SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO CHANGER DE CAP ET PRENDRE SON DESTIN EN MAIN GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE Édition - Septembre 2018 © 2018 Banque internationale pour la reconstruction et le développement Groupe de la Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 Internet : www.banquemondiale.org Avis de non-responsabilité Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement avec des contributions extérieures. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil d’Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage. 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Édition - Septembre 2018 BANQUE MONDIALE SITUATION ECONOMIQUE DE LA REPUBLIQUE DU CONGO CHANGER DE CAP ET PRENDRE SON DESTIN EN MAIN SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO TABLE DES MATIÈRES Avant-propos ................................................................................................................................. viii Abréviations et acronymes ............................................................................................................. ix Remerciements ................................................................................................................................. x Messages-clés ................................................................................................................................... xi Partie I : État de santé de l’économie congolaise ..............................................................13 1.1 Développements récents : deux années d’ajustement difficiles ............................................15 a. Une baisse prononcée du secteur non-pétrolier ......................................................................15 b. Une inflation en baisse avec une masse monétaire et des avoirs extérieurs en régression ..17 c. Une appréciation du taux de change réel entrainant une réduction des déficits extérieurs...21 d. Une situation des finances publiques difficile et des politiques budgétaires procycliques ... ........................................................................................................................................................... 24 1.2 Perspectives et défis : des risques persistants ........................................................................ 28 Partie 2 : Changer de cap et prendre son destin en main ................................................. 31 2.1 Du besoin d’un changement de cap ....................................................................................... 32 a. Le modèle économique actuel n’est pas soutenable ................................................................ 32 b. La tendance récente du cadre de gestion budgétaire n’est pas soutenable ............................ 34 c. La faiblesse du cadre budgétaire conduit à des problèmes de gouvernance ......................... 36 2.2 Le Congo fait face à des contraintes structurelles externes et internes.............................. 38 a. Les contraintes structurelles externes....................................................................................... 38 b. Les contraintes structurelles internes ....................................................................................... 40 2.3 Le Congo doit changer de cap par la voie des réformes........................................................ 41 a. Changer de cap par les reformes sectorielles ........................................................................... 41 b. Changer de cap dans les réformes structurelles ...................................................................... 45 c. Changer le cap d’une politique fiscal procyclique à une politique contracyclique............... 48 Partie 3 : Changer de cap pour amorcer la transformation structurelle ...................................... 51 3.1 La transformation structurelle de l’économie est nécessaire ........................................................... 53 a. Du fait des aspirations des congolais à un mieux-être et à plus d’opportunités .............................. 53 b. Du fait du faible portefeuille de biens produits par le Congo ........................................................... 56 3.2. Amorcer la transformation structurelle à partir de l’existant .......................................................... 59 a. Identifier des produits-frontières en amont pour la transformation ................................................ 59 b. Améliorer la politique industrielle du pays .......................................................................................... 61 3. 3 Un nouvel élan pour le développement du Congo ........................................................................... 62 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO v LISTE DES GRAPHIQUES Graphique 1 : Le PIB s’est contracté davantage en dépit de l’entrée en production de nouveaux puits de pétrole ...........................................................................................................................................15 Graphique 2 : Contraction du PIB induite par les secteurs des services et de l’industrie .....15 Graphique 3 : Evolution du PIB réel en zone CEMAC entre 2013, 2016 et 2017, le Congo reste le plus affecté en 2016 et 2017 ................................................................................................................16 Graphique 4 : Evolution de la composition du taux de croissance économique du côté de la demande ............................................................................................................................................17 Graphique 5 : Baisse des prix à la consommation à cause de la faiblesse de la demande .............18 Graphique 6 : Variation des avoirs extérieurs nets de la BEAC (en millions de FCFA) ...........19 Graphique 7 : Evolution du taux de change effectif réel : TCER (de janvier 2009 à avril 2018) .. ..........................................................................................................................................................21 Graphique 8 : Evolution du prix du pétrole et du taux de change en dollars - FCFA (de janvier 2009 à avril 2017) ..............................................................................................................................22 Graphique 9 : Indice des prix ajustés de la consommation des ménages dans une série d’éco- nomies sélectionnées, 2011............................................................................................................23 Graphique 10 : Evolution du compte courant en zone CEMAC entre 2013 et 2017 ................24 Graphique 11 : Des déficits budgétaires insoutenables depuis 2014... en dépit des efforts d’ajustement face à la crise .............................................................................................................25 Graphique 12 : Financement (en % du PIB hors-pétrole) essentiellement par les avances sta- tutaires de la BEAC .......................................................................................................................25 Graphique 13 : Financement par une forte accumulation d’arriérés intérieurs et extérieurs (en % du PIB hors-pétrole) ............................................................................................................25 Graphique 14 : Profil du service de la dette publique (en milliers de dollars US) ..................28 Graphique 15 : Prévisions des cours du pétrole .........................................................................33 Graphique 16 : Tendance de l’épargne nette ajustée ..................................................................34 Graphique 17 : Épargne nette ajustée, 2015 .................................................................................34 Graphique 18 : Dépenses de l’Etat congolais par rapport au PIB, 2005-2014 ................................35 Graphique 19 : Solde primaire hors pétrole du Congo (2000-2014) en pourcentage du PIB .... ...........................................................................................................................................................35 Graphique 20 : Principaux pays pétroliers-indice de perception de la corruption ...............37 Graphique 21 : Evolution des indices de quelques produits entre 2007 et 2017 ....................39 Graphique 22 : Croissances des prix du pétrole et du PIB réel de 2007 à 2017 ......................40 Graphique 23 : Richesse en ressources naturelles par habitant (en millions fcfa) .................54 Graphique 24 : Variation de la productivité du travail au Congo comparée à d’autres pays entre 2013 et 2016 (en %) ..............................................................................................................55 Graphique 25 : Complexité économique des produits fabriqués et niveau de prosperité par pays ...................................................................................................................................................57 Graphique 26 : Ce que le Congo a exporté en 2014 ($20.5 B) et 2016 ($5.07b) .....................57 Graphique 27 : Distance et opportunités de gains pour les produits plus complexes fabriqués et exportés par le Congo ................................................................................................................58 Graphique 28 : Nombre de nouveaux produits et exportations par habitant ........................60 vi SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 : Evolution et structure de la masse monétaire (en millions de FCFA) .................19 Tableau 2 : CEMAC - Notation des banques par la COBAC ......................................................20 Tableau 3 : Perspectives macroéconomiques 2018-2021 ...........................................................29 Tableau 4 : Indice Mo Ibrahim sur la gouvernance en Afrique, 2006-2015 ............................36 Tableau 5 : L’indice de développement humain 2016 .................................................................54 Tableau 6 : Secteurs avec un avantage comparatif révélé supérieur à 1 en 2014 .........................59 LISTE DES ENCADRÉS Encadré 1 : Inefficience et problème de priorisation des investissements publics ................26 Encadré 2 : Les entreprises publiques du Congo .......................................................................47 Encadré 3 : Malaisie – Un succès dans l’exploitation des ressources naturelles .....................49 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO vii AVANT-PROPOS Changer de cap et prendre son destin en main La République du Congo a subi de plein fouet les contrecoups de la baisse prolongée des cours du baril de pétrole qui a durement affecté son économie à partir de 2014 jusqu’au milieu de l’année 2017. Le pays n’a pas su tirer profit de la période faste de la production pétrolière au cours la dernière décennie ni du dynamisme économique de la Chine, grand importateur de matières premières et pourvoyeur d’investissements directs. Il n’a donc pas été en mesure de se constituer des réserves financières conséquentes. En effet, ses politiques budgétaires tendant à accroître les dépenses pu- bliques et à faire moins de prélèvements obligatoires en période d’expansion économique ont contri- bué à éroder ses ressources budgétaires, confrontant le pays à une crise économique sans précédent. La République du Congo fait aujourd’hui face à des déséquilibres internes et externes d’une ampleur qui met en péril ses perspectives de développement économique et social. Plus préoccupant encore, les analyses les plus réalistes laissent entrevoir une contraction structurelle de l’économie congolaise à partir de 2021. La République du Congo est astreinte à la diversification de son économie pour sortir de sa dépen- dance structurelle aux revenus pétroliers et s’engager sur la voie d’une croissance durable et inclusive. Elle doit opérer une transformation profonde de son économie et créer de nouvelles sources de re- venus plus stables afin d’anticiper et de contenir les effets néfastes du déclin progressif et irréversible des ressources pétrolières. Le rapport sur la situation économique de la République du Congo tire la sonnette d’alarme et in- vite le pays à Changer de cap et prendre son destin en main. Il plaide pour des réformes structurelles profondes susceptibles d’aider à changer fondamentalement la trajectoire de l’économie congolaise pour sortir de la tourmente des déséquilibres macroéconomiques, améliorer l’emploi, le revenu et le bien-être des populations, et contribuer ainsi à une réduction substantielle de la pauvreté. Le rapport recommande de séquencer les mesures des réformes, améliorer le niveau de productivité et la diversification économique, et de promouvoir l’industrie légère. Il propose une évaluation de l’état actuel de l’économie congolaise et suggère des pistes de solution pour aider le pays à réorienter sa stratégique de développement. Ce rapport s’adresse aux différents acteurs de l’économie congolaise : les décideurs publics, les par- lementaires, les partenaires au développement, les opérateurs économiques privés, les organisations de la société civile, les universitaires, mais aussi à l’ensemble de la population. J’espère qu’il suscitera un débat franc et enrichissant pour tous. Je vous en souhaite une bonne lecture. Jean Christophe Carret Directeur des opérations de la Banque mondiale Pour la République du Congo, la République démocratique du Congo et la République centrafricaine viii SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES ACR Indice d’Avantage Comparatif Révélé ASS Afrique subsaharienne BAD Banque Africaine de Développement BEAC Banque des États de l’Afrique Centrale CCA Caisse Congolaise d’Amortissement CEMAC Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale CFCO Chemin de Fer Congo-Océan CNUCED Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement COBAC Commission Bancaire d’Afrique Centrale ENI Société pétrolière italienne FCFA Franc de la Coopération Financière en Afrique centrale FMI Fonds Monétaire International IDE Investissement Direct Etranger IDH Indice de Développement Humain LFI Loi de Finances Initiale LFR Loi de Finances Rectificative NTIC Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication OPEP Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole PIB Produit Intérieur Brut PME Petites et Moyennes Entreprises PND Plan National de Développement PNIASAN Programme National d’Investissement Agricole de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement PPA Parité des Pouvoirs d’Achat PPTE Pays Pauvre Très Endetté RNB Revenu National Brut SCD/DSP Diagnostic Systématique Pays SH Code du Système Harmonisé SPHP Solde Primaire Hors Pétrole UNICONGO Union Patronale et Interprofessionnelle du Congo USD Dollar américain VAN Valeur Actualisée Nette SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO ix REMERCIEMENTS Ce rapport sur la situation économique en République du Congo a été écrit par Samba Ba, Economiste principal et Etaki Wa Dzon, Economiste. Plusieurs personnes ont contribué à ce rapport. Souleymane Coulibaly, Economiste en chef, Département macroéconomie, Afrique de l’Ouest et du Centre ; Chadi Bou Habib, Coordonnateur de programmes ; Jacques Morisset, Coordonnateur de programmes, Afrique de l’Ouest ; Jean Mabi Mulumba, Spécialiste principal du secteur public ; Jean-Pascal Nguessa Nganou, Economiste principal ; et David Cal MacWilliam, Economiste principal ont accepté de lire et commen- ter une première version de ce rapport. Ce rapport a aussi bénéficié d’un appui administratif de Clau- dia Rocio Manrique et Josiane Louzolo Maloueki, Assistantes de programmes. Les auteurs voudraient remercier Jean-Christophe Carret, Directeur des opérations de la Banque mondiale pour la République du Congo ; Francisco Galrao Carneiro, Directeur sectoriel, Département macroéconomie, Afrique de l’Ouest et du Centre ; Djibrilla Adamou Issa, Représentant-résident de la Banque mondiale en Répu- blique du Congo et Yisgedullish Amde, Coordonnatrice des programmes. x SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO MESSAGES-CLÉS Message 1 : La République du Congo tra- et infrastructures ferroviaires. Cette situa- verse une période difficile caractérisée par tion a négativement touché la chaîne logis- la persistante morosité des fondamentaux tique du pays en ralentissant l’activité écono- macroéconomiques alors qu’au niveau régio- mique malgré l’entrée en service de la route nal et international, la situation semble plus Pointe-Noire-Dolisie-Brazzaville. Cette route favorable. En 2017, la croissance économique a néanmoins permis de ramener l’inflation de la République du Congo a reculé pour la sous contrôle, en facilitant l’alimentation de deuxième année consécutive pour atteindre Brazzaville. -3,1% après -2,8% en 2016. Cette contreper- formance se justifie par la persistance des ef- Message 3 : Les mesures de réductions des fets de la crise économique sur le secteur hors dépenses ont été effectives mais les engage- pétrole qui s’est contracté de nouveau à -7,9%, ments de l’Etat demeurent importants, ac- contrairement au secteur pétrolier qui s’est croissant les arriérés envers le secteur privé amélioré au cours de cette année du fait de la et le surendettement. L’analyse de la soutena- remontée de la production nationale de 15,3%. bilité de la dette montre une forte pression du L’accumulation des arriérés de paiements et la service de la dette dans les 4-5 prochaines an- baisse des activités en général ont entrainé des nées. L’endettement du pays a largement aug- licenciements et le gel des recrutements dans menté au cours des huit dernières années, tant le secteur privé. En plus, les déficits jumeaux en nominal que par les effets de change qui (finances publiques et comptes extérieurs) ont s’expliquent par l’appréciation du dollar face à persisté et sont restés importants en 2017. Ces l’Euro. Aussi, une restructuration de cette dette indicateurs macroéconomiques ont caractérisé reste-t-elle nécessaire pour rétablir la soutena- la morosité ambiante en République du Congo bilité de la dette à l’horizon 2022. Ce surendet- alors que la sous-région Afrique subsaharienne tement est dû à l’effet combiné de la volonté du et le monde ont expérimenté des performances gouvernement de combler le gap infrastruc- plus favorables de 2,4% et 3% en 2017. turel du pays en investissant de façon procy- clique et l’absence d’une gestion prudente des Message 2 : La faiblesse conjoncturelle du excédents budgétaires provenant de l’embellie secteur hors pétrole s’explique par la com- du secteur pétrolier d’avant 2014. binaison des facteurs socio-économiques importants qui ont contribué à la fragilisa- Message 4 : Les perspectives quoique favo- tion du tissu économique. Au-delà des effets rables nécessitent la poursuite des mesures du Syndrome Hollandais qui a limité le déve- de politique économique qui ont commen- loppement du secteur productif congolais de- cé à produire des effets appréciables, avec la puis des décennies, la reprise conjoncturelle contraction de l’inflation et la réduction de a été retardée par plusieurs facteurs. A titre l’ampleur des déficits jumeaux. La réalisation d’exemple, la crise du Pool a totalement affecté au plan régional de la politique monétaire res- le fonctionnement de la société des Chemins trictive et au plan national de la politique bud- de Fer Congo-Océan (CFCO) en interrompant gétaire accommodante a produit certains ré- le transport ferroviaire entre Pointe-Noire et sultats. L’inflation a été ramenée sous contrôle Brazzaville. Le résultat net comptable de l’en- à 0,5%, se situant très en deçà des 3% du seuil treprise a continuellement chuté de 8,7 mil- communautaire de la CEMAC, mais les ré- liards de FCFA en 2012 pour s’annuler en 2017. serves internationales du pays ne se sont pas Le programme d’urgence, de réhabilitation et reconstituées. Les déficits budgétaires ont sen- d’équipement du Chemin de Fer Congo-Océan siblement reculé de presque 12 points de pour- a vu notamment ses efforts être anéantis par centage du PIB entre 2016 et 2017, à la suite les destructions massives des équipements du resserrement de la dépense publique qui a SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO xi chuté de presque 27% entre 2016 et 2017 alors Message 7 : Le pays pourrait bien changer de que les recettes ont fléchi de seulement 8% sur cap en amorçant sa transformation structu- la même période. L’amélioration des recettes relle par l’adoption de l’industrie légère. En d’exportation et de la bonne tenue des cours prenant en compte les aspirations profondes de change du FCFA face au dollar via l’Euro se des populations congolaises à un mieux-être et sont traduitent directement par une forte amé- à plus d’opportunités pour une prospérité par- lioration du déficit du compte courant qui a été tagée, et du fait que le portefeuille de biens pro- divisé par 5 tout en restant important. Cepen- duits par le Congo est faible et mériterait d’être dant, le besoin d’un renforcement de la qualité dynamisé. Il devrait s’appuyer sur l’existant des réformes demeure nécessaire pour une re- pour amorcer la transformation structurelle est lance rapide de l’économie. une ambition réaliste. Il s’agirait d’identifier les produits-frontières en amont pour la transfor- Message 5 : Afin de sortir de cette situation mation et d’améliorer la politique industrielle fragile, le pays devrait s’engager résolument du pays. Ce nouvel élan pour le développement vers un ensemble cohérent et coordonné de du Congo est possible en procédant à une di- réformes au cours des trois prochaines an- versification verticale et en investissant dans nées. Sur la période 2018-2020, la production pétrolière devrait croître en moyenne de 8,4% l’industrie légère. Une diversification verticale malgré le déclin attendu en 2020. Conformé- dans les secteurs des ressources naturelles du ment à la décision des Chefs d’Etat du 23 dé- pétrole, de la forêt et des mines contribuerait à cembre 2016 à Yaoundé au Cameroun, le Congo compenser la baisse attendue de la production devrait aussi être bientôt en programme avec le pétrolière à partir de 2020 et à réduire la vulné- FMI comme les autres pays de la CEMAC, ce rabilité du pays. Il s’agira de se concentrer sur qui permettrait de bénéficier aussi des appuis : (a) la transition vers des produits à plus forte budgétaires de la Banque mondiale, de la BAD valeur ajoutée dans les industries minérales et et de la Coopération française afin de mettre chimiques ; (b) la conformité des entreprises en œuvre des mesures correctrices. La réussite à la règle nationale selon laquelle 85 % des de ces reformes serait un moteur complémen- grumes doivent être transformées localement taire et synergique à la bonne tenue de la pro- avant d’être exportées, (c) le déploiement du duction pétrolière pour ramener la confiance Système informatisé de Vérification de la Lé- parmi les investisseurs, relancer la production galité, (d) la réduction des taxes sur le bois fa- hors pétrole et rétablir les équilibres macroé- briqué et (e) l’exploitation minière, notamment conomiques rompus depuis 2014. le cuivre. Message 6 : Le changement de cap en s’éloi- Message 8 : Un ensemble de risques internes gnant d’un modèle économique insoute- et externes pèsent sur l’économie congolaise nable, par des réformes sectorielles de fond et exige la poursuite soutenue des efforts et corriger ses contraintes structurelles pour changer de cap. Les risques intérieurs constitue une urgence. Le modèle actuel qui porteraient sur les menaces d’ordre sécuri- est basé sur l’exploitation de la rente pétrolière n’est plus soutenable non seulement à cause taire contre le pays et le retard dans la mise en de la crise actuelle mais en anticipant sur les œuvre des réformes économiques. Ce dernier grandes révolutions dans (i) les NTIC, (ii) le risque pourrait résulter d’un déficit d’implica- transport avec les véhicules électriques, (iii) tion des autorités et de coordination dans la l’énergie verte et les biocarburants. La réalisa- mise en œuvre des réformes économiques et tion des politiques sectorielles et structurelles financières identifiées. Le risque extérieur ma- s’impose donc comme une nécessité pour à la jeur proviendrait de l’évolution de l’environne- fois faire face aux contraintes externes et corri- ment international en cas d’une nouvelle chute ger les contraintes internes tant en matière de des prix du pétrole. gestion budgétaire (faibles revenus, fort endet- tement, grandes dépenses procycliques) que de gouvernance de l’administration publique en général. xii SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Un ménage bénéficiaire d’un projet de protection sociale de la Banque mondiale. © D.R./Lisungi. PARTIE I : ÉTAT DE SANTÉ DE L’ÉCONOMIE CONGOLAISE SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 13 La République du Congo traverse une crise socioéconomique subséquente aux prix bas du pétrole et à la situation d’insécurité dans le pays. Le PIB s’est fortement contracté deux années de suite en se situant respectivement à -2,8 % et -3,1 % en 2016 et 2017. En 2017, le pays a enregistré de larges déséquilibres internes et externes avec un déficit primaire non-pétrolier à 18,8% du PIB et celui du compte courant à 13,1% du PIB. Les réserves internationales ont chuté et représentaient moins d’un mois d’importations. L’augmentation procyclique des investissements publics et leur inefficience ont entraîné une rapide hausse du ratio de la dette extérieure au PIB qui est passée de 20% à la fin de 2010 à 80,5% à la fin de 2017, avec la prise en compte de nouveaux emprunts fournis par le gouvernement, comme souligné par le FMI1. Le gouvernement a accumulé des arriérés extérieurs et intérieurs qui ont pesé sur la crois- sance annuelle des activités économiques hors pétrole qui s’est situé à -3,2% en 2016 et à -7,9% en 2017 et sur le secteur bancaire local avec l’accroissement des créances en souf- france dans les banques et une dégradation des ratios prudentiels. En dépit d’une légère reprise du secteur pétrolier en 2018 qui pourrait se poursuivre en 2019, les perspectives de sortie de crises restent douloureuses avec un nécessaire prolon- gement de l’ajustement budgétaire combiné à une restructuration de la dette publique du Congo pour rétablir les équilibres. Avec l’épuisement projeté des réserves de pétrole dans les 20 prochaines années, les risques sont élevés. Une fois l’économie stabilisée, l’atteinte d’une croissance diversifiée et inclusive nécessitera de poser les jalons de la transformation structurelle dès 2019 pour réduire la forte dépendance au pétrole. Cette première partie présente une revue des monétaires et extérieures. Une discussion sur développements récents enregistrés par l’éco- les perspectives à court et moyen termes au re- nomie congolaise, jusqu’à la fin 2017, en préci- gard des opportunités et des risques encourus sant les facteurs explicatifs de la contraction du par le pays conclut la section et sert de transi- PIB réel. Elle décrit les situations budgétaires, tion à la deuxième partie du rapport. 1 Intervention du Porte-parole du FMI en début août 2017 auprès de l’Agence France Presse, sur les écarts entre les données de la dette fournies par le gouvernement en juin 2017 et celles de la mission de mars 2017. 14 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 1.1 DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS : DEUX ANNÉES D’AJUSTEMENT DIFFICILES A. UNE BAISSE PRONONCÉE DU SECTEUR NON-PÉTROLIER 1.1.1 L’économie congolaise continue en 2017. La situation financière tendue des en- de subir les effets de la crise des prix bas treprises du secteur privé à la suite de l’accu- du pétrole. Les évolutions économiques au mulation des arriérés a conduit la plupart des Congo sont étroitement liées à l’évolution du entreprises à réduire les activités et les effectifs. secteur pétrolier. Avant la crise, la production Selon la fédération du patronat congolais, Uni- pétrolière représentait 58% du PIB, les expor- congo, près de quatre entreprises sur cinq ont tations de pétrole, 78% des exportations, et les vu leur chiffre d’affaires baisser en 2016 contre recettes pétrolières du gouvernement consti- seulement 7% qui ont vu une amélioration de tuaient 74% des recettes budgétaires totales. leur chiffre d’affaires. En 2017, la situation s’est L’année 2017 a été difficile pour le Congo, en presque maintenue avec 71% des entreprises dépit de l’entrée en production du nouveau ayant subi une réduction du tiers des activités. puits de pétrole à Moho Nord. La crise écono- Ce ralentissement des activités, pour la plupart mique s’est accentuée, le PIB continuant à se dans le secteur non pétrolier, serait dû à la si- contracter fortement à -3,1% en 2017 contre tuation de trésorerie difficile et la faiblesse de -2,8% en 2016 (Graphique 1).2 Les activités la demande, entrainant des licenciements (en- non pétrolières ont largement diminué de 7,9% viron 12 000 en 2016 et 3 000 en 2017). Graphique 1 : Le PIB s'est contracté davantage en dépit Graphique 2 : Contraction du PIB induite par les sec- de l'entrée en production de nouveaux puits de pétrole teurs des services et de l’industrie Source : Banque mondiale, FMI et Direction générale de Source : Banque mondiale, FMI et Direction générale de l’économie l’économie 2 Banque mondiale, Perspectives macroéconomiques et sur la pauvreté Printemps 2018, MPO 2018 WB & IMF Spring Meetings, Mars 2018. SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 15 1.1.2 La faible performance du secteur culture et les industries chimiques ont permis non-pétrolier en 2017 est le fait du sec- de limiter la forte contraction. teur tertiaire suivi du secteur secondaire, l’inverse de 2016. Les contractions respec- 1.1.3 En comparaison avec les autres tives des résultats de ces deux secteurs ont été pays de la Communauté Economique de 21,6 % et 3,7 % en 2017 (Graphique 2). Au et Monétaire de l’Afrique Centrale (CE- niveau du secteur tertiaire, la récession a fini MAC), après la Guinée équatoriale, la par toucher toutes les branches (transports et République du Congo est restée l’écono- télécommunication ; commerce, restaurants mie la plus affectée et continue de subir la et hôtels ; administrations publiques ; services récession. Dans la CEMAC, en dépit des ef- des assurances et banques). L’ajustement des forts consentis pour atténuer les impacts de la dépenses publiques dans les administrations double crise pétrolière et sécuritaire, la situa- ainsi que l’accumulation des arriérés ont néga- tion économique est restée difficile. L’activité tivement impacté la trésorerie des entreprises économique s’est contractée de nouveau sous en général, affectant sérieusement le secteur l’effet de la baisse pétrolière et d’un rythme mo- bancaire en 2017. La morosité des activités deste dans les activités non-pétrolières (Gra- non-pétrolières s’est reflétée dans le taux de phique 3). La forte contraction des activités fréquentation des hôtels et restaurants. En non-pétrolières du Congo a pesé sur le niveau outre, le transport, l’évacuation des agrumes encore faible du PIB global de la CEMAC. Les et le commerce ont été affectés par les inonda- pays de la CEMAC sous programme d’ajuste- tions dans l’extrême nord du pays, principale- ment et de consolidation budgétaire ont enre- ment dans la région forestière de la Likouala. gistré une légère reprise des activités non-pé- Au niveau du secteur secondaire, les activités trolières. Pour rappel, les discussions avec la des bâtiments et travaux publics ont été ti- République du Congo et la Guinée équatoriale mides malgré le lancement de l’importante ci- pour ce type de programme ont pris du retard. menterie Dangote à Mfila. En revanche, l’agri- Graphique 3 : Evolution du PIB réel en zone CEMAC entre 2013, 2016 et 2017, le Congo reste le plus affecté en 2016 et 2017 Source : FMI, Rapport semestriel sur la CEMAC, Décembre 2017 16 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 1.1.4 Au niveau de la demande, les ten- très élevés. Ces coupes à hauteur de deux tiers dances sont restées à la baisse durant ces répondent aussi à un besoin d’amélioration deux dernières années. Certes, les exporta- de l’efficacité des dépenses en capital. Bien tions de pétrole ont été à la hausse, mais des que les récents investissements privés dans contractions ont été enregistrées aussi bien le secteur du pétrole avec le nouveau puits pour la consommation privée (-3,2%) que de Moho Nord aient contribué à atténuer publique (-14,1%) (Graphique 4). Pour ce la baisse tendancielle de l’investissement au qui concerne les investissements publics, les Congo, la réduction de la demande agrégée a besoins d’ajustement ont amené le gouverne- fortement pesé sur la croissance économique. ment à procéder à de larges coupes dans les Ces résultats suggèrent au pays de revisiter ses infrastructures de transport, d’électricité et politiques d’investissement et commerciale. de leur maintenance eu égard à leurs niveaux Graphique 4 : Evolution de la composition du taux de croissance économique du côté de la demande Source : Banque mondiale, 2018 B. UNE INFLATION EN BAISSE AVEC UNE MASSE MONÉTAIRE ET DES AVOIRS EXTÉRIEURS EN RÉGRESSION 1.1.5 Le ralentissement de l’activité à la consommation s’est situé 0,5%, en dessous conjugué au resserrement de la politique du seuil communautaire de 3 % contre 3,2 % monétaire de la Banque des Etats de en 2016 (Graphique 5). La BEAC a poursui- l’Afrique Centrale (BEAC) et la baisse des vi le resserrement de sa politique monétaire importations ont induit une décéléra- pour essayer d’atténuer ou de contenir les ef- fets des chocs. En sus de cette politique moné- tion de l’inflation. L’inflation est restée sous taire prudente de la BEAC, l’amélioration de la contrôle. Les années de crises se sont déteintes production agricole domestique a contribué à sur la demande intérieure qui s’est affaiblie et modérer les prix des produits alimentaires qui a réduit ainsi les pressions inflationnistes en ont une forte pondération dans le panier de la 2017, en dépit des perturbations des circuits consommation des congolais. d’approvisionnement et des pénuries récur- rentes de carburant. Le niveau général des prix SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 17 Graphique 5 : Baisse des prix à la consommation à cause de la faiblesse de la demande Sources : Banque mondiale, FMI et Institut National de la Statistique, mars 2018 1.1.6 La situation monétaire du Congo bleau 1). En dépit de la morosité de l’économie, entre fin 2016 et fin 2017 a été marquée l’évolution de la monnaie fiduciaire traduit la par (i) la baisse de la masse monétaire, saisonnalité de l’amélioration de la consomma- (ii) une légère augmentation du crédit tion pendant les fêtes de fin d’année. En ce qui intérieur et des autres postes nets ; et (ii) concerne les contreparties de la masse moné- taire, la contribution des avoirs extérieurs nets la chute des avoirs extérieurs nets. A fin à la création monétaire, bien que négative, s’est décembre 2017, la masse monétaire s’est établie améliorée de -41,6 points, à -5,2%. Ceci serait à 1 938 milliards FCFA, en baisse de 1,7% par lié au ralentissement du rythme de baisse des rapport à décembre 2016 en lien avec la baisse recettes d’exportations. De même, les autres significative de sa contrepartie extérieure, dans postes nets ont contribué négativement de 4,3 un contexte de chute des recettes d’exporta- points à la variation de la masse monétaire. Par tions. Cette baisse de la masse monétaire s’est contre, la contribution du crédit intérieur est accompagnée du repli des parts relatives de la demeurée positive à 3,1 points, traduisant une monnaie scripturale (-0,8 point, à 55,5%) au progression des crédits à l’Etat (+6,0 points), profit de l’augmentation des parts relatives de qui a pu compenser la contribution négative la quasi-monnaie (0,3 point, à 18,2%) et de la des crédits à l’économie (-3,0 points). monnaie fiduciaire (0,5 point, à 26,4%) (Ta- 18 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Tableau 1 : Evolution et Structure de la Masse Monétaire (en Millions de FCFA) Variations relatives et INTITULES/ PERIODES Janv-16 Déc-16 Janv-17 Déc-17 absolues en % 1 2 3 4 2/1 4/3 4/2 DISPONIBILITES MONETAIRES 1 958 105 1 620 077 1 543 098 1 586 296 -17,3 2,8 -2,1 - Monnaie fiduciaire 558 104 511 404 485 104 511 544 -8,4 5,5 0,0 - Monnaie scripturale 1 400 001 1 108 673 1 057 994 1 074 752 -20,8 1,6 -3,1 QUASI-MONNAIE 353 076 351 755 343 614 351 851 -0,4 2,4 0,0 MASSE MONETAIRE (M2) 2 311 181 1 971 832 1 886 712 1 938 147 -14,7 2,7 -1,7 STRUCTURE (%) - Monnaie fiduciaire 24,1 25,9 25,7 26,4 1,8 0,7 0,5 - Monnaie scripturale 60,6 56,2 56,1 55,5 -4,3 -0,6 -0,8 - Quasi-monnaie 15,3 17,8 18,2 18,2 2,6 -0,1 0,3 TOTAL 100,0 100,0 100,0 100,0 0,0 0,0 0,0 Source : BEAC, juin 2018 1.1.7 En rythme annuel, la position ex- tions (0,9 mois) à partir de 6 mois en 2014. Un térieure nette de la BEAC s’est fortement examen des avoirs extérieurs de la BEAC au contractée de 54,2%. Elle est passée à 180,2 niveau régional CEMAC montre qu’ils ont été milliards de FCFA, avec un taux de couverture négativement influencés par le Congo (Gra- extérieure de la monnaie s’établissant à 27,6%, phique 6) même si en 2017, la variation pour contre 43,9% à fin décembre 2016. Ainsi, les le Congo a été moins forte que les 2 années réserves imputées au Congo ont drastique- précédentes. ment diminué à moins d’un mois d’importa- Graphique 6 : Variation des avoirs extérieurs nets de la BEAC (en millions de fcfa) Source : BEAC, avril 2018 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 19 1.1.8 Par ailleurs, le choc pétrolier, ag- bancaire congolais a été marquée par (i) une gravé par la crise sécuritaire, a détérioré baisse de 8% du total agrégé de leurs bilans ; la situation du secteur bancaire et exacer- (ii) une diminution de 9,9% des dépôts col- bé les déficiences du système financier au lectés auprès de la clientèle ; et (iii) une forte Congo. L’accumulation d’arriérés intérieurs contraction de 38,4% de leurs ressources de du secteur public vis-à-vis des opérateurs pri- trésorerie. Les banques congolaises présentent vés a contribué à une augmentation des prêts une situation relativement dégradée (Tableau improductifs et a exacerbé le non-respect par 2) au regard du respect des ratios prudentiels les banques des normes prudentielles. Les de la Commission Bancaire d’Afrique Centrale créances en souffrance ont représenté 16,6% - COBAC, comparativement à la situation ob- des crédits bruts, contre 8,5%, douze mois servée au 31 décembre 2016. Il est essentiel de auparavant, en raison de la forte augmenta- rétablir la capacité des banques à fournir des tion des impayés. La couverture des crédits financements au secteur privé et aux ménages par les dépôts est ressortie à 107,1% contre congolais, ainsi que de préserver la crédibili- 111,2%, une année plus tôt. La baisse des dé- té du secteur financier. A cet effet, il faudrait pôts exerce de fortes pressions sur la liquidité prendre des mesures pour réduire le niveau des banques et sur leurs bénéfices futurs. Deux élevé des prêts improductifs et sauver les deux banques publiques ont été jugées insolvables. banques en difficulté au Congo. Au 31 décembre 2017, la situation du système Tableau 2 : CEMAC : Notation des banques par la COBAC, 2015 20 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO C. UNE APPRÉCIATION DU TAUX DE CHANGE RÉEL ET UN SYNDROME HOLLANDAIS PERSISTANT 1.1.9 L’évaluation du taux de change s’est lancé dans la production pétrolière, on effectif réel révèle une surévaluation du constate une sous-performance de tous ces FCFA et les indicateurs de compétitivi- secteurs du fait du TCER élevé (Graphique té hors prix soulignent l’urgence de s’at- 8), une illustration du syndrome hollandais. taquer aux symptômes structurels. Le L’agriculture et les secteurs associés ont décli- Congo fait partie d’une union monétaire et sa né, tandis que l’industrie manufacturière s’est devise, le franc CFA, est liée à l’euro. De 1999 effondrée. Les produits manufacturés agricoles à 2015, l’euro a été une devise forte et, dans comme le sucre, les minerais et les tabacs ont le même temps, les prix des produits de base subi une perte de compétitivité entre 2000 et étaient élevés au Congo, ce qui a conduit à une 2014 selon le rapport de la Banque mondiale surévaluation du franc CFA. En s’appuyant sur la diversification économique de juin 2016. sur le modèle d’évaluation du solde extérieur, Cela résulte essentiellement de l’effet dépense le FMI a constaté que le taux de change effec- et du renchérissement du coût des facteurs de tif réel (TCER) du Congo était surévalué de production. Afin d’atténuer les effets négatifs 25% en décembre 2016. Cette surévaluation de ce syndrome hollandais, le gouvernement s’est poursuivie jusqu’aux premiers mois de devrait durant les périodes d’excédents budgé- 2018 (Graphique 7). Un taux de change effec- taires, stériliser une partie des revenus pétro- tif réel qui s’apprécie n’aide pas la compétitivi- liers dans un compte d’épargne à la BEAC et de té, en particulier dans les secteurs produisant n’investir que lorsque la capacité d’absorption des biens échangeables. Depuis que le Congo de l’économie le permet. Graphique 7 : Evolution du taux de change effectif réel : TCER (de janvier 2009 à avril 2018) Source : FMI et calculs des auteurs, juin 2018 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 21 Graphique 8 : Evolution du prix de pétrole et du taux de change en dollars - FCFA (de janvier 2009 à avril 2017) Source : FMI et calculs des auteurs, juin 2018 1.1.10 Au Congo, le niveau élevé des prix pas une politique monétaire visant à améliorer des marchandises est l’une des princi- la compétitivité des économies membres. Par pales voies d’impact du syndrome hol- exemple, le niveau des prix au Congo corres- landais dans l’économie, indiquant une pond au double des prix en Éthiopie, aux deux structure des prix non compétitifs. En fait, tiers des prix au Kenya, au Cameroun, au Ni- bien que la stabilité de l’inflation ait été le prin- geria, au Bénin et au Sénégal (Graphique 9). cipal objectif de la banque centrale (BEAC), Cela a un impact négatif sur la compétitivité le niveau des prix reste très élevé. La BEAC a des produits non pétroliers congolais, ce qui adopté une politique monétaire qui a contribué est une faiblesse structurelle majeure. à une inflation stable dans la région, mais non 22 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Graphique 9 : Indice des prix ajustés de la consommation des ménages dans une série d’économies selection- nées, 2011 Source : Nakamura et al (2016), sur la base des données de l’IPC de 2011 Remarque : Les indices de niveau de prix (INP) ont été ajustés pour la consommation des ménages, excepté pour la loca- tion de logements. Les INP sont normalisés de sorte que la moyenne géométrique est égale à 100. La taille d’un cercle est proportionnelle à son PIB (en Parité de Pouvoir d’Achat – PPA 2011). 1.1.11 Malgré un léger recul, les comptes est à mettre en relation principalement avec extérieurs continuent d’afficher un im- l’amélioration des exportations pétrolières et le portant déséquilibre. La balance commer- recul des importations du même secteur dans ciale s’est détériorée en 2017 en maintenant le contexte de la fin du projet Moho-Nord. Par le compte courant déficitaire à 13,1% du PIB. ailleurs, une décélération des investissements Ceci correspond à une amélioration majeure publics généralement alimentés par les revenus par rapport au déficit énorme de 74,0% du pétroliers a freiné les importations en 2017. PIB en 2016 (Graphique 10). Cette évolution SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 23 Graphique 10 : Evolution du compte courant en zone CEMAC entre 2013 et 2017 Source : FMI, Rapport semestriel sur la CEMAC, décembre 2017 D. UNE SITUATION DES FINANCES PUBLIQUES DIFFICILE ET DES POLITIQUES BUDGÉTAIRES PROCYCLIQUES 1.1.12 Au niveau des comptes de l’Etat, la la dette sociale (Graphiques 12-13). Ainsi, à fin récession économique a impacté négati- décembre 2017, les recettes budgétaires se sont vement la situation budgétaire en 2017. élevées à 1 445 milliards FCFA, en retrait de Le gouvernement a procédé à la rectification 8,1% par rapport à la même période de l’année de son budget. Ce budget révisé a conduit à une précédente. Ce faible niveau de réalisation des réduction des recettes de 44,9%, à 1 513,2 mil- recettes budgétaires s’explique principalement liards de FCFA et une réduction des dépenses par la baisse conjuguée des recettes pétrolières de 54,1%, à 1 258,0 milliards, par rapport au et des recettes hors pétrole. L’ajustement bud- budget initial. Il dégage un solde global défi- gétaire a conduit à ramener les dépenses bud- citaire de 343 milliards (Graphique 11). Avec gétaires ordonnancées à hauteur de 1 82 mil- l’arrêt des avances statutaires de la BEAC aux liards. Elles ont baissé de 27% en glissement Etats membres, pour financer ce large déficit, annuel, consécutivement à la diminution des le Congo a plutôt accumulé des arriérés et de dépenses courantes et des dépenses en capital. 24 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Graphique 11 : Des déficits budgétaires insoutenables depuis 2014... en dépit des efforts d’ajustement face à la crise Source : Banque mondiale, FMI et Direction générale de l’économie, juin 2018 Graphique 12 : Financement (en % du PIB hors-pé- Graphique 13 : Financement par une forte accumu- trole) essentiellement par les avances statutaires de la lation d’arriérés intérieurs et extérieurs (en % du PIB BEAC hors-pétrole) Source : Banque mondiale, FMI et Direction générale de Source : Banque mondiale, FMI et Direction générale de l’économie l’économie 1.1.13 Le gouvernement a suivi une po- (PPTE), à 80,5% à la fin de 2017 induisant une litique budgétaire plutôt procyclique situation de surendettement car le taux global durant l’embellie induite par le niveau a atteint 117,9% du PIB. Le Congo doit explo- relativement élevé des prix du pétrole. rer les options de politiques contracycliques et L’augmentation procyclique des investisse- des règles budgétaires. Il devra réduire encore ments publics du pays a conduit à une crois- l’investissement public, tout en s’assurant de la sance rapide du ratio de la dette extérieure au priorisation et d’une allocation plus efficiente PIB de 20% à la fin de 2010 lorsque le Congo en vue d’un meilleur impact sur le niveau de atteignait le point d’achèvement de l’initia- productivité (Encadré 1). Pour faire face aux tive en faveur des pays pauvres très endettés politiques qui ont conduit aux excès de dé- SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 25 penses, aux déficits et à l’endettement excessif, tion de la production du secteur non-pétrolier l’instauration de règles budgétaires3 facilite- et sa contraction pourrait être amoindrie et rait la communication avec l’opinion publique même maîtrisée avec une règle budgétaire fa- congolaise sur les objectifs budgétaires soumis vorisant l’accumulation de réserves de change à l’Assemblée nationale ainsi que sur les résul- et d’actifs financiers plus importantes durant la tats de l’exécution budgétaire. La désarticula- période de hausse des prix du pétrole. Encadré 1 : Inefficience et problème de priorisation des investissements publics En vue de réduire les gaps en infrastructures de base, les autorités congolaises avaient mis en place un pro- gramme ambitieux d’investissement public. De grosses infrastructures ont été réalisées dans le cadre de l’orga- nisation les Jeux africains de 2015 et du programme de municipalisation accélérée. Des routes ont été construites sur plusieurs axes significatifs : Pointe Noire– Brazzaville (510 km) et Brazzaville – Ouesso (1100 km). Ainsi, le taux d’investissement public avait atteint 78 % du PIB non pétrolier en 2014, avant de baisser à 14,5 % en 2017. Malgré ce volume d’investissements réalisés jusqu’en 2014, de nombreuses disparités persistent avec des déficits en écoles, centres de santé, infrastructures d’assainissement et d’adduction d’eau et d’accès à l’électricité. En outre, des études antérieures ont noté l’inefficience des dépenses publiques d’investissement avec des coûts unitaires très élevés qui laissent supposer des insuffisances du cadre des marchés publics et de la sélection des projets (Gra- phiques Encadrés 1 et 2). Le Diagnostic Systématique Pays (DSP) 2017 révèle qu’afin d’améliorer la qualité des investissements publics, il serait opportun pour le Congo de réformer le système de gestion des investissements publics. Construction d’une route à la périphérie Sud de Brazzaville. © Franck Bitemo/Banque mondiale. 3 Une règle budgétaire est une contrainte durable imposée à la politique budgétaire sous la forme d’une cible numérique portant sur un agrégat clé des finances publiques pour garantir la viabilité budgétaire (Kopits et Sy- mansky, 1998). 26 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Graphique encadré 1 : Coût d’une route de 7 m de Graphique encadré 2 : Coût d’une route de 9 m de chaussée selon les pays, en millions d’USD/km chaussée selon les pays, en millions d’USD/km Sources : Base de données ROCKS – World 2008, Autorités congolaises et calculs de l’auteur. Remarque : Les données du Congo sont tirées du système de passation des marchés publics du gouvernement alors que d’autres données proviennent du système de passation des marchés publics de la Banque mondiale. 1.1.14 Le pays est en situation de suren- et trois négociants pétroliers (Glencore, Trafi- dettement suite aux larges dépenses d’in- gura et Orion 23,5%). Le profil du service de vestissements publics. Le ratio de la dette la dette montre une forte concentration des publique totale par rapport au PIB a atteint paiements au cours des trois prochaines an- 117,9% à la fin de 2017, suite à la conversion nées, plus de trois quarts arrivant à échéance de certains accords commerciaux de la SNPC entre 2018 et 2020 pour ces quatre créanciers en dette publique. Les amortisseurs de liquidi- (Graphique 14). Le gouvernement a entamé té se sont rétrécis et le pays éprouve de grandes des discussions avec ses créanciers en vue difficultés à couvrir ses obligations de service d’une restructuration de la dette. La dette inté- de la dette (environ 8% du PIB fin 2017). La rieure est principalement composée d’arriérés dette extérieure représente 80,5% du PIB et est (17,2%) - en cours de vérification - et d’avances dominée par la dette envers la Chine (28,3%) statutaires de la BEAC (10%). SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 27 Graphique 14 : Profil du service de la dette publique (en milliers de dollars US) Source : Banque mondiale, FMI et Caisse Congolaise d’Ammortissement – CCA 1.2 PERSPECTIVES ET DÉFIS : DES RISQUES PERSISTANTS 1.2.1 Un léger relèvement du secteur du secteur non-pétrolier. Cette tendance est réel est prévu entre 2018-2019 dans une d’autant plus inquiétante qu’elle anticipe l’at- conjoncture internationale favorable. teinte du pic de production de pétrole et le dé- Ces perspectives relativement positives du but de la baisse des réserves de pétrole sur les 15 années suivantes. En plus, les hypothèses Congo seraient tirées d’une part par une re- de politique budgétaire de relance incluses montée des prix du pétrole et un relèvement dans le scénario de base de l’analyse de sou- de la production nationale. La révision à la tenabilité de la dette portent des risques ma- hausse des hypothèses de production pé- jeurs. Elles reposent en effet sur les mesures trolière améliore légèrement les prévisions d’amélioration du rendement de l’impôt, de macroéconomiques du Congo. En 2018, le l’élargissement de la base taxable et de la prio- taux de croissance de l’économie devrait se risation des dépenses telles qu’inscrites dans relever légèrement à 2 % du PIB et s’accélérer les collectifs budgétaires (Lois de Finances à 3,7 % en 2019 (Tableau 3). Bien que posi- Rectificatives - LFR) de 2017 et la Loi de Fi- tif, ce niveau de croissance reste encore très nances Initiale de 2018 (LFI 2018). L’amé- en-dessous des taux enregistrés avant la crise lioration projetée du solde primaire de base des prix bas du pétrole en 2014. Avec un ac- entre 2018 et 2020, correspond à la période du croissement démographique de 2,7 % par an, programme appuyé par le FMI et dont l’une le pays risque de se retrouver avec des revenus des actions préalables reste la restructuration par tête amoindris. de la dette, élément important de l’ajustement budgétaire. L’ effet du paiement différé de la 1.2.2 Le scénario de base prévoit néan- dette sur cette période améliore les soldes moins un inquiétant affaiblissement de budgétaires et tout le défi est de maintenir le la croissance à l’horizon 2020. En effet, cap sur les années suivantes avec un ajuste- l’économie congolaise est projetée d’entrer ment à moyen terme. Un relâchement dans à nouveau en récession à partir de 2020, et l’effort de réforme exposerait le Congo à une ce jusqu’à la fin de la période de projection détérioration grave de la situation budgétaire (2022) dû à l’effet combiné de la réduction de en plus de la baisse tendancielle de l’activité la production pétrolière et à la reprise molle économique attendue. Il faudrait à tout prix éviter le coût social d’un tel scénario. 28 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Tableau 3 : Perspectives macroéconomiques 2018-2021 2017 2018 (p) 2019 (p) 2020 (p) 2021 (p) PIB à prix constants -3,1 2,0 3,7 -0,1 -1,8 - Pétrolier 15,3 24, 8,4 -5,8 -14,7 - Non-pétrolier -7,9 -5,4 1,7 2,5 3,6 Prix à la consommation (moyenne pour la période) 0,5 1,6 1,8 2,0 2,4 Termes de l'échange (détérioration - ) 7,9 8,8 -4,6 -0,0 -1,9 Solde des transactions courantes (pourcentage du -13,1 4,2 5,4 1,1 -3,6 PIB) Solde des transactions courantes hors pétrole -49,8 -46,9 -44,9 -42,2 -39,1 (pourcentage du PIB hors pétrole) Réserves de change brutes (milliard FCFA) 250,5 744,7 847,4 863,5 931,2 (en mois d'importations, f.à.b.) 1,0 2,6 3,0 3,3 3,6 Solde budgétaire primaire de base (déficit -) -6,5 20,5 17,4 18,7 13,8 Solde primaire de base non pétrolier ( - = déficit) -20,3 -10,3 -9,9 -15,7 -14,2 4/ Dette publique totale (pourcentage du PIB) 117,9 02,1 98,3 100,2 103,2 Source : Banque mondiale/FMI, juin 2018 Note : (p) : Prévision 1.2.3 Les perspectives à moyen terme les affrontements récurrents entre l’armée et dépendent du succès des autorités dans la le Pasteur Ntumi et sa milice (rebelles Ninjas) restructuration de la dette et de la conti- ont entraîné beaucoup de morts et de réfugiés. nuation des coupes budgétaires. Les au- Il s’y est ajouté une destruction d’infrastruc- torités congolaises ont recruté des conseillers tures dans la région qui a beaucoup joué sur juridiques et financiers pour mener des dis- les contreperformances des secteurs du trans- cussions sur la restructuration de la dette avec port entre Brazzaville et Pointe-Noire. Le pro- leurs créanciers. Un important ajustement blème d’accès à la terre, corollaire à cette crise budgétaire réduirait les dépenses dans les sec- sécuritaire, impacte négativement le système teurs sociaux dans un environnement où les productif du Congo, sa productivité dans le dépenses publiques pour la santé et l’éduca- secteur agricole ainsi que l’agro-industrie. tion sont déjà faibles. Même si la conclusion favorable de cette restructuration fournirait 1.2.5. Des risques externes persistent aus- au gouvernement plus d’espace budgétaire, il si. La crise des réfugiés en provenance de la demeure impérieux de trouver de nouvelles sous-région constitue aussi un risque majeur sources de croissance, et donc de revenus, à contre l’ajustement budgétaire en cours. Les l’horizon 2020. dépenses imprévues de souveraineté et de dé- fense des frontières ou celles liées aux consi- dérations humanitaires pourraient contribuer 1.2.4 Les défis à l’horizon 2020 s’ajoutent à l’explosion des dépenses en ces temps de à un contexte de risques au niveau in- restriction. Des risques extérieurs liés à un re- terne. Bien qu’un accord ait été signé avec les tournement des prix du pétrole ou l’échec de la rebelles en décembre 2017, le Congo connaît restructuration de la dette sont aussi à consi- de fortes tensions sociopolitiques dans la ré- dérer. Ces risques pourraient contrarier l’ajus- gion du Pool. Tel que relevé par le DSP 2017, tement budgétaire et la relance économique SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 29 nécessaire pour inverser la tendance baissière du pays. Si les négociations sont concluantes, les à l’horizon 2020. Le renchérissement du coût effets de la relance économique devraient être du capital du fait de la forte aversion au risque perceptibles après 2022 avec une reprise de la face à la situation d’endettement du pays, à l’ac- demande intérieure en relation avec le paiement cumulation des arriérés et à l’augmentation des graduel des arriérés du gouvernement vis-à-vis créances en souffrance dans le secteur bancaire du secteur privé. Les conditions de redémarrage pourrait limiter le renouvellement et l’aug- des activités de production s’amélioreraient, per- mentation du stock de capital. Cette situation mettant un gain de productivité bien qu’avec un induirait une baisse additionnelle de la crois- rythme plus faible et un décalage dans les em- sance du PIB potentiel à moyen terme. bauches par les entreprises. 1.2.6 L’ajustement budgétaire doit être 1.2.8 Au total, face à l’épuisement inéluc- poursuivi et être accompagné par des me- table des réserves de pétrole du Congo d’ici sures de réformes et des politiques de relance 2035, l’un des défis majeurs du Congo reste sensées ramener l’économie vers son poten- de transformer les recettes pétrolières en ac- tiel de croissance. En effet, il est établi que tifs productifs qui puissent aider à éliminer les récessions tendent à réduire le potentiel de l’extrême pauvreté et promouvoir la pros- croissance. La forte baisse de l’investissement périté partagée. La gestion des ressources na- et des dépenses de maintenance subséquente à turelles telles que le pétrole pose un défi parce la crise a tendance à précipiter la dépréciation qu’elles sont non-renouvelable et leur revenus du capital et son non-renouvellement. Ceci sont volatils. Pourtant, malgré ces risques, les res- sources naturelles offrent aux pays en développe- induirait une diminution du stock de capital ment comme le Congo une opportunité inouïe et de son efficacité marginale. Avec le renché- d’accélérer le développement économique. L’ex- rissement du coût du crédit, beaucoup d’en- périence internationale a montré que pour ces treprises ont réduit leurs activités et leurs ef- pays, ceux qui sont les plus prospères et moins fectifs, toutes choses qui ne permettent pas de exposés aux chocs liés à ces types de ressources préserver le potentiel de croissance et contri- sont ceux qui ont pu relever le pari de la diver- bueraient à sa baisse. sification et procéder à la transformation struc- turelle de leur économie. Par conséquent le défi 1.2.7 Les incertitudes quant à l’approbation majeur du Congo est celui-là. Aussi, la deuxième par le Conseil d’administration du FMI d’un partie du rapport examine les mesures secto- programme d’appui au Congo bien que ré- rielles et structurelles nécessaires pour changer duites doivent être mentionnées. Elles restent de cap afin d’éviter la contraction tendancielle de liées à l’acceptation par les créanciers des termes l’économie congolaise à l’horizon 2020, et la troi- plus généreux de restructuration de la dette sième partie explore quelques pistes pour amor- congolaise. Toutefois, les créanciers du Congo cer la transformation structurelle de l’économie ont tout intérêt à négocier une restructuration congolaise en amont de l’ère-post pétrole. et conjurer le risque élevé de défaut de paiement 30 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Noëlle Ntsiessie, une agricultrice bénéficiaire d’un projet de la Banque mondiale. © Franck Bitemo/Banque mondiale. PARTIE II : CHANGER DE CAP ET PRENDRE SON DESTIN EN MAIN SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 31 La crise de la chute des prix des matières premières de juin 2014 a rappelé les faiblesses majeures de l’économie congolaise : (i) la fragilité de l’économie nationale face à la vo- latilité des prix et de la production du pétrole, (ii) le faible niveau de diversification et, (iii) les problèmes de gouvernance des ressources publiques qui nécessitent d’urgentes réponses. Le gouvernement congolais a adopté des mesures certes importantes mais insuffisantes car les déficits tant budgétaires que de la balance des paiements ont persisté entre 2015 et 2017, couplé à un important endettement du pays. La solvabilité du pays continue de se poser avec acuité. Les retards et impayés des salaires, des pensions, des bourses sco- laires et des prestations de services au profit de l’Etat se sont accumulés. Au niveau régional, la mise en œuvre d’une politique monétaire restrictive fait appa- raître des premiers effets positifs avec la maitrise de l’inflation et la reconstitution gra- duelle des réserves de change. La mise en œuvre coordonnée et rigoureuse des réformes reste la condition nécessaire de succès pour une sortie de crise effective. La combinaison d’un programme écono- mique et financier et des appuis budgétaires qui mettent l’accent sur les réformes secto- rielles pour relancer la croissance et préserver les secteurs sociaux devrait contribuer à rétablir les équilibres internes et externes. Cette deuxième partie du rapport aborde la question des réformes nécessaires pour aider le pays à sortir des déficits jumeaux enregistrés depuis 2015. Elle examine d’abord le caractère conjoncturel ou structurel de cette crise, avant de présenter les principales mesures de ré- formes que le pays pourrait mettre en œuvre afin de vite assurer la relance de son économie. 2.1 DU BESOIN D’UN CHANGEMENT DE CAP A. LE MODELE ÉCONOMIQUE ACTUEL N’EST PAS SOUTENABLE 2.1.1. Le modèle économique du Congo de transformer cette manne volatile en un a consisté à exploiter la manne pétrolière flux constant d’investissement sur le très long pour développer les infrastructures du terme pour construire les bases de leurs éco- pays : cette stratégie procyclique est ex- nomies autour d’une stratégie de développe- trêmement risquée. En effet, l’expérience ment pertinente et consensuelle. En Afrique, des pays riches en ressources naturelles qui l’exemple du Botswana est édifiant : la bonne ont réussi à maintenir dans la durée un dé- gestion des gains exceptionnels ont permis au veloppement harmonieux montre qu’ils ont Botswana de gérer en permanence la crois- su mettre en place des institutions capables sance et de devenir l’une des grandes réussites 32 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO des pays en développement. Les exemples 2.1.2. Le modèle économique actuel est du Chili en Amérique latine et de la Malaisie difficilement soutenable. Une croissance en Asie de l’Est montrent l’universalité de ce tirée par les ressources pétrolières connaît principe. La stratégie procyclique consistant à généralement deux difficultés en matière de dépenser immédiatement la manne pétrolière soutenabilité. Le premier défi, global, est l’ins- est d’autant plus risquée s’il n’y a pas de méca- tabilité des cours du pétrole. D’un niveau juste nismes de contrôle crédibles pour imposer la au-dessus de 20 $/baril, après la crise financière transparence dans la gestion de ces ressources. mondiale de 2008 - 2009, le prix du pétrole est Enfin, il y a une nécessité d’améliorer la capa- passé à plus de 100 $/baril en 2010 avant de cité d’absorption pour assurer que les dépenses sombrer en fin 2014. Les prévisions des cours d’investissement et le système de gestion qui du pétrole sur le moyen terme restent encore les régit produisent des infrastructures avec instables (Graphique 15). Le deuxième défi, un rapport qualité-prix acceptable et surtout qui, lui, est spécifique au Congo, est son ni- séquencées pour renforcer progressivement veau de production et l’épuisement imminent la capacité de production du pays. Un regard de ses ressources pétrolières. En effet, les ex- objectif et critique sur l’expérience récente du perts pensent qu’en l’absence de nouvelles dé- Congo convainc qu’il y a un besoin urgent de couvertes de puits de pétrole, les réserves de changer de cap. pétrole du Congo seront épuisées d’ici à 2034. D’une manière générale, la production du pé- trole au Congo est restée instable dépuis le pré- mier boom pétrolier en 1973. Graphique 15 : Prévisions des cours du pétrole Source : Banque mondiale, Rapport sur les perspectives économiques mondiales, 2018 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 33 2.1.3. Les tendances de l’épargne nette richesse et assurer sa croissance économique ajustée confirment que la trajectoire de à long terme. Les années d’épargne négative, croissance du Congo depuis 1990 n’est en revanche, montrent qu’un pays épuise son pas soutenable. L’épargne nette ajustée (ENA) stock de capital et est engagé sur une trajec- d’un pays intègre des mesures de la consom- toire de croissance non durable. Il apparait4 mation de capital fixe, de la contribution que le Congo épuise son stock de capital de- positive des dépenses d’éducation, de l’épui- puis au moins 1990 (Graphique 16), une ten- sement du capital naturel (y compris l’épuise- dance de toute évidence non-soutenable. En ment énergétique, l’épuisement des minéraux 2015, les taux élevés de dépréciation et d’épui- et l’épuisement net des ressources forestières) sement du capital naturel en particulier ont eu et des dommages causés par la pollution. Une pour conséquence une ENA de -26,3 % (Gra- ENA positive indique un investissement dans phique 17). La tendance négative de l’ENA de- l’avenir — autrement dit, qu’une nation ac- puis 1990 renforce l’urgence de changer de cap cumule les actifs nécessaires pour assurer sa pour assurer une bonne reprise de l’économie congolaise. Graphique 16 : Tendance de l’épargne nette ajustée Graphique 17 : Épargne nette ajustée, 2015 Source : Indicateurs de développement dans le monde, 2017 B. LA TENDANCE RÉCENTE DU CADRE DE GESTION BUDGÉTAIRE N’EST PAS SOUTENABLE 2.1.4 Le cadre budgétaire congolais fait taire du Congo : (i) une marge de manoeuvre face à de nombreux défis, le plus signi- budgétaire limitée en raison de l’insuffisance ficatif étant l’augmentation non-soute- des épargnes accumulées durant les périodes nable des dépenses. En 5 ans (2010-2015), de pic des cours du pétrole, et le manque d’an- la part des dépenses dans le PIB congolais crage budgétaire ; (ii) un système d’imposition a plus que doublé, passant de 20% à près de complexe associé à un taux d’imposition très 50% (Graphique 18). Un rapport de la Banque élevé et l’incapacité de l’administration fiscale mondiale (Banque mondiale, 2015a) a identi- congolaise à générer des revenus substantiels fié cinq points de fragilité dans le cadre budgé- non liés au pétrole ; (iii) le non-respect des 4 Banque mondiale (2018) : Indicateurs de développement dans le monde et leurs mises à jour . 34 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO règles et procédures budgétaires ; (iv) des re- finances publiques associées à une faible infor- tards substantiels observés dans le système matisation, ce qui crée des problèmes au ni- national de passation de marchés et (v) les veau de la crédibilité du budget (Banque mon- réformes ralenties au niveau de la gestion des diale, 2015a). Graphique 18 : Dépenses de l’état congolais par rapport au PIB, 2005-2014 P O U R C E N T A G E Source : Autorités congolaises, Ministère des Finances et du Budget Graphique : solde primaire hors pétrole du Congo (2000-2015) comme pourcentage du PIB 2.1.5. L’insuffisance de l’épargne accu- du fait de l’absence d’un ancrage budgétaire, mulée en période d’embellie des cours causant une insuffisance de l’épargne de l’État du pétrole pose un sérieux problème de congolais pour la stabilisation et l’équité inter- soutenabilité budgétaire pour les pro- générationnelle. Les autorités auraient pu par chaines années. Les conditions économiques exemple s’imposer une règle budgétaire de ne favorables grâce à la manne que représentaient pas dépasser un solde primaire hors pétrole les recettes pétrolières jusqu’en 2014 sont ré- (SPHP) de -30% du PIB hors pétrole, comme volues. Les redevances pétrolières durant cette suggéré par plusieurs experts internationaux. période étaient de loin la principale source L’échec relatif à l’adoption d’un tel ancrage fis- de recettes fiscales (71,9 % en 2014). La poli- cal a entraîné une grande fluctuation du SPHP tique budgétaire a été grandement procyclique de l’État congolais entre -68,4 % et -28,2 % entre 2000 et 2014 (Graphique 19). Graphique 19 : Solde primaire hors petrole du Congo (2000-2015) comme pourcentage du PIB P O U R C E N T A G E Source : Autorités congolaises SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 35 2.1.6. Le non-respect des bonnes pra- PEFA 2014 et PEMFAR 2015. Les dépenses en tiques en termes de règles et procédures capital financées par des ressources extérieures budgétaires représente également un ont par exemple souffert d’un manque de pla- risque par rapport à la soutenabilité du nification et de coordination. Par ailleurs, ces cadre budgétaire. Des difficultés ont été ob- projets sont souvent exécutés par les unités de servées notamment dans le respect des règles mise en œuvre plutôt que par les institutions et et procédures budgétaires en place selon le systèmes gouvernementaux. C. LA FAIBLESSE DU CADRE BUDGÉTAIRE CONDUIT À DES PROBLÈMES DE GOUVERNANCE 2.1.7. Malgré quelques avancées en ma- Des performances insuffisantes en matière de tière de transparence des revenus, le gouvernance, une coordination insuffisante Congo continue d’afficher des faiblesses des politiques publiques et un manque de ca- dans la gestion des dépenses. Le Congo pacités institutionnelles et techniques en ma- est devenu conforme à l’Initiative internatio- tière de planification des investissements ont nale pour la transparence dans les industries eu des conséquences néfastes sur la gestion extractives (ITIE) en 2013. Le gouvernement des ressources publiques. Les indicateurs de a aussi créé une commission anti-corruption gouvernance du Congo sont faibles même en chargée de formuler, coordonner et mettre utilisant les normes régionales (Tableau 4). Le en œuvre sa stratégie anti-corruption. Dans pays est classé 42e sur 54 pays de l’Indice Mo le même temps, un observatoire indépendant Ibrahim de la gouvernance africaine en 2016. de la lutte contre la corruption a été créé par D’après l’évaluation la plus récente (2017) des la loi pour surveiller et évaluer la mise en politiques et institutions par l’indicateur CPIA œuvre de la stratégie de lutte contre la cor- de la Banque mondiale, le Congo a une faible ruption. Bien que le gouvernement ait créé ces performance dans les domaines de la gestion institutions et commissions pour contrôler et budgétaire, de l’efficacité de la mobilisation des suivre les réformes en vue d’améliorer le sys- revenus, de la qualité de l’administration pu- tème de gouvernance des finances publiques, blique et de la corruption dans le secteur pu- ce dernier demeure faible, particulièrement en blic. La perception de la corruption au Congo termes de qualité des dépenses. La faible ges- est plus élevée que dans la plupart des princi- tion de la planification des investissements re- paux pays producteurs de pétrole (Graphique flète des faiblesses structurelles sous-jacentes. 20). Tableau 4 : Indice MO IBRAHIM sur la gouvernance en Afrique, 2006-2015 Afrique au Sud du Sahara République du Congo Quelques critères Score 2016 Score 2015 Score 2015 Ecart 2006-2015 Etat de droit 37,4 53,3 37,9 0,1 Redevabilité 16,5 35 19 3 Gestion publique 34,6 42 35 -3,4 Environnement des 35,0 39,8 26,5 -2,6 affaires Source : Fondation MO Ibrahim. 36 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Graphique 20 : Principaux pays pétroliers-indice de perception de la corruption Rang Source : Transparency International, 2017 Note : Un rang plus petit signifie une faible perception de la corruption. 2.1.8. La mauvaise gouvernance réduit sification économique, la création d’emplois, et l’efficacité des investissements publics donc la réduction de la pauvreté, si elles béné- et, par ricochet, affaiblit le climat des af- ficiaient d’un climat des affaires plus favorable. faires. Par exemple, même si plus de 2 mil- liards USD ont été investis dans le barrage 2.1.9. La gouvernance inadéquate des d’Imboulou et dans une centrale électrique à entreprises publiques entrave aussi l’in- Pointe-Noire, l’accès moyen à l’électricité ne vestissement privé. Les entreprises pu- s’est pas amélioré. Le coût d’opportunité de tels bliques fournissent les services publics de base investissements inefficaces est donc combiné qui sont des intrants essentiels pour le sec- avec la persistance d’une faible disponibilité teur privé (eau, électricité, transports et télé- d’énergie, ce qui réduit l’attractivité de l’écono- communications par exemple) et affectent la mie congolaise. De plus, vu que les investisse- productivité globale d’une économie. Si elles ments dans les industries extractives tendent sont exposées à de sérieux problèmes de gou- à favoriser de façon disproportionnée les mé- vernance, cela entrave leur capacité à fournir nages les plus nantis de la société, les inégalités ces services pour soutenir la croissance éco- se creusent et peuvent être à la base de tensions nomique. Les entreprises sont confrontées à sociales qui accroissent l’incertitude et la per- plusieurs problèmes de gouvernance qui af- ception des risques, et donc finit par découra- fectent leur performance et leur compétitivi- ger les investisseurs étrangers et domestiques. té, notamment : (i) des objectifs multiples et Le rapport Doing Business 2017 de la Banque souvent conflictuels ; (ii) l’absence d’un cadre mondiale classe le Congo au 177e rang sur 190 réglementaire et institutionnel approprié pour pays. En plus d’un pauvre accès à l’électricité et un contrôle efficace de l’État; (iii) l’ingérence aux finances, les investisseurs et les entrepre- de la tutelle politique dans la prise de déci- neurs font face à plusieurs obstacles réglemen- sion au niveau des conseils d’administration taires et administratifs. Les problèmes majeurs et de direction; et (iv) de faibles niveaux de cités par les entreprises comprennent l’instabi- transparence et de divulgation. Ensemble, ces lité politique, la corruption et les réglementa- faiblesses entraînent à la fois le manque d’au- tions douanières et commerciales. Le circuit de tonomie des entreprises publiques en matière dédouanement est lourd et caractérisé par des opérationnelle et le manque de responsabilité irrégularités, plusieurs intervenants, ce qui est et de transparence dans l’utilisation des actifs particulièrement contraignant pour les PME. publics rares, ce qui affecte négativement l’in- Ceci est d’autant plus dommageable que ces vestissement privé. PME ont plus de chance de stimuler la diver- SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 37 2.1.10. Enfin, les dysfonctionnements masse salariale ; (iv) l’absence d’une politique de l’administration publique constituent de rémunération attractive de nature à stimuler une contrainte transversale de l’économie l’efficacité ; (v) le vieillissement du personnel congolaise. En effet, en dépit des efforts en- de l’Etat et l’obsolescence du système de suivi trepris par les pouvoirs publics depuis des an- de la carrière des agents de l’Etat ; (vi) la per- nées pour sa modernisation, l’administration sistance des contraintes d’ordre institutionnel, publique congolaise continue d’afficher d’im- législatif et réglementaire dans la conception portants déficits qui affectent son efficacité et et la mise en application des instruments de son efficience, notamment : (i) l’anachronisme transparence et de bonne gouvernance. Dans des textes légaux et réglementaires régissant le le souci de corriger ces dysfonctionnements, le personnel de l’Etat et la précarité du régime de gouvernement du Congo s’est engagé à mettre protection sociale ; (ii) l’inadéquation des mis- en œuvre les recommandations de l’étude de la sions, des structures, des emplois, des effectifs gouvernance faite avec l’appui du FMI en fin et des moyens ; (iii) les difficultés à maîtriser 2017. les effectifs de la fonction publique ainsi que sa 2.2 LE CONGO FAIT FACE A DES CONTRAINTES STRUCTURELLES EXTERNES ET INTERNES A. LES CONTRAINTES STRUCTURELLES EXTERNES 2.2.1. La chute des prix du pétrole et 2.2.2. En outre, la baisse des prix du pé- la crise qui en résulte et dont le Congo trole depuis la mi-2014 était en partie un a été frappé de plein fouet en juin 2014 rattrapage d’une tendance plus générale sont le reflet de profonds déséquilibres de la baisse des prix des autres produits des marchés pétroliers combinés à des de base. Après avoir atteint de profonds creux changements stratégiques. Il ressort des pendant la crise financière mondiale de 2007, conclusions de John Baffes et Al. (2015) que la plupart des prix des matières premières, y plusieurs facteurs ont fortement contribués à compris les prix du pétrole, ont atteint le som- la survenue de cette crise des prix de pétrole: met au premier trimestre de 2011. Depuis lors, (i) les développements de l’offre avec les pé- les prix des métaux, des produits agricoles et troles et gaz de schiste, les sables bitumineux et des matières premières en général ont diminué les biocarburants en provenance des Etats Unis régulièrement (Graphique 21). En revanche, et du Canada et la baisse de la demande dans les prix du pétrole ont oscillé autour de 105 les pays émergents, principalement la Chine ; dollars le baril jusqu’en juin 2014. Pendant la (ii) l’appréciation du dollar à plus de 10% par majeure partie de 2012 et 2013, l’impact de l’af- rapport aux principales devises du commerce faiblissement de la demande mondiale sur les international ; (iii) la gestion spéculative de la marchés pétroliers a été compensé par les in- demande et des stocks de carburant ; (iv) les quiétudes concernant les risques géopolitiques effets mixtes ou les contributions relatives des et les politiques de prix. Au fur et à mesure facteurs déterminants de l’offre et de la de- que certains de ces facteurs se sont dissipés, les mande du pétrole ; (v) les perspectives des prix prix du pétrole ont commencé à chuter abrup- du fait que pour l’avenir, les évolutions récentes tement en juin 2014. Dans ce cas, la baisse des qui ont conduit à la chute des prix ont semblé prix du pétrole serait bien structurelle et non affecter la dynamique des marchés pétroliers conjoncturelle, car résultant d’une tendance de manière durable. généralisée des prix. 38 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Graphique 21 : Evolution des indices de quelques produits entre 2007 et 2017 Sources : Données sur les prix des matières premières de la Banque mondiale, mai 2018 2.2.3. La performance de l’économie sance économique au Congo, durant la pé- congolaise a été affectée par les prix du riode 2002-2014, était associé au récent boom pétrole comme indiqué précédemment pétrolier (Graphique 22). En effet, les prix du par les indicateurs conjoncturels5. Depuis pétrole étaient passés d’environ 20 $/baril en la mise en production du gisement pétrolier 2002 à 100 $/baril en moyenne pendant la pé- Emeraude en 1973, les prix élevés du pétrole riode 2012-2014. Enfin, en 2015, après la forte ont été associés à des périodes de forte crois- baisse des prix du pétrole à 50 $/baril, la crois- sance, tandis que les périodes de prix bas du sance économique congolaise s’est ralentie de pétrole ont été associées à une croissance faible manière significative et est restée en contrac- et à la récession. Le dernier épisode de crois- tion depuis 2016. 5 Par exemple, le taux de croissance du PIB, les soldes des finances publiques (y compris la dette), les soldes de la balance des paiements et les agrégats monétaires, etc. SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 39 Graphique 22 : Croissances des prix de pétrole et du PIB réel de 2007 à 2017 Sources : Autorités congolaises, FMI et staff de la Banque mondiale 2.2.4. La crise étant structurelle, les prix pays émergents, en particulier l’Inde. Ces pers- du pétrole sont appelés à rester à un ni- pectives se sont effectivement réalisées depuis veau relativement bas au cours des pro- lors, la moyenne anticipée des prix ne dépas- chaines années. Selon les prévisions de la sant pas le niveau des 70 $US/baril. L’OPEP est Banque mondiale de janvier 2015, les prix de- en train de négocier avec une dizaine de pays vraient rester en dessous de 70 $US/baril au non OPEP comme la Russie pour parvenir à cours des trois prochaines années. Cette prévi- un cadre de coopération à plus long terme afin sion était basée sur deux éléments principaux de maitriser non seulement la production du : (i) la saturation de l’offre, surtout en prove- pétrole, mais aussi d’avoir un certain contrôle nance des États-Unis, consécutive aux nou- des prix. Le Congo doit donc urgemment trou- velles technologies de fracturation des roches ver d’autres sources de croissance s’il veut évi- de schiste et (ii) la contraction de la demande ter la contraction structurelle de son économie en provenance de la Chine et des autres grands projetée à l’horizon 2020. B. LES CONTRAINTES STRUCTURELLES INTERNES 2.2.5. La gestion de la rente pétrolière revenus pétroliers. Les facteurs de production, a conduit à la résurgence des faiblesses devenus trop coûteux, limitent la compétitivi- té du secteur des biens échangeables (Banque structurelles et au syndrome hollandais mondiale 2016 ; Otieno et Samen, 2002). Deux au Congo. Avec l’avènement de la production études académiques nuancent cependant cette pétrolière au Congo, tous les secteurs des biens analyse. Jean-Philippe Koutassila (1998) montre échangeables ont connu des résultats mitigés. La qu’il n’était pas possible, dans le cas du Congo, productivité du secteur agricole et des secteurs d’établir le lien entre l’expansion de l’activité pé- connexes a fortement diminué, tandis que le trolière et la régression des exportations tradi- secteur manufacturier s’est effondré. Cela résul- tionnelles. Ghislain Nzinzi (2013) soutient que terait du fait qu’en moyenne, le taux de change l’existence du syndrome hollandais dans l’écono- effectif réel au Congo est trop élevé à cause des mie congolaise est à relativiser puisque son in- 40 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO dustrie, avant et après les booms pétroliers, n’a effets de la crise, le gouvernement est en train jamais été compétitive. La faiblesse du système de mettre en œuvre, avec ses partenaires de la économique congolais serait plutôt le résultat des CEMAC, un programme de réformes qui de- inefficiences du marché et de l’État. Ces nuances vraient lui permettre d’augmenter la valeur de confirment, cependant, l’argument central que le ses recettes non pétrolières, de rationaliser ses Congo a besoin de changer de cap, du fait des contraintes structurelles internes majeures qui dépenses publiques et de recréer la confiance grèvent la productivité globale de son économie. d’un secteur privé profondément touché par les licenciements et les faillites. Mais la dimen- 2.2.6. Au regard de ces contraintes struc- sion structurelle des contraintes auxquelles le turelles externes et internes qui com- Congo fait face exige un changement de cap. Le pays pourrait, par exemple, diversifier son binent la forte volatilité dans le secteur économie en favorisant les secteurs non pé- pétrolier, la faible productivité écono- troliers dans lesquels il a un certain avantage mique et les effets du syndrome hollan- stratégique, tels que les mines, l’agriculture et dais couplé à un marché financier sous la transformation alimentaire ou l’exploitation développé, un ajustement structurel est forestière et la transformation du bois. La sec- nécessaire pour atténuer les effets né- tion suivante explore les options de ce possible fastes de la crise en cours. Pour faire face aux changement de cap. 2.3 LE CONGO DOIT CHANGER DE CAP PAR LA VOIE DES RÉFORMES A. CHANGER DE CAP PAR LES RÉFORMES SECTORIELLES 2.3.1. L’agriculture et la transformation 2.3.2. Pour exploiter ce potentiel, un cer- alimentaire disposent au Congo d’un po- tain nombre de contraintes fondamen- tentiel de croissance. Le pays a des atouts tales devront être levées : (i) accès limité agricoles importants qui sont encore large- aux terres et plan d’aménagement du territoire; ment inexploités. En fait, le Congo dispose de (ii) faible qualité de la gouvernance dans le sec- plus de 10 millions d’hectares de terres arables, teur de l’agriculture et de la transformation ali- dont plus de 90 % restent non cultivé. Sa si- mentaire ; (iii) absence de données statistiques tuation géographique sur l’équateur lui offre la ; (iv) faible qualité des prestations de service à possibilité d’avoir des activités agricoles toute destination des secteurs de l’agriculture et de la l’année ; ce qui est rare en Afrique et même au transformation alimentaire ; (v) faible attracti- niveau mondial. En 2010, il a été estimé que le vité du secteur de l’agriculture pour les inves- secteur agricole a fourni 35% de l’emploi na- tissements du secteur privé ; (vi) faible qualité tional. Néanmoins, la contribution de ce sec- de la recherche agricole ; (vii) faible qualité de teur à l’économie nationale reste modeste : 6% la chaîne de valeur agricole, notamment au ni- en 2014. Cela est dû au fait que la productivité veau du transport et de la connectivité ; (viii) agricole est très faible, ce qui pourrait demeurer organisation approximative du secteur, par encore pendant un certain temps, étant donné exemple, le statut juridique fragile des coopé- le manque d’investissements soutenus réalisés ratives ; (ix) coût élevé des intrants agricoles dans l’agriculture. L’agriculture du Congo re- comme les semences ; (x) les faibles liens des pose principalement sur de petits exploitants bassins de production avec les débouchés ; agricoles, dont la productivité est faible par (xi) absence de capacités de stockage dans les rapport aux standards internationaux et même zones rurales ; (xii) mauvais réseaux de routes par rapport à ceux d’Afrique subsaharienne. et de communication desservant les zones de production ; (xiii) faible mise en œuvre des po- SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 41 litiques et lignes directrices nationales en ma- complétée à moyen terme par des exonérations tière de sécurité alimentaire (cf. le Programme à l’importation de machines modernes et par national d’investissement PNIASAN). de la formation professionnelle pour les opé- rateurs locaux et le personnel de maintenance. 2.3.3. Les pouvoirs publics doivent chan- ger de cap pour faire face à ces contraintes et 2.3.4. L’économie forestière a le potentiel donner ainsi une chance au secteur agricole pour se développer au Congo, même sans in- de contribuer à la diversification de l’écono- tensification ou expansion de la production, mie congolaise. Par exemple, à court terme, ils en particulier via l’augmentation de la valeur pourraient adopter un plan de développement ajoutée locale. Alors que le Code forestier sti- agricole, encore à l’étude. Ce plan contribuera à pule que 85% du bois de construction exporté : (i) l’amélioration des services agricoles et des doit être transformé au niveau national, cette statistiques ; (ii) la création d’un environne- loi est difficile à faire respecter, en partie à ment favorable pour attirer les investissements cause de la difficulté d’exploiter des usines de du secteur privé dans le secteur de l’agriculture transformation rentables au Congo. Ainsi, 75% ; (iii) la remise en état de la recherche agricole du bois de construction est ainsi actuellement ; (iv) la promotion de l’investissement en sup- exporté sous forme de grumes6. Pour combler port au développement de la chaîne de valeur cette lacune, un certain nombre de réformes et agricole. d’investissements seraient utiles. Ceux-ci com- prennent l’examen des incitations et des obs- À moyen terme, les pouvoirs publics pour- tacles à la valeur ajoutée locale; la réduction raient: (i) faciliter les investissements du sec- du coût de faire les affaires, notamment via la teur privé dans les marchés des principaux in- fourniture d’un réseau électrique fiable et d’in- trants, tels que les semences améliorées et les frastructures de transport; l’assouplissement engrais ; (ii) faciliter l’accès aux terres rurales des procédures d’importation et d’exportation; pour les investissements stratégiques dans les la formation technique en gestion, production plantations agricoles par le biais d’un proces- et transformation forestières; et la promotion sus inclusif et transparent ; (iii) fournir une as- de l’utilisation de produits en bois confection- sistance technique aux petits exploitants pour nés localement en incluant des dispositions les aider à se connecter avec des investisseurs pour le contenu local dans les politiques de stratégiques ; (iv) faciliter l’accès au finance- marchés publics, par exemple. ment ; (v) développer un réseau fiable de routes agricoles ; (vi) promouvoir l’investissement en 2.3.5. La croissance durable du secteur fo- support au développement de la chaîne de va- restier, cependant, ne peut être envisagée leur agricole. Pour finir, les pouvoirs publics sans des améliorations substantielles au devraient adopter un nouveau code foncier niveau de la gouvernance forestière. Dans rural permettant d’améliorer l’accès aux terres ce contexte, il convient de veiller à ce que la et la planification de l’utilisation des terres afin production actuelle soit mieux contrôlée avant d’optimiser leur allocation. Pour développer le que toute expansion de la production ne soit secteur de la transformation alimentaire, les considérée. Les priorités comprennent, entre pouvoirs publics pourraient envisager à court autres, l’amélioration de la transparence de terme la suppression des contrôles de prix sur l’administration des concessions, du recouvre- les produits alimentaires manufacturés. Une ment des recettes et de la production forestière telle démarche rendra le secteur plus attractif ; l’amélioration de la gestion des concessions, pour les investisseurs privés et pourrait être notamment à travers la certification forestière. 6 COMIFAC (2014). 42 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Il est aussi nécessaire de veiller à la légalité de sions forestières occupaient, en 2011, 44 % de la production forestière, notamment via l’ins- la superficie nationale et 72,8 % du domaine tallation, actuellement en cours avec l’aide de forestier permanent, mettant ainsi en avant la l’Union européenne, d’un système de suivi du difficulté d’un élargissement géographique des bois de construction et de vérification de sa lé- opérations forestières. L’optimisation de l’allo- galité, de prendre en compte le secteur artisa- cation des terres et la fin du chevauchement de nal, qui est actuellement mené de manière non revendications concernant la même zone de réglementée par de petits entrepreneurs et est terres en provenance de différents secteurs (fo- un segment de production qui échappe à toute rêts, agriculture, exploitation minière, énergie, réglementation et d’améliorer les ressources infrastructure, etc.) font partie d’un processus humaines et la gestion des performances au ayant le potentiel d’augmenter la qualité et l’ef- sein du ministère technique concerné. ficacité de la planification économique et des décisions d’investissement à travers le pays. 2.3.6. Le partage des bénéfices du secteur forestier doit être amélioré dans l’optique de 2.3.8. Les forêts sont également l’épine fournir aux communautés locales des incita- dorsale d’un secteur naissant du tou- tions à une gestion durable et de contribuer risme axé sur la nature, qui dispose d’un davantage à la réduction de la pauvreté. Le potentiel de croissance significatif. Près Code forestier révisé est censé inclure une dis- de 13,2 % de la superficie du Congo est proté- position concernant la foresterie communau- gée, notamment via l’existence de quatre parcs taire. Cela représente une opportunité pour nationaux, dont l’un (Parc National Noua- renforcer le contrôle que les communautés lo- bal-Ndoki) est classé au patrimoine mondial cales ont sur les terres et les forêts qu’elles ha- de l’UNESCO. Le pays abrite de nombreuses bitent, ainsi que sur les bénéfices pouvant être espèces protégées (notamment des éléphants tirés des forêts. De plus, le fonctionnement des de forêt, des gorilles, des chimpanzés, etc.) se fonds de développement local doit être amé- prêtant à la visite touristique. Cependant, en lioré pour assurer un flux de rentabilité fiable 2014, la contribution au PIB du tourisme et des en provenance des activités forestières. Une voyages se situait à seulement 3,9%, reléguant utilisation des forêts autre que la production le Congo à la 170e place mondiale en termes de de bois de construction devrait également être contribution relative du secteur à l’économie. développée afin de diversifier davantage les Pour stimuler la croissance dans ce secteur, contributions que les forêts peuvent fournir des investissements doivent être faits dans les à l’économie nationale. Cela inclut l’accrois- produits du tourisme. L’accessibilité doit être sement de l’efficacité de la production, de la simplifiée, notamment au niveau des régimes transformation et de la consommation du bois de visa et des infrastructures, et le marketing énergétique et le développement des chaînes de professionnalisé. valeur pour les produits forestiers non ligneux. Cela comprend également le développement 2.3.9. Les services ont le potentiel pour d’approches agroforestières afin de fournir des croître et améliorer la diversification éco- alternatives à l’agriculture sur brûlis, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des zones forestières. nomique au Congo. Une part importante des services se trouve dans le secteur des biens non échangeables, dont le développement tend 2.3.7. La planification de l’utilisation des à s’accélérer sous l’impulsion du syndrome terres peut accroître l’efficacité de l’économie hollandais qui, à l’inverse menace le dévelop- congolaise et réduire les conflits entre inté- pement du secteur des biens échangeables. De rêts concurrents. La loi No 43-2014 portant plus, certains services tels que les transports, sur la mise en œuvre de la planification de l’uti- lisation des terres est d’un intérêt particulier les technologies de l’information et de la com- munication (TIC), ainsi que le commerce, sont pour le secteur forestier du fait que les conces- SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 43 susceptibles de bénéficier des investissements la possibilité d’augmenter les revenus pétroliers dans les infrastructures ayant eu lieu récem- (du côté de la production) à l’aide d’un cadre ment au Congo. Ainsi, suite à la mise en oeuvre réglementaire / financier / juridique favorable réussie du Projet CAB3 (CITCG) et des inves- encourageant l’exploration. Cela permettrait au tissements en cours lancés par les pays voisins secteur pétrolier d’atteindre son potentiel et de (Gabon, RDC et Cameroun) dans les réseaux contribuer à la réduction de la pauvreté, au ren- de fibre optique, le Congo devrait continuer forcement du capital humain et à relever les défis à améliorer et moderniser les TIC. Elles sont environnementaux.7 une source de création d’emplois et offrent des opportunités en fournissant des moyens per- 2.3.11. Le décollage de l’industrie minière mettant d’accélérer le développement dans recquièrt des infrastructures publiques et le d’autres secteurs. Elles favorisent, en effet, de renforcement du cadre juridique du secteur. nouvelles façons de communiquer, de partager Le Congo dispose d’un potentiel important et de stocker l’information, ainsi que de réali- dans l’exploitation minière. Cependant, en rai- ser des prestations de services ou de conduire son d’un manque d’infrastructures, la grande des affaires. Elles offrent aussi des avantages en majorité des minerais ne sont pas exploités. termes de diversification de l’économie natio- Pour contribuer à la diversification de l’écono- nale. À cet égard, il est nécessaire de remédier mie congolaise, le développement durable du en priorité au manque d’accès au haut-débit le secteur minier devrait être fondé sur la mise long du corridor Pointe-Noire-Brazzaville. en place d’un Code minier susceptible de pro- mouvoir l’investissement et le développement de l’exploration. Ce qui exigera des efforts re- 2.3.10. L’amélioration de la gestion des nouvelés des pouvoirs publics. Le dynamisme revenus pétroliers, dans le but d’at- du secteur est rendu encore plus compliqué teindre le plein potentiel en termes d’ex- du fait de la difficulté à lever des fonds sur les ploitation pétrolière et gazière, nécessite marchés internationaux dans un contexte de l’amélioration du cadre juridique (Code faiblesse du prix des métaux. Mais étant don- des Hydrocarbures), l’amélioration de la né la contraction structurelle de l’économie soutenabilité macroéconomique et fis- congolaise à l’horizon 2020, les pouvoirs pu- cale, ainsi que l’amélioration de la trans- blics se doivent de diversifier l’économie, for- parence (ITIE, 2013). Comme dans beau- tement dépendante du pétrole et de trouver coup d’autres pays riches en ressources, la forte d’autres sources de revenus. Les éfforts pour dépendance à l’égard des recettes pétrolières promouvoir l’exploration minière et mettre en souligne l’importance d’améliorer les fondamen- place des cadre pour le développement durable taux, tels que s’attaquer aux risques d’instabilité du secteur permettront au Congo de profiter macroéconomique et budgétaire, améliorer la de l’embellie projetée des prix des minéraux, gouvernance et les institutions pour une utilisa- notamment ceux prisés par le secteur de la tion efficace et transparente des ressources, voir haute technologie. 7 Le nouveau Code des hydrocarbures en cours d’élaboration répond efficacement à certaines des carences les plus urgentes de la législation de l’extraction gazière. 44 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO B. CHANGER DE CAP DANS LES RÉFORMES STRUCTURELLES 2.3.12. Le Congo peut devenir la plaque 2.3.14. Le Congo a besoin d’améliorer l’effi- tournante du commerce régional en cacité opérationnelle du transport de mar- Afrique centrale si des interventions chandises afin de répondre à une demande bien conçues et se renforçant mutuelle- croissante et de renforcer sa vitalité écono- ment sont mises en œuvre. Celles-ci com- mique et la connectivité régionale. Les pou- prennent la réduction du nombre de points voirs publics devraient mettre en place un de contrôle, la création d’un environnement bureau de gestion du fret afin de faciliter la douanier plus moderne et efficace, et l’amélio- sécurisation et l’efficacité du transport de mar- ration de la coordination et de la coopération chandises entre le Congo et ses voisins. Le pays entre les différents organismes gouvernemen- devrait développer des infrastructures d’in- taux. Plus précisément, selon le rapport sur la formation basées sur les TIC afin de faciliter facilitation du commerce 2015, les pouvoirs l’optimisation du transport de marchandises et publics ont besoin de développer et de mettre de renforcer l’efficacité du système. Le port de en œuvre un cadre réglementaire global pour Brazzaville doit s’attaquer à un certain nombre les douanes, qui sera conforme avec les normes de défis interdépendants pour plus de perfor- internationales. Les pouvoirs publics doivent mances. Par conséquent, les pouvoirs publics également mettre en place une gestion plus ef- devraient envisager l’adoption et la mise en ficace des frontières et des points de contrôle. œuvre du plan directeur du port de Brazzaville, De plus, ils pourraient harmoniser et rationa- préparé avec le soutien de la Banque mondiale. liser avec les pays voisins les procédures aux postes frontaliers. Le rapport sur la facilitation 2.3.15. Le développement de liens étroits du commerce 2015 recommande également avec les marchés et l’établissement en milieu la construction d’un pont, attendu de longue rural de centres de stockage et d’industries date, entre Brazzaville et Kinshasa. Pour finir, de transformation de produits alimentaires le Congo a besoin de rendre plus facile le com- sont des activités essentielles en vue de merce transfrontalier grâce à la synchronisa- l’amélioration de la part du Congo dans le tion et à l’extension des heures d’opération des commerce régional. Par exemple, le différen- douanes se trouvant aux frontières et aux ports tiel de prix du manioc à Kinshasa et sa pro- de Brazzaville et de Pointe-Noire. ductivité encore faible de manière générale au Congo montre l’importance de son potentiel 2.3.13. Le Congo devient de plus en plus commercial. Les pouvoirs publics devraient une voie de passage pour les biens et les per- agir pour améliorer la productivité agricole, la sonnes se déplaçant entre le Cameroun et la transformation des aliments et le transport des RDC, et entre l’Angola (Cabinda) et d’autres produits agricoles afin d’aider le pays à tirer da- parties du monde. Par conséquent, le dévelop- vantage de profits du commerce régional. pement d’une logistique moderne et efficace permettrait de réduire les coûts pour les ex- 2.3.16. L’amélioration de la gestion des en- portateurs et les importateurs, et contribuerait treprises publiques, telles que les sociétés de à promouvoir la position du pays en tant que services publics, est impérative pour chan- plaque tournante régionale. Pour tirer parti de ger de cap. Au Congo, comme dans de nom- son emplacement stratégique, le Congo a be- breux pays en développement, la gestion des soin d’améliorer ses infrastructures et ses ser- entreprises publiques présente de nombreuses vices logistiques. Le rapport sur la facilitation faiblesses. Dans le secteur de l’électricité par du commerce recommande qu’un système de exemple, nous pouvons mentionner la mau- données global sur les transports soit établi. vaise performance commerciale de la Société SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 45 nationale d’électricité (SNE) et la nécessité de objectifs de performance pour chacune d’entre réformer le secteur dans son ensemble afin elles et en examinant leur performance à des d’améliorer sa situation financière et sa capa- intervalles déterminés afin d’ajuster les objec- cité à répondre aux besoins croissants du pays tifs si nécessaire. Chaque conseil d’adminis- en électricité. Bien que certaines sociétés fi- tration doit également définir des objectifs de nancièrement rentables (Port Autonome de performance pour les gestionnaires qui soient Pointe-Noire, SNPC...) paient des dividendes8 cohérents par rapport aux ressources et à l’ob- de façon régulière, la plupart des entreprises jectif de développement des entreprises. Plus publiques ne le font pas. Elles ont des dettes généralement, les décideurs publics pourraient d’impôts, ne sont pas financièrement rentables insister sur ces actions complémentaires pour ou tout simplement ne déposent pas leurs états permettre au secteur public de contribuer à financiers au ministère des finances. La qualité l’amélioration de la productivité globale : sus- et l’accès à tous les services publics au Congo pendre les incitations fiscales et les subventions (eau, électricité, éducation, santé ...) laissent à aux entreprises déficitaires, mettre fin aux mo- désirer et demeurent limités du fait du manque nopoles publics dans les marchés contestables de capacité et des problèmes de gouvernance. et se retirer de la production dans les secteurs où le secteur privé a déjà réussi. 2.3.17. Il faudra donc changer profondé- ment le cadre de gestion des entreprises pu- bliques (EP) pour renforcer la transparence et la responsabilité tout en introduisant une forte dose de critères de performance dans la rémunération des dirigeants ainsi que du personnel. Le Congo a une diversité d’en- treprises publiques (Encadré 2). Les autorités congolaises pourraient rendre ces entreprises plus efficaces en mettant l’accent sur les ac- tions suivantes : (i) fournir aux EP l’autonomie et l’autorité nécessaires au niveau de la gestion de leurs opérations ; (ii) améliorer la supervi- sion par l’État des EP en formulant des objec- tifs de performance. L’État pourrait accorder autorité et autonomie aux EP en adoptant des règlements qui donnent aux conseils d’admi- nistration des EP l’autonomie sur le contrôle de la gestion. Les autorités pourraient déve- lopper une politique de propriété qui inclut des consignes spécifiques sur la nomination par le gouvernement des membres du conseil d’administration et ses attentes pour la com- position de ce conseil. Ce règlement devrait accorder la même attention à la supervision de la majorité, ainsi qu’aux entreprises détenues Pose de la fibre optique à l’université par des groupes minoritaires. L’État pourrait Marien Ngouabi de Brazzaville. © D.R./Banque mondiale. améliorer la supervision des EP en fixant des 8 Pour un total en 2015 de 17 milliards de Franc CFA, soit environ 28 millions de dollars US. 46 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Encadré 2 : Les Entreprises Publiques du Congo Le Congo a une longue tradition dans la création des entreprises publiques au regard de son passé socia- liste. Au début du programme de privatisation en 1994, le portefeuille de l’État comprenait plus de 100 entreprises. Cependant, le pays a privatisé une grande partie des actifs du portefeuille des entreprises publiques au cours des 20 dernières années tout en créant ou en prenant des parts dans quelques nou- velles entreprises. Sur la base des informations obtenues auprès de la Direction Générale du Portefeuille Publiques (DGPP) et publiées dans le rapport sur la « gouvernance des entreprises et établissements du portefeuille public », le portefeuille public est constitué de 50 sociétés commerciales à la fin du mois de décembre 2016. Suivant la classification usuelle, le portefeuille compte 27 sociétés dites « Entreprises Publiques », c’est-à- dire détenues à 51% ou plus par l’Etat, et 23 sociétés dites « Entreprises à Participation Publique », dans lesquelles l’Etat détient entre 1 et 49%. L’ensemble des sociétés du portefeuille public interviennent dans 16 secteurs d’activité, avec une prédo- minance dans les secteurs du transport (10), des mines (9), des banques (8), de l’industrie (6), de l’énergie (électricité et hydrocarbure) (3), de l’immobilier (3) et des BTP (2), 7 secteurs qui concentrent 80% des sociétés. Ce portefeuille comprend quinze (15) Entreprises Publiques à caractère commercial (EPIC) et trente-cinq (35) Société Anonymes (SA) : Les quinze (15) EPIC sont toutes détenues à 100% par l’Etat, principale- ment dans les domaines du transport (6), des bâtiments et travaux publics (2) ainsi que l’électricité et l’hydraulique (2), trois secteurs qui comptent les deux tiers des EPIC. Des 35 SA dans lesquelles l’Etat détient des actions, sa participation est majoritaire (51 à 100%) dans 13 sociétés dont 7 à 100%, tandis qu’elle reste minoritaire (9 à 49%) dans 21 sociétés dont 12 à moins de 30%. En termes de secteurs d’activité, les participations majoritaires se concentrent autour des sociétés de transport (4), de la banque (3) et de l’industrie (2), tandis que les participations minoritaires sont domi- nées par les secteurs des mines (9), dont 8 détenues à 10%, de la banque (5) et de l’industrie (4). Source : Banque mondiale (2018) : Evaluation de la gouvernance des entreprises du portefeuille public en Répu- blique du Congo Siège de la Société Nationale des Pétroles du Congo à Brazzaville. © D.R./Banque mondiale. SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 47 C. CHANGER LE CAP D’UNE POLITIQUE FISCALE PROCYCLIQUE À UNE POLITIQUE CONTRACYCLIQUE 2.3.18. La crise actuelle constitue une op- plafond de la dépense, d’une cible relative portunité à saisir pour changer le cap de à un excédent budgétaire à moyen terme, la politique fiscale du Congo, de procycli- d’un prélèvement d’une partie des mon- que à contracyclique, et poser les bases de tants issus de l’accord de partage des reve- la relance tant souhaitée. Au regard de l’état nus pétroliers et de son versement dans un de santé de l’économie congolaise des recom- compte séquestre ; (ii) améliorer la gestion mandations à court terme s’imposent pour des liquidités pour préserver le secteur établir les préconditions macroéconomiques à bancaire et les activités non-pétrolières. la transformation structurelle. Dans cet effort Ainsi, le gouvernement peut davantage d’adopter une politique fiscale contracyclique privilégier des fonds souverains investis à efficace, l’exemple de la Malaisie pourrait aider l’étranger afin de protéger la liquidité inté- les décideurs publics Congolais (Encadré 3). Afin de garantir la pérennité des résultats de rieure des fortes fluctuations des recettes l’ajustement budgétaire en cours, le gouverne- pétrolières, comme ce fut le cas au cours ment pourrait : (i) établir un cadre budgé- de ces dernières années ; (iii) s’assurer, en taire solide, basé sur des règles budgétaires coordination avec la COBAC, de la confor- claires et transparentes. La politique de mité du secteur bancaire aux cadres règle- consolidation budgétaire doit se reposer mentaires, prudentiels et macro-pruden- sur un programme pluriannuel de retour tiels établis pour renforcer la résilience du à l’équilibre budgétaire. La règle budgétaire secteur financier à la volatilité des prix du serait de maintenir une procédure budgé- pétrole. taire basée sur la fixation préalable d’un Complexe sportif de la Concorde de Kintélé. © Albain Tsiati. 48 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Encadré 3 : Malaisie – un succes dans l’exploitation des ressources naturelles La Malaisie a été une réussite dans l’exploitation des ressources naturelles pour le développement économique. Doté du pétrole, du gaz, de l’étain et des terres fertiles, la Malaisie a converti avec succès la richesse de ces res- sources en prospérité partagée. Les revenus tirés des ressources naturelles ont été réinvestis dans le bâtiment, les machines et l’éducation. Cela a diversifié les actifs dans l’économie et servi de toile de fond à la diversification des activités économiques. En moins de quarante ans, la Malaisie est passée de l’étape de producteur et exportateur de produits de base à celle d’une industrie de fabrication de produits manufacturiers et de haute technologie. La diversification a été poursuivie de manière proactive. Le gouvernement a encouragé les secteurs des produits de base à se diriger plus en aval, vers l’industrialisation, en assouplissant les restrictions à l’investissement étran- ger dans le secteur manufacturier, en réformant la réglementation et en créant un éventail d’incitations fiscales. L’industrialisation a été soutenue par la fourniture d’infrastructures adéquates, tandis que l’ouverture à la main- d’œuvre étrangère a permis de maîtriser les coûts de main-d’œuvre. Cette politique, conjuguée à l’expansion de la capacité de l’économie, a maintenu l’inflation à un bas niveau et le taux de change réel s’est déprécié au cours de la période. À certains égards, la société nationale malaisienne de pétrole et de gaz (Petroliam Nasional Berhad – PETRO- NAS) a agi comme un fonds pétrolier du point de vue de la gestion macroéconomique. PETRONAS a maintenu ses recettes d’exportation à l’étranger et a réalisé d’importants investissements directs dans les industries en aval ainsi que dans la production à l’étranger. Cela a réduit les flux de devises dans l’économie (réduisant ainsi les pressions sur les taux de change), soutenu la diversification en aval et construit des actifs pour les générations futures. À mesure que la production manufacturière augmentait, la part des recettes pétrolières dans les recettes fiscales totales diminuait et les transferts au budget étaient moins volatiles que les rentes pétrolières. La croissance économique s’est traduite par une hausse des revenus des ménages et une baisse de la pauvreté. Si une grande part de ce résultat peut être attribuée aux opportunités générées par le dynamisme de l’économie et les investissements dans l’éducation et les infrastructures, des politiques spécifiques dans le secteur agricole ont également joué un rôle. Malaisie – évolution dans la composition des exportations de biens : le panier des exportations s’est complete- ment transformé Part des exportations de biens (en % du total) Minerais et métaux Produits manufacturés Matières premières agricoles Source : Mathew A. Verghis et Frederico Gil Sanders, Malaisie - Rapport sur la situation économique – Exploiter les ressources naturelles, Banque mondiale, juin 2013. SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 49 Bénéficiaires d’un projet de formation professionnelle de la Banque mondiale. © Bedi Toyo/PDCE. 50 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO PARTIE III : CHANGER DE CAP POUR AMORCER LA TRANSFORMATION STRUCTURELLE SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 51 Face à l’épuisement inéluctable des réserves de pétrole et à la volatilité des prix du pétrole, le Congo doit poursuivre l’ajustement budgétaire pour garantir un cadre macro-budgé- taire propice à la transformation structurelle. Les lenteurs du Congo à passer de pays exportateur de produits de base tel que le pé- trole, les autres minéraux, les produits agricoles et de la forêt, à pays exportateur d’autres produits plus sophistiqués et à valeur ajoutée plus élevée entravent le processus de la transformation structurelle. Eu égard à la richesse du pays en ressources naturelles, notamment le pétrole, la forêt et les mines, une diversification verticale est nécessaire pour compenser la baisse de la croissance et réduire la vulnérabilité du pays. Une transformation structurelle de l’emploi productif reste possible à travers une amé- lioration graduelle de la valeur des produits fabriqués au Congo en mettant l’accent sur les avantages comparatifs révélés du pays et en relevant la productivité du secteur manufacturier avec l’industrie légère, l’amélioration des compétences et les innovations. Le gouvernement doit établir les préconditions macroéconomiques à la transformation structurelle à travers un cadre budgétaire solide, basé sur des règles budgétaires claires et transparentes, une amélioration de la gestion des liquidités pour préserver le secteur bancaire et les activités non-pétrolières, la mise en conformité du secteur bancaire aux cadres règlementaires et prudentiels. Les réformes de l’environnement des affaires, de l’éducation, de l’acquisition des connais- sances et les innovations sont essentielles pour accompagner le secteur privé moteur de cette transformation structurelle souhaitée. Cette troisième partie du rapport se propose modification des parts des secteurs dans la pro- d’aborder le processus qui permet en amont duction nationale et la répartition sectorielle des de l’ère post-pétrole d’arriver à une économie emplois. Elle touche les questions de dynamique congolaise mieux restructurée et porteuse de la des productivités globale et des facteurs dans croissance inclusive tant recherchée. Le maître- l’économie. Comment améliorer le niveau de mot reste la transformation structurelle par la productivité en gérant et en réallouant au mieux diversification aussi bien verticale, dans les sec- les ressources des secteurs à faible productivité teurs des ressources naturelles, qu’horizontale. vers ceux à forte productivité ? Le niveau de so- L’expérience internationale et les travaux de la phistication des produits fabriqués par le pays et théorie économique révèlent que la transforma- mis sur le marché à l’export, reste important. tion structurelle ne concerne pas seulement la 52 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 3.1 LA TRANSFORMATION STRUCTURELLE DE L’ÉCONOMIE EST NÉCESSAIRE A. DU FAIT DES ASPIRATIONS DES CONGOLAIS À UN MIEUX-ÊTRE ET À PLUS D’OPPORTUNITÉS 3.1.1. Plusieurs raisons militent pour de la richesse des pays par tête d’habitant révèle la quête d’une transformation structu- que le Congo disposait, en 2014, de 68,779 dol- relle en République du Congo en amont lars (35 millions de FCFA) pour chaque congo- de l’ère post-pétrole. Le gouvernement doit lais, ce qui représentait la sixième place au ni- répondre aux aspirations des congolais à un veau africain, derrière, le Gabon, l’Ile Maurice, mieux-être, à leur exigence de bénéficier des le Botswana, la Namibie et l’Afrique du Sud revenus tirés des ressources naturelles dont re- (Graphique 23). Et pourtant, en termes d’indi- gorge le Congo et à plus d’opportunités d’em- cateurs de développement social, le Congo se plois décents, mieux rémunérés, pour sortir du trouve largement derrière (Tableau 5). Les as- piège de la pauvreté. Il y a également la nécessi- pirations des congolais à un mieux-être restent té de réduire les risques de la forte dépendance de loin insatisfaites comme en attestent ces ré- vis-à-vis des ressources naturelles, notamment sultats au niveau social. En plus, l’incidence de le pétrole, comme reflété dans la détérioration la pauvreté au Congo est beaucoup plus élevée de l’état de santé de l’économie congolaise suite que dans d’autres pays à revenu intermédiaire à la crise des prix bas du pétrole (Partie 1 de ce comparables. La proportion de la population rapport). vivant en dessous du seuil de pauvreté interna- tional de 1,90 dollar par jour (en parité de pou- 3.1.2. Etre un pays disposant d’énormes voir d’achat – PPP) est passée de 35,2% en 2016 à 42,3% en 2017. Plus de 2 millions de Congo- ressources naturelles ou producteur et lais vivent désormais en dessous de cette ligne. exportateur de pétrole ne se traduit pas La pauvreté devient un phénomène de plus en nécessairement par une garantie de pros- plus rural, même si l’extrême pauvreté existe périté avec une transformation des rentes toujours dans les bidonvilles des banlieues de liées à ces ressources. En effet, l’évaluation Brazzaville et de Pointe-Noire. Traversée par bac du bois de la Compagnie Industrielle du Bois. © D.R./Banque mondiale SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 53 Graphique 23 : Richesse en ressources naturelles par habitant (en millions FCFA) Source : DSP 2017 pour le Congo, calculs des auteurs Tableau 5 : L’indice de développement humain 2016 Rang sur 188 IDH pays Maurice 64 0,781 Algérie 83 0,745 Tunisie 97 0,725 Botswana 108 0,698 Gabon 109 0,697 Afrique du Sud 119 0,666 Namibie 125 0,640 République du Congo 135 0,592 Source : Rapport mondial sur le développement humain 2017 - PNUD 3.1.3. Par ailleurs, la vulnérabilité de contraction des activités du secteur non-pétro- l’emploi au Congo reste des plus élevées lier. Le Diagnostique Systématique Pays 2017 au monde, et même comparée aux pays- a également confirmé qu’une large frange des pairs à revenus intermédiaires, les écarts jeunes qui disposent d’un emploi le sont dans sont importants. L’emploi féminin pour le secteur informel avec des niveaux de reve- compte propre est très élevé et reste très pré- nus très faibles et instables. Cette situation, caire. Selon le PNUD, le taux de chômage chez combinée à la récession économique, risque de les jeunes a atteint plus de 42% en 2015 et n’est perpétuer la pauvreté intergénérationnelle au pas sur une trajectoire de baisse eu égard à la Congo et d’exacerber le taux de pauvreté glo- bale ainsi que les inégalités. 54 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 3.1.4. Cette vulnérabilité tient sa source téristique de l’économie congolaise en vue de la de l’expansion de l’exploitation du pétrole modifier pour renforcer sa résilience et espérer au Congo qui, conjuguée aux nombreuses une croissance plus inclusive. crises sociopolitiques et sécuritaires, a créé des distorsions structurelles dans l’économie 3.1.5. Bien que le Congo ait enregistré des qu’il convient de corriger comme cela est performances de croissance appréciables documenté dans la partie 2. La dépendance avant la crise de 2014, la majeure partie de sa excessive du Congo aux recettes pétrolières et population active est restée dans des secteurs la gestion de celles-ci ont fait dérailler la pla- à faible productivité. Cette situation a eu des nification économique pour le développement conséquences néfastes pour la durabilité et la du pays. Durant la première décennie de l’in- réalisation d’une croissance inclusive. Le DSP a dépendance (1960-1972), l’industrie pétro- constaté que la faiblesse de la productivité glo- lière ne représentait que 2% du PIB. Au cours bale et des facteurs relève de plusieurs causes. de la décennie suivante, jusqu’à l’année 1984, Les plus visibles demeurent la faible qualité cette industrie a fini par dépasser 30% du PIB de l’éducation, de la formation et de la santé et plus de 50% plus tard. Cette situation, com- qui freine l’amélioration des compétences. La binée aux déffaillances de la planification éco- faible qualité des infrastructures publiques, nomique, a engendré un sydrome hollandais de l’environnement des affaires et du secteur avec déplacement des facteurs de production financier continue également de tirer vers le et effet dépense qui ont stimulé les secteurs des bas la productivité et freine le développement biens non-échangeables au dépens de ceux des d’un vibrant secteur manufacturier censé ac- biens échangeables. Cette forte distorsion de célérer la croissance et générer plus d’emplois la structure de l’économie, l’a exposée aux im- de qualité. Entre 2013 et 2016, la productivité pacts de multiples crises liées à la volatilité du du travail comparée à d’autres pays a stagné et prix du pétrole. Les impacts de la crise récente la contribution de l’industrie manufacturière a révèlent la nécessité de faire face à cette carac- été insignifiante (Graphique 24). Graphique 24 : Variation de la productivité du travail au Congo comparée à d’autres pays entre 2013 et 2016 (en %) Source : Banque mondiale, WDI 2017, calculs des auteurs SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 55 3.1.6. Afin de réduire sa forte dépendance structure de production ainsi que ces produits au pétrole, la République du Congo de- d’exportation. Certains pays tels que la Malai- vra se réinventer. Plusieurs options s’offrent sie ont pu changer profondément la structure au gouvernement. Elles ne sont pas antino- du panier de leurs exportations. Ils ont réus- miques, mais plutôt complémentaires. Ceci est si l’exploitation de leurs ressources naturelles possible en posant dès maintenant les jalons de pour asseoir leur développement économique la transformation structurelle et en entamant et social et réduire leurs vulnérabilités (Enca- sa mise en œuvre. Pour arriver à cette transfor- dré 3 ci-dessus). Le Congo peut s’inspirer de mation, le pays aura besoin de moderniser son ces exemples pour changer de cap et amorcer économie et d’améliorer sa productivité et sa ainsi sa transformation structurelle. B. DU FAIT DU FAIBLE PORTEFEUILLE DE BIENS PRODUITS PAR LE CONGO 3.1.7. Des études ont montré que la quan- exportations des ressources naturelles sont tité de connaissances productives d’un supérieures à 10 % du PIB (en rouge) et pour pays se reflète dans la variété des biens ceux où les exportations en ressources natu- qui y sont produits. La diversité et la qualité relles sont inférieures à 10% du PIB. Il apparaît des professions dont les entreprises d’un pays que les opportunités restent énormes pour que ont besoin ainsi que l’ampleur des interactions le Congo diversifie son économie en dévelop- entre ces entreprises établit le niveau de com- pant des produits plus complexes et à même plexité des produits de ce pays (Ricardo Haus- de contribuer à plus de valeur ajoutée dans mann et Coll., 2010). Les pays qui ont enre- la production nationale et aux exportations. gistré plus de performances dans la prospérité Entre 2014 et 2016, l’indice de complexité éco- de leurs populations avec des niveaux de crois- nomique du Congo s’est dégradé de façon si- sance économique durable et inclusive sont gnificative en passant de -0,924 à -1,49. ceux disposant d’une plus grande complexité pour les biens qu’ils produisent, fournissent à 3.1.9. Les études disponibles montrent leurs communautés et exportent. La complexi- que le Congo produit des biens et services té économique se mesure dans la composition économiquement moins complexes et se des produits fabriqués par le pays. Elle reflète caractérise par une forte concentration les structures qui émergent pour détenir et des produits d’exportation. L’analyse de la combiner les meilleures connaissances dans le composition actuelle des exportations congo- processus de fabrication. La réalisation d’une laises révèle que le panier de biens est princi- croissance inclusive dépendrait largement de palement composé de produits à faible valeur la réussite de la diversification et de l’améliora- ajoutée. Ces produits ont peu de chances d’in- tion de la composition des exportations. duire une transformation structurelle. Entre 2014 et 2016, la complexité économique déjà 3.1.8. En termes de complexité des pro- faible s’est dégradée davantage. Deux groupes duits qu’il fabrique et met sur le marché à de produits représentent plus de 80% des ex- l’exportation, le Congo est classé parmi portations congolaises (Graphique 25) et cette les 15 derniers pays sur un total de 122 en structure n’a pas fondamentalement changé 2016, révélant ainsi les efforts devant être durant la dernière décennie. En plus les expor- entrepris. Le graphique 25 indique la rela- tations par habitant du Congo restent parmi tion entre le revenu par habitant et l’indice de les plus faibles au monde. complexité économique pour les pays où les 56 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Graphique 25 : Complexité économique des produits fabriqués et niveau de prospérité par pays Revenu par habitant (en log) Indice de la complexité économique (Plus l’indice est élevé, plus complexe restent les produits fabriqués par le pays) Source : Calcul des auteurs, Atlas de la complexité économique, Ricardo Hausmann et Coll, Harvard, CID, 2017 Graphique 26 : Ce que le Congo a exporté en 2014 ($20.5 B) et 2016 ($5.07b) 2014 2016 Source : Atlas de la complexité économique, Ricardo Hausmann et Coll, Harvard, CID, 2017 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 57 3.1.10. La diversification des exporta- croissance durable du fait de leurs prix relative- tions du Congo vers les produits ma- ment stables et d’une demande mondiale crois- nufacturiers est très négligeable, voire sante (Lall, 2000). Au Costa Rica, par exemple, inexistante. Il ressort de l’analyse de l’indice les performances enregistrées cette dernière de complexité économique (Graphique 27) décennie ont été remarquables. Le pays est que le Congo dispose d’un espace-produits parvenu à une économie plus diversifiée avec très éloigné de la construction automobile une industrie manufacturière de haute tech- (mauve) et d’équipements électroniques et as- nologie, une variété de services et des expor- similés (bleu turquoise). L’espace-produits est tations agricoles. Les puces électroniques et les le concept selon lequel la distance entre les pièces sont maintenant les principales exporta- produits sert à mesurer la différence dans les tions du Costa Rica, tandis que les services aux connaissances productives requises pour les entreprises et le secteur des technologies ont fabriquer. Les exportations des pays émergents désormais dépassé le tourisme. De telles per- et ceux développés sont composées de produits formances sont possibles. En Afrique, des pays manufacturiers, tels que des produits de basse, comme le Rwanda et l’Ethiopie s’y sont mis. moyenne et haute technologie. Ces types de biens sont instrumentaux pour soutenir une Graphique 27 : Distance et opportunités de gains pour les produits plus complexes fabriqués et exportés par le Congo Complexité Distance entre les produits exportés actuellement par rapport aux produits plus complexes à forte valeur ajoutée Source : Atlas de la complexité économique, Ricardo Hausmann et Coll, Harvard, CID, 2017 58 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 3.2. AMORCER LA TRANSFORMATION STRUCTURELLE À PARTIR DE L’EXISTANT A. IDENTIFIER DES PRODUITS-FRONTIÈRES EN AMONT POUR LA TRANSFORMATION 3.2.1. Le Congo doit se donner les bois et ouvrages en bois, du cuivre, du plomb, moyens d’investir pour faciliter le trans- des combustibles minéraux, et du secteur des fert des ressources des activités à faible autres métaux communs et alliages avec céra- productivité vers celles à productivité mique tels que les cermets. Le Congo pour- élevée. Il existe une liste de potentiels produits rait investir pour faciliter le transfert des res- à haute valeur ajoutée sur lesquels le Congo sources des activités à faible productivité vers dispose des avantages comparatifs révélés,9 celles à productivité élevée et pour lesquelles (Balassa, 1965 et Hausmann, 2007). Le Congo le pays a un avantage comparatif. Plusieurs possède des avantages comparatifs révélés dans études (Rodrik 2007 ; Haussmann 2007) et les 6 secteurs pour 30 produits10 (Tableau 6). Ces expériences réussies des pays asiatiques émer- produits identifiés sur les exportations de 2014 gents ou frontières (Chine, Taiwan, Singapore, n’ont pas changé en 2016. Il s’agit des secteurs Corée du Sud, Malaisie) montrent que cette de l’agriculture (café, thé, maté et épices), du approche permet une modernisation rapide et une croissance plus inclusive. Tableau 6 : Secteurs avec un avantage comparatif révélé supérieur à 1 en 2014 Source : Note de politique sur la diversification économique, Banque mondiale, 2016. 9 L’indice par pays (p pour pays) et produit (i pour produit) est calculé ainsi : Avec x(p,i) correspondant à la valeur des exportations du pays p pour la xième marchandise. Si ACR >1, le pays a un avantage révélé pour ce type de produit. 10 Voir Note de Politique sur la diversification, 2016. SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 59 3.2.2. Certes, le Congo peut accéder à ceux qui sont actuellement à portée de main, plusieurs autres produits attrayants et à sans exiger d’énormes investissements et une forte valeur ajoutée assez proches des ca- longue attente. Cette approche permettrait au pacités existantes des entrepreneurs du Congo d’introduire sur le marché plusieurs pays. Mais, actuellement, l’industrie manufac- nouveaux produits, ce qui n’a pas été le cas du- turière n’est pas en place pour fabriquer et ex- rant les 20 dernières années où, en moyenne, porter ces produits, malgré leur forte demande six ont été introduits, contrairement aux pays mondiale. Par une approche parcimonieuse, de l’Asie tels que le Vietnam, la Corée du Sud, le pays peut mettre en place les conditions la Chine, la Thaïlande et de l’Afrique comme le qui permettent au secteur privé de s’intéres- Rwanda et l’Ethiopie (Graphique 28). ser d’abord aux produits plus complexes que Graphique 28 : Nombre de nouveaux produits et exportations par habitant Note : Le nombre de nouveaux produits exportés avec un avantage comparatif durant les 20 dernières années Source : Calculs des auteurs, base de données CNUCED 3.2.3. Au regard des espaces-produits du raffinés et les produits chimiques et plastiques. Congo et de son indice de complexité, le Un deuxième groupe concernerait : (ii) les pays peut déplacer progressivement ses câbles, fils métalliques et produits assimilés produits-frontières en partant des moins ainsi que la machinerie et outillage. Enfin, le troisième groupe de produits-frontières serait lourds en investissements dans le moyen (iii) la construction automobile et les équipe- terme vers ceux qui se construisent à ments et pièces électroniques. Ce dernier reste long terme. Ainsi, le premier groupe de pro- très lointain des capacités du pays et parait très duits-frontières serait : (i) les produits agroa- difficile à atteindre. limentaires et du bois, les produits pétroliers 60 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 3.2.4. Eu égard à la richesse du pays en res- produits pour lesquels la demande mondiale sources naturelles, notamment le pétrole, la est en hausse. Le gouvernement pourrait en- forêt et les mines, une diversification verti- courager le secteur privé à se concentrer sur : cale contribuerait à compenser la baisse at- (i) la transition vers des produits à plus forte tendue de la croissance à partir de 2020 et à valeur ajoutée dans les industries minérales et réduire la vulnérabilité du pays. L’expérience chimiques ; (ii) la conformité des entreprises internationale a montré que la diversification à la règle nationale selon laquelle 85% des économique reste un processus à moyen et grumes doivent être transformées localement long terme. Le cas des pays tels que la Malaisie, avant d’être exportées ; (iii) le déploiement du la Corée du Sud et le Costa Rica est édifiant. Système informatisé de Vérification de la Léga- Pour le Congo, des gains peuvent rapidement lité ; (iv) la réduction des taxes sur le bois fabri- être obtenus aussi bien dans le secteur pétro- qué et (v) l’exploitation minière, notamment le lier, l’agroforesterie et les mines en ciblant les cuivre. B. AMÉLIORER LA POLITIQUE INDUSTRIELLE DU PAYS 3.2.5. Afin de se préparer à déplacer da- 3.2.6. Le dialogue avec le secteur privé et vantage les frontières de production et les la connaissance de ces produits-frontières espaces-produits nécessaires à la diversifica- pour le Congo permettrait d’identifier de tion pour une transformation structurelle, nouvelles opportunités économiques pour la le Congo peut améliorer sa politique indus- transformation structurelle. En effet, l’expan- trielle. Une piste serait de commencer par sion des produits traditionnels aux produits promouvoir l’industrie légère au Congo, avec modernes n’est pas uniquement régulée par un accent sur la transformation des produits les forces du marché. Le gouvernement devrait agricoles et de la forêt, d’optimiser l’utilisa- jouer un rôle actif dans l’élimination des obsta- tion des Technologies de l’Information et de cles à l’investissement du secteur privé dans les la communication pour améliorer l’acquisition produits non-traditionnels en initiant d’abord de connaissance, moderniser les outils de pro- un dialogue public-privé, puis en fournissant duction et de gestion des industries comme l’infrastructure nécessaire et les contributions l’automatisation. Le gouvernement pourrait publiques manquantes pour enlever les obs- renforcer son dialogue avec le secteur privé et tacles identifiés. La mise en place des zones centrer sa politique de facilitation sur cinq ca- économiques spéciales procède certes de cette tégories majeures d’obstacles auxquels l’indus- démarche, mais le gouvernement devrait te- trie légère en Afrique fait face : (i) la disponi- nir compte des implications budgétaires et des bilité et la qualité des matières premières ; (ii) risques fiscaux potentiels, notamment dans le les terrains industriels ; (iii) la logistique ; (iv) cadre de son ajustement budgétaire en cours. les compétences managériales et de la main- d’œuvre ; et (v) les financements. L’augmenta- tion de la productivité exige un effort renouve- lé pour améliorer les capacités de gestion des entreprises. SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 61 3.3 UN NOUVEL ÉLAN POUR LE DÉVELOPPEMENT DU CONGO 3.3.1. Les effets de la crise économique la transparence dans le paiement des taxes et sont défavorables mais les perspectives pré- autres frais administratifs ; (iii) l’exécution des sentent des signes d’espoir. Après deux an- contrats et (iv) le commerce transfrontalier. La nées difficiles à la suite de l’effondrement des qualité de l’éducation doit être également amé- prix du pétrole à partir de 2014, le Congo est liorée, notamment en orientant l’éducation et à la croisée des chemins pour reprendre sa la formation professionnelle vers les compé- marche vers le développement en jetant les tences nécessaires au secteur privé. jalons de la nécessaire transformation structu- relle. Pour cela, le pays doit d’abord parachever 3.3.3. Un nouvel élan pour le développe- l’ajustement budgétaire et mettre en place le ment du Congo est possible en procédant à cadre macroéconomique et budgétaire. Un tel une diversification verticale et en investis- cadre garantit : (i) le rétablissement des équi- sant dans l’industrie légère. L’analyse ci-des- libres budgétaires et extérieurs ; (ii) la solva- sus souligne l’importance de l’accumulation bilité budgétaire / un endettement soutenable des capacités productives qui joue un rôle avec une Valeur Actualisée Nette (VAN) de la important dans la diversification économique dette publique ramenée à au moins 35% du et la transformation structurelle. Cette accu- PIB à l’horizon 2023 contre 80% en 2018 ; (iii) mulation va de pair avec les capacités institu- une inflation basse, stable et maîtrisée et (iv) tionnelles existantes. Le rapport économique une coordination avec les autorités monétaires conjoint sur l’Afrique11 de 2014 avait traité ce pour une politique monétaire qui réduise la problème de la politique industrielle. Pour le surévaluation du FCFA. Ainsi, afin de garan- cas de la République du Congo, il y avait une tir la pérennité des résultats de l’ajustement absence d’autonomie et de participation du budgétaire en cours, le gouvernement devrait secteur privé dans la préparation de ladite po- se baser sur des règles budgétaires claires et litique. En effet, « la politique industrielle, en transparentes; améliorer la gestion des liqui- tant que processus, ne donnera pas de bons dités pour préserver le secteur bancaire et les résultats si elle n’est pas intégrée au secteur activités non-pétrolières; s’assurer, en coordi- privé. Il faudrait s’employer à mettre en place nation avec la COBAC, de la conformité du des institutions qui génèrent des processus et secteur bancaire aux cadres règlementaires, procédures permettant de répondre aux exi- prudentiels et macro-prudentiels établis pour gences en évolution permanente de l’industrie renforcer la résilience du secteur financier à la ». Comme les grands objectifs de la politique volatilité des prix du pétrole. industrielle du Congo sont le développement de l’agro-industrie, la transformation des res- 3.3.2. En plus de ces préconditions macroé- sources naturelles (bois, pétrole et gaz) et la conomiques, le gouvernement pourra éga- fabrication de matériaux de construction, le lement s’atteler à améliorer le cadre régle- choix d’une industrialisation légère serait une mentaire et institutionnel à la croissance du option réaliste pour une exécution séquentielle secteur privé non-pétrolier. A cet effet, les et progressive. mesures de soutien doivent cibler (i) la facilité de création d’entreprise, (ii) la simplification et 11 UNECA & UA, 2014, la Politique industrielle dynamique en Afrique : Institutions innovantes, processus effi- caces et mécanismes flexibles. 62 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 3.3.4. Le gouvernement devra mettre en quisition et le développement des compétences place les politiques et les conditions pou- qui sont vitales pour augmenter la productivité vant faciliter le transfert des travailleurs des entreprises ; (ii) S’attaquer aux contraintes des secteurs à faible productivité vers ceux à liées à l’accès à la terre, à l’accès à l’électricité et productivité élevée. Les mesures de réformes autres facteurs de production pour l’industrie devraient viser : (i) une augmentation de la va- légère ; (iii) Utiliser une approche progressive leur ajoutée et de la productivité des activités pour le développement de parcs industriels ; du secteur non-pétrolier ; (ii) une stimulation Mettre en œuvre des mesures pour améliorer de la compétitivité, de l’acquisition de compé- l’accès au financement des petites et moyennes tences et de l’adaptabilité à de nouveaux types entreprises ; (iv) Améliorer la logistique com- d’emplois, notamment dans le secteur manu- merciale, les procédures douanières et les ré- facturier et autres services. Ces mesures de glementations commerciales, qui ont un im- politiques faciliteraient la création d’emplois pact majeur sur les entreprises exportatrices. décents, mieux rémunérés pour les congolais. Les lenteurs du Congo à passer de pays expor- 3.3.6. Enfin, pour combler le déficit de tateur de produits de base tel que le pétrole, les compétences au Congo, il faudrait une ap- autres minéraux, les produits agricoles et de la proche de réformes à trois paliers. D’abord, forêt, à de pays exportateur d’autres produits il faut améliorer au premier palier l’accès et la plus sophistiqués et à valeur ajoutée plus éle- qualité de l’éducation de base afin de consti- vée entravent le processus de la transformation tuer les prérequis en matière de compétences structurelle de son économie. cognitives, sociales et comportementales. Cela permettrait d’acquérir les compétences de haut 3.3.5. A moyen terme, les autres recomman- niveau nécessaires au marché du travail. En dations mettent l’accent sur les principales attendant l’entrée sur le marché du travail de contraintes au développement d’un vibrant ces nouvelles cohortes dans les 15 prochaines secteur manufacturier capable de mettre années, le gouvernement pourrait se focali- graduellement sur le marché des produits ser sur les solutions à court et moyen termes plus sophistiqués. Aussi, le rapport suggère- à apporter au déficit de compétences. Ainsi, le t-il de saisir les fruits à portée de main, c’est- deuxième palier serait de remettre à niveau les à-dire les produits à haute valeur ajoutée qui compétences de la main d’œuvre existante en sont relativement proches des connaissances encourageant la formation continue et sur le productives du Congo. Pour promouvoir ces tas, ainsi que l’acquisition des nouvelles tech- produits de grande valeur, des dialogues signi- nologies. Le troisième palier concerne l’amé- ficatifs entre les secteurs public et privé sont lioration de la stratégie d’incubation du mar- essentiels. Cela pourrait aider à identifier les ché du travail avec l’enseignement technique contraintes spécifiques à chaque produit. En et professionnel et l’enseignement supérieur. s’attaquant à ces contraintes, le gouvernement Toutes ces réformes constituent le changement pourrait encourager le secteur privé à investir de cap qui s’impose actuellement au Congo dans des produits non traditionnels et ainsi ac- pour éviter les lourdes conséquences d’une célérer la transformation structurelle. A cet ef- contraction structurelle de son économie à fet, le gouvernement devrait : (i) Prioriser l’ac- l’horizon 2020. SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 63 Un arbre d’une forêt au Nord du Congo. © CAD Productions - DAGENCY/David Monfort. 64 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO ANNEXES STATISTIQUES SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 65 Annexe 1 : Principaux indicateurs économiques et financiers, 2014–2020 66 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Annexe 2 : Opérations financières de l’Etat, 2014–2020 (En pourcentage du PIB hors pétrole) SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 67 Annexe 3 : Dette publique, 2014–2017 68 SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO Annexe 4 : Progrès du Costa Rica dans la complexité économique de ses produits Des pays ont évolué dans la fabrication de produits plus complexes (cas du Costa Rica entre 2006 et 2016) 2016 Complexité Distance entre les produits exportés en 2006 et 2016 par rapport aux produits plus complexes à forte valeur ajoutée 2016 Complexité Source : CID, Atlas sur la complexité économique, 2017, Harvard. SITUATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO 69 Bibliographie Agence France - Presse : http://www.jeuneafrique.com/depeches/464062/economie/le-fmi- confirme-que-brazzaville-lui-a-cache-une-partie-de-sa-dette/ Balassa, B, 1965, Libéralisation négociée et avantage comparatif «révélé» , The Manchester School of Economic and Social Studies. Balassa, B, 1977, L’avantage comparatif « révélé » revu: une analyse des parts d’exportation relatives des pays industriels”. Banque Centrale des Etats de l’Afrique Centrale, Agence Nationale de la République du Congo, Avril 2017, Note de Conjoncture du quatrième trimestre 2017. Banque mondiale, 2012, “L’industrie légère en Afrique : Politique ciblées pour susciter l’investisse- ment privé et créer des emplois, Hinh T. Dinh, Vincent Palmade, Vadana Chandra, et Frances Cossar. Banque mondiale, 2015, Revue de la gestion des dépenses publiques et de la responsabilité financière (PEMFAR). 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