'IDA, par un crédit d'un montant équivalent à 12 600 000 DTS (environ 17,5 millions de dollars) ; et le Projet de renforcement des capacités de gestion est financé par l'IDA, par un crédit d'un montant équivalent à 17 400 000 DTS (environ 23,7 millions de dollars). 10 Le 22 mars 2001, le Panel d'inspection a reçu une Demande d'enquête sur des problèmes relatifs à la portion tchadienne du projet ; le Rapport d'enquête, ainsi que le Rapport de la Direction et les recommandations ont été soumis au Conseil d'administration pour approbation le 17 juillet 2002. Il est possible de disposer de plus amples informations à ce sujet sur le site Internet du Panel d'inspection www.inspectionpanel.org. 2 bassin de Doba11en satisfaisant aux impératifs environnementaux et sociaux, et de ce fait d'aider, entre autres, à l'accroissement des recettes fiscales permettant à l'Emprunteur de financer les dépenses prioritaires en matière de développement dans le cadre de la stratégie camerounaise de croissance économique et de réduction de la pauvreté12 ». 5. Selon le Document d'évaluation du Projet (DEP) d'oléoduc13, le projet comprend les éléments suivants : la construction, au Cameroun, de quelque 880 km de pipeline enterré, 11 km de pipeline en mer, deux stations de pompage, une station de réduction de la pression et un terminal flottant de stockage et de déchargement à Kribi14. Ces composantes du Projet, avec des activités similaires au Tchad, constituent le « Système d'exportation ». La construction de l'oléoduc lui-même est très avancée et son achèvement est prévu en décembre 2002, tandis qu'on estime que « la première goutte de pétrole » sera produite au troisième trimestre 2003. 6. Ce DEP mentionne que le Système d'exportation au Cameroun sera construit et opéré par la Cameroon Oil Transportation Company S.A. (COTCO), une société à risques communs constituée entre le Consortium, le Gouvernement du Tchad et le Gouvernement du Cameroun 15 . Le diagramme ci-après décrit la structure institutionnelle relative aux installations rattachées à l'oléoduc16 : Encadré 1 : Structure institutionnelle Consortium Gouvernement du Tchad Gouvernement du Cameroun Tchad Pipeline Co. (TOTCO) Cameroon Pipeline Co. (COTCO) 11La section 1.01 y) du même Accord de prêt définit les champs pétrolifères du bassin de Doba comme « les gisements de Komé, Bolobo et Miandoum dans la partie méridionale du territoire tchadien ». Le développement des gisements du bassin de Doba est appelé le « Système d'exploitation » et il est prévu qu'il sera achevé le 31 décembre 2008. 12Accord de prêt entre la République du Cameroun et la BIRD, Prêt No 7020-CM, p. 32, chapitre 2, 29 mars 2001. 13Un Document d'évaluation du projet ou DEP a été préparé pour chacun des deux projets. 14Document d'évaluation du projet, Rapport No 19343 AFR, p. 13 ¶ 4. 15Document d'évaluation du projet, Rapport No 19343 AFR, p. 13 ¶ 4. 16Document d'évaluation du projet, Rapport No 19343 AFR, p. 131, annexe 12. 3 7. LE PROJET CAPECE. Il est dit à l'annexe 2 de l'Accord de Crédit que « les objectifs du Projet sont : a) d'aider l'Emprunteur à développer et mettre en place les capacités nationales de gestion environnementale et de suivi du Projet de DPO [c'-à-d., Projet d'oléoduc] ; et b) d'aider, à moyen/long termes à garantir la durabilité environnementale des futurs projets, programmes et politiques du secteur pétrolier camerounais ; y compris le renforcement des capacités de l'Emprunteur à atténuer les impacts sociaux et environnementaux négatifs du Projet de DPO ainsi que la mise en place d'un cadre réglementaire environnemental pour le secteur pétrolier ». 8. Le Projet CAPECE comprend : a) le renforcement des cadres institutionnel, réglementaire et juridique locaux, b) le renforcement des capacités de coordination de la gestion environnementale ; c) le renforcement des capacités d'intervention du secteur public dans la gestion environnementale ; et d) la gestion, le suivi et l'évaluation de projet. Il est prévu que le Projet CAPECE s'achève le 31 décembre 200417. 9. Selon le DEP en question et dans le cadre de la Stratégie d'aide-pays (SAP) de la Banque pour le Cameroun, le CAPECE apporte une contribution à deux principaux objectifs de la SAP : i) améliorer la mobilisation de ressources ; et ii) créer un climat favorable au développement du secteur privé18. De plus, selon le DEP, le CAPECE vise à améliorer les capacités du gouvernement à protéger l'environnement et à atténuer les éventuels impacts sociaux et environnementaux négatifs du Projet d'oléoduc19. C. LA DEMANDE 10. La demande (annexe 1) a été soumise par le Centre pour l'environnement et le développement (CED), une organisation non gouvernementale (ONG) locale ayant son siège à Yaoundé et agissant au nom d'un certain nombre d'habitants vivant le long du tracé de l'oléoduc. La demande a également été soumise par M. Savah Narcisse et d'autres habitants du village de Mpango (Kribi) de même que par MM. Ekouang Laurent et Mangama Ngiong Pierre appartenant à la communauté Bakola de Kour Mintoum et par MM. Bissabidang, Nestor Abega Otele, Ekani Lebogo ainsi que d'autres employés de COTCO et/ou de ses sous-traitants, résidant tous en République du Cameroun (les « Plaignants ») 20 . De plus, une liste de 21 signataires ayant demandé au Panel que leurs noms restent confidentiels est jointe à la Demande ainsi que deux enregistrements vidéo, plusieurs lettres échangées 17Accord de crédit entre la République du Cameroun et l'IDA, Crédit No 3372-CM, p. 14, chapitre 2, 14 juillet 2000. 18DEP, Rapport No 19627-CM, p. 1. 19DEP, Rapport No 19627-CM, p. 2. 20Demande d'enquête (ci-après la « Demande »), p.1. 4 entre des fonctionnaires gouvernementaux, COTCO, ou des sous-traitants de COTCO, d'une part, et les Plaignants, d'autre part, ainsi que d'autres documents21. 11. Il est prétendu dans la Demande que les droits et intérêts des populations vivant dans les zones du Projet d'oléoduc et leurs parages ont été gravement lésés « en raison de violations des politiques de la Banque mondiale ». Les Plaignants allèguent que ces violations se sont traduites par « une information insuffisante pendant la phase préparatoire du projet et depuis le lancement de la mise en oeuvre de ce dernier ; un processus de consultation inapproprié ; une indemnisation insuffisante, inexistante ou inadéquate ; un non-respect des droits des travailleurs ; une nouvelle poussée des maladies sexuellement transmissibles et du VIH/Sida tout au long du parcours de l'oléoduc et dans le voisinage des bases principales du projet (du nord au sud), une augmentation de la prostitution de mineures sur toute la longueur de l'oléoduc22 ». De ce fait, les Plaignants « demandent au Panel d'inspection de recommander aux administrateurs de la Banque mondiale d'ouvrir une enquête afin de résoudre le problème23 ». 12. Au-delà des protestations d'ordre général citées ci-dessus, la Demande contient des allégations plus détaillées qui ont trait à cinq grands domaines : Environnement et habitats naturels, Réinstallation involontaire et problèmes d'indemnisation, Populations autochtones, Revendications des travailleurs et Supervision du Projet ; domaines à propos desquels les Plaignants font état d'une consultation insuffisante ou inadéquate et d'une non-diffusion de l'information auprès de la population locale. 13. ENVIRONNEMENT ET HABITATS NATURELS. Les Plaignants allèguent que la Banque mondiale a accepté une étude d'impact sur l'environnement non conforme à la DO 4.01 sur l'Évaluation environnementale. Ils prétendent, entre autres, que la portée et le processus de l'évaluation environnementale préparée pour le Projet d'oléoduc, y compris les études de l'état initial, les mesures d'atténuation, l'analyse des impacts cumulatifs et globaux ainsi que l'analyse des alternatives, ont été trop limités ou mal envisagés. Les Plaignants allèguent également que « la Directive opérationnelle 4.04 sur les Habitats naturels n'est pas respectée 24». 14. Plus loin, les Plaignants prétendent que l'Évaluation environnementale « ne prend pas en compte les développements futurs du Projet25 » et qu'elle n'évalue ni ne traite pas suffisamment du problème « des capacités limitées de l'État du Cameroun à entreprendre les opérations de suivi et mettre en oeuvre les mesures d'atténuation qui s'imposent ». Les Plaignants estiment, en conséquence, que 21Lors de sa récente visite in situ dans les zones du Projet, le Panel a reçu deux lettres supplémentaires signées par un certain nombre de personnes demandant que leurs plaintes soient entendues par le Panel. Ces plaintes ont trait à des revendications des travailleurs et sont similaires à certaines de celles originellement reçues par le Panel. 22Demande, p. 4 ¶ 4. 23Demande, p. 8 ¶ 6. 24Demande, p. 7 ¶ 5 c). 25Demande, p. 6 ¶ 5 a). 5 « l'impéritie de la Banque à assurer le renforcement adéquat des capacités de l'administration camerounaise (...) est une violation de la Directive opérationnelle 4.0126 ». 15. Les Plaignants avancent également que la préparation de l'étude d'impact sur l'environnement « ne respecte pas les exigences d'indépendance exposées au paragraphe 13 de la DO 4.01, qui, dans le cas de projet de grande envergure, recommande le recrutement d'un Groupe consultatif indépendant de spécialistes de renommée internationale27 ». Un tel groupe est censé fournir une opinion d'expert sur le processus de préparation de l'étude d'impact et sur la mise en oeuvre des mesures d'atténuation y afférentes. 16. Ils estiment aussi que les impacts cumulatifs du Projet et que « les impacts potentiels d'éventuels accidents pétroliers ne sont pas analysés ». Les Plaignants ajoutent que la préparation d'un Plan d'intervention en cas de déversement accidentel d'hydrocarbures « a été conduite sans la moindre consultation28 ». 17. Les Plaignants allèguent que les effets malencontreux du Projet sur les sources d'approvisionnement en eau ont entraîné l'assèchement, la réduction du débit et/ou la pollution de celles-ci, avec un impact négatif sur les pêches et les ressources en eau disponibles pour la consommation et l'irrigation. Dans ce cadre, les Plaignants considèrent que « les droits des communautés de pêcheurs, de même que l'impact du Projet sur la pêche dans la région, ne semblent pas avoir été pris en compte d'une manière appropriée par l'étude d'impact sur l'environnement29 » et que le Consortium n'a mis en oeuvre « aucune des solutions envisagées dans le Plan de gestion environnementale30 ». 18. De plus, d'après les Plaignants, les effets adverses de la construction de l'oléoduc, y compris la poussière et le bruit, ont eu un impact négatif sur la disponibilité de gibier de subsistance et ont provoqué des problèmes pulmonaires et autres déboires de santé tant aux travailleurs qu'aux populations vivant dans la périphérie de l'oléoduc31. 19. Concernant les prétendues violations de la DO 4.04 sur les Habitats naturels, les Plaignants disent que les retards apportés à la mise en place de la Fondation pour l'environnement préconisée par le CAPECE débouchent sur une inertie « au niveau de la gestion des aires protégées créées en compensation des dommages environnementaux provoqués par les travaux de construction32 ». 26Demande, p. 6 ¶ 5 a). 27Demande, p. 6 ¶ 5 a). 28Demande, p. 6 ¶ 5 a). 29Demande, p. 5 ¶ 4. 30Demande, p. 6 ¶ 5 a). 31Demande, pp. 4 et 5 ¶ 4. 32Demande, p. 7 ¶ 5 c). 6 20. Dans le même ordre d'idée, les Plaignants refusent la sélection de l'aire protégée de Campo-Ma'an comme dispositif compensatoire. Ils considèrent le choix de cette aire « inacceptable » et affirment que « la région est déjà une aire protégée et l'était, en tant que site d'un projet FEM, longtemps avant que le projet ne démarre. Il ne s'agit donc pas d'une nouvelle aire protégée. De plus, les modalités de protection de la région sont inappropriées compte tenu des menaces exercées par les activités industrielles existantes dans [sa] périphérie immédiate33 ». 21. REINSTALLATION INVOLONTAIRE ET INDEMNISATION. Les Plaignants allèguent que « la Banque mondiale ne respecte pas la Directive DO 4.30 sur la réinstallation involontaire des populations34 ». Ils prétendent également que « le projet a entraîné un appauvrissement structurel de nombreuses personnes vivant le long de l'oléoduc. En fait, gestion et méthode d'indemnisation faisant défaut (...) de nombreuses populations locales vivant le long de l'oléoduc n'ont pas été en mesure de reconstituer les plantations détruites pendant les travaux de construction35 ». 22. Les Plaignants estiment que ce sont des carences dans la conception et la mise en oeuvre des processus de réinstallation et d'indemnisation, y compris leur calendrier, qui sont responsables de l'appauvrissement de la population locale du périmètre de l'oléoduc. Par conséquent, ils disent que « les populations vivant le long de l'oléoduc ne sont pas en mesure de reconstituer les plantations détruites pendant les travaux de construction. Le montant des indemnisations versées est, de ce fait, rarement utilisé à bon escient36 ». Par exemple, les Plaignants déclarent que « la totalité des outils et petits équipements fournis à la population locale en tant qu'indemnisation en nature, s'avèrent défectueux depuis les tout premiers mois d'utilisation 37», ajoutant « la piètre qualité des matériels (...) ne nous a pas permis de restaurer nos investissements. Le choix des fournisseurs a été fait par la société COTCO qui tente de rejeter la responsabilité sur nous38 ». 23. Les Plaignants trouvent la procédure de réclamation applicable aux processus de réinstallation et d'indemnisation inappropriée et allèguent que des déficiences dans le processus de consultation et de diffusion de l'information qui s'ensuit « ont conduit à une incapacité des populations de se tenir au courant des mécanismes établis dans le projet à leur bénéfice (mécanisme de résolution des conflits, par exemple)39 ». Les bénéficiaires d'indemnisations ont, ainsi, été privés « de sommes 33Demande, p. 6 ¶ 5 a). 34Demande, p. 7 ¶ 5 b). 35Demande, p. 7 ¶ 5 d). De plus, en p. 2 ¶ 2 f) il est dit « le paragraphe 6 de la Directive opérationnelle 4.15 sur la Réduction de la pauvreté rappelle l'objectif fondamental des activités de la Banque mondiale, lequel est la réduction de la pauvreté ». 36Demande, p. 7 ¶ 5 d). 37Demande, p. 3 ¶ 3. 38Demande, p. 5 ¶ 4. 39Demande, p. 7 ¶ 5 a). 7 qu'ils étaient en droit d'attendre pour la reconstitution de leurs systèmes de production40 ». 24. POPULATIONS AUTOCHTONES. Les Plaignants allèguent que « la Banque mondiale n'a pas respecté bon nombre des clauses de la Directive opérationnelle 4.20 sur les Peuples autochtones ». Ils expriment leur inquiétude au sujet de la préparation et de la mise en oeuvre du Plan de développement des populations autochtones (PDPA) et allèguent que « le processus de consultation des populations autochtones s'avère inadéquat, comme le montre le faible niveau d'information sur les grandes lignes du Projet qu'affichent les communautés ». Les Plaignants prétendent, de plus, que la Banque ne met pas en oeuvre une stratégie assurant « la participation des populations autochtones au processus de prise de décisions pendant les phases de conception, d'exécution et d'évaluation41 ». 25. REVENDICATIONS DES TRAVAILLEURS. Les Plaignants allèguent que « le non- respect de la loi a privé [des travailleurs] des revenus et des conditions de travail qu'ils pouvaient espérer en collaborant au projet42 » ajoutant que les piètres conditions de travail affectent sérieusement l'état de santé des travailleurs. À l'appui de ces allégations, la Demande cite, comme simples « illustrations des problèmes (...) de violations des droits des populations en vertu du projet » des cas de licenciement à la suite d'accidents du travail43. 26. SUPERVISION DU PROJET. Les Plaignants considèrent que la Banque mondiale « ne respecte pas la Directive opérationnelle DO 13.05 sur la supervision de projet » prétendant que la Banque n'a pas assumé ses responsabilités au niveau du suivi44. Dans le même ordre d'idée, les Plaignants jugent la supervision de la Banque inadéquate étant donné « qu'aucune mesure n'est envisagée pour remédier au retard apporté à la mise en oeuvre du Plan pour les populations indigènes vulnérables45 » ni pour atténuer les dommages imprévus résultant du Plan de gestion environnementale. 27. Les Plaignants affirment que les actes de la Banque et ses manquements, décrits dans la Demande, constituent une violation, entre autres, des diverses clauses des politiques et procédures ci-après de l'Institution : 40Demande, p. 7 ¶ 5 d). 41Demande, p. 7 ¶ 5 f). 42Demande, p. 5 ¶ 4. 43Demande, p. 6 ¶ 4. Lors de sa visite au Cameroun, le Panel a passé beaucoup de temps à discuter des problèmes des travailleurs tant avec les représentants des travailleurs que ceux de COTCO et des sous- traitants (Willbros West Africa, Inc. et Doba Logistics S.A.). Un nombre important de plaintes dans la Demande ont trait à des salaires et autres rémunérations, ainsi qu'à des indemnisations pour des accidents du travail, inadéquats (y compris des allégations sur l'absence d'application des procédures de sécurité), à des licenciements de certains travailleurs avant la fin de leur contrat, à des conflits sur les montants dus et ceux effectivement payés à certains travailleurs, et à des conflits au sujet des cotisations versées par les sous-traitants au système de sécurité sociale du pays. À ce stade, le Panel n'a pas arrêté de position sur le fait de savoir si certaines de ces plaintes relèvent de sa compétence. 44Demande, p. 7 ¶ 5 e). 45Demande, p. 7 ¶ 5 e). 8 DO 4.01 sur l'Évaluation environnementale PO/PB 4.04 sur les Habitats naturels DO 4.15 sur la Réduction de la pauvreté DO 4.20 sur les Peuples autochtones DO 4.30 sur la Réinstallation involontaire PB 17.50 sur la Diffusion de l'information opérationnelle DO 13.05 sur la Supervision de projet D. Réponse de la Direction 28. Le 29 octobre 2002, le Panel a reçu la Réponse de la Direction à la Demande d'enquête (la « Réponse », jointe en annexe 2). 29. Dans sa réponse, la Direction présente des objections détaillées à sept des problèmes qu'elle avait identifiés dans la Demande. La Direction déclare qu'elle a fait tout son possible pour appliquer les politiques et procédures de la Banque et qu'elle « a suivi les directives, politiques et procédures s'appliquant aux problèmes soulevés dans la Demande ». De ce fait, la Direction estime que « les droits ou intérêts des Plaignants ne sont, ou ne seront, pas, à franchement parler, lésés par un échec de la Banque à mettre en oeuvre ses politiques et procédures46 ». Dans le chapitre intitulé « Problèmes particuliers », la Direction répond à plusieurs des problèmes soulevés par les Plaignants, y compris (comme la Direction le souligne) : les impacts cumulatifs, le développement institutionnel, les aires protégées, les Bakola, l'indemnisation, l'intensification de la supervision et les relations de travail47. 30. ENVIRONNEMENT. Pour ce qui est de l'impact environnemental du Projet, la Direction dit que les impacts potentiels du Projet ont été identifiés et évalués dans l'EE/PGE de 199948 et que « les mesures d'atténuation y sont décrites dans le détail49 ». La Direction ajoute qu'un processus de conception adaptative est mis en place pour assurer « une amélioration permanente en réponse au retour d'information obtenu pendant l'exécution du Projet 50». Ce processus, selon la Direction, sera suivi tout au long de la durée de vie du Projet d'oléoduc. 31. À propos des impacts cumulatifs, la Direction estime que l'analyse qui en a été faite est satisfaisante. La Direction adopte la position suivante : l'analyse des impacts cumulatifs réalisée dans le cadre de l'EE/PGE de 1999 porte, comme il se doit, sur les impacts sur les habitats naturels, le tourisme et les pêches et précise 46Réponse de la Direction, 29 octobre 2002 (la « Réponse »), p. 24 ¶ 72. 47En même temps que d'autres, ces problèmes sont plus détaillés dans l'annexe 1 de la Réponse. L'annexe 2 de la Réponse donne des informations sur les plaintes individuelles énoncées dans la Demande d'enquête. La Direction ne fait pas usage des noms des Plaignants dans la discussion sur les requêtes individuelles, mais les noms réels ont été communiqués au Panel. 48Évaluation environnementale/Plan de gestion environnementale de1999. 49Réponse, p. 20, tableau 1. 50Réponse, p. 20, tableau 1. 9 que le Projet d'oléoduc ne laissera « que peu d'empreinte physique au Cameroun51 », à savoir deux stations de pompage et une station de réduction de la pression ainsi qu'une bande d'emprise de 15 mètres de large correspondant à l'enfouissement de l'oléoduc qui fera l'objet de certaines restrictions au niveau de l'utilisation des sols. Quant à l'impact du terminal marin flottant de stockage et de déchargement ainsi que des 11 kilomètres d'oléoduc en mer, la Direction indique que le choix de Kribi comme site de déchargement repose sur le fait qu'il existe déjà une installation semblable utilisée pour l'exportation du pétrole produit au gisement d'Ébomé. La Direction précise également qu'aucun impact environnemental important occasionné par le fonctionnement de l'installation d'Ébomé n'a été identifié ; elle estime que le risque d'un déversement accidentel d'hydrocarbures provoqué par les deux installations simultanément est « statistiquement très improbable52 ». 32. La Direction considère, par ailleurs, la région de Kribi comme une zone de faible trafic maritime et activité halieutique, et estime que, même en période de pleine production, pendant laquelle deux à trois pétroliers par semaine seront chargés, « les impacts cumulatifs liés au surplus de trafic pétrolier sont gérables (...)53 ». Pour ce qui est de l'impact sur le tourisme, la Direction se réfère au Plan de développement de Kribi, lequel désigne la côte nord-ouest comme zone urbaine résidentielle et de développement touristique tandis que la partie méridionale est ouverte aux activités industrielles. Elle précise également que, d'un point de vue esthétique, l'installation ne sera pas visible depuis les Chutes de Lobé censées être la zone touristique la plus proche de Kribi. 33. La Direction fait observer qu'un Plan d'intervention spécifique en cas de déversement accidentel d'hydrocarbures (PISDAH) doit être mis en place en prenant en compte « la pleine participation, en toute connaissance de cause, des communautés potentiellement affectées54 ». Le PISDAH constituera, dès lors, un élément du Plan national d'intervention en cas de déversement accidentel d'hydrocarbures. 34. Dans sa réponse, la Direction exprime la nécessité d'anticiper les effets d'une évolution « en dents de scie » à court terme dans le périmètre des chantiers de construction. La Direction informe que, par conséquent, une étude de reconnaissance des sites (« zones à risque ») susceptibles de subir les inconvénients de la construction des installations fixes va être entreprise. 35. S'agissant de l'analyse des alternatives, la Direction estime qu'elle est conforme à la DO 4.01 et que « les préoccupations environnementales et sociales de même que les aspects techniques et économiques y sont pleinement intégrés55 ». La 51Réponse, p. 5 ¶ 16. 52Réponse, p. 6 ¶ 16. 53Réponse, p. 6 ¶ 16. 54Réponse, p. 6 ¶ 18. 55Réponse, annexe 1, p. 25 no 2. 10 Direction considère que, comparée à l'EE de 1997, l'analyse des alternatives a débouché sur des modifications majeures du tracé de l'oléoduc pour éviter des habitats naturels sensibles et ne pas perturber des groupes autochtones. Ces modifications ont été incorporées à l'EE/PGE de 1999. Selon la Direction, la méthode adoptée dans l'EE pour la sélection des options préférentielles relatives à chaque composante et au Projet d'ensemble permet d'éviter ou de minimiser les coûts des dommages causés à l'environnement. 36. La Direction admet que les données de base recueillies dans l'EE de 1997 affichaient des lacunes et estime que les données collectées par la suite dans l'EE/PGE de 1999 ont comblé ces carences. La Direction juge, par ailleurs, que l'étude de l'état initial utilisée dans l'EE/PGE de 1999 était suffisante pour évaluer les impacts potentiels et déterminer les mesures d'atténuation appropriées. La Direction fait également référence à des « outils innovants » reliant les données de base aux impacts estimés du Projet d'oléoduc et aux mesures d'atténuation s'y rattachant56. 37. La Direction fait état d'exemples de « problèmes d'approvisionnement en eau et de pollution des ressources en eau » s'étant posés dans les zones de construction. Toutefois, selon la Direction, « les mesures appropriées ont été prises57 ». En ce qui concerne le cas de la rivière Pembo, la Direction laisse entendre que toute diminution du débit est due à des conditions naturelles58. 38. Tout comme pour les droits de pêche, la Direction estime que les pertes de prises de poisson « seront minimes59 » et que des dispositions d'indemnisation pour ces pertes et les dommages matériels sont contenues dans l'EE/PGE de 1999. Plus loin, la Direction indique que des restrictions sur la pêche en eau douce font interdiction aux travailleurs du projet de pêcher pendant la phase de construction. S'agissant de la pêche maritime, des mesures restrictives interdisent la pêche « dans le pourtour immédiat des chantiers60 » pendant la phase de construction et dans une zone d'exclusion d'un kilomètre de large autour du terminal flottant de stockage et de déchargement. 39. Concernant l'absence d'évaluation indépendante pendant la phase de conception, la Direction admet que « le par. 13 de la DO 4.01 n'a été que partiellement respecté 61 ». La Direction mentionne que des difficultés contractuelles ont détérioré les relations entre le Groupe indépendant d'experts (GIE) et le Gouvernement du Cameroun (GdC) et, qu'à l'issue de la première année de travail du GIE, le contrat n'a pas été renouvelé. La Direction fait, toutefois, observer que les recommandations du GIE ont été ultérieurement prises en compte dans l'EE de 56Réponse, annexe 1, p. 27 no 4. 57Réponse, annexe 1, p. 31 no 9. 58Réponse, annexe 1, p. 31 no 9. 59Réponse, p. 20, tableau 1. 60Réponse, annexe 1, p. 29 no 7. 61Réponse, annexe 1, p. 32 no 12. 11 1997. La Direction ajoute, par ailleurs, que la Banque a procédé au recrutement du Groupe international consultatif (GIC) et du Groupe de suivi de la conformité environnementale (GSCE) destinés à conseiller les deux Gouvernements du Cameroun et du Tchad ainsi que la Banque, elle-même, sur les aspects environnementaux et sociaux de la mise en oeuvre du Projet. 40. HABITATS NATURELS. À propos des revendications émises par les Plaignants au sujet du Parc national de Campo Ma'an, la Direction estime que la DO 4.04 est respectée et que l'aire protégée, en partie financée par le Fonds pour l'environnement mondial (FEM), a fait l'objet d'une extension géographique amenant sa surface à 264 000 hectares. Cette aire constitue maintenant le Parc national de Campo Ma'an. De plus, la Direction considère que le Projet d'oléoduc « a joué un rôle catalyseur62 » en encourageant le GdC à donner au Parc national une meilleure protection légale dont la Direction dit qu'elle est « le plus haut niveau (...) dans le cadre de la loi camerounaise63 ». Selon la Direction, le nouveau statut juridique inclut une protection contre les menaces exercées par les activités industrielles. La Direction ajoute, enfin, que le GdC a créé une zone tampon de 419 000 hectares autour du Parc, laquelle fait l'objet de « mesures environnementales particulières64 ». 41. La Direction note que la Fondation pour l'environnement et le développement au Cameroun (FEDEC) -- institution à but non lucratif destinée à appuyer la mise en oeuvre des mesures d'atténuation permettant un faible niveau d'impacts résiduels sur la biodiversité et les habitats naturels -- « a démarré ses activités très lentement 65 ». La Direction fait également observer que les missions de supervision antérieures ont insisté sur le fait que de tels retards devraient être réduits et que la FEDEC passera, en décembre 2002, une convention avec le World Wild Fund (WWF) pour mettre en oeuvre des activités dans le Parc. 42. REINSTALLATION INVOLONTAIRE ET INDEMNISATION. En réponse aux réclamations des Plaignants sur la violation de la DO 4.30 sur la Réinstallation involontaire, la Direction signale que le Plan d'indemnisation contenu dans l'EE/PGE de 1999 « satisfait et est mis en oeuvre conformément aux conditions requises de la DO 4.30 ». Selon la Direction, au Cameroun, aucun ménage n'a été physiquement réinstallé à cause du projet et seul un ménage a perdu une part importante de ses actifs. La Direction ajoute que cet unique ménage « se voit appliquer les dispositions sur la réinstallation » prévues dans le Plan d'indemnisation66. 43. La Direction maintient que le processus d'indemnisation a été conduit à l'issue de « consultations très larges » et que les choix individuels ont été faits sur la base 62Réponse, p. 11 ¶ 35. 63Réponse, annexe 1, p. 33 no 14. 64Réponse, p. 11 ¶ 35. 65Réponse, p. 13 ¶ 44. 66Réponse, annexe 1, p. 38 no 18. 12 « d'un catalogue d'options 67 ». Répondant aux allégations des Plaignants prétendant que certains des outils et matériels fournis comme indemnisation étaient défectueux, la Direction estime que le problème est correctement pris en main et que les outils et équipements présentant une malfaçon sont remplacés par COTCO dans les cas appropriés68. 44. La Direction n'est pas d'accord avec l'allégation des Plaignants disant que le processus de réclamation adopté par le projet est inadéquat. La Direction informe que le paiement de l'indemnisation provient de deux sources : le GdC et COTCO. La partie de l'indemnisation payée par le gouvernement peut être mise en cause à deux niveaux administratifs et, ensuite, au travers du système judiciaire. Quant à la partie de l'indemnisation payée par COTCO, les réclamations peuvent être présentées à la société qui procédera à une évaluation « [e]n consultation avec les fonctionnaires locaux, les chefs de village et les anciens ». Selon la Direction, « en pratique, les correspondants communautaires locaux (CCL) de COTCO jouent un rôle majeur de facilitateur dans l'enregistrement des réclamations et de médiateur dans les conflits entre membres d'une communauté 69 ». 45. La Direction mentionne que plus de 4 000 ménages ont droit à une indemnisation pour des pertes foncières et culturales, et, sur ce nombre, seules 27 demandes sont en attente de règlement70. Selon la Direction, l'indemnisation a été payée avant le démarrage de la construction dans presque tous les cas. Pour les cas non réglés, le paiement sera effectué aussitôt que les conflits sur les droits de propriété entre personnes concernées ou que les problèmes juridiques/administratifs seront résolus. La Direction reconnaît que la prise en compte de ces réclamations a traîné71, mais elle affirme que ces réclamations sont conservées dans des dossiers complets72. 46. Bien que la Direction émette des réserves sur l'applicabilité de la DO 4.15 sur la Réduction de la pauvreté dans le cas du Projet d'oléoduc, elle estime être en conformité avec les clauses pertinentes de cette politique, attendu que la majorité des personnes affectées bénéficient de l'indemnisation proposée. Contrairement aux allégations énoncées dans la Demande, la Direction maintient que l'acquisition de terrains pour le projet n'a pas entraîné « un appauvrissement structurel » dans la mesure où les terrains utilisés seront rendus à leurs propriétaires après un cycle cultural et où la moitié de cette superficie constituera l'emprise permanente de l'oléoduc (ce qui veut dire que l'arboriculture y sera interdite, mais que les cultures annuelles et le pâturage y seront autorisés). Selon la Direction, « les parcelles de petite taille acquises pour la construction des installations fixes 67 Réponse, annexe 1, p. 39 no 18. Selon la Direction, la même méthode est utilisée pour ce qui est de l'indemnisation communautaire. 68 Réponse, annexe 1, p. 41 no 20. 69 Réponse, p. 17 ¶ 60. 70 Réponse, p. 22, Table 1. 71 Réponse, annexe 1, p. 40 no 18. 72 Réponse, annexe 1, p. 39 no 18. 13 (stations de pompage et de réduction de la pression) sont correctement indemnisées73 ». 47. Quant à la façon dont les personnes affectées ont utilisé l'indemnisation versée, la Direction admet que dans certains cas l'indemnisation n'a pas été employée à bon escient, mais que des efforts ont été entrepris pour informer les communautés sur la finalité de l'indemnisation. La Direction s'engage également à demander au GdC et à COTCO de mettre en place des actions de suivi de l'usage fait de l'indemnisation pour assurer « qu'aucune diminution permanente des niveaux de vie ne se produise74 ». 48. POPULATIONS AUTOCHTONES. La Direction estime que les exigences de la DO 4.20 sur les Peuples autochtones sont respectées et considère que le Plan de développement des populations autochtones (PDPA) est conforme à la politique de la Banque. Selon la Direction, l'objectif du PDPA est de faire en sorte que la population Bakola retire « du Projet d'oléoduc, des avantages sociaux et économiques compatibles avec leur culture75 ». Selon la Direction, l'objectif central du PDPA est « d'élever leur (Bakola) niveau de vie et d'habiliter leurs communautés de sorte que leurs membres deviennent des citoyens camerounais à part entière et trouvent leur place au sein du système coutumier local d'utilisation des sols76 ». 49. La Direction mentionne que COTCO a organisé « une rencontre consultative sur deux jours avec les Bakola à Kribi77 ». Ces consultations, selon la Direction, ont aidé à la clarification des besoins des Bakola ainsi qu'à la conception « d'un processus de planification participatif78 » qui doit être mis en oeuvre en tant qu'élément du PDPA. La Direction ajoute que deux anthropologues à plein temps « dotés d'une grande expérience des communautés Bakola79 » font partie de l'équipe de travail de COTCO. 50. La Direction fait, toutefois, mention de la mise en place tardive de la FEDEC et du Facilitateur du développement communautaire (FDC) dont la principale responsabilité est de mettre en oeuvre la stratégie du PDPA. Selon la Direction, COTCO a assumé le rôle d'exécutant revenant à la FEDEC en attendant que celle- ci soit opérationnelle. À ce jour, trois projets prioritaires au bénéfice des Bakola sont lancés : la fourniture de cartes d'identité, un programme scolaire (distribution de manuels et de fournitures scolaires) ainsi qu'un programme de santé (programme anti-tuberculose et création d'un fonds médical spécial). De plus, selon la Direction, le programme agricole prévu devrait démarrer lors de la prochaine saison culturale. 73Réponse, annexe 1, p. 41 no 20. 74Réponse, annexe 1, p. 41 no 20. 75Réponse, annexe 1, p. 35 no 16. 76Réponse, p. 15 ¶ 50. 77Réponse, annexe 1, p. 37 no 17. 78Réponse, annexe 1, p. 37 no 17. 79Réponse, annexe 1, p. 36 no 17. 14 51. DEVELOPPEMENT INSTITUTIONNEL. Dans le domaine du renforcement des capacités, la Direction est consciente que « la construction de l'oléoduc a démarré avant que les capacités effectives de supervision et de suivi ne soient en place80 » au sein du Comité de pilotage et de suivi des pipelines (CPSP), que la mise en oeuvre du CAPECE « a démarré très lentement81 » et que le CPSP a parfois assuré son rôle « sans les équipements idoines et/ou le soutien approprié 82 ». La Direction dit qu'un dialogue continu entre la Banque et le GdC a, toutefois, permis d'effectuer des progrès dans la mise en oeuvre du Projet CAPECE ainsi qu'une accélération du processus de passation des marchés par le CPSP de même que la préparation des rapports mensuels et trimestriels. Ces rapports ont été régulièrement transmis à la Banque. La Direction souligne également que le Projet CAPECE donne au Secrétariat permanent du CPSP les moyens de coordonner la mise en oeuvre et la supervision de l'EE/PGE de 1999. 52. REVENDICATIONS DES TRAVAILLEURS. Selon la Direction, l'accord de création signé entre le GdC et COTCO fait obligation à cette dernière d'engager sous contrat des travailleurs locaux et d'élaborer à leur intention un programme de formation. Les relations entre COTCO et les personnes qui travaillent pour elles de même que les litiges sur les contrats de travail sont régis par la législation camerounaise. La Direction indique que le décret No 24 du MTS du 27 mai 1969 prescrit que les taux salariaux applicables sont ceux des projets de génie civil et non ceux du secteur pétrolier, généralement plus élevés83. 53. La Direction note que le ministère camerounais du Travail juge que les accords signés entre les sous-traitants de COTCO et leurs employés sont appropriés et conformes à ses directives. La Direction est néanmoins d'accord avec les recommandations du Rapport de mai 2002 du GIC sur sa visite au Cameroun, lequel préconise que COTCO et ses sous-traitants mettent en place un système d'information permettant l'établissement des responsabilités en temps opportun ainsi qu'une résolution rapide des conflits84. 54. Concernant les problèmes de santé relatifs à la construction de l'oléoduc, la Direction considère que les conditions sanitaires et sécuritaires requises par COTCO sont conformes aux normes fixées dans l'EE/PGE de 1999 85. La Direction dit que les sous-traitants de COTCO fournissent, par conséquent, des équipements médicaux à leurs employés et leur font régulièrement passer des tests de dépistage des maladies sexuellement transmissibles (MST) curables et les traitent86. La Direction estime également que les programmes de santé mis en place par les sous-traitants, y compris les programmes d'éducation sanitaire et de 80Réponse, p. 8 ¶ 24. 81Réponse, annexe 1, p. 33 no 13. 82Réponse, p. 8 ¶ 26. 83Réponse, annexe 1, p. 44 no 25. 84Réponse, annexe 1, p. 44 no 25. 85Réponse, p. 23, tableau 1. 86Réponse, annexe 1, p. 45 no 26. 15 vaccination ainsi que la distribution de préservatifs, « atteignent un niveau d'efficacité supérieur à la moyenne nationale87 ». 55. SANTE. En réponse aux déclarations des Plaignants sur les MST, le VIH/Sida et la prostitution, la Direction indique que la Banque ne dispose pas de politique spécifique sur ce type de problèmes88. De plus, selon la Direction, il n'existe pas de données brutes sur le taux de prévalence actuel du VIH/Sida89. La Direction note, toutefois, que le Projet d'oléoduc ayant donné un coup d'accélérateur à l'économie locale, il est probable que la sexualité a connu un regain d'activité, y compris la prostitution, entraînant une propagation des MST et une vulnérabilité accrue au VIH/Sida. 56. Selon la Direction, le GdC concentre ses efforts en matière de santé sur le tracé de l'oléoduc à Dompta, Kribi, Bélabo, Nanga Eboko et Batchenga, et a engagé, en juillet 2002, cinq spécialistes de la santé pour qu'ils travaillent en coordination sur les programmes dans les cinq provinces traversées par l'oléoduc. En août 2002, le GdC a également fait construire, équiper et doter en personnel un nouveau centre de santé à Dompta90. De plus, la Direction indique que, dans le cadre du Projet CAPECE, le CPSP est chargé d'appuyer le ministère de la Santé publique au niveau de la promotion de la protection de la santé publique, mais elle reconnaît que la composante santé du Projet CAPECE a connu un démarrage lent 91. 57. La Direction dit également qu'un crédit IDA équivalent à 50 millions de dollars finance la mise en oeuvre de la stratégie camerounaise de lutte contre le VIH/Sida dans le cadre du Programme multi-sectoriel de lutte contre le Sida92. La Direction admet, toutefois, que des problèmes administratifs au sein du ministère de la Santé ont différé la mise en oeuvre du Programme de lutte contre le Sida, précisant qu'un consultant international est actuellement employé au bureau-pays de la Banque au Cameroun pour aider le GdC dans ce domaine. Selon la Direction, « de récents changements au sein de ce ministère ont donné un coup d'accélérateur à la mise en oeuvre du Programme de lutte contre le Sida93 ». 58. En réponse aux inquiétudes des Plaignants sur la prostitution, et plus particulièrement celle des mineures, la Direction admet que le problème connaît une recrudescence le long du tracé de l'oléoduc « principalement due à des professionnels du sexe relativement bien organisés venus des milieux urbains94 ». La Direction indique également que le Comité national camerounais de lutte contre le VIH/Sida (CNLS), l'Office allemand de la coopération technique (GTZ) et deux ONG sont en train de préparer une convention au terme de laquelle les deux ONG 87Réponse, annexe 1, p. 45 no 26. 88Réponse, annexe 1, p. 44 no 26. 89Réponse, annexe 1, p. 45 no 26. 90Réponse, annexe 1, p. 45 no 26. 91Réponse, annexe 1, p. 42 no 23. 92Réponse, p. 23, tableau 1. Le Crédit est entré en vigueur en septembre 2001. 93Réponse, annexe 1, p. 45 no 26. 94Réponse, annexe 1, p. 45 no 26. 16 seront chargées de « l'action de sensibilisation » le long du tracé de l'oléoduc. Selon la Direction, cette action est conçue, entre autres, pour aider à la limitation de la prostitution des mineures grâce à un système de « tantine » par lequel des femmes d'un certain âge sensibilisent les jeunes filles sur la base de leur propre expérience et a pour principale vocation de pousser à différer les premières relations sexuelles des mineures95. 59. La Direction fait, toutefois, remarquer qu'il sera bien difficile « de faire le distinguo entre l'impact dû au Projet et la propagation d'ensemble du VIH/Sida96 ». La Direction ajoute qu'elle continuera à suivre et appuyer les efforts entrepris pour lutter contre la prostitution des mineures et la propagation du VIH/Sida dans la zone du Projet, de même qu'elle continuera à traiter ces problèmes dans le cadre de son dialogue élargi avec le Cameroun sur la réduction de la pauvreté97. 60. CONSULTATION ET DIFFUSION DE L'INFORMATION. Selon la Direction, le personnel de la Banque et le GSCE n'ont, pendant leurs missions de supervision sur le terrain, identifié aucun problème significatif ayant trait à la diffusion de l'information98. La Direction maintient également que le processus consultatif est conforme aux politiques et procédures de la Banque en vigueur. La Direction dit que le grand public a eu la possibilité de consulter l'EE/PGE en 19 volumes dans des salles de lecture installées sur 17 sites en juin 1999. La Direction déclare également que 400 réunions publiques ont eu lieu entre 1997 et 1999, dont 111 ont été organisées dans les villages mêmes des personnes affectées99. 61. De surcroît, selon la Direction, le Groupe de concertation et d'action (une ONG tutélaire camerounaise) a organisé un séminaire pour les parties prenantes en août 1998, lequel a apporté un retour d'information sur la façon dont l'exécution du projet est perçue et sur la manière dont elle devrait être renforcée. Par ailleurs, neuf autres ONG ont participé à une enquête conduite auprès des personnes concernées pour élaborer un catalogue de modalités d'indemnisation en nature dont le Service d'appui aux initiatives locales de développement (SAILD), une ONG locale, s'est fait l'écho dans son journal « La Voix du Paysan » en diffusant une information sur les taux d'indemnisation100. 62. La Direction estime que les missions périodiques de supervision, « organisant des réunions régulières avec les ONG locales », assurent une consultation de la population locale101. La Direction reconnaît, toutefois, que la communication avec la société civile pourrait être améliorée et dit qu'elle travaille avec le GdC et COTCO à « améliorer les stratégies de communication pour que les consultations 95Réponse, annexe 1, p. 46 no 26. 96Réponse, annexe 1, p. 45 no 26. 97Réponse, annexe 1, p. 46 no 26. 98Réponse, annexe 1, p. 40 no 19. 99Réponse, annexe 1, p. 30 no 8. 100Réponse, annexe 1, p. 30 no 8. 101Réponse, annexe 1, p. 31 no 8. 17 et la participation de la société civile au Projet d'oléoduc soient plus effectives ». La Direction ajoute que la Banque, le CPSP et COTCO sont en train de préparer un plan de communication conjoint102. La Direction considère également que les neuf CCL de COTCO et les personnes du CPSP chargées du suivi socio- économique sont des éléments clés du processus de consultation103. 63. La Direction estime que le processus de consultation des Bakola a été efficace et satisfait aux exigences de la Banque. Le Groupe d'étude des populations forestières équatoriales, consultants de COTCO, a effectué 165 visites de terrain. Ces visites ont eu lieu parallèlement à une réunion consultative organisée par COTCO avec les Bakola en 1998, et ont constitué la base de la préparation du PDPA104. 64. SUPERVISION DE PROJET. Selon la Direction, la supervision des Projets d'oléoduc et CAPECE est effectuée à plusieurs niveaux. D'abord, au niveau du GdC, par le biais de plusieurs de ses ministères et du CPSP, qui supervise la mise en oeuvre des projets et le respect par COTCO de l'EE/PGE de 1999. Ensuite, en plus du personnel du siège de la Banque, le chef de projet résidant au Tchad et un membre du personnel installé au Cameroun sont chargés de superviser les projets et de maintenir des relations étroites avec les différentes parties prenantes. Enfin, deux groupes externes, le Groupe de suivi de la conformité environnementale (GSCE) et le Groupe international consultatif (GIC) renforcent le cadre de supervision en assurant eux aussi un suivi de la mise en oeuvre des Projets et du respect de l'EE/PGE de 1999. 65. Comme chacun des différents niveaux ci-dessus cités est dans l'obligation de rendre compte de ses activités, la Direction considère que les diverses missions de supervision et les rapports ont aidé à identifier et à mettre en lumière les problèmes pertinents, y compris les retards dans la mise en oeuvre, les inquiétudes sur la qualité des ressources en eau ainsi que sur la construction routière105. La Direction indique que les rapports du GIC et du GSCE sont mis à la disposition du public, que « le GSCE conclut que les activités en cours du Projet sont conformes au PGE et que le Projet n'a, jusqu'ici, expérimenté aucune situation critique (niveau III auquel aucune modification ne peut être apportée au PGE sans un accord préalable de la Banque) de non-conformité106 ». 66. La Direction s'accorde à reconnaître que, si la construction de l'oléoduc a été menée bon train, la mise en oeuvre du Projet CAPECE a connu des retards. La Direction affirme, cependant, qu'elle intensifie ses efforts de supervision pour accélérer la mise en oeuvre dudit Projet107. Plus loin, la Direction admet que la 102Réponse, p. 21, tableau 1. 103Réponse, p. 23, tableau 1. 104Voir propos plus approfondis dans la rubrique Populations autochtones, paragraphes 49 à 51 du présent Rapport. 105Réponse, annexe 1, p. 42 no 22. 106Réponse, p. 18 no 63. 107Réponse, annexe 1, p. 42 no 23. 18 supervision peut être améliorée grâce à une meilleure communication avec la société civile. Dans ce domaine, la Direction mentionne que COTCO a mis en place des Correspondants communautaires locaux (CCL), membres du personnel de cette société, sur l'ensemble du tracé de l'oléoduc ayant vocation de travailler en étroite collaboration avec une équipe de socio-économistes du CPSP. E. Éligibilité 67. Dans l'optique de déterminer les critères d'éligibilité de la Demande et des Plaignants, le Panel a procédé à un examen approfondi de la Demande et de la Réponse de la Direction. Le Président du Panel, Edward S. Ayensu, a rencontré, à Washington, M. Paulo Fernando Gomes, Administrateur, et M. Louis Philippe Ong Seng, Administrateur suppléant, représentants le Gouvernement du Cameroun, ainsi que le Conseiller senior de l'Administrateur, M. Yssouf Bamba, de même que des fonctionnaires et des membres du personnel de la Banque. 68. Le Président du Panel s'est ensuite rendu au Cameroun du 2 au 9 novembre 2002108. Au cours de cette visite, il a rencontré des personnes affectées dans la zone du Projet109, les Plaignants, des représentants du CED, de COTCO et de deux des sous-traitants de la société (Willbros West Africa, Inc. et Doba Logistics S.A.), ainsi que des fonctionnaires du Gouvernement et de la Banque à Yaoundé110. 69. Lors de cette visite, le Panel a entériné la légitimité du CED et d'autres signataires de la Demande en tant que parties prenantes dans le cadre de la Résolution ouvrant la possibilité de soumettre une demande d'enquête au Panel d'inspection. 70. Le Panel juge que cette Demande satisfait « aux critères techniques d'éligibilité » exposés au paragraphe 9 de la Clarification de 1999, dans la mesure où la Demande « affirme en substance qu'une violation grave par la Banque de ses politiques opérationnelles et procédures a, ou peut avoir, des effets excessivement négatifs ». Le Panel juge également que les questions abordées dans la demande ont été portées à l'attention de la Direction et qu'elles n'ont pas trait à la passation de marché. De plus, le Panel n'a, antérieurement, émis aucune recommandation sur les questions abordées dans la Demande et note que les prêt et crédit concernés ne sont ni clos ni déboursés pour une large part111. 108Le président était assisté du secrétaire exécutif adjoint, M. Alberto Ninio. 109Lors de la visite, le Président du Panel d'inspection s'est rendu à : Yaoundé, Nkongzok, Kribi, Mpango, Makouré, Bidjouka et Saballi. 110Le Panel souhaite remercier le bureau de l'Administrateur représentant le Cameroun pour l'aide apportée pendant la phase de détermination de l'éligibilité. Il présente également ses remerciements aux fonctionnaires gouvernementaux, aux représentants des ONG, à la population locale et aux représentants de COTCO, de Willbros West Africa et de Doba Logistics qui ont pris le temps de se réunir avec l'équipe du Panel. Il aimerait, enfin, adresser ses remerciements au personnel de la Banque basé au Cameroun et à Washington pour leur soutien logistique. 111Voir paragraphe 9 des « Clarifications de 1999 ». 19 71. Sur la base de ce qui précède, le Panel conclut que les critères d'éligibilité fixés dans la Résolution s'appliquant à la Demande et aux Plaignants sont remplis. F. Conclusions 72. La Demande et la Réponse de la Direction contiennent des affirmations et des interprétations contradictoires à propos des problèmes, des faits, du respect des politiques et procédures de la Banque, et des torts avérés ou potentiels. Le Panel n'est pas en mesure de répondre à ces affirmations contradictoires dans le temps qui lui est imparti pour préparer et soumettre son rapport sur l'éligibilité non plus qu'il n'y est autorisé de par les Clarifications de 1999 apportées à la Résolution112. Le Panel ne peut se prononcer sur ces problèmes que dans le cadre d'une investigation. G. Recommandation 73. À la lumière de ce qui précède, le Panel recommande une enquête sur les allégations formulées dans la Demande. 112Selon le paragraphe 7 des « Clarifications de 1999 », quand le Panel effectue une visite de terrain pour déterminer l'éligibilité, il « ne fait pas de rapport sur l'échec de la Banque à se conformer à ses politiques et procédures ni sur les graves conséquences négatives qui en découlent (...) ». 20