PROGRAMME D’EVALUATION DU SECTEUR FINANCIER MALI LE SYSTEME BANCAIRE ET LE CREDIT A L’ECONOMIE NOTE TECHNIQUE AOUT 2015 Cette note technique a été préparée dans le cadre d’une mission du Programme d’évaluation du secteur financier au Mali menée en mars 2015 sous la direction de Mehnaz Safavian (Banque mondiale) et sous la supervision du Pôle Finance et marchés des Pratiques mondiales de la Banque mondiale. Elle présente une analyse technique et des informations détaillées sur lesquelles reposent les conclusions et les recommandations de l’évaluation du PESF. De plus amples informations sur le PESF sont disponibles à www.worldbank.org/fsap. BANQUE MONDIALE POLE FINANCE ET MARCHES DES PRATIQUES MONDIALES -i- Table des matières Sigles et abréviations ................................................................................................................... iii I. Résumé analytique ........................................................................................................ 4 II. Rappel des faits et contexte .......................................................................................... 6 III. Structure et description générale du secteur bancaire .............................................. 8 IV. Solidité et performance du secteur bancaire ............................................................ 12 V. Cadre juridique, réglementaire et prudentiel .......................................................... 18 VI. Crédits à l’économie et inclusion financière ............................................................. 22 VII. Recommandations ................................................................................................. 32 Graphiques Graphique 1: Croissance sur 5 ans des actifs, des prêts et des dépôts : Source : BCEAO ......10 Graphique 2 : Structure du capital du système bancaire en décembre 2013 (en pourcentage du total des actifs du système bancaire) ................................................................................11 Graphique 3: Crédit aux cinq principaux emprunteurs en pourcentage des fonds propres .....14 Graphique 4: Décomposition des écarts au Mali et dans l’UEMOA .......................................17 Graphique 5: Répartition sectorielle des crédits (31décembre 2013) ......................................23 Tableaux Tableau 1: Suites données aux principales recommandations relatives au secteur bancaire dans le cadre du PESF 2008...............................................................................................7 Tableau 2: Évolution du secteur bancaire ..................................................................................9 Tableau 3: Structure du capital des banques ............................................................................12 Tableau 4 Adéquation des fonds propres aux besoins ............................................................13 Tableau 5 : Liquidité bancaire .................................................................................................16 Tableau 6 : Rentabilité et performance du système bancaire ..................................................17 Tableau 7 : Ratios prudentiels applicables aux banques de l’UEMOA ...................................20 Tableau 8 : Indicateurs d’inclusion financière, pourcentage de Maliens de plus de 15 ans. ...30 Tableau 9 : Indicateurs d’inclusion financière, en pourcentage des adultes de plus de 15 ans ....................................................................................................................................30 Tableau 10 : Principales recommandations .............................................................................32 Appendice 1 : Indicateurs de solidité financière …………………………………………..35 - iii - SIGLES ET ABREVIATIONS APBEF Association professionnelle des banques et établissements financiers BCEAO Banque centrale des états de l’Afrique de l’Ouest CB Commission bancaire BIC Bureau d’information sur le crédit BDM Banque de Développement du Mali BHM Banque de l’Habitat du Mali BIM Banque internationale du Mali BMS Banque malienne de Solidarité BNDA Banque nationale de développement agricole BRVM Banque régionale des valeurs mobilières CCJA Cour commune de justice et d’arbitrage CMDT Compagnie malienne pour le développement du textile DGDP Direction générale de la dette publique FGHM Fonds de garantie hypothécaire du Mali FI Institutions financières PESF Programme d’évaluation du secteur financier PIB Produit intérieur brut PNB Produit national brut IFRS Normes internationales d’information financière FMI fond monétaire international IMF Institution de microfinance SIG systèmes d’information de gestion MPME Micros, petites et moyennes entreprises OHADA Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires DSRP Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté RCCM Registre du commerce et du crédit mobilier RDA Rendement de l’actif PME petites et moyennes entreprises SYSCOA Système comptable ouest-africain UEMOA union économique et monétaire ouest africaine UMOA union monétaire ouest africaine -4- I. Résumé analytique 1. Le secteur bancaire malien s’est systématiquement développé au cours des dernières années, mais il manque encore de profondeur et l’accès aux services bancaires est limité. Le secteur bancaire constitue l’essentiel du secteur financier malien, puisqu’il détient environ 97 % des actifs de ce dernier. Le ratio du crédit privé au PIB était de 21,8 % en 2013, soit une proportion supérieure à la médiane pour l’Afrique (17,4 %) et à la médiane pour l’ensemble des pays à faible revenu (16,4 %). Le ratio des dépôts intérieurs au PIB, qui était de 23,1 %, est du même ordre de grandeur que la médiane pour les pays à faible revenu (23,5 %). Les données de l’enquête indiquent toutefois que l’inclusion financière est moins développée au Mali que dans les pays comparables. 2. Le secteur bancaire semble, en général, avoir un niveau de capitalisation suffisant et être rentable, bien que les résultats varient largement selon les banques et que la qualité des actifs soit médiocre. Les banques semblent, en général, avoir un niveau de capitalisation suffisant et la norme d’adéquation des fonds propres globale du système (Bâle I) était de 12,9 % à la fin de 20131, soit un niveau supérieur à la moyenne de l’UEMOA (10,6 %) ; en juin 2014, toutefois, une petite banque et une banque de taille intermédiaire ne respectaient pas le ratio d’adéquation des fonds propres minimal de 8 % (Bâle I). Les carences du système de classification des prêts et de dotation aux provisions, les lacunes de la réglementation prudentielle et le manque de rigueur dans l’application des réglementations peuvent toutefois laisser douter de la validité des informations sur la santé et la capitalisation du système. La concentration des risques, la qualité du crédit et les contraintes de liquidité grandissantes sont les plus importants facteurs pouvant compromettre la sécurité et la solidité du secteur. Les banques sont rentables, puisqu’elles affichent un rendement de l’actif de 1,2 % et une rentabilité des fonds propres de 14,1 %. Les marges brutes d’intermédiation se sont établies, en moyenne, aux alentours de 8 % au cours des trois dernières années, et évoluent à la baisse (7,7 % 2013). Elles sont donc inférieures aux médianes pour l’Afrique et pour les pays à faible revenu, qui sont de 8.8 % et de 9.6 %, respectivement2. Les marges sont dues à une base de coûts relativement élevée (dépenses hors intérêts représentant 55,8 % du revenu bancaire net) et à l’ampleur du risque de crédit. La qualité des actifs est médiocre, mais elle s’améliore. 3. Les insuffisances des normes prudentielles et le manque d ’application de ces normes pourraient compromettre la solidité des banques ; des réformes sont toutefois en cours. Ni les réglementations régissant la classification des prêts et la constitution de provisions, ni les ratios d’adéquation des fonds propres aux besoins ou de concentration des risques ne sont conformes aux normes internationales. La BCEAO a entrepris, avec une assistance technique du FMI, d’appliquer progressivement les normes de Bâle II/III, et a également pris des mesures pour, notamment, améliorer l’information sur le crédit, adopter des normes comptables internationales et mettre en place un système de supervision consolidé 1 BCEAO 2 Finstats 2015, IFS -5- de plus en plus nécessaire étant donné l’importance grandissante de groupes bancaires régionaux au Mali. La Commission bancaire devrait renforcer ses efforts d’application en attentant la mise en œuvre de ces mesures. 4. Les banques au Mali accordent généralement des crédits à une gamme relativement limitée de sociétés, et sont en mesure de dégager des marges confortables grâce à cette clientèle traditionnelle. Toutefois, par suite de l’arrivée de nouvelles institutions et de banques plus solides, elles sont en butte à une concurrence plus intense pour cette clientèle, ce qui exerce des pressions à la baisse sur les taux prêteurs. Les récentes pressions dues à la concurrence a eu pour résultat positif d’obliger les banques à rechercher activement de nouvelles opportunités de financement plus rentables au niveau de la clientèle de détail (essentiellement les salariés urbains) et les PME. La part des financements aux 50 plus gros emprunteurs a donc diminué, pour tomber de 60 % du portefeuille total en 2012 à 39,4 % en décembre 2014. 5. Les insuffisances de l’infrastructure financière, de l’environnement juridique et judiciaire et, plus généralement du contexte macroéconomique, constituent des obstacles à la poursuite de la diversification et de l’élargissement des crédits à l’économie. Les principaux obstacles sont : i) les défaillances au niveau de l’application des contrats ; ii) l’insuffisance des systèmes d’information sur le crédit ; iii) les carences du cadre des transactions garanties ; iv) l’ampleur du secteur informel de l’économie ; v) l’absence de chaînes d’approvisionnement organisées en dehors du secteur du coton ; et v) le manque de ressources à long terme pour financer des investissements. Les autorités nationales et régionales sont conscientes de la nécessité de s’attaquer à ces obstacles, et un certain nombre d’efforts de réforme pertinents ont été entrepris. 6. L’inclusion financière est difficile au Mali en raison de l’ampleur de la pauvreté qui règne, de l’étendue du pays et de la faible densité de population. Selon la dernière enquête de Findex, seulement 13 % des Maliens ont un compte dans une institution financière. L’argent mobile se développe rapidement, et offre la possibilité de desservir des zones rurales dans lesquelles il n’est pas possible d’assurer de manière viable des services bancaires traditionnels en agence. Il importe d’élargir la gamme des services actuels qui se limitent aux services de paiements de base pour inclure un menu plus complet de services d’envois de fonds, de produits d’épargne, de crédit et d’assurance. Assurer un large accès à ces services permettra de réduire l’informalité au sein de l’économie et d’élargir les circuits du secteur financier. Il serait possible d’accélérer cette évolution en faisant passer les systèmes de paiement de masse de plateformes en espèces à des plateformes numériques, notamment les paiements de l’État au titre des salaires et les autres paiements de l’État à des personnes (G2P), comme les pensions et les transferts sociaux. -6- II. Rappel des faits et contexte 7. Le Mali est un vaste pays enclavé d’Afrique de l’Ouest comptant 16,9 millions d’habitants et affichant un PIB par habitant de 657 dollars. L’économie malienne est essentiellement rurale, puisque les deux tiers de la population vivent de l’agriculture, notamment du coton. L’or est le principal produit d’exportation du pays, mais sa production diminue et le secteur a un avenir incertain parce que les réserves prouvées sont limitées. Le secteur des services, qui contribue pour 40 % au PIB, est dominé par les échanges et le commerce. La dépendance du pays envers les cultures et l’or expose le Mali à des chocs des termes de l’échange. L’industrie, qui emploie tout juste 3 % de la population active, se compose essentiellement d’installations de transformation alimentaire et d’usines textiles de petite taille. La très grande majorité de la population (plus de 90 %) travaille dans le secteur informel. 8. Le Mali a été ébranlé par une grave crise politique et sécuritaire en 2012, dont il se remet à présent. Au début de 2012, des insurgés ont pris le contrôle du nord du Mali, et déplacé plus d’un demi-million de personnes. Quelques mois plus tard, un coup d’État militaire a encore plus déstabilisé le pays et son économie, et a provoqué le retrait de l’appui des bailleurs de fonds. Une intervention militaire menée par la France a permis au gouvernement de reprendre le contrôle du nord du pays vers le milieu de 2013, et de nouvelles élections présidentielles et parlementaires ont été organisées plus tard dans l’année dans le but de rétablir la démocratie. 9. La croissance économique a repris depuis la crise, et l’inflation est faible. Le PIB a affiché une croissance nulle en 2012 par suite de la crise politique, et de seulement 1,7 % en 2013 en raison des piètres récoltes agricoles. L’économie malienne connaît de nouveau une solide croissance puisque, selon les estimations, le PIB aurait augmenté, de 7,2 % en 2014 et devrait s’accroître de 5 % en 2015. Les projections de la croissance pour cette année replacent le Mali sur sa trajectoire normale, qui s’était établie en moyenne à un peu plus de 5 % au cours des 10 années précédant la crise de 2012. L’inflation est faible (1 % en 2014) et, selon les projections, devrait rester largement en dessous de la cible de 3 % fixée par la BCEAO. Programme d’évaluation du secteur financier de 2008 (PESF) 10. Le Mali a fait l’objet d’une évaluation conjointe de la Banque mondiale et du FMI dans le cadre du PESF en 2008. Les principales conclusions et recommandations associées au secteur bancaire, et la suite actuellement donnée à ces recommandations sont récapitulées ci-après. -7- Tableau 1. Suites données aux principales recommandations relatives au secteur bancaire dans le cadre du PESF 2008 Recommandations Suite donnée Bien préparer le secteur bancaire aux Les transformations envisagées en 2008 dans rapides transformations survenant dans le secteur du coton (scission et privatisation le secteur du coton. de la CMDT, qui gère la filière coton) n’ont pas eu lieu. Le financement du secteur est assuré par un mécanisme structuré établi par des consortiums bancaires internationaux et intérieurs, qui semblent fonctionner correctement. La forte concentration des risques dans le secteur du coton continue d’être un problème pour le secteur bancaire. Mettre en place les conditions requises La privatisation de la BIM s’est déroulée de pour assurer la réussite des opérations manière satisfaisante, mais celle de la BHM de privatisation de la BIM et de la BHM. est encore à l’étude, et les problèmes fondamentaux n’ont pas été résolus. (Voir la note technique sur le financement du logement). Le Mali devrait jouer un rôle plus actif Un certain nombre d’initiatives ont été au Conseil des ministres de l’UEMOA lancées à l’échelon régional dans le but dans le but d’assurer la modernisation d’améliorer l’infrastructure financière de l’infrastructure financière et (modernisation des paiements, établissement d’adopter un cadre réglementaire et d’un bureau d’information sur le crédit privé, prudentiel plus propice au etc.), et des plans ont été établis en vue de développement du secteur financier. moderniser le cadre prudentiel pour permettre un passage progressif à Bâle II/III à l’horizon 2017/18. Il reste toutefois beaucoup à faire. La recommandation selon laquelle le Mali doit jouer un rôle actif dans les instances régionales pour renforcer l’infrastructure et le cadre réglementaire et prudentiel reste valable à ce jour. Créer un cadre et une dynamique pour L’absence de chaîne d’approvisionnement structurer les chaînes structurée en dehors du secteur du coton d’approvisionnement afin de promouvoir continue d’être un important obstacle à la participation des banques et du l’accès à des financements (voir la note secteur privé technique sur le financement de l’agriculture). -8- III. Structure et description générale du secteur bancaire 11. Le secteur bancaire malien s’est nettement développé au cours des dernières années, mais il manque encore de profondeur et l’accès aux services bancaires est limité. Le secteur bancaire constitue l’essentiel du secteur financier malien, puisqu’il détient environ 97 % des actifs de ce secteur. Le ratio crédit privé/PIB était de 21,8 % en 2013, soit une proportion supérieure à la médiane pour l’Afrique (17,4 %) et pour l’ensemble des pays à faible revenu (16,4 %)3. 12. Depuis l’ouverture d’une nouvelle banque en 2014, 14 banques commerciales opèrent au Mali. Le secteur n’est que moyennement concentré, les trois plus grandes banques contrôlant 48 % des dépôts et 40 % des prêts. Le Mali ne compte qu’une banque spécialisée, la Banque de l’Habitat du Mali, qui est en difficulté. La Banque nationale de développement agricole (BNDA) autrefois spécialisée dans ce domaine, opère à présent en tant que banque commerciale générale bien qu’elle continue de poursuivre des activités axées sur le secteur agricole. Le Mali a aussi trois petites institutions de crédit non bancaires, une société de crédit- bail et deux fonds de garantie, l’un pour les prêts hypothécaires et l’autre pour le secteur privé, notamment les PME. Le Fonds de garantie pour le secteur privé n’est entré opère en opération qu’à la fin de 2014. Ces 17 institutions financières sont assujetties aux réglementations régionales de l’UMOA et sont placées sous le contrôle de la Commission bancaire de l’UMOA. 13. La situation a évolué de manière positive dans le secteur bancaire malien entre 2009 et 2013, comme le montre le tableau 2 ci-après. Bien que la mission n’ait pas obtenu de données comparables pour 2014, il semble que cette évolution positive se poursuive, les crédits à l’économie étant réputés avoir augmenté d’environ 15 %. Le crédit et les dépôts ont augmenté plus rapidement que le PIB, et le nombre d’agences et de comptes bancaires a continué de s’accroître pendant toute la période, malgré le ralentissement observé en 2012 et 2013. Durant cette période, les crédits à l’économie ont augmenté de 65 %, les dépôts de 47 %, le nombre d’agences bancaires de 75 % et le nombre de comptes de 86 %. 3 Finstats 2015 -9- Tableau 2. Évolution du secteur bancaire Évolution du secteur bancaire 2009 2010 2011 2012 2013 Total actifs (FCFA M) 1572,7 1844,2 2041,3 2167 2530,8 Dépôts (FCFA M) 1161,4 1337,7 1457,2 1531,1 1702,8 Croissance en % d’une 15,2% 8,9% 5,1% 11,2% année sur l’autre Prêts (FCFA %) 818 936,8 1124,7 1174,7 1344,5 % de croissance annuelle 14,5% 20,0% 4,4% 1,4% Crédit au secteur privé/PIB - 17,6 18,1 20,9 21,4 21,8 % Nb agences bancaires 249 281 343 400 433 Agences pour 100 000 hab. 1,72 1,87 2,2 2,46 2,52 Nb comptes bancaires 594 784 655 355 901 584 1 101 688 1 104 057 Sources : CB-UEMOA, BCEAO. - 10 - Graphique 1. Croissance sur 5 ans des actifs, des prêts et des dépôts : Source : BCEAO % croissance actifs totaux, en glissement annuel % croissance prêts, en glissement annuel % croissance dépôts, en glissement annuel Actifs totaux (FCFA M) Dépôts (FCFA M) Prêts (FCFA M) Source: BCEAO 14. La structure du capital dans le secteur bancaire a fait l’objet d’un certain nombre de modifications, et le secteur est maintenant dominé par des actionnaires étrangers, essentiellement africains. Les banques marocaines sont celles qui sont le plus présentes sur le marché, puisqu’elles détiennent la majorité ou une part importante du capital de quatre banques, et ont une part totale du marché (actifs) de 50 %. Les banques de l’UEMOA arrivent en deuxième place avec une part totale du marché de l’ordre de 16 %. La transformation la plus notable de la structure du secteur tient à la réduction des parts de capital détenu par l’État et le secteur public. Lors de l’examen réalisé dans le cadre du PESF de 2007, les banques - 11 - contrôlées par le secteur public détenaient 60 % des actifs et 70 % des dépôts ; à présent les banques dont le capital appartient en majorité à des actionnaires privés étrangers contrôlent 91 % des dépôts et 90 % des prêts4. La Banque de l’Habitat du Mali (BHM) est la seule banque dont l’État est le principal actionnaire, mais elle est en difficulté, elle n’a que 3 % du marché et elle doit faire l’objet d’une fusion avec la Banque malienne de solidarité cette année. Le taux de concentration des trois plus grandes banques est d’un niveau moyen, et évolue à la baisse (il est passé de 57 % en 2006 à 45 % en 2013), de nouveaux arrivants ayant soustrait des parts du marché au principal intervenant. Les groupes bancaires français, qui prédominent dans de nombreux pays de l’UEMOA, ne contrôlent qu’une petite banque au Mali, la BICIM, dont la part de marché n’est que de 4 %. 15. La constitution de groupes bancaires de l’UEMOA est un phénomène récent, en partie favorisé par l’approbation du système de l’agrément unique des banques et établissements financiers dans la sous-région. Les deux derniers arrivés sur le marché sont des institutions appartenant à des groupes dont le siège se trouve dans l’UEMOA (Burkina Faso et Togo). La Banque de développement du Mali (BDM), qui est la plus grande banque malienne, a également entrepris de développer ses opérations dans la région en ouvrant des filiales en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso, et elle a des bureaux en Guinée-Bissau et en France. La structure du capital actuel du secteur est présentée dans le graphique ci-après. Graphique 2: Structure du capital du système bancaire en décembre 2013 (en pourcentage du total des actifs du système bancaire) STATE FOREIGN PRIVATE MALIAN Source : BCEAO. 4 L’État détient aussi une part majoritaire du capital du Fonds de garantie hypothécaire du Mali (FGHM). - 12 - Tableau 3. Structure du capital des banques Profil du secteur bancaire en décembre 2013 Structure du capital Total actifs Dépôts Prêts privé étrange Part du Part du Part du État malien r marché marché marché Toutes banques 15% 22% 63% 2 528 152 1 701 116 1 359 966 BDM 20% 21% 59% 18% 19% 14% ECOBK 0% 7% 93% 14% 12% 15% BIM 10% 39% 51% 13% 15% 11% BOA 0% 20% 80% 12% 13% 14% BNDA 36% 0% 64% 12% 11% 12% BMS 25% 71% 4% 9% 9% 8% BAM 0% 45% 55% 7% 7% 8% BICI-M 0% 15% 85% 4% 4% 4% BSIC-Mali 0% 0% 100% 3% 2% 5% BHM 98% 2% 0% 3% 3% 2% BCS 3% 0% 97% 3% 2% 3% BCI 0% 0% 100% 2% 2% 2% Orabank 100% 1% 1% 1% Note : Coris Bank a ouvert ses portes en 2014 IV. Solidité et performance du secteur bancaire 16. Les indicateurs de solidité financière disponibles indiquent que le secteur bancaire est dans l’ensemble solide, bien que les résultats varient fortement d’une banque à une autre et que les actifs soient de médiocre qualité. Les indicateurs de solidité financière sont récapitulés à l’annexe I. Adéquation des fonds propres aux besoins 17. Les banques semblent, en général, avoir un niveau de capitalisation suffisant, bien que deux banques ne se conforment pas aux normes minimales. La norme de fonds propres globale (actifs pondérés par les risques/fonds propres réglementaires) était de 12,9 % à la fin de 2013, c’est-à-dire bien supérieure à la norme minimale de 8 % (Bâle I), et plus élevée que la moyenne de l’UMOA (9 %). Toutefois, à la fin de 2014, une banque ne respectait plus ni le ratio d’adéquation des fonds propres minimal ni la norme réglementaire de fonds propres, bien que sa part du marché dépasse juste 1 %. À l’échelon de l’UMOA, en juin 2014, un quart des banques ne respectaient pas le ratio d’adéquation des fonds propres, et 10 % des banques avaient un montant de capital négatif. Ces chiffres révèlent un degré de tolérance réglementaire qui compromet la solidité financière dans la zone monétaire. Le niveau des fonds propres est, - 13 - par ailleurs, très vraisemblablement surestimé en raison de la faiblesse des normes prudentielles applicables à la classification des prêts et aux provisions. Tableau 4: Adéquation des fonds propres aux besoins 2009 2010 2011 2012 2013 Ratio 7.7 13.7 11.7 11.4 12.9 d’adéquation des fonds propres -% Fonds 4.6 7.5 8.3 7.7 7.9 propres /Total des actifs -% Source : BCEAO Qualité des actifs 18. La qualité des actifs semble être relativement faible, et les provisions peuvent être insuffisantes. Les prêts improductifs bruts représentaient 19,3 % du total en 2013, et les prêts improductifs nets 8,3 %, soit des proportions supérieures aux moyennes de l’UEMOA qui sont de 15,3 % et 6,6 % respectivement. La plus grande partie des prêts improductifs (40 %) est imputable au secteur des échanges et du commerce, et est relativement plus élevée que la proportion des prêts revenant à ce secteur (33 %). Les provisions couvrent 62 % du montant des prêts improductifs. Les conflits et l’instabilité politique observés en 2012 ont entraîné un fort accroissement des prêts improductifs cette année-là, mais les chiffres préliminaires (non audités) pour 2014 font état d’une nette amélioration de la qualité des actifs au cours des 12 derniers mois (15,9 % de prêts improductifs bruts et 5,59 % de prêts improductifs nets avec un niveau de provision de 68,6 %). Les banques conservent généralement les prêts improductifs dans leur bilan pendant de nombreuses années avant de les passer en charge, même s’ils sont entièrement provisionnés, dans l’attente du dénouement de longues procédures juridiques. Le volume des prêts improductifs bruts est par conséquent gonflé, parfois par des créances irrécouvrables héritées de banques restructurées et privatisées des années auparavant. Ces créances irrécouvrables héritées d’autres entités, qui sont concentrées dans trois banques, représentent environ 30 % des créances irrécouvrables du système. Les banques ne sont actuellement pas tenues de classer un prêt tant qu’il n’est pas en arriéré depuis plus de 180 jours. 19. Le degré de concentration des risques constitue l’un des principaux points faibles du système. En application des réglementations de l’UMOA, les banques peuvent prêter jusqu’à 75 % de leur capital à un unique emprunteur, et les engagements représentant plus de 25 % de la valeur nette ne peuvent pas dépasser l’équivalent de 800 % des fonds propres. Toutefois, malgré la souplesse extrême du plafond des engagements sur une même signature, certaines banques ne se conforment pas à la réglementation, en particulier durant les périodes - 14 - de pointe saisonnières. Au 30 juin 2014, par exemple, quatre banques ne respectaient pas la limite d’engagement envers un seul emprunteur, et les crédits aux cinq plus importants emprunteurs du système représentaient près de 100 % des fonds propres des banques. Les autorités régionales ont fait savoir qu’elles traiteraient de la question du plafond des importants engagements dans le cadre des activités réglementaires en cours et du passage à Bâle II/III. Cela ne réglera toutefois pas la question de l’application laxiste des réglementations. La Commission bancaire devrait, au minimum, faire strictement respecter le plafond en vigueur. Les banques devraient être en mesure d’accorder des volumes plus importants de prêts syndiqués avec des entités extérieures au Mali5. Le relèvement du niveau minimum de fonds propres proposé pourrait également atténuer les problèmes auxquels sont confrontées les banques de plus petite taille. Graphique 2. Crédit aux cinq principaux emprunteurs en pourcentage des fonds propres Crédit aux 5 principaux emprunteurs Source : BCEAO. 5 Les crédits à la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT), qui est le plus gros emprunteur auprès du système, sont déjà financés par des consortiums de banques intérieures et de banques internationales. - 15 - Liquidité 20. Les prêts bancaires ont augmenté plus rapidement que les dépôts au cours des dernières années. Depuis 2009, les dépôts ont augmenté de 47 %, et les prêts de 64 %. La plupart des banques ont néanmoins été en mesure de respecter le coefficient de liquidité (12 banques et IF sur 15 au 30 juin 2014 et 14 sur 15 en décembre 2014). L’insuffisance relative des dépôts pourrait être exacerbée par l’adoption d’un compte unique du Trésor (CUT) par l’État dont les comptes étaient jusque-là ouverts auprès de banques commerciales et représentaient 19 % des dépôts en décembre 2014. Bien que la première phase de cette opération, notamment le transfert des comptes de l’État, ait commencé en 2014, les chiffres provisoires indiquent que les dépôts de l’État ont, en fait, augmenté en 2014, et que la liquidité des banques semble s’être améliorée au premier semestre de 2015. La deuxième phase donnera lieu au retrait du système bancaire des comptes des organismes publics (dont le montant est actuellement estimé à 149 milliards de francs CFA). Les banques parviennent généralement à maintenir des liquidités suffisantes (grâce en partie à d’amples injections de liquidités de la BCEAO), mais la concurrence pour les dépôts – en particulier les dépôts à terme des grands comptes – s’intensifie. La hausse des taux servis sur les dépôts qui s’ensuit survient alors même que la BCEAO a abaissé les taux directeurs et le taux d’usure, et que la concurrence exercée au niveau des prix pour attirer les emprunteurs commerciaux de premier plan s’accroît. Depuis la fin 2014, les banques indiquent qu’elles accordent des taux prêteurs qui peuvent être aussi bas que 5,5 % à 6 % à leurs meilleurs clients, tandis que les taux versés sur les comptes très importants peuvent atteindre jusqu’à 5,5 % ou 6 %. Les bons clients sont désormais en mesure de négocier la rémunération de leurs dépôts à vue, qui ne portaient jamais intérêt dans le passé. Cette concurrence accrue et le rétrécissement des marges seront probablement salutaires à long terme pour le système, et le passage à un compte unique du Trésor est nécessaire. Étant donné le niveau déjà élevé du ratio prêts-dépôts (90 % à la fin de l’année 2013), il sera toutefois important de gérer les retraits de manière à éviter de créer des problèmes de liquidité ou de forcer les banques à réduire les crédits à l’économie. La BCEAO et l’État malien sont conscients des risques, et procèdent à des simulations pour évaluer l’impact de cette opération. 21. Le niveau des liquidités fournies par la banque centrale est exceptionnellement élevé dans le cas du Mali et dans toute l’Union monétaire. La BCEAO fournit des liquidités de plus en plus importantes aux banques. Les crédits de la banque centrale représentent 9 % des actifs bancaires dans la zone, contre moins de 1 % pour les pays africains comparables. Au Mali, le financement de la banque centrale a augmenté de 867 % entre 2011 et 2013, pour atteindre plus de 12 % des passifs et des fonds propres des actionnaires à la fin de 2013. 22. Les banques profitent des possibilités de se refinancer à faible prix auprès de la BCEAO pour financer l’achat de titres publics. Les banques peuvent actuellement obtenir des financements de la BCEAO au taux de 2,5 % ; sachant que les bons du Trésor ont un rendement de l’ordre de 5 %, cette opération est à la fois aisée et profitable pour les banques. La plupart des refinancements de la banque centrale semblent avoir eu pour objet de financer l’achat de titres publics. Les avoirs en ces titres ont augmenté de 37 % uniquement en 2013, et représentaient 18 % des actifs bancaires à la fin de l’année. Cela expose aussi bien l’État que les banques à des risques de liquidité en cas de resserrement de la politique monétaire. Cet - 16 - accès bon marché et facile au financement de la banque centrale est un facteur qui pourrait entraver le développement d’un marché monétaire interbancaire. Tableau 5. Liquidité bancaire Ratios de liquidité 2009 2010 2011 2012 2013 Ratios prêts-dépôts 72,2 82,6 88,0 88,5 89,7 Actifs liquides/Total des 33,8 32,7 36,7 34,8 34,4 actifs Actifs liquides/passifs CT 61,2 92,9 89,4 90,0 98,0 Source: BCEAO Rentabilité et performance 23. Le secteur bancaire malien a été systématiquement rentable au cours des cinq dernières années, y compris durant la crise de 2012 (tableau 7). La marge d’intérêt brute, qui n’a guère varié au cours de la période, était de 7,7 % en 2013. Si ce niveau peut paraître élevé par comparaison aux écarts entre les taux bancaires observés dans des pays plus développés, elle est en fait inférieure aux médianes des pays africains et des pays à faible revenu qui sont, respectivement, de 8,8 % et de 9,6 %6. Elle est aussi légèrement inférieure à l’écart moyen enregistré dans les pays de l’UEMOA (7,9 %) qui est le groupe comparateur le plus proche (voir les graphiques 5 et 6 ci-après). Bien que les chiffres de la rentabilité générale sur l’ensemble de la période ne fassent ressortir aucune tendance prononcée, une décomposition plus poussée des coûts montre que la composante relative aux marges bénéficiaires constitue une proportion élevée de l’écart entre les taux d’intérêt au Mali, qui cadre avec la moyenne de l’UEMOA (graphique 4). 6 Finstats 2015, IFS - 17 - Tableau 6. Rentabilité et performance du système bancaire 2009 2010 2011 2012 2013 Coût moyen des fonds 1,9 1,9 1,8 1,9 1,8 empruntés Taux d’intérêt moyen des 9,8 9,4 10 9,9 9,5 prêts Marge d’intérêt brut 7,9 7,5 8,2 8 7,7 Rendement de l’actif RDA 0,6 1,4 1,7 1,3 1,2 Rentabilité des fonds 6,8 8,6 14,9 12,5 14,1 propres Dép. hors intérêts/revenu 63,1 59,6 56,5 57,5 59,6 bancaire net Source : BCEAO Graphique 3. Décomposition des écarts au Mali et dans l’UEMOA Traduction des composantes : Marges bénéficiaires avant impôts ; Réserves obligatoires ; Autres frais généraux ; Dépenses de personnel ; Provisions - 18 - UEMOA 9 8 7.9 7.9 Profit margin 7.6 7.3 7.3 before tax 7 2.1 Mandatory 2.3 3.2 2.1 2.2 reserves 6 0.7 Other overhead 5 0.7 0.7 0.5 expense 0.5 4 2.0 1.8 Personnel 2.1 1.8 1.7 expense 3 1.4 Provisions 2 1.6 1.4 1.3 1.3 1 1.7 1.4 1.3 1.1 0.9 0 2009 2010 2011 2012 2013 Source : BCEAO V. Cadre juridique, réglementaire et prudentiel Cadre juridique et contrôle bancaire 24. Le cadre juridique, prudentiel et de contrôle du système bancaire malien et essentiel régi au niveau de la communauté de l’UMOA, bien que les autorités nationales jouent aussi un rôle en ce domaine. Les principaux organes de supervision sont : i. le Conseil des ministres de l’UEMOA : il définit le cadre juridique et réglementaire général et est également l’instance de recours pour les décisions de liquidation d’institutions de crédit ; ii. la BCEAO : elle formule la politique monétaire et appuie la supervision de l’activité bancaire par le biais de ses huit directions nationales, supervise les systèmes de paiement et détermine les politiques de comptabilité et de crédit applicables aux banques ; et iii. la Commission bancaire de l’UMOA (CB) : elle supervise les institutions de crédit, et a le pouvoir de sanctionner les cas de non-respect des règles et de mettre les institutions sous administration temporaire. La Commission bancaire doit également donner son approbation à l’octroi d’agréments bancaires ; iv. le ministère des Finances national : il a le pouvoir d’émettre et de retirer les agréments bancaires sur la recommandation de la BCEAO et de la CB. - 19 - 25. Il importe de renforcer et de moderniser le contrôle bancaire dans les pays de l’UMOA, notamment dans les domaines suivants : i. Les normes prudentielles régionales ne sont pas conformes aux bonnes pratiques internationales à des égards fondamentaux, notamment en ce qui concerne le plafond des engagements sur une même signature (75 % du capital contre 25 %) et les besoins de dotation aux provisions qui sont relativement faibles. Les prêts ne sont classés qu’après avoir été en arriéré pendant 180 jours, et les banques ont jusqu’à quatre ans pour constituer des provisions d’un montant égal aux prêts garantis. Le montant des prêts improductifs est donc sous-estimé et celui des capitaux surestimé. ii. Le cadre prudentiel ne couvre ni les risques du marché, ni le risque-pays ni le risque de taux d’intérêt ; iii. Les états financiers des banques ne sont pas présentés conformément aux normes comptables internationales ; iv. Les holdings bancaires ne sont pas assujetties aux réglementations ni à une surveillance consolidée. Aussi l’expansion des groupes bancaires régionaux, qui offre certes des possibilités, présente-t-elle aussi des risques qu’il importe de prendre en compte. v. Il est également important que les organes de supervision du pays dans lequel se trouve le siège de la banque et des pays d’accueil coopèrent étroitement aux activités de supervision des groupes bancaires régionaux. Cela n’est pas un problème pour les groupes bancaires de l’UEMOA, mais ce l’est pour les groupes dont le siège se trouve en dehors de l’UMOA et, à ce jour, la coopération et la coordination entre les organes de supervision nationaux et des pays d’accueil demeurent insuffisantes. vi. Le cadre de résolution bancaire présente des carences, dû en partie au partage des attributions entre les autorités nationales et régionales. vii. La région fait preuve de tolérance réglementaire, bien que le respect des normes prudentielles se soit amélioré au cours des dernières années. À la fin de 2014, toutefois, la seule norme respectée par toutes les institutions de crédit au Mali était la norme concernant le plafond des investissements dans des entreprises non financières. Les ratios prudentiels obligatoires sont indiqués ci-après (tableau 7). - 20 - Tableau 7. Ratios prudentiels applicables aux banques de l’UEMOA Montant minimum des fonds propres 5 milliards FCFA Ratios d’adéquation des fonds propres >= 8 % Limite des engagements sur une même <=75 % des fonds propres réglementaires signature Plafond du volume des prêts >= 25 % de la 800 % de la valeur nette valeur nette Plafond des prêts internes <=20 % de la valeur nette Ratios de liquidité (actifs liquides /passifs à >=75 % court terme) Plafond des immobilisations hors bilan <= 15 % de la valeur nette Participation dans des entreprises non <= 15 % de la valeur nette financières Ratio de transformation7 >= 50 % 26. Les autorités de l’UEMOA sont conscientes des carences du système, et prennent des mesures pour renforcer la supervision et la réglementation bancaires. Des plans ont été mis en œuvre notamment pour passer d’une supervision basée sur la conformité dans le cadre de Bâle I à une supervision basée sur le risque dans le cadre de Bâle II/III. Cette transition est menée par la BCEAO avec l’assistance technique du FMI, et elle donnera à la Commission bancaire juridiction sur les holdings bancaires. Elle devrait être terminée en 2017/18. Les normes comptables applicables aux banques en vertu du Plan comptable bancaire sont actuellement mises à niveau pour mieux correspondre aux normes internationales d’information financière (IFRS). En ce qui concerne l’adéquation des fonds propres aux besoins, il a été annoncé il y a quelque temps que le montant minimum des fonds propres serait porté à 10 milliards de francs CFA ; cette mesure doit entrer en vigueur vers le milieu de 2016. Les banques qui ne satisfont pas à la norme minimale à la fin de 2015 doivent soumettre d’ici la fin de l’année un plan indiquant les mesures qu’elles prendront pour satisfaire à cette obligation. Ce relèvement du montant minimum des fonds propres ne devrait pas avoir d’impact majeur sur la concentration et la consolidation, car la plupart des banques du Mali ont déjà des fonds propres d’un montant supérieur à 10 milliards de francs CFA ou devraient être en mesure d’accroître le montant de leurs fonds propres sans trop de difficulté. Un collège de supervision a été formé pour l’un des groupes bancaires de l’UEMOA, et il 7 Défini comme étant le ratio des actifs à moyen terme aux actifs à long terme financés par des engagements à moyen/long terme - 21 - devrait se réunir pour la première fois cette année. Enfin, la mise en œuvre programmée d’un système d’assurance des dépôts et d’un fonds de stabilité financière devrait faciliter les opérations de résolution bancaire. Protection du consommateur 27. Le cadre juridique et réglementaire fait peu de place à la protection du consommateur, et ni la BCEAO ni la Commission bancaire n’ont, juridiquement, pour mission explicite d’assurer cette dernière. La mission et le principal objectif de la banque centrale et de la Commission bancaire consistent à assurer la stabilité et la solidité du secteur, bien que certaines mesures puissent être considérées comme des mesures de protection du consommateur. Il s’agit des taux d’intérêt maximums que les banques peuvent imposer (taux d’usure), d’une récente instruction disposant que certains services bancaires doivent être fournis gratuitement, et de la décision prise en 2014 de mettre en place un Fonds de garantie des dépôts8. Il vaut également la peine de noter que la récente loi uniforme portant réglementation des bureaux d’information sur le crédit comprend des dispositions pertinentes pour la protection du consommateur. Chaque État membre de l’UEMOA est doté d’un Conseil national du crédit, constitué par la BCEAO et présidé par le ministre des Finances, qui a pour mission d’étudier les conditions de fonctionnement du système bancaire, notamment ses relations avec la clientèle. Deux associations de consommateurs, la RECOMA et l’ASCOMA, sont membres du Conseil. Ce dernier ne semble toutefois pas avoir publié ou diffusé l’une quelconque de ses analyses ou délibérations en ce domaine. 28. Bien que la BCEAO ait récemment renforcé l’obligation d’information, les conditions et les tarifs ne sont toujours pas transparents en pratique. L’absence d’informations harmonisées et comparables sur les prix de tous les produits bancaires entrave la concurrence dans le secteur et contribue certainement au coût élevé des produits et des services financiers. Une récente instruction dispose que les banques doivent déclarer leur taux de base, leurs taux minima et maxima sur les prêts et sur les dépôts à la BCEAO, à la Commission bancaire ainsi qu’aux associations ou aux revues de consommateurs pertinentes. Aucune méthode standardisée n’est toutefois utilisée aux fins du calcul et de la diffusion des coûts totaux ou des rendements. Les banques ne sont en outre assujetties à aucune obligation minimale de divulgation des conditions à leur clientèle. Dans de nombreuses juridictions, les institutions financières sont tenues de fournir de simples déclarations expliquant les principaux termes relatifs aux produits offerts aux consommateurs dans un langage simple et facile à comprendre. 29. Il n’existe pas de mécanisme de règlement des différends efficace et rapide qui permettrait de traiter les plaintes des clients. Ce type de mécanisme revêt une importance particulière dans les pays où l’on ne peut compter sur les tribunaux pour fournir des recours rapides, d’un coût abordable et prévisibles aux consommateurs. Il faudrait combler cette lacune en nommant un ombudsman ou une personne occupant une fonction équivalente. À l’évidence, une initiative a été lancée dans le but de mettre en place un mécanisme de médiation à l’échelon 8 Le fonds n'était pas opérationnel à la date de la mission. - 22 - régional, ainsi qu’un « Observatoire de la qualité des services bancaires ». Lorsque ces derniers auront été mis en place, il importera de collecter des données détaillées sur les plaintes, de les analyser et de les publier dans le but de recenser les principaux problèmes et d’exploiter ces informations aux fins de la formulation d’une politique de protection des consommateurs. Il n’existe en outre aucune obligation ou norme minimale concernant les plaintes internes dans les banques ou autres institutions de crédit. Il conviendrait également de remédier à cette lacune et de s’assurer du respect des normes. VI. Crédits à l’économie et inclusion financière 30. Les crédits à l’économie et la profondeur du secteur bancaire sont limités, mais se développent, et ils correspondent dans l’ensemble à ceux de pays ayant des facteurs fondamentaux macroéconomiques similaires. Les banques occupent une place prédominante dans le secteur financier malien, puisqu’elles détiennent environ 97 % des actifs du secteur financier. Le ratio du crédit privé au PIB était de 21,8 % 2013, soit un niveau supérieur à la médiane pour l’Afrique (17,4 %) et à celle de tous les pays à faible revenu (16,4 %). Le ratio des dépôts intérieurs au PIB, qui était de 23,1 %, est du même ordre de grandeur que la médiane des pays à faible revenu (23,5 %). 31. Le secteur bénéficiant des plus importants engagements du secteur bancaire est celui des échanges et du commerce, qui bénéficie de 33 % du total des crédits, et est suivi par le secteur manufacturier (17 %). Le secteur minier, à qui est imputable plus des deux tiers des exportations maliennes, est essentiellement financé de l’étranger. - 23 - Graphique 4. Répartition sectorielle des crédits (31décembre 2013) Agriculture and Fisheries Extractive industries Manufacturing Water, Electricity and Gas Construction and Public Works Traduction des secteurs : Agriculture et pêche ; Industries extractives ; Industries manufacturières ; Eau, électricité et gaz Bâtiment et travaux publics Source : BCEAO. 32. Le volume de titres publics détenus par les banques augmente plus rapidement que celui des crédits au secteur privé. Bien que les titres publics ne semblent pas évincer les crédits au secteur privé pour le moment, ils pourraient certainement menacer de le faire à l’avenir. Conformément à la législation et à la réglementation en vigueur, les titres émis par les États de l’UEMOA sont exonérés d’impôt, ont une pondération nulle aux fins de l’évaluation du capital et peuvent être refinancés à tout moment par la BCEAO, actuellement à des taux très favorables (2,5-3,5 % en dessous des taux servis sur les comptes d’épargne, les dépôts à terme et les emprunts interbancaires). Les volumes de titres publics détenus par les banques ont donc augmenté très rapidement (de 37 % en 2013). La dernière émission obligataire malienne (à trois ans, en février 2015) a un rendement de 5,5 %, ce qui correspond à un rendement imposable de l’ordre de 8,2 %. Ce taux est supérieur aux taux prêteurs actuellement consentis aux plus importantes entreprises clientes, même si l’on fait abstraction des différentes normes de fonds propres. La pondération nulle des titres émis par les États de l’UEMOA peut également donner lieu à une surestimation de l’adéquation des fonds propres du système bancaire aux besoins, dans la mesure où aucun des États souverains de la région ne court un risque nul de défaillance. 33. Soixante-cinq pour cent des prêts accordés au Mali sont à court terme 9, et les entreprises ont des difficultés à financer leurs besoins d’investissements à plus long terme. Cette situation peut, elle-même, être imputée au risque plus élevé associé aux financements à plus long terme ainsi qu’aux contraintes de financement et aux obstacles 9 Le crédit à court terme, tel qu'il est défini dans l’UEMOA a une échéance à moins de deux ans. - 24 - réglementaires. Il est difficile aux banques de recouvrer le montant de leurs prêts ou de faire valoir les garanties par suite des problèmes posés par le respect des contrats et le cadre des transactions garanties, de sorte qu’elles préfèrent financer des opérations à court terme, autoamortissables et générant des flux de trésorerie bien définis. L’une des normes prudentielles de l’UMOA dispose en outre que 50 % des actifs à moyen et long termes doivent être couverts par des passifs à moyen et long termes (cette proportion était de 75 % jusqu’en 2014). Avant l’assouplissement des limites aux transformations des échéances, cette norme était un obstacle au financement des investissements, car de nombreuses banques avaient déjà atteint le plafond, ou même dépassé ce dernier. Faute de données financières complètes sur les banques pour 2014, il est difficile de savoir si cela est toujours le cas. Le marché obligataire régional n’est pas exploité par les banques maliennes, et il n’est pas évident que ces dernières puissent lever des fonds sur ce marché. Fait quelque peu surprenant, selon un représentant de l’Association professionnelle des banques, une émission obligataire pourrait être interprétée par le marché intérieur comme une indication que la banque se trouve en difficulté financière. 34. Les banques au Mali accordent généralement des crédits à une gamme relativement limitée de sociétés, et sont en mesure de dégager des marges confortables grâce à cette clientèle traditionnelle. Toutefois, par suite de l’arrivée de nouvelles institutions et de banques plus solides, elles sont en butte à une concurrence plus intense pour cette clientèle, ce qui exerce des pressions à la baisse sur les taux prêteurs. Les récentes pressions dues à la concurrence ont eu pour résultat positif d’obliger les banques à rechercher activement de nouvelles opportunités de financement plus rentables au niveau de la clientèle de détail (essentiellement les salariés urbains) et les PME. La part des financements aux 50 plus gros emprunteurs a donc diminué, pour tomber de 60 % du portefeuille total en 2012 à 39,4 % en décembre 2014. 35. Les efforts d’amélioration de l’intermédiation financière et d’élargissement de la clientèle se heurtent à un certain nombre d’obstacles. Le degré limité d’inclusion financière et la faiblesse des crédits au secteur privé sont imputables aux carences des cadres juridique, judiciaire et réglementaire du développement du secteur financier ainsi qu’à des facteurs non liés à la politique du secteur financier qui doivent être considérés dans un contexte économique, social et politique plus générale. Les autorités nationales et régionales sont conscientes de ces obstacles et prennent des mesures pour remédier à certains d’entre eux, notamment en établissant un bureau d’information sur le crédit privé (BIC), en améliorant le cadre des transactions garanties, et en procédant à des réformes réglementaires. Les principaux obstacles sont notamment : i. Les défaillances au niveau de l’application des contrats et les insuffisances du cadre juridique et judiciaire qui font obstacle au recouvrement des prêts. Toutes les banques ont indiqué que le principal obstacle à l’expansion du crédit et à la diversification de leur clientèle tenaient au fait qu’elles ne pouvaient pas compter sur les tribunaux du commerce pour faire respecter les contrats et recouvrer leurs prêts. ii. Les carences du cadre des transactions garanties. Il est difficile pour les banques d’inscrire, d’opposer et de réaliser des sûretés constituées sur des biens mobiliers et immobiliers. Les graves défaillances qui caractérisent le système des titres fonciers et de - 25 - l’immatriculation des terrains, l’absence de registre électronique des sûretés pour les garanties mobilières et la possibilité de faire respecter les garanties en dehors du cadre d’un système judiciaire lent et imprévisible sont autant de facteurs qui découragent l’expansion du crédit. iii. L’ampleur du secteur informel de l’économie. Selon une enquête consacrée par l’OIT à l’informalité en 2002, 94 % des Maliens travailleraient dans le secteur informel, soit le pourcentage le plus élevé d’Afrique. La plupart des entreprises, en particulier les PME, opèrent essentiellement dans le cadre de l’économie informelle et sur la base de paiements en espèces, de sorte qu’il est difficile aux banques de leur consentir des crédits. iv. L’absence d’informations à jour et complètes sur les risques de crédit des emprunteurs actuels et potentiels. Les systèmes actuels, qui sont gérés par la banque centrale (Centrale des risques et Centrale des bilans), ne fournissent pas de données à jour, complètes et exactes. Le Mali vient d’adopter un texte de loi autorisant la mise en place d’un nouveau bureau d’information sur le crédit privé (BIC), opérant à l’échelle régionale, qui doit bientôt devenir opérationnel. v. L’insuffisance ou l’absence de déclaration des données financières, et le manque de capacités financières ou administratives au niveau des petits entrepreneurs , qui limitent leur accès à des financements institutionnels. vi. Une faible densité de population et de vastes zones rurales, conjuguées à la médiocrité des moyens d’accès physiques et des infrastructures, qui découragent l’implantation de nouvelles agences et accroissent la difficulté qu’ont les banques à desservir de vastes segments de la population. vii. L’absence de chaînes d’approvisionnement organisées. Pour surmonter les problèmes posés par le respect des contrats et l’atténuation des risques de crédit, les banques s’efforcent de structurer leurs financements de manière à avoir une source de remboursement déterminée et des flux de trésoreries qu’elles peuvent directement saisir. Cela leur a été possible dans le cas de la filière coton, mais la plupart des chaînes d’approvisionnements agricoles et autres ne sont pas organisées de manière à permettre l’octroi de crédits structurés de cette manière (voir la note technique sur le financement de l’agriculture). viii. Le manque de ressources à long terme, en raison duquel il est difficile de financer des investissements. Les ressources des banques sont constituées dans une très large mesure par des dépôts à vue et à court terme, et les investisseurs institutionnels tels que les compagnies d’assurance vie ne conservent généralement pas de dépôts à long terme dans le système bancaire. Les banques ne peuvent transformer les échéances que dans une mesure limitée, d’une part pour des motifs de risque et d’autre part pour des raisons réglementaires. - 26 - Financement des PME 36. En l’absence d’une définition des PME acceptée à l’échelon national et régional10, et par suite du volume très limité d’informations concernant l’offre ou la demande de financement des PME, il est difficile de formuler des conclusions ou des recommandations fondées adaptées au contexte malien. En fait, de nombreux observateurs — que ce soit dans les institutions financières ou de manière plus générale dans le secteur privé — ont noté que le concept de PME ne s’applique pas vraiment au Mali p uisque, à quelques rares exceptions près, toutes les entreprises maliennes sont des micros, petites ou moyennes entreprises. Il a été noté qu’un grand nombre des 50 plus gros emprunteurs qui ont de tout temps été les principaux bénéficiaires des financements bancaires sont en fait des entreprises commerciales familiales qui ne comptent qu’un petit nombre d’employés. Si les autorités souhaitent promouvoir le financement des entreprises mal desservies, il leur faudra tout d’abord convenir d’une définition (ou de définitions) des micros, petites et/ou moyennes entreprises, et de collecter régulièrement des données sur l’offre et sur la demande pour pouvoir formuler leur politique d’inclusion financière et suivre les progrès en ce domaine. 37. L’État malien a récemment pris l’initiative de créer un fonds de garantie pour promouvoir l’accès des PME à des financements. Le Fonds de garantie pour le secteur privé (FGSP) est une nouvelle institution financière non bancaire qui offrira aux banques et aux institutions financières des garanties partielles de risque au titre de prêts à des PME. Le capital de ce Fonds, qui est initialement de 4,8 milliards de francs CFA, est détenu en majorité par l’État et des organismes publics, bien que six banques, une entreprise privée et le Conseil national du patronat (CNPM) détiennent des parts minoritaires. Il a obtenu un agrément en qualité d’institution financière et il est assujetti à la réglementation prudentielle et à la supervision de la Commission bancaire. Le FGSP accordera des garanties partielles de risque aux prêteurs couvrant 50 % des risques relatifs aux prêts aux PME d’un montant compris entre 10 millions et 500 millions de francs CFA. Il aidera aussi les entrepreneurs et les prêteurs à analyser et à présenter des projets finançables par les banques, et à assurer un suivi et une assistance technique. Il n’est assujetti à aucune restriction sectorielle et il peut garantir aussi bien des fonds de roulement à court terme que des prêts au titre d’investissements à long terme. 38. Le Fonds venant juste de commencer ses opérations, il est trop tôt pour déterminer s’il réussira à atteindre ses objectifs. Une étude de faisabilité détaillée a été réalisée avant sa constitution, et il est un mécanisme favorable au marché qui promet d’atténuer au moins certain des obstacles auxquels se heurtent les PME et les prêteurs dans le domaine 10 Au Mali, les autorités fiscales (Direction générale des impôts) classent les entreprises comme suit : les petites entreprises sont celles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs CFA, et les moyennes entreprises sont celles dont le chiffre d'affaires est compris entre 50 millions et 1 milliard de francs CFA. Cette définition n'est toutefois pas utilisée ou déclarée par les institutions financières. À l'échelon de la Communauté, la Commission de l’UEMOA étudie une charte des PME, qui devrait déboucher sur une définition commune des PME pour la région. - 27 - du financement. Les services d’appui à la présentation de propositions de financement et l’assistance technique fournie ultérieurement aux PME sont des éléments très positifs du programme de services offerts par le Fonds. Son plan d’activité actuel présente toutefois certaines caractéristiques qui pourraient devoir être revues dans le but de maximiser l’impact qu’il pourrait avoir et s’assurer que ses services ont une valeur ajoutée : i. Pour être admissibles à bénéficier de garanties, les banques et les institutions financières doivent accepter d’imposer un plafond général aux taux d’intérêt qu’elles demanderont aux emprunteurs bénéficiant d’une garantie. Ces plafonds sont compris entre 8,5 et 9 %, soit un niveau bien inférieur au taux d’usure qui est de 15 % pour les banques et de 24 % pour les institutions financières. Ces taux sont inférieurs au taux moyen acquitté par les emprunteurs en 2013 (9,5 %) et seront donc probablement insuffisants pour encourager les banques à prêter à des PME qu’elles estiment présenter des risques plus élevés et qui n’ont guère d’antécédents, sinon aucun, en matière de crédit. De fait, le taux d’usure lui- même peut réduire l’appétit des banques pour des opérations de prêt à des opérations nouvelles ou risquées. ii. Les frais perçus au titre d’une garantie (prime de risque de 1 % par an sur l’encours des garanties à la charge du prêteur et montant forfaitaire de 2 % à la charge de l’emprunteur) sont uniformes et ne sont donc pas fonction des risques. iii. Le plafond de 50 % imposé au montant de la garantie pourrait devoir être relevé pour les opérations nouvelles ou plus risquées. iv. L’État est actuellement le principal actionnaire, et aucun actionnaire du secteur privé ne détient plus qu’une part très faible. Il serait souhaitable que le secteur privé ait une participation plus importante au capital du fonds de manière à assurer son adhésion et promouvoir des politiques répondant aux besoins des bénéficiaires. 39. L’insuffisance des systèmes d’information sur le crédit au sein de l’UEMOA a eu pour effet de limiter l’accès à ce dernier, car les prêteurs n’ont pas les outils nécessaires pour évaluer la solvabilité de nouveaux emprunteurs. Elle a aussi sans doute contribué au niveau relativement élevé des prêts improductifs dans le secteur bancaire. Jusqu’à présent, les États membres de l’UEMOA n’avaient accès qu’à un registre de crédit public à la BCEAO. Ce dernier ne fournissait que des informations limitées (informations négatives et encours envers les banques), et les informations communiquées n’étaient pas toujours à jour ni complètes. C’est pourquoi de nouvelles lois ont été promulguées à l’échelon régional et à l’échelon national dans le but de mettre en place un nouveau bureau d’information sur le crédit privé (BIC) qui a pour mission de combler les carences des systèmes d’information actuels. La loi nationale a été promulguée en avril 2015, et le BIC n’est pas encore opérationnel, mais sous réserve qu’il soit dûment établi, il devrait contribuer à élargir l’accès au crédit dans la région. 40. Le crédit-bail, qui est une forme de financement à moyen et long terme particulièrement bien adapté au financement des besoins d’investissement des PME, est insuffisamment développé au Mali. Celui-ci ne compte qu’une seule société de crédit-bail, Alios Leasing, spécialisée dans la vente à bail de camions et de véhicules de transports - 28 - commerciaux (90 % du portefeuille). Un second bailleur spécialisé, Equibail, a été incorporé dans une division de la Bank of Africa, car il a été jugé trop petit pour fonctionner en tant qu’entité indépendante. Le crédit-bail représentait moins de 1 % des crédits consentis par les banques et les institutions financières non bancaires à la fin de décembre 2013, et diminue en termes relatifs et absolus. 41. Le crédit-bail n’a pas connu de succès au Mali, malgré d’importants besoins de financement d’installations et de matériels non satisfaits11, faute de législation habilitante adaptée. Aucune loi particulière ne s’applique au crédit-bail au Mali, bien que les réglementations financières applicables dans la région de l’UEMOA soient souples et autorisent aussi bien les institutions financières spécialisées que les banques à offrir des produits de crédit-bail. La loi bancaire de 2008 fait référence au crédit-bail en tant que produit de crédit. Cette ambiguïté a provoqué des incohérences ainsi qu’un traitement inadéquat des biens récupérés et une imposition inappropriée des biens loués à bail. Deux problèmes principaux se posent : i. Les procédures de récupération des biens loués à bail en cas de défaillance du loueur sont lourdes. Les loueurs à bail ne sont pas considérés être les propriétaires des biens, et doivent suivre les mêmes longues procédures de recouvrement que les autres créanciers. Il n’existe pas de procédure simplifiée ou rapide permettant de recouvrer les biens loués, et les locataires peuvent demander aux tribunaux de suspendre le recouvrement. Qui plus est, comme le droit de propriété du loueur à bail n’est pas reconnu, ce dernier doit souvent contracter des hypothèques ou des sûretés sur le bien, ce qui accroît encore le coût et la complexité de l’opération. ii. Le crédit-bail fait actuellement l’objet d’un traitement fiscal défavorable. Il est assujetti à une TVA à un taux défavorable, ainsi qu’à la double imposition du transfert des biens loués à bail (lors de l’achat de ces derniers par le loueur à bail et de nouveau lors de leur transfert aux locataires). 42. Il conviendrait de promulguer des textes de loi précis pour établir une base juridique solide et assurer un régime fiscal et un système de recouvrement adaptés au crédit-bail. Il existe essentiellement trois options pour promouvoir de tels textes de loi : il est possible de procéder à l’échelon national, à l’échelon de l’UEMOA par le biais de la législation financière, ou au niveau de l’OHADA par le biais d’un acte uniforme qui s’appliquerait aux 17 pays membres de l’Organisation. L’OHADA est consciente des besoins en ce domaine, mais le processus et le calendrier de promulgation d’un nouveau texte par l’Organisation sont longs. La BCEAO, également consciente du problème, a demandé au Groupe de la Banque mondiale de lui fournir une assistance technique pour l’aider à formuler des textes de loi dans le but de préparer un avant-projet pour septembre 2015. Si, toutefois, ni l’OHADA ni 11 L’IFC a réalisé une enquête sur la demande de crédit-bail au Mali en 2011, qui a révélé une importante demande non satisfaite en ce domaine. - 29 - l’UEMOA n’agissent, le Mali pourrait promulguer une loi interne (comme l’ont fait d’autres États membres de l’UEMOA ou de l’OHADA). Inclusion financière 43. L’inclusion financière est difficile au Mali en raison de l’ampleur de la pauvreté qui règne et de l’étendue du pays. Elle s’est améliorée au cours des dernières années, mais reste faible, puisque juste 12,4 % de la population âgée de plus de 15 ans est titulaire d’un compte bancaire (contre 7,4 % en 2009, soit un pourcentage légèrement supérieur à la moyenne de l’UEMOA qui est de 12,2 %). Lorsque l’on prend en compte d’autres petites institutions financières et services, la situation devient plus favorable. Comme le montre le tableau 8 ci- dessous, lorsque les institutions de microfinance, les services financiers numériques, les services d’épargne postale et autres sont pris en considération, cette proportion atteint près de 50 % pour la fin de 2013. Ces chiffres de la banque centrale ne prennent toutefois pas en compte le fait que des personnes peuvent détenir des comptes dans plus d’une institution, de sorte que les chiffres relatifs à l’inclusion financière générale — simplement obtenus en faisant la somme des titulaires de comptes de différents types — sont sans aucun doute surestimés. - 30 - Tableau 8. Indicateurs d’inclusion financière, pourcentage de Maliens de plus de 15 ans 2009 2010 2011 2012 2013 Comptes dans une banque commerciale 7,3 9,3 11 13 12,4 Institutions de microfinance 12,7 15,7 14,5 13,5 20,4 IF au sens large 20 25 25,5 26,5 32,8 Prestataire d’argent électronique au sens large 20 27,4 31,4 35,9 47,9 Source : BCEAO 44. Selon la dernière enquête sur la demande de Findex (2014), le Mali affiche des résultats moins bons que les comparateurs du groupe de pays pairs pour la plupart des indicateurs essentiels de l’inclusion financière. Dans certains domaines (crédit, épargne), la situation s’est détériorée depuis l’enquête précédente qui remonte à 2011. Cette situation est en partie imputable aux caractéristiques géographiques du Mali et au conflit survenu entre les deux enquêtes. Des indicateurs représentatifs pour le Mali, l’Afrique subsaharienne et tous les pays à faible revenu sont présentés dans le tableau 9 ci-après. Tableau 9. Indicateurs d’inclusion financière, en pourcentage des adultes de plus de 15 ans Afrique Pays Mali subsaharienne à faible revenu Compte dans une institution financière -2014 13,3 28,9 22,3 Compte dans une institution financière -2011 8,2 23,9 21,1 Compte par téléphonie mobile 11,6 11,5 10,0 Possède une carte de débit 4,0 17,9 6,6 Possède une carte de débit (2011) 1,8 15,0 6,3 A épargné dans une IF durant l’année écoulée 2,9 15,9 9,9 A épargné dans une IF durant l’année écoulée (2011) 4,5 14,3 11,5 A emprunté auprès d’une IF 2,7 6,3 0,6 A emprunté auprès d’une IF (2011) 4,8 11,7 Source : Findex 2014 45. La rapide expansion de l’argent mobile promet de faire bénéficier de services financiers les régions rurales isolées du Mali. Les pays du monde entier découvrent les vastes possibilités offertes par les opérations bancaires sans agence et le recours aux nouvelles technologies pour atteindre des individus auxquelles il est coûteux et difficile de fournir des - 31 - services par le biais d’activités bancaires traditionnelles en agence. Le Mali présente des conditions particulièrement difficiles à cet égard en raison de sa vaste superficie et de l’ampleur de ses zones rurales isolées. Il est essentiel, pour accroître l’inclusion financière, de trouver des systèmes de distribution à faible coût permettant de réaliser de nombreuses transactions de faible valeur. Les services de téléphonie mobile, qui ont une large couverture au Mali, offrent une telle opportunité, et les services de banque mobile sont l’un des seuls domaines dans lequel le Mali affiche des résultats relativement meilleurs que ses pairs. Bien que l’on ne dispose d’aucune donnée de Findex pour 2011, l’expansion des services de banque mobile a été particulièrement rapide en 201412, ce dont ne témoignent pas les chiffres présentés plus haut. L’UEMOA a actuellement un modèle de services financiers mobiles basé sur les banques, mais les autorités régionales devraient autoriser des prestataires de services de paiement non bancaires à réaliser ce type d’opération dans un avenir proche. Orange Money, qui opère actuellement dans le cadre d’une banque agréée (BICIM) et qui est de loin le plus important prestataire de services de paiement mobile au Mali, a fait savoir qu’il avait l’intention de faire une demande de licence de prestataire de services de transfert d’argent électronique. 46. Les services actuels de banque mobile doivent être élargis pour ne plus se limiter aux services de paiement de base par téléphone mobile pour inclure un menu plus complet de services d’envois de fonds, de produits d’épargne, de crédit et d’assurance . À l’heure actuelle, l’argent mobile sert essentiellement à effectuer des transferts de personne à personne et des opérations de paiement et d’encaissement, bien qu’il permette aussi de régler des factures et d’obtenir d’autres services. De plus amples efforts devront être déployés pour élargir le réseau d’agents, les points où cet argent est accepté et son utilisation. Les prestataires collaborent déjà avec plusieurs ONG. et bailleurs de fonds pour effectuer des transferts sociaux aux bénéficiaires. Assurer un accès quasi- universel à ces services permettra de réduire l’informalité au sein de l’économie et d’approfondir et d’élargir les circuits du secteur financier. 47. Bien que la conception et la promotion de produits incombent aux prestataires du secteur privé, l’État a un rôle important à jouer en encourageant le recours aux services financiers numériques. Il serait possible d’accélérer cette évolution en faisant passer les systèmes de paiement de masse de plateformes en espèces à des plateformes numériques, notamment les paiements de l’État au titre des salaires et les autres paiements de l’État à des personnes (G2P), comme les pensions et les transferts sociaux ; les paiements de l’État à des entreprises (G2B), et les paiements de personnes à l’État (P2B) comme les redevances et les impôts. L’État devrait, dans toute la mesure du possible, réduire ou éliminer l’emploi d’espèces et transférer tous les paiements vers des comptes bancaires ou des comptes d’argent électronique, pour donner une impulsion majeure à l’élargissement de l’inclusion financière. 48. Les récentes réglementations au terme desquelles les banques doivent offrir certains services bancaires gratuitement réduiront le coût des services bancaires et 12 Orange Money a actuellement 2 500 000 comptes, soit environ deux fois plus que le nombre de comptes d'argent électronique indiqué pour la totalité des prestataires à la fin de 2013. - 32 - pourront contribuer à promouvoir une plus grande inclusion financière. De nouvelles réglementations ont été publiées en octobre 2014, au terme desquelles les banques doivent offrir 19 services gratuitement. La plupart (mais non la totalité) des services figurant sur la liste sont gratuits dans la plupart des régions du monde (dépôts et retraits d’espèces, transferts interbancaires et retrait d’argent aux billetteries, relevés mensuels, etc.). La perception de frais récurrents au titre d’opérations courantes a pour effet de réduire l’épargne et de décourager les particuliers — en particulier ceux qui ont de faibles revenus et qui ont des rentrées d’argent irrégulières — d’ouvrir ou d’utiliser un compte bancaire. VII. Recommandations 49. Le tableau ci-après récapitule les principales recommandations formulées par la mission pour promouvoir un secteur bancaire stable, inclusif et efficace contribuant à la croissance économique et au développement. Tableau 10. Principales recommandations Principales recommandations Responsabilité Priorité CT/MT Réglementations et supervision bancaire En prévision du passage à Bâle II/III et de BCEAO; CB H CT l’adoption des IFRS, envisager d’obliger le classement des prêts lorsqu’ils sont en arriéré de 90 jours et non pas de 180 jours Envisager de ramener le plafond applicable aux BCEAO; CB; H MT prêts sur une seule signature de 75 à 25 % du Council of capital Ministers Mettre en place une supervision transfrontalière BCEAO; CB M MT consolidée Veiller à ce que la poursuite du passage à un BCEAO; MoF M CT compte unique du Trésor (Phase II) s’effectue sans causer de problèmes de liquidités ni de contraction des crédits à l’économie Divulgation de l’information, transparence et protection du consommateur Renforcer les obligations de divulgation de BCEAO; CB M MT l’information en exigeant l’application de méthodes standards pour calculer et publier les - 33 - coûts totaux et les rendements et divulguer les conditions de base Renforcer les mécanismes de règlement des BCEAO; CB M MT différends en établissant des normes minimales pour le traitement interne des plaintes par les IF ; et mettre en place un mécanisme efficace de règlement des différends rapide et peu onéreux Publier et diffuser plus fréquemment des BCEAO; CB M MT informations à jour et détaillées sur le secteur bancaire, sous une forme facilement accessible Envisager d’exiger des banques qu’elles passent BCEAO; CB M MT en charge les créances douteuses après un délai raisonnable Élargissement et approfondissement des marchés Procéder à des enquêtes périodiques sur la État malien M MT demande des entreprises et des particuliers en matière de financement pour obtenir des informations sur lesquelles baser la formulation des politiques Promulguer une loi spéciale pour le crédit-bail Autorités M CT couvrant, entre autres, les questions fiscales et régionales et/ou de recouvrement des biens qui entravent le nationales développement de ce produit (Conseil des ministres de l’UEMOA ou OHADA, et ministère des Finances) Reconsidérer certaines mesures qui encouragent BCEAO, H M les banques à investir dans des titres publics Conseil des plutôt que dans les crédits au secteur privé ministres (exemptions fiscales, pondération nulle des risques) Promouvoir un plus large recours aux services Prestataires du .H MT financiers numériques en déplaçant les services secteur privé et de paiement de masse de plateformes en utilisateur ; État espèces à des plateformes numériques, y et organismes compris les paiements de l’État comme les publics salaires, les pensions et les transferts sociaux ; - 34 - les paiements de l’État aux entreprises (G2B), et les paiements de personnes à l’État (P2B) notamment au titre des commissions et des taxes. Reconsidérer les plafonds de taux d’intérêt et État malien, M CT les primes de risques uniformes au titre des FGSP garanties émises par le FGSP. Encourager l’accroissement de la participation du secteur privé au capital. Infrastructure des marchés financiers Appliquer la récente loi portant création du Ministère des H CT Bureau d’information sur le crédit Finances, BIC, APBEF, services d’utilité collective et autres utilisateurs - 35 - Appendice 1 : Indicateurs de solidité financière 2009 2010 2011 2012 2013 Adéquation des fonds propres aux besoins Norme de fonds propres 7,7 13,7 11,7 11,4 12,9 Fonds propres/Total des 4,6 7,5 8,3 7,7 7,9 actifs Qualité des actifs Prêts improductifs 25,4 18,9 18,6 21,5 19,3 bruts/total des prêts Prêts improductifs nets 11,6 8,4 6,5 8,7 8,3 /total des prêts Provisions/prêts 61,4 60,6 68,8 63,4 62,1 improductifs bruts Prêts improductifs nets 82,9 44,8 38,7 50,8 52,1 /valeur nette Rentabilité Coût moyen des fonds 1,9 1,9 1,8 1,9 1,8 empruntés Taux d’intérêt moyen des 9,8 9,4 10,0 9,9 9,5 prêts Marge d’intérêt brut 7,9 7,5 8,2 8,0 7,7 Rendement de l’actif RDA 0,6 1,4 1,7 1,3 1,2 Rentabilité des fonds 6,8 8,6 14,9 12,5 14,1 propres Dép. hors intérêts/revenu 63,1 59,6 56,5 57,5 59,6 bancaire net Liquidité Ratio prêts/dépôts 72,2 82,6 88,0 88,5 89,7 Actifs liquides/Total des 33,8 32,7 36,7 34,8 34,4 actifs Actifs liquides / 61,2 92,9 89,4 90,0 98,0 engagements CT