LE DÉVE LOP P E M E NT EN MARC H E Agir à l'école Pour de meilleurs résultats scolaires par l'amélioration de la santé et de la nutrition dans les pays non industrialisés JOY MILLER DEL ROSSO TONIA MAREK 16139 r 1-6 1 3 9 .; I ~~~ -i~~~~~~--,1 , ,q . - ! z - LE DÉVELOPPEMENT EN MARCHE Agir à l'école Pour de meilleurs résultats scolaires par l'amélioration de la santé et de la nutrition dans les pays non industrialisés Joy Miller Del Rosso Tonia Marek Banque mondiale Washington C 1998 Banque internationale pour la reconstruction et le développement / BANQUE MONDIALE 1818 H Street, N.W. Washington, D.C. 20433 Tous droits réservés Fait aux États-Unis d'Amérique Première édition anglaise: octobre 1996 Première édition française: avril 1998 Les observations, interprétations et conclusions exprimées dans ce document n'engagent que leurs auteurs et ne sauraient être attribuées à la Banque mondiale, à ses institutions affiliées, aux membres Conseil des administrateurs ni aux pays qu'ils représentent. Joy Miller Del Rosso travaille avec le département du Développement humain de la Banque mondiale. Tonia Marek travaille avec la division de la Population et des Ressources humaines du département Afrique de l'Ouest de la Banque mondiale. Photographie de couverture: L. Goodsmith, UNICEF ISBN 0-8213-4137-5 La Bibliothèque du Congrès des États-Unis a catalogué comme suit l'édition anglaise de ce document: Del Rosso, Joy Miller. Class action : improving school performance in the developing world through better health and nutrition / Joy Miller Del Rosso, Tonia Marek. p. cm. - (Directions in development) Includes bibliographical references. ISBN 0-8213-3672-X 1. Schoolchildren-Health and hygiene-Developing countries. 2. Malnutrition in children-Developing countries. 3. Children- Developing countries-Nutrition. 1. Marek, Tonia. Il. Title. 111. Series: Directions in development (Washington, D.C.) LB3409.D48D45 1996 371.7'16091724-dc20 96-9495 CIP Table des matières Avant-propos v 1 Les enfants d'âge scolaire: une population à risque Note 3 2 Situation coûteuse, remèdes peu coûteux 4 Traitement des maladies infectieuses et parasitaires 4 Réduire la malnutrition et la faim 7 Notes 10 3 Accroissement de la productivité et amélioration de la santé communautaire 13 Accroître la fréquentation et améliorer les performances scolaires 14 Amélioration de la situation actuelle et future en nutrition et santé 15 Note 17 4 Agir 19 Analyse de la situation 20 Trois interventions en nutrition et santé ayant un bon coût-efficacité 21 Réduire la faim 28 Programmes à long terme 32 Notes 35 6 Leçons à retenir 37 Coordination des ressources 37 Liaisons entre les secteurs de la santé et de l'éducation 39 Programme d'interventions réalisables 40 Renforcement des capacités locales et de l'aide 41 Aujourd'hui l'évaluation, Demain le succès 42 Annexe A. Informations nécessaires pour une analyse de la situation des enfants d'âge scolaire en nutrition et santé 43 iV AGIR À L'ÉCOLE Annexe B. Projets de la Banque mondiale comportant des prestations liées à la nutrition et à la santé de la population d'âge scolaire; liste établie par pays 53 Bibliographie 58 Encadrés 1 Coût-efficacité des services de nutrition et santé dispensés en milieu scolaire 2 2 Couverture des enfants non scolarisés 22 3 Le traitement approprié 23 4 Aliments enrichis du petit déjeuner: une intervention peu coûteuse pour pallier les carences en fer 26 5 Soins cliniques à l'école: expérience aux États-Unis 26 6 Les moustiquaires imprégnées d'insecticide pour lutter contre le paludisme 27 7 Coût des programmes de repas scolaires 28 8 Les repas scolaires distribués par le secteur privé aux États-Unis: meilleure valeur nutritionnelle à moindre coût 32 9 Programme de santé scolaire de l'UNICEF 38 10 Collaboration Banque mondiale-UNICEF au Burkina Faso 39 Tableau 1 Perte d'Avcl due aux principales maladies transmissibles en Afrique sub-saharienne, estimations de 1990 5 Avant-propos Le succès des programmes destinés à assurer la survie des enfants de O à 5 ans dans les pays en développement a fait apparaître de nouveaux défis pour améliorer la qualité de vie des survivants, c'est-à-dire de la population d'âge scolaire. Lorsque des enfants souffrent de malnutri- tion et de maladies, leur affaiblissement limite leur capacité d'apprentissage et les oblige à interrompre prématurément leurs études, voire à renoncer à toute scolarisation. La santé défaillante de cette popu- lation a aussi des répercussions négatives sur la santé et la productivité de l'ensemble de la communauté et des futures générations les mala- dies qui frappent les enfants en bas âge sont une source d'infection pour leurs aînés et pour les adultes ; lorsque ces enfants grandissent, c'est la société tout entière qui doit assumer la responsabilité d'adultes en mauvaise santé et inaptes au travail, et celle de descendants chétifs et handicapés. Le présent ouvrage décrit brièvement quelle influence positive une meilleure nutrition et une meilleure santé de la jeunesse peuvent avoir sur: * les taux de scolarisation, de fréquentation et de réussite scolaires * la productivité économique * la santé des futures générations. Il explique diverses modalités d'interventions peu coûteuses mais hautement efficaces pour améliorer la santé et la nutrition de la popula- tion d'âge scolaire. Il s'adresse aux responsables des projets pour leur servir de support, lors de leurs échanges avec les gouvernements; il est destiné à susciter une prise de conscience, à éveiller l'intérêt et à faciliter l'exécution de certaines tâches spécifiques. A l'heure actuelle, une douzaine environ de projets d'aide de la Banque mondiale dans le domaine de l'éducation comportent déjà d'importants volets axés sur la nutrition et la santé de la population d'âge scolaire; d'autres sont en préparation. Dans de nombreux cas, il s'agit de programmes inédits - menés conjointement avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et divers autres partenaires - d'où la nécessité d'un suivi et d'un appui constants. Une extension de ces programmes demanderait une collabora- tion plus étroite entre donateurs, organisations non gouvernementales et vi AGIR À L'ÉCOLE secteur privé. Afin d'offrir à l'ensemble de la jeunesse un avenir plus prometteur, la Banque mondiale s'engage à intensifier son action en faveur de programmes de nutrition et de santé en milieu scolaire et à favoriser le partenariat. David de Ferrranti Directeur Départment du Développment humain Banque mondiale 1 Les enfants d'âge scolaire: une population à risque Jusqu'à une période récente, on n'a accordé que peu d'attention aux problèmes de nutrition et de santé de la population d'âge scolaire dans les pays en développement. En principe, ces problèmes sont perçus de manière distincte selon qu'il s'agit du secteur de la santé ou de celui de l'éducation. Ainsi le secteur de la santé s'est principalement préoccupé de la santé des femmes enceintes et des enfants de 0 à 5 ans, estimant que les enfants plus âgés ont passé le cap critique de mortalité infantile et qu'ils sont en meilleure santé et mieux nourris que les enfants en bas âge. En outre à une certaine époque, on a considéré que la malnutrition chez les enfants d'âge préscolaire altérait de manière permanente leur capacité d'apprendre. Or, s'il est exact que certains troubles, par exemple une forte carence en iode, peuvent entraîner des altérations mentales irréversibles, on sait désormais que chez les enfants d'âge scolaire, des traitements et une bonne alimentation peuvent restaurer la vitalité per- due à l'âge préscolaire par suite de maladie et de malnutrition. Quant au secteur de l'éducation, ayant retenu l'hypothèse que les enfants scolarisés ont passé le test de survie des plus résistants, il semble avoir négligé les problèmes de santé des élèves et les blocages scolaires qui en résultent; le budget de l'éducation fut donc surtout consacré aux infrastructures et équipements scolaires et à la formation des enseignants. Les problèmes de nutrition et de santé des enfants d'âge scolaire ne pouvaient donc être situés ni dans l'un ni dans l'autre des deux secteurs. Il est heureux qu'une évolution se dessine. Devant l'amélioration du taux de survie infanto-juvénile - dans les pays en développement il se traduit par une augmentation du nombre d'enfants qui franchissent le cap des cinq premières années, et est actuellement de l'ordre de 90 % contre 72 % en 1950 - le secteur de la santé a élargi son ciblage pour y incorporer la population d'âge scolaire. * Les données commencent à révéler que les enfants d'âge scolaire pourraient, en fait, ne pas être en meilleure santé que leurs cadets. * Les tests cliniques font apparaître, chez les enfants scolarisés, un lien critique entre d'une part l'éducation, et d'autre part la nutrition et la 2 AGIR À L'ÉCOLE Encadré 1. Coût-efficacité des services de nutrition et santé dispensés en milieu scolaire Les services en nutrition et santé dispensés en milieu scolaire sont l'un des systèmes de prestation les plus rentables. Les écoles offrent fréquemment des services d'action sociale plus à même que les formations sanitaires d'entrer en contact avec les jeunes et de parvenir à une couverture communautaire très étendue. Lorsque les services sont offerts à l'école, les enfants sont déjà présents ou, s'ils ne sont pas scolarisés, y sont amenés pour y recevoir des soins. Coût par gain en AVCI Services de santé (dollars de 1990) PEV Plus 12-30 Programmes scolaires de nutrition et santé 20-34 Services de planning familial 20-150 Prise en charge intégrée de l'enfant malade 30-100 Soins pré et périnatals 30-100 Programmes de lutte contre la consommation de tabac et d'alcool 35-55 Note : Avci, année de vie corrigée du facteur invalidité (cf. chapitre 2). PEV : Programnne élargi de vaccination. Source: Bobadilla et al., 1994. santé; on peut en déduire un gain potentiel important d'efficacité de l'éducation grâce à une amélioration de la nutrition et de la santé de ces enfants. Il ressort d'analyses des priorités de la protection sanitaire que le traitement des enfants en milieu scolaire est exceptionnellement rentable (cf. encadré 1). Cela explique que les pays en développement et la communauté concernée admettent peu à peu la réalité d'un problème de santé chez les enfants scolarisables, de même que l'importance d'une amélioration de cette santé et l'efficacité de programmes afférents réalisés en milieu scolaire. Il est bien évident que les programmes destinés à améliorer la nutri- tion et la santé de la population scolarisable ne doivent en aucun cas prélever des fonds alloués à des programmes préscolaires, qui demeurent essentiels. Ils ne doivent pas davantage se substituer à un environnement familial satisfaisant, notamment à forte stimulation parentale, ce qui affermit d'autant la capacité d'apprendre. Mais il n'est plus possible de ne pas tenir compte de la santé et de l'état nutritionnel des enfants d'âge scolaire. LES ENFANTS D'ÂGE SCOLAIRE: UNE POPULATION À RISQUE 3 La présente publication détaille les avantages, pour l'éducation et l'économie, d'une amélioration de la nutrition et de la santé de la population scolaire et indique quels moyens particulièrement efficaces peuvent être mis en oeuvre pour y parvenir. Il s'agit, en premier lieu, de connaître la gravité des problèmes de santé de la population d'âge scolaire dans les pays en développement et de mesurer les avantages qu'une amélioration de la situation peut apporter en matière d'éducation. Le second chapitre fait le point des connaissances, en se reférant principalement aux pays d'Afrique. Note Sauf indication contraire, les montants en dollars s'entendent en dollars courants. 2 Situation coûteuse, remèdes peu coûteux De nombreux problèmes de nutrition et de santé qui affectent les enfants d'âge préscolaire persistent durant leur phase scolaire; on peut citer le paludisme, les maladies infantiles pour lesquelles existent des vaccins, les affections respiratoires, les maladies diarrhéiques, la malnutrition protéino-énergétique, et les carences en vitamines et minéraux. En outre, on peut constater chez les enfants d'âge scolaire une prévalence et une intensité accrues de certaines maladies: parasitoses, tuberculose et anémie, cette dernière affectant plus particulièrement les filles après la puberté. L'état nutritionnel et sanitaire des enfants a un impact considérable sur leur capacité d'apprendre et leurs performances scolaires. Les enfants privés de certains nutriments (fer et iode notamment) dans leur alimen- tation, ou souffrant de malnutrition protéino-énergétique, de la faim, de parasitoses ou autres maladies éprouvent beaucoup plus de difficultés d'apprentissage que les enfants en bonne santé et bien nourris. Une santé déficiente et des carences nutritionnelles chez les enfants d'âge scolaire affaiblissent leur faculté cognitive en raison d'altérations d'ordre physiologique ou d'une réduction de leur capacité à participer à l'acquisition du savoir, ou même pour ces deux motifs. Traitement des maladies infectieuses et parasitaires Pour l'analyse des problèmes de santé et de nutrition de la population d'âge scolaire, on peut prendre comme point de départ une étude récente sur le poids des principales maladies transmissibles en Afrique sub- saharienne (cf. tableau 1). Ce poids, exprimé en AVCI, associe les années de vie saine perdues en raison d'une mortalité prématurée et les années perdues suite à une invalidité. Les pathologies et la mortalité chez les enfants de O à 4 ans - de mème que pour les 5-14 ans - sont principalement imputables à des maladies transmissibles. La malnutri- tion accroît la vulnérabilité des enfants à ces maladies de même qu'elle en amplifie la gravité. SITUATION COÛTEUSE, REMÈDES PEU COÛTEUX 5 Tableau 1. Perte d'Avci due aux principales maladies transmissibles en Afrique sub-saharienne, estimations de 1990 (pourcentage de pertes totales) Âge Maladie 5-14 0-4 Paludisme 12,9 15,1 Total des maladies infantiles 12,6 14,9 Rougeole 7,0 8,6 Total des maladies tropicales 9,7 0,3 Bilharziose 6,7 0,1 Maladies diarrhéiques 7,8 17,0 Infections respiratoires 7,8 16,5 Tuberculose 6,7 0,5 Parasitoses intestinales 2,2 0,0 Source: Murray et Lopez, 1994. Paludisme De toutes les maladies transmissibles, le paludisme est la plus invalidante pour les populations infanto-juvénilesl. Dans les zones impaludées, les enfants d'âge scolaire sont supposés avoir acquis une immunité naturelle contre cette maladie par exposition répétée, à un âge plus jeune, à l'agent pathogène; mais en fait, le développement de l'immunité naturelle est ralentie par deux facteurs: la saisonnalité et l'urbanisation. Ainsi dans certaines régions, au Sahel notamment, le paludisme est saisonnier, et sa plus faible incidence en hors-saison retarde l'acquisition de l'immunité. Enfin, dans les zones urbaines où l'habitat des moustiques est plus réduit, l'incidence du paludisme est plus faible chez les enfants en bas âge, ce qui accroît leur vulnérabilité une fois atteint l'âge scolaire. Par ailleurs, deux maladies invalidantes - la tuberculose et l'helminthiase (provoquée par les vers parasites helminthes) - sont beaucoup plus fréquentes chez les écoliers que chez des enfants plus jeunes. Pour l'heure, l'école n'intervient pas vraiment pour combattre la tuberculose, mais elle pourrait contribuer à la lutte contre les helmin- thiases2. Helminthes: vers intestinaux et schistosomes L'une des principales causes de maladie et de malnutrition des enfants d'âge scolaire est la présence de vers parasites dans les intestins ou dans le sang. Sur plus de 30 espèces d'helminthes qui peuvent parasiter l'être 6 AGIR A L'ÉCOLE humain, les plus fréquents sont les ascaris, les trichines et les ankylostomes (Necator et Ancylostoma) ; on estime que 400 millions d'individus d'âge scolaire sont infestés par les ascaris, 300 millions par les trichines et 170 millions par les ankylostomes. La bilharziose, due à la présence du schistosome dans le sang, affecte, à l'échelon mondial, une population estimée à 200 millions d'individus, dont 88 millions ont moins de 15 ans. Quatre-vingt dix pour cent de tous les cas de bilharziose sont identifiés en Afrique (OMS, 1995). Dans les zones à très forte endémicité, trois enfants sur quatre peuvent être infestés; chez les garçons de 5 à 14 ans, cette infestation provoque une perte d'Avci qui se situe au second rang, immédiatement après celle causée par le paludisme3. CONSÉQUENCE DES INFESTATIONS PARASITAIRES. Chez les enfants, les parasitoses peuvent avoir pour conséquences une malnutrition, des diarrhées, de l'anorexie et une faiblesse généralisée. Les enfants fortement parasités mangent moins, même lorsque la nourriture est disponible, tandis que leurs absorption et retention de certains nutriments sont diminuées. Chez eux, une malnutrition due à une infestation parasitaire provoque des difficultés d'apprentissage et affaiblit leur capacité d'attention et de concentration. La recherche a démontré que même une parasitose peu symptomatique (absence de diarrhées, de douleurs abdominales, etc.) pouvait ralentir la croissance et le développement des fonctions cognitives (Nokes et al., 1992a). LES AVANTAGES DU TRAITEMENT DES PARASITOSES CHEZ LES ENFANTS D'ÂGE SCOLAIRE. L'élimination des infestations parasitaires chez les enfants améliore leur appétit et leur consommation, d'où une perte moindre des apports nutritifs de leur alimentation. Après traitement médical, même sans amélioration de l'alimentation on a observé chez les enfants souffrant d'insuffisance staturale une augmentation de la taille double du taux de croissance normal (Stephenson et al., 1989). En outre, le traitement anthelminthique des enfants a également amélioré leur capacité d'apprentissage. On a pu constater lors d'une étude réalisée en Jamaïque sur des enfants de 9 à 12 ans que neuf semaines après un traitement vermifuge, leurs résultats aux tests cognitifs étaient nettement supérieurs à ceux du groupe de contrôle qui n'avait reçu qu'un placebo et était donc resté infesté. A l'issue de l'étude, une comparaison entre le groupe traité et un groupe de contrôle non infesté n'a révélé aucune différence significative dans leurs résultats aux tests (Nokes et al., 1992 b). Aux Antilles, un groupe d'enfants, après simplement un traitement contre la trichinose, sans supplémentation alimentaire ni amélioration de l'enseignement dispensé, a obtenu des résultats de test sensiblement égaux à ceux d'enfants non parasités (Bundy et al., 1990). SITUATION COÛTEUSE, REMÈDES PEU COÛTEUX 7 Réduire la malnutrition et la faim Contrairement à une idée répandue, le statut nutritonnel ne s'améliore pas avec l'âge4. L'effort supplémentaire exigé des enfants d'âge scolaire (par exemple d'avoir à effectuer certaines corvées ou à parcourir de longues distances à pied pour se rendre à l'école) crée un besoin d'énergie nettement plus élevé que chez leurs cadets et les met en situation de plus haut risque de malnutrition que les jeunes de 3 à 5 ans. En fait, les données connues indiquent des taux élevés de malnutrition protéino- énergétique et de faim sporadique chez les enfants d'âge scolaire. Quant aux carences nutritionnelles en micronutriments, particulièrement en iode, vitamine A et fer, ils en sont fréquemment les victimes. Selon les estimations, ils seraient quelque 60 millions à souffrir de désordres imputables à une carence en iode sans compter 85 millions atteints d'une carence en vitamine A qui les expose à un plus grand risque de maladies respiratoires aiguës et autres infections. Quant à ceux qui souffrent d'une anémie ferriprive, ils seraient encore plus nombreux, de l'ordre de 210 millions (Jamison et al., 1993). Le coût élevé de la malnutrition, lefaible coût des remèdes Les malnutritions provoquées par des carences en fer, en iode et en vitamine A sont parmi les plus destructives. Et pourtant le corps humain n'a besoin que d'infimes apports en ces micronutriments et l'on dispose de moyens d'intervention extrêmement efficaces et peu coûteux pour pallier ces carences soit sous forme médicamenteuse, soit par l'enrichissement de produits alimentaires (Banque mondiale, 1994). FER. La déficience en fer pose problème à tous les âges ; elle est considérée être la carence nutritionnelle la plus commune dans les pays en développement. Les femmes enceintes et les enfants en bas âge ou d'âge scolaire sont les plus exposés à ses effets les plus pernicieux - retards mentaux et décès. Sans compter que les élèves souffrant de cette carence manquent d'application et d'attention en classe et s'intéressent peu aux cours. Ces effets sont néanmoins réversibles. Ainsi, en Inde, une supplémentation en fer a pratiquement éliminé les écarts dans les performances scolaires et les résultats des tests de QI entre groupes précédemment affectés et groupes exempts de carence en fer (Seshadri et Gopaldas, 1989). Au Malawi, une supplémentation en fer et en iode s'est traduite chez les enfants traités par des gains de QI supérieurs à ceux des enfants supplémentés uniquement en iode (Shrestha, 1994). La déficience en fer 8 AGIR À L'ÉCOLE a en outre pour effet de réduire la résistance aux infections et peut inhiber la croissance; des études sur la population d'âge scolaire ont montré que la suppression de cette carence s'accompagne d'un gain de poids (Chwang, Soemantri et Pollitt, 1988). IODE. Chez une femme enceinte fortement carencée en iode, le risque de donner naissance à un enfant atteint de retard mental, de retard de croissance et de surdité est supérieur à la moyenne. Quant aux enfants qui souffrent d'un déficit en iode, ils pourraient être ultérieurement confrontés à des difficultés d'apprentissage5. Si malgré tout ils vont à l'école, ils risquent un début de scolarisation tardif, une capacité d'apprendre limitée et une sortie prématurée du circuit scolaire. Fort heureusement il existe des traitements peu coûteux. En Bolivie, dans une région où le statut en iode de la population est très déficient, un supplément d'iode a été administré aux enfants scolarisables, ce qui s'est traduit par une diminution de la grosseur de leur goitre et une amélioration simultanée de leur QI, notamment chez les filles (Bautista et al., 1982). Au Malawi, le QI des enfants ayant reçu un supplément d'iode a été fortement augmenté, de 21 points en moyenne (Shrestha, 1994). Enfin, en Chine, une supplémentation d'iode administrée à des enfants handicapés auditifs et déficients en iode a amélioré leur audi- tion (Yan-You et Shu-hua, 1985). VITAMINE A. L'avitaminose A est particulièrement dangereuse jusqu'à l'âge de 5 ans, car pendant cette période elle peut provoquer une cécité permanente. Cette carence doit être également combattue chez les enfants d'âge scolaire. Pendant toute la vie d'un individu, la vitamine Ajoue un rôle dans la fonction immunitaire et, chez les enfants, l'avitaminose A a été reliée à l'anémie et aux retards de croissance. En Thaïlande, une supplémentation en vitamine A de la ration alimentaire d'enfants jusqu'à l'âge de 9 ans a augmenté leurs réserves en fer et amélioré leur résistance aux infections (Bloem et al., 1990). Par ailleurs, on a pu établir récemment que les filles ont, à l'adolescence, des besoins spécifiques de vitamine A dont l'apport peut atténuer l'anémie et limiter la transmission verticale (mère-enfant) du VIH et éventuellement d'autres infections (Brabin et Brabin, 1992). Malnutrition protéino-énergétique: un facteur de risque d'échec scolaire Les enfants qui souffrent d'une malnutrition protéino-énergétique (MPE) - apports protéiques et énergétiques insuffisants souvent en interaction avec des maladies infectieuses - courent le risque de difficultés d'apprentissage et d'insuffisance des résultats scolaires. Une nuinzaint- SITUATION COÛTEUSE, REMÈDES PEU COÛTEUX 9 d'études au minimum ont été réalisées dans des pays en développement et aux États-Unis; leurs résultats confirment que la fonction cognitive est altérée par une MPE chronique ancienne (appréciée par la taille selon l'âge) et une MPE aiguë actuelle (appréciée par le poids selon la taille). Les MPE se développent généralement dans un environnement socio-économique spécifique marqué par la pauvreté et l'absence de stimulation parentale, ce qui freine également l'acquisition des connaissances. Néanmoins, les résultats de la recherche suggèrent que la MPE exerce une action inhibitrice indépendante sur la capacité d'apprentissage6. Il est possible de combattre l'incidence négative de la MPE sur la fonction cognitive, comme dans le cas d'un déficit en micronutriments. Les enfants dont la ration alimentaire est améliorée éprouvent moins de difficultés scolaires, même s'ils continuent à vivre dans un environnement inadéquat7. Au Guatemala, une étude a permis le suivi de groupes d'enfants depuis leur plus jeune âge jusqu'à leur adoles- cence; elle a pu établir que les groupes ayant bénéficié d'un supplément protéique durant leur première période de vie obtenaient des résultats de tests supérieurs à ceux de groupes semblables auxquels un placebo avait été administré (Pollitt et al., 1993). Des effets bénéfiques sinilaires ont été constatés en Jamaïque dans le cadre d'un programme de stimu- lation psycho-sociale destiné à des enfants gravement malnutris: au bout de 14 années, les jeunes qui avaient bénéficié du programme en bas âge obtenaient de meilleurs résultats aux tests de QI et aux examens scolaires que les groupes témoins d'enfants malnutris exclus du programme. Néanmoins, les scores de l'ensemble des enfants malnutris restaient nettement inférieurs à ceux d'un groupe de contrôle composé d'enfants exempts de malnutrition (Grantham-McGregor, 1993). La faimn Ce sont principalement des analyses transversales effectuées dans le cadre de programmes réguliers (de repas scolaires entre autres) qui démontrent les avantages éventuels d'une intervention pour la popula- tion scolaire. Le simple fait d'atténuer la faim des élèves contribue à améliorer leur niveau. En Jamaïque, la distribution d'un petit déjeuner à des élèves du cycle primaire a considérablement accru les taux de fréquentation et amélioré les scores en mathématiques. L'intervention a été particulièrement bénéfique pour les élèves souffrant de malnutri- tion aiguë ou chronique, ou anciennement malnutris (Simeon et Grantham-Mcgregor, 1989)8. Une étude réalisée aux Etats-Unis démontre, de même, l'incidence bénéfique d'une distribution de petits déjeuners sur le niveau scolaire d'élèves défavorisés des écoles primaires. Avant le lancement du mrozramme, le niveau des élèves ciblés (issus de familles à faible revenu) 10 AGIR À L'ÉCOLE était très inférieur à celui des élèves non ciblés. Mais une fois inclus dans le programme, leur performance scolaire s'est améliorée de manière plus nette que celle des élèves non participants. Par ailleurs, leur taux de fréquentation s'est accru (Meyers, Sampson et Weitzman, 1989). Au Bénin, au Burkina Faso et au Togo, des études sur les facteurs déterminant les résultats scolaires ont établi une relation entre la distri- bution d'un repas scolaire et les résultats aux examens de fin d'année. C'est ainsi qu'au Bénin, les élèves du 2e cycle primaire ont obtenu une moyenne supérieure de 5 points lorsque leur école était dotée d'une cantine. De tous les intrants analysés, seule la disponibilité de livres de classe avait sur les résultats scolaires un impact positif supérieur à celui des repas