FRANÇAIS OCTOBRE 2021 | VOLUME 24 UNE ANALYSE DES ENJEUX FAÇONNANT L’AVENIR ÉCONOMIQUE DE L’AFRIQUE ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE ET TRANSFORMATION ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE RAPPORT DU BUREAU DE L’ÉCONOMISTE GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE EN CHEF DE LA RÉGION AFRIQUE REMERCIEMENTS Ce rapport a été produit par le Bureau de l’économiste en chef pour la région Afrique sous la supervision générale de Hafez Ghanem et de Ousmane Diagana. L’équipe pour ce numéro de Africa’s Pulse, sous la direction de Albert G. Zeufack et Cesar Calderon, comprenait Alain Ntumba Kabundi, Megumi Kubota, Vijdan Korman et Catalina Cantu Canales. Le rapport a bénéficié des précieuses contributions de Henry Eshemokhai Aviomoh, Christian Bodewig, Andrew Burns, Amy Copley, Amit Dar, Aparajita Goyal, Yuto Kanematsu, Patrick Alexander Kirby, Luis Camilo Osorio Florez, Kanta Kumari Rigaud, Dena Ringold, Kaltrina Temaj, Thi Thanh Thanh Bui et Jingran Wang. Il a également été enrichi des commentaires de Mehwish Ashraf, Cindy Audiguier, Ellysar Baroudy, Cornelius Fleischhaker, Paulo Guilherme Correa, Jose Luis Diaz Sanchez, Wolfgang Fengler, Alexandre Henry, Woubet Kassa, Marilyne Florence Mafoboue Youbi, Nyda Mukhtar, Dusimani Sihle Ngwenya, Nicola Smithers, Fulbert Tchana Tchana, Vincent De Paul Tsoungui Belinga et Djedje Hermann Yohou. La communication, les relations avec les médias et l’engagement des parties prenantes ont été dirigés par Keziah Muthembwa avec une équipe comprenant Amy Adkins, Samuel Kwadwo Owusu Baafi, Patricia Maria Riehn Berg, Marie Duffour, Ruti Ejangue, Rama George-Alleyne, Alexandre Hery, Pabsy Pabalan Mariano, Loy Nabeta, Daniella van Leggelo Padilla, Rose-Claire Pakabomba, Aby K. Toure, Elena Lucie Queyranne, et les équipes des Relations extérieures de la Banque mondiale en Afrique (ECRAE et ECRAW). Beatrice Berman et Kenneth Omondi ont apporté leur soutien à la production et à la logistique. L’édition a été assurée par Sandra Gain. La version électronique et imprimée a été réalisée par Bill Pragluski et la couverture conçue par Rajesh Sharma. OCTOBRE 2021 | VOLUME 24 Ce rapport a été préparé par le Bureau de l’économiste en chef de la région Afrique ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE ET TRANSFORMATION ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE © 2021 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/La Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington, DC 20433 Téléphone : 202–473–1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits réservés 1 2 3 4 24 23 22 21 La publication originale de cet ouvrage est en anglais sous le titre de : Africa’s Pulse, No. 24. En cas de contradictions, la langue originelle prévaudra. Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur les cartes du présent ouvrage n’impliquent de la part de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement que l’institution reconnaît ou accepte ces frontières. Rien de ce qui figure dans le présent ouvrage ne constitue ni ne peut être considéré comme une limitation des privilèges et immunités de la Banque mondiale, ni comme une renonciation à ces privilèges et immunités, qui sont expressément réservés. Droits et autorisations L’utilisation de cet ouvrage est soumise aux conditions de la licence Creative Commons Attribution 3.0 IGO (CC BY 3.0 IGO) http://creativecommons.org/licenses/by/3.0/igo/ Conformément aux termes de la licence Creative Commons Attribution (paternité), il est possible de copier, distribuer, transmettre et adapter le contenu de l’ouvrage, notamment à des fins commerciales, sous réserve du respect des conditions suivantes : Mention de la source — L’ouvrage doit être cité de la manière suivante : Zeufack, Albert G. ; Calderon, Cesar ; Kubota, Megumi ; Korman, Vijdan ; Cantu Canales, Catalina ; Kabundi, Alain Ntumba. 2021. Africa’s Pulse, No. 24 (Octobre). Washington, DC. Doi: 10.1596/ 978-1-4648-1810-3. La Banque mondiale. Licence : Creative Commons Attribution CC BY 3.0 IGO Traductions — Si une traduction de cet ouvrage est produite, veuillez ajouter à la mention de la source de l’ouvrage le déni de responsabilité suivant : Cette traduction n’a pas été réalisée par la Banque mondiale et ne doit pas être considérée comme une traduction officielle de cette dernière. La Banque mondiale ne saurait être tenue responsable du contenu de la traduction ni des erreurs qu’elle pourrait contenir. Adaptations — Si une adaptation de cet ouvrage est produite, veuillez ajouter à la mention de la source le déni de responsabilité suivant : Cet ouvrage est une adaptation d’une oeuvre originale de la Banque mondiale. Les idées et opinions exprimées dans cette adaptation n’engagent que l’auteur ou les auteurs de l’adaptation et ne sont pas validées par la Banque mondiale. Contenu tiers — La Banque mondiale n’est pas nécessairement propriétaire de chaque composante du contenu de cet ouvrage. 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ISBN (digital) : 978-1-4648-1810-3 DOI : 10.1596/ 978-1-4648-1810-3 Conception de la page de couverture : Rajesh Sharma Table des matières Résumé analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 L’Afrique subsaharienne sort de la récession en 2021, mais le redressement reste timide et fragile. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 L’Afrique subsaharienne se réforme, mais elle a surtout besoin de financements pour stimuler et soutenir son redressement économique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 L’Afrique subsaharienne peut saisir l’opportunité du changement climatique pour s’adapter et transformer son économie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Le changement climatique peut être une occasion de changement structurel et de création d’emplois.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 Section 1 : Tendances et évolutions récentes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 1.1 Tendances mondiales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 1.2 Évolutions récentes en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14 1.3 Évolutions économiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 1.4 Perspectives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 1.5 Scénarios alternatifs de croissance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 1.6 Politiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 Section 2 : Changement climatique et transformation économique en Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 2.1 Motivation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 2.2 La situation climatique en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 2.3 L’impact économique du changement climatique sur l’Afrique subsaharienne. . . . . . 60 2.4 Impact durable du changement climatique : Capital humain . . . . . . . . . . . . . . . . 69 2.5 Les richesses naturelles en Afrique subsaharienne : Faits stylisés. . . . . . . . . . . . . . . 71 2.6 Politiques de lutte contre le changement climatique en Afrique subsaharienne. . . . . 78 Appendice : Classification des pays. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93 A F R I C A’ S P U L S E > i Cartes Carte 2.1 : Aléas naturels affectant le plus grand nombre de personnes dans les pays d’Afrique subsaharienne, 2000-2019 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 Liste des encadrés Encadré 1.1 : La réticence à la vaccination en Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Encadré 2.1 : Renforcer la résilience des ménages face au changement climatique grâce à la protection sociale adaptative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Encadré 2.2 : Dépenses publiques consacrées à l’agriculture - Les priorités émergentes pour améliorer la résilience climatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Liste des figures Figure 1.1 : Progression de la vaccination dans les AE et MEED . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Figure 1.2 : Contributions à la croissance mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Figure 1.3 : Délais et coûts des transports internationaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Figure 1.4 : Écarts entre PIB par rapport aux prévisions pré-pandémiques . . . . . . . . . . . . . 12 Figure 1.5 : Prix agrégés des matières premières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Figure 1.6 : Nombre de nouveaux cas quotidiens de COVID-19 en Afrique subsaharienne et dans les sous-régions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Figure 1.7 : Nombre de décès quotidiens dus à la COVID-19 en Afrique subsaharienne et dans les sous-régions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Figure 1.8 : Proportion de la population entièrement vaccinée contre la COVID-19 . . . . . . . . 15 Figure 1.9 : La région de l’Afrique de l’Est et australe a enregistré à ce jour la pire augmentation du nombre de cas en Afrique. . . . . . . . . . . . . . . 16 Figure 1.10 : Taux de vaccination et reprise de la croissance du PIB en 2021. . . . . . . . . . . . . 16 Figure 1.11 : Taux de vaccination et nombre de décès quotidiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Figure 1.12 : Écarts de rendement des obligations souveraines dans certains pays d’Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Figure 1.13 : Ratio dette publique/PIB, 2020 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Figure 1.14 : Contribution à la croissance du PIB, côté offre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Figure 1.15 : Contribution à la croissance du PIB, côté demande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Figure 1.16 : Angola et Nigéria : Production de pétrole. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Figure 1.17 : Croissance du PIB au Nigéria, par secteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Figure 1.18 : PMI, production manufacturière et ventes de véhicules neufs en Afrique du Sud . . 26 Figure 1.19 : Indice de confiance des entreprises sud-africaines RMB/BER . . . . . . . . . . . . . . 26 Figure 1.20 : Évolution de la balance courante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Figure 1.21 : Évolution de la dette publique en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . 28 Figure 1.22 : Émissions d’euro-obligations en septembre 2021. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 ii > A F R I C A’ S P U L S E Figure 1.23 : Évolution du risque de surendettement extérieur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Figure 1.24 : Dimensions de l’enregistrement et de l’information de la dette pour les pays remplissant les conditions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Figure 1.25 : Taux de change par rapport au dollar américain. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Figure 1.26 : Inflation en Afrique subsaharienne de 2016 à 2023. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Figure 1.27 : Indice d’inflation alimentaire pour les pays sélectionnés. . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Figure 1.28 : Solde budgétaire en Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Figure 1.29 : Contribution à la croissance, côté offre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 Figure 1.30 : Contribution à la croissance, côté demande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 Figure 1.31 : Prévisions de croissance du PIB pour l’Afrique de l’Est et australe . . . . . . . . . . . . 35 Figure 1.32 : Prévisions de croissance du PIB pour l’Afrique de l’Ouest et centrale . . . . . . . . . . 36 Figure 1.33 : Scénarios alternatifs de croissance en Afrique subsaharienne, 2022-23. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 Figure 1.34 : Réponse budgétaire discrétionnaire à la COVID-19 dans les pays d’Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Figure 2.1 : Anomalies de température en Afrique, 1920-2020 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 Figure 2.2 : Catastrophes naturelles en Afrique, 1970-2020 - Fréquence et nombre de personnes affectées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 Figure 2.3 : Impact du changement climatique sur le PIB de l’Afrique subsaharienne . . . . . . . 67 Figure 2.4 : Parts de la richesse totale et croissance de la richesse par habitant en Afrique subsaharienne et dans d’autres régions, par type . . . . . . . . . . . . . . 72 Figure 2.5 : Parts de la richesse dans les pays d’Afrique subsaharienne, 2018 . . . . . . . . . . . . 72 Figure 2.6 : Richesses naturelles en Afrique subsaharienne par type, 1995–2018. . . . . . . . . . 73 Figure 2.7 : Richesses renouvelables en Afrique subsaharienne par type, 1995–2018. . . . . . . 74 Figure 2.8 : Richesses non renouvelables en Afrique subsaharienne par type, 1995–2018. . . . 75 Figure B1.1.1 : Les Africains font-ils confiance à leur gouvernement et aux vaccins contre la COVID-19 ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Liste des tableaux Tableau 1.1 : Allocation de DTS dans les pays d’Afrique subsaharienne, 2021 . . . . . . . . . . . . . 43 Tableau A.1 : Classification des pays selon l’abondance des ressources en Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 Tableau A.2 : Pays d’Afrique de l’Ouest et centrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 Tableau A.3 : Afrique de l’Est et australe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 A F R I C A’ S P U L S E > iii iv > A F R I C A’ S P U L S E Résumé analytique u Alors que l’économie mondiale poursuit son redressement rapide après la récession mondiale de 2020, les inégalités en matière d’approvisionnement en vaccins et d’accès aux financements extérieurs entraînent une reprise à deux vitesses. Les économies avancées rebondissent rapidement grâce à un soutien budgétaire sans précédent accompagnant le déploiement de vaccins, tandis que le monde en développement se débat avec un rythme lent de vaccinations et un soutien budgétaire limité. Les économies avancées ont enregistré une augmentation soutenue du commerce et de la consommation. Les pressions inflationnistes ont augmenté parallèlement à la reprise de l’activité, ce qui indique que les prix mondiaux des intrants continuent d’augmenter fortement. Les conditions financières demeurent globalement favorables. L’Afrique subsaharienne sort de la récession en 2021, mais le redressement reste timide et fragile. u En Afrique subsaharienne, l’économie devrait croître de 3,3 % en 2021, soit un point de pourcentage de plus que les prévisions d’Africa’s Pulse, d’avril 2021, avec des projections pour 2022 et 2023 juste en dessous de 4 %. Ce rebond a été alimenté par la hausse des prix des produits de base, l’assouplissement des mesures strictes de confinement et la reprise du commerce mondial. Les prix des produits de base restent fortement supérieurs à leurs niveaux d’avant la pandémie, et plusieurs d’entre eux ont atteint des sommets historiques. Les prix du pétrole ont dépassé leur niveau d’avant la pandémie au cours du premier semestre de 2021, mais ils ont atteint un plateau plus récemment en raison d’inquiétudes en ce qui concerne la demande et de l’inversion progressive des précédentes réductions de la production par l’alliance OPEP+. Les prix des métaux restent dans l’ensemble stables. La flambée des prix des produits de base, combinée à la croissance rapide de la Chine au cours du premier semestre, a stimulé les exportations africaines. La hausse des importations (2,17 %) a toutefois dépassé celle des exportations (1,67 %), générant ainsi un déficit de la balance courante comparable aux niveaux d’avant la pandémie (-0,50 %). Du côté de l’offre, les données disponibles pour les deux premiers trimestres suggèrent que la reprise a été soutenue principalement par un rebond des secteurs des services et de l’industrie, et dans une moindre mesure de l’agriculture. u Le redressement de l’économie en Afrique subsaharienne reste timide et fragile, car la lenteur de la vaccination continue d’exposer la région aux nouvelles souches de coronavirus, ce qui freine les performances économiques. Bien que nos prévisions de croissance se situent dans la limite supérieure de l’intervalle prévu dans l’Africa’s Pulse d’avril 2021, le rebond reste plus faible que la croissance des économies avancées et des marchés émergents, traduisant ainsi la faiblesse des investissements en Afrique subsaharienne. Le rebond de la consommation privée observé au premier semestre 2021 sera probablement modéré au second semestre en raison de la troisième vague de COVID-19 au sein des grandes économies. En Afrique du Sud, par exemple, l’économie était sur une trajectoire de reprise plus rapide que prévu jusqu’à l’arrivée du variant Delta, qui a mis cette trajectoire en déroute et amené les autorités à porter les mesures de confinement au niveau 4. Ces mesures, qui ont duré quatre semaines, ont sapé la confiance des entreprises et ralenti le rythme de la reprise, affectant gravement de nombreux secteurs de l’économie. En outre, la plupart des pays de la région ne sont pas parvenus pas à atteindre les objectifs de vaccination de 10 % de couverture de septembre et n’atteindront pas ceux de 40 % d’ici fin 2021. Au rythme actuel, il faudra du temps dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne pour que l’activité retrouve son niveau d’avant la COVID-19. Un retour aux tendances de production d’avant la pandémie pourrait donc prendre plus de temps et les dégâts causés par celle-ci à l’économie pourraient donc se prolonger. A F R I C A’ S P U L S E > 1 u La croissance de l’activité économique de la région devrait atteindre 3,5 % en 2022 et 3,8 % en 2023. Toutefois, ces projections sont soumises à une incertitude importante quant au rythme de la vaccination. Un déploiement plus rapide des vaccins accélérerait la croissance à 5,1 % en 2022 et à 5,4 % en 2023 en Afrique subsaharienne, car il permettrait de lever les mesures de confinement plus rapidement que dans le scénario de référence, entrainant ainsi une augmentation de la dépense. En revanche, le ralentissement du déploiement du vaccin et de la vaccination empêcherait de réduire de façon significative les perturbations de l’activité économique liées à la COVID-19, avec pour résultat un ralentissement de la croissance à 2,4 % en 2023. u Le redressement de l’Afrique se fait à plusieurs vitesses. L’Angola, le Nigéria et l’Afrique du Sud, qui sont les plus grandes économies de la région, devraient sortir de la récession de 2020, mais à des rythmes différents. L’Angola devrait connaître une croissance de 0,4 % en 2021, après cinq années consécutives de récession. En effet, le pays peine toujours à prendre son élan, avec des niveaux d’endettement élevés et de faibles performances de l’industrie pétrolière. Le Nigéria devrait connaître une croissance de 2,4 % en 2021, soutenue par le secteur des services. L’Afrique du Sud pour sa part devrait enregistrer une croissance de 4,6 % en 2021, grâce à de meilleures performances dans les services, l’industrie et, dans une moindre mesure, l’agriculture. Le pays a pris des mesures de relance pour soutenir les entreprises et les ménages touchés par la pandémie ainsi que par les émeutes et les pillages qui ont principalement touché les provinces du Kwazulu-Natal et du Gauteng. Outre l’augmentation de la dette publique, le taux de chômage sud-africain a atteint des niveaux record, passant de 32,6 % au premier trimestre 2021 à 34,4 % au deuxième trimestre 2021. u Si l’on exclut l’Afrique du Sud et le Nigéria, le reste de l’Afrique subsaharienne connaît un rebond plus rapide, avec un taux de croissance de 3,6 % en 2021. Les pays non riches en ressources, tels que la Côte d’Ivoire et le Kenya, devraient enregistrer une forte reprise, dont les niveaux seraient respectivement 6,2 et 5,0 %. De même, l’île Maurice et les Seychelles devraient connaître une croissance de 5,1 % et de 6,9 %, respectivement, grâce à la réussite de la campagne de vaccination qui a contribué à stimuler la mobilité, un élément clé pour l’industrie du tourisme dans ces pays insulaires. La République du Congo devrait poursuivre une trajectoire de récession prolongée à -1,2 % en 2021, et elle ne sortira de la récession qu’en 2022 grâce à l’augmentation des recettes reflétant la hausse des prix du pétrole. u Les niveaux de la dette publique dans les pays d’Afrique subsaharienne ont fortement augmenté, poursuivant une tendance qui avait précédé la crise de la COVID-19. En moyenne, la dette publique brute devrait atteindre 71 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2021, soit une augmentation de 30 points de pourcentage du PIB depuis 2013. L’augmentation des financements à des conditions commerciales, reflétant en partie la récente flambée des émissions d’euro-obligations, a accru l’exposition des pays d’Afrique subsaharienne aux risques de taux d’intérêt, de taux de change et de refinancement. L’augmentation du fardeau budgétaire devrait faire naître une forte inquiétude en ce qui concerne la viabilité de la dette. Après avoir atteint des niveaux record, les écarts de taux souverains ont sensiblement diminué, en particulier dans les pays dont le ratio dette/PIB est élevé, comme la Zambie, l’Angola et le Ghana. L’amélioration de la transparence de la dette reste donc essentielle. Il faut que les pays africains collectent et publient des données sur leurs dettes plus nombreuses et de meilleure qualité, et améliorer la production de rapports sur leurs passifs éventuels. Dans ce contexte, il est impératif de poursuivre le renforcement des capacités au sein des gouvernements afin d’améliorer la gestion de la dette, et en particulier les audits et les contrôles internes. 2 > A F R I C A’ S P U L S E u L’inflation a augmenté en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires et des carburants. L’inflation a augmenté dans la plupart des pays de la région, en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires, et elle devrait atteindre 4,3 % en 2021. Toutefois, l’inflation reste dans les limites des objectifs des banques centrales dans de nombreux pays, à l’exception du Nigéria où elle se situe en dehors de la fourchette cible, malgré une tendance baissière. L’inflation a évolué de façon différente dans les pays exportateurs de pétrole, où la tendance devrait être déflationniste, avec pour résultat de faire baisser l’inflation de 5,8 % en 2020 à 3,5 % en 2021. u Les risques à la baisse sur les perspectives deviennent prépondérants. L’apparition du variant Delta et son impact sur l’activité économique ont montré que la région reste vulnérable à l’émergence de nouveaux variants. Les données reçues dans de nombreux pays montrent que la reprise qui s’était amorcée au premier semestre a été interrompue par la réimposition de mesures de confinement. Près de 20 % des pays de la région étaient en situation de confinement (national ou ciblé) ou de restrictions élevées liées à la COVID-19 au cours du troisième trimestre 2021. Ces pays, situés dans la sous-région de l’Afrique orientale et australe, représentaient 37 % du PIB régional. À la mi-septembre, seuls 3,3 % de la population africaine avaient été entièrement vaccinés, contre la moitié de la population des pays avancés. La coopération des fabricants de vaccins, des pays producteurs de vaccins et de ceux qui ont déjà atteint des taux de vaccination élevés sera nécessaire pour permettre à l’African Vaccine Acquisition Trust (AVAT) et au COVID-19 Vaccines Global Access (COVAX) de fournir davantage de vaccins à la région. Vacciner le monde contre la COVID-19 est en effet un bien mondial. L’Afrique subsaharienne se réforme, mais elle a surtout besoin de financements pour stimuler et soutenir son redressement économique. u Les pays africains ont saisi l’opportunité de la crise pour encourager des réformes structurelles et macroéconomiques. Les pays ont fait preuve d’une discipline relative en matière de politiques monétaires et fiscales. Ils ont réussi à maitriser leurs déficits budgétaires qui devraient se réduire en 2021 et au-delà. Le déficit budgétaire médian en Afrique subsaharienne n’a augmenté que de 2,9 points de pourcentage du PIB en 2020, alors que dans les pays avancés, cette augmentation atteint 7,6 points de pourcentage du PIB. Près de la moitié des pays de la région présentaient un déficit budgétaire global inférieur à 5 % du PIB en 2020, contre environ 25 % parmi les économies avancées. De 5,4 % du PIB en 2021, le déficit budgétaire devrait se réduire à 4,5 % du PIB en 2022 et à 3 % du PIB en 2023. Les pays riches en pétrole d’Afrique subsaharienne verront leur déficit budgétaire se réduire, passant de 2,1 % du PIB en 2020 à 1,2 % du PIB en 2021. L’amélioration de leur solde budgétaire reflète non seulement la hausse des prix internationaux de leurs produits de base, mais aussi les efforts d’assainissement budgétaire des gouvernements. u Les taux d’inflation sont restés relativement sous contrôle dans tous les pays de la région. Par exemple, environ trois quarts des pays pour lesquels des données sont disponibles (35 sur 47) présentaient des taux moyens d’inflation de l’indice des prix à la consommation à un chiffre en 2020, et ce nombre de pays devrait passer à 38 en 2021. Dans le même temps, l’anticipation de taux d’intérêt bas pour une période plus longue dans les économies avancées permet aux banques centrales africaines de maintenir une politique monétaire accommodante. Les déficits budgétaires du secteur public n’ont pas augmenté à un rythme plus rapide que dans les économies avancées. A F R I C A’ S P U L S E > 3 u Un certain nombre de pays se sont lancés dans des réformes structurelles « difficiles à faire » et « difficiles à vendre », comme c’est le cas, par exemple pour le Soudan avec l’unification du taux de change, le Nigéria avec la réforme des subventions aux carburants, et l’Éthiopie avec l’ouverture du secteur des télécommunications au secteur privé. u En raison d’une marge de manœuvre budgétaire limitée, mais aussi de la discipline budgétaire, les pays africains n’ont pas été en mesure d’injecter le niveau de ressources requis pour lancer une réponse politique vigoureuse à la COVID-19. Le montant des mesures de relance budgétaire déployées par les gouvernements africains a non seulement été insuffisant, mais également très en dessous de celui des pays avancés. Depuis janvier 2020, le soutien budgétaire accordé aux personnes et aux entreprises de la région s’élève à 2,8 % du PIB, contre 17 % du PIB dans les pays avancés. La plupart des pays d’Afrique subsaharienne n’ont apporté qu’un soutien limité aux entreprises et aux ménages, en raison de problèmes de viabilité budgétaire, à un moment où une politique budgétaire anticyclique aurait pu amortir le choc induit par la pandémie. Certains pays, notamment l’Angola et la Zambie, ont été contraints d’appliquer des mesures d’austérité lorsque leur dette est devenue insoutenable. La croissance dans les pays d’Afrique subsaharienne reste donc inférieure à la tendance et au potentiel. u L’accélération de la reprise économique en Afrique subsaharienne nécessite un financement supplémentaire important. La région a besoin de plus de financement pour contrer les effets de la pandémie et soutenir une reprise robuste et inclusive. Ces financements sont nécessaires pour réduire les inégalités de trajectoire de reprise entre les pays riches et les pays pauvres. Dans un environnement d’incertitude permanente autour du coronavirus et de ses variants, un programme agressif d’assainissement budgétaire est contre-intuitif et pourrait s’avérer préjudiciable à la croissance à long terme — notamment en exacerbant les impacts durables de la pandémie sur la santé et l’éducation. u L’allocation récente de Droits de tirage spéciaux (DTS) aux pays africains est un bon « coup de pouce », mais il pourrait ne pas être suffisant. Sur les 650 milliards d’USD des DTS émis par le Fonds monétaire international (FMI), environ 3,6 % sont alloués aux pays d’Afrique subsaharienne, c’est-à-dire l’équivalent de leur quote-part au FMI. Ces ressources supplémentaires visent à renforcer les liquidités et à lutter contre la pandémie. Les allocations de DTS font partie de la solution et sont destinées à compléter et non à remplacer les autres sources de financement. La communauté internationale doit continuer à explorer différentes options qui permettraient aux pays riches de partager volontairement leurs DTS excédentaires avec les pays pauvres de la région ayant les plus grands besoins de financement. Une extension de l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI) pourrait aider les pays participants à réorienter leurs ressources limitées vers l’effort de redressement. Pour s’attaquer à la racine du problème de la dette, il faudrait accélérer le processus des pays qui cherchent à obtenir un allègement du Cadre commun de traitement de la dette au-delà de la DSSI. La réalisation des objectifs de développement de la région nécessitera des contributions de toutes les sources potentielles, y compris les institutions financières internationales et le secteur privé. 4 > A F R I C A’ S P U L S E L’Afrique subsaharienne peut saisir l’opportunité du changement climatique pour s’adapter et transformer son économie. u Confrontés à des pressions budgétaires croissantes, les pays africains ont encore besoin d’un soutien à long terme pour se redresser et résoudre les principaux problèmes structurels auxquels ils sont confrontés et auxquels s’ajoute aujourd’hui le défi considérable constitué par le changement climatique. Des données récentes montrent que 15 % des dépenses mondiales en réponse à la COVID-19 ont été consacrées à des dépenses de relance — et les parts des dépenses de relance verte et brune étaient comparables (19,4 et 20,4 %, respectivement). En outre, une part importante des dépenses de relance (47 %) a été investie dans des activités à impact climatique nul. u Les politiques visant à favoriser une croissance durable et inclusive ne peuvent être dissociées de la crise climatique, dont l’Afrique est la moins responsable, mais la plus touchée. Bien que la région soit celle qui contribue le moins aux émissions mondiales de carbone, les pays d’Afrique subsaharienne sont touchés de manière disproportionnée par le changement climatique. Du Sahel à la Corne de l’Afrique, en passant par le sud du continent, tous subissent les effets dévastateurs des changements de température à évolution lente et de l’augmentation des risques naturels. Les perturbations sociales et économiques provoquées par des chocs climatiques singuliers et récurrents sont de grande ampleur et peuvent se multiplier rapidement et leurs conséquences se poursuivre pendant plusieurs générations. u Les coûts du changement climatique peuvent être importants. Des données récentes montrent que l’activité économique mensuelle de la région pourrait se contracter de 1 % lorsque la température moyenne est supérieure de 0,5 °C à la moyenne sur 30 ans de ce mois. Cette contraction de la croissance est 1,6 fois plus élevée que celle des pays en développement d’autres régions. L’impact d’une sécheresse sur la croissance à moyen terme dans la région est environ huit fois plus élevé que dans les pays en développement d’autres régions. Ces différences dans l’impact s’expliquent par une plus grande dépendance à l’égard d’activités sensibles au climat, une plus faible résilience et des mécanismes d’adaptation limités. u Et le coût de l’inaction est encore plus élevé. Des simulations récentes suggèrent qu’un réchauffement planétaire de 3 °C d’ici 2100 (le scénario « business as usual » sans changements majeurs dans les tendances sociales, économiques et technologiques du monde) entraînerait des pertes potentielles de PIB estimées à 2,9 trillions d’USD en Afrique subsaharienne. La mise en œuvre de politiques visant à atteindre les objectifs de l’accord de Paris (réchauffement climatique de 2 °C) réduirait les pertes d’activité économique de 962 milliards d’USD par an en termes de PIB de 2100. Selon des estimations récentes, l’adaptation au changement climatique coûtera entre 30 et 50 milliards d’USD (2 à 3 % du PIB régional) chaque année au cours de la prochaine décennie. Pourtant, le financement de l’adaptation est plus rentable que des secours fréquents en cas de catastrophe. u Le changement climatique amplifie la fréquence et l’impact des chocs qui touchent de manière disproportionnée les ménages les plus pauvres, avec un impact à long terme sur le capital humain. En réponse aux chocs, les pauvres sont souvent contraints de recourir à un large éventail de stratégies d’adaptation préjudiciables qui sapent la formation du capital humain et perpétuent ainsi le cycle de la pauvreté et de la vulnérabilité. C’est ce qu’illustre A F R I C A’ S P U L S E > 5 l’exemple du Sahel, où un ménage sur quatre est vulnérable à des chocs climatiques répétés. En l’absence de programmes de protection sociale efficaces, les événements climatiques extrêmes (sécheresses et inondations) peuvent contribuer à la malnutrition maternelle et infantile en entraînant des réductions de la consommation alimentaire, en déclenchant la décision de retirer les enfants de l’école ou en amenant les ménages pauvres à vendre des biens de production, perpétuant et approfondissant ainsi les inégalités. u Les effets du climat sur les pauvres comprennent la perte de vies et de moyens de subsistance, l’endommagement des infrastructures essentielles et l’interruption des services, les problèmes de santé et de malnutrition, les conflits et l’intensification des migrations dues à la détresse. Les crises persistantes liées à l’alimentation, à l’eau et à l’environnement, amplifiées par les impacts climatiques, peuvent entraîner une fragilité et des conflits prolongés. Les réponses « business as usual » au changement climatique n’empêcheront pas l’augmentation des conflits civils et de l’instabilité politique par rapport à un monde sans changement climatique. u Un renforcement de la capacité d’adaptation des systèmes de protection sociale en Afrique subsaharienne permettrait de renforcer la résistance des ménages aux chocs et aux contraintes climatiques. Le renforcement de la capacité des systèmes de protection sociale « adaptatifs » (PSA) à atteindre un plus grand nombre de ménages pauvres et vulnérables en cas de chocs climatiques dépend du renforcement de quatre éléments constitutifs clés de leurs systèmes de prestation : (i) la coordination institutionnelle de la réponse aux chocs entre les agences chargées de la protection sociale, de la gestion des risques de catastrophe, de l’agriculture et des finances publiques ; (ii) le renforcement des programmes de PSA, y compris l’autonomisation des femmes afin d’accroître leur rôle en tant que moteurs de la résilience des ménages ; (iii) un meilleur effet de levier des systèmes de PSA grâce à de bonnes données du système d’alerte climatique précoce et des informations facilement disponibles pour mettre à jour les programmes de réponse aux chocs ; et (iv) la redéfinition des priorités de la protection sociale dans les budgets nationaux, même en période de budgets extrêmement serrés, et le développement de stratégies diversifiées pour le financement des PSA. u Les chocs climatiques défavorables (hausse des températures et événements météorologiques extrêmes) ont fait baisser les revenus et la productivité agricoles et peuvent potentiellement conduire à un processus de réaffectation sectorielle avec des gains de croissance limités. Les politiques d’adaptation au changement climatique doivent considérer le changement climatique comme une source de transformation économique. Le rythme de la réaffectation des travailleurs des zones rurales vers les zones urbaines et au sein des marchés du travail locaux dans les zones urbaines est affecté par la hausse des températures dans le cadre de la transformation structurelle et de l’urbanisation. Les politiques de lutte contre le changement climatique peuvent améliorer l’efficacité de la répartition des travailleurs entre les secteurs et les espaces, ce qui accélère la transformation structurelle, stimule la productivité et renforce le développement économique. u La lutte contre le changement climatique exige des mesures audacieuses et des investissements massifs dans les principaux secteurs économiques — Il s’agit notamment de créer les conditions nécessaires à l’abandon du charbon et à l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique, d’investir dans des transports partagés à faibles émissions de carbone dans les villes, de stimuler les systèmes d’alimentation et d’utilisation des sols durables, d’investir dans des infrastructures hydrauliques résilientes (y compris une meilleure gestion) et de réduire les émissions des chaînes de valeur industrielles essentielles. 6 > A F R I C A’ S P U L S E Le changement climatique peut être une occasion de changement structurel et de création d’emplois. u Le contexte unique de l’Afrique — faible développement de base, vulnérabilités climatiques préexistantes, accès limité à l’énergie et forte dépendance à l’égard des secteurs sensibles au climat — pose des défis, mais offre également des possibilités de reconstruire un monde meilleur et plus écologique. Les décideurs politiques doivent exploiter ces opportunités face à l’augmentation des impacts climatiques. Ils doivent mobiliser des ressources, tant au niveau national qu’international, pour créer de nouveaux emplois plus écologiques — à proximité des produits existants — et favoriser la fabrication d’un plus grand nombre de produits verts à moyen terme. u La réalisation de l’accès universel à l’énergie est essentielle pour atteindre les objectifs de développement durable à long terme de la région. Près de 600 millions de personnes n’ont pas accès à l’énergie en Afrique subsaharienne, ce qui limite leur capacité à créer et à gérer une entreprise. Même les mégapoles des plus grands pays de la région disposent d’un approvisionnement en énergie insuffisant et peu fiable. L’adoption accrue de technologies d’énergie renouvelable (notamment solaire et éolienne) ainsi que l’expansion du réseau national sont essentielles pour faire de l’accès universel à l’énergie un objectif plus réalisable. Plus précisément, il est essentiel d’élaborer un plan prévoyant des déploiements échelonnés pour l’extension du réseau et des investissements ciblés dans le développement de mini- réseaux afin d’élargir l’accès à l’électricité pour des utilisations productives. L’amélioration de la gouvernance dans le secteur de l’électricité est essentielle pour soutenir cette expansion. u Dans une région où une grande partie des infrastructures, des villes et des systèmes de transport restent à construire, les investissements dans des infrastructures intelligentes face au changement climatique peuvent aider les villes à créer des emplois. Les fermetures d’entreprises, les pertes d’emplois et la réduction des revenus des services locaux induits par la pandémie ont touché la majorité des villes d’Afrique subsaharienne. Des politiques urbaines qui tiennent compte du climat peuvent aider les gouvernements locaux à utiliser leurs financements publics limités pour attirer des investissements du secteur privé en s’attaquant à des problèmes tels que la pollution, les inondations, la chaleur extrême et l’accès à l’énergie. Par exemple, l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, les déchets municipaux et l’eau à faible teneur en carbone, ainsi que les transports urbains écologiques peuvent apporter des avantages aux villes à court et moyen terme. Des données récentes indiquent que les pays africains ont besoin d’investir dans des villes plus compactes, propres et connectées. L’Afrique du Sud aura besoin de 215 milliards d’USD d’investissements dans ses villes ; le Kenya, de 27 milliards d’USD ; et l’Éthiopie, de 42 milliards d’USD. Ces investissements, cependant, bénéficieraient à l’Éthiopie, au Kenya et à l’Afrique du Sud à hauteur de 240 milliards d’USD, 140 milliards d’USD et 700 milliards d’USD, respectivement. Ils favoriseront également la création d’emplois supplémentaires, ce qui se traduira par une moyenne de 210 000 nouveaux emplois nets en Éthiopie, 98 000 au Kenya et 120 000 en Afrique du Sud d’ici 2050. u L’adoption d’avancées technologiques, de meilleures pratiques et de nouveaux modèles commerciaux peut contribuer à renforcer la durabilité de l’agriculture. Les développements technologiques tels que les prévisions météorologiques, les capteurs de sol et l’imagerie aérienne à haute résolution aident à la gestion des cultures en temps réel. L’adoption de pratiques agricoles modernes (par exemple, nouvelles variétés de semences, engrais, irrigation et machines) contribue à renforcer le système de production et de A F R I C A’ S P U L S E > 7 distribution alimentaire. Les solutions financières évoluent (notamment l’argent mobile et les options de prêts numériques) pour mettre en relation les petits exploitants agricoles avec les institutions financières et leur offrir un meilleur accès au marché. Dans ce contexte, les gouvernements, les investisseurs et les organisations internationales sont essentiels pour établir une planification agricole localisée et faciliter l’accès au crédit et aux outils numériques. u Les politiques foncières sont de puissants leviers pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et renforcer la résilience au changement climatique. Le secteur de l’affectation des terres a le potentiel de réduire les émissions, de séquestrer le carbone et d’accroître la résilience humaine et biophysique. Une gestion durable des terres et leur restauration apportent souvent des contributions positives et durables au bien-être et à la durabilité de la société — y compris des avantages multiples tels que la création d’emplois, la réduction des risques de catastrophe, l’atténuation du changement climatique et l’adaptation pour les générations actuelles et futures. La prise en compte des questions et politiques foncières est donc essentielle à la planification de l’adaptation, car elle permettra de renforcer les dispositions en matière de régime foncier et de gestion dans des environnements à risque. Des droits fonciers sûrs, fournis sur une base individuelle ou communautaire pourront motiver des investissements et la mise en œuvre de stratégies d’adaptation. u Les pays dont la part de carbone et de richesse liée au carbone est élevée sont fortement exposés au risque carbone et doivent éviter les politiques et les investissements qui pourraient accroître leur exposition. Au fur et à mesure que le monde se décarbonise, l’abandon du pétrole, du gaz et du charbon mettra en péril la valeur de la richesse des pays déjà riches en énergies non renouvelables (par exemple, le Nigéria et l’Angola), mais aussi celle des pays ayant récemment découvert du pétrole et du gaz (Mozambique, Kenya et Sénégal). Le risque pour ces pays de voir de tels actifs délaissés souligne la nécessité d’accélérer la réduction de l’exposition de leur patrimoine au risque carbone. u La diversification des exportations en dehors des produits énergétiques non renouvelables s’est avérée difficile pour les économies riches en ressources. Les politiques devraient être conçues pour favoriser la diversification des actifs en soutenant l’accumulation de capital humain et de capital naturel renouvelable, ainsi qu’en réduisant les lacunes en matière d’infrastructures. Une gestion prudente des revenus des produits de base est essentielle pour financer ces investissements. La mise en place d’un cadre fiscal cohérent comprenant des incitations fiscales ciblées, la réduction des subventions aux combustibles fossiles et l’instauration d’une certaine forme de tarification du carbone sont indispensables pour favoriser l’investissement privé et l’innovation dans les énergies propres et autres activités vertes. u La transition vers une économie à faibles émissions de carbone entraînerait des changements dans les gammes de produits existants dans tous les pays, y compris ceux d’Afrique subsaharienne. Il est essentiel d’identifier les possibilités de diversification verte qui sont étroitement liées aux capacités de production existantes des pays (savoir- faire, infrastructures et compétences). Les faits montrent que la gamme de produits des pays africains est caractérisée par quelques exportations vertes qui ne sont pas technologiquement sophistiquées ou complexes. Pourtant, de jeunes Africains ont lancé des 8 > A F R I C A’ S P U L S E entreprises qui s’attaquent au changement climatique, protègent l’environnement et créent des emplois. Parmi les entreprises innovantes, on peut entre autres citer les vélos en bambou respectueux de l’environnement, la mode écologique, le recyclage du plastique, ou encore les écrans et les tapis en matériaux végétaux. u La transition vers une économie à faibles émissions de carbone entraînerait une création nette d’emplois dans le monde entier — et ces emplois verts se caractériseront par des niveaux plus élevés de compétences cognitives non routinières et une plus grande dépendance à l’égard de l’éducation formelle, de l’expérience professionnelle et de la formation en cours d’emploi. Les investissements en capital humain et la requalification vers des emplois verts devront être soutenus par des politiques d’éducation et d’apprentissage par la pratique afin de façonner l’adaptation des compétences des travailleurs aux exigences d’un espace de produits en mutation. u En Afrique subsaharienne, la création d’emplois pour plus de 12 millions de personnes entrant sur le marché du travail chaque année nécessitera non seulement des emplois verts, mais aussi des emplois bruns. La principale préoccupation des pays africains est la création d’emplois, et pas seulement d’emplois verts. Les décideurs devront tirer parti des technologies climatiques pour stimuler la productivité agricole et accroître l’industrialisation ainsi que la main-d’œuvre non agricole. Des entreprises proposant des formations aux métiers de l’énergie solaire font leur apparition en Afrique. Par exemple, la Green Solar Academy (Afrique du Sud) et ses partenaires sur tout le continent proposent des formations et des ateliers qui couvrent les bases de la gestion d’une entreprise solaire et de la conception de systèmes. La promotion des activités extractives liées aux secteurs qui alimenteront l’économie verte (par exemple, le cobalt, le lithium, le cuivre, le manganèse, le nickel et le zinc) est une autre source potentielle d’emplois, d’autant plus que leurs prix augmentent avec la décarbonisation. u Le financement de l’adaptation au changement climatique en Afrique subsaharienne est essentiel, et les politiques de mobilisation des ressources sont indispensables pour créer des emplois plus nombreux, de meilleure qualité et durables. Face aux chocs climatiques, les décideurs devront exploiter les réformes des politiques (environnementales) et les taxes. Cependant, la réalité des lacunes financières et technologiques, qui vont s’aggraver rapidement à court et moyen terme, demeure et nécessitera une réflexion innovante et une action collective. L’établissement d’un lien entre le financement lié au climat et les réformes essentielles de la gouvernance et la conservation du capital naturel en tant qu’actifs fondamentaux peut servir de point de départ. Enfin, la transition énergétique mondiale doit être inclusive et équitable. Compte tenu des différentes réalités des économies et des diverses voies à suivre pour atteindre le niveau net zéro d’ici 2050, la communauté du développement doit défendre et soutenir les pays à faibles revenus sans laisser personne de côté, notamment en ce qui concerne l’accès universel à l’électricité, tout en faisant progresser les objectifs climatiques. A F R I C A’ S P U L S E > 9 10 > A F R I C A’ S P U L S E Section 1 : Tendances et évolutions récentes 1.1 TENDANCES MONDIALES La croissance mondiale devrait avoir déjà atteint son sommet en 2021 ; elle devrait ralentir ensuite progressivement, alors que la propagation du variant du coronavirus continue, les mesures de relance budgétaire sont rapidement suspendues, et l’offre est entravée par des goulets d’étranglement, pendant que les pressions inflationnistes s’installent. La reprise mondiale a été principalement tirée par les économies avancées (AE) qui ont davantage progressé dans la vaccination de leur population et ont pu fournir un soutien budgétaire plus important. La reprise a été plus faible dans la plupart des marchés émergents et économies en développement (MEED) alors FIGURE 1.1 : Progression de la vaccination dans les AE et MEED Inégalité du rythme même que s’estompaient 70 de vaccination les impacts économiques entre les économies 60 avancées et les des vagues précédentes de MEED. COVID-19 (Figures 1.1 et 1.2). 50 Pourcentage 40 Le Groupe de la Banque mondiale prévoyait dans 30 son rapport Perspectives 20 économiques mondiales de 10 janvier 2021 que l’économie mondiale augmenterait de 0 13 déc. 13 jan. 13 fév. 13 mar. 13 avr. 13 mai. 13 juin. 13 juil. 13 aoû. 5,6 % en 2021 et de 4,3 % en 2022. Les données initiales indiquent une reprise de Éconmies avancées MEED l’activité mondiale robuste Source : Our World In Data, Banque mondiale. mais en ralentissement. Remarque : La figure montre la proportion de la population ayant reçu au moins une dose d’un vaccin contre la COVID-19. L’échantillon comprend 36 économies avancées (AE) et 65 marchés émergents et L’indice composite mondial économies en développement (MEED). La dernière observation date du 24 août 2021. des directeurs d’achat (PMI) FIGURE 1.2 : Contributions à la croissance mondiale Forte reprise a baissé ces derniers mois 6 économique mais reste élevé, le secteur mondiale tirée des services dépassant le par les économies secteur manufacturier. La avancées et reprise de l’activité mondiale soutenue par les Points de pourcentage 4 s’est accompagnée d’une mesures de relance augmentation soutenue du budgétaire et le commerce mondial, avec déploiement de la un volume des échanges de 2 vaccination. marchandises bien supérieur à son niveau d’avant-crise et ce malgré des goulets d’étranglement au niveau 0 2015-19 2021 2022 de l’offre. En conséquence, les délais de livraison des États-Unis EA sauf État-Unis Chine MEED sauf Chine Monde fournisseurs ont atteint un Source : Banque mondiale. Remarque : Les taux de croissance agrégés ont été calculés en utilisant les PIB pondérés par les prix niveau record (Figure 1.3). moyens et les taux de change du marché de 2010-2019. La zone hachurée montre les prévisions du rapport Perspectives économiques mondiales (édition de juin 2021). La figure montre les contributions à la croissance mondiale prévues pour 2021 et 2022 pondérées par les contributions moyennes à la Le secteur touristique reste croissance de 2015-2019. AE : économies avancées, MEED : marchés émergents et économies en développement, PIB = produit intérieur brut cependant déprimé, même A F R I C A’ S P U L S E > 11 dans les pays qui n’ont pas Goulets FIGURE 1.3 : Délais et coûts des transports internationaux connu d’épidémies majeures d’étranglement 90 450 de COVID-19, et les voyages logistiques : les délais de livraison 400 internationaux devraient se stabilisent 80 rester limités par les 350 Indice, 50+ = plus rapide restrictions persistantes de Indice, 100 = janvier alors que les coûts 70 300 mobilité, et par la réticence augmentent. 250 à voyager tant que le virus 60 200 ne sera pas entièrement sous contrôle. Les pressions 150 50 inflationnistes se sont 100 accentuées parallèlement 40 50 à la reprise de l’activité, 20 juil. 21 juil. 20 jan. 20 oct. 21 jan. 20 avr. 21 avr. les données recueillies indiquant la poursuite de Délais d’expédition Tarifs d’expédition de conteneurs (axe de droite) fortes hausses des prix Sources : Harper Petersen & Co. (Base de données), Haver Analytics, Banque mondiale. mondiaux des intrants. Remarque : La figure montre les délais de livraison des fournisseurs manufacturiers mondiaux, l’indice des directeurs d’achat (PMI) et l’indice des taux d’affrètement de Harper Petersen (HARPEX) pour les tarifs de transport des conteneurs. Les données PMI ont été inversées en soustrayant les données de Alimentée par un soutien 100. Par conséquent, des valeurs de PMI croissantes (décroissantes) indiquent des délais de livraison plus rapides (plus lents). Les tarifs de transport des conteneurs sont les moyennes mensuelles des budgétaire substantiel, données hebdomadaires et reflètent l’évolution des prix sur le marché de l’affrètement des porte- la production américaine conteneurs. Les lignes pointillées montrent les moyennes à long terme des délais de livraison de janvier 1998 à décembre 2019 et des tarifs d’expédition de conteneurs de février 2018 à décembre rebondit fortement et 2019. La dernière observation date de mai 2021 pour les délais de livraison et du 25 mai 2021 pour les tarifs de transport de conteneurs. a dépassé au deuxième trimestre de 2021 son niveau d’avant la pandémie. L’activité dans la zone euro a été plus lente à se redresser, mais gagne du terrain depuis le début de l’année en raison de l’assouplissement des restrictions sur la mobilité d’une part et l’accélération de la vaccination d’autre part. Les derniers PMI composites ont signalé une accélération de la croissance au deuxième trimestre pour 80 % des économies avancées contre seulement environ 60 % des MEED. La Chine qui a été la première, l’année dernière, à renouer avec la reprise, jouit d’une activité encore robuste, même si le rythme de croissance s’est ralenti dans un contexte de réduction des mesures de soutien. Cependant, Effets à long FIGURE 1.4 : Écarts entre PIB par rapport aux prévisions pré-pandémiques les opérations de relance terme de la crise en cours dans la plupart 2 des MEED ne seront pas de la COVID-19 sur l’activité suffisantes pour effacer les économique des dégâts provoqués par la 0 MEED. pandémie, dont les séquelles devraient encore peser sur Pourcentage -2 l’activité mondiale pendant longtemps (Figure 1.4). De nombreux pays mettront -4 du temps à retrouver leurs niveaux d’activité d’avant la pandémie de COVID-19 -6 et un retour aux tendances États-Unis EA sauf État-Unis MEED sauf Chine de production précédentes T4 2020 T4 2021 pourrait se révéler impossible en l’absence Source : Banque mondiale. Remarque : La figure montre les écarts entre prévisions de PIB des éditions de juin 2021 et de janvier d’importants efforts 2020 du rapport Perspectives économiques mondiales. EA : économies avancées, MEED : marchés émergents et économies en développement. de réforme. 12 > A F R I C A’ S P U L S E Les conditions mondiales de financement des économies avancées (AE) et des marchés émergents et économies en développement (MEED) divergent. Pour les économies avancées, celles-ci restent globalement favorables, avec des valorisations boursières élevées et des rendements modérés. Dans les marchés émergents et économies en développement, ces conditions se sont resserrées ces derniers mois en raison de la hausse des taux directeurs de certains pays (Brésil, Mexique et Russie), des nouvelles vagues de la pandémie et de FIGURE 1.5 : Prix agrégés des matières premières Les prix des matières premières risques nationaux spécifiques. 140 restent élevés, Les flux nets en portefeuille plusieurs d’entre vers les MEED ont été eux se stabilisant à faibles, dans l’attente d’une Indice, 100 = 2010 des niveaux records. 100 éventuelle normalisation de la politique de la Réserve fédérale et d’une baisse plus générale du sentiment 60 de risque. Les prix des matières premières restent bien 20 au-dessus de leur niveau 19 jan. 19 mai. 19 sep. 20 jan. 20 mai. 20 sep. 12 jan. 21 mai. 21 juil. d’avant la pandémie et certains atteignent même Énergie Métaux Agriculture des sommets historiques Sources : Bloomberg, Banque mondiale. au niveau international Remarque : La dernière observation date de juillet 2021. (Figure 1.5). Des coûts d’expédition élevés ont contribué à la hausse des prix à l’importation de certaines matières premières, tandis que la propagation du variant Delta du coronavirus a contribué à accroître l’incertitude quant à la demande. Les prix de l’énergie ont connu une augmentation particulièrement forte ces derniers mois, en particulier les prix du gaz naturel et du charbon qui ont augmenté de plus de 50 % depuis le début de l’année. Au premier semestre 2021, les prix du pétrole ont dépassé leur niveau d’avant la pandémie, mais ont plafonné plus récemment en raison de préoccupations liées à la demande et en raison de l’inversion progressive des réductions de production décidées par l’alliance OPEP+. Les prix des métaux restent dans l’ensemble généralement stables, avec quelques valeurs aberrantes. Le prix de l’étain a atteint un niveau record dans un contexte d’approvisionnement perturbé et d’une demande toujours forte du secteur de l’électronique, tandis que le prix du cuivre a légèrement baissé par rapport à ses sommets historiques récents du fait de la propagation du variant Delta et d’un ralentissement des indicateurs économiques en Chine. Les prix des matières premières agricoles sont restés volatils et les problèmes d’approvisionnement dus aux conditions météorologiques ont fait grimper les prix du blé, du cacao et du café. A F R I C A’ S P U L S E > 13 1.2 Évolutions récentes en Afrique subsaharienne Développement de la pandémie de COVID-19 Au cours de l’été 2021, les pays d’Afrique subsaharienne ont été confrontés à une troisième vague de la pandémie de COVID-19. Cette troisième vague découle principalement de la propagation du variant Delta, identifié pour la première fois en Inde et devenu plus contagieux que les précédents variants du coronavirus. En termes de nouveaux cas quotidiens de COVID-19, le pic de la troisième vague est plus élevé que celui de la deuxième vague1, avec respectivement environ 30 000 nouveaux cas par jour en juillet 2021 contre environ 26 600 en janvier 2021, alors que le pic de la deuxième vague était lui-même plus élevé que celui de la première vague, avec 16 000 cas par jour en juillet 2020 (voir Figure 1.6). Alors que les campagnes de vaccination semblaient efficaces pour contenir le nombre de cas de COVID-19 au printemps 2021, la troisième vague a submergé le continent africain quand le taux de contamination du virus a dépassé le rythme des vaccinations. Selon les CDC (Centres de contrôle et de prévention des L’augmentation du FIGURE 1.6 : Nombre de nouveaux cas quotidiens de COVID-19 en Afrique subsaharienne et dans les sous-régions maladies), l’augmentation nombre de cas et les conséquences la plus rapide du nombre sanitaires les 35000 des cas et les cas les plus plus graves de la graves ont été enregistrés 30000 troisième vague dans les régions où les sont survenues 25000 taux de vaccination étaient là où les taux de relativement les plus faibles. vaccination étaient 20000 Par conséquent, ces régions relativement ont enregistré un nombre faibles. 15000 d’hospitalisations et de décès supérieurs aux régions 10000 où le taux de vaccination 5000 était plus important. Les progrès des campagnes de 0 vaccination restent lents en 2/28/2020 4/24/2020 6/19/2020 8/14/2020 10/9/2020 12/4/2020 1/29/2021 3/26/2021 5/21/2021 7/16/2021 9/10/2021 Afrique subsaharienne. Selon CDC Afrique, par exemple, Afrique subsaharienne Afrique de l'Est et australe Afrique de l'Ouest et centrale peu de pays de la région ont dépassé les 5 % de la Source : Our World In Data, données COVID-19. population complètement Remarque : Nombre de cas au 16 septembre 2021, moyenne mobile lissée sur 7 jours. vaccinés. Le taux de vaccination a atteint moins de 1 % à Madagascar, en Tanzanie et en Ouganda, tandis que le Burundi et l’Érythrée n’ont même pas commencé leur campagne de vaccination. Seuls deux pays ont dépassé 50 % (à savoir 69,71 % aux Seychelles et 54,21 % à Maurice). 1 La deuxième vague découle en grande partie de la propagation des variants alpha et bêta, qui sont devenus plus contagieux que la souche initiale de COVID-19. 14 > A F R I C A’ S P U L S E En se basant sur les dernières données disponibles, FIGURE 1.7 : Nombre de décès quotidiens dus à la COVID-19 en À leur point le plus Afrique subsaharienne et dans les sous-régions haut, les taux de l’économie internationale redémarre et le taux de 800 mortalité dans la région dus à la mortalité diminue à mesure 700 troisième vague que le taux de vaccination 600 sont comparables augmente. Par conséquent, à ceux de la il est important d’accélérer 500 deuxième vague. le rythme de la vaccination 400 au niveau international 300 pour ralentir, minimiser et finalement arrêter les 200 mutations du coronavirus, car 100 ses variants affectent la vie 0 et les moyens de subsistance 2/28/2020 4/24/2020 6/19/2020 8/14/2020 10/9/2020 12/4/2020 1/29/2021 3/26/2021 5/21/2021 7/16/2021 9/10/2021 des populations à travers le monde. Les impacts sanitaires et économiques Afrique subsaharienne Afrique de l'Est et australe Afrique de l'Ouest et centrale de la pandémie affectent Source : Our World In Data, données COVID-19. non seulement l’économie Notes : Nombre de décès au 16 septembre 2021, moyenne mobile lissée sur 7 jours. mondiale, mais aussi et plus particulièrement les économies de l’Afrique subsaharienne. Même si les vaccins n’offrent pas une immunité complète contre le coronavirus, ils offrent une meilleure protection aux personnes entièrement vaccinées par rapport à celles qui ne le sont pas en les protégeant contre les symptômes graves de la FIGURE 1.8 : Proportion de la population entièrement vaccinée La proportion contre la COVID-19 de la population COVID-19. La durée de vie de complétement la charge virale a tendance à Royaume-Uni 60 France vaccinée contre la être plus courte lorsque les COVID-19 est faible personnes vaccinées sont États-Unis en Afrique par infectées par le coronavirus. 50 rapport au reste du Les personnes non vaccinées monde. courent un risque plus 40 Corée du Sud Pourcentage élevé de contamination par 30 Brésil de nouveaux variants car elles ne disposent pas des barrières préventives pour 20 repousser les infections par la Inde COVID-19. Certaines données 10 ont démontré que le nombre Afrique Vietnam de décès quotidiens dus à la 0 jan. 10, 2021 avr. 15, 2021 juin. 4, 2021 sep. 5, 2021 COVID-19 n’a pas augmenté entre la deuxième et la Source : Our World In Data, données COVID-19. troisième vague en Afrique Remarque : Chiffres de vaccination au 16 septembre 2021. L’Afrique comprend l’ensemble du continent. subsaharienne, comme A F R I C A’ S P U L S E > 15 l’indique la Figure 1.7. Alors L’Afrique de l’Est FIGURE 1.9 : La région de l’Afrique de l’Est et australe a enregistré que le nombre de cas a connu une à ce jour la pire augmentation du nombre de cas en Afrique quotidiens a augmenté recrudescence plus entre la deuxième et la 45 importante des 40 troisième vague, le nombre infections lors de de décès quotidiens a la troisième vague 35 que l’Afrique de été contenu. Bien que l’Ouest. 30 le variant Delta soit plus 25 contagieux, les vaccins réduisent efficacement le 20 nombre d’hospitalisations 15 et de décès dans les pays 10 avancés. Par conséquent, continuer à améliorer la 5 distribution des vaccins 0 en Afrique subsaharienne 6/1/2020 6/29/2020 7/27/2020 8/24/2020 9/21/2020 10/19/2020 11/16/2020 12/14/2020 1/11/2021 2/8/2021 3/8/2021 4/5/2021 5/3/2021 5/31/2021 6/28/2021 7/26/2021 8/23/2021 est essentiel pour éviter l’augmentation du taux de Afrique de l'Est Afrique de l'Ouest Nigéria mortalité. Source : Our World In Data. L’une des priorités Remarque : Moyennes mobiles sur 7 jours des nombres de cas de COVID-19, par région et par million de actuelles est d’accélérer la personnes. AFE : région de l’Afrique de l’Est et australe, AFW : région de l’Afrique de l’Ouest et centrale. distribution et l’utilisation des vaccins en Afrique Un meilleur taux FIGURE 1.10 : Taux de vaccination et reprise de la croissance du PIB en 2021 subsaharienne, ce qui de pénétration de devrait stimuler l’économie la vaccination est 35 de la région. La distribution associé à un rebond 30 des vaccins a progressé économique plus 25 lentement en Afrique Évolution de la croissance du PIB en 2021 % important. subsaharienne par rapport 20 à d’autres régions (voir 15 Figure 1.8). La population de près de 90 % des pays 10 d’Afrique subsaharienne n’a 5 reçu aucun vaccin. Le faible 0 taux de vaccination pourrait 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 entraîner un ralentissement -5 du rythme de la reprise -10 après la troisième vague, d’autant plus que les -15 COVID-19 : part de la population ayant un schéma vaccinal complet nouveaux variants (le variant Delta) imposent Pays industrialisés Pays en développement hors ASS Afrique subsaharienne des défis supplémentaires. Source : Our World In Data, données COVID-19. L’augmentation subite Remarque : Lissée = moyenne sur 7 jours. Données au 16 septembre 2021. de nouveaux cas s’est accélérée au cours de l’été 2021 dans la région de l’Afrique subsaharienne, plus dans la région de l’Afrique de l’Est et australe que dans la région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (voir Figure 1.9). Les Figures 1.10 et 1.11 montrent une relation 16 > A F R I C A’ S P U L S E entre la distribution des vaccins et d’une part, et FIGURE 1.11 : Taux de vaccination et nombre de décès quotidiens Un meilleur taux la reprise économique, de pénétration de 16 et d’autre part le nombre la vaccination est associé à des taux de décès quotidiens : la 14 Nouveaux décès quotidiens (millions, lissés) de mortalité plus relation entre la distribution 12 faibles. de vaccins et la reprise de l’économie est positive 10 alors que la relation entre 8 la distribution de vaccins et le nombre de décès 6 quotidiens est négative. Par 4 conséquent, l’accélération de la distribution de vaccins 2 pourrait contribuer à stimuler 0 la reprise économique tout 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 en renforçant les mesures COVID-19 : part de la population ayant un schéma vaccinal complet de protection contre les Pays industrialisés Pays en développement hors ASS Afrique subsaharienne conséquences les plus graves Source: Our World In Data, données COVID-19. pour la santé de la pandémie Remarque : Nombre de décès quotidiens au 16 septembre 2021. de COVID-192. Le succès des campagnes de vaccination contre la COVID-19 dépend d’un troisième facteur, la réticence ENCADRÉ 1.1 : à la vaccination. Il est démontré que cette attitude prévaut non seulement dans les pays développés, La réticence à la vaccination mais aussi dans les pays en développement a. Il reste cependant essentiel de renforcer l’accès des pays en Afrique africains aux vaccins contre la COVID-19 et de s’assurer que ces pays ont la capacité de déployer des subsaharienne campagnes de vaccination. Entre fin 2020 et mi-2021, Afrobaromètre a mené une enquête en interrogeant personnellement 17 800 personnes de 13 pays d’Afrique subsaharienne. Selon cette enquête, les Africains se méfient de leur gouvernement quand il s’agit des vaccins b alors qu’ils approuvent largement une action gouvernementale forte quand il s’agit de freiner la propagation du coronavirus. Les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) soutiennent l’objectif des gouvernements de vacciner 40 % des Africains d’ici la fin de l’année mais seulement 3,3 % de la population était entièrement vaccinée à mi-septembre 2021 c. L’approvisionnement en vaccins des pays africains s’améliore, malgré un taux de distribution encore faible. L’enquête d’Afrobaromètre révèle également que 43 % des personnes interrogées dans 13 pays d’Afrique subsaharienne ont répondu qu’elles étaient « plutôt susceptibles » ou « très susceptibles » d’essayer de se faire vacciner. Les réponses montrent cependant un fort degré d’hétérogénéité entre les pays enquêtés. En Afrique du Sud, avec le nombre le plus élevé d’infections dans la région, seuls 43 % des citoyens se disent « susceptibles » de se faire vacciner (Figure B1.1.1). Globalement, plus de la moitié des personnes interrogées dans quatre des pays étudiés (Maurice, Zambie, Bénin et Soudan) sont prêtes à se faire vacciner. En revanche, la réticence à la vaccination est alarmante au Sénégal et en Gambie. Enfin, environ un tiers des personnes interrogées dans les 13 pays pensent que ces vaccins sont « plutôt » ou « totalement » sans risque. Cela ne représente pas nécessairement une approbation enthousiaste car la faible confiance dans la capacité des pouvoirs publics est corrélée à une probabilité plus faible de se faire vacciner (Figure B1.1.1) 2 Une campagne de vaccination réussie implique non seulement de résoudre les situations d’inégalité vaccinale, mais aussi de réticence à la vaccination. Se reporter à l’encadré 1.1 sur la réticence à la vaccination dans certains pays d’Afrique subsaharienne. A F R I C A’ S P U L S E > 17 ENCADRÉ 1.1 FIGURE B1.1.1 : Les Africains font-ils confiance à leur gouvernement et aux vaccins contre la COVID-19 ? Suite 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Maurice Zambie Bénin Soudan Togo Zimbabwe Afrique moyenne (14) Afrique du Sud Nigéria Eswatini Cameroun Libéria Gambie Sénégal Con ance modérée à élevée dans les pouvoirs publics en matière de sécurité des vaccins Plutôt/très susceptible de se faire vacciner contre la COVID-19 Source : Appiah-Nyamekye Sanny 2021, Afrobaromètre. Remarque : Données de 13 pays, 2020/2021, en %. La réticence à la vaccination prévaut dans les pays à revenu faible, moyen et élevé, et les sceptiques se retrouvent généralement dans tous les groupes socio-économiques, religieux et ethniques. La réticence à la vaccination est attribuée aux interrogations soulevées par (i) la courte durée des périodes de test des vaccins et l’assouplissement des normes réglementaires de mise sur le marché, (ii) la nouvelle technologie des vaccins à ARN messager, technologie qui n’a jamais été essayée auparavant chez l’homme et (iii) les théories du complot décrivant les conséquences néfastes des vaccins et publiées sur des plateformes de médias sociaux non réglementées d. Comment réduire la réticence à la vaccination ? Des campagnes de communication de masse et l’engagement des communautés sont essentiels pour accroître les connaissances et sensibiliser aux vaccins. Ces outils ont le potentiel de diffuser des informations fiables qui créeront et renforceront la confiance au sein des communautés. La conception d’outils qui s’appuient sur les connaissances comportementales peut également augmenter le taux de vaccination. Dans ce contexte, l’éducation par le divertissement (ludo- éducatif ) et les loteries sont des techniques adaptables et peu coûteuses. Les innovations testées peuvent être ensuite intégrées aux campagnes de vaccination e. La réticence à la vaccination peut être atténuée si les compagnies pharmaceutiques obtiennent les autorisations d’organismes de réglementation rigoureux ou de l’OMS, et si les décisions sont communiquées de manière transparente. a. Solís Arce et al. (2021). b. Appiah-Nyamekye Sanny (2021). c. Tableau de bord de la vaccination en Afrique , Africa CDC (site : https://africacdc.org/covid-19-vaccination/). d. Wouters et al. (2021). e. De Walque et Orozco (2021). 18 > A F R I C A’ S P U L S E 1.3 ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES Le processus de redressement de l’Afrique subsaharienne après la récession de 2020 a été affecté par une troisième vague de la pandémie de la COVID-19, entraînée par le variant Delta, une souche plus transmissible et plus virulente du coronavirus. Pour enrayer la croissance des infections dans la région, qui s’est avérée être la plus rapide au monde et qui a fait plus de victimes que les deux vagues précédentes, les pays ont été contraints de renouveler les mesures d’endiguement ce qui a entraîné le confinement de certaines villes. Sur les 48 pays touchés, neuf étaient en situation de confinement (national ou ciblé) ou de restrictions élevées liées à la COVID-19 au cours du troisième trimestre 2021. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 33 pays du continent ont connu une recrudescence des infections, 95 % des nouveaux cas étant imputables au variant Delta. Parmi les personnes infectées, 79 % ont été sévèrement touchés, ce qui a obligé les autorités à appliquer des mesures strictes. Les pays présentant le taux d’infection le plus élevé dans la région sont le Malawi, le Mozambique, la Namibie, la Zambie et le Zimbabwe. La reprise dans la région est toujours entravée par les faibles taux de vaccination et les ressources limitées pour continuer à fournir une assistance financière aux ménages et aux entreprises vulnérables. Le déploiement des campagnes de vaccination en Afrique est beaucoup plus en retard que sur les autres continents, puisque moins de 3,3 % de la population est vaccinée, contre plus de 50 % dans les économies avancées. L’Afrique subsaharienne reste donc vulnérable aux nouveaux variants du coronavirus, ce qui continuera à freiner la reprise économique. Contrairement aux économies avancées, les pays africains n’ont pas réussi à mettre en place des mesures de relance budgétaire adéquates pour permettre une reprise durable, génératrice d’emplois de meilleure qualité. Le soutien offert n’est pas à la hauteur des besoins sanitaires et économiques pressants nécessaires pour répondre aux nombreux défis engendrés par la pandémie. Le déficit de financement a été estimé à 290 milliards USD en 2020. Enfin, la Banque mondiale travaille avec différents partenaires pour aider les pays en développement à financer l’acquisition et la distribution de vaccins contre la COVID-19. La Banque mondiale a approuvé en octobre 2020 un financement supplémentaire de 12 milliards USD pour l’acquisition de vaccins et a élargi cette enveloppe de financement à 20 milliards USD en juin 2021. La Banque mondiale avait approuvé à la date du 20 septembre 2021 31 opérations de soutien à la vaccination dans 30 pays d’Afrique subsaharienne pour un montant de 1,9 milliard USD, dont 674,9 millions alloués à la région de l’Afrique de l’Ouest et centrale et 1,23 milliard répartis entre les pays de la région de l’Afrique de l’Est et australe. Le soutien total à la vaccination pour la région Afrique, y compris les projets approuvés et en cours de négociation ou de préparation, s’élève à 2,8 milliards USD. Les niveaux d’endettement étaient déjà élevés avant la pandémie dans certains pays, et ces derniers ont été contraints de recourir à des mesures d’austérité pour réduire les déficits.3 Un tiers des pays d’Afrique subsaharienne étaient en situation de surendettement ou risquaient de l’être avant la crise de la COVID-19 (FMI 2018). Certains d’entre eux étaient en négociation avec des partenaires multilatéraux pour conclure des accords qui déboucheraient sur des programmes de réformes structurelles permettant de résoudre les problèmes d’endettement. En conséquence, les écarts de rendement des obligations souveraines ont été élevés dans ces pays (Figure 1.12). En pleine pandémie, alors que le soutien financier est impératif, ces pays doivent réduire leurs dépenses pour répondre aux préoccupations relatives à la viabilité de la dette publique. Les efforts déployés par les donateurs dans le cadre de l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI) du G20 pour les emprunteurs d’Afrique subsaharienne ont été insuffisants, puisque les économies potentielles de cette initiative n’ont été estimées qu’à 1 % du produit intérieur brut (PIB) à partir de janvier 2021. Cette initiative n’a pas permis d’atteindre l’objectif de réduction des coûts du service de la dette, qui augmentent.4 3 Voir par exemple l’Angola, la République du Congo, la Tanzanie, le Mozambique et l’Afrique du Sud. 4 Sur les 38 pays éligibles à l’allègement de la dette dans la région, seuls six n’ont pas participé par crainte de voir leur cote de crédit se déprécier, ou d’être confrontés à des écarts élevés sur les rendements des obligations souveraines. A F R I C A’ S P U L S E > 19 De nombreux pays de Les écarts de la région ont suivi des FIGURE 1.12 : Écarts de rendement des obligations souveraines dans certains rendement des pays d’Afrique subsaharienne (points de base) politiques procycliques obligations 130 pour assainir les finances souveraines ont publiques. Cela a entravé bondi en raison de 120 Prix journalier normalisé au 15/03/2021=100 leur processus de reprise l’endettement élevé 110 en cours. En revanche, provoqué par les aides budgétaires, un soutien financier plus alors qu’ils ont 100 important est justifié pour diminué en Zambie réduire l’inégalité de la 90 trajectoire de reprise entre après les élections. les pays riches et les pays 80 pauvres. Comme indiqué 70 dans le rapport Africa’s Pulse d’avril 2021, l’accélération 60 de la campagne de 3/15/21 4/15/21 5/15/21 6/15/21 7/15/21 8/15/21 vaccination et la promotion de politiques visant à Angola Ghana Mozambique Nigéria Afrique du Sud Zambie accroître les investissements Source : Bloomberg Analytics. permettraient d’accélérer le rythme de la reprise. Il est improbable que les pays africains atteignent leur objectif de vaccination de 40 % de la population d’ici la fin de l’année. L’île Maurice et les Seychelles sont les seuls pays du continent à avoir atteint l’immunité collective, avec plus de 60 % de la population entièrement vaccinée5. L’Afrique du Sud est loin derrière avec 22 %, tandis que la plupart des pays ont moins de 5 % de leur population entièrement vaccinée. Néanmoins, l’île Maurice et les Seychelles ont depuis ouvert leurs frontières aux touristes et les activités économiques ont repris, ce qui replace ces deux pays sur la trajectoire de croissance de l’ère prépandémique. La reprise en cours est encore faible et semble un peu moins durable depuis le déclenchement de la troisième vague. Elle est soutenue par une consommation privée relativement faible, dont la croissance est estimée à 1,5 % cette année, alors que les mesures de restriction sont toujours en place dans de nombreux pays. En outre, la hausse de la formation brute de capital fixe, estimée à 1 %, est insuffisante pour permettre à la région d’atteindre son plein potentiel de croissance. La reprise en cours est principalement alimentée par une flambée des prix des produits de base, qui devrait se stabiliser en 2022 et 2023. En Afrique du Sud, par exemple, l’économie était sur une trajectoire de reprise plus rapide que prévu jusqu’à ce qu’elle soit déraillée par le variant Delta, obligeant les autorités à élever les mesures de confinement au niveau 4. Ces mesures, qui ont duré quatre semaines, ont ralenti le rythme de la reprise, affectant gravement de nombreux secteurs de l’économie. En outre, le pays a été touché par des troubles qui ont entraîné des émeutes et des pillages dans certaines provinces, notamment au Kwazulu-Natal et à Gauteng, causant des pertes économiques estimées à 50 milliards de rands. Par ailleurs, le gouvernement devrait poursuivre le programme d’aide temporaire aux employés et aux employeurs. Enfin, les salaires ont été négociés à des niveaux supérieurs à ceux prévus dans le budget de cette année. Dans un contexte de faibles perspectives de croissance, il est peu probable que la trajectoire de la dette publique puisse être corrigée à court ou moyen terme. Toutefois, le moment n’est pas opportun pour que le pays se lance dans un assainissement budgétaire qui pourrait entraver les progrès qu’il a accomplis depuis l’apparition de la COVID-19 en 5 Voir section 1.2 20 > A F R I C A’ S P U L S E 2020. Le pays est confronté à d’énormes défis, tels que le chômage, de fortes inégalités, un niveau d’éducation formelle médiocre, des déficits de compétences et une pauvreté relativement élevée. Le gouvernement doit intervenir pour apporter de l’aide là où elle est nécessaire. S’il ne le fait pas, cela pourrait entraîner des troubles sociaux comme ceux qui ont suivi l’arrestation de l’ancien président Jacob Zuma. L’injection de fonds pour soutenir les petites et moyennes entreprises en difficulté relancera un secteur privé léthargique et stimulera la consommation dans un pays où le secteur informel est important. Des pays comme l’Angola, le Mozambique et la Zambie, qui étaient déjà vulnérables avant la pandémie, ont vu leurs finances publiques se détériorer davantage (Figure 1.13). La richesse pétrolière a permis à l’Angola de s’engager dans des emprunts à grande échelle, mais le poids de la dette a fortement augmenté une fois que les prix du pétrole et la valeur de la monnaie ont baissé, atteignant un pic de 134 % du PIB en 2020. La dette reste une préoccupation à moyen terme, malgré un rééchelonnement partiel du service de la dette extérieure, notamment dans le cadre de l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI). Le Mozambique, la République du Congo et la Zambie ont souffert de la gestion opaque de leur dette en période d’expansion. Avec un accès limité aux financements, ces pays auront du mal à amorcer une vraie reprise économique. FIGURE 1.13 : Ratio dette publique/PIB, 2020 (pourcentage du PIB) Les niveaux 250 élevés de dette contraignent les pays d’Afrique 200 subsaharienne à assainir leurs finances publiques. 150 Pourcentage 100 50 0 Érythrée Soudan Cabo Verde Mozambique Maurice Angola Sao Tomé-et-Principe Seychelles Rép. du Congo Ghana Namibie Rwanda Guinée-Bissau Zambie Gambie Gabon Afrique du Sud Sierra Leone Sénégal Kenya Burundi Mauritanie Togo Malawi Libéria Lesotho Éthiopie Soudan du Sud Bénin Zimbabwe Mali Ouganda Madagascar Burkina Faso Côte d'Ivoire Niger Tchad Rép. centrafricaine Eswatini Guinée équatoriale Cameroun Guinée Tanzanie Comores Botswana Nigéria Rép. dem. du Congo Dette publique générale (en % du PIB), 2020 Source : Estimations des services de la Banque mondiale. Même les économies dont les politiques budgétaires étaient globalement saines avant la crise, comme le Ghana et le Rwanda, ne sont pas à l’abri des problèmes de financement relatifs la COVID-19. Ces deux pays, connus pour leur gestion efficace des finances publiques, ont vu leur dette publique s’envoler, passant respectivement de 63 % et 62 % du PIB en 2019 à 81 % et 71 % du PIB en 2020. Avec un taux de vaccination de la population avoisinant 5 %, le Rwanda se doit d’augmenter ses dépenses publiques pour accélérer le rythme de la vaccination. La production industrielle a chuté de 14,2 % d’un mois à l’autre en juin, reflétant les effets des mesures de restriction imposées par le gouvernement pour lutter contre la recrudescence des cas d’infection par le variant Delta. De même, l’indice PMI IHS Markit au Ghana a baissé pendant deux mois consécutifs, passant de 51 en juin à 49,7 en juillet et 48,9 en août. Cette baisse est en partie attribuée à une diminution des nouvelles commandes dans un contexte de restrictions liées à la COVID-19. A F R I C A’ S P U L S E > 21 Les restrictions sur le financement extérieur et la lenteur de la vaccination rendent les économies africaines vulnérables aux futures vagues de nouveaux variants de la COVID-19 et peuvent avoir des répercussions sur le reste du monde. Si des efforts concertés ne sont pas déployés par les pays et la communauté mondiale, il est probable que les zones ayant enregistré les taux de vaccination les plus faibles dans la région resteront des sources de nouveaux variants, plus transmissibles et plus virulents, du coronavirus. Par conséquent, même les pays qui ont réussi à contenir le virus jusqu’à présent sont toujours exposés à la résurgence de nouveaux variants. Ce tableau sombre doit être perçu comme le résultat d’une crise humanitaire plutôt que comme un problème auquel les pays à faible revenu doivent faire face tous seuls. Évolutions économiques L’économie de l’Afrique subsaharienne devrait sortir de la récession de 2020 et connaître une croissance de 3,3 % en 2021, reflétant une expansion de l’industrie et des services, du côté de la production (Figure 1.14), On estime FIGURE 1.14 : Contribution à la croissance du PIB, côté offre (pourcentage) et une croissance modérée que l’activité de la consommation privée économique 4 et de la formation brute en Afrique 3 de capital fixe, du côté de subsaharienne a la demande (Figure 1.15). progressé de 3,3 % 2 Le rebond de l’activité en 2021. Du côté de économique dans la région l’offre, l’expansion 1 Pourcentage est faible par rapport à la de l’industrie et des services a soutenu 0 croissance des économies la reprise. avancées et des MEED, ce -1 qui témoigne d’une reprise inégale entre pays riches -2 et pays pauvres. La forte -3 croissance des économies 2015 2016 2017 2018 2019 2020e 2021f avancées est principalement Agriculture Industrie Services Taxes nettes Croissance du PIB réel attribuée au rythme rapide de la vaccination Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale. et aux mesures de relance budgétaire exceptionnels, De côté de la FIGURE 1.15 : Contribution à la croissance du PIB, côté demande (pourcentage) accompagnées de demande, les politiques monétaires non augmentations 5 conventionnelles.6 Le modérées de la 4 rythme de la vaccination consommation privée et de 3 est toujours à la traîne l’investissement 2 dans les pays d’Afrique subsaharienne, avec des Pourcentage ont été les 1 principaux moteurs, taux de vaccination de tandis que les 0 la population à 3,3 % et exportations nettes -1 un soutien budgétaire ne et la consommation -2 représentant qu’environ publique se sont 2,8 % du PIB. La lenteur de contractées. -3 2015 2016 2017 2018 2019 2020e 2021f 2022f 2023f la vaccination rend la région Consommation publique Consommation privée Investissement xe brut vulnérable au variant Delta Exportations nettes Croissance du PIB réel 6 La relance budgétaire est le soutien budgétaire aux particuliers et aux entreprises, mesuré par des dépenses supplémentaires Source : Projections du personnel de la Banque mondiale. et par le manque à gagner au niveau des recettes (FMI 2021). 22 > A F R I C A’ S P U L S E ainsi qu’à l’émergence de nouveaux variants préoccupants à l’avenir. Cette situation continuera de freiner les performances économiques de la région, car les pays seront contraints de recourir à des mesures rigoureuses. Le rebond du commerce mondial après la réouverture de nombreux pays a soutenu l’activité économique de la région. La reprise régionale a été particulièrement soutenue par la flambée des prix des matières premières, combinée à une croissance rapide en Chine au cours du premier semestre, comme en témoigne la hausse des exportations. Néanmoins, la hausse des importations (2,2 %) a dépassé celle des exportations (1,7 %), entraînant ainsi un déficit de la balance courante comparable aux niveaux d’avant la pandémie (-0,5 %).7 Cependant, la vitesse de la reprise a été ralentie par le variant Delta, plus transmissible et virulent, depuis le mois de juin. Les pays ont réagi par des mesures strictes de contrôle et ont imposé des mesures de confinement dans de nombreux cas. Ces mesures ont particulièrement touché les secteurs de l’industrie et des services. L’Afrique de l’Est et australe L’Afrique du Sud a été durement touchée par la troisième vague de coronavirus, enregistrant les niveaux les plus élevés d’infections et de décès sur le continent. Les autorités ont décidé de porter les restrictions relatives au confinement au niveau 4 en juin pendant un mois afin de contenir la propagation du virus. Cette décision a été suivie d’émeutes déclenchées par l’arrestation de l’ancien président Jacob Zuma pour corruption présumée. Les émeutes et les pillages se sont concentrés principalement dans les provinces du Kwazulu-Natal et du Gauteng. Le coût des troubles a été estimé à 20 milliards de rands pour le seul Kwazulu-Natal et à 50 milliards de rands pour l’ensemble du pays. Le gouvernement a annoncé un plan d’aide de 38,8 milliards de rands pour soutenir les entreprises touchées. Une grande partie de ce programme (26,7 milliards de rands) a été consacrée à un paiement mensuel de 350 rands sous forme d’allocation d’aide contre la détresse sociale, payable jusqu’à la fin mars 2022. Bien que le PIB ait enregistré un bond substantiel au deuxième trimestre 2021 (19,3 % en glissement annuel),8 les données à haute fréquence suggèrent que les effets négatifs des mesures de confinement et des troubles se feront sentir au second semestre de l’année. L’Angola a toujours du mal à redémarrer avec des niveaux d’endettement élevés et de récession prolongée. Bien que le pays connaisse un déclin prolongé, le secteur pétrolier a enregistré une légère hausse de la production, qui est passée de 1,07 million de barils par jour en juin à 1,10 million en juillet, soit le niveau le plus bas depuis 2004 (AIE 2021). L’économie continue de reposer sur le secteur non pétrolier, qui a été freiné par la troisième vague de coronavirus. Les progrès en matière de vaccination ont été lents, avec seulement 2,4 % de la population entièrement vaccinée. Le secteur pétrolier a également été touché par la pandémie, ce qui a entraîné des retards dans l’exploration de nouveaux gisements et dans les investissements dans de nouveaux projets. La forte dépendance du pays à l’égard du secteur pétrolier compromet les perspectives d’augmentation des recettes et de réduction des dettes. Les restrictions ininterrompues et les mauvaises performances du secteur pétrolier continuent de freiner la reprise (Figure 1.16). En Zambie, l’élection de Hakainde Hichilema à la présidence a renforcé la confiance que le président élu, favorable aux affaires, s’engagera dans des réformes d’assainissement budgétaire et de transparence des finances publiques. La monnaie nationale s’est appréciée de 19 % par rapport au USD et l’écart de rendements des obligations souveraines a reculé de 620 points de base. Le nouveau ministre des Finances a annoncé que le pays allait engager des discussions avec le Fonds monétaire international (FMI) afin de conclure un accord impliquant un engagement en faveur de la discipline budgétaire. Le pays souhaite réorienter les ressources publiques vers des dépenses en faveur des pauvres, sous forme de subventions et d’aides sociales. Ces efforts s’accompagnent 7 Ces projections sont soumises à des incertitudes liées à la résurgence de nouveaux variants, à l’insuffisance du déploiement de la vaccination, à la dynamique des prix des matières premières et au rythme de la reprise en Chine. 8 Les secteurs qui ont contribué à une plus forte croissance au deuxième trimestre 2020 sont les transports, l’entreposage et la communication, les services personnels et le commerce, la restauration et l’hébergement, tandis que l’industrie manufacturière, la finance, l’immobilier et les services aux entreprises, ainsi que les services publics ont tiré la croissance vers le bas. A F R I C A’ S P U L S E > 23 d’une augmentation des Le déclin continu FIGURE 1.16 : Angola et Nigéria : Production de pétrole (millions de barils par jour) revenus miniers grâce à la de la production 3.0 hausse des prix des métaux. pétrolière a freiné la reprise en Angola et L’augmentation des cas 2.5 d’infection au variant Delta au Nigéria. a poussé le pays à appliquer 2.0 des restrictions sévères, ce 1.5 qui a exacerbé une situation économique déjà faible. 1.0 L’économie mozambicaine 0.5 a progressé de 2 % au 0 deuxième trimestre, soit le taux de croissance trimestriel 05 jan. 05 juil. 06 jan. 06 juil. 07 jan. 07 juil. 08 jan. 08 juil. 09 jan. 09 juil. 10 jan. 10 juil. 11 jan. 11 juil. 12 jan. 12 juil. 13 jan. 13 juil. 14 jan. 14 juil. 15 jan. 15 juil. 16 jan. 16 juil. 17 jan. 17 juil. 18 jan. 18 juil. 19 jan. 19 juil. 20 jan. 20 juil. 21 jan. 21 juil. le plus élevé depuis le Nigéria Angola deuxième trimestre 2019. Les principaux moteurs de Source : Agence d’information sur l’énergie (AIE) des États-Unis. ce progrès ont été le secteur tertiaire (à savoir l’hôtellerie et la restauration, les transports et la communication), suivi du secteur primaire (principalement la pêche et les mines). En revanche, le secteur secondaire s’est contracté de 1 %, en raison des mauvaises performances du sous-secteur de l’électricité et de l’eau. En ce qui concerne les pays pauvres en ressources, le dynamisme économique au premier semestre au Kenya a été freiné par la troisième vague de coronavirus causée par le variant Delta. L’île Maurice et les Seychelles ont souffert de mesures très restrictives qui ont négativement affecté l’industrie du tourisme. Les activités du secteur ont repris, le gouvernement ayant assoupli les restrictions et intensifié le déploiement de la vaccination. Les Seychelles et l’île Maurice ont enregistré les taux de vaccination les plus élevés du continent, avec respectivement 70 % et 59 % de la population entièrement vaccinée. Les gouvernements ont décidé d’ouvrir leurs frontières aux touristes qui ont reçu au moins une dose du vaccin. L’escalade des tensions politiques freine le processus de redressement de l’Éthiopie. Afrique de l’Ouest et centrale La croissance économique du Nigéria montre peu de signes d’une reprise rapide après la récession de 2020. L’économie a connu une croissance de 5 % au deuxième trimestre, contre 0,5 % au premier trimestre. Il s’agit du troisième trimestre consécutif de croissance positive depuis la crise de la pandémie. Le principal moteur de la reprise est le secteur non pétrolier, avec un taux de croissance de 6,7 %, contre 0,8 % au premier trimestre (Figure 1.17). Le secteur des services s’est fortement redressé après un premier trimestre décevant, passant de -0,39 % à 9,27 % au deuxième trimestre, tandis que l’agriculture s’est contractée de 2,28 % au premier trimestre à 1,30 %. L’activité industrielle a également baissé à -1,23 % au deuxième trimestre 2021, contre 0,94 % au premier trimestre 2021 (graphique 1.15). Les récentes améliorations notées sur les marchés du travail ont été largement attribuées aux travailleurs qui se sont tournés vers les activités des petites entreprises non agricoles, s’activant dans la distribution et le commerce, bien que leurs revenus restent précaires. Au premier semestre 2021, le déficit budgétaire s’est creusé à 4 % du PIB, sous l’effet d’une augmentation des coûts du service de la dette et des dépenses d’investissement. Le Ghana n’a pas été épargné par la hausse des infections par la COVID-19 en juillet 2021. Les mesures utilisées pour contenir la propagation de la pandémie ont contrecarré la reprise à la mi- 2021 et l’activité a ralenti en août. Cependant, le pays a réussi à empêcher la propagation du virus et a apporté un soutien adéquat aux ménages touchés. Le pays a largement bénéficié des bonnes 24 > A F R I C A’ S P U L S E performances enregistrées au premier semestre de FIGURE 1.17 : Croissance du PIB au Nigéria, par secteur La reprise au Nigéria a été l’année, grâce à la hausse 15 principalement de la demande pour ses soutenue par exportations, notamment 10 le secteur des dans les secteurs agricole et services associé industriel. 5 à une expansion modérée de Les membres exportateurs de 0 l’agriculture, tandis pétrole de la Communauté que l’industrie a économique et monétaire -5 contrebalancé le de l’Afrique centrale (CEMAC) rebond. que sont le Cameroun, le -10 Tchad, la République du Congo, le Gabon et la Guinée -15 équatoriale ont bénéficié T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 d’une remontée des prix du 2019 2020 2021 pétrole et sont sortis de la récession de 2020 induite Agriculture Industrie Services par la COVID-19, à l’exception Source : Bureau national des statistiques du Nigéria. de la République du Congo, qui traverse toujours une récession prolongée. Toutefois, ces effets ont été contrebalancés par la propagation du variant Delta de la COVID-19, la baisse de la production pétrolière au cours du premier semestre dans le cas du Gabon et de la République du Congo, et l’insécurité croissante, notamment en République centrafricaine, au Cameroun et au Tchad. Au Cameroun, la flambée des prix du pétrole, associée à la numérisation des procédures fiscales et douanières, a généré davantage de recettes publiques, tandis que les dépenses publiques ont été contenues à 0,4 % en glissement annuel au 1er trimestre 2021. Les exportateurs de métaux de la sous-région auraient dû profiter de l’amélioration des termes de l’échange, mais la remontée des prix des métaux s’est stabilisée en raison de l’affaiblissement de la demande chinoise. Les données d’enquête suggèrent que le variant Delta freine la forte reprise économique enregistrée au cours du premier semestre dans toute la région. Le rythme de vaccination très lent dans les pays de la région laisse penser que les mesures de contrôle de la pandémie resteront très probablement en place pendant un certain temps dans de nombreuses parties de la région. Les indicateurs de haute fréquence dans la sous-région de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe signalent un ralentissement de l’activité économique en juin et juillet. Après avoir plongé à 43,5 en juillet, l’indice PMI manufacturier de l’Afrique du Sud s’est fortement redressé pour atteindre 57,9 en août (Figure 1.18). Suite à l’assouplissement des restrictions et au lendemain des troubles civils, la reprise du PMI a également reflété un rebond des ventes de véhicules neufs (augmentation de 25,7 %) après un effondrement brutal en juillet. De même, la confiance des consommateurs est restée faible mais s’est légèrement améliorée (de -13 à -10), se rapprochant ainsi du niveau prépandémique. Ce sentiment est en cohérence avec le soutien budgétaire apporté aux ménages par la réintroduction de l’allocation d’aide contre la détresse sociale et l’allocation unique en espèces aux employés du gouvernement dans le cadre de l’accord salarial 2021/22. Sans surprise, l’indice de confiance des entreprises RMB/BER en Afrique du Sud est tombé à 43 au troisième trimestre, après avoir touché la barre des 50 points (graphique 1.19). Les effets des émeutes et des pillages se sont reflétés dans la production manufacturière, qui s’est contractée de 8 % en juillet, après une baisse de 1,3 % en juin. A F R I C A’ S P U L S E > 25 En Angola, la production de La baisse de FIGURE 1.18 : PMI, production manufacturière et ventes de véhicules pétrole en juillet est restée la production neufs en Afrique du Sud inférieure aux niveaux de manufacturière, de 120 40 l’année dernière de 150 000 l’indice PMI et des ventes de véhicules 30 barils par jour, soit 220 000 100 barils de moins que l’objectif neufs en juillet 20 Mois après mois, évolution en % illustre les effets de de l’OPEP. Le secteur a été 80 10 touché par la pandémie, ce la troisième vague de COVID-19 et des 0 qui a entraîné des retards Indice 60 troubles politiques. -10 dans l’exploration de nouveaux gisements et dans 40 -20 les investissements dans -30 de nouveaux projets. Les 20 -40 restrictions imposées ont particulièrement impacté le 0 -50 secteur extérieur du Kenya, 15 jan. 15 juil. 16 jan. 16 juil. 17 jan. 17 juil. 18 jan. 18 juil. 19 jan. 19 juil. 20 jan. 20 juil. 21 jan. 21 juil. entraînant une baisse des exportations de café et de PMI manufacturier (Expansion 50+) Ventes de véhicules neufs (Afrique du Sud, 2015=100) thé. Les importations ont Production manufacturière (% du taux de croissance, mois après mois) (axe de droite) augmenté, ce qui a exercé Source : Haver Analytics, statistiques de l’Afrique du Sud. une pression sur la balance courante, creusant ainsi le Les inquiétudes FIGURE 1.19 : Indice de confiance des entreprises sud-africaines RMB/BER déficit. En conséquence, liées aux effets la monnaie nationale s’est 60 du variant Delta, dépréciée de 3 % par rapport associées aux au dollar (USD). L’indice émeutes et aux 50 PMI a légèrement diminué, pillages de juillet, passant de 51 en juin à 50,6 ont affecté la 40 confiance des en juillet. Au Rwanda, la entreprises. croissance de la production 30 industrielle s’est fortement Indice ralentie, passant de 25,1 % 20 en glissement annuel en juin à 6,2 % en juillet, à 10 la suite des restrictions imposées par les autorités 0 pour réduire la propagation du variant Delta. L’activité 2010T2 2010T4 2011T2 2011T4 2012T2 2012T4 2013T2 2013T4 2014T2 2014T4 2015T2 2015T4 2016T2 2016T4 2017T2 2017T4 2018T2 2018T4 2019T2 2019T4 2020T2 2020T4 2021T2 manufacturière a baissé de Source : Haver Analytics. 8,3 % en glissement annuel en juillet. Les secteurs qui ont tiré la reprise sont les mines et carrières, l’ameublement et autres produits manufacturés, ainsi que les produits chimiques, le caoutchouc et les plastiques. De même, les mesures strictes prises par l’Ouganda pour contenir la hausse des infections ont considérablement ralenti l’activité économique au début du troisième trimestre. L’indice PMI s’est effondré en juin et a enregistré une nouvelle baisse en juillet, les secteurs du commerce de détail et des loisirs étant les plus touchés. La sous-région de l’Afrique de l’Ouest et centrale présente un tableau similaire. Au Nigéria, l’activité industrielle a été en partie affectée par les mesures mises en œuvre pour contenir la propagation du 26 > A F R I C A’ S P U L S E variant Delta. L’apparition de la troisième vague du virus a pesé sur l’activité plus récemment, mais l’économie s’en est sortie avec une reprise régulière de la fréquentation des commerces de détail et des lieux de loisirs, et le PMI a augmenté à 55,4 en juillet. Le secteur pétrolier s’est contracté de 12,7 %, en raison de la baisse de la production de pétrole, qui s’est établie à 1,61 million de barils par jour au deuxième trimestre 2021, contre 1,81 million de barils par jour. La Côte d’Ivoire a été confrontée à de nouveaux foyers de grippe aviaire, en plus de la propagation du variant Delta. La production industrielle a faibli au deuxième trimestre 2021, après une forte activité au premier trimestre. Malgré la recrudescence des cas de COVID-19, le secteur du commerce a poursuivi son redressement, les visites dans les magasins de détail et les centres de loisirs continuant leur trajectoire ascendante. Le gouvernement a également intensifié son plan de vaccination, avec près de 2 millions de vaccinés sur 2,6 millions de doses de vaccin reçues au 25 septembre 2021. Les données à haute fréquence du Ghana ont montré une légère baisse du PMI, qui est passé de 51 en juin à 49,7 en juillet. Les chiffres de la mobilité suggèrent une nouvelle baisse de l’activité économique en août. Les positions extérieures devraient s’améliorer dans les pays riches en ressources naturel- les grâce à la hausse des prix des matières premières, malgré la volatilité de ces prix. Selon les estimations, le déficit de la balance courante de la région s’est légèrement creusé pour atteindre 5,2 % du PIB en 2020, contre 5,5 % en 2021, malgré la hausse des prix mondiaux des produits de base et la reprise du commerce mondial (Figure 1.20). Le déficit de la balance courante devrait se réduire à 5,3 % et 5,1 % du PIB en 2022 et 2023, respectivement. Cependant, l’agrégat régional du déficit de la balance courante masque une hétérogénéité considérable entre les groupes de pays. En 2021, le déficit de la balance courante s’est creusé dans les pays pauvres en ressources, tandis qu’il s’est réduit dans les pays riches en ressources. Le déficit des pays pauvres en ressources s’est creusé, passant de 4,3 % du PIB en 2020 à 5,9 % du PIB en 2021, et il devrait se stabiliser autour de 5,5 % en 2022-23. Quant aux pays exportateurs de pétrole, ils ont vu leur déficit courant se réduire à 4,6 % du PIB en 2021, contre 6 % du PIB en 2020. Ces pays devraient également connaître une correction marquée de leur balance courante, qui deviendrait excédentaire de 0,7 % en 2022 avant de redevenir déficitaire de 2,4 % en 2023. Cette tendance est associée à l’augmentation des recettes d’exportation grâce à la hausse des prix du pétrole. Les exportateurs de minéraux et de métaux ont enregistré une baisse du déficit de la balance courante de 3 points de pourcentage du PIB. Compte tenu des prix élevés des métaux, qui devraient se stabiliser à un niveau plus élevé, les pays exportateurs de métaux et de minéraux devraient réduire FIGURE 1.20 : Évolution de la balance courante (% du PIB) Le redressement du leur déficit de 7,8 % du PIB en déficit de la balance 2 2021 à 4,1 % en 2023. courante des pays 0 exportateurs En Afrique du Sud, l’excédent de pétrole est de la balance courante -2 contrebalancé par Pourcentage (corrigé des variations -4 la lenteur de la saisonnières et annualisé) reprise des pays s’est élargi, passant de 261 -6 exportateurs de milliards de rands au premier métaux et des -8 pays non riches en trimestre 2021 à 343 milliards ressources. de rands au deuxième -10 trimestre 2021, soit une -12 augmentation de 1,3 point de 2016 2017 2018 2019 2020e 2021f 2022f 2023f pourcentage du PIB à 5,6 % Afrique subsaharienne, médiane Pays exportateurs de pétrole en ASS du PIB au deuxième trimestre. Pays exportateurs de minerais et de métaux en ASS Pays non riches en ressources en ASS On s’attend à ce que les troubles et la cyberattaque Source : Projections des services de la Banque mondiale. contre les opérations de A F R I C A’ S P U L S E > 27 Transnet affectent les exportations au troisième trimestre 2021. L’excédent commercial s’est accéléré pour atteindre 614 milliards de rands au deuxième trimestre 2021 grâce à une tendance à la hausse prolongée des exportations de marchandises, qui ont enregistré une augmentation trimestrielle de 13,2 % pour atteindre 1,830 milliard de rands au deuxième trimestre 2021. Ce rebond des exportations a été soutenu par des termes de l’échange favorables, une augmentation des volumes d’exportation et une amélioration de la demande mondiale. Les importations ont augmenté de 3,4 % sur une base trimestrielle pour atteindre 1,310 milliard de rands au deuxième trimestre 2021. L’excédent commercial est donc passé de 7,5 % du PIB au premier trimestre 2021 à 10 % au deuxième trimestre 2021. La vulnérabilité de la dette continue d’augmenter dans le contexte de la pandémie. Les niveaux de la dette publique dans les pays d’Afrique subsaharienne ont connu une forte augmentation déjà ressentie avant la crise COVID-19. En moyenne, la dette publique brute devrait atteindre 71 % du PIB en 2021, soit une augmentation de 30 points de pourcentage du PIB depuis 2013 (Figure 1.21)9. Avec des ratios d’endettement plus élevés, associés à un recours accru à des sources de financement plus coûteuses, les paiements d’intérêts ont gonflé dans la région. En recourant davantage au financement aux conditions commerciales, reflétant en partie la récente flambée des émissions d’euro-obligations, les pays d’Afrique subsaharienne ont accru leur vulnérabilité aux risques de taux d’intérêt, de taux de change et de refinancement. En août 2021, les pays d’Afrique subsaharienne ont levé 9 milliards USD en euro-obligations, un montant supérieur aux 5,9 millions USD levés en 2020 (Figure 1.22). En août 2021, le Ghana fut le principal émetteur avec 3 milliards USD en euro-obligations. Il est le premier pays d’Afrique subsaharienne à avoir émis une euro-obligation en dollars depuis l’apparition de la pandémie. Cette levée de fonds s’inscrit dans le cadre du financement de 5 milliards USD destinés à soutenir les dépenses visant à stimuler la croissance, comme le prévoit le budget du gouvernement pour 2021. En septembre, le Nigéria a levé des fonds à hauteur de 4 milliards USD d’euro-obligations lors d’une vente qui a attiré des offres quatre fois supérieures au montant que le gouvernement avait initialement prévu de lever. Le pays a émis la dette en trois tranches de crédit différentes. D’abord, il a levé 1,25 milliard USD pour une durée de sept ans à un taux d’intérêt de 6,125 % ; ensuite il a émis des obligations d’une durée de 12 ans à un taux d’intérêt de 7, 375 % pour obtenir 1,5 milliard USD. Finalement, une tranche de 1,25 milliard USD sur 30 ans Forte augmentation FIGURE 1.21 : Évolution de la dette publique en Afrique subsaharienne de la dette (en pourcentage du PIB) a été vendue à un taux publique dans d’intérêt de 8,25 %. 140 les pays d’Afrique La pandémie de COVID-19 subsaharienne 120 avant la crise de la a aggravé la vulnérabilité COVID-19. 100 de la dette dans la région. La part des pays d’Afrique 80 subsaharienne estimée en 60 situation de surendettement, ou présentant un risque 40 élevé de surendettement 20 extérieur, a augmenté pour atteindre près de la 0 moitié des pays avant la 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 crise (Figure 1.23). En 2021 Percentile 25–75 Moyenne Médiane jusqu’ à ce jour deux pays Sources : Perspectives de l’économie mondiale, avril 2021 ; estimations du personnel de la Banque mondiale. de la région ont vu leur risque de surendettement 9 Environ 95 % des pays en développement à faible revenu d’Afrique subsaharienne ont vu l’encours de la dette publique augmenter. 28 > A F R I C A’ S P U L S E augmenter.10 La hausse des dépenses budgétaires FIGURE 1.22 : Émissions d’euro-obligations en septembre 2021 La hausse des (milliards de dollars USD) émissions devrait causer d’importants problèmes de viabilité de 15 d’euro-obligations a amplifié les la dette. vulnérabilités de L’amélioration de la la dette en Afrique transparence de la dette subsaharienne. 10 reste un enjeu majeur, notamment pour combler les lacunes en matière de couverture et de qualité des 5 données et aussi en matière de rapports sur les passifs éventuels. Les données issues de l’Évaluation de la 0 performance de la gestion 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021* de la dette, par la Banque Bénin Cameroun Côte d'Ivoire Éthiopie Ghana Kenya mondiale, font apparaître Mozambique Nigéria Rwanda Sénégal Tanzanie Zambie Gabon des lacunes importantes dans la prévision des flux de Sources : Bloomberg ; estimations du personnel de la Banque mondiale à fin septembre 2021. Remarque : Données à fin septembre 2021. trésorerie et dans la gestion des soldes budgétaires ainsi que dans la gestion des garanties de prêts et des produits de financement dérivés (Figure 1.24). Des problèmes plus généraux persistent concernant la gouvernance de la gestion de la dette, notamment la faiblesse des cadres juridiques, l’absence d’audits, la mauvaise administration des données et du contrôle interne ainsi que le manque de personnel. À travers le temps, les progrès ont été modestes et inégaux. 11 FIGURE 1.23 : Évolution du risque de surendettement extérieur (pourcentage du total) La part des pays d’Afrique 100 subsaharienne évalués comme 80 étant en situation de surendettement En pourcentage du total ou présentant un 60 risque élevé de surendettement 40 extérieur a augmenté pour atteindre près de 20 la moitié des pays avant la crise. 0 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Faible Modéré Élevé Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale en juin 2021. Remarque : Les données reprennent les analyses conjointes de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international sur la viabilité de la dette des pays à faible revenu d’Afrique subsaharienne. Le nombre de pays varie selon les années. 10 Le risque de surendettement est passé de modéré à élevé en Guinée-Bissau et de faible à modéré en Ouganda. 11 Pour plus de détails, voir les volumes 22 et 23 du rapport d’Africa’s Pulse sur les questions de disponibilité et d’exhaustivité relatives aux statistiques et à la gestion de la dette. A F R I C A’ S P U L S E > 29 Il y a eu quelques progrès, L’amélioration de la FIGURE 1.24 : Dimensions de l’enregistrement et de l’information de la dette pour les pays remplissant les conditions bien que lents, dans le transparence de la dette reste un défi processus d’allégement de Cadre juridique la dette par l’intermédiaire majeur. Des lacunes Enregistrements de la dette 80% Structure de gestion du Cadre commun pour importantes persistent dans Ségrégation des missions, 60% Stratégie de gestion le traitement de la dette la prévision des capacité du personnel et PCA de la dette au-delà de la DSSI. En juin, 40% flux de trésorerie les créanciers bilatéraux Administration de la dette Déclaration et et la gestion des et sécurité des données 20% évaluation de la dette officiels sont parvenus à un soldes de trésorerie, 0% accord préliminaire sur la ainsi que dans les Prévisions des ux de restructuration de la dette garanties de prêts trésorerie et gestion du Audit solde de trésorerie du Tchad. L’acceptation et les dérivés de de la restructuration de prêts. Garanties de prêt, Coordination avec les dérivés des prêts politiques budgétaires la dette selon les termes et conditions du cadre Emprunts extérieurs Coordination avec les commun est attendue de Emprunts intérieurs politiques monétaires la part des créanciers privés Source : Banque mondiale. pour permettre au processus Remarque : Part des pays d’Afrique subsaharienne qui satisfont à l’exigence minimale. d’aller à son terme. Le 16 septembre 2021, le comité des créanciers de l’Éthiopie a tenu sa première réunion pour discuter de la restructuration de la dette du pays dans le contexte du cadre commun. Des réunions ultérieures détermineront le montant de la dette à restructurer et le traitement de la dette du secteur privé. Le gouvernement éthiopien a également officiellement demandé un programme du FMI pour lequel la viabilité de la dette sera une condition préalable. Le Fonds monétaire international a approuvé une allocation générale de droits de tirage spéciaux (DTS) correspondant à 650 milliards USD (environ 456 milliards de DTS) en août 2021, afin de répondre au besoin mondial à long terme de réserves, de renforcer la confiance et de favoriser la résilience et la stabilité de l’économie mondiale. Environ 275 milliards USD (soit 193 milliards de DTS) de la nouvelle allocation sont destinés aux marchés émergents et économies en développement (MEED), y compris les pays à faible revenu ; ils permettront notamment aux pays vulnérables de réduire leur dépendance à l’égard d’une dette intérieure ou extérieure plus coûteuse12. Après avoir atteint des niveaux record en avril, les écarts de rendement d’obligations souveraines ont sensiblement diminué, notamment dans les pays dont le ratio dette/PIB est élevé, comme la Zambie et l’Angola. Le risque de défaut de paiement a diminué en Zambie après sa négociation d’un programme avec le FMI. Les rendements des obligations souveraines ont encore baissé après l’élection du leader de l’opposition Hakainde Hichilema. Les acteurs du marché espèrent que le nouveau président s’attachera à accélérer les réformes favorables au marché, à adopter des politiques macroéconomiques saines et à mettre l’accent sur la lutte contre la corruption, l’amélioration de la transparence et la conclusion d’un accord avec le FMI. En anticipant ces changements, le kwacha s’est apprécié de 19 % par rapport au dollar américain. De la même manière, les écarts de rendement de la dette souveraine en Angola ont reculé par rapport à leurs niveaux élevés d’avril dernier, en raison des efforts d’assainissement budgétaire (reflétés par une réduction des dépenses non essentielles) et des perspectives d’une hausse persistante des prix du pétrole. Au Ghana, les rendements des obligations souveraines ont augmenté, la dette publique ayant atteint 77,1 % en juin. Les monnaies nationales de la région se sont dépréciées par rapport au dollar américain en juillet, à l’exception du kwacha zambien (Figure 1.25). 12 Pour plus de détails sur les caractéristiques et la participation des économies africaines au Cadre commun ainsi que d’autres mécanismes d’allégement de la dette tels que l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI) et la Politique de financement durable du développement (SDFP) voir le volume 23 du rapport d’Africa’s Pulse. 30 > A F R I C A’ S P U L S E FIGURE 1.25 : Taux de change par rapport au dollar américain L’endettement élevé a augmenté 700 l’exposition de l’Afrique 600 subsaharienne aux risques liés aux taux de change. Variations cumulatives du taux de change 500 Indice = 100, 01/01/2015 400 300 200 100 0 1/1/15 9/1/15 5/1/16 1/1/17 9/1/17 5/1/18 1/1/19 9/1/19 5/1/20 1/1/21 9/1/21 Kwanza angolais Cedi ghanéen Shilling kenyan Naira nigérien Rand sud-africain Shilling ougandais Kwacha zambien Source : Bloomberg. Remarque : Données au 10 septembre 2021. L’inflation a augmenté en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires. L’inflation en Afrique subsaharienne est passée de 3,5 % en 2020 à 4,3 % en 2021, une augmentation attribuée à la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie (Figures 1.26 et 1.27). L’inflation devrait augmenter pour atteindre 4,5 % en 2022 et 2023. Un taux d’inflation plus élevé est également prévu dans les pays exportateurs de minéraux et de métaux où l’on prévoit que l’inflation culmine à 7,4 % en 2021 pour retomber à 4,8 % en 2023. Parmi les pays pauvres en ressources, l’inflation devrait passer de 3,1 % en 2020 à 4 % en 2021, suivie d’une accélération à 4,1 % en 2022, avant de retomber à 3,8 % en 2023. En revanche, on s’attend à une dynamique déflationniste dans les pays exportateurs de pétrole où le taux d’inflation est passé de 5,8 % en 2020 à 3,5 % en 2021 et où il devrait encore baisser pour atteindre 3,3 % en 2023. En Afrique subsaharienne, la majorité des pays (38 sur 47) enregistreront des taux d’inflation moyens à un chiffre en 2021, tandis que seuls deux pays connaîtront des taux d’inflation moyens supérieurs à 50 % (Soudan et Zimbabwe). Au niveau national, l’inflation en Afrique du Sud, de 4,6 % en juillet, a augmenté en août pour atteindre 4,9 %. Elle devrait s’établir à 4,2 % en moyenne en 2021, juste en dessous du point médian de la fourchette cible officielle de 3 à 6 %, puis augmenter pour atteindre le point médian de la cible en 2023. Compte tenu de cette trajectoire, il est peu probable que la Banque centrale sud-africaine relève son taux directeur dans un avenir proche. En Zambie, l’inflation demeure inchangée à 24,4 % en glissement annuel en août, bien au-dessus de la fourchette cible de 6 à 8 %. Elle devrait passer à 21 % en 2021 et retomber progressivement à 10 % en 2023, ce qui reste supérieur à la limite A F R I C A’ S P U L S E > 31 supérieure de la fourchette Dans l’ensemble, FIGURE 1.26 : Inflation en Afrique subsaharienne de 2016 à 2023 cible. En Afrique de l’Est, l’inflation devrait 8 l’inflation a légèrement augmenter pour atteindre 4,3 Évolution annuelle de l'IPC 7 augmenté au Kenya, passant %, mais reste 6 de 6,55 % en juillet à 6,57 % néanmoins 5 en août et reste dans les contenue 4 limites de l’objectif de la conformément 3 banque centrale qui est à l’objectif de la 2 de 2,5 à 7,5 %. Après avoir banque centrale. 1 enregistré une hausse de 0 6 points de pourcentage 2016 2017 2018 2019 2020 2021f 2022f 2023f pour 2021, le taux d’inflation Afrique subsaharienne Pays exportateurs de pétrole en ASS devrait revenir vers le point Pays exportateurs de minerais et de métaux en ASS Pays non riches en ressources en ASS médian de la cible de 2022- 2023. La Banque centrale a Source : Projections du personnel de la Banque mondiale. décidé de maintenir le taux L’inflation a FIGURE 1.27 : Indice d’inflation alimentaire pour les pays sélectionnés directeur à 7 %. augmenté en raison 200 Parmi les pays ayant des de la hausse des prix des matières taux d’inflation élevés, le Indice des prix à la consommation : denrées coût annuel de la vie au alimentaires et boissons non alcoolisées premières, 175 en particulier Zimbabwe a baissé en août des denrées 150 pour atteindre son niveau alimentaires et des le plus bas depuis environ carburants. trois ans. L’inflation au cours 125 du mois d’août a atteint 50,2 %, contre 56,4 % en 100 juillet.13 La hausse des prix des denrées alimentaires 75 et des prix administrés (par exemple, les tarifs 8/1/18 10/1/18 12/1/18 2/1/19 4/1/19 6/1/19 8/1/19 10/1/19 12/1/19 2/1/20 4/1/20 6/1/20 8/1/20 10/1/20 12/1/20 2/1/21 4/1/21 6/1/21 8/1/21 de fret) est à l’origine de Angola Ghana Nigéria Afrique du Sud l’accélération de l’inflation. Zambie Kenya Éthiopie Au Soudan, l’inflation a Source : Haver Analytics. ralenti à 387,6 % en août, contre 422,8 % en juillet, en raison de la baisse du coût des produits alimentaires et des biens importés. Il s’agit de la première baisse de l’inflation annualisée depuis plus d’un an. La baisse de l’inflation a été largement attribuée à la stabilité du taux de change du pays, à la suite de la dévaluation de la monnaie en février, et à la baisse des prix des produits alimentaires essentiels.14 Dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, l’inflation au Nigéria demeure élevée à 17,4 % en glissement annuel en juillet, même si elle a légèrement diminué au cours des quatre derniers mois consécutifs. Cette année, l’inflation moyenne devrait atteindre 16,5 %, bien au- dessus de la fourchette cible officielle de 6 à 9 %. Elle devrait ensuite ralentir à 13,5 % en 2022 et à 11 % en 2023. Au Ghana, la faiblesse de la monnaie nationale, associée à une augmentation des prix des denrées alimentaires, a fait passer l’inflation globale de 9 % en glissement annuel en juillet 13 Toutefois, l’inflation mensuelle de 2,56 % en juillet 2021 a atteint 4,2 % en août 2021, ce qui représente le taux d’inflation mensuel le plus élevé depuis janvier 2021. 14 Le Soudan a reçu 858 millions USD de l’allocation de droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international. Selon la Banque centrale du Soudan, ces réserves supplémentaires permettront d’alimenter les réserves de change et de soutenir le régime de change. 32 > A F R I C A’ S P U L S E à 9,7 % en août, soit un peu plus près de la limite supérieure de la fourchette cible officielle de 6 à 10 %. On estime qu’elle devrait rester proche de la limite supérieure à 9,8 % en 2021 et diminuer progressivement pour atteindre 6,8 % en 2023. Les déficits budgétaires ne devraient pas varier en 2021, mais ils se réduiront sen- siblement dans les pays riches en ressources. Le déficit budgétaire de l’Afrique subsaharienne devrait rester invariable à 5,4 % du PIB en 2021, mais il devrait tomber à 4,5 % du PIB en 2022 et à 3 % du PIB en 2023 (Figure 1.28). Dans les groupes de pays de la région, le déficit budgétaire devrait diminuer dans les pays riches en ressources (pays exportateurs de pétrole, de métaux et minéraux), tandis qu’il demeurera inchangé dans les pays pauvres en ressources. Les déficits budgétaires des pays producteurs de pétrole devraient se réduire passant de 2,1 % du PIB en 2020 à 1,2 % du PIB en 2021, grâce à la hausse des recettes du secteur pétrolier. Dans le cas des exportateurs de métaux et de minéraux, le déficit devrait FIGURE 1.28 : Solde budgétaire en Afrique subsaharienne (% du PIB) Le solde budgétaire diminuer de 5,2 % du PIB en devrait rester 2 2020 à 3,3 % du PIB en 2021. stable, reflétant 1 l’assainissement Dans certains pays riches en des finances ressources, comme l’Angola 0 publiques alors que et la Zambie, l’amélioration les préoccupations des soldes budgétaires reflète -1 concernant la Pourcentage du PIB non seulement la hausse -2 viabilité des des prix internationaux de finances publiques leurs matières premières, -3 s’intensifient. mais aussi les efforts du -4 gouvernement pour consolider ses finances. Enfin, -5 le déficit budgétaire des -6 pays pauvres en ressources devrait rester à 5,6 % du PIB -7 2016 2017 2018 2019 2020e 2021f 2022f 2023f en 2021. En 2022-2023, le solde budgétaire continuera Afrique subsaharienne Pays exportateurs de pétrole en ASS de s’améliorer dans les pays Pays exportateurs de minerais et de métaux en ASS Pays non riches en ressources en ASS de la région. Quoique partant Source : Projections du personnel de la Banque mondiale. de déficits budgétaires plus élevés, les pays pauvres en ressources devraient réussir à réduire leur déficit à un rythme plus rapide que les pays riches en ressources pendant les deux prochaines années. Plus précisément, le déficit budgétaire des pays pauvres en ressources devrait tomber à 3,7 % du PIB en 2023. A F R I C A’ S P U L S E > 33 1.4 PERSPECTIVES Après une contraction de 2,0 % en 2020, le PIB réel de l’Afrique subsaharienne devrait croître de 3,3 % en 2021 et de 3,5 % en 2022. La croissance en 2021 a été revue à la hausse de 1,0 point de pourcentage par rapport aux prévisions de l’Africa’s La croissance FIGURE 1.29 : Contribution à la croissance, côté offre Pulse, volume 23, grâce en Afrique 5 aux prix des matières subsaharienne 4 premières meilleurs que devrait se redresser 3 prévu, soutenus par pour atteindre 3,3 % en 2021, la demande mondiale Pourcentage 2 soutenue du (Figure 1.29). L’activité a 1 repris dans les secteurs des côté de l’offre par une reprise 0 services, de l’industrie et de la croissance -1 de l’agriculture, de même dans les secteurs que la consommation des services, de -2 privée au premier et au l’industrie et de -3 deuxième trimestre de 2021 l’agriculture. 2015 2016 2017 2018 2019 2020e 2021f 2022f 2023f (Figure 1.30). Toutefois, le Agriculture Industrie Services Croissance du PIB réel rythme de la reprise a été Source : Projections du personnel de la Banque mondiale. entravé par de nouvelles mesures de confinement Du côté de la FIGURE 1.30 : Contribution à la croissance, côté demande dues à l’apparition du variant demande, le rebond 5 Delta du coronavirus. En est dû à une reprise conséquence, certains 4 de la consommation 3 pays ont à nouveau privée et à la 2 imposé des mesures de modération des Pourcentage investissements confinement strictes, ce qui 1 à mesure que les a freiné la consommation. 0 Contraints par une marge pays rouvrent leurs portes. -1 de manœuvre budgétaire -2 limitée, les pays d’Afrique -3 subsaharienne ont eu du 2015 2016 2017 2018 2019 2020e 2021f 2022f 2023f mal à apporter un soutien Consommation publique Consommation privée Investissement xe brut adéquat aux entreprises Exportations nettes Croissance du PIB réel et aux ménages les plus Source : Projections du personnel de la Banque mondiale. vulnérables. Avec de faibles taux de vaccination, les pays de la région restent exposés à l’émergence de nouveaux variants du coronavirus. L’inadéquation du soutien budgétaire et l’insuffisance de l’approvisionnement et du déploiement des vaccins assombrissent les perspectives des pays de la région. Afrique de l’Est et australe L’Afrique de l’Est et l’Afrique australe, la sous-région la plus durement touchée par la troisième vague du coronavirus, devrait rebondir d’une contraction de 3 % du PIB en 2020 à une croissance de 3,3 % en 2021 et de 3,4 % en 2022 (Figure 1.31). La croissance en Afrique du Sud devrait rebondir de -6,4 % en 2020 à 4,6 % en 2021, soutenue par un environnement mondial favorable et des effets de base. Cependant, le pays est confronté à de nombreux défis pour l’avenir. Le taux de chômage est passé de 32,6 % au premier trimestre 2021 à 34,4 % au deuxième trimestre 2021, soit le niveau le plus élevé enregistré depuis la publication de l’enquête trimestrielle sur la population active. En outre, la hausse 34 > A F R I C A’ S P U L S E du niveau d’endettement pèse sur la capacité du FIGURE 1.31 : Prévisions de croissance du PIB pour l’Afrique La reprise varie gouvernement à faire face de l’Est et australe selon les régions et aux problèmes sociaux sans 6 les pays, en fonction compromettre la viabilité des caractéristiques 5 et des contraintes de ses finances publiques. 4 stratégiques. Adresser les pénuries d’électricité, la corruption au 3 Pourcentage sein du parti au pouvoir ainsi 2 que les besoins pressants de 1 réforme sur les marchés du 0 travail et des produits reste -1 une priorité pour soutenir la croissance potentielle. -2 -3 Après deux années -4 consécutives de récession, 2019 2020e 2021f 2022f l’activité économique en Afrique de l'Est et australe Afrique de l'Est et australe, hors Afrique du Sud Angola devrait rebondir, Pays non riches en ressources Pays exportateurs de minerais et de métaux, hors Afrique du Sud de -5,4 % en 2020 à 0,4 % EAC en 2021, pour s’accélérer Source : Projections du personnel de la Banque mondiale. et atteindre 3,1 % en 2022 grâce à la hausse des prix du pétrole. L’adoption d’une stratégie d’assainissement budgétaire ouvre la voie à une réduction des dépenses non essentielles. Le gouvernement central devrait dégager des excédents budgétaires primaires considérables pour 2021-23, ce qui contribuera à réduire les niveaux de la dette publique par rapport au PIB — bien que ces perspectives restent en proie aux risques liés aux prix du pétrole. Grâce au durcissement de la politique monétaire et à la stabilisation du taux de change, le processus de désinflation devrait se poursuivre. L’amélioration des conditions d’offre grâce à des réformes structurelles devrait améliorer les conditions de l’offre et, à moyen et long terme, atténuer les pressions sur les prix. Si l’on exclut l’Angola et l’Afrique du Sud, la sous-région devrait connaître une croissance de 3,1 % en 2021 et de 4,3 % en 2022. En Zambie, l’économie devrait croître de 2,2 % en 2021, après une récession de -3 % en 2020. Le taux de croissance s’accélérera encore pour atteindre 2,9 % en 2022. Une augmentation des prix des métaux, en particulier du cuivre, soutiendra la reprise ; toutefois, des risques de baisse subsistent en raison du ralentissement de la croissance de la Chine et de l’augmentation des cas liés au variant Delta. L’appréciation pour les nouveaux dirigeants en Zambie attirera davantage d’investissements directs étrangers et mettra le pays sur la voie d’une croissance accélérée. Les contraintes budgétaires, la dépendance à l’égard de l’irrigation pluviale et le changement climatique pourraient altérer les perspectives de croissance à long terme. Les pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe pauvres en ressources naturelles devraient connaître une croissance de 3 % en 2021, qui s’accélérera pour atteindre 4,3 % en 2022 grâce à une augmentation du tourisme. Maurice et les Seychelles devraient connaître une croissance rapide de 5,1 % et 6,9 % respectivement en 2021. En 2022, ces taux devraient se situer à 6,6 % et 7,7 % respectivement. Ces pays ont connu des performances supérieures aux autres en raison du succès de la campagne de vaccination et la réouverture des frontières aux visiteurs vaccinés. Au Rwanda, l’économie devrait rebondir de -3,4 % en 2020 à 4,9 % en 2021 et 6,4 % en 2022. Ce relèvement marqué s’est déjà retrouvé dans une hausse de la consommation et du commerce constaté avant l’apparition du variant Delta. De plus, le commerce a pris de l’élan grâce à une reprise plus forte dans les économies avancées et dans certains pays émergents, ce qui devrait soutenir la croissance dans A F R I C A’ S P U L S E > 35 les secteurs miniers et orientés vers l’exportation. La viabilité budgétaire restera un défi à moyen terme. L’augmentation projetée des dépenses publiques comprend une expansion de la campagne de vaccination contre la COVID-19 et un soutien aux ménages et aux entreprises vulnérables. La dette publique devrait atteindre 79,1 % du PIB en 2021 et 81,3 % en 2022. L’activité économique au Kenya devrait rebondir, passant d’une croissance de -0,3 % en 2020 à 5 % en 2021, et elle devrait croître en moyenne de 4,8 % en 2022-23. Ces perspectives positives reflètent des améliorations dans les secteurs de la construction, de l’éducation, de l’information et de la communication, et de l’immobilier. L’inflation reste contenue près de l’objectif de la banque centrale, et la politique monétaire continue de soutenir la croissance. La dette publique devrait passer de 65,8 % du PIB en 2020 à 69,2 % en 2021. Au Soudan, la croissance du PIB devrait s’accélérer pour atteindre 0,9 % en 2021, après une contraction de 3,6 % en 2020. L’amélioration des conditions dans l’agriculture et la hausse de l’activité économique après la levée des restrictions liées à la pandémie ont été les moteurs de cette performance. L’activité économique devrait continuer à croître en 2022 et 2023. En effet, une plus grande stabilité macroéconomique favoriserait l’augmentation des entrées de capitaux privés étrangers et le financement du développement. Afrique de l’Est et centrale La sous-région de l’Afrique de l’Est et centrale devrait connaître un taux de croissance de 3,2 % en 2021, contre -0,8 % en 2020 (Figure 1.32). La sous-région devrait encore progresser de 3,6 % en 2022. Le Nigéria devrait passer de -1,8 % en 2020 à 2,4 % en 2021, grâce aux meilleures performances des secteurs pétrolier et non pétrolier. La réduction de la forte dépendance à l’égard du secteur pétrolier par la diversification des exportations et des actifs sera bénéfique pour l’économie à l’avenir, en particulier dans le cadre de la transition vers une économie à faible émission de carbone à moyen terme. Si l’on exclut le Nigéria, la sous-région devrait reprendre son élan après la faible performance de l’année dernière (0,7 %) pour atteindre 4,5 % en 2021 et 5,3 % en 2022. Le taux de croissance de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) devrait se situer à 5,6 % en 2021 et 6,1 % en 2022, propulsée par des termes de l’échange favorables. La Côte d’Ivoire devrait connaître des taux de croissance de 6,2 % et 6,5 % en 2021 et 2022, respectivement. Ces prévisions traduisent une augmentation des investissements (publics et La reprise varie FIGURE 1.32 : Prévisions de croissance du PIB pour l’Afrique privés), reflétant en partie la selon les régions et de l’Ouest et centrale les pays, en fonction normalisation politique après 8 des caractéristiques des élections législatives et des contraintes 6 pacifiques et inclusives, ainsi stratégiques. que les efforts en cours en 4 faveur de la réconciliation Pourcentage 2 nationale. Ces prévisions 0 reflètent également une augmentation de la -2 production de cacao, qui -4 s’est avérée plus importante que prévu au cours du -6 premier semestre, avec une 2020e 2021f 2022f augmentation en volume Afrique de l'Ouest et centrale Pays riches en ressources pétriolières, hors Nigéria Pays exportateurs de minerais et de métaux Pays non riches en ressources de 21 %, ainsi que de la Pays riches en ressources pétrolières CEMAC noix de cajou, le deuxième UEMOA produit le plus important, avec une croissance à 43 %. Source : Projections du personnel de la Banque mondiale. Le compte courant devrait 36 > A F R I C A’ S P U L S E rester déficitaire en raison de la vigueur des importations et de la faiblesse des exportations. Le Sénégal devrait connaître une croissance de 4,7 % et 5,5 % en 2021 et 2022, respectivement, grâce à l’expansion de l’agriculture et des mines et au rebond du secteur des services, les entreprises adaptant leurs opérations à l’environnement COVID-19. L’inflation devrait rester faible, autour de 2 %, et diminuer à 1,5 % en 2023. Le Ghana devrait afficher une croissance de, respectivement, 4,9 % et 5,5 % en 2021 et 2022, reflétant une forte croissance des exportations. L’économie s’est relativement bien comportée malgré l’apparition du variant Delta grâce au soutien fiscal du gouvernement. Le Ghana a reçu l’équivalent d’un milliard de dollars US lors de la récente allocation de DTS du FMI, dont une partie servira à soutenir la relance économique dans le cadre du programme CARES (Relance et Stimulation économiques suite à la COVID-19). Afin d’atteindre ses objectifs ambitieux de mobilisation des recettes intérieures (à partir de 2021), le gouvernement met en œuvre les réductions de dépenses prévues (à partir de 2022) et le programme de relance du secteur de l’énergie. Les pays de la CEMAC devraient connaître une croissance de 2,2 % et 3,1 % en 2021 et 2022, respectivement. L’activité économique de la République du Congo devrait rester en récession en 2021 (-1,2 %) mais croître de 3,2 % en 2022. Le pays profitera de la hausse des prix du pétrole et de l’augmentation des réserves de liquidités grâce à la nouvelle allocation de DTS du FMI (estimée à 1,7 % du PIB). La croissance économique du Cameroun devrait augmenter progressivement de 0,7 % en 2020 à 3,4 % en 2021 et croître à un rythme encore plus rapide en 2022-2023. Ce rebond est porté par les secteurs secondaire et tertiaire, en association avec une amélioration de la demande extérieure. La hausse des prix des matières premières (et, en particulier, du pétrole), couplée à une augmentation de la production pétrolière, a également contribué à la reprise. Le secteur des services s’est redressé grâce à l’augmentation de la consommation et des investissements suite à l’assouplissement des restrictions avant le déclenchement de la troisième vague de la COVID-19. Risque pour les perspectives : L’émergence de nouvelles souches de la COVID-19 Le risque pour les perspectives est orienté à la baisse. L’apparition du variant Delta et son impact sur l’activité économique ont montré que la région reste vulnérable à l’émergence de nouveaux variants. Les données recueillies dans de nombreux pays montrent que la reprise qui s’était amorcée au premier semestre de l’année a été compromise par la réimposition de mesures d’endiguement. Au cours du troisième trimestre 2021, environ 20 % des pays étaient en confinement (national ou ciblé) ou sous restrictions sévères liées à la COVID-19. Compte tenu de la marge de manœuvre budgétaire limitée, les pays africains ne pouvaient pas se permettre les mesures de relance budgétaire sans précédent entreprises dans les économies avancées et les marchés émergents. La marge de manœuvre des politiques économiques sera encore plus restreinte si de nouvelles flambées de l’épidémie se manifestent. En outre, la pandémie laisse des traces à long terme dans les économies de la région. Elle réduit le potentiel de croissance par ses effets durables sur le capital humain, en raison des perturbations de la scolarité. Les pays qui ont réussi à accélérer le déploiement de la vaccination ont de petites populations et ont été énergiques dans leur intervention gouvernementale. A F R I C A’ S P U L S E > 37 1.5 SCÉNARIOS ALTERNATIFS DE CROISSANCE Cette section examine les scénarios qui amélioreraient les prévisions actuelles de reprise en Afrique subsaharienne. Ces scénarios illustrent les impacts économiques de différentes vitesses de vaccination dans la région.15 La prévision de base suppose que la livraison des vaccins et la couverture vaccinale entraîneraient une amélioration des perturbations dues à la COVID-19 des économies nationales — en termes de comportement privé et de réglementation — au début du premier trimestre 2023.16Le scénario pessimiste prévoit que la livraison des vaccins et la couverture vaccinale ne seraient pas suffisantes pour alléger les perturbations avant le troisième trimestre 2023, tandis que le scénario optimiste suppose que la couverture vaccinale serait suffisante une année entière plus tôt que dans le scénario pessimiste, au troisième trimestre 2022. 17 Selon les scénarios, la couverture vaccinale est supposée être trop faible en 2021 pour permettre de réduire davantage les troubles causés par la COVID-19 au-delà de ce qui a déjà eu lieu. Par conséquent, aucune différence entre les scénarios n’est observée avant 2022. Le niveau de perturbation économique est mesuré par l’impact implicite de la COVID-19 sur l’investissement privé et la consommation, tel qu’il a été observé en 2021. Les effets estimés de ces scénarios alternatifs de déploiement du vaccin sur l’activité économique dans la région sont présentés dans la Figure 1.33. Scénario pessimiste Dans le scénario pessimiste, les progrès vers la diffusion généralisée des vaccins sont plus lents que dans le scénario de base. Tout au long de 2022, les perturbations économiques chroniques dues aux mesures de distanciation sociale restent à peu près au même niveau qu’au deuxième trimestre de 2021 et ne commencent à s’atténuer qu’au second semestre de 2023. Dans le scénario de base, la reprise commence un semestre plus tôt, vers le début de 2023. En raison du déploiement plus lent des vaccins, la confiance économique est plus faible pendant plus longtemps, et la consommation privée et les dépenses d’investissement restent modérées. Des risques supplémentaires découlent d’une reprise plus faible que prévu de l’économie mondiale, entraînant une baisse des prix des matières premières, et d’une augmentation du coût de l’emprunt en raison d’une aversion accrue au risque. • Dans un tel scénario, le niveau du PIB réel de la région en 2022 est similaire à celui du scénario de base — la distanciation sociale imposée par la COVID-19 restant inchangée dans les deux scénarios. En 2023, la production baisse de 1,4 % par rapport aux projections de base. • Dans la sous-région de l’Afrique de l’Est et australe, le PIB réel serait inférieur de 1,8 point de pourcentage en 2023, par rapport au scénario de base. • En Afrique de l’Ouest et du Centre, le PIB réel serait inférieur de 1,0 point de pourcentage en 2023, reflétant la reprise plus forte après la COVID-19 déjà implicite dans le comportement de la région en 2021. 15 Tous les scénarios (scénario de base, scénario pessimiste et scénario optimiste) ont été générés à l’aide du modèle macro-budgétaire (MFMod) de la Banque mondiale (Burns et coll. 2019). Les chiffres de tous les scénarios sont générés sur la base d’hypothèses spécifiques concernant l’évolution intrinsèquement incertaine de la COVID-19 et les réponses de politiques qui y sont apportées. En tant que tels, ils doivent être considérés comme illustratifs plutôt que prédictifs. 16 Une couverture vaccinale de 30-35 % est utilisée comme seuil pour la réouverture des économies nationales. Ce seuil est basé sur la couverture vaccinale (fourchette, baisse — hausse) des clients du Groupe de la Banque mondiale (moyenne, à l’exclusion des pays à revenu élevé) estimée comme suit : (i) fin 2021, 20 % (fourchette, 10- 30 %) ; (ii) fin 2022, 35 % (fourchette, 25-35 %) ; et (iii) mi-2023, 50 % (fourchette, 40-60 %). 17 La progression plus lente vers la diffusion généralisée d’un vaccin dans le scénario pessimiste comparée au scénario de base implique que les perturbations économiques dues aux mesures de distanciation sociale restent à peu près au même niveau qu’au deuxième trimestre de 2021 jusqu’au deuxième trimestre de 2023 (contre seulement jusque fin 2022 dans le scénario de base). Dans tous les scénarios, on suppose que la couverture vaccinale est trop faible en 2021 pour permettre un nouvel assouplissement des mesures liées à la COVID-19 avant 2022. 38 > A F R I C A’ S P U L S E Scénario optimiste FIGURE 1.33 : Scénarios alternatifs de croissance en Afrique Un déploiement subsaharienne, 2022-23 plus rapide de Dans le scénario optimiste, un déploiement plus rapide des 112 Afrique subsaharienne la vaccination accélérerait la vaccins permettrait de lever 110 PIB réel (2019 = 100) croissance, tandis la distanciation sociale et les 108 qu’une livraison autres mesures d’endiguement 106 plus lente des d’ici le troisième trimestre 2022, 104 vaccins perturberait soit environ six mois plus 102 l’activité vite que dans le scénario 100 économique de base. La confiance s’en 98 en Afrique trouverait renforcée et les 96 subsaharienne. dépenses de consommation et 2019 2020 2021 2022 2023 d’investissement s’accéléreraient. Scénario à la baisse Scénario à la hausse Scénario de référence • Dans ce scénario, le PIB Afrique de l'Ouest et centrale 112 réel de la région en 2022 110 pourrait être augmenté de PIB réel (2019 = 100) 108 1,6 point de pourcentage 106 de plus que dans le scénario 104 de base en 2022 et de 1,5 102 point de pourcentage de 100 plus en 2023 — le chiffre le 98 plus bas reflétant l’effet de 96 rattrapage en 2023 lorsque 2019 2020 2021 2022 2023 les restrictions liées à la Scénario à la baisse Scénario à la hausse Scénario de référence COVID-19 dans le scénario de base s’assouplissent. L’impact Afrique de l'Est et australe 112 économique d’un plus grand 110 accès aux vaccins variera PIB réel (2019 = 100) 108 selon les pays, en fonction de 106 la mesure dans laquelle les 104 perturbations économiques 102 se sont déjà atténuées en 100 2021. 98 • Dans la sous-région de 96 2019 2020 2021 2022 2023 l’Afrique de l’Est et de l’Afrique Scénario à la baisse Scénario à la hausse Scénario de référence australe, le PIB réel pourrait augmenter de 2,1 points de pourcentage en 2022 Source : Projections du personnel de la Banque mondiale. et à nouveau de 2,1 points Remarque : Le scénario de base correspond à la prévision centrale des Perspectives de la macro- pauvreté d’octobre 2021. Les scénarios alternatifs ont été générés à l’aide du modèle macro- de pourcentage en 2023, budgétaire de la Banque mondiale (MFMod). Les chiffres sont générés sur la base d’hypothèses spécifiques concernant l’évolution intrinsèquement incertaine de la COVID-19 et les réponses respectivement, par rapport politiques qui lui sont apportées. En tant que tels, ils doivent être considérés comme illustratifs plutôt que prédictifs. au scénario de référence. • En Afrique de l’Ouest et du Centre, la reprise plus rapide aurait un impact plus faible sur le PIB (1 point de pourcentage en 2022 et 0,9 en 2023), ce qui reflète la plus grande mesure dans laquelle les perturbations de la COVID-19 se sont déjà atténuées en 2021. A F R I C A’ S P U L S E > 39 1.6 POLITIQUES Le dernier numéro d’Africa’s Pulse affirmait que la rapidité de déploiement de vaccins et de réformes crédibles de politiques économiques de stimulation des investissements, serait déterminante pour améliorer les perspectives de croissance de la région. L’inégalité d’accès aux vaccins dans le monde entraîne une divergence croissante et dangereuse des résultats sanitaires et économiques. La croissance de la région en 2021 est estimée à 3,3 %, et les projections pour 2022 et 2023 devraient rester inférieures à 4 %. Par rapport aux pays avancés, l’impulsion donnée par les pays de la région est nettement plus faible. Par conséquent, davantage de ressources doivent être mobilisées pour atténuer les effets de la pandémie et lancer un programme de relance d’une croissance qui soit durable et inclusive. En matière de développement, le changement climatique vient s’ajouter aux défis auxquels la région est déjà confrontée. Mais il offre également des opportunités pour reconstruire en mieux et en plus vert. Besoins de financements supplémentaires pour combattre la pandémie et enclencher une reprise durable Les pays d’Afrique subsaharienne ont réagi rapidement à la pandémie de COVID-19 en 2020. Ils ont déployé un large éventail de mesures de santé publique et de confinement pour empêcher la propagation du coronavirus. Dans le même temps, les gouvernements de la région ont mis en place une série de politiques monétaires, budgétaires et financières visant à protéger la vie et les moyens de subsistance de leur population, notamment les pauvres et les personnes menacées par la pauvreté. L’ampleur des mesures de soutien budgétaire déployées par les gouvernements d’Afrique subsaharienne a été très faible si on la compare à celles des économies avancées et des marchés émergents. Par exemple, depuis janvier 2020 le soutien budgétaire à l’économie en réponse à la pandémie s’est élevé, en moyenne, à 2,8 % du PIB en Afrique subsaharienne, alors que la taille moyenne des mesures de relance représentait 17,3 % du PIB dans les économies avancées et 4,1 % dans les économies de marché émergentes (Figure 1.34)18. L’ampleur de ces mesures de relance masque une grande hétérogénéité du soutien budgétaire entre les pays africains. Bien que l’ampleur des mesures de soutien budgétaire de l’ensemble des pays africains ait été inférieure à la moyenne des pays avancés, ces mesures ont dépassé 5 % du PIB dans huit pays de la région. Dans le cas de Maurice et des Seychelles, petits pays insulaires fortement dépendants des activités touristiques, les mesures budgétaires déployées ont représenté respectivement 9,2 % et 6,6 % du PIB. En Afrique du Sud, le soutien budgétaire accordé en réponse à la COVID-19 s’est élevé à près de 6 % du PIB. Toutefois, ces mesures ne sont rien en comparaison du montant des dépenses supplémentaires et du manque à gagner au niveau des recettes aux États- Unis (25,4 % du PIB) et en France (9,6 % du PIB), ainsi que dans des marchés émergents comme le Brésil (9,2 % du PIB) ou la Thaïlande (11,4 % du PIB). Les pays africains ont été relativement disciplinés en matière de politiques monétaires et budgétaires, et les taux d’inflation sont restés relativement maîtrisés dans tous les pays de la région. Par exemple, environ trois quarts des pays pour lesquels des données sont disponibles (35 sur 47) ont enregistré une augmentation moyenne des prix à la consommation d’un seul chiffre en 2020, et le nombre de ces pays devrait passer à 38 en 2021. En même temps, il est prévu que les taux d’intérêt restent 18 Le support budgétaire indiqué ici exclut les mesures hors budget, telles que les apports en capital, les achats d’actifs, les prêts, et les garanties (sur prêts, dépôts etc.), ainsi que les opérations quasi-fiscales notamment. Seuls 20 des 47 pays de la région publiant leurs données, se sont engagés dans de telles opérations. Le support en liquidité médian par les pays de l’Afrique subsaharienne n’a représenté que 0,2 % du PIB. 40 > A F R I C A’ S P U L S E FIGURE 1.34 : Réponse budgétaire discrétionnaire à la COVID-19 dans les pays d’Afrique subsaharienne Les enveloppes (en pourcentage du PIB) financières étaient 20 nettement plus réduites en Afrique 18 subsaharienne que 16 dans les économies 14 avancées. En pourcentage du PIB 2020 12 10 8 6 4 2 0 Maurice Guinée-Bissau Seychelles Rwanda Togo Afrique du Sud Tchad Sierra Leone Burundi Mauritanie Libéria Mozambique Sénégal Rép. Dém. Congo Burkina Faso Lesotho Zimbabwe Ghana Eswatini Mali São Tomé et Príncipe Comores Gambie Cabo Verde Bénin Kenya Côte d'Ivoire Éthiopie Nigéria Congo Rép. Guinée Zambie Gabon Botswana Ouganda Namibie Soudan du sud Répu. centrafricaine Madagascar Soudan Cameroun Guinée Équatoriale Niger Malawi Angola Somalie Économies avancées Marchés émergents Source : “Database of Country Fiscal Measures in Response to the COVID-19 Pandemic,” International Monetary Fund, 2021, https://www.imf.org/en/Topics/ imf-and-covid19/Fiscal-Policies-Database-in-Response-to-COVID-19. Remarque : Estimations en date du 5 juin 2021. Les valeurs représentent le soutien budgétaire tel que mesuré par les dépenses supplémentaires ou les recettes abandonnées en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) de 2020. Les moyennes des groupes de pays sont pondérées par le PIB en dollars US, corrigé par la parité de pouvoir d’achat. bas pour une période plus longue dans les économies avancées, ce qui permettra aux banques centrales africaines de maintenir une politique monétaire souple. Sur le plan budgétaire, les déficits du secteur public n’ont pas augmenté à un rythme plus rapide que dans les économies avancées. Dans le contexte de la pandémie, le déficit budgétaire médian de la région s’est accru de 2,9 points de pourcentage du PIB en 2020, contre 7,6 points dans les pays avancés. Près de 57 % des pays de la région (20 sur 47) avaient un déficit budgétaire global supérieur à 5 % du PIB en 2020, alors que cette proportion était d’environ 75 % (29 pays sur 34) parmi les économies avancées. Le resserrement de la marge de manœuvre budgétaire a empêché les pays d’injecter le niveau de ressources nécessaire pour lancer des réformes solides.19 Avec ce soutien budgétaire insuffisant, les pays de la région Afrique ont connu une croissance inférieure à la tendance générale. Dans ce contexte, les pays de la région ne peuvent pas mettre en œuvre des politiques budgétaires procycliques alors même que le choc sanitaire exogène perturbe toujours l’activité économique et affecte les perspectives de croissance à long terme – et en particulier, avec des effets probables à long terme sur la santé et l’éducation. Une consolidation budgétaire rigoureuse à ce stade pourrait d’ailleurs se révéler préjudiciable à long terme. 19 La marge de manœuvre budgétaire des pays africains était limitée avant la pandémie, et elle s’est encore resserrée lorsque le coronavirus a frappé la région et entraîné des fermetures et autres mesures de confinement. En termes de marge de manœuvre budgétaire, le montant de la dette publique à rembourser pour le pays médian de la région représentait cinq années de recettes fiscales en 2020. Cette proportion est inférieure à trois ans pour six pays, à savoir le Botswana, le Lesotho, l’Eswatini, la Namibie, la République démocratique du Congo et l’Afrique du Sud. Une douzaine de pays ont une très faible marge de manœuvre budgétaire, c’est-à-dire que le remboursement de leur dette publique équivaudrait à 6 ans de recettes fiscales. A F R I C A’ S P U L S E > 41 L’efficacité des politiques budgétaires anticycliques dépend, entre autres, de l’ampleur de la marge de manœuvre budgétaire.20 En effet, le niveau des ressources propres et la capacité à emprunter des fonds sont des facteurs essentiels pour déterminer l’ampleur de ces mesures budgétaires. Avec une épargne publique quasi inexistante, la capacité de financer l’expansion budgétaire est déterminée par la capacité du pays à rembourser sa dette. Les pays africains ont fait preuve de discipline en matière de politiques monétaires et budgétaires, certains d’entre eux se sont même saisis de l’occasion pour entreprendre des réformes (par exemple, la réforme de l’énergie en Afrique du Sud, la réforme des subventions aux carburants au Nigéria et la privatisation des télécommunications en Éthiopie).21 Alors que les pays de la région respectent leurs responsabilités dans l’ accord, il est essentiel que la communauté internationale honore les leurs et soutienne les pays africains en leur accordant davantage de financements pour contrer les effets de la pandémie et lancer des programmes durables de redressement. La communauté internationale doit aider les pays africains à élargir leur marge de manœuvre budgétaire en allégeant une partie du fardeau de leur dette. Il pourrait être nécessaire d’étendre l’ISSD, afin d’aider les pays participants éligibles à l’Association internationale de développement (IDA) à réorienter leurs ressources limitées vers l’effort de redressement. Le cadre commun pour les traitements de la dette au-delà de I’ISSD devrait évoluer plus rapidement pour permettre aux pays de s’attaquer en profondeur au problème du niveau de la dette. Le 2 août 2021, le Conseil des gouverneurs du FMI a approuvé une allocation générale de 456 milliards de DTS (650 milliards USD) pour stimuler la liquidité mondiale. Sur ce montant, près de 17 milliards de DTS (3,7 % du montant global) ont été alloués aux pays d’Afrique subsaharienne.22 Les six principaux pays d’Afrique subsaharienne (Afrique du Sud, Nigéria, République démocratique du Congo, Zambie, Angola et Ghana) ont absorbé environ la moitié du montant des DTS alloués à la région. A eux seuls, les montants distribués à l’Afrique du Sud et au Nigéria sont d’environ 2,9 milliards de DTS et 2,4 milliards de DTS, respectivement. Dans cinq pays de la région, à savoir le Burundi, le Soudan du Sud, la République centrafricaine, le Liberia et la République démocratique du Congo, le montant alloué en DTS dépasse 10 % de la dette brute des administrations publiques (Tableau 1.1). Bien qu’il s’agisse d’un montant important pour certains pays, l’allocation de DTS n’est pas non plus la panacée. Certes, elle représente un bon début, mais ce ne sera pas suffisant. Tant que la pandémie perdure, cette allocation ne saurait constituer une solution permanente et, par conséquent, elle ne peut se substituer à d’autres canaux de financement. La communauté internationale doit continuer à explorer différentes options qui permettraient aux pays riches de partager volontairement leurs DTS excédentaires avec les pays pauvres de la région ayant les plus grands besoins de financement. 20 Huidrom et coll. (2019). 21 Pour plus de détails, voir Africa’s Pulse, volume 22 (Banque mondiale 2020b). 22 Le 23 août 2021, l’allocation générale de DTS est devenue effective. Les DTS nouvellement créés sont crédités aux pays membres du FMI en proportion de leurs quotes- parts actuelles dans les institutions internationales. 42 > A F R I C A’ S P U L S E TABLEAU 1.1 : Allocation de DTS dans les pays d’Afrique subsaharienne, 2021    Allocation de DTS Allocation de DTS   Allocation de DTS Allocation de DTS   (en millions) En pourcentage de   (en millions) En pourcentage de Dette Dette Pays DTS USD DL PIB Pays DTS USD DL PIB publique publique Angola 709 1 022 670 483 1,64 1,29 Mali 179 258 137 660 1,46 3,31 Burundi 148 213 413 773 7,06 10,16 Mozambique 218 314 23 495 2,18 1,78 Bénin 119 171 91 388 1,13 2,48 Mauritanie 123 178 6 517 2,17 3,65 Burkina Faso 115 166 88 847 1,00 2,27 Maurice 136 196 7 760 1,72 1,96 Botswana 189 272 2 937 1,71 8,56 Malawi 133 192 148 094 2,26 3,36 République centrafricaine 107 154 82 226 6,50 14,47 Namibie 183 264 3 858 2,50 3,80 Côte d'Ivoire 623 898 479 961 1,46 3,20 Niger 126 182 97 085 1,33 3,00 Cameroun 265 381 203 641 0,98 2,26 Nigéria 2 353 3 388 1 290 916 0,79 2,25 Congo, Rép. Dém. 1 022 1 472 2 901 555 3,00 19,78 Rwanda 154 221 214 996 2,13 3,50 Congo, Rép. 155 224 119 567 2,19 2,15 Soudan 604 870 47 846 2,53 0,96   Comores 17 25 9 874 2,02 7,52   Sénégal 310 447 238 825 1,83 2,78 Cabo Verde 23 33 2 935 1,87 1,34 Sierra Leone 199 286 2 901 437 6,81 9,47 Érythrée 15 22 330 1,05 0,57 Somalie 157 226 .. 4,58 ,, Éthiopie 288 415 16 263 0,43 0,78 Soudan du sud 236 340 60 207 8,34 18,57 Gabon 207 298 159 371 1,91 2,63 São Tomé et Príncipe 14 20 408 4,89 6,01 Ghana 707 1 019 5 868 1,49 1,91 Eswatini 75 108 1 581 2,74 5,83 Guinée 205 296 2 953 915 1,91 4,62 Seychelles 22 32 682 2,79 2,83 Gambie 60 86 4 433 4,49 5,92 Tchad 134 194 103 476 1,80 4,19 Guinée-Bissau 27 39 20 941 2,73 3,50 Togo 141 203 108 326 2,70 4,69 Guinée Équatoriale 151 217 116 256 2,28 4,47 Tanzanie 381 549 1 262 258 0,87 2,27 Kenya 520 749 81 795 0,75 1,10 Ouganda 346 498 1 818 950 1,32 2,90 Libéria 248 357 58 586 11,76 19,04 Afrique du Sud 2 924 4 212 61 856 1,39 1,81 Lesotho 67 96 1 406 4,66 9,27 Zambie 938 1 350 28 582 7,29 6,19 Madagascar 234 337 1 290 160 2,44 5,59 Zimbabwe 677 976 79 794 4,64 5,22 Source : Fond Monétaire International. Remarque : Les chiffres relatifs à l’allocation de DTS peuvent être téléchargés à l’adresse suivante : https://www.imf.org/en/Topics/special-drawing-right/2021-SDR-Allocation. Ils sont convertis en USD et en monnaie locale en utilisant le taux de change du DTS par rapport à la monnaie correspondante à la fin de 2020. L’allocation de DTS en pourcentage du PIB et de la dette publique est calculée en pourcentage de leurs valeurs correspondantes pour 2020. PIB = produit intérieur brut ; Dette publique = dette brute des administrations publiques ; LCU = monnaie locale ; DTS = droits de tirage spéciaux, USD = dollar américain. A F R I C A’ S P U L S E > 43 Adaptation au changement climatique pour renforcer la résilience et créer des emplois La mise en œuvre d’un programme de relance durable et inclusif en Afrique subsaharienne se heurte à toute une série d’obstacles, tandis que le changement climatique vient encore s’ajouter aux défis de développement, déjà considérables, de la région. Confrontés à des pressions et des contraintes budgétaires croissantes, les pays de la région ont encore besoin d’un soutien à long terme pour se redresser et résoudre les problèmes structurels auxquels ils sont confrontés. Des données récentes montrent que 15 % des dépenses mondiales en réponse à la COVID-19 ont été consacrées à des dépenses de redressement, tandis que 85 % ont été affectées au sauvetage de l’économie.23 Les dépenses de relance comprennent des parts comparables de dépenses vertes et brunes (19,4 et 20,4 %, respectivement).24 D’une manière générale, la reprise dans la plupart des pays a été caractérisée par des dépenses de type “brun” ou “brun clair”, renforçant ainsi les modèles de développement à forte intensité de carbone.25 Néanmoins, un pourcentage important des dépenses de relance (47 %) a été investi dans des activités n’ayant aucun impact sur le climat, comme les dépenses générales de recherche et développement, l’éducation et le soutien à la culture et aux arts. Tout effort visant à favoriser une croissance durable et inclusive ne peut être dissocié de la prise en compte de la crise climatique, dont l’Afrique est paradoxalement la moins responsable mais la plus touchée. La région ne représente que 2 à 3 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone provenant de sources énergétiques et industrielles. Bien qu’ils soient les plus faibles responsables des émissions mondiales de carbone, les pays d’Afrique subsaharienne sont touchés de manière disproportionnée par le changement climatique. Du Sahel à la Corne de l’Afrique, en passant par le sud du continent, tous subissent les effets dévastateurs de régimes climatiques plus extrêmes et de changements à évolution lente. Les perturbations sociales et économiques provoquées par les chocs climatiques, qu’ils soient ponctuels ou récurrents, sont de grande ampleur et peuvent se multiplier rapidement, avec des conséquences intergénérationnelles. Les températures ont augmenté à un rythme plus rapide en Afrique subsaharienne au cours des quatre dernières décennies, et de vastes zones de la région dépasseront 2°C de réchauffement d’ici 2100. Les sécheresses et les inondations sont ainsi devenues plus fréquentes et plus graves. Par exemple, par rapport à 1970-79, leur nombre a presque triplé et décuplé respectivement en 2010-19. Dans ce contexte, la plus grande sensibilité des différents secteurs de production aux modèles de changement climatique et aux risques naturels entraîne un impact disproportionné dans les pays de la région, en particulier dans les pays les plus pauvres et dans les segments les plus pauvres de la population. L’impact du climat sur les pauvres entraine des pertes de vies humaines et de moyens de subsistance, l’endommagement des infrastructures essentielles, et l’interruption des services, une détérioration de la santé et la malnutrition, ainsi qu’une escalade des migrations dues à l’adversité. Les crises persistantes liées à l’alimentation, à l’eau et à l’environnement, amplifiées par les effets du climat, peuvent entraîner une fragilité prolongée, des conflits et des migrations dues à l’indigence. 23 Pigato, Rafaty et Kurle (2021) classent les réponses budgétaires à la COVID-19 en mesures de relance vertes, brunes ou neutres à partir des données de 85 pays (24 pays à revenu élevé et 61 marchés émergents) provenant du Global Recovery Observatory basé à Oxford. Les dépenses fiscales de ces pays sont enregistrées de mars 2020 à mai 2021. 24 La plupart des dépenses d’aide d’urgence engagées par les pays (85 %) sont classées comme des dépenses « traditionnelles » ou « brun clair » - destinées à soutenir les familles, les entreprises et les activités qui auraient autrement cessé en l’absence de ces politiques (Pigato et coll. 2021). 25 Les dépenses vertes font référence aux dépenses qui sont susceptibles de réduire les émissions par rapport à une situation dans laquelle les politiques ne sont pas mises en œuvre pour ce faire. Les dépenses brunes comprennent les investissements dans des activités dont les émissions de gaz à effet de serre associées sont importantes (par rapport à une situation dans laquelle elles n’ont pas lieu). Enfin, les dépenses brun clair désignent les dépenses destinées à soutenir les activités économiques qui auraient autrement été arrêtées ou réduites en l’absence de ces politiques (Pigato et coll. 2021). 44 > A F R I C A’ S P U L S E Les pays d’Afrique subsaharienne se caractérisent par d’importants écarts de productivité entre les secteurs (agriculture/secteurs non agricoles) et entre les zones (urbain/rural). La faible productivité de l’agriculture, bien documentée, ainsi que le manque d’opportunités dans le secteur rural se traduisent par de faibles changements structurels dans la région. Par rapport à d’autres régions du monde, le retard important pris par le processus de transformation structurelle de l’Afrique subsaharienne est attribué à : (i) une part encore importante de personnes travaillant et gagnant leur vie dans l’agriculture, et (ii) le lent déclin de la part de l’emploi dans l’agriculture au fil du temps. Une répartition plus efficace des travailleurs entre les secteurs et les régions pourrait accélérer la transformation structurelle et renforcer le développement économique. Toutefois, les chocs météorologiques défavorables (hausse des températures et événements climatiques extrêmes) ont fait baisser les revenus et la productivité agricoles, et peuvent potentiellement ralentir le processus de réaffectation sectorielle. Les recherches empiriques mettent en évidence les effets à long terme des chocs climatiques persistants sur la croissance, par le biais de leur impact sur le capital physique, le capital humain (éducation, santé et mortalité), la productivité du travail et les conflits. Il apparaît qu’une augmentation de 1°C de la température réduirait la croissance du PIB de l’Afrique de 0,67 point de pourcentage, et ces impacts peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre de la région.26 Les sécheresses et les inondations peuvent réduire la croissance économique à moyen terme de la région de respectivement 1 et 0,5 point de pourcentage par an.27 Le fait que ces impacts soient plus importants en Afrique que dans le reste du monde reflète la faible résilience et le manque de mécanismes d’adaptation de la région, ainsi que sa dépendance à l’égard de l’agriculture pluviale. Dans tous les secteurs, la hausse des températures affecte la production et le rendement des cultures, ainsi que les activités manufacturières, en particulier dans les pays à climat chaud. Toutefois, la valeur ajoutée des services semble être protégée des chocs climatiques.28 Le changement climatique peut également exacerber les inégalités déjà existantes dans la région. Par exemple, les risques naturels peuvent accroître l’insécurité alimentaire de 5 à 20 points de pourcentage en Éthiopie, au Malawi, au Mali, au Nigéria et en Tanzanie.29 Les atteintes à la santé et à la fréquentation scolaire dues au climat creuseraient également les inégalités entre les sexes et réduiraient les perspectives de revenus à long terme.30 Enfin, une méta-analyse portant sur 55 études montre que les anomalies de température et de précipitations augmentent le risque de conflit. La productivité globale diminue également si les chocs climatiques entraînent une instabilité politique et un accroissement des conflits. Comme le souligne la section 2, l’adaptation au changement climatique offre une série d’opportunités pour reconstruire mieux et plus vert dans l’ère post-COVID-19. Le contexte unique de l’Afrique - faible développement de base, vulnérabilités climatiques préexistantes, accès limité à l’énergie et forte dépendance à l’égard des secteurs sensibles au climat - pose des défis, mais il existe également des opportunités que le continent peut exploiter pour des transitions durables, vertes, propres et résilientes : 1. Une stratégie énergétique combinant une expansion des réseaux nationaux et l’adoption croissante de technologies d’énergie renouvelable (solaire et éolienne) est essentielle pour faire de l’accès universel un objectif plus réalisable. 26 Abidoye et Odusola (2015). 27 FMI (2020). 28 FMI (2017). 29 FMI (2020). 30 Shahidul et Zehadul Karim (2015). A F R I C A’ S P U L S E > 45 2. Les investissements dans des infrastructures intelligentes du point de vue climatique aideront les villes à créer des emplois et compenseront des financements publics limités avec des investissements du secteur privé, tout en s’attaquant aux problèmes liés au climat tels que la pollution, les inondations, les chaleurs extrêmes et l’accès à l’énergie. 3. Une planification, des politiques et des investissements gouvernementaux proactifs seront nécessaires pour fournir des informations, des incitations et un environnement favorable afin d’encourager les communautés, les ménages et le secteur privé à modifier leurs comportements et leurs choix d’investissement, dans le but d’atténuer le changement climatique (croissance à faible émission de carbone) et de s’y adapter (renforcement de la résilience) - en particulier dans l’agriculture et la production alimentaire. 4. Les politiques foncières constituent de puissants leviers pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et renforcer la résilience au changement climatique. Le secteur de l’occupation des sols présente un réel potentiel pour réduire les émissions, fixer le carbone et accroître la résilience humaine et biophysique. La gestion durable et la réhabilitation des sols apportent souvent des contributions positives et durables au bien-être et à la durabilité de la société - y compris des avantages multiples tels que la création d’emplois, la réduction des risques de catastrophe, l’atténuation du changement climatique et l’adaptation pour les générations actuelles et futures. Les questions et les politiques foncières sont des éléments clés de la planification de l’adaptation pour renforcer la propriété foncière et les accords de gestion dans les environnements à risque. 5. Les politiques visant à favoriser la diversification des actifs en soutenant l’accumulation de capital, humain et naturel renouvelable, sont essentielles pour réduire le risque d’actifs irrécupérables parmi les pays disposant d’un capital naturel renouvelable abondant.31 La mise en place d’un cadre fiscal cohérent, comprenant le ciblage des incitations fiscales, la réduction des subventions aux combustibles fossiles et l’instauration d’une certaine forme de tarification du carbone est essentielle pour favoriser l’investissement privé et l’innovation dans les énergies propres et autres activités vertes.32 6. Il convient de mettre en œuvre des politiques qui stimulent la production et l’ajout de valeur en aval dans les secteurs clés des pays où abondent les métaux et les minéraux nécessaires aux technologies énergétiques à faible émission de carbone (par exemple, le cobalt, le lithium, le cuivre, le manganèse, le nickel et le zinc) à mesure que le monde se dé-carbonise. La transition vers une économie à faible émission de carbone entraînerait une création nette d’emplois dans le monde entier ; la plupart de ces emplois exigent des niveaux élevés de compétences cognitives non routinières et une plus grande dépendance à l’égard de l’éducation formelle, de l’expérience professionnelle et de la formation sur le tas (par rapport aux emplois non écologiques).33 En Afrique subsaharienne, la création d’emplois est un défi de taille, puisque 12 millions de personnes entrent sur le marché du travail chaque année. Une reprise verte, résiliente et inclusive dans la région sera alimentée par des emplois productifs. Toutefois, les emplois verts ne suffiront pas. La croissance inclusive doit être accompagnée à la fois par des emplois verts et des emplois bruns. Cela implique que la formation de capital humain vert doit être soutenue par des politiques d’éducation et d’apprentissage par la pratique, afin de façonner l’adaptation des compétences des travailleurs aux exigences d’un espace de produits en mutation. 31 Cela impliquera également une gestion prudente des revenus des matières premières. Pour plus de détails sur la gestion des revenus des matières premières, voir Africa’s Pulse 22 (octobre 2020). 32 Pigato, Rafaty et Kurle (2021). 33 Les faits montrent que des mesures de relance écologique bien conçues peuvent créer des emplois, même si le contexte national peut influencer leur efficacité. Par exemple, les investissements dans les énergies propres peuvent créer plus d’emplois par dollar dépensé que les investissements traditionnels dans les énergies fossiles. Les secteurs à haut rendement énergétique créent 7,5 à 7,7 emplois équivalents à temps plein par million de dollars investis, alors que les combustibles fossiles ne créent que 2,6 emplois (Garret-Peltier 2017). 46 > A F R I C A’ S P U L S E Le financement des politiques d’adaptation au changement climatique est essentiel, et les décideurs doivent mobiliser des ressources, tant au niveau national qu’international, non seulement pour créer de nouveaux emplois plus écologiques et à proximité des produits existants, mais aussi pour faire évoluer la palette de produits vers des productions plus écologiques à moyen terme. Établir un lien entre, d’une part, le financement lié au climat et les réformes critiques de gouvernance et, d’autre part, la conservation du capital naturel en tant qu’actifs fondamentaux, peut servir de point d’entrée. Il existe un potentiel non satisfait de revenus durables qui peuvent bénéficier aux économies africaines et au développement humain. Enfin, la transition énergétique mondiale doit être inclusive et équitable. Compte tenu des différentes réalités des économies et des diverses voies pour atteindre le niveau net zéro d’ici 2050, la communauté du développement doit défendre et soutenir les pays à faible revenu dans cette transition sans laisser personne de côté, notamment en ce qui concerne l’accès universel à l’électricité pour leurs populations, tout en faisant progresser les objectifs climatiques. A F R I C A’ S P U L S E > 47 48 > A F R I C A’ S P U L S E Section 2 : Changement climatique et transformation économique en Afrique subsaharienne 2.1 MOTIVATION Le chemin vers une croissance inclusive en Afrique subsaharienne est semé d’embûches. Le changement climatique s’ajoute aux défis de développement déjà immenses auxquels fait face la région. Des investissements massifs sont nécessaires pour aider à atteindre les objectifs de développement, y compris les objectifs liés au climat. En outre, les coûts des conséquences du changement climatique dans la région s’ajoutent à ceux de la crise COVID-19. Le changement climatique touche de plein fouet l’Afrique, et il est nécessaire d’investir massivement dans l’adaptation au changement climatique, notamment par la décarbonisation de l’électricité grâce aux énergies renouvelables, par des infrastructures urbaines basées sur la nature, par l’intensification de l’agriculture intelligente et par la modernisation des systèmes d’alimentation. Les estimations suggèrent que l’adaptation au changement climatique coûtera entre 30 et 50 milliards de dollars américains (USD) — soit 2 à 3 % du produit intérieur brut [PIB] régional — chaque année au cours de la prochaine décennie. Pourtant, il reste plus rentable de financer l’adaptation au changement climatique que d’apporter une aide en cas de catastrophes, lesquelles sont fréquentes1. L’Afrique subsaharienne est la région ayant émis le moins de gaz à effet de serre (GES), mais elle est celle qui souffre le plus des effets du changement climatique. La région est à l’origine de 7,6 % des émissions mondiales de GES (3,7 gigatonnes d’équivalent dioxyde de carbone [CO2] par an), et ce pourcentage plonge à 3 % si l’on exclut l’Afrique du Sud2. La plupart des émissions de GES de la région proviennent de l’agriculture, de la foresterie et d’autres utilisations des terres (62 %), tandis que plus de 75 % des émissions mondiales proviennent du secteur de l’énergie. La température a fortement augmenté en Afrique subsaharienne. Sur tout le continent, la température annuelle a augmenté en moyenne de 0,13 °C par décennie depuis 1910. Cependant, le rythme du réchauffement a plus que doublé, et atteint 0,30 °C par décennie depuis 19813. Les prévisions à long terme prévoient que de vastes zones de la région dépasseront les 2 °C de réchauffement d’ici les deux dernières décennies du 21e siècle, selon les scénarios moyens4. De plus, la fréquence des événements météorologiques extrêmes a considérablement augmenté dans la région au cours des quatre dernières décennies. Elle a augmenté à un rythme plus rapide que dans le reste du monde. Par rapport à la période 1970-1979, la fréquence des sécheresses en Afrique subsaharienne a presque triplé entre 2010 et 2019. Elle a plus que quadruplé pour les tempêtes et plus que décuplé pour les inondations. Plus d’un tiers des sécheresses mondiales et environ un cinquième des inondations mondiales se sont produites dans la région au cours de la dernière décennie. Néanmoins, les augmentations de température et l’incidence des différents risques naturels varient au sein de la région. Le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes ont déjà un impact négatif sur l’activité économique, dans les pays de la région, et ces effets négatifs s’accéléreront dès 2030. Ils affecteront de manière disproportionnée les pays à faible capacité, à mauvaise gouvernance, dotés d’une gestion médiocre des ressources naturelles et dépendants des activités sensibles au climat5. La hausse des températures et les vagues de chaleur peuvent nuire à la croissance dans différents secteurs, et entraîner, entre autres, des pertes de productivité, des blessures physiques et la dégradation des ressources terrestres et marines. Les pertes de production agricole et de bétail dues 1 FMI (2020). 2 Ces chiffres concernent 2018 (World Resources Institute 2020). 3 De plus, les 10 années les plus chaudes de la région se sont toutes produites depuis 2005, les cinq plus chaudes ayant eu lieu depuis 2010 (NOAA 2021). 4 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (2014). 5 Banque mondiale (2020). A F R I C A’ S P U L S E > 49 aux sécheresses et aux dommages aux infrastructures (habitat, production d’électricité, transports), combinés aux catastrophes naturelles (inondations, coulées de boue, tremblements de terre) deviennent de plus en plus fréquentes et coûteuses. Les moteurs de la croissance dans les pays d’Afrique subsaharienne sont assez diversifiés. Cependant, l’agriculture reste l’un des principaux secteurs économiques. Cette activité représente 15,5 % du PIB de la région et 53 % de l’emploi total de la région6. Les macro et micro-données montrent que la productivité totale des facteurs (PTF) stimule la croissance du secteur agricole plutôt que l’utilisation de plus grandes quantités de terres, d’eau et d’intrants7. La conséquence est que les anomalies de température et de précipitations, ainsi que les aléas climatiques, pourraient faire peser des risques sur la productivité agricole. Il pourrait s’agir, entre autres, de sécheresses en Afrique orientale et australe ainsi que, de problèmes de sécurité et de rareté des ressources au Sahel8. En raison de cette forte sensibilité aux chocs climatiques des différents moteurs de croissance d’Afrique subsaharienne (agriculture, capital naturel et infrastructures), il apparaît indispensable d’initier un développement intelligent sur le plan climatique à grande échelle dans tous les secteurs économiques. Le changement climatique et le développement en Afrique subsaharienne sont interdépendants voire difficiles à disjoindre. Par rapport à d’autres régions, la grande sensibilité aux risques naturels et aux changements climatiques des secteurs productifs d’Afrique subsaharienne entraîne des impacts disproportionnés dans les pays de la région. C’est le cas en particulier parmi les pays les plus pauvres et les segments les plus pauvres de la population. Par exemple, la saison des cyclones 2018-2019, notamment le cyclone Idai, a gravement touché le Mozambique et le Zimbabwe. Les inondations causées par ce cyclone dans les deux pays ont affecté près d’un million de personnes. Au Mozambique, Idai a inondé environ 3 000 km2 de terres et 715 378 hectares de terres cultivées. Les dommages causés par le cyclone Idai au Mozambique ont été estimés à plus de 1,4 milliard USD, affectant principalement le secteur des transports (442 millions USD), le secteur du logement (411 millions USD), l’industrie et le commerce (140 millions USD) et le secteur de l’énergie (133,5 millions USD)9. Pourquoi l’adaptation au changement climatique est-elle nécessaire en Afrique ? Les chocs liés au climat, qui constituent un obstacle majeur à la croissance inclusive et à la réduction de la pauvreté, deviendront plus fréquents et plus graves si le continent ne relève pas les défis associés à ce changement climatique. Le climat est étroitement lié à la plupart des chocs qui affectent les pauvres et ceux qui sont proches de la pauvreté. Il a un lien avec les catastrophes naturelles (inondations et conséquences des tremblements de terre), les chocs sanitaires (maladies alimentaires, vectorielles et hydriques), les pertes agricoles, l’insécurité alimentaire et l’augmentation des prix des denrées alimentaires (sécheresses)10. Les segments les plus pauvres de la population sont touchés de manière disproportionnée par les chocs climatiques. Ils en souffrent en raison de leur exposition et de leur vulnérabilité plus élevée, mais aussi parce qu’ils disposent de moins de ressources propres et d’un soutien réduit, que ce soit de la part des principaux systèmes sociaux et économiques (liens familiaux, communauté, entreprises, système financier), ou du gouvernement (protection sociale, biens publics et politiques publiques). Pour résumer, ils ne bénéficient pas d’un environnement externe favorable pour prévenir, faire face et s’adapter aux chocs climatiques11. Le changement climatique peut affecter l’activité économique en amplifiant les conflits. Une méta- analyse d’études empiriques suggère que les écarts de normes de températures et de précipitations 6 Néanmoins, il existe une plus grande hétérogénéité dans les parts de valeur ajoutée et d’emploi entre les pays de la région. Par exemple, la part de la valeur ajoutée oscille entre 2,1 % (Botswana) et 61,3 % (Sierra Leone). La part de l’emploi, bien qu’en baisse, reste élevée et varie entre 5,3 % (Afrique du Sud) et 86,2 % (Burundi). Dans quatre pays de la région, les trois quarts au moins de la population occupent un emploi agricole (Tchad, Malawi, Somalie et Burundi). 7 Restuccia, Yang et Zhu (2008) ; Restuccia et Santaeulalia-Llopis (2017). 8 Fuglie et coll. (2020). 9 Facilité mondiale pour la prévention des risques de catastrophes et le relèvement (GFDRR) (2019). 10 L’effet de ces risques climatiques sur la population se traduit entre autres par des pertes de revenus du travail, des dépenses de santé plus importantes et des pertes de capital ou d’actifs. 11 Hallegatte et coll. (2016) ; Banque mondiale (2013). 50 > A F R I C A’ S P U L S E peuvent augmenter la probabilité de conflit12. Actuellement, le surpâturage, la déforestation et l’agriculture non durable mettent en péril les moyens de subsistance des agriculteurs et des éleveurs du Sahel et de l’Afrique australe. Ces problèmes peuvent s’aggraver si les structures économiques et politiques sont médiocres et qu’elles ne parviennent pas à remédier aux inégalités sociales et à la pauvreté généralisée13. Dans ce contexte, un manque de réaction au changement climatique (l’attitude « statu quo ») pourrait aggraver les conflits et l’instabilité politique. Le changement climatique contraindra en outre les personnes à se déplacer vers des zones moins sujettes à la sécheresse, comme c’est le cas en Afrique de l’Est. Les mauvaises récoltes, le stress hydrique et l’élévation du niveau de la mer dus au changement climatique peuvent augmenter les migrations et les déplacements, ce qui freine le développement humain. Par exemple, la faible disponibilité de l’eau et la baisse des rendements agricoles pousseront des migrants climatiques à quitter les zones de cultures pluviales des hauts plateaux du nord de l’Éthiopie. Les segments les plus pauvres (et vulnérables) de la population ont moins d’opportunités de s’adapter localement ou d’atténuer les risques. Ils ne migrent généralement qu’en dernier recours. Dans ce contexte, les gouvernements doivent mettre en place un environnement propice à la migration, soutenu par des programmes de formation professionnelle et de création d’emplois, afin que les personnes puissent se déplacer vers des zones à moindre risque et offrant de meilleures opportunités14. Les pays en développement, et notamment les pays d’Afrique subsaharienne, se caractérisent généralement par d’importants écarts de productivité entre les secteurs (secteurs agricole et non agricole)15 et sur le plan géographique (urbain contre rural)16. En Afrique subsaharienne, la croissance atone de la productivité agricole se traduit par de faibles changements structurels. Le retard substantiel dans le processus de transformation structurelle est attribué aux facteurs suivants : (i) dans les pays de la région, une part importante de personnes travaille et gagne sa vie dans l’agriculture, et (ii) la part de l’emploi agricole a diminué au fil du temps en Afrique subsaharienne à un rythme plus lent que dans d’autres régions du monde17. Dans ce contexte, une répartition spatiale et sectorielle plus efficace des travailleurs pourrait accélérer la transformation structurelle et renforcer le développement économique. Les chocs climatiques (hausse des températures et phénomènes météorologiques extrêmes) ont fait baisser les revenus et la productivité agricoles. Ils peuvent ralentir le processus de réorganisation sectorielle18. Par conséquent, il est probable que les chocs liés au climat peuvent perturber la réaffectation de la main-d’œuvre dans les pays en développement où la plupart des travailleurs sont actifs dans l’agriculture (pluviale) en zone rurale. De récentes études cherchent à déterminer si le rythme de réaffectation des travailleurs au sein des marchés du travail locaux est affecté par la hausse des températures, en raison de la transformation structurelle et de l’urbanisation. Une enquête sur les mouvements sectoriels et spatiaux dans des districts indiens sur six décennies montre que19 : (i) la hausse des températures plombe la transformation structurelle (en moyenne, une augmentation de 1 °C de la température moyenne de la décennie entraîne une augmentation de 17 % de la part de la main-d’œuvre agricole et une baisse de 8,2 % de la part de la main-d’œuvre non agricole), alors que son impact sur l’urbanisation est négligeable ;20 (ii) l’impact négatif de la hausse des températures sur la transformation structurelle s’intensifie au fil du temps (traduisant l’échec des stratégies d’adaptation des individus) ; et (iii) des effets de demande locale déterminent l’impact de la hausse 12 Burke, Hsiang et Miguel (2015b) constatent qu’une augmentation d’un écart type de la température (contemporaine) entraîne une augmentation des conflits interpersonnels de 2,4 % et des conflits intergroupes de 11,3 %. 13 Hoste et Vlassenroot (2009). 14 Rigaud et coll. (2018). 15 Duarte et Restuccia (2010) ; Gollin, Lagakos et Waugh (2014) ; Herrendorf et Schoellman (2018). 16 Young (2013). 17 Duarte et Restuccia (2018). 18 Emerick (2018) ; Taraz (2018) ; Aragón, Orteiza et Rud (2021). 19 Liu, Shamdasani et Taraz (2021). 20 Henderson et coll. (2017) ont constaté que les changements climatiques défavorables n’ont pas d’effet sur l’exode rural en Afrique subsaharienne. A F R I C A’ S P U L S E > 51 des températures sur la transformation structurelle (par exemple, une contraction de la demande de main-d’œuvre non agricole est attribuée à une demande plus faible de biens et services non agricoles, qui est quant à elle attribuée à une baisse des revenus agricoles induits par la productivité). La transition vers une économie verte impliquera des changements dans le schéma de répartition actuel des « espaces produits » (product space) existant à travers le monde. Des recherches récentes s’appuient sur la géographie économique pour développer de nouvelles mesures de la capacité des pays à faire leur transition vers l’économie verte21. Ces recherches identifient les opportunités de diversification verte qui sont étroitement associées à leurs capacités de production existantes (c’est- à-dire l’ensemble existant de compétences, de savoir-faire et d’infrastructures)22. L’analyse suggère que les pays les plus éloignés de l’opportunité de disposer d’un espace produit vert sont ceux dont le système productif repose principalement sur l’extraction de ressources en combustibles fossiles (par exemple, l’Angola et le Nigéria). Les pays en développement dotés de capacités technologiques peu avancées, sont également peu susceptibles d’aller vers de produits verts complexes. Par exemple, l’espace produit de l’Ouganda se caractérise par des exportations limitées de produits verts peu sophistiqués, souvent fabriqués à partir de matériaux végétaux, tels que des écrans et des matériaux pour tapis, qui sont utilisés pour empêcher l’érosion des sols23. Cette section thématique de ce numéro d’Africa’s Pulse étudie de manière approfondie, mais en aucun cas exhaustive, l’adaptation au changement climatique en Afrique subsaharienne. Elle constitue un tremplin pour d’autres recherches, qui seront exposées dans le rapport de recherche régional « L’économie de l’adaptation au changement climatique en Afrique subsaharienne ». La transition vers une économie à faible émission de carbone offre des avantages à long terme, non seulement sous la forme de risques environnementaux réduits, mais également en offrant de nouvelles opportunités de développement économique. Les décideurs africains doivent tirer parti de ces opportunités pour reconstruire une économie meilleure et plus écologique, en particulier face à l’aggravation des impacts climatiques et à la perspective d’une nouvelle « normalité climatique » dès 203024. • Il est essentiel d’assurer un accès universel à l’énergie pour atteindre les objectifs de développement durable sur le long terme. Près de 600 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité en Afrique subsaharienne, ce qui les entrave dans la création et la gestion d’une entreprise. Même les mégalopoles des plus grands pays de la région ont un approvisionnement en énergie insuffisant et peu fiable. Pour éradiquer ce problème, les pays africains devraient combiner une expansion des réseaux nationaux et l’adoption croissante des énergies renouvelables, notamment solaire et éolienne. Les pays africains pourraient éviter totalement d’en passer par les modèles dépendants des combustibles fossiles et centralisés, à mesure que les technologies énergétiques propres continuent de devenir plus rentables. Celles-ci pourraient faire de l’accès universel à l’énergie un objectif plus réalisable, en plus de fournir des emplois. Aujourd’hui, les entreprises offrant une formation aux emplois dans l’énergie solaire commencent déjà à éclore en Afrique. Par exemple, la Green Solar Academy (Afrique du Sud) et ses partenaires à travers le continent proposent des formations et des ateliers qui prodiguent les bases de la gestion d’une entreprise d’énergie solaire et de la conception de systèmes25. • En raison de la pandémie, les villes ont subi de plein fouet les fermetures d’entreprises, les pertes d’emplois et la réduction des revenus tirés de la prestation de services locaux. En Afrique, une grande partie des infrastructures, des villes et des systèmes de transport doivent encore sortir de 21 Mealy et Teytelboym (2021). 22 Les auteurs développent un potentiel indicateur de la nature écologique de l’espace produit qui combine : (i) le rapport du produit aux capacités actuelles du pays, et (ii) les opportunités de diversification les plus proches pour chaque pays. 23 Mealy et Teytelboym (2021). 24 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (2018). 25 Kacungira (2021). 52 > A F R I C A’ S P U L S E terre. Par conséquent, les investissements dans des infrastructures intelligentes pour faire face au climat peuvent aider les villes à créer des emplois et à mobiliser des financements publics limités avec des investissements du secteur privé. Il est possible ainsi de remédier aux problèmes liés au climat, tels que la pollution, les inondations, les canicules et l’accès à l’énergie. Par exemple, les rénovations éco-énergétiques des bâtiments, les services de déchets municipaux et d’eau à faible émission de carbone ou encore les transports urbains écologiques apportent des avantages pour les villes, à court et moyen terme26. Des données récentes montrent que les grandes villes de la région pourraient avoir besoin d’investissements pour devenir plus denses, propres et connectées. L’Afrique du Sud aura besoin de 215 milliards USD d’investissements dans ses villes, le Kenya de 27 milliards USD et l’Éthiopie de 42 milliards USD. Ces investissements, cependant, sont susceptibles de rapporter respectivement 240 milliards USD, 140 milliards USD et 700 milliards USD à l’Éthiopie, au Kenya et à l’Afrique du Sud. Ils soutiendront également la création d’emplois supplémentaires, ce qui se traduira par une moyenne de 210 000 nouveaux emplois nets en Éthiopie, 98 000 au Kenya et 120 000 en Afrique du Sud d’ici 205027. • Des politiques gouvernementales proactives, une planification et des investissements seront nécessaires pour fournir des informations, des incitations, un environnement favorable, et pour encourager les ménages, les communautés et le secteur privé à changer leurs comportements et leurs choix d’investissement. Ces comportements et investissements doivent contribuer à atténuer le changement climatique (croissance bas carbone) et à s’adapter à celui-ci (renforcement de la résilience), notamment dans l’agriculture et la production alimentaire. Les technologies numériques sont devenues de plus en plus accessibles et abordables pour les agriculteurs. Les nouveautés technologiques, telles que les images aériennes à partir de drones ou de satellites, les prévisions météorologiques et les capteurs de sol permettent aux agriculteurs de gérer leurs cultures en temps réel. Les solutions financières évoluent (avec notamment l’argent mobile et les possibilités de prêt numérique) et permettent de connecter les petits agriculteurs aux institutions financières et d’offrir un meilleur accès au marché. Les pratiques agricoles modernes (par exemple, les semences de nouvelles variétés, les engrais, les technologies d’irrigation et les machines) peuvent elles aussi contribuer à rendre résilient le système de production et de distribution alimentaire. Le rôle des gouvernements, des investisseurs et des organisations internationales est essentiel pour établir une planification agricole au niveau local et faciliter l’accès au crédit et aux outils numériques. • Enfin, la politique foncière est un levier puissant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et renforcer la résilience au changement climatique. Le secteur de l’occupation des sols a le potentiel de réduire les émissions, de séquestrer le carbone et d’augmenter la résilience humaine et des écosystèmes. En effet, souvent, la gestion et la restauration durables des terres contribuent sur le long terme au bien-être et au caractère durable de la société. Ces pratiques ont de multiples avantages tels que la création d’emplois, la réduction des risques de catastrophe, ainsi que l’atténuation et l’adaptation aux effets du changement climatique pour les générations actuelles et futures. Les questions et politiques foncières sont des problématiques clés pour la planification de l’adaptation, pour renforcer les régimes fonciers et les mesures de gestion dans les environnements à risque. Lorsque les droits fonciers, qu’ils soient individuels ou communautaires, sont sécurisés, cela incite davantage les personnes à investir et à tirer parti des stratégies d’adaptation. 26 Société financière internationale (SFI) (2021). 27 Coalitions pour les transitions urbaines (2021). A F R I C A’ S P U L S E > 53 • Les pays riches en ressources non renouvelables doivent gérer la transition alors que le monde se décarbonise. La baisse de la demande mondiale de matières premières énergétiques non renouvelables (notamment les combustibles fossiles) due à ce mouvement de décarbonisation fera baisser leurs cours internationaux. L’abandon du pétrole, du gaz et du charbon fait donc peser un risque sur la richesse des pays qui disposent d’énergie non renouvelable en abondance (par exemple, le Nigéria et l’Angola). C’est le cas aussi des pays ayant récemment découvert du pétrole ou du gaz (Mozambique, Kenya, et Sénégal). Il existe ainsi dans ces pays un fort risque d’actifs échoués. En conséquence de quoi, il est nécessaire de réduire au plus vite l’exposition de leurs actifs au risque carbone. Les politiques devraient être conçues pour favoriser la diversification des actifs en soutenant l’accumulation de capital humain ainsi que de capital naturel renouvelable tout en comblant le fossé des infrastructures. Une gestion prudente des revenus tirés des matières premières pourrait aider à financer ces investissements. Ainsi, la mise en place d’un cadre fiscal cohérent comprenant des incitations fiscales ciblées, la réduction des subventions aux combustibles fossiles et l’instauration d’une forme à définir de taxe carbone est essentielle pour favoriser l’investissement privé et l’innovation dans les énergies propres ou d’autres activités vertes28. La transition écologique entraînerait une création nette d’emplois dans le monde. On estime ainsi que la transition vers les énergies durables créera dans le monde, d’ici à 2030, 25 millions d’emplois et en éliminera 7 millions29. Les investissements nécessaires pour former près de 20 millions de travailleurs aux compétences requises pour les nouveaux emplois seront énormes. Des données récentes provenant des États-Unis montrent que les emplois verts exigent de plus fortes compétences cognitives non routinières et qu’ils sont plus dépendants de l’éducation formelle, de l’expérience professionnelle et de la formation en cours d’emploi (comparés aux emplois non verts)30. En Afrique subsaharienne, la création d’emplois est un énorme défi puisque 12 millions de personnes arrivent sur le marché du travail chaque année. Une reprise verte, résiliente et inclusive dans la région sera alimentée par des emplois productifs. Cependant, les emplois verts à eux seuls ne suffiront pas : une croissance inclusive doit s’accompagner d’emplois dits « bruns » (dans les secteurs à fort impact environnemental). Cela implique que la formation de capital humain « vert » doit être soutenue par des politiques d’éducation et l’apprentissage par la pratique pour façonner l’adaptation des compétences des travailleurs aux exigences d’un espace produit en mutation. Les politiques des pays africains peuvent saisir l’opportunité d’adaptation au changement climatique pour transformer leurs économies et créer de nouveaux emplois. Les décideurs politiques doivent tirer parti des technologies de lutte contre le changement climatique pour améliorer et/ou augmenter l’industrialisation et la main-d’œuvre non agricole. Ils peuvent par exemple s’intégrer dans les chaînes de valeur mondiales associées aux métaux verts, maintenant que leur prix augmente avec la décarbonisation. La région pourrait éviter d’en passer par les technologies de fabrication à fortes émissions, et bâtir un secteur manufacturier qui serait d’emblée « bas carbone ». De tels efforts nécessiteront 2 000 milliards USD dans les secteurs manufacturier et de l’énergie, et créeront 3,8 millions d’emplois au cours des trois prochaines décennies. Sur ces besoins d’investissement, 600 millions USD sont nécessaires pour décarboniser les industries manufacturières et les réseaux électriques existants, tandis que les 1 400 milliards USD restants créeraient de nouvelles entreprises bas carbone, qui remplaceraient ou compléteraient les secteurs traditionnels à fortes émissions (par exemple, la liquéfaction du charbon, le raffinage du pétrole et le ciment)31. 28 Pigato, Rafaty et Kurle (2021). 29 Selon ces estimations mondiales, la réaffectation de la main-d’œuvre peut employer 5 millions de travailleurs, tandis que 1 à 2 millions d’emplois seraient perdus sans postes vacants équivalents dans d’autres secteurs, et ces travailleurs devraient alors se reconvertir dans d’autres emplois (OIT 2019). 30 Consoli et coll. (2016). 31 McKinsey (2021). 54 > A F R I C A’ S P U L S E Les décideurs politiques doivent identifier les opportunités en prenant des mesures précoces de lutte contre le changement climatique, et faire appel au secteur privé pour aider à financer les transitions vers une économie bas carbone. Pour cela, le Rapport Pays sur le climat et le développement, un nouvel outil d’analyse par pays de la Banque mondiale, permettra d’identifier les opportunités d’action climatique pour les secteurs public et privé permettant d’atteindre les objectifs de développement durable du pays. La lutte contre le changement climatique nécessite des mesures audacieuses et des investissements massifs dans les secteurs économiques clés. Par exemple : créer les conditions d’une transition du charbon vers les énergies renouvelables ; investir dans les transports partagés et bas carbone dans les villes ; stimuler les systèmes alimentaires et d’utilisation des terres durables ; investir dans des infrastructures hydrauliques résilientes (et mieux gérées) ; réduire les émissions des chaînes de valeur industrielles critiques32. Enfin, le débat sur le changement climatique doit être renvoyé aux décideurs politiques des pays d’Afrique subsaharienne. Ceux-ci doivent envisager la question du changement climatique sous un autre angle : celui d’une source potentielle de transformation économique et de création d’emplois. Les décideurs politiques doivent mobiliser des ressources tant au niveau national qu’international, non seulement pour créer de nouveaux emplois plus verts et proches des produits existants, mais également pour faire évoluer leur espace produit vers des produits plus verts à moyen terme. L’adaptation au changement climatique devrait figurer au premier rang des priorités politiques et économiques des pays africains. 32 Okonjo-Iweala (2020). A F R I C A’ S P U L S E > 55 2.2 LA SITUATION CLIMATIQUE EN AFRIQUE Sur le continent africain, la température a augmenté au cours des dernières décennies dans des proportions comparables à celles d’autres continents, mais à un rythme plus rapide que la température moyenne mondiale de surface. L’année 2020 a été la quatrième année la plus chaude sur le continent africain depuis 1910, avec une température annuelle supérieure à la moyenne de 1,19 °C. Les 10 années les plus chaudes de la région se sont toutes produites depuis 2005, et parmi celles-ci les cinq plus chaudes ont eu lieu depuis 2010 (Figure 2.1)33. Les années 2010 et 2016 sont les années les plus chaudes enregistrées en Afrique, à 1,44 °C au-dessus de la moyenne. La température annuelle en Afrique a augmenté en moyenne de 0,13 °C (0,23 ºF) par décennie depuis 1910, mais le rythme a plus que doublé à 0,30 °C (0,54 ºF) depuis 198134. Les prévisions à long terme tablent sur un réchauffement supérieur à 2 °C dans une large partie de la région à l’horizon des deux dernières décennies du 21e siècle, dans des scénarios moyens35. La température a FIGURE 2.1 : Anomalies de température en Afrique, 1920-2020 (en degrés Celsius) augmenté au-delà des tendances 1.5 historiques au cours des quatre dernières Période de base : 1910-2000 (janvier-décembre) décennies. 1.0 0.5 0.0 -0.5 -1.0 1910 1915 1920 1925 1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 Source : National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), 2021. Remarque : Les anomalies mondiales et hémisphériques sont relatives à la moyenne du 20e siècle. Les anomalies en coordonnées sont relatives à la moyenne sur la période 1981-2010. Toutes les autres anomalies sont relatives à la moyenne sur la période 1910-2000. La hausse des températures et la modification des précipitations dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne se traduisent par une augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements météorologiques extrêmes – vagues de chaleur, sécheresses, inondations et tempêtes, entre autres. La durée et l’intensité des vagues de chaleur se sont accrues dans une partie de la région depuis la seconde moitié du 20e siècle, plus particulièrement en Afrique australe et en Afrique de l’Est. Par exemple, l’Afrique australe a enregistré des augmentations de température atteignant 2 °C au cours du siècle dernier, les plus fortes ayant été observées depuis les années 1980. Les régions occidentales d’Afrique australe, de la Namibie à l’Angola ainsi qu’au Congo, ont enregistré une baisse des précipitations estivales durant la seconde moitié du 20e siècle, tandis que d’autres pays du Sud, comme le Botswana, le Zimbabwe, et l’ouest de l’Afrique du Sud, ont connu une baisse modérée des précipitations. L’augmentation des températures sur le continent, ainsi que la fréquence et la 33 La température moyenne de la région ne rend pas compte de la très grande hétérogénéité des zones géographiques et des mois. 34 National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) (2021). 35 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (2014). 56 > A F R I C A’ S P U L S E gravité accrues des événements météorologiques peuvent entraîner des morts, des déplacements, des conflits liés au climat, des précipitations irrégulières, des pénuries d’eau et une dégradation de la production agricole. Le changement climatique en Afrique subsaharienne se caractérise non seulement par des anomalies de température et de précipitations, mais aussi par des catastrophes naturelles. La fréquence des catastrophes naturelles a nettement augmenté dans la région au cours des quatre décennies écoulées, et à un rythme plus rapide que dans le reste du monde. Par rapport à la période 1970-1979, la fréquence des sécheresses en Afrique subsaharienne a presque triplé sur la période 2010-2019. Elle a plus que quadruplé en ce qui concerne les tempêtes, et a plus que décuplé en ce qui concerne les inondations (Figure 2.2). Dans le même temps, la fréquence mondiale des tempêtes sur la période 2010-2019 a été multipliée par cinq par rapport à la période 1970-1979, et par trois concernant les inondations. Ces chiffres montrent que l’incidence des catastrophes naturelles en Afrique subsaharienne est plus importante qu’ailleurs dans le monde. Ainsi, plus du tiers des sécheresses observées au niveau mondial sur la période 2010-2019 ont eu lieu dans la région. La part mondiale de l’Afrique subsaharienne dans les inondations et les épidémies est respectivement d’environ 20 et 60 %. La fréquence et l’intensité accrues des catastrophes naturelles se traduisent par une augmentation de la population affectée. Par exemple, le nombre de personnes touchées par les sécheresses en Afrique subsaharienne est passé de 19,3 millions sur la période 1970-1979 à presque 115 millions sur la période 2010-2019, tandis qu’il passait, concernant les inondations, de 3,5 millions à 28,1 millions (Figure 2.2). Bien que les sécheresses soient moins fréquentes que d’autres risques naturels, elles représentent le bilan humain le plus lourd en termes de population affectée. FIGURE 2.2 : Catastrophes naturelles en Afrique, 1970-2020 - Fréquence et nombre de personnes affectées Les catastrophes naturelles sont a. Fréquence b. Personnes touchées de plus en plus 120 40 fréquentes et 35 graves en Afrique 100 30 subsaharienne. 80 25 Million 60 20 40 15 10 20 5 0 0 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 2020 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 2020 Sécheresses Inondations Épidémies Tempêtes Source : CRED 2019. Au-delà des données globales, la menace des aléas naturels varie fortement en fonction des zones géographiques et des mois de l’année. La carte 2.1 présente les types de risque naturel qui ont touché le plus de personnes dans les différents pays d’Afrique subsaharienne au cours des deux dernières décennies : (i) les pays du sud du continent, de la Corne de l’Afrique et du Sahel ont été largement affectés par les sécheresses ; (ii) la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest et centrale ont été principalement affectés par les inondations ; et (iii) les pays d’Afrique du Sud-Est connaissant une saison annuelle des cyclones, ils sont principalement affectés par les tempêtes36. Sur les l 053 aléas liés à des phénomènes météorologiques qui se sont produits dans la région de 2000 à 2019, environ 36 Ce groupe comprend des petits pays insulaires comme les Comores, Maurice et les Seychelles (CRED 2019). A F R I C A’ S P U L S E > 57 Les types d’aléas CARTE 2.1 : Aléas naturels affectant le plus grand nombre de personnes dans les pays d’Afrique IRAQ subsaharienne, 2000-2019 naturels qui affectent les pays varient dans la région. M er MAURITANIE Ro ug CABO VERDE CAP-VERT e MALI NIGER SOUDAN ÉRYTHRÉE SÉNÉGAL TCHAD den LA GAMBIE d'A BURKINA FASO lfe Go GUINÉE-BISSAO GUINÉE BÉNIN NIGÉRIA CÔTE GHANA ÉTHIOPIE SIERRA LEONE RÉP. SOUDAN D’IVOIRE DU SUD LIBÉRIA CENTRAFRICAINE SOMALIE TOGO CAMEROUN GUINÉE ÉQUATORIALE RÉP. DU OUGANDA KÉNYA SAO TOMÉ-ET-PRINCIPE GABON CONGO RWANDA RÉP. DÉM. DU CONGO BURUNDI TEMPÊTE TANZANIE INONDATION SEYCHELLES SÉCHERESSE OCÉAN PAS DE DONNÉES COMORES ANGOLA ZAMBIE MALAWI I N D IE N OCÉAN ZIMBABWE MOZAMBIQUE MADAGASCAR MAURICE AT L A N T I Q U E NAMIBIE BOTSWANA ESWATINI AFR IQUE D U S UD LÉSOTHO 46161: |CRED Source IBRD 2019. SEPTEMBRE 2021 Cette carte a été préparée par l’unité de cartographie du Groupe de la Banque mondiale. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur la présente carte n'impliquent de la part du Groupe de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d'un territoire quelconque et ne signifient nullement que le Groupe reconnaît ou accepte ces frontières. les deux tiers étaient des inondations, suivies des tempêtes (15 %) et des sécheresses (12 %). Des catastrophes naturelles ont lieu dans tous les pays de la région, mais leur fréquence et leur intensité varient fortement selon les zones géographiques. Ainsi, les trois pays enregistrant le plus grand nombre de catastrophes durant la période 2000-2019 sont le Kenya (60), l’Afrique du Sud (56), le Mozambique (55), en notant que les inondations et les tempêtes représentent plus des trois quarts de ces événements sur les deux dernières décennies. Concernant les pertes humaines provoquées par des catastrophes depuis 2000, la Somalie a connu le plus grand nombre de victimes (20 739) à la suite de la sécheresse de 2010. Elle est suivie du Mozambique (2 291), avec plus du quart des décès attribué au cyclone Idai37. 37 Voir CRED (2019). 58 > A F R I C A’ S P U L S E L’Afrique subsaharienne a le moins contribué aux émissions de GES mais c’est elle qui souffre le plus des conséquences du changement climatique. Les émissions de GES ont augmenté au niveau mondial malgré une série de mesures d’atténuation mises en œuvre au niveau national, bien qu’à des degrés d’intensité variables. Les émissions ont atteint un total mondial d’environ 49 gigatonnes d’équivalent CO2 par an (Gt eq CO2/an) en 201838. Plus des trois quarts des émissions mondiales de GES ont été causées par le secteur de l’énergie, 15 % par l’agriculture, l’exploitation forestière et d’autres utilisations des sols (12 % pour la seule agriculture), 6 % par les industries de transformation et 3 % par les activités de gestion des déchets. Cependant, les émissions de GES de l’Afrique subsaharienne se sont élevées à un total de 3,7 Gt eq CO2/an (7,6 % des émissions mondiales)39. L’agriculture, l’exploitation forestière et les autres utilisations des sols ont contribué pour 62 % aux émissions de la région (25 % de l’agriculture)40. Ceci nous montre que les efforts d’atténuation des émissions de GES définis nationalement par les pays africains doivent accorder une plus grande importance aux émissions de l’agriculture, de l’exploitation forestière et des autres utilisations des sols pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris concernant la limitation de l’augmentation moyenne de la température mondiale41. Les modalités de ces interventions doivent garantir une transition juste et un développement durable. Les pays africains doivent s’efforcer d’exploiter les sources d’énergie renouvelable pour répondre aux besoins énergétiques à grande échelle de la population, dont 50 % utilisent le gaz. Ils doivent saisir ainsi l’occasion de faire baisser le prix des énergies renouvelables. De plus, des mesures concrètes devraient être mises en œuvre pour éliminer l’utilisation de la biomasse comme combustible pour la cuisson, très répandue parmi les ménages pauvres. Environ 729 millions de personnes en Afrique subsaharienne (73 % de la population de la région) n’ont pas la possibilité de cuire de façon efficace, propre, pratique, fiable, sûre et abordable. Seulement 10 % de la population de la région a accès à des services énergétiques permettant des modes de cuisson modernes42. L’accès à des solutions de cuisson propres et efficaces dans la région devrait réduire la déforestation et la perte des services écosystémiques associés qui sont essentiels pour amortir les chocs climatiques. 38 World Resources Institute (2020): https://www.wri.org/insights/interactive-chart-shows-changes-worlds-top-10-emitters. 39 Si l’on exclut l’Afrique du Sud, les émissions de GES de la région représentent seulement 3 % des émissions mondiales. 40 Le secteur énergétique en Afrique subsaharienne était responsable de 31 % des émissions de la région en 2018. 41 Les mesures d’atténuation comprennent, entre autres, la conservation des sols et du couvert végétal, les pratiques agricoles intelligentes face au climat, l’afforestation et la reforestation, la réduction des pertes et des déchets alimentaires, la modification des régimes alimentaires humains, et les changements dans la consommation de bois Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (2014). 42 Les services de cuisson énergétique modernes font référence à un contexte domestique qui a satisfait aux normes de niveau 4 ou supérieur pour les six attributs de mesure du cadre à plusieurs niveaux : commodité, disponibilité (de carburant) (un indicateur de fiabilité), sécurité, abordabilité, efficacité, et exposition (un indicateur de santé lié à l’exposition aux polluants provenant des activités de cuisine). Pour plus de détails sur la définition, voir ESMAP (2020). A F R I C A’ S P U L S E > 59 2.3 L’IMPACT ÉCONOMIQUE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE Le changement climatique a un effet négatif sur l’activité économique partout dans le monde. Les conséquences chroniques extrêmes liées au climat (inondations, sécheresses et dégradation des sols) n’affaiblissent pas seulement les écosystèmes, ils affectent également la santé. Contrer l’impact du changement climatique exige des ressources précieuses qui peuvent faire défaut à d’autres investissements essentiels, tels que les infrastructures économiques et physiques, la recherche et le développement, et le capital humain. Dans le monde, des pays subissent déjà les conséquences négatives du changement climatique sur l’activité économique, et ces répercussions défavorables vont s’accélérer dès 2030, aggravant ainsi les vulnérabilités de pays qui ont peu de capacités, une gouvernance faible, une gestion insuffisante des ressources naturelles et une grande dépendance aux activités sensibles au climat43. Ainsi, la hausse des températures et les vagues de chaleur peuvent nuire, entre autres, à la croissance de différents secteurs, en provoquant des baisses de productivité, des dommages corporels ainsi qu’une dégradation des sols et des ressources en eau. Les chocs liés au climat affectent de manière disproportionnée l’Afrique subsaharienne, un sous- continent qui a produit 2 % du PIB mondial en 2020, abrite près de 15 % de la population mondiale et devrait représenter, selon les projections, plus de la moitié de la population mondiale en 210044. L’impact important du changement climatique est principalement attribué à l’exposition géographique de la région, à la faiblesse des revenus, à une plus grande dépendance aux secteurs sensibles au climat et à une faible capacité d’adaptation aux chocs météorologiques. Au Sahel, par exemple, les sécheresses affectent fortement l’activité économique, en particulier, la production agricole. Les sécheresses et les inondations peuvent causer un grand nombre de victimes. La saison cyclonique 2018-2019 a ainsi entraîné un niveau de dégâts sans précédent. Les cyclones Idai et Kenneth ont provoqué le déplacement de près de 2,2 millions de personnes au Malawi, au Mozambique et au Zimbabwe45. Les pertes économiques au Mozambique se sont traduites par un ralentissement de la croissance du PIB à 2,5 % en 2019 contre les 4,7 % prévus46. Des données empiriques indiquent que les économies africaines sont assez sensibles aux évolutions des variables climatiques et aux catastrophes liées au climat en raison de la vulnérabilité de leurs principaux moteurs de croissance : l’agriculture, l’exploitation forestière, le pastoralisme, l’énergie, le tourisme, les ressources côtières et aquatiques47. Le lien entre climat et développement a été évalué de manière empirique selon deux approches. La première est axée sur l’estimation de la relation entre le climat (moyennes et anomalies de température ou de précipitations, événements météorologiques extrêmes) et l’activité économique globale (niveaux de production et de productivité, croissance)48. Des données empiriques résultant de cette approche indiquent : une relation négative entre les niveaux de température et les niveaux de revenus, ainsi qu’entre les anomalies climatiques et la croissance économique49. Toutefois, cette relation peut être déterminée par d’autres caractéristiques particulières au pays, comme la qualité de ses institutions50. La seconde approche utilise des données micro-économiques pour quantifier les conséquences des chocs climatiques, puis les agrège pour calculer l’impact net sur le revenu national. Cette approche fait partie des Modèles d’évaluation intégrée (MEI), qui sont largement utilisés pour modéliser les interactions entre climat et économie et évaluer les options politiques visant à réduire les émissions de GES. Cette approche est complexe car : (i) l’éventail de canaux 43 Banque mondiale (2020). 44 Les projections démographiques se fondent sur la variante fécondité constante des Nations unies sur la période 2020–2100. 45 Agence des États-Unis pour le développement international (USAID (2019). 46 Facilité mondiale pour la prévention des risques de catastrophes et le relèvement (GFDRR) (2019). 47 Dell, Jones, et Olken (2012) ; Abidoye et Odusola (2015); Boko et coll. (2007). 48 Voir, par exemple, Gallup, Sachs et Mellinger (1999) ; Nordhaus (2006) ; Abidoye et Odusola (2015) ; Kahn et coll. (2019). 49 Voir, par exemple, Dell, Jones et Olken (2009, 2012) ; FMI (2017) et les références qui y sont mentionnées. 50 Acemoglu, Johnson et Robinson (2002). 60 > A F R I C A’ S P U L S E par lesquels la température peut impacter l’activité économique est large, et (ii) la spécification, l’interaction et l’agrégation de ces différents canaux d’impact soulèvent d’importantes difficultés51. Preuves économétriques agrégées Les premières études montrent que la hausse des températures peut avoir une incidence sur la croissance économique. À l’aide d’un panel de 136 pays entre 1950 et 2003, Dell, Jones et Olken (2012) constatent qu’une augmentation de 1 °C de la température au cours d’une année donnée réduirait, parmi les pays pauvres, la croissance économique de 1,3 point de pourcentage en moyenne, tandis que l’impact serait négligeable parmi les pays riches52. La non-linéarité dans la relation entre la croissance et la température rend les effets du réchauffement asymétriques entre les pays. L’effet significatif de la hausse des températures sur les pays les plus pauvres est attribué à une dépendance excessive à l’égard des activités sensibles au climat (comme l’agriculture), et au fait que ces pays disposent de ressources limitées (faibles revenus et épargne) pour contrer les chocs climatiques53. Les résultats obtenus montrent que des températures plus élevées affectent non seulement le niveau de production, mais qu’ils réduisent également le taux de croissance des pays pauvres. Enfin, la température affecte la croissance des pays pauvres par différents types d’impact. La baisse de la production et de la productivité agricoles n’est qu’un élément du tableau. Dans les pays pauvres, la hausse des températures peut également affecter la production industrielle et entraîner une instabilité politique54. Les estimations de la relation non linéaire entre la température et la productivité suggèrent qu’après avoir atteint un pic à une température moyenne annuelle de 13 °C, la productivité économique diminuerait fortement à des températures plus élevées55. À partir d’un échantillon de 166 pays sur la période 1996-2010, il a été constaté que la productivité économique au niveau national atteint un maximum à 13 °C. C’est bien en dessous des valeurs seuils obtenues à partir des analyses microéconomiques. La productivité diminue ensuite rapidement à des températures plus élevées56. Des données provenant d’un échantillon plus large de pays et d’une période plus longue confirment ces conclusions : la température a des effets inégaux sur les performances économiques dans les différents pays du monde57. Une température plus élevée entraînera une baisse de la croissance par habitant dans les pays où les températures moyennes sont élevées, tandis que l’effet inverse se produit dans les pays où le climat est beaucoup plus froid. Le seuil de température estimé se situe entre 13 °C et 15 °C58. Étant donné que les marchés émergents, en particulier, les pays en développement à faible revenu, ont tendance à subir des températures plus élevées, la croissance du PIB par habitant est affectée par le réchauffement des températures. Une augmentation de 1 °C par rapport à une température de 25 °C pour un pays en développement médian à faible revenu réduit la croissance de 1,2 point de pourcentage la même année. Et la récupération après un choc climatique n’est pas rapide pour les pays en développement à faible revenu : la production par habitant reste inférieure de 1,5 % sept ans après le choc. 51 Voir Stern (2007) pour un examen des applications de cette approche à l’estimation des chocs climatiques et l’évaluation des politiques. 52 Si les pays plus riches ne sont pas affectés par la température, cela pourrait indiquer que la richesse et le capital créé par l’homme se substituent au capital naturel (par exemple, la composition de l’atmosphère) dans l’activité économique. 53 Par ailleurs, les pays riches et les pays pauvres peuvent être tout aussi vulnérables à l’augmentation des températures, mais avoir des expositions de base différentes à la température et, par conséquent, des conséquences économiques différentes lorsque la température augmente (Burke et coll. 2015b). 54 Ces effets sont conformes à d’autres travaux qui mettent en évidence les vastes répercussions de la hausse des températures en dehors de l’agriculture (Hsiang 2010). 55 Voir Burke, Hsiang et Miguel (2015b). 56 Burke, Hsiang et Miguel (2015b) soutiennent que les pays tropicaux pauvres affichent des baisses de productivité plus marquées en moyenne parce qu’ils sont exposés à des températures plus élevées, et non principalement parce qu’ils sont plus pauvres. 57 Le FMI (2017) évalue l’impact des chocs météorologiques sur le PIB réel par habitant pour 180 pays au cours de la période 1950-2015. La réponse du PIB réel par habitant aux chocs climatiques est estimée à l’aide de méthodes de projection locales (Jordà 2005). 58 Les économies de marché émergentes, en particulier celles des pays en développement à faible revenu, ont tendance à subir des climats beaucoup plus chauds. En outre, une augmentation de la température réduit considérablement la croissance du PIB par habitant (FMI 2017). A F R I C A’ S P U L S E > 61 Une analyse empirique plus poussée a permis d’étudier non seulement les effets de l’augmentation des températures moyennes, mais aussi ceux des anomalies de température59. Les données suggèrent que l’on appréhende mieux l’impact du changement climatique sur la croissance économique des pays africains lorsqu’il est mesuré par les anomalies de température sur une période de deux décennies, plutôt que par la mesure de la température moyenne (sur une période de 20 ans)60. L’impact du changement climatique sur la croissance en Afrique est négatif avec une probabilité de 93 %. Les estimations de régression montrent qu’une augmentation de 1 °C de la température réduit la croissance du PIB de 0,67 point de pourcentage. En outre, les impacts des anomalies de température varient considérablement d’un pays à l’autre de la région. Les impacts les plus élevés sont observés en République démocratique du Congo, au Zimbabwe, en République centrafricaine et à Madagascar. Les impacts les plus faibles sont observés au Nigéria, au Botswana et en Eswatini. La fréquence et l’ampleur accrues des impacts climatiques entravent la capacité des pays à atteindre leurs objectifs de développement. Les données transnationales sur l’impact macroéconomique du changement climatique montrent que les changements persistants de conditions climatiques (mesurés par les écarts de température par rapport à leur norme historique) ont un effet négatif à long terme sur la croissance par habitant61. Dans ce contexte, Kahn et coll. (2019) ont fait une estimation des effets macroéconomiques à long terme du changement climatique dans 174 pays entre 1960 et 201462. Leurs résultats montrent que les changements persistants des conditions climatiques ont un impact négatif sur la croissance à long terme par habitant63. Contrairement aux études précédentes, ils n’ont pas réussi à détecter : (i) un impact asymétrique des anomalies de température positives et négatives sur la croissance à long terme, et (ii) des impacts climatiques asymétriques sur les pays pauvres et riches. Ils affirment que les résultats empiriques s’appliquent aussi bien aux pays pauvres ou riches, chauds ou froids, car la croissance par habitant est affectée non seulement par la température, mais aussi par la variabilité climatique. Une série d’exercices contrefactuels est menée pour évaluer les effets cumulatifs sur le revenu des augmentations annuelles de la température sur la période 2015-2100. D’après leurs estimations, une augmentation de la température moyenne mondiale de 0,04 °C par an (dans un scénario d’augmentation des émissions de GES et d’absence de politiques d’atténuation) réduirait le PIB réel mondial par habitant de 7,2 % à l’horizon 210064. Si l’augmentation de la température est limitée à 0,01 °C par an (conformément à l’accord de Paris), la perte de production n’est que de 1,1 %. Toutes les régions (froides ou chaudes, et riches ou pauvres) connaîtraient une forte baisse du revenu par habitant à l’horizon 2100 en l’absence de politiques de lutte contre le changement climatique. Néanmoins, l’ampleur de ces effets sur le revenu varierait d’un pays à l’autre en fonction du rythme de l’augmentation de la température et de la variabilité historique des conditions climatiques dans chaque pays65. Ces résultats montrent que la seule adaptation au changement climatique pourrait réduire les effets négatifs de son augmentation à long terme, mais qu’elle ne les compenserait pas entièrement66. Il faut des réponses politiques plus énergiques en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. 59 L’écart moyen annuel de la température est calculé sur un horizon de cinq ans dans Barrios et coll. (2008) et sur un horizon de 20 ans dans Abidoye et Odusola (2015). 60 Abidoye et Odusola (2015) montrent que le coefficient de l’anomalie de température est négatif avec une probabilité de 92 %. 61 Le volet des études qui évalue l’impact des événements climatiques sur la performance économique en est à ses balbutiements et se concentre principalement sur les effets à court terme (GIEC 2014 ; Dell, Jones et Olken 2014 ; Cashin, Mohaddes et Raissi 2017). Les contributions initiales ont été contestées en raison : i) du recours à des approches transversales qui ne tiennent pas compte de la dimension temporelle des données (par exemple, Nordhaus 2006 ; Dell, Jones et Olken 2009), et ii) de la probable causalité inverse entre la croissance et le climat (Burke et coll. 2015b ; Hsiang 206). Dans son modèle dynamique intégré climat-économie, Nordhaus tient compte de la causalité à double sens entre l’activité économique et la température moyenne (Nordhaus 1992). 62 Les auteurs estiment les effets des hausses de température persistantes sur la croissance à long terme en utilisant l’estimateur Jackknife FE à demi-panel proposé par Chudik, Pesaran et Yang (2018) pour traiter le biais et la distorsion de taille possibles de l’estimateur FE couramment utilisé étant donné la faible exogénéité des variables climatiques. Cela rend les estimations robustes aux effets de rétroaction probables de l’activité économique sur le climat. 63 Plus précisément, une augmentation (diminution) annuelle de 0,01 °C de la température au-dessus (en dessous) de sa norme historique réduirait la croissance par habitant de 0,0543 point de pourcentage par an (Kahn et coll. 2019). 64 L’augmentation de la température moyenne mondiale de 0,04°C par an correspond au scénario RCP (Representative Concentration Pathway) 8.5, qui suppose des émissions de GES plus élevées en l’absence de politiques d’atténuation. 65 Kahn et coll. (2019). 66 Les pays peuvent s’adapter à des températures particulières à long terme et seraient en mesure d’atténuer les impacts économiques à court terme. Des politiques d’adaptation réussies peuvent expliquer pourquoi les estimations des effets économiques à court terme des chocs de température sont plus importantes que celles impliquées par la relation transversale entre la température et le revenu dans le monde entier (Kahn et coll. 2019). 62 > A F R I C A’ S P U L S E Une analyse empirique récente utilise de nouvelles données issues de panels au niveau des districts sur le climat et l’activité économique dans 37 pays et sur plusieurs décennies67. Les données recueillies au niveau des districts montrent que la production économique diminue fortement en cas de hausse des températures. Contrairement aux estimations transnationales, les estimations au niveau des districts ne mettent pas en évidence une relation positive entre le climat et le développement dans les régions plus froides. Au niveau mondial, les données recueillies au niveau des districts suggèrent qu’une augmentation de la température (supérieure à la moyenne 2001- 2015) entraîne une baisse de la croissance dans presque toutes les régions du monde, y compris les plus riches68. Au même niveau de désagrégation que celui utilisé par Burke et Tanutama (2019), les données probantes au niveau provincial pour l’Afrique subsaharienne montrent qu’une augmentation de 0,5 °C de la température au cours d’un mois donné (par rapport à sa moyenne sur 30 ans) réduit de 2,1 % l’éclairage nocturne enregistré par satellite. Cela se traduit par une baisse de 1 % du PIB réel mensuel d’une province69. L’effet de croissance estimé en Afrique subsaharienne est le double de celui du monde et 1,6 fois la moyenne des marchés émergents et des pays en développement à faible revenu. Cependant, ces effets peuvent ne pas être persistants tout au long de l’année et seraient probablement compensés par d’autres facteurs70. En Afrique subsaharienne, les catastrophes naturelles peuvent avoir des effets économiques négatifs durables, et ils peuvent être considérables, comme dans le cas des sécheresses et des tempêtes extrêmes (cyclones). Les estimations par pays montrent d’abord que les catastrophes naturelles peuvent affecter de manière significative la croissance à moyen terme : une sécheresse dans un pays d’Afrique subsaharienne peut réduire sa croissance économique à moyen terme d’un point de pourcentage par an, en sachant que le bilan économique des inondations (y compris les tempêtes extrêmes) est environ deux fois moins élevé que celui des sécheresses. Ces estimations montrent ensuite l’impact disproportionné des catastrophes naturelles d’origine climatique en Afrique subsaharienne qui reflète la faible résilience et le manque de mécanismes d’adaptation de la région, ainsi que sa dépendance à l’égard de l’agriculture pluviale71. Ces estimations par pays montrent enfin que les effets des catastrophes sur la croissance sont déterminés par leur intensité plutôt que par leur fréquence72. Les défis à la croissance économique après une catastrophe naturelle sont aggravés par l’augmentation des déficits des comptes, l’accroissement des vulnérabilités fiscales et de la dette, ainsi que les pressions sur les réserves internationales. À court terme, les effets négatifs sur la croissance peuvent être partiellement atténués par les transferts de fonds, l’aide étrangère et la reconstruction. La modernisation des infrastructures endommagées peut atténuer en partie les pertes en capital physique. Cependant, la perte de capital humain due aux décès, à la malnutrition ou à la baisse du taux de scolarisation après une catastrophe est irréparable73. L’adaptation à des anomalies de température et de précipitations plus fréquentes affecte le volume et la structure des exportations74. La stabilité financière peut être affectée par les chocs liés au climat : les actifs détruits en raison d’événements climatiques extrêmes pourraient réduire la valeur des garanties des agents économiques et nuire à la solidité des institutions financières. 67 L’ensemble de données comprend des informations sur plus de 11189 districts combinées à des informations sur la température et les précipitations moyennes dans chaque district-année, en utilisant plusieurs sources d’informations climatiques (Burke et Tanutama 2019). 68 Voir Burke et Tanutama (2019). 69 De même, un écart de 10 millimètres dans les précipitations (par rapport à la moyenne sur 30 ans pour ce mois) peut réduire de 0,8 % l’éclairage nocturne en Afrique subsaharienne, ce qui se traduit par une réduction du PIB réel de 0,4 %. Les chocs de précipitations pendant la saison de croissance maximale peuvent entraîner un effet persistant pendant plus d’un an. 70 Voir FMI (2020). 71 Par exemple, l’effet négatif des sécheresses sur la croissance en Afrique subsaharienne est près de huit fois supérieur à celui observé dans les autres marchés émergents et pays en développement (FMI 2020). 72 Ce résultat est conforme à celui de Noy (2009) et de Fomby, Ikeda et Loayza (2013). 73 FMI (2020). 74 Voir Jones et Olken (2010). A F R I C A’ S P U L S E > 63 Canaux de transmission Le changement climatique peut affecter de manière significative l’activité économique par une série de canaux. L’un des canaux directs par lesquels le climat peut affecter le niveau de l’activité économique est la production agricole (par exemple, en modifiant les rendements agricoles), étant donné que la température et les précipitations sont des composants essentiels de la production agricole75. En outre, les recherches empiriques montrent les effets à long terme sur la croissance des chocs climatiques persistants, à travers leur impact sur le capital physique, le capital humain (éducation, santé et mortalité), la productivité du travail et les conflits76. Activité sectorielle. Des recherches récentes montrent que, compte tenu de la température moyenne dans le pays en développement à faible revenu médian, la valeur ajoutée dans l’agriculture, la production agricole et les rendements diminuent avec l’augmentation des températures, et restent déprimés à moyen terme. La hausse des températures nuit également à la production industrielle, en particulier dans les pays à climat chaud, tandis que la valeur ajoutée dans les services semble être protégée des chocs climatiques77. Dans le domaine de l’agriculture, une augmentation de 1 °C de la température dans les pays pauvres est associée à une baisse de la production agricole de 2,7 points de pourcentage, alors que l’impact d’une augmentation similaire de la température dans les nations plus riches est négligeable. Des précipitations plus importantes (c’est-à-dire 100 millimètres de précipitations annuelles supplémentaires) sont associées à une croissance plus élevée de la production agricole, tant dans les pays riches que dans les pays pauvres, bien que l’impact ne soit pas statistiquement significatif78. Il est prouvé que l’augmentation de la température a un impact plus sévère sur l’agriculture en Afrique subsaharienne. Par exemple, l’écart de la production agricole de l’Afrique subsaharienne par rapport aux autres régions en développement à la fin du 19e siècle n’aurait été que de 32 % de l’écart actuel si les conditions de température et de pluviosité avaient été les mêmes qu’avant les années 6079. La production industrielle est également affectée par les chocs climatiques : une augmentation de 1 °C de la température dans les pays pauvres est associée à une réduction de la production industrielle de 2 points de pourcentage. L’augmentation de la température a également un effet négatif sur les exportations de produits agricoles et industriels dans les pays pauvres. Bon nombre des secteurs d’exportation affectés par la température ne sont pas nécessairement des transformateurs en aval de produits agricoles (par exemple, les fabricants d’équipements électroniques et de métaux légers)80. L’impact important des chocs climatiques sur la production industrielle peut être attribué aux facteurs suivants : (i) les retombées sur la demande des chocs climatiques défavorables à la production agricole, et (ii) les contractions de l’offre de travail et/ ou les pertes de productivité du travail dans les usines ou les industries fortement exposées aux intempéries81. Sources de croissance. Une augmentation de la température pourrait entraîner des pertes de production persistantes et affecter la croissance si elle a un effet négatif sur le rythme d’accumulation du capital (choc d’offre). On observe une forte réduction des investissements à moyen terme en réponse à une augmentation de 1 °C de la température. C’est-à-dire que les investissements sont inférieurs de 6 % sept ans après le choc climatique. Les importations qui sont en partie liées aux investissements présentent une réponse similaire aux augmentations de température. En outre, des températures plus élevées dans les pays au climat chaud peuvent réduire l’offre (future) de 75 Par exemple, voir Meehl, Tebaldi et Nychka (2004). 76 Voir Dell, Jones et Olken (2014) ; Carleton et Hsiang (2016) ; Heal et Park (2016). 77 FMI (2017). 78 Dell Jones et Olken (2012). 79 Barrios, Ouattara et Strobl (2008). 80 Jones et Olken (2010). 81 Graff Zivin et Niedell (2010). 64 > A F R I C A’ S P U L S E main-d’œuvre, car elles influencent les taux de mortalité. Une hausse de 1 °C de la température augmente la mortalité infantile de 0,12 point de pourcentage l’année du choc climatique. L’impact physiologique est aggravé par les pertes de revenus liées au climat et l’insécurité alimentaire82, ainsi que par l’impact négatif sur la santé et le niveau d’éducation des enfants. L’exposition à la chaleur au-delà d’un certain seuil affecte les performances des personnes dans les tâches cognitives et physiques83. L’impact des chocs climatiques sur la productivité semble être considérablement plus important dans les industries exposées à la chaleur, notamment l’agriculture, la sylviculture, la pêche et la chasse, la construction, l’exploitation minière, le transport et les services publics, ainsi que la fabrication dans des installations qui ne sont pas nécessairement climatisées dans les pays à faible revenu et dont les processus de production génèrent souvent une chaleur considérable84. La productivité globale diminuera également si les chocs climatiques entraînent une instabilité politique et des conflits plus importants. Instabilité politique. La hausse des températures peut avoir un effet négatif sur la production si elle entraîne une instabilité politique. À son tour, l’instabilité politique peut entraver l’accumulation de capital physique et humain et ralentir la croissance de la productivité, en particulier dans les pays pauvres. Après une augmentation de la température de 1 °C, la probabilité de changer de dirigeant augmente de 3,1 points de pourcentage dans les pays pauvres. Il s’agit alors principalement de changements de dirigeants irréguliers, tels que des coups d’État. L’impact des chocs climatiques sur l’instabilité politique des pays pauvres suggère un impact sur la croissance de la productivité et sur les niveaux de revenus par la détérioration du cadre institutionnel85. Une méta-analyse hiérarchique portant sur 55 études montre que les anomalies de température et de précipitations augmentent les risques de conflit. Une augmentation d’un écart-type de la température entraîne une augmentation des conflits interpersonnels de 2,4 %, et des conflits intergroupes de 11,3 %. Si les réponses futures aux chocs climatiques sont similaires à celles du passé, le changement climatique causé par l’homme pourrait augmenter de manière significative la criminalité violente, les conflits civils et l’instabilité politique au niveau mondial, par rapport à un scénario de référence sans changement climatique86. Inégalité. Le changement climatique peut potentiellement exacerber les inégalités déjà existantes en Afrique subsaharienne. Près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et vit d’activités sensibles au climat telles que l’agriculture pluviale, le pastoralisme et la pêche. La faible capacité d’adaptation reflète des réserves financières limitées et des niveaux d’éducation et de santé médiocres, ce qui accroît, entre autres, la vulnérabilité aux pertes de revenus, au chômage et à l’insécurité alimentaires. Les données montrent par exemple que l’insécurité alimentaire augmente de 5 à 20 points de pourcentage en Éthiopie, au Malawi, au Mali, au Nigéria et en Tanzanie en cas d’inondation ou de sécheresse87. La détérioration de la santé et de la fréquentation scolaire due au climat accentuerait les inégalités entre les genres et réduirait les perspectives de revenus à long terme88. Incapables de faire face aux chocs climatiques, les populations rurales se déplaceraient alors vers les villes à la recherche d’emplois et de logements. Or, les villes d’Afrique subsaharienne ont déjà du mal à faire face à l’augmentation rapide de la population urbaine et à la nécessité de construire des infrastructures résistantes au climat. Les conflits et la violence découlant de ces évolutions réduiraient la croissance et augmenteraient les inégalités89. 82 Des données transnationales attestent de la solidité de la relation entre les conditions météorologiques et les résultats en matière de santé, tels que mortalité et santé prénatale, entre autres (Kudamatsu, Persson et Strömberg 2012 ; Guo et coll. 2014 ; FMI 2017). 83 Voir, par exemple, Seppänen, Fisk et Lei (2006). 84 Graff Zivin et Neidell (2014). 85 FMI (2017). 86 Burke, Hsiang et Miguel (2015a). 87 FMI (2020). 88 Shahidul et Zehadul Karim (2015). 89 Hsiang, Meng et Cane (2011) ; FMI (2019). A F R I C A’ S P U L S E > 65 Modélisation d’équilibre général calculable Un autre volet des études effectuées modélise les risques climatiques à l’aide de modèles d’équilibre général calculable (EGC) et de Modèles d’évaluation intégrés (MEI), où les MEI intègrent les dommages environnementaux dans les modèles macroéconomiques. Les modèles MEI antérieurs étaient souvent basés sur le cadre de croissance néoclassique avec un secteur de production agrégé90. Des efforts ultérieurs ont permis d’intégrer de multiples secteurs dans les modèles MEI, par exemple : DART91, GTEM92 et ENVISAGE93. Des variantes dynamiques de ces modèles ont été simulées pour évaluer les effets des changements de température sur la croissance économique mondiale et la répartition des richesses. Les effets macroéconomiques estimés sont significatifs, mais avec des impacts inégaux aux niveaux régional et sectoriel94. Des modèles antérieurs ont exploré les canaux de transmission dans les scénarios climatiques, tels que la productivité du travail. Ils ont été élaborés sur la base des faits probants des effets de la chaleur, des directives climatiques pour des environnements de travail sûrs et de la répartition mondiale de la population active95. Les modèles ENVISAGE ont été utilisés pour évaluer un plus large éventail de canaux de transmission, tels que l’élévation du niveau des mers, la productivité agricole, la disponibilité de l’eau, la santé, le tourisme et la demande énergétique96. Les modèles suggèrent un impact hétérogène du changement climatique selon les régions et les canaux de transmission. Par exemple, les variations de la productivité du travail expliquent 84 % des pertes d’activité économique mondiale en 2050 (-1,8 % du PIB mondial). Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ainsi que l’Asie de l’Est subissent les impacts les plus graves du changement climatique. Les pertes directes de productivité du travail et l’élévation du niveau de la mer sont les principaux canaux expliquant ces effets, respectivement. Les modèles dynamiques globaux d’équilibre général calculable (EGC) sont généralement utilisés pour examiner les effets économiques du changement climatique et mener des analyses politiques97. L’élargissement des dimensions nationales et sectorielles ainsi que le développement de nouvelles méthodes de résolution ont permis aux chercheurs de mettre au point des modèles de simulation EGC intertemporels à grande échelle et d’évaluer les effets du changement climatique dans différents scénarios RCP (Representation Concentration Pathway). Kompas, Van Ha Pham et Che (2018) simulent un modèle d’analyse des échanges mondiaux avec des investisseurs prospectifs pour 139 pays afin d’examiner les effets économiques du changement climatique pour un large éventail de changements de température. Leurs simulations confirment des différences d’impact du changement climatique selon les régions et les secteurs économiques, ainsi qu’un impact croissant au fil du temps. L’impact du changement climatique est plus délétère en Afrique subsaharienne, en Inde et dans les pays d’Asie du Sud-Est et, de manière générale, dans tous les pays proches de l’équateur. En Afrique subsaharienne, la perte potentielle de PIB est estimée à 2 889,66 milliards USD pour un réchauffement planétaire de 3 °C à l’horizon 2100, avec des pertes de PIB entre les pays africains pouvant atteindre 19 % par an. L’impact du changement climatique se transmet par une série de canaux, notamment la baisse du rendement des cultures, la réduction de la productivité de l’agriculture et de la main-d’œuvre, et les dommages causés à la santé humaine. En l’absence de changements majeurs dans les tendances sociales, économiques et technologiques mondiales, le changement climatique qui entraîne une augmentation de la température de 3 °C (RCP 6.0) réduira le PIB de la région de 8,6 % par an après 2100. S’il est limité à 1,5 °C (Accord de Paris), le déclin du PIB 90 Voir Stern (2007) pour un examen de ces modèles antérieurs. 91 Deke et coll. (2001). 92 Pant, Tulpulé et Fisher (2002). 93 Roson et van der Mensbrugghe (2012). 94 Eboli, Parrado et Roson (2010). 95 Kjellstrom et coll. (2009). 96 Roson et van der Mensbrugghe (2012). 97 Des tentatives antérieures ont utilisé le modèle G-Cubed (McKibbin et Sachs 1991 ; McKibbin et Wilcoxen 1999) pour former une économie mondiale intertemporelle afin de prédire les émissions futures de CO2 selon différents scénarios. Cependant, ils avaient des dimensions limitées, par exemple, le modèle à 14 pays et 12 secteurs de McKibbin, Pearce et Stegman (2009). 66 > A F R I C A’ S P U L S E sera de 3,8 % par an après FIGURE 2.3 : Impact du changement climatique sur le PIB de Les pertes de 2100 (Figure 2.3). En outre, l’Afrique subsaharienne PIB estimées l’impact à long terme du changement climatique sur 2020 2027 2037 2047 2067 2100 sont nettement 0 plus élevées si l’activité économique varie aucune mesure Évolution du PIB en pourcentage considérablement d’un -2 n’est prise contre pays africain à l’autre. Pour les changements un réchauffement global -4 climatiques. de 3 °C à l’horizon 2100, les pertes de PIB pourraient être -6 0 °C (pas de réchau ement) aussi faibles que 3,4 à 4,4 % 1,5 °C (accord de Paris) (Namibie et Afrique du Sud) -8 2 °C avec une perte médiane 3 °C (aucune action entreprise) régionale de 7-8 % (Kenya, -10 Madagascar, Tanzanie et Source : Kompas, Pham et Che 2018. Rwanda)98. Données probantes microéconomiques de l’impact du changement climatique sur l’industrie manufacturière Cette sous-section explore la relation entre la température et la performance économique en utilisant des données de production détaillées au niveau de la ligne ou de l’usine. L’un des volets de cette étude empirique porte sur le stress thermique causé par le changement climatique et les pertes de productivité liées à la chaleur. En théorie, il a été avancé que les effets de la chaleur sur la santé peuvent avoir un impact négatif sur l’activité : (i) en réduisant la taille de la population active en raison des décès (incluant la mortalité des travailleurs, la mortalité infantile) et la migration99 ; (ii) en augmentant les dépenses médicales100 ; (iii) en réduisant le nombre d’heures de travail en raison des maladies et des absences des travailleurs101 ; (iv) en diminuant la productivité du travail en raison des impacts physiologiques/cliniques de la chaleur102. Une étude empirique récente suggère que les pertes économiques mondiales dues aux pertes de productivité du travail liées à la chaleur peuvent, en moyenne, représenter de 0,44 % (RCP 2,6) à 2,9 % (RCP 8,5) du PIB mondial en 2100103. Les pertes économiques importantes ont lieu en Asie du Sud et du Sud-Est, en Afrique subsaharienne et en Amérique centrale. Cette méta-analyse des études de recherche met en évidence que les différences de résultats se produisent non seulement entre les zones, mais aussi au sein d’une même zone, étant donné les différences de méthodologies et d’hypothèses sur les politiques d’adaptation supposées dans ces études. Dans ce contexte, les mesures d’adaptation envisagées comprenaient l’installation de la climatisation, le décalage des horaires de travail, la mécanisation et l’augmentation de la ventilation. En outre, on estime que les mesures d’adaptation permettent de réduire les pertes économiques de 22 à 68 %. Des données récentes provenant de trois secteurs manufacturiers différents en Inde, à savoir le tissage de tissus, la couture de vêtements et les produits sidérurgiques, suggèrent que la productivité des travailleurs est plus faible et que l’absentéisme est plus élevé les jours de grande chaleur ainsi que pendant les semaines où les jours de grande chaleur sont plus nombreux104. La relation température- absentéisme est forte chez les travailleurs bénéficiant d’un congé payé (et faible chez les travailleurs n’en disposant pas). De plus, la production annuelle des plantes diminue les années où les jours de 98 Voir Kompas, Pham et Che (2018). 99 Voir Chen et coll. (2018), Banerjee et Maharaj (2020), et Cattaneo et Peri (2016). 100 Voir Schmeltz et coll. (2016) et Borg et coll. (2021). 101 Voir Zander et coll. (2015) et Yu et coll. (2019). 102 Adhvaryu, Kala et Nyshadham (2018). 103 Zhao et coll. (2021) ont examiné 26 articles de journaux et quatre rapports. 104 Somanathan et coll. (2021). A F R I C A’ S P U L S E > 67 chaleur sont plus nombreux. Par exemple, on prévoit que la production annuelle pourrait diminuer de 2,1 % par degré Celsius. À un niveau d’agrégation plus élevé, la production manufacturière du district indien moyen diminue de 3 % par degré Celsius. Étant donné que le stress thermique joue un rôle dans la baisse de la production, les entreprises devraient entreprendre des investissements dans le contrôle du climat et affecter ces ressources à des tâches à forte intensité de main-d’œuvre. Dans l’ensemble, le contrôle du climat peut réduire considérablement les pertes de productivité. Une analyse des usines de confection autour de Bangalore, en Inde, montre une relation négative mais non linéaire entre la production (au niveau de la ligne) et la température. Elle montre également que l’introduction de la technologie des diodes électroluminescentes (LED) dans les ateliers atténue la relation négative entre la température et la productivité105. En émettant moins de chaleur que les ampoules conventionnelles, l’éclairage LED fait baisser la température des ateliers (grâce à la réduction de la dissipation de chaleur) et augmente la productivité, notamment lors des journées chaudes. Cette étude révèle que l’adoption de technologies d’économie d’énergie (telles que les LED) peut avoir d’importants co-bénéfices privés. Si l’on ne tient pas compte des avantages de la technologie LED en termes de productivité, on risque de sous-estimer d’environ cinq fois ses retours sur investissement. Les conditions météorologiques difficiles, telles que la pluie, la neige, la chaleur et le vent extrêmes, affectent la productivité du travail en extérieur. Cependant, ces mauvaises conditions peuvent également entraver la production du travail en intérieur. L’examen des données de production hebdomadaire de 64 usines automobiles aux États-Unis de 1994 à 2005 montre des pertes de production importantes en cas de conditions météorologiques défavorables106. Plus précisément, pour une usine moyenne, la production hebdomadaire d’automobiles diminue de 8 % au cours d’une semaine si l’on totalise six jours ou plus de chaleur dépassant 90 °F (ou un jour supplémentaire de vents violents). Six jours de pluie ou plus en l’espace de quelques jours réduisent la production hebdomadaire de 6 % (par rapport à un scénario sans pluie). Les pertes de production dues à des conditions météorologiques extrêmes varient de 0,5 à 3 % selon les endroits, et les données montrent que les usines récupèrent leurs pertes au cours des semaines suivantes plutôt que la semaine suivant l’événement météorologique. Ces résultats suggèrent que la prévalence du mauvais temps est un facteur supplémentaire à prendre en considération pour la construction ou l’implantation d’une nouvelle installation de production. La température affecte également la performance des entreprises d’Afrique subsaharienne. Les données recueillies auprès des entreprises enregistrées en Côte d’Ivoire au cours de la période 1998-2013 montrent qu’en dépit de l’augmentation des températures : (i) les revenus, les bénéfices et les taux de survie des entreprises chutent, et (ii) la productivité totale des facteurs (PTF) diminue, y compris la productivité du travail et du capital107. Plus précisément, une augmentation d’un écart-type des jours où la température moyenne dépasse 27°C fait baisser la PTF de l’entreprise de 3,6 % (par rapport à l’impact des jours où la température moyenne se situe entre 25 °C et 27 °C)108. Les données montrent que les effets de la hausse des températures sur la PTF se transmettent non seulement par une baisse de la productivité du travail, mais aussi par une baisse de la productivité du capital. Les revenus et les bénéfices des entreprises diminuent respectivement de 14,8 et 21,7 %, en réponse à une augmentation similaire de la température par rapport aux jours où la température moyenne est modérée. L’impact négatif des températures élevées sur les revenus est réduit parmi les entreprises qui investissent dans des technologies d’atténuation du climat. En outre, l’augmentation des températures accroîtrait les coûts de production et, par conséquent, réduirait le taux de survie de l’entreprise. Plus précisément, une augmentation d’un écart-type des jours où les températures moyennes sont élevées fait augmenter le taux de sortie des entreprises de 0,04 %. Dans l’ensemble, le changement climatique, tel que représenté par des températures moyennes plus élevées, a un impact négatif sur la compétitivité des entreprises. 105 Adhvaryu, Kala et Nyshadham (2018). 106 Cachon, Gallino et Olivares (2012). 107 Traoré et Foltz (2018). 108 Un écart-type des jours où la température moyenne est supérieure à 27 °C est de 51,7 jours. 68 > A F R I C A’ S P U L S E 2.4 IMPACT DURABLE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE : CAPITAL HUMAIN Le changement climatique amplifie la fréquence et l’impact de chocs qui affectent de façon disproportionnée les ménages les plus pauvres, avec des conséquences à long terme sur le capital humain. En réponse à ces chocs, les pauvres sont souvent contraints de recourir à des stratégies d’adaptation néfastes qui nuisent à la formation de capital humain et perpétuent le cycle de pauvreté et de vulnérabilité. En témoignent des données provenant du Sahel, où un ménage sur quatre est vulnérable aux chocs climatiques répétés109. En l’absence de programmes de protection sociale efficaces, les chocs climatiques tels que les sécheresses ou les inondations peuvent contribuer à la malnutrition maternelle et infantile en entraînant des réductions de l’apport alimentaire. Ils peuvent également déclencher des décisions de retrait des enfants de l’école ou pousser les ménages pauvres à vendre des ressources productives, ce qui approfondit et perpétue les inégalités. L’Afrique a connu une forte expansion de l’accès à des programmes de filets sociaux au cours des deux dernières décennies, avec l’émergence d’un modèle de « protection sociale adaptative » (PSA) incluant des transferts monétaires faisant office de « plateforme » favorisant la résilience aux chocs climatiques (voir Encadré 2.1). L’efficacité de la PSA pour faire face aux impacts économiques et sociaux des chocs climatiques a été illustrée par la riposte face à la COVID-19, qui a déclenché une expansion sans précédent des programmes de filets sociaux. À travers le continent, 48 pays ont adopté en 2020 des mesures de protection sociale en réponse à la pandémie. Les systèmes de protection sociale en Afrique subsaharienne peuvent être mobilisés pour devenir plus adaptatifs afin de contribuer à renforcer la résilience des ménages face aux chocs et tensions climatiques. L’amélioration des capacités des systèmes de protection sociale adaptatifs pour atteindre davantage de ménages pauvres et vulnérables en cas de chocs climatiques dépend de la consolidation des systèmes émergents de fourniture de PSA avec quatre piliers essentiels. 1. Coordination institutionnelle. Pour la réponse aux chocs, il est nécessaire de renforcer et de clarifier la coordination institutionnelle entre les agences chargées de la protection sociale, de la gestion des risques de catastrophe, de l’agriculture et du financement public. Bâtir des systèmes nationaux adaptatifs exige également de redéfinir le rôle des acteurs humanitaires et leur relation avec les acteurs nationaux et du développement, en mettant davantage l’accent sur la construction d’un système de protection sociale adaptative au travers de l’action humanitaire et en avançant vers le financement par les systèmes nationaux. 2. Programmes et systèmes de fourniture de PSA. Les programmes de transferts monétaires et les mesures d’accompagnement d’inclusion productive (« cash plus ») doivent être consolidés, notamment en autonomisant les femmes afin de renforcer leur rôle de moteurs de la résilience des ménages. Les technologies numériques permettent de récolter des gains d’efficacité pour les paiements de gouvernement à personne (G2P), ainsi que pour l’identification et le ciblage des ménages. 3. Données et informations. Les systèmes PSA peuvent être mieux exploités si les informations d’un bon système d’alerte climatique sont disponibles précocement pour façonner les programmes de réponse aux chocs. En outre, cela suppose des efforts pour bâtir des systèmes d’identification fondamentaux et des registres sociaux plus « adaptatifs » qui peuvent être établis et mis à jour selon les besoins et à l’aide de la technologie. Cela soulève également de nouveaux défis et risques, comme la protection des données à caractère personnel, qui doivent être maîtrisés. 109 Brunelin, Ouedraogo et Tandon (2020). A F R I C A’ S P U L S E > 69 4. Financement. Pour atteindre une couverture plus large des programmes de protection sociale adaptative, et améliorer leur accès aux ménages affectés par les chocs, de nombreux pays d’Afrique peuvent réordonner la protection sociale comme priorité dans les budgets nationaux, même en période de budgets extrêmement serrés, et développer des stratégies diversifiées en vue du financement de la protection sociale adaptative. Cela implique le développement de stratégies de financement des risques de catastrophe qui reflètent le profil de risque de chaque pays et font correspondre des instruments financiers aux principaux risques. Par exemple, il est important de différencier d’une part les risques fréquents à faible impact (comme la période de soudure annuelle) et de l’autre les risques peu fréquents à fort impact (une grave sécheresse, la pandémie de COVID-19 ou l’invasion de criquets pèlerins de 2020). ENCADRÉ 2.1 : La protection sociale adaptative (PSA) a émergé ces dernières années comme un outil indispensable Renforcer la pour aider les ménages et les communautés pauvres et vulnérables à mieux faire face puis surmonter le résilience des changement climatique et d’autres chocs covariables (comme la pandémie de COVID-19). L’approche ménages face « adaptative » combine des interventions de protection sociale à travers des transferts monétaires, des mesures au changement de gestion des risques de catastrophe, ainsi que des mesures pour mieux anticiper et répondre aux chocsa. climatique grâce à la En s’appuyant sur des systèmes d’alerte climatique précoce, soutenus par des stratégies de financement des protection risques de catastrophe, les systèmes PSA anticipent des évènements relatifs au climat comme des sécheresses, sociale intensifient rapidement les transferts monétaires via leurs programmes de filets sociaux en réponse à ces adaptative évènements et fournissent une réponse globale rentable à l’accroissement temporaire des besoins. Les systèmes émergents de protection sociale adaptative en Afrique se caractérisent par les transferts monétaires qui constituent une plateforme associée à des interventions complémentaires d’« inclusion productive » (également dénommées interventions « cash + »). Des groupes d’épargne et de crédit communautaires, ainsi que des formations d’aptitude à la vie courante ou à l’entrepreneuriat pour les bénéficiaires, contribuent à renforcer les capacités d’adaptation de ces derniers. Cela les aide à diversifier leurs moyens de subsistance au sein et au-delà de l’agriculture. Ces interventions sont souvent également centrées sur la petite enfance et le capital humain, notamment à travers des changements comportementaux, de façon à agir sur ce type d’effets néfastes des chocs climatiques. De nouvelles données venant du Sahel indiquent que les programmes de transferts monétaires ont des impacts considérables, encore renforcés lorsqu’ils impliquent un « plus » comportemental. Par exemple, des données du Niger montrent des effets notables sur la consommation des ménages, la résilience aux chocs (climatiques), l’autonomisation des femmes (certains éléments suggèrent que les femmes sont le principal moteur de la diversification des moyens de subsistance dans le ménage), et sur les pratiques parentales importantes pour le capital humain. En outre, les programmes de « cash + » se sont avérés rentables parce qu’ils s’appuient sur des plateformes et systèmes de fourniture communsb. Les systèmes de PSA ont aussi été fortement mobilisés dans toute l’Afrique en réponse aux impacts sociaux et économiques du choc de la COVID-19. Qu’il s’agisse de chocs climatiques ou de la pandémie de COVID-19, l’expérience montre que l’efficacité des systèmes de PSA pour atteindre rapidement les personnes affectées par des chocs est fortement tributaire des systèmes de fourniture de protection sociale sous-jacents. Il s’agit en l’occurrence : des systèmes d’identification personnelle, des registres sociaux des ménages pauvres et vulnérables (ou de la population entière dans les régions sujettes aux chocs climatiques), des systèmes de paiement pour faire parvenir les espèces aux personnes, et des mécanismes de règlement des griefs pour accroître l’efficacité ou résoudre les erreurs de ciblage. Le programme de réformes tourné vers l’avenir inclut : (i) la poursuite du renforcement des systèmes de prestation de services du gouvernement, avec un accent croissant sur l’exploitation de technologies numériques ainsi que sur la coordination institutionnelle infranationale, et (ii) le développement de stratégies de financement diversifiées pour la PSA (qui mêlent des financements externes, un espace budgétaire national mieux géré et un financement des risques de catastrophes qui peut être mis à contribution pour la réponse aux chocs). a. Bowen et coll. (2020). b. Premand et Stoeffler (2020) ; Bossuroy et coll. (2021). 70 > A F R I C A’ S P U L S E 2.5 LES RICHESSES NATURELLES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : FAITS STYLISÉS 110 La richesse totale et la richesse par habitant en Afrique subsaharienne ont fortement augmenté au cours des 25 dernières années. Ces indicateurs ont plus que doublé sur la période 1995–2018 (ce qui équivaut à un taux de croissance annuel moyen de 3,5 %), tandis que la richesse mondiale n’a augmenté que de 91 % (soit un taux annuel moyen de 2,9 %). Cela implique que la part de la richesse mondiale détenue par l’Afrique subsaharienne est passée de 1,5 % en 1995 à 1,7 % en 2018. La part possédée par la région sur la richesse mondiale totale est largement inférieure à celles de l’Asie de l’Est et du Pacifique (34 %) et de l’Amérique latine et des Caraïbes (6 %). Mesurée par habitant, la croissance de la richesse dans la région a été moins spectaculaire, avec une hausse de 19 % entre 1995 et 2008 (soit une moyenne annuelle de 0,74 %). Le rythme de croissance de la richesse par habitant dans la région a été plus lent que celui du monde (1,6 %) ainsi que ceux d’autres régions en développement. Par conséquent, le ratio de la richesse par habitant en Afrique subsaharienne par rapport au monde entier a décliné de 0,16 en 1995 à 0,13 en 2018, par opposition à l’Asie de l’Est et Pacifique, où ce taux est passé de 0,66 en 1995 à 1,1 en 2018. Composition des richesses naturelles en Afrique subsaharienne La lente croissance des richesses par habitant dans la région pourrait être liée à leur composition en comparaison avec d’autres zones en développement (Figure 2.4). Les régions du monde enregistrant une croissance plus lente de la richesse par habitant ont tendance à détenir une plus forte proportion de richesses en capital naturel. Par exemple : le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (40 % en 2018) ainsi que l’Afrique subsaharienne (20 % en 2018, soit une baisse par rapport aux 34 % enregistrés en 1995). Au sein de la région, la baisse cumulée de la part du capital naturel a été plus marquée en Afrique de l’Ouest et centrale (de 42 à 21 %) qu’en Afrique de l’Est et australe (de 30 à 19 %). En comparaison avec d’autres zones en développement, l’Afrique subsaharienne est la seule région qui a enregistré un recul cumulé de sa richesse naturelle de 36 % entre 1995 et 2018, ce qui se traduit par un déclin annuel moyen de 1,9 % (Figure 2.4)111. Au sein de la région, la baisse de la richesse naturelle par habitant sur la période a été plus prononcée en Afrique de l’Ouest et centrale (-2,2 % par an) qu’en Afrique de l’Est et australe (-1,3 % par an). La part du capital naturel dans la richesse totale pour la région dans son ensemble (environ un cinquième en 2018) masque une forte hétérogénéité d’un pays à l’autre (Figure 2.5). La proportion de capital naturel fluctue entre 2 et 66 % pour cette même année. En 2018, les pays enregistrant les parts les plus élevées de capital naturel étaient la République centrafricaine (66 %), la Guinée (61 %), le Mozambique (52 %), le Malawi (52 %) et le Gabon (48 %). Dans le même temps, ceux affichant les parts les plus faibles incluaient l’Île Maurice (2 %), les Comores (8 %), le Lesotho (9 %), le Botswana (10 %) et l’Afrique du Sud (11 %). Entre 1995 et 2018, 38 des 44 pays d’Afrique subsaharienne pour lesquels des données sont disponibles ont connu une diminution de leur richesse naturelle par habitant. Les plus fortes baisses ont été enregistrées par la Guinée équatoriale, les Seychelles, le Cabo Verde, le Mozambique et la Mauritanie. A contrario, seuls six pays de la région ont affiché une progression des richesses naturelles par habitant : le Burundi, le Nigéria, l’île Maurice, la Namibie, le Zimbabwe et la Tanzanie. 110 Cette sous-section s’inspire largement de Banque mondiale (2021). 111 De plus, la région affiche le taux de croissance annuel du capital produit par habitant le plus faible sur la même période (0,6 %). A F R I C A’ S P U L S E > 71 L’évolution du capital Le capital naturel FIGURE 2.4 : Parts de la richesse totale et croissance de la richesse par habitant naturel en Afrique par habitant en Afrique subsaharienne et dans d’autres régions, par type subsaharienne montre une en Afrique a. Composition des richesses par type d’actif, 2018 forte augmentation entre subsaharienne 1.0 a diminué entre 1995 et 2014 et une forte 1995 et 2018. .8 chute ensuite (Figure 2.6). % des richesses totales La richesse naturelle dans .6 la région a augmenté de .4 3 300 milliards USD en 1995 à 4 500 milliards .2 USD en 2014 (une hausse 0 cumulée de 37 % au Asie de l’Est Amérique Moyen-Orient Asie du Afrique Afrique de Afrique de et Pacifique latine et et Afrique du Sud subsaharienne l’Est et l’Ouest et cours de la période)112. Caraïbes Nord australe centrale En 2018, cette valeur s’élevait à 3 900 milliards b. Croissance des richesses par habitant, 1995–2018 5 USD (un recul cumulé Évolution en % de la moyenne annuelle de 14 %). Les tendances 4 observées en matière de 3 richesse naturelle sont 2 principalement attribuables 1 au comportement des 0 richesses non renouvelables -1 (combustibles fossiles -2 et minéraux). Elles ont Asie de l’Est Amérique Moyen-Orient Asie du Afrique Afrique de Afrique de progressé de 600 milliards et Pacifique latine et et Afrique du Sud subsaharienne l’Est et l’Ouest et en 1995 à 1 700 milliards Caraïbes Nord australe centrale en 2014 (une hausse Capital produit Capital humain Capital naturel cumulée de 175 %), puis Source : Banque mondiale, 2021. chuté à 1 050 milliards La part de FIGURE 2.5 : Parts de la richesse dans les pays d’Afrique subsaharienne, 2018 (en %) richesse du capital 100 naturel varie considérablement 80 entre les pays d’Afrique 60 subsaharienne. 40 20 0 République centrafricaine Guinée Malawi Mali Gabon Tchad Libéria Mozambique République démocratique du Congo Sierra Leone Niger Congo Madagascar Burkina Faso Zambie Mauritanie Rwanda Cameroun Côte d’Ivoire Bénin Gambie Tanzanie Zimbabwe Ghana Éthiopie Senegal Kenya Swaziland Burundi Nigeria Togo Ouganda Namibie São Tomé-et-Principe Afrique du sud Botswana Lesotho Comores Maurice Soudan Source : Banque mondiale, 2021. Capital naturel Capital produit Capital humain 112 Ces chiffres sont exprimés en dollars internationaux de 2018. 72 > A F R I C A’ S P U L S E USD en 2018 (une baisse cumulée de 38 %). La perte FIGURE 2.6 : Richesses naturelles en Afrique subsaharienne par type, 1995–2018 La baisse des de valorisation des richesses richesses naturelles a. Richesses naturelles en ASS, 1995–2018 est principalement non renouvelables a coïncidé 6 due aux richesses (en milliers de milliards selon les prix de 2018) avec l’effondrement des prix non renouvelables. des matières premières de 5 2014. En contraste, la valeur 4 des richesses renouvelables est restée relativement 3 stable au cours des deux dernières décennies (elle n’a 2 enregistré qu’une croissance cumulée de 6 % sur cette 1 période). Après normalisation par rapport à la richesse 0 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 totale, la part de la richesse naturelle a décliné sur b. Part des richesses totales toute la période, quoiqu’à .40 un rythme plus rapide .35 depuis 2009 (Figure 2.6). La .30 richesse naturelle a baissé de 30 % en 2009 à près de .25 20 % en 2018. Depuis 2009, .20 les parts des ressources renouvelables comme non .15 renouvelables sur la richesse .10 totale ont baissé à un rythme .05 similaire (environ 5 points de pourcentage pour ces deux 0 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 catégories). Non renouvelables Renouvelables Secteur des ressources renouvelables. Les richesses Source : Banque mondiale, 2021. renouvelables se composent de différents types de ressources : forêts (bois et services écosystémiques), aires protégées et terres agricoles (pâturages et terres cultivées)113. Les terres agricoles constituaient plus de la moitié de la valeur de la richesse renouvelable en Afrique subsaharienne en 2018 (51,5 %), suivies des forêts (38,4 %) et des aires protégées (10,1 %). Entre 1995 et 2018, la proportion correspondant aux terres agricoles a reculé, tandis que celles des forêts et des aires protégées ont augmenté. Plus précisément, la part des terres agricoles sur les richesses renouvelables a diminué de 59 % en 1995 à 51,5 % en 2018. Cela s’explique principalement par une réduction de la part des terres cultivées (de 46 à 35 % sur la même période). Au sein de la région, l’équilibre des parts correspondant aux terres agricoles et à d’autres types de terres (forêts et aires protégées) sur la richesse renouvelable totale s’est inversé en Afrique de l’Est et centrale, où la proportion des terres cultivées a baissé de 57 % en 1995 à 42 % en 2018 (Figure 2.7). 113 Les services écosystémiques des forêts incluent trois catégories : (i) loisirs, chasse et pêche (catégorie dénommée « loisirs ») ; (ii) protection des bassins versants (y compris bénéfices des forêts pour améliorer la qualité/la quantité de l’eau, souvent dans le contexte du contrôle des flux d’eau et de la pollution liés à l’érosion et à d’autres sources, permettre la production hydroélectrique, éviter les catastrophes ou l’impact sur les rendements des cultures en contrôlant le climat [« services de l’eau »]) ; et (iii) produits forestiers non ligneux (Banque mondiale, 2021). A F R I C A’ S P U L S E > 73 La part des terres Il existe un équilibre FIGURE 2.7 : Richesses renouvelables en Afrique subsaharienne agricoles sur les richesses dans la répartition par type, 1995–2018 renouvelables varie des richesses considérablement d’un pays renouvelables entre a. Répartition des richesses renouvelables % 100 à l’autre dans la région. En les terres agricoles 90 2018, cet indicateur était et les autres types de terres, 80 supérieur à 75 % dans neuf en particulier en pays de la région, tandis qu’il 70 Afrique de l’Ouest était inférieur à 25 % dans 60 et centrale. cinq pays. Parmi les pays 50 affichant les parts les plus 40 élevées de terres agricoles, 30 les pâturages étaient l’actif 20 le plus commun du Lesotho 10 et de l’île Maurice, tandis 0 que les terres cultivées Asie de l’Est Amérique Moyen-Orient Asie du Afrique Afrique de Afrique de étaient plus étendues au et Pacifique latine et et Afrique du Sud subsaharienne l’Est et l’Ouest et Caraïbes Nord australe centrale Burundi, au Rwanda et au Nigéria. Par contraste, b. Croissance des richesses par habitant, 1995–2018 % la Guinée équatoriale, le 4 Libéria et le Gabon figurent 3 parmi les pays dont la part 2 de terres agricoles sur les ressources renouvelables est 1 la plus faible. Dans ces trois 0 pays, les forêts constituaient -1 la plus grande part, avec plus de 80 %. -2 -3 Mesurée par habitant, la richesse renouvelable dans -4 la région a diminué à un -5 Asie de l’Est Amérique Moyen-Orient Asie du Afrique Afrique de Afrique de rythme annuel moyen de et Pacifique latine et et Afrique du Sud subsaharienne l’Est et l’Ouest et 2,5 % sur 1995–2018. L’actif Caraïbes Nord australe centrale renouvelable qui a connu Bois Services écosystémiques Aires protégées Terres cultivées Pâturages la plus forte chute était les terres cultivées (3,5 %). Source : Banque mondiale, 2021. Par contraste, la richesse renouvelable par habitant a augmenté en Asie de l’Est- Pacifique et en Asie du Sud, à des taux annuels moyens respectifs de 1,5 et 1,3 %. Dans ces deux régions, tous les types d’actifs renouvelables ont enregistré une croissance sur les deux dernières décennies. Au sein de la région d’Afrique subsaharienne, la plus forte réduction de la richesse renouvelable par habitant s’est produite en Afrique de l’Ouest et centrale (3,3 % par an) avec les terres cultivées et les forêts qui ont reculé de 4 et 3,2 % par an respectivement sur la période 1995–2018 (Figure 2.7). Secteur des ressources non renouvelables. Le secteur des ressources non renouvelables est représenté par deux larges types d’actifs : combustibles fossiles (pétrole, gaz naturel et charbon) d’une part, métaux et minéraux de l’autre. Les combustibles fossiles se taillent la part du lion dans les richesses non renouvelables en Afrique subsaharienne (85 % en 2018), le pétrole représentant environ 60 % de ces actifs (Figure 2.8). La seule région affichant une plus forte proportion de combustibles fossiles parmi les ressources non renouvelables est le Moyen-Orient et l’Afrique du 74 > A F R I C A’ S P U L S E Nord (99 %), en sachant que le pétrole représente 93% FIGURE 2.8 : Richesses non renouvelables en Afrique subsaharienne La richesse par de ce total et que le gaz par type, 1995–2018 habitant en naturel en représente 6 %. Au énergies non a. Richesse non renouvelable, par type % renouvelables a sein de la région, la part des 1.0 diminué en Afrique combustibles fossiles dans les .9 subsaharienne, en richesses non renouvelables particulier pour .8 est plus importante en le pétrole et le .7 Afrique de l’Ouest et centrale charbon. (94 %) qu’en Afrique de l’Est .6 et australe (80 %). Dans cette .5 dernière région, les métaux .4 et minéraux s’élèvent à un .3 cinquième des actifs non .2 renouvelables. Sur la période .1 1995–2018, la proportion 0 des combustibles fossiles Asie de l’Est Amérique Moyen-Orient Asie du Afrique Afrique de Afrique de et Pacifique latine et et Afrique du Sud subsaharienne l’Est et l’Ouest et s’est légèrement accrue Caraïbes Nord australe centrale (de 83 à 85 %), mais leur composition a évolué : la b. Croissance de la richesse non renouvelable, 1995–2018 % part du pétrole a baissé (de 20 69 à 60 %), tandis que celle 15 du gaz naturel a fortement augmenté. La proportion de 10 métaux et minéraux parmi les ressources non renouvelables 5 a légèrement reculé (de 17 % en 1995 à 15 % en 2018). 0 Au sein des sous-régions, la part de la richesse pétrolière -5 d’Afrique de l’Est et australe a augmenté grâce aux récentes -10 Asie de l’Est Amérique Moyen-Orient Asie du Afrique Afrique de Afrique de découvertes de pétrole, et Pacifique latine et et Afrique du Sud subsaharienne l’Est et l’Ouest et Caraïbes Nord australe centrale tandis que celle d’Afrique de l’Ouest et centrale a Pétrole Gaz Charbon Métaux et minerais baissé de plus de 15 points Source : Banque mondiale, 2021. de pourcentage entre 1995 et 2018. La proportion de pétrole dans les richesses non renouvelables varie considérablement dans la région, avec sept pays affichant des parts supérieures à 80 % dont la Guinée équatoriale, le Nigéria, la République du Congo, l’Angola, le Gabon, le Soudan du Sud et le Tchad. La part des métaux et des minéraux dans les ressources non renouvelables est très élevée dans des pays tels que la République démocratique du Congo, la Mauritanie et la Zambie. Mesurée par habitant, la richesse en sources d’énergie non renouvelables a baissé en Afrique subsaharienne à un rythme annuel moyen de 0,3 % entre 1995 et 2018. Parmi les actifs énergétiques non renouvelables, le pétrole et le charbon ont respectivement reculé de 1 et 0,1 % sur la même période, tandis que le gaz naturel a progressé de 14 % par an. Au Moyen-Orient et Afrique du Nord, les actifs non renouvelables par habitant ont augmenté de 1,7 % par an avec une hausse de la richesse en pétrole et gaz (1,5 et 8,6 % par an respectivement) et une baisse de la part du charbon (3 % par an). Les actifs non renouvelables par habitant en Afrique de l’Est et australe ont progressé de A F R I C A’ S P U L S E > 75 0,7 % par an sur 1995–2018, tandis qu’en Afrique de l’Ouest et centrale, ils ont décru de 0,8 % chaque année. Enfin, la valeur des actifs pétroliers par habitant a augmenté, tandis que celle des métaux et des minéraux a diminué en Afrique de l’Est et australe. L’inverse s’est produit en Afrique de l’Ouest et centrale (Figure 2.8). Richesse et résilience Les pays d’Afrique subsaharienne ont les stocks de capital produit et humain par habitant les plus faibles, et l’écart par rapport aux régions en développement à forte croissance (comme l’Asie de l’Est) est assez important. En 2018, l’écart en termes de richesse par habitant entre l’Afrique subsaharienne et l’Asie de l’Est était majeur. Par exemple, la valeur du capital productif en Asie de l’Est était 11 fois supérieure à celle d’Afrique subsaharienne, tandis que la valeur du capital humain par habitant était 10 fois supérieure. Pour certains pays à revenu faible et intermédiaire de la région, le capital naturel représente une opportunité de générer des revenus qui financent l’accumulation de capital produit et humain. Cependant, les pays riches en combustibles fossiles ont besoin d’extraire et de vendre ces ressources pour en faire bénéficier leurs populations. En fait, les pays d’Afrique subsaharienne à revenu faible et intermédiaire mais riches en matières premières énergétiques non renouvelables font face à un dilemme. D’une part, les chocs liés aux conditions météorologiques (y compris les catastrophes naturelles) les frapperont de façon disproportionnée si aucun progrès n’est réalisé dans la lutte contre le changement climatique. D’autre part, la décarbonisation de l’économie mondiale présente un risque pour ces pays, car la demande mondiale de leurs matières premières connaîtra un déclin permanent, entraînant une diminution radicale de la valeur de leurs richesses naturelles114. Dans ce contexte, les pays fortement dépendants des énergies non renouvelables pour leur richesse sont confrontés à une série de défis115. D’abord, les pays présentant une part élevée de la richesse venant du carbone ou associée à celui- ci sont fortement exposés au risque carbone. La transition vers une économie à faibles émissions de carbone affectera non seulement la valeur de leur capital non renouvelable, mais aussi leurs recettes publiques. En Afrique subsaharienne, cinq pays possèdent plus de 10 % de leur richesse en combustibles fossiles : le Gabon, la République du Congo, le Tchad, le Mozambique et le Nigéria116. Dans le même temps, la part des recettes liées au carbone dans les recettes publiques dépassait les 60 % en Angola, en République du Congo, en Guinée équatoriale, au Nigéria et au Soudan du Sud. Pour ces pays, une réduction permanente de la demande des matières premières énergétiques non renouvelables affectera gravement les recettes publiques. Elle limitera les dépenses publiques dans la santé, l’éducation et l’infrastructure qui sont susceptibles de dynamiser la croissance et de réduire la pauvreté. En deuxième lieu, les politiques et les investissements mis en œuvre par les pays riches en matières premières énergétiques non renouvelables pourraient accroître leur exposition au risque carbone. Cette exposition n’est pas limitée à l’extraction de combustibles fossiles. Elle tient également aux investissements dans les entreprises publiques de l’industrie des ressources. Ceux-ci constituent une grande partie des titres liés aux prix des combustibles fossiles dans le portefeuille des fonds souverains, et à la formation de compétences, d’affaires et d’infrastructures associées à l’industrie des combustibles fossiles. Parmi ces éléments figurent aussi les investissements dans des industries complémentaires en aval, notamment dans les domaines du raffinage, du traitement, de la production d’électricité et des usages industriels des combustibles fossiles. Ces politiques et investissements augmenteront le profil de risque de la richesse des pays et amplifieront les conséquences d’une baisse permanente future au niveau de la demande de leurs matières premières énergétiques non renouvelables. 114 Ce que l’on appelle le « risque carbone » affecte non seulement les exportateurs de pétrole, de gaz et de charbon, mais aussi les pays possédant d’autres formes de richesses associées aux combustibles fossiles, notamment le capital produit (par exemple les centrales électriques et les industries ou infrastructures en aval), le capital humain (comme les compétences et l’expertise dans le secteur pétrolier) ainsi que d’autres types d’actifs tels que les participations des gouvernements dans des compagnies pétrolières nationales ou les actions liées aux combustibles fossiles détenues par des fonds souverains (Cust et Manley, 2018). 115 Voir Cust, Manley et Cecchinato (2017) ; Cust et Manley (2018) ; Cust et Rivera Ballesteros (2021a). 116 Le pays avec la richesse venant du carbone par habitant la plus élevée de la région est le Nigéria (110 934 USD aux prix de 2018), suivi de la Guinée équatoriale (38 197 USD) et du Soudan du Sud (23 500 USD). 76 > A F R I C A’ S P U L S E Troisièmement, la diversification pour réduire la dépendance aux richesses liées aux énergies non renouvelables s’est avérée difficile pour les pays riches en ressources. Dans ces pays, le bilan de la diversification des exportations au-delà des matières premières énergétiques non renouvelables est loin d’être brillant117. Cela pourrait s’expliquer par les pertes de compétitivité dans les secteurs des biens exportables et par la médiocre qualité des politiques économiques dans un contexte de boom de ressources naturelles118. Au cours de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, des politiques réalistes qui convertiraient la richesse liée aux énergies renouvelables en capital produit et humain pourraient figurer en tête des programmes de gouvernement. Cependant, la plupart de ces pays ont connu une série de difficultés pour transformer leurs richesses naturelles en d’autres formes de capital reproductible (physique, humain et d’infrastructure)119. Depuis 2004, de nombreux pays n’ont pas su utiliser les produits de leurs actifs de combustibles fossiles pour accumuler d’autres types de capital et ont donc souffert d’une érosion de leur base d’actifs globale, ce qui est reflété par l’ajustement négatif de leur épargne nette120. À mesure que le monde se décarbonise, les pays qui possèdent des métaux et minéraux abondants pourraient se trouver face à un avenir différent de ceux riches en pétrole, gaz et charbon. Une plus forte demande de métaux et minéraux nécessaires pour les technologies énergétiques à faible intensité carbonique (par exemple, le cobalt, le lithium, le cuivre, le manganèse, le nickel et le zinc) pourrait provoquer une hausse des prix à venir121. Les conséquences politiques pour aborder la transition carbone sont donc différentes pour les pays riches en combustibles fossiles et ceux où les métaux et minéraux sont abondants. Dans les pays dotés en combustibles fossiles, les politiques et les investissements doivent accélérer la diversification au-delà des ressources non renouvelables et réduire l’exposition de leur richesse au risque carbone122. À l’inverse, les pays possédant d’importantes réserves de ce que l’on appelle « les minéraux de la transition » augmenteront leur production et/ou créeront une valeur ajoutée en aval dans des secteurs cruciaux. La diversification des ressources semble être une politique plus séduisante et durable que la diversification des exportations parmi les pays riches en sources d’énergies renouvelables123. Mettre l’accent sur l’évolution de la composition de la richesse pour inclure d’autres actifs (comme le capital physique, le capital humain et le capital naturel renouvelable) évitera les conséquences du syndrome hollandais et de l’exposition au risque carbone. Cette stratégie pourrait fournir une voie plus réalisable pour la diversification économique, ainsi que pour une croissance durable et inclusive. Par conséquent, les gouvernements des pays où les combustibles fossiles abondent doivent concevoir des politiques qui soutiennent l’accumulation de capital humain d’une part et du capital naturel renouvelable de l’autre, tout en comblant les lacunes en matière d’infrastructure économique124. Cette approche suggère également qu’une gestion prudente des revenus des matières premières par les gouvernements pourrait contribuer à financer des investissements dans ces formes de capital reproductible. Cependant, la diversification des actifs soulève également des difficultés : cela exige que les exportateurs de combustibles investissent dans le capital produit non exploré, la formation aux compétences et les capacités ; et découvrent de nouveaux avantages comparatifs125. 117 Ross (2019). 118 L’abondance des ressources peut nuire à d’autres exportations telles que celles de l’industrie manufacturière, de l’agriculture commerciale et des services échangeables (Corden et Neary, 1982 ; Harding et Venables, 2016). 119 Venables (2016). 120 Les taux nationaux d’épargne ajustés à la baisse (et dans certains pays, négatifs) sont attribués non seulement à l’épuisement des ressources énergétiques non renouvelables, mais aussi à la chute de l’épargne nationale brute, notamment au Nigéria et en Afrique du Sud (Cust et Rivera Ballesteros, 2021a, 2021b). 121 Galeazzi, Steinbuks et Cust (2020) ; Hund et coll. (2020). 122 La probabilité croissante que la demande de combustibles fossiles diminue à l’avenir crée un risque de nations bloquées : des pays qui considèrent qu’il n’est plus rentable d’extraire leurs réserves de combustibles fossiles. Même si des incertitudes subsistent sur le calendrier et l’étendue de ce blocage, les décideurs politiques dans les pays à revenu faible et intermédiaire dotés d’importants actifs énergétiques non renouvelables doivent saisir l’occasion de promouvoir d’autres activités économiques (Cust, Manley et Cecchinato, 2017). 123 Une discussion plus détaillée est présentée par Cust et Rivera Ballesteros (2021b). 124 Baunsgaard et coll. (2012) ; Gill et coll. (2014) ; Peszko et coll. (2020). 125 Ollero et coll. (2019). A F R I C A’ S P U L S E > 77 2.6 POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE Politiques macro économiques pour le changement climatique et le développement La transition vers une économie à faibles émissions de carbone implique une transformation importante de l’économie, qui pourrait nécessiter le soutien de politiques publiques pour surmonter les risques de défaillances du marché. D’une manière générale, les politiques qui visent à prévenir le changement climatique ou à y faire face mettent l’accent sur l’énergie et les variantes des politiques de tarification du carbone. Néanmoins, le rôle potentiel des politiques macroéconomiques, à savoir les politiques budgétaires, monétaires et financières, est actuellement testé par les gouvernements. Politique budgétaire Comme vu plus haut, des anomalies de température et de précipitations peuvent avoir un impact important sur l’activité économique, notamment dans les secteurs sensibles aux chocs climatiques (comme l’agriculture, la pêche et le tourisme). Le ralentissement de l’activité économique qui s’ensuit a un effet sur le niveau et la composition des recettes fiscales. Les événements climatiques extrêmes (comme des épisodes de sécheresse, des tempêtes ou des inondations) ne se contentent pas de perturber l’activité économique ; ils accroissent également la volatilité des recettes publiques. De plus, les conséquences budgétaires de ces chocs climatiques chroniques et extrêmes dépendent de l’exposition du pays à ces chocs, de son niveau de préparation, et de la prise de responsabilité du gouvernement concernant les dommages liés au climat. Il peut être coûteux de prévenir ces impacts ou d’y faire face, notamment dans les petites nations insulaires et les pays à faible revenu, ce qui met en péril la durabilité de leurs comptes budgétaires. Dans ce contexte, la politique budgétaire a un rôle à jouer concernant l’adaptation au changement climatique et à ses effets, ainsi que son atténuation126. Les politiques d’adaptation au changement climatique impliquent une série d’interventions du secteur public. Ces interventions peuvent prendre les formes suivantes : (i) politiques qui alignent le prix des ressources du pays sur leur valeur sociale pour encourager la préservation et la gestion durable (par exemple l’eau) ; (ii) investissements dans des infrastructures publiques qui renforcent la résilience sociale et économique face aux chocs climatiques ; ou (iii) réglementations qui traitent les risques liés au climat (par exemple, règles de zonage empêchant la construction dans des zones inondables). Les instruments fiscaux sont les outils jugés les plus efficaces pour lutter contre le changement climatique, et ils peuvent potentiellement améliorer le bien-être des citoyens. À titre d’exemple, les taxes environnementales, comme les taxes sur l’énergie, les transports et la pollution, entre autres, peuvent encourager l’innovation et l’investissement dans des sources d’énergie plus efficaces et plus propres en décourageant la consommation d’énergie fossile. L’impact économique final des taxes environnementales dépend de l’utilisation qui est faite des recettes collectées. Ces recettes peuvent servir soit pour baisser d’autres prélèvements non forfaitaires (par exemple, taxes sur le travail et le capital), soit pour financer des dépenses dans les domaines de la santé, de l’éducation, des infrastructures publiques ou de la protection sociale et pour renforcer la résilience du pays face au changement climatique127. Les recettes provenant de la réforme des taxes environnementales peuvent financer des politiques d’adaptation et d’atténuation du changement climatique, apaiser l’impact social des conséquences des risques climatiques, et accélérer la transition vers des infrastructures plus efficaces et des 126 Catalano, Forni, et Pezzola (2020). 127 Pigato (2019). 78 > A F R I C A’ S P U L S E technologies plus propres. Associer les taxes environnementales à d’autres mesures fiscales (par exemple, modifications d’autres taxes, dépenses de développement et dépenses sociales) permet de réduire les risques associés au climat, mais également de produire des co-bénéfices importants en matière de développement (par exemple qualité de l’air, eaux plus propres, routes plus sûres, financement de l’accès à l’énergie, santé, éducation) et d’augmenter la productivité et l’emploi.128 Dans certaines circonstances, les réformes des taxes environnementales peuvent avoir un impact négatif sur les revenus des ménages à faible revenu. Dans ce cadre, les programmes de protection sociale peuvent jouer un rôle, par exemple en ciblant les transferts monétaires vers les ménages à faible revenu. On peut également envisager des mesures comme cibler les dépenses publiques consacrées aux soins de santé, à l’éducation ou au logement sur les personnes en situation de pauvreté129. Les taxes environnementales, notamment les taxes sur le pétrole et les produits pétroliers, tendent à être plus progressives dans les pays en développement. En effet, le pourcentage du revenu des ménages à faible revenu consacré à des biens et services à forte intensité de pollution (par exemple les voitures) est plus faible que celui des ménages à faible revenu des pays développés130. En outre, un prix plus élevé des produits pétroliers et du pétrole, provenant de taxes plus importantes, pourrait engendrer des pressions concurrentielles à court terme ainsi que des coûts d’ajustement, notamment pour les secteurs à forte intensité énergétique exposés au commerce. Dans ce contexte, il est essentiel d’avoir des mesures pour protéger les secteurs à forte intensité énergétique exposés au commerce, comme des impôts sur les sociétés plus faibles, un soutien pour l’efficience des ressources, et des impôts basés sur la consommation. Néanmoins, ces mesures devront être revues régulièrement, être limitées dans le temps, et apporter des incitations de long terme pour s’adapter131. Des simulations modélisées évaluent l’impact sur l’activité économique de chocs climatiques persistants et extrêmes ainsi que l’efficacité de deux actions politiques différentes : (i) mesures d’adaptation pour anticiper l’impact du changement climatique (actions préventives), et (ii) mesures d’adaptation en réaction à des impacts qui ont eu lieu (actions de redressement)132. Plus précisément, le modèle évalue l’impact des investissements préventifs dans l’adaptation au changement climatique financés par des emprunts publics. Le scénario de référence, dans lequel aucune action n’est prise pour faire face à un réchauffement progressif et des événements extrêmes plus fréquents montre une forte baisse du PIB, des déficits budgétaires plus importants, et des stocks de dettes publiques plus élevés. Au contraire, des politiques préventives visant à lutter contre le changement climatique sont associées à une croissance plus élevée de l’activité économique par rapport au scénario de référence dans lequel aucune mesure n’est prise, ou par rapport à un scénario alternatif dans lequel les décisionnaires politiques attendent pour lancer des politiques de redressement, le cas échéant. Un comportement réactif plutôt que proactif pour lutter contre les chocs climatiques se traduirait par des ajustements futurs plus importants et plus onéreux. Des mesures d’adaptation peuvent construire la résilience budgétaire et économique ; néanmoins, elles ne seront pas forcément suffisantes pour gérer les dangers liés au climat, notamment dans les pays pauvres et les petites nations insulaires. Citons parmi les politiques préventives des investissements d’infrastructure, des liquidités et des tampons politiques pour renforcer la résilience face aux chocs, ainsi qu’une gestion adéquate du budget et de la dette. La conception et la mise en œuvre de ces politiques préventives pourraient être plus efficaces si elles étaient réalisées en collaboration avec des partenaires de développement et des institutions multilatérales. Néanmoins, les gouvernements nationaux et la communauté 128 Pigato (2019) explique que les soi-disant co-bénéfices sont particulièrement importants dans les pays en développement, et qu’ils dépassent nettement les avantages liés à la réduction des risques climatiques. 129 Des éléments probants montrent que pour les pays développés, 6 à 12 % des taxes environnementales pourraient compenser les ménages plus pauvres (Dinan 2015). 130 Parry, Mylonas, et Vernon (2017). 131 Pigato (2019). 132 Voir Catalano, Forni, et Pezzola (2020) et Pigato (2019). A F R I C A’ S P U L S E > 79 internationale concentrent généralement leurs efforts sur des actions de redressement plutôt que sur des actions politiques préventives. De nombreux pays de la région ont sous-investi dans l’adaptation au changement climatique et n’ont pas réussi à renforcer leurs réserves budgétaires pour se préparer aux risques climatiques. L’absence de consensus sur les meilleures pratiques d’adaptation renforce les incitations à retarder le financement de ces mesures. La tendance politique à privilégier des mesures de redressement plutôt que des mesures préventives est attribuée à l’aléa moral et à la dépendance excessive vis-à-vis d’une aide et d’une assistance étrangères officielle133. Des simulations plus récentes se penchent sur l’efficacité de différents outils fiscaux (ou une combinaison de ces derniers) pour soutenir fiscalement une reprise verte et durable. Plus précisément, les études ont été menées pour déterminer si les mesures liées au prix du carbone, aux investissements publics verts et aux incitations fiscales pour l’investissement vert privé pouvaient contribuer à tenir les engagements de Paris tout en renforçant la croissance de la production et en maintenant la viabilité budgétaire134. Compte tenu des scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur le changement climatique (GIEC) concernant les futures trajectoires pour les émissions de carbone, les simulations donnent des indications sur le paquet fiscal (par exemple taxes carbone et incitations fiscales pour les investissements verts) qui pourrait permettre de respecter les trajectoires d’émissions tout en minimisant les coûts économiques de la transition vers une économie bas carbone. Afin d’encourager les investissements verts privés, les gouvernements de la région devraient fournir des cadres macroéconomiques, institutionnels et réglementaires qui soutiennent les investissements dans des solutions et technologies vertes. Les incitations fiscales devraient être consolidées dans les lois fiscales pour renforcer la transparence. Les réformes des subventions aux combustibles fossiles, ainsi que l’introduction d’une tarification du carbone, sont essentielles pour fournir des signaux de prix permettant de réaffecter les ressources vers les secteurs verts. Les incitations vertes devraient être assorties de critères d’éligibilité clairs pour limiter le pouvoir discrétionnaire des gouvernements. Cela implique, pour les pays de la région, le passage progressif d’une situation d’importantes exonérations fiscales à une situation avec des incitations plus ciblées et fondées sur les coûts. Les taxes carbone sont vraisemblablement les instruments les plus efficaces pour attribuer des prix relatifs et réaffecter les ressources vers les secteurs économiques verts et liés à l’écologie. Néanmoins, il n’est pas politiquement possible d’augmenter de manière continue les prix des énergies non renouvelables. Par conséquent, l’investissement public dans les secteurs à bas carbone pourrait devenir plus attractif malgré les coûts budgétaires. Les simulations modélisées montrent que la tarification du carbone à elle seule ne peut atteindre la réduction d’émissions stipulée dans les objectifs de Paris135. La hausse des prix du carbone (par une taxe carbone ou en vendant des droits d’émission) devra être très élevée pour atteindre ces objectifs. Même si cette mesure augmentait les recettes budgétaires et réduisait la dette à court terme, les résultats budgétaires seraient inversés à cause de l’impact négatif sur l’activité économique pendant la période de transition. Les investissements publics verts à eux seuls (en l’absence de hausse des prix du carbone) permettraient d’augmenter la croissance à court terme, mais cette stratégie entraînerait une hausse considérable du niveau de la dette publique136. De plus, les simulations montrent que dans un scénario où les décisionnaires politiques ne mettent pas en danger la soutenabilité de la dette, l’investissement public maximal ne permettrait pas d’atteindre les objectifs de Paris. Les simulations suggèrent également que la tarification du carbone et les investissements verts sont des outils complémentaires qui doivent être utilisés conjointement. Les incitations fiscales aux investissements 133 Pigato (2019). 134 Voir Forni et Pezzola (2021) et Pigato et coll. (2021). 135 Forni et Catalano (2021) partent du principe qu’une taxe carbone affecterait les coûts de production des entreprises, et que ces coûts plus élevés seront répercutés sur les consommateurs. 136 Voir Forni et Pezzola (2021) et Pigato et coll. (2021). 80 > A F R I C A’ S P U L S E verts privés financées par les recettes provenant de la taxation du carbone encourageraient davantage encore le secteur privé à investir dans des énergies et technologies vertes137. Quand ils sont réalisés conjointement par les pays, les investissements publics dans les secteurs verts financés par la dette, soutiendraient la reprise économique. Ils réduiraient les émissions de gaz à effet de serre (GES) en améliorant l’espace budgétaire et la soutenabilité de la dette, notamment dans les pays qui sont davantage exposés aux chocs liés au climat. Des investissements verts supplémentaires consentis par les gouvernements des pays à hauts niveaux d’émissions (principalement dans les économies avancées et émergentes) augmenteraient la demande nationale et entraîneraient des retombées commerciales positives pour les pays à faible revenu et vulnérables face au climat, ce qui contribuerait à atténuer les augmentations de la température. Politiques monétaires et financières Il y a un lien entre changement climatique et politique monétaire du fait de la réponse des banquiers centraux aux chocs d’offre ou de demande provoqués par les perturbations climatiques. Par exemple, les sécheresses peuvent nuire à la production agricole et entraîner des hausses des prix agricoles. Les inondations peuvent endommager les infrastructures dans les grandes villes et zones industrielles (affectant les biens et installations physiques), en perturbant de surcroît l’approvisionnement en énergie et en déplaçant les travailleurs. En d’autres termes, le changement climatique est important pour la politique monétaire dans la mesure où les chocs climatiques (et les politiques d’atténuation) influencent la fréquence et l’amplitude des chocs d’offre (par exemple, hausse des prix agricoles), les fluctuations dans la production, et d’autres sources de risques et de volatilité économique. Comment les banques centrales devraient-elles réagir aux hausses de l’inflation liées au climat et au déclin de l’activité économique ? Les simulations modélisées suggèrent que cibler le revenu nominal plutôt que les prix permet de mieux prendre en compte les fluctuations de la production et d’ancrer les attentes inflationnistes. Cibler le revenu est également une approche plus résistante aux informations imparfaites sur l’état actuel de l’économie, comparé aux autres règles de politique monétaire. En outre, les politiques climatiques peuvent rendre difficile la réponse des banques centrales aux chocs climatiques. Par exemple, la prévision d’inflation des banques centrales est plus difficile à estimer en cas de fluctuation des prix de l’énergie dans le cadre de politiques de plafonnement et d’échange que dans celui de mise en place de taxes carbone. Enfin, l’augmentation de la fréquence et de l’amplitude des chocs d’offre négatifs liés au climat représentent un défi pour la prévision des écarts de production, et donc de l’inflation138. La transition vers une économie bas carbone représente également des risques pour le système financier. Ces risques prennent la forme de pertes associées à des capitaux échoués et à la diminution des revenus et perspectives de profit dans le carbone et les activités liées au carbone139. D’après les articles issus de la recherche, la politique monétaire pourrait soutenir la transition vers une économie bas carbone de deux façons : (i) en adaptant le cadre de garantie des banques centrales, et (ii) en utilisant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance pour acheter des actifs à grande échelle140. Certains suggèrent des opérations visant à réorienter le portefeuille des banques centrales vers des actifs verts et à s’éloigner des actifs liés au carbone, pour refléter les risques climatiques141. Tout d’abord, il est nécessaire de mieux évaluer les risques climatiques dans les cadres de garanties et portefeuilles d’actifs des banques centrales. Certains proposent que les banques centrales développent leurs propres méthodes pour évaluer les risques climatiques, 137 Des données récentes montrent que les multiplicateurs de dépenses pour l’énergie propre et la préservation de la biodiversité sur un échantillon de pays développés et en développement de 1991 à 2019 sont supérieurs à 1. Les estimations ponctuelles du multiplicateur d’investissement en énergies renouvelables sont de 1,1 à 1,5 tandis que celles de l’investissement dans les énergies fossiles sont de 0,5 à 0,6. Plus généralement, les multiplicateurs associés aux dépenses vertes sont plus importants que ceux associés aux dépenses non vertes, même si l’ampleur des différences dépend de l’horizon et des spécifications (Batini et coll. 2021). 138 McKibbin et coll. (2020). 139 Voir NFGS (2019). 140 Cœuré (2018). 141 Krogstrup et Oman (2019). A F R I C A’ S P U L S E > 81 car les agences de notation de crédit ont tendance à les sous-estimer. La banque centrale a la responsabilité de refléter de manière exacte les risques dans son portefeuille, et notamment les risques climatiques. Ensuite, certains proposent le recalibrage ou la mise en œuvre d’achats parallèles d’actifs qui stimulent le prix des actifs à faibles émissions de carbone142. D’autres suggèrent que la banque centrale se serve de garanties pour augmenter le financement des investissements de masse nécessaires pour la transition vers une économie bas carbone143. Enfin, l’ampleur des risques de transition liés au changement climatique peut augmenter la vulnérabilité du secteur financier face aux risques climatiques. Garantir la stabilité financière pourrait nécessiter l’intégration de politiques macroprudentielles et monétaires dans un cadre unifié de stabilité macrofinancière144. La transformation économique associée au passage à une économie bas carbone nécessite des investissements massifs. Dans ce cadre, un large éventail de mesures de politique financière a été proposé pour mobiliser les ressources qui soutiennent le financement privé du climat145 : (i) outils remédiant à la sous-évaluation et à l’opacité des risques climatiques sur les marchés financiers et dans les cadres réglementaires prudentiels (par exemple, exigences en matière d’adéquation des fonds propres et réserves de capital sectorielles ciblant le crédit aux secteurs particulièrement exposés au climat), (ii) mesures améliorant le cadre de gouvernance des institutions financières (pour renforcer les incitations à financer des investissements socialement souhaitables), (iii) soutien au développement du marché des investissements financiers verts (c’est-à-dire promotion du développement des plateformes, information et émission active), et (iv) mesures incitatives en faveur du financement climatique (par exemple, via des politiques monétaires non conventionnelles pour les ajustements de la réglementation financière)146. Mesures d’adaptation de l’agriculture au changement climatique L’un des principaux impacts défavorables du changement climatique sur l’économie est la baisse de la production agricole, sachant que de nombreux pays d’Afrique subsaharienne sont vulnérables au changement climatique du fait de leur forte dépendance vis-à-vis de l’agriculture pluviale147. Les éléments observés au niveau des ménages corroborent l’hypothèse d’un effet défavorable du changement climatique sur les agriculteurs. En Éthiopie par exemple, les chocs climatiques entraînent une baisse du revenu net des cultures, l’impact étant variable d’une zone agro-écologique à l’autre148. En Afrique de l’Est et australe, on observe une baisse des récoltes et des revenus liée au phénomène El Niño149. Par ailleurs, en Zambie, les ménages pauvres sont plus exposés au risque de sécheresse, et la probabilité d’être pauvre augmente de deux points de pourcentage en cas de pluviométrie inférieure à la normale150. Les chocs climatiques peuvent entraîner des hausses des prix agricoles. Les augmentations du prix des céréales liées au climat peuvent fortement augmenter la pauvreté urbaine comme rurale en Eswatini151. Pour atteindre les objectifs d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre au moindre coût possible, un changement majeur des comportements et des méthodes de production doit intervenir. Dans ce contexte, de nombreux pays mettent en place des politiques d’adaptation et des investissements destinés à protéger l’économie de l’impact négatif et à exploiter les effets positifs associés au changement climatique. Les politiques de dépenses publiques devront rester flexibles pour améliorer la résilience climatique (voir encadré 2.2). Du côté du gouvernement, il est nécessaire 142 Van Lerven et Ryan-Collins (2017) ; Olovsson (2018). 143 McKibbin et coll. (2019). 144 Aglietta et coll. (2018). 145 Krogstrup et Oman (2019). 146 Les trois premiers types de mesures visent à évaluer de manière plus exacte les risques climatiques, tandis que la dernière soulève plusieurs questions sur les arbitrages politiques (Krogstrup et Oman 2019). 147 Voir Collier, Conway et Venables (2008) ; Abidoye et Odusola (2015). 148 Deressa et Hassan (2009). 149 Al Mamun et coll. (2018). 150 Ngoma et coll. (2019). 151 Sam, Abidoye et Mashaba (2021). 82 > A F R I C A’ S P U L S E de mettre en place : des politiques, des plans et des investissements dynamiques pour fournir des informations, des mesures incitatives et un environnement favorable qui encourage les ménages, les communautés et le secteur privé à changer leurs comportements, leurs choix de consommation et d’investissement. Compte tenu de la fréquence et de l’intensité accrues des événements climatiques, les agriculteurs doivent améliorer leur résilience au changement climatique. Le changement climatique peut affecter la production alimentaire et, de ce fait, augmenter l’insécurité alimentaire et la pauvreté, car les populations rurales dépendent de l’agriculture pour leurs moyens de subsistance. Une meilleure compréhension de l’impact du changement climatique sera essentielle au développement d’un système de gestion des écosystèmes garantissant la durabilité152. Des recherches menées au niveau des exploitations agricoles ont analysé la manière dont les agriculteurs d’Afrique subsaharienne s’adaptent au changement climatique. Par exemple, des éléments recueillis auprès d’agriculteurs de trois régions d’Afrique du Sud (Limpopo, Nord-Ouest et KwaZulu Natal) indiquent que : (i) plus de quatre agriculteurs sur cinq avaient connaissance d’une variabilité et d’une imprévisibilité accrues de la pluviométrie (changement climatique), (ii) les agriculteurs réaffectaient leurs ressources, délaissant la production de cultures en faveur de la gestion de cheptel en réponse aux épisodes de sécheresse, (iii) les agriculteurs agissaient de manière concertée pour réduire la vulnérabilité liée à l’incertitude climatique (en particulier, les producteurs de volaille et d’œufs se focalisaient sur des races indigènes résistantes à la sécheresse)153. En Éthiopie et en Afrique du Sud, il a été observé que 1 800 agriculteurs se sont adaptés au changement climatique en plantant des espèces différentes, en changeant de dates pour les semis, en augmentant leur accès à l’irrigation et en appliquant des mesures de conservation des sols154. Des différences ont cependant été constatées dans les pratiques d’adaptation d’un pays à l’autre. Par exemple, l’accès aux services de vulgarisation agricole et à l’information sur le climat a été essentiel en Éthiopie, tandis que l’accès à des terres fertiles et à l’appui du gouvernement à l’agriculture primait pour les agriculteurs sud-africains155. L’accès limité au crédit, des services de vulgarisation agricole inadaptés et l’apport médiocre de semences améliorées freinent les mesures d’adaptation au changement climatique pour les agriculteurs kenyans156. Une enquête menée sur 325 petites et moyennes entreprises des régions semi-arides du Kenya et du Sénégal évalue leur capacité à s’adapter aux chocs climatiques. Elle établit une distinction entre une adaptation durable (par exemple par un changement de l’assortiment de produits) et des réactions non soutenables (comme la vente en urgence d’actifs). Les entreprises examinées sont fortement exposées aux risques climatiques et appliquent un vaste éventail de stratégies pour y parer. Certaines mesures visent à assurer la continuité de l’activité (adaptation durable), mais d’autres ont pour effet une contraction de l’activité (adaptation non soutenable). Les pratiques d’adaptation durable sont moins efficaces si les événements climatiques extrêmes se font plus fréquents. La capacité des entreprises à s’adapter de manière durable dépend de facteurs qui peuvent être influencés par l’intervention publique. D’une part, les obstacles financiers et la médiocrité de l’accès aux marchés réduisent la probabilité d’une adaptation durable. D’autre part, l’accès à l’information, le soutien des pouvoirs publics et une assistance ciblée augmentent cette probabilité. Enfin, les entreprises commenceront à se préparer au changement climatique à venir tant qu’elles sont engagées de manière ininterrompue dans un processus d’adaptation durable157. Des observations récentes montrent qu’une utilisation plus intensive d’intrants importés dans les pays à faible revenu peut contribuer à améliorer la productivité globale des facteurs agricoles et 152 Abidoye (2021). 153 Thomas et coll. (2007). 154 Des éléments supplémentaires recueillis en Éthiopie indiquent que la diversification des cultures, la conservation des sols et de l’eau et la migration saisonnière ont constitué les principales stratégies d’adaptation appliquées par les agriculteurs du Dera woreda (Atinkut et Mebrat 2016). 155 Bryan et coll. (2009). 156 Bryan et coll. (2013). 157 Crick et coll. (2018). A F R I C A’ S P U L S E > 83 protéger cette activité des effets négatifs des chocs liés au climat158. Il est ressorti de l’observation d’un échantillon plus large de 162 pays, de 1991 à 2015, que les effets du climat sur la productivité agricole étaient plus marqués dans les pays utilisant moins d’intrants importés, et que les anomalies de température et de pluviométrie n’affectaient pas de manière significative ceux qui utilisaient une proportion plus élevée d’intrants importés. Ces constatations peuvent être attribuées à la grande qualité des intrants importés et au fait qu’ils utilisent des technologies plus avancées. Dès lors, une proportion plus importante d’intrants importés rend les agriculteurs moins vulnérables aux chocs climatiques locaux. Ces effets sont amplifiés par les retombées probables sur les producteurs domestiques de biens intermédiaires. Une agriculture intelligente face au climat (AIC) est perçue comme une stratégie appropriée pour parvenir à la sécurité alimentaire tout en s’adaptant aux effets du changement climatique et en les atténuant159. Le vaste éventail de technologies d’AIC en cours d’application dans la région constitue autant d’outils prometteurs pour l’adaptation au changement climatique et la gestion des risques y afférents, dont l’agroforesterie, les technologies de conservation des sols et de l’eau et les services d’information climatologique, entre autres (Goyal et Nash, 2017). Les projections climatiques pour l’Afrique subsaharienne suggèrent que la plupart des pays de la région n’atteindront pas les cibles des Objectifs de Développement Durable si aucune mesure pratique n’est mise en place pour réduire les risques pour l’agriculture liés au climat. Les pratiques agricoles à visée conservatoire sont marquées par une dégradation accrue des sols, en particulier dans les régions arides et semi-arides du continent, où le sol contient peu de matière organique, où les engrais sont peu utilisés et où les épisodes successifs de sécheresse réduisent le rendement des cultures160. Ces pratiques conservatoires comprennent la rotation des cultures, la pratique du paillis pour maintenir la couverture des sols et les techniques culturales sans labour161. L’observation montre que la culture de plantes de couverture, l’application d’engrais vert et le paillis ont contribué à améliorer la fertilité des sols et la rétention d’eau par les sols dans des zones sèches du Burkina Faso, du Sénégal et du Niger162. La minimisation du labour offre également plusieurs avantages pour les agriculteurs africains, dont une meilleure infiltration de l’eau, une augmentation de la matière organique dans le sol et la rétention de l’humidité. Elle réduit aussi le coût de la main- d’œuvre au stade de la préparation des terres et permet une meilleure synchronisation des semis avec le début des pluies163. La diversification des écosystèmes agricoles par des approches intégrées comme l’agroforesterie (qui associe les arbres aux cultures et/ou à l’élevage) peut contribuer à améliorer la sécurité alimentaire et, plus généralement, la résilience au changement climatique164. Les agriculteurs des zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest ont appliqué des pratiques de régénération naturelle gérée par les agriculteurs (RNGA). Par exemple, ces pratiques ont mené, au Niger, à la plantation de millions d’arbres avec une série d’avantages associés, à savoir la fertilité du sol, la création de biomasse pour l’énergie ménagère et la résilience des champs cultivés face aux tempêtes de vent. Les feuilles d’arbres fourragers ont été utilisées pour nourrir le bétail, surtout en période de sécheresse et de rareté de l’herbe165. Les pratiques de RNGA peuvent aussi jouer un rôle de filet de sécurité pour les agriculteurs en cas de contraction de la production et de la productivité liée au climat. Au Ghana, ces pratiques, notamment la plantation et la protection d’arbres à usages multiples sur les terres agricoles pourraient augmenter le revenu des ménages de 887 USD par an166. 158 Garcia-Verdu et coll. (2019). 159 L’AIC comprend des innovations qui stimulent la productivité pour une meilleure sécurité alimentaire, qui améliorent l’adaptation et la résilience au changement et à la variabilité climatiques, et qui réduisent les émissions de GES (FAO 2010 ; Lipper et coll., 2014). 160 Buah et coll. (2017) ; Lahmar et coll. (2012). 161 Giller et coll. (2009). 162 Bayala et coll. (2012). 163 Obalum, Igwe et Obi (2012). 164 Sinare et Gordon (2015). 165 Tougiani, Güero et Rinaudo (2009) ; Martin et coll. (2016). 166 Binam et coll. (2015). 84 > A F R I C A’ S P U L S E La politique de dépenses publiques devra rester flexible afin de faire face aux défis à venir et, pour ENCADRÉ 2.2 : l’agriculture, il n’est probablement pas de défi plus urgent que le changement climatique. Il s’agit d’une Dépenses menace pour l’agriculture dans le monde entier, mais le manque de résilience des agriculteurs pauvres publiques consacrées à le rend particulièrement aigu en Afrique subsaharienne. Les projections montrent une baisse des l’agriculture - rendements de 5 % à court terme, atteignant potentiellement 15 % - 20 % toutes cultures et régions Les priorités d’Afrique subsaharienne confondues d’ici à la fin du siècle. L’agriculture contribue également de manière émergentes importante aux émissions de gaz à effet de serre, en particulier du fait de la déforestation, et l’Afrique est pour améliorer la seule région au monde où l’augmentation de la production provient pour l’essentiel de l’expansion des la résilience surfaces cultivées, généralement aux dépens des forêts. En Afrique comme ailleurs dans le monde, un climatique secteur agricole plus résilient face au changement climatique est nécessaire pour relever le triple défi de l’amélioration de la productivité agricole, de l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et de l’aide apportée aux agriculteurs pour s’adapter au changement climatique. La plupart des investissements destinés à atténuer le changement climatique (croissance à faible intensité de carbone) et à s’y adapter (renforcement de la résilience) devront être engagés par les agriculteurs et d’autres acteurs privés. Cependant, des politiques gouvernementales, des actions de planification et des investissements dynamiques seront nécessaires pour fournir des informations, des mesures incitatives et un environnement favorable, encourageant les communautés, les ménages et le secteur privé à modifier leurs comportements et leurs choix d’investissement. De nombreux investissements résilients au changement climatique ne seront pas très différents des choix d’investissements productifs. Le renforcement de la résilience présente des avantages généraux dans tous les cas, mais leur valeur est amplifiée par les changements qui se produiront du fait du réchauffement de la planète. En ce qui concerne les priorités de dépenses publiques, l’agriculture intelligente face au climat implique d’utiliser des approches paysagères pour investir dans la gestion des risques climatiques. Il faut miser sur : le développement de technologies résistantes aux sécheresses ou aux inondations, la compréhension et la planification de transitions vers des systèmes culturaux, d’élevage et de choix de moyens de subsistance nouveaux et adaptés. Il faut également appuyer la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées aux pratiques d’élevage et aux changements d’affectation des terres causant déforestation et pertes de biomasse et de carbone séquestré dans les sols. L’augmentation de la résilience, la restauration des terres dégradées et la meilleure gestion des services liés à l’écosystème joueront des rôles essentiels dans tous ces domaines. Les efforts pour élaborer des choix budgétaires et politiques permettant de créer une agriculture plus intelligente face au climat devront tenir compte de défis particuliers liés à de nombreuses incertitudes, à des difficultés de distribution et à la nature à long terme du problème. Pour relever ces défis, les revues des dépenses publiques devront être plus attentives que par le passé à l’intégration de considérations de changement climatique. Source : Goyal et Nash (2017). Les services d’information sur le climat constituent un outil important pour l’atténuation du risque climatique parmi les agriculteurs d’Afrique subsaharienne, qui dépendent pour la plupart d’une agriculture pluviale167. Les services climatologiques peuvent fournir aux agriculteurs des informations sur les tendances de distribution des précipitations, leur fréquence et leur intensité, ainsi que la probabilité d’événements extrêmes (des épisodes de sécheresse, par exemple). Il est essentiel de disposer d’un accès facile à de telles informations pour décider du moment adéquat pour commencer la préparation des terres, quand semer et quelle variété de semences choisir, entre autres168. Il est avéré que les agriculteurs qui utilisent des services d’information climatologique utilisent moins d’intrants dans leurs systèmes de production que ceux qui n’utilisent pas ces services. Cela réduit les coûts de production et augmente les bénéfices générés par des cultures à haut rendement169. Enfin, l’utilisation de technologies numériques innovantes par les agriculteurs de la région peut contribuer à améliorer leur accès à des prévisions météorologiques locales précises. 167 Lodoun et coll. (2014) ; Boansi et coll. (2019). 168 Fitchett et Ebhuoma (2018) ; Zare et coll. (2017) ; Wanders et Wood (2018). 169 Ouédraogo et coll. (2015). A F R I C A’ S P U L S E > 85 Des institutions soutenant les pratiques d’agriculture intelligente face au climat (AIC) sont essentielles pour promouvoir la sensibilisation aux innovations en matière d’AIC et le renforcement des capacités correspondantes dans la région. C’est là que les organisations non gouvernementales, les organisations de la société civile, le secteur privé, les gouvernements et les organisations paysannes ont un rôle important à jouer. Cependant, les pratiques d’AIC peuvent être confrontées à une série de difficultés, dont170 : (i) une compréhension limitée des technologies auxquelles il faut accorder la priorité pour la productivité, l’adaptation et l’atténuation ; (ii) la compatibilité de la fixation d’objectifs entre agriculteurs et décideurs politiques, ainsi que la gestion des compromis ; (iii) la nécessité de comprendre les implications économiques des pratiques d’AIC et d’élaborer une analyse de rentabilisation pour attirer les investissements ; (iv) les problèmes de compatibilité posés par l’intégration de l’AIC dans des cadres politiques existants. Politiques foncières. La politique foncière constitue un levier puissant de réduction des émissions de GES et de renforcement de la résilience au changement climatique. Le foncier est lié de manière fondamentale à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique. Le secteur de l’affectation des terres est potentiellement capable de réduire les émissions, de séquestrer le carbone et d’augmenter la résilience humaine et biophysique. Des éléments de preuve nombreux et croissants montrent que la gestion et la restauration durables des terres contribuent souvent de manière positive et persistante au bien-être sociétal et à la durabilité. Elles génèrent des avantages multiples, dont la création d’emplois, la réduction des risques de catastrophe, l’atténuation du changement climatique et l’adaptation pour les générations actuelles et à venir. Le changement climatique soulève globalement des questions de politique foncière qui ne se limitent pas à la sécurité foncière, mais s’étendent à des problématiques plus larges concernant l’accès et la redistribution des terres, l’implantation urbaine et la gouvernance générale des ressources foncières171. Bien que les liens entre changement climatique et sécurité foncière soient complexes et indirects, les effets du changement et de la variabilité climatiques se ressentent via des modifications des écosystèmes naturels, des potentialités des sols et des systèmes d’utilisation des sols. Ces modifications imposent une pression de plus en plus intense sur une offre de terres limitée, qu’elles soient destinées à des utilisations productives ou à des établissements humains. De ce fait, les problématiques et politiques foncières constituent des considérations clés pour la planification de l’adaptation, pour renforcer la sécurité foncière et les arrangements de gestion dans des environnements à risque. Des droits fonciers sûrs, qu’ils soient individuels ou communautaires, ont de bonnes chances d’augmenter la motivation des populations à investir dans des stratégies d’adaptation et à en tirer profit. Les agriculteurs et éleveurs « à sec » d’Afrique, par exemple, sont confrontés à des implications graves : baisse de la viabilité de l’agriculture pluviale sans irrigation, modifications des espaces géographiques dans lesquels la culture et l’élevage de bétail sont praticables (lesquelles s’accompagnent d’opportunités comme de contraintes potentiellement accrues pour les éleveurs de certaines régions), et augmentation globale de la concurrence pour les sols et les ressources hydriques172. Tous ces problèmes ne sont pas nouveaux pour les agriculteurs à sec d’Afrique. Ils se sont déjà adaptés dans une certaine mesure aux tendances actuelles et récentes de variabilité climatique qui vont probablement être exacerbées du fait du changement climatique. Les réponses adaptatives nécessaires à l’avenir ne devraient toutefois pas, en principe, différer grandement des adaptations existantes à la variabilité climatique, sauf en ce qui concerne leur ampleur et leur rythme, à moyen terme au moins, et sauf scénarios d’impact extrême du changement climatique. Il y a donc beaucoup à apprendre de la manière dont la population paysanne et les institutions formelles et informelles qui façonnent et régulent l’utilisation des ressources foncières se sont adaptées à ces changements. 170 Partey et coll. (2018). 171 GIEC (2019). 172 Brooks (2006). 86 > A F R I C A’ S P U L S E Les évaluations actuelles des défis posés par l’adaptation tendent toutefois à se concentrer : sur le remplacement des cultures existantes par des espèces et variétés plus tolérantes à la sécheresse, sur des recherches adaptatives destinées à élaborer des variétés plus appropriées, sur la gestion de l’utilisation des terres et l’agroforesterie afin d’améliorer la rétention d’eau et promouvoir la diversification des cultures, sur un développement accru de la disponibilité de crédits, sur l’assurance-récoltes, sur l’amélioration des prévisions météorologiques et sur l’introduction de paiements au titre de la déforestation évitée ou de la reforestation, en compensation de la perte de revenus agricoles. Les agriculteurs africains diversifient traditionnellement leurs risques en menant en parallèle plusieurs cultures différentes dans des types de lieux ou sur des niches agro-écologiques variées. La pression démographique et la concurrence accrue concernant les sols réduisent toutefois la possibilité pour les agriculteurs de poursuivre ces stratégies. La sécurité foncière tend à renforcer la motivation des populations à investir et tirer avantage de ces types d’adaptation. Des exemples, dans le nord du Nigéria et au Niger, illustrent des cas d’adaptation réussis dans des zones à forte densité de population malgré la baisse de la pluviométrie et malgré la croissance démographique. Les agriculteurs ont pu préserver la fertilité des sols et les rendements par des pratiques agricoles plus intensives, à petite échelle, comprenant de plus fortes densités de bétail, la conservation des sols et de l’eau, la diversification des cultures et des approches intégrées de gestion de l’exploitation agricole. Une confiance raisonnable dans la sécurité foncière semble constituer une condition sous- jacente importante pour ces actions d’intensification agricole durable173. En Afrique de l’Est, une adaptation locale par irrigation à petite échelle (et de précision) a été mise en œuvre et constitue une stratégie de réponse à la variabilité climatique qui a fait ses preuves. Pour pérenniser ces stratégies, le droit des pauvres à accéder à ces ressources hydriques doit être reconnu et intégré aux arrangements relatifs aux ressources naturelles, au plan national ou local. Des mesures de politique foncière spécifiques et l’intégration de l’action politique en matière foncière à la planification adaptative en général devront être prises. Cette mise en place devra s’effectuer aux niveaux national et sous-national, suivant une catégorisation précise des impacts du changement climatique et en gardant à l’esprit les cadres juridiques et institutionnels existants. La cohérence de la politique foncière avec les domaines connexes, dont les politiques agricoles, de gestion des forêts et de l’environnement, constitue une préoccupation essentielle. Les pauvres urbains sont également vulnérables, car ils vivent souvent dans des quartiers informels qui se sont développés dans des bas-fonds vulnérables aux inondations, qui souffrent généralement d’une évacuation des eaux insuffisante, d’infrastructures et de conditions sanitaires médiocres, ainsi que de conditions de logement inappropriées. Un important corpus analytique montre que le changement climatique exacerbe les stress de base dans les zones urbaines. Les expériences les plus importantes pour rendre les pauvres urbains moins vulnérables au changement climatique dans les villes sont peut-être celles qui sont parvenues à améliorer les conditions de logement, les infrastructures et les services dans les quartiers à faible revenu (Quan et Dyer 2008). Accès à l’énergie L’Afrique subsaharienne a les plus faibles taux d’accès à l’électricité au monde. Seule la moitié de la population de la région a accès à l’électricité, et un tiers seulement à des moyens de cuisson non polluants. En 2019, 13 pays de la région présentaient un accès à l’électricité inférieur à 33 %, quatre seulement ayant un taux d’accès supérieur à 90 %. Le manque d’accès à l’énergie entrave la croissance économique. Une énergie propre ouvre des possibilités en matière de développement durable, d’amélioration de la santé et de renforcement de la résilience au sein des communautés, 173 Quan et Dyer (2008) ; Ingram et Yu-Hung (2011) A F R I C A’ S P U L S E > 87 ainsi qu’au plan national, en réduisant le risque de migration massive sur le continent174. Des systèmes solaires décentralisés pour l’électricité et des technologies de biomasse améliorées ou de gaz de pétrole liquéfié pour des moyens de cuisson propres constituent des solutions à même d’aider les Africains à réduire le problème de l’accès à l’énergie. Les gouvernements doivent toutefois mettre en œuvre des réformes politiques et mobiliser des financements publics et privés pour atteindre un accès universel dans la région. Lors du choix entre diverses possibilités d’accélération de l’électrification, il est important de remarquer que les stratégies nationales d’électrification cherchent généralement à répondre à plusieurs objectifs de développement. Il s’agit notamment de faciliter une croissance et une création d’emplois accélérées, d’améliorer les vies et moyens de subsistance dans les zones isolées, et de limiter les dommages à l’environnement et la santé liés à la fourniture d’électricité. Pour accomplir cet éventail d’objectifs, compte tenu des changements que connaît la technologie de génération et les attentes de croissance future rapide de la demande d’électricité, l’évolution des systèmes d’électricité en Afrique subsaharienne devra s’appuyer sur plus qu’un réseau national unique. D’une part, l’évolution vers une électrification universelle devra s’appuyer sur des « mini-réseaux » et « micro- réseaux » interconnectés ou autonomes, servant des petites grappes d’utilisateurs d’électricité, ainsi que sur des systèmes hors réseau, à l’échelle d’un foyer. D’autre part, les populations rurales d’Afrique subsaharienne continuant à migrer vers des pôles urbains en croissance rapide, des économies d’échelle et de densité feront baisser le coût de l’électricité fournie par le réseau dans les zones urbaines et périurbaines175. L’accès à l’électricité par les réseaux nationaux jouera toujours un rôle important dans les solutions d’accès à l’énergie sur le continent. En outre, l’avancée des énergies renouvelables, le solaire et l’éolien en particulier, peut offrir des opportunités d’accès aux populations non desservies ou insuffisamment desservies par les réseaux nationaux. Les progrès des technologies liées aux énergies non polluantes peuvent permettre aux pays africains de sauter l’étape de modèles de fourniture d’électricité dépendante de carburants fossiles et centralisés176. Par exemple, des systèmes solaires décentralisés, dont des mini-réseaux, permettent aux populations rurales non raccordées et aux populations urbaines qui le sont insuffisamment d’améliorer leur accès à l’électricité en Afrique de l’Est et de l’Ouest. Bien que le coût par kilowatt-heure des énergies alternatives non polluantes reste plus élevé que le raccordement au réseau, les énergies propres réduisent la pollution et, pour une utilisation locale, offrent un accès moins onéreux que les groupes électrogènes thermiques. Le niveau estimé de l’investissement nécessaire pour atteindre l’objectif d’un accès universel à l’énergie en Afrique subsaharienne est de 27 milliards USD par an pour la période 2018-2030177. L’investissement doit donc plus que doubler le niveau actuel de financement, ce qui indique avec acuité la nécessité d’une mobilisation de ressources sans précédent auprès d’acteurs privés sur place comme à l’étranger. À court terme, la réforme des subventions aux carburants fossiles pourrait aider à réorienter les ressources vers les énergies non polluantes et contribuer à combler le déficit de financement. Il n’en reste pas moins que la mobilisation de financements privés est essentielle pour la mise en œuvre de solutions d’énergie propre décentralisées. Les institutions de financement du développement ont aussi un rôle à jouer pour attirer les financements privés et se fondre dans ceux- ci de manière à fournir des solutions renouvelables décentralisées dans la région. 174 Rigaud et coll. (2018). 175 Blimpo et Cosgrove-Davies (2019). 176 Banque mondiale (2018). 177 AIE (2018). 88 > A F R I C A’ S P U L S E Il est essentiel pour l’électrification nationale de disposer d’une stratégie bien planifiée et fondée sur des preuves. Un tel plan comprend des déploiements graduels, des extensions de réseau, et des investissements ciblés en faveur du développement de mini-réseaux afin d’étendre l’accès à l’électricité destinée à des utilisations productives. Dans les régions qui présentent un fort potentiel d’expansion des utilisations productives à forte consommation d’énergie, de nouvelles zones industrielles pourraient être raccordées au réseau en priorité pour stimuler le développement économique. D’autres régions dont la demande potentielle d’utilisations productives est plus faible pourront être alimentées par des mini-réseaux. Avec le temps, à mesure que les revenus augmentent et que les populations s’agglomèrent dans des pôles à productivité plus élevée, le réseau national pourra être étendu. L’amélioration de la gouvernance du secteur de l’électricité est essentielle si l’on veut étendre efficacement l’accès à l’électricité en Afrique subsaharienne. Il est particulièrement important : de mettre en place des mesures de rationalisation des tarifs de l’électricité, d’abaisser les barrières réglementaires qui limitent l’investissement du secteur privé dans la production d’électricité pour le réseau ou hors réseau, de rendre les services d’utilité publique plus efficaces et transparents, et de favoriser une régulation du secteur plus indépendante. Ces mesures sont essentielles pour accroître l’efficacité de l’économie, fournir un environnement plus favorable à l’investissement, augmenter la participation du secteur privé, et renforcer la confiance du public dans le fait que son intérêt est bien pris en compte. L’exploitation des innovations passées et en cours pour améliorer les systèmes de gouvernance et accroître la compréhension du comportement des organisations peut ouvrir des opportunités encore plus importantes que la généralisation de l’adoption d’innovations techniques. Bien que la réforme soit difficile, de telles mesures sont indispensables, si l’on ne veut pas douter des gains qui pourront être dégagés de programmes d’investissement en faveur de l’accélération de l’électrification nationale178. Enfin, la plupart des pays d’Afrique subsaharienne n’ont pas de stratégie complète en matière de moyens de cuisson non polluants. D’autres pays ont élaboré de telles stratégies, mais ils souffrent d’une insuffisance de financement179. Les stratégies nationales de réduction de la pauvreté et de santé devraient inclure des politiques en matière de moyens de cuisson non polluants et les financements correspondants. La composante de genre est essentielle dans cette stratégie car elle s’étend de campagnes de simple sensibilisation à la mobilisation de femmes dans des rôles d’entrepreneuses et de promotrices. L’insuffisance du financement des politiques de moyens de cuisson non polluants s’élève à 1,8 milliard USD, soit nettement moins que dans le cas de l’électricité180. Il n’en demeure pas moins que pour progresser sur la voie des moyens de cuisson non polluants, des actions de renforcement des capacités domestiques et de sensibilisation sont nécessaires181. 178 Blimpo et Cosgrove-Davies (2019). 179 Hosier et coll. (2017). 180 Agence internationale de l’énergie (AIE) (2018). 181 OCDE, Banque mondiale et PNUE (2018). A F R I C A’ S P U L S E > 89 Appendice : Classification des pays TABLEAU A.1 : Classification des pays selon l’abondance des ressources en Afrique subsaharienne Pays riches en ressources Pays non riches en ressources Pétrole Métaux et minerais Angola Botswana Bénin Gambie Rwanda République du Congo République Démocratique Burkina Faso Ghana São Tomé et Príncipe du Congo Burundi Guinée-Bissau Sénégal Guinée Équatoriale Guinée Cabo Verde Kenya Seychelles Gabon Libéria Cameroun Lesotho Somalie Mauritanie République centrafricaine Madagascar Soudan Nigéria Namibie Comores Malawi Tanzanie Soudan du Sud Niger Côte d’Ivoire Mali Togo Tchad Afrique du Sud Érythrée Maurice Zimbabwe Sierra Leone Eswatini Mozambique Zambie Éthiopie Ouganda Remarque : Les pays riches en ressources sont ceux qui ont des rentes issues de l’exploitation de ressources naturelles (à l’exclusion des forêts) dépassant 10 % du PIB. TABLEAU A.2 : Pays d’Afrique de l’Ouest et centrale Pays riches en ressources Pays non riches en ressources Pétrole Métaux et minerais Guinée Équatoriale Guinée Bénin Gambie Gabon Libéria Burkina Faso Ghana Nigéria Mauritanie Cabo Verde Guinée-Bissau République du Congo Niger Cameroun Mali Tchad Sierra Leone République centrafricaine Sénégal Côte d’Ivoire Togo Remarque : Depuis juillet 2020, à des fins opérationnelles, la région Afrique de la Banque mondiale a été divisée en deux sous-régions : l’Afrique de l’Ouest et centrale et l’Afrique de l’Est et australe. L’analyse présentée dans ce rapport reflète cette situation. TABLEAU A.3 : Afrique de l’Est et australe Pays riches en ressources Pays non riches en ressources Pétrole Métaux et minerais Angola Botswana Burundi Mozambique Soudan du Sud Démocratique Comores Rwanda République du Congo Érythrée São Tomé et Príncipe Namibie Eswatini Seychelles Afrique du Sud Éthiopie Somalia Zambie Kenya Soudan Lesotho Tanzanie Madagascar Ouganda Malawi Zimbabwe Maurice Remarque : Depuis juillet 2020, à des fins opérationnelles, la région Afrique de la Banque mondiale a été divisée en deux sous-régions : l’Afrique de l’Ouest et centrale et l’Afrique de l’Est et australe. L’analyse dans ce rapport reflète cette configuration. A F R I C A’ S P U L S E > 91 Bibliographie Abidoye, Babatunde O. 2021. Economics of Climate Change Adaptation. Programme des Nations unies pour le développement, manuscrit. Abidoye, Babatunde O. et Ayodele F. 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