33457 NoteFocus No 27 MAI 2005 PROTECTION DES EMPRUNTEURS DANS LE SECTEUR DE LA MICROFINANCE Partout dans le monde, la communauté de la microfinance porte désormais une plus grande attention à la protection des consommateurs. Certains aspects controversés de la microfinance, tels que le niveau élevé des taux d'intérêt et le surendettement des emprunteurs, ont amené les pouvoirs publics de nombreux pays, aussi divers et Les auteurs de cette Note variés que la Bolivie, le Bangladesh et l'Afrique du Sud, à s'inquiéter de la situation Focus sont Davis Porteous, des consommateurs pauvres. Toutefois, on ne dispose que de relativement peu d'élé- consultant, et Brigit Helms, ments sur la manière d'assurer la protection des consommateurs de services financiers spécialiste sénior de la microfinance au CGAP. destinés aux pauvres. Le succès avec lequel la microfinance a prouvé que les pauvres peuvent et veu- Le CGAP, Groupe consultatif lent rembourser leurs emprunts a encouragé des prêteurs commerciaux à pénétrer d'assistance aux pauvres, est un consortium formé par 29 certains marchés, et l'on peut compter que ce processus se poursuivra à l'avenir. agences de développement L'accroissement de la commercialisation du marché a eu pour effet d'exposer plus qui appuient la microfinance. clairement les problèmes que rencontrent les consommateurs. Si l'intensification De plus amples informations sont disponibles sur le de la concurrence est susceptible de donner accès aux services financiers à un site web du CGAP : nombre croissant de personnes, cette même concurrence peut aussi entraîner l'entrée www.cgap.org. en scène de prêteurs moins soucieux du respect de principes de responsabilité sociale que ne le sont les institutions de microfinance spécialisées (IMF). Les emprunteurs vulnérables sont donc plus exposés à des pratiques de crédit qui peuvent être abusives. Cet état de fait retient à présent l'attention des organismes de réglementation et des responsables politiques. Sur le plan moral, les arguments en faveur d'une protection des consommateurs de microfinance mettent l'accent sur l'inégalité des rapports de force entre prêteurs et emprunteurs. Les clients analphabètes, les consommateurs qui s'adressent pour la première fois à des établissements de microfinance, ou encore les personnes dont la langue et l'ethnie sont différentes de celles du personnel des institutions financiè- res, sont particulièrement vulnérables. Même les emprunteurs qui ont un niveau de revenu moyen et sont relativement instruits peuvent ne pas être suffisamment bien informés de leurs droits et peuvent être poussés à prendre des décisions d'emprunt peu judicieuses. Abstraction faite des arguments moraux, il peut être également souhaitable pour des raisons stratégiques de promouvoir ou d'appuyer la protection des consomma- teurs. Un certain nombre de pays ont imposé un plafonnement des taux d'intérêt, Edifier des systèmes financiers accessibles aux pauvres ou envisagent de le faire, au nom de la protection des différends, et l'éducation du consommateur. des clients1. Malheureusement, ces plafonds finis- Ces mesures peuvent être appliquées de différen- sent par porter préjudice aux consommateurs les tes manières tout au long du cycle de crédit. (Voir plus pauvres et les plus vulnérables en réduisant les exemples donnés dans l'encadré 1.) leur accès au crédit. Il peut être plus constructif de renforcer les mesures de protection du consomma- Obligations d'information teur que d'imposer de nouveaux plafonds aux taux Toutes les mesures de protection du consommateur d'intérêt ou d'abaisser les plafonds existants. Les reposent sur la fourniture d'informations adéqua- prêteurs comme les décideurs politiques peuvent tes sur les conditions dont sont assortis les crédits. préférer une telle démarche si elle leur permet De nombreux pays ont adopté des lois sur l'infor- d'éviter de compromettre la viabilité du secteur mation du consommateur, telles que les règles de tout entier en plafonnant les taux d'intérêt de « publicité loyale ». Celles-ci exigent généralement manière artificielle. que le prêteur indique clairement les taux d'inté- La plupart des pays en développement n'ont rêt et les conditions applicables aux prêts dans les pas les cadres légaux ou réglementaires perfection- contrats et autres documents accessibles au public, nés mis en place dans les pays développés pour comme en témoignent les exemples ci-après : protéger le consommateur. L'intérêt grandissant En Afrique centrale, la loi de 2002 sur la porté à l'application des principes de protection microfinance exige des IMF qu'elles indiquent du consommateur dans le domaine de la micro- le taux annuel effectif global (TAEG) en l'insé- finance ne repose donc que sur peu d'éléments rant dans les contrats de prêt et en l'affichant concrets. La présente note a pour objet de préci- dans leurs locaux. Une formule de calcul du ser quelque peu l'état des connaissances actuelles TAEG, claire et précise, est établie par décret et de suggérer certains points sur lesquels les par le gouverneur de la banque centrale. Les débats pourraient porter à l'avenir. Elle définit responsables du contrôle des banques ont déjà les deux principales démarches qui peuvent être imposé des amendes à plusieurs IMF ayant adoptées pour assurer le respect des mesures de contrevenu à cette règle d'information2. protection -- les codes de conduite volontaires En 2000, la superintendance bancaire pana- et la réglementation du secteur par l'État -- méenne de contrôle des banques a publié une dans le contexte des pays en développement. résolution obligeant les banques à communi- quer à leurs clients le taux d'intérêt effectif et la Qu'entend-t-on par protection du nature du produit en même temps que d'autres consommateur ? informations3. La Commission européenne a proposé, en La protection du consommateur renvoie à tous les 2005, un projet de directive portant sur le cré- moyens nécessaires pour protéger les intérêts des dit à la consommation dans les pays membres consommateurs (qui, dans le cas du microcrédit, sont généralement des emprunteurs pauvres des pays en développement) et pour leur donner des 1 Pour de plus amples informations sur l'impact du plafonnement des moyens de connaître leurs droits et de prendre des taux d'intérêt sur les emprunteurs pauvres, se reporter à l'Étude spé- ciale n° 9 du CGAP intitulée « Le plafonnement des taux d'intérêt et la décisions judicieuses et fondées. Les principales microfinance : qu'en est-il à présent ? » de Brigit Helms et Xavier Reille catégories de mesures de protection du consomma- (Washington, CGAP 2004). 2 teur sont les obligations d'information, les interdic- Entrevue avec Henry Madrenes, chargé de l'assistance technique à la Banque centrale des États de l'Afrique centrale (BEAC), avril 2004. tions et obligations des prêteurs dans la pratique du 3 Superintendencia de Bancos, Republica de Panama, General Resolu- crédit, les mécanismes de traitement des plaintes et tion No. 3-2000, www.superbancos.gob.pa. 2 Encadré 1 Protection du consommateur durant le cycle du prêt Stade du cycle Risque(s) d'abus Exemples de mesures de protection Avant la vente Publicité mensongère ou trompeuse (taux Obligation d'indiquer toutes les commis- d'intérêt des prêts, par ex.) sions applicables et de présenter les taux d'intérêt sous un format standard Techniques de vente inappropriées (par Interdiction de certains types de techniques exemple vente agressive dans le cadre de de marketing visites à domicile) Demande de dessous de table Suivi du comportement des prêteurs pour éliminer les dessous de table Lors de la vente Formulation inappropriée du contrat Obligation (ou recommandation) d'utiliser des contrats types indiquant l'intégralité des coûts et autres conditions Octroi irresponsable de prêt (sans tenir Adoption de lois sanctionnant l'octroi irres- dûment compte de la capacité de rembour- ponsable de prêts sement de l'emprunteur) Discrimination injuste au niveau des déci- Obligation de justifier le rejet d'une sions d'octroi demande de prêt Imposition de pénalités en cas d'annulation Instauration d'une période « de du prêt quelques jours après la vente réflexion » obligatoire durant laquelle l'em- prunteur peut annuler son emprunt sans encourir de pénalité Après la vente Enregistrement inexact des remboursement Obligation pour les prêteurs de fournir des de l'emprunteur relevés de compte périodiques Méthodes illégales de collecte des rembour- Obligation pour les prêteurs de suivre les sements procédures légales établies pour recouvrer les montants exigibles Mesures prises à l'encontre d'un emprun- Mise en place de procédures de règlement teur qui n'a aucun recours légal ou est sans des différends ne passant pas par les tribu- défense naux Comportement abusif durant le processus de Interdiction de recourir à certaines pratiques collecte des remboursements de collecte des remboursements Communication à une autre entité d'informa- Obligation d'obtenir la signature de l'em- tions sur l'emprunteur prunteur avant de communiquer à une autre entité des informations le concernant de l'Union européenne, qui aura un impact sur fiche d'information appelée « Schumer Box » la microfinance dans les nouveaux pays mem- (du nom du sénateur qui a fait adopter cette loi bres d'Europe de l'Est. La directive prévoit par le Congrès), qui regroupe dans un tableau d'importantes obligations d'information (par toutes les informations requises (notamment exemple, tous les contrats de crédit doivent indiquer le coût total du prêt exprimé sous 4 Julie Robie, "EU Consumer Protection Laws Requiring MFI Com- pliance" (mémorandum interne, 1er avril 2004). Se reporter à la direc- forme de TAEG, et tous les prêteurs doivent tive initiale sur le crédit à la consommation titre officiel : « Directive utiliser la même formule pour calculer ce 87/102/CEE du Conseil du 22 décembre 1986 relative au rapproche- taux)4. ment des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation » (Bruxelles, AuxÉtats-Unis,lesprêteurssontdansl'obligation Belgique : Commission européenne, 22 décembre 1986, europa.eu.int/ d'inclure dans tous les contrats de crédit une comm/consumers/cons_int/fina_serv/cons_directive/index_en.htm. 3 les conditions et les taux). L'inclusion de ce prêt abusives. Ces dernières recouvrent une large tableau a été rendue obligatoire par la loi des gamme d'actions, telles que la consolidation inu- États-Unis sur l'information des emprunteurs tile de dettes à un taux plus élevé ou le prélève- intitulée « Truth in Lending Act »5. ment de commissions indues, qui ont pour effet La communication d'informations assure un d'imposer au consommateur une charge intenable certain degré de protection aux consommateurs ou inutile. Pour prévenir de telles pratiques, il est car la large diffusion de données comparables sur possible d'adopter des règles qui déterminent le le coût réel des prêts permet aux emprunteurs de niveau maximum acceptable d'endettement en rechercher les crédits les plus avantageux. Elle peut fonction du revenu de l'emprunteur et de sanc- également avoir pour effet de stimuler la concur- tionner les prêteurs qui contreviennent auxdites rence au niveau des prix et, ce faisant, provoquer règles en commettant des abus. Mais ces règles un abaissement des frais et des taux d'intérêt, ne sont applicables que s'il existe une centrale des profitant à terme aux consommateurs. Par ailleurs, risques à laquelle tous les prêteurs sont tenus de dans les pays dotés de centrales des risques, certai- déclarer leurs nouveaux prêts, de manière à ce que nes obligations d'information pourraient permettre les prêteurs qui envisagent de consentir un crédit aux clients d'avoir accès à leur dossier de crédit à puissent déterminer le volume des engagements tout moment ou de limiter la possibilité pour les de leur client potentiel. prêteurs de fournir à d'autres entités des informa- Il existe d'autres méthodes, plus simples ; par tions sur la performance de leurs emprunteurs. exemple, les emprunteurs peuvent être autorisés à annuler un contrat de prêt sans encourir de pénali- Pratiques interdites et obligations des tés pendant une période déterminée (dite période prêteurs de réflexion) suivant immédiatement la signature du Les normes, règles et lois qui régissent les pratiques contrat, ou à procéder au remboursement anticipé de crédit interdisent ou limitent certains types de leur emprunt sans devoir régler de pénalités ou de comportement indésirables. Elles peuvent se en acquittant des pénalités peu élevées. L'Afrique rapporter à n'importe quelle étape du cycle d'em- du Sud s'apprête à adopter une autre stratégie. prunt mais concernent le plus souvent celles de Le projet de loi sur le crédit à la consommation l'octroi du prêt et du recouvrement des montants (Consumer Credit Bill) qui doit entrer en vigueur en arriéré. Ces étapes sont généralement celles en 2005 exige des prêteurs qu'ils prennent des auxquelles les consommateurs sont les plus vulné- « mesures raisonnables » pour déterminer la capa- rables. Les règles peuvent avoir pour objet d'atté- cité de remboursement d'un emprunteur avant de nuer les pressions que les agents de prêt peuvent lui accorder un prêt6. Il habilite aussi l'organisme exercer sur des clients potentiels pour les amener à de réglementation du crédit à publier des directives emprunter. Au stade du remboursement, les mesu- pour l'évaluation de la capacité d'endettement des res de protection peuvent désigner les techniques emprunteurs potentiels. jugées inappropriées ou coercitives, voire même La tarification est l'un des aspects les plus aller plus loin et déclarer ces techniques illégales controversés des activités des prêteurs. L'un des tout en donnant aux consommateurs le droit à réparation lorsqu'ils sont victimes du recours à de 5Pour de plus amples informations, se reporter à Comptroller of the telles techniques. Currency, Administrator of National Banks, Truth in Lending Act: Dans les pays développés, les organismes de Comptrollers Handbook (Washington, US Department of the Treasury, décembre 1996), www.occ.treas.gov/handbook/til.pdf. réglementation sont, depuis quelques années, 6"Consumer Credit Bill," Government Gazette 26678 (17 août 2004), de plus en plus préoccupés par les pratiques de www.dti.gov.za/ccrdlawreview/consumercredit/gaz26678.pdf. 4 grands objectifs de la protection du consomma- mateurs, et des organismes professionnels peuvent teur consiste à éviter l'imposition à ce dernier de mettre en place des bureaux de médiation ou commissions et de taux intérêt exorbitants. Dans autres agents chargés de résoudre les questions certains pays, l'État s'efforce de réduire ce risque que les consommateurs ne peuvent pas régler via des lois sur l'usure qui plafonnent les taux d'in- directement avec les institutions membres. Ce térêt7. Il est, toutefois, souvent difficile de détermi- type de mécanisme d'application des règles basé ner à quel niveau commence l'usure. sur les plaintes offre un moyen relativement peu L'engagement pris par ACCION International- onéreux de faire respecter les règles ; toutefois, de Microfinance Network (MFN) envers les consom- nombreux cas d'abus ou de mécanismes abusifs ne mateurs (Encadré 2) relève d'une démarche sont pas déclarés ou détectés. En Afrique du Sud, volontaire, non imposée, qui a pour objet de le Conseil de réglementation de la microfinance mettre les consommateurs à l'abri du paiement de (Micro Finance Regulatory Board ­ MFRC) a taux d'intérêt exorbitants. Ses auteurs font claire- mis en place un système de numéro de téléphone ment état de leur détermination à demander des vert permettant aux consommateurs de contacter « taux équitables..... qui ne génèrent pas de profits un responsable du traitement des plaintes, qui excessifs mais garantissent que cette branche d'ac- examine ces dernières et les cas d'abus présumés9. tivité peut survivre et se développer pour servir Lorsqu'il a été établi qu'un prêteur a contrevenu un plus grand nombre de clients. » En revanche, aux règles du MFRC, des mesures disciplinaires MicroFinance South Africa (association d'entités sont prises, qui vont de l'imposition de sanctions commerciales de microfinance en Afrique du Sud) audit prêteur à son expulsion du Conseil (ce qui présente la question en termes plus généraux dans revient, en pratique, à mettre un terme à ses acti- le code de conduite qu'elle a établi pour ses membres : vités de microfinance). La législation sud-africaine « L'association est d'avis que ce sont les forces du sur le crédit permet également aux consommateurs marché qui doivent, sans aucune contrainte artifi- d'avoir accès, à faible coût et relativement rapide- cielle, déterminer les taux d'intérêt. Les membres ment, au système judiciaire via des tribunaux spé- de l'association doivent donc demander des taux ciaux compétents pour les questions de protection intérêt qui sont fonction du marché. Si nécessaire, du consommateur10. l'association peut, à sa seule discrétion, formuler une opinion sur ce qui constitue un taux d'intérêt excessif par référence aux forces du marché8. Éducation du consommateur Il est difficile de déterminer jusqu'où un taux L'éducation du consommateur est généralement est juste et à partir de quand il devient excessif, considérée comme une stratégie de protection d'autant plus que le contexte local varie et que fondamentale. Le plus souvent, les consommateurs les conditions du marché évoluent. Les pays dont sont vulnérables parce qu'ils ne peuvent pas fon- les taux d'intérêt ont été libéralisés comptent sur les effets conjoints de la communication des taux d'intérêt et de la concurrence entre prêteurs pour 7Se reporter à l'étude de Helms et Reille « Le plafonnement des taux promouvoir, à terme, des taux équitables. d'intérêt et la microfinance » pour une présentation détaillée de cette question. 8"Consumer Credit Bill," Government Gazette 26678 (17 août 2004), Mécanismes de gestion des plaintes et des www.dti.gov.za/ccrdlawreview/consumercredit/gaz26678.pdf. différends 9Pour de plus amples informations, se reporter à l'étude de Helms et Reille « Le plafonnement des taux d'intérêt et la microfinance ». Les prêteurs peuvent employer des agents spécia- 10 Comme le projet de loi « Consumer Credit Bill », en Afrique du lisés dans le traitement des plaintes des consom- Sud. 5 der leurs décisions sur des informations précises, minés par des organisations non gouvernementales ni faire respecter leurs droits contractuels ou (ONG) avec l'appui financier de fondations phi- statutaires. Pour que les mesures de protection lanthropiques. Par exemple, Citigroup Foundation telles que les obligations d'information, les règles a entrepris d'intensifier ses activités dans ce domaine relatives aux pratiques de prêts et les mécanismes en finançant des ONG du monde entier à hauteur de traitement des plaintes, soient efficaces, il faut de près de 10 millions de dollars par an12. que les consommateurs connaissent les produits La communauté de la microfinance ne s'est jus- et leurs droits. Bien informés, ces derniers sont qu'à présent guère préoccupée de l'éducation du non seulement moins exposés aux abus de prê- consommateur. Un récent document de travail du teurs, mais aussi mieux en mesure de rechercher Projet d'éducation financière note, en conclusion, une solution et de solliciter des réparations s'ils qu'il existe « très peu d'exemples d'efforts déployés ont été traités de manière abusive. L'éducation du pour développer les compétences financières des consommateur apprend aux emprunteurs com- clients de la microfinance ou d'autres groupes de ment se procurer les bonnes informations à diffé- clients ciblés par ces programmes »13. Cette assertion rents stades du cycle du prêt pour pouvoir prendre est basée sur les travaux consacrés sur trois conti- des décisions d'emprunt judicieuses. nents aux grands thèmes de la gestion de l'argent, Il importe de faire une distinction entre l'édu- de la gestion de la dette, de la gestion de l'épargne, cation du consommateur et les activités menées au des négociations financières et du recours aux ser- stade préliminaire de la vente d'un produit ou d'un vices bancaires. Les exemples émanant des pays en service. Par exemple, dans le cas d'un crédit habitat, développement sont peu nombreux ; le document l'éducation du consommateur ne commencera pas de travail n'indique que trois programmes : la ban- par un examen des différentes catégories de prêts que SEWA (Self Employed Women's Association habitat disponibles. Elle commencera par l'examen Bank) en Inde, World Education au Népal et l'Or- des différents statuts d'occupation -- de la location ganisation des Nations unies pour l'alimentation et à la propriété -- après quoi elle couvrira la gamme l'agriculture (FAO) en Zambie. des instruments financiers (y compris l'épargne) qui peuvent être utilisés pour chaque option. Problèmes de mise en oeuvre L'éducation du consommateur en matière d'em- prunt (microcrédit compris) vise à promouvoir l'ac- Bien que beaucoup s'accordent sur le principe de quisition de connaissances de base « permettant de l'adoption de mesures protégeant le consomma- prendre des décisions fondées ainsi que des mesures teur ou favorables à ce dernier, leur opinion diffère avisées dans des domaines qui ont un impact sur la parfois fortement sur la méthode d'application santé et le confort financiers du consommateur »11. de ces mesures. Les méthodes qui peuvent être Elle recouvre le renforcement des compétences en gestion financière de base, notamment aux fins de la préparation du budget du ménage, ainsi que 11Voir ECIAfrica, « Financial Literacy Scoping Study and Strategy Pro- l'explication de différents concepts tels que les taux ject Report » (étude parrainée par FinMark Trust, Vorna Valley, Afrique d'intérêt et l'inflation. Ces notions sont enseignées du Sud, 2004), i et section 7. 12Pour de plus amples informations, se rendre sur le site web de avec de bons résultats dans les écoles secondaires Citigroup Foundation, www.citigroup.com/citigroup/corporate/ de certains pays et peuvent être également être foundation. 13 intégrées dans les programmes d'éducation des Jennefer Sebstad, et Monique Cohen, « Financial Education for the Poor », Financial Literacy Project, Document de travail n°1 (Washing- adultes. La plupart des programmes d'éducation ton : Microfinance Opportunities, avril 2003), 11. www.microfinan- du consommateur sont offerts en des lieux déter- ceopportunities.org/publications/. 6 utilisées rentrent, de manière générale, dans deux être incitées à y adhérer et les institutions qui sont grandes catégories : déjà membres à le demeurer. L'autoréglementation de la branche d'ac- L'encadré 2 présente, à titre d'exemple tivité -- Les institutions appartenant à une d'autoréglementation, l'Engagement en faveur branche d'activité particulière constituent une des consommateurs adopté fin 2004 par les association dans le cadre de laquelle elles adhè- institutions membres d'ACCIÓN International rent volontairement à un code de conduite, et du MicroFinance Network (MFN). Le groupe conviennent de mécanismes de surveillance et de travail de MFN sur les politiques de défense de suivi du respect du code, et décident des des consommateurs, qui a formulé les termes de sanctions prises en cas de violation du code, cet engagement, s'emploie à présent à cataloguer telle que l'expulsion de l'association. les meilleures pratiques observées dans le cadre La surveillance assurée par l'Etat -- Un orga- de sa mise en application14. Les principes de cet nisme de réglementation public, une agence engagement couvrent les principales catégories de pour la protection du consommateur par exem- la protection du consommateur présentées dans ple, est autorisé à faire respecter la législation cette note. pertinente. Un système d'application par l'État de la légis- Le système de l'autoréglementation est souvent lation relative à la protection des consommateurs plus flexible et pragmatique que la surveillance par peut être lourd à gérer et bureaucratique. Il faut un organisme public car il reflète mieux les principes d'importantes ressources humaines et financiè- de la branche d'activité considérée. Dans le cas de res pour s'assurer que la loi est bien respectée et la microfinance, ce type de mécanisme risque moins pour procéder à des enquêtes efficaces en cas de de produire des mesures excessives qui ont pour plainte. Du fait de leur mission, les organismes de effet de réduire l'accès aux services financiers et il réglementation peuvent poursuivre les objectifs offre de meilleures perspectives d'élargir cet accès à de protection du consommateur de manière trop terme. Il présente toutefois un grave inconvénient exclusive, parfois au détriment de l'élargissement car, une fois qu'une institution a été expulsée d'une de l'accès aux services à ceux qui en sont toujours association pour n'avoir pas respecté les normes de exclus. Le système de réglementation par l'État cette dernière, l'association en question n'a plus présente en revanche l'avantage, par rapport à aucun pouvoir sur elle et elle peut poursuivre ses l'autoréglementation, de s'appliquer à toutes les pratiques abusives en toute impunité. Le recours institutions -- que celles-ci soient membres d'une à de mauvaises pratiques par des institutions non association professionnelle ou non. membres de l'association peut aussi compromettre L'une et l'autre de ces démarches présentent la réputation de la branche d'activité même si les des avantages et des inconvénients, mais ni l'une membres de l'association suivent, eux-mêmes, de ni l'autre ne constitue une solution universelle. La bonnes pratiques. Ce risque est particulièrement méthode qui convient le mieux à un pays déterminé élevé lorsqu'un nombre important d'institutions dépend de la maturité et de l'échelle des activités de non membres ou ayant été expulsées de l'associa- microcrédit ainsi que de l'étendue (perçue et réelle) tion opèrent librement sans assumer le coût du des abus dans ce domaine. Un système d'autoré- respect du code de conduite. Ce n'est qu'une fois glementation peut, lui-même, devoir être appliqué que les associations volontaires se sont faites une solide réputation de qualité dans la population 14Pour de plus amples informations, se rendre sur la page d'accueil de générale que les institutions non membres peuvent MFN, www.bellanet.org/partners/mfn. 7 en collaboration avec des agences publiques et doivent considérer avec soin toutes les consé- bénéficier de cette coopération (se reporter à la quences que de telles mesures peuvent avoir, dans section « Réglementation et application » de l'En- l'immédiat et à plus long terme. La mise en place gagement en faveur des consommateurs reproduit de protections excessives pourrait bien avoir des dans l'encadré 2). En fait, l'autoréglementation et effets allant directement à l'encontre des objectifs l'application des règles par l'État vont souvent de recherchés. Par exemple, au lieu de promouvoir pair. Toutefois, lorsque le pouvoir de l'État sup- l'institutionnalisation et l'intégration de la microfi- plante l'autoréglementation, les règles sont souvent nance dans le secteur financier formel, les mesures appliquées de manière trop rigide, ce qui peut avoir adoptées pourraient contraindre des IMF à opérer pour effet de décourager la concurrence et, en fin en dehors de tout cadre juridique, ce qui aurait très de compte, de réduire l'accès des pauvres aux ser- probablement pour effet de priver les emprunteurs vices de microfinance. de toute protection. Même dans les pays où les pratiques abusives à Conclusion l'égard des consommateurs ne posent pas encore de réels problèmes, il serait très souhaitable de pro- Il faudra beaucoup de temps pour surmonter les mouvoir l'éducation du consommateur et l'adop- problèmes posés par la protection du consom- tion de bonnes pratiques de manière à atténuer, mateur dans le domaine de la microfinance. Peu sinon éliminer complètement, les pressions qui de prêteurs ou décideurs songeraient à mettre en pourraient être exercées à terme en faveur d'une question les principes de la protection du consom- réglementation excessive. Les prêteurs opérant mateur. Cependant, il n'existe pas de réel consen- dans le secteur de la microfinance devraient envi- sus sur l'étendue et l'intensité des mesures qu'il sager de prendre volontairement des engagements convient de prendre ou les mécanismes qui doivent ou d'adopter des codes en vue d'assurer une réelle être mis en place pour les appliquer, en particulier protection au consommateur et d'instaurer une dans les pays en développement. Certains de ces culture de service à la clientèle. Il sera nécessaire derniers pays ont donc emprunté à des pays déve- de faire preuve de détermination à tous les niveaux loppés des mécanismes et des approches qui ne institutionnels pour assurer l'application des codes sont pas adaptés à leur propre situation, sans avoir déontologiques et des bonnes pratiques. Quel que procédé à une évaluation en bonne et due forme soit le cadre réglementaire de la protection du de leurs coûts et de leurs avantages, souvent avec consommateur, il est très possible qu'une démar- des conséquences imprévues. che réellement axée sur le consommateur soit en Dans les pays dans lesquels de fortes pres- fait la seule stratégie de survie à long terme des sions s'exercent au niveau politique en faveur de prestataires de services de microfinance sur des l'adoption de nouvelles mesures de protection, marchés concurrentiels. les organismes de réglementation et les décideurs 8 Encadré 2 Engagement en faveur des consommateurs (Pro-Consumer Pledge) d'ACCION International­Microfinance Network (MFN) Par la présente, les membres de Microfinance Network s'engagent à : · Appliquer ces principes dans leur propre organisation. · Encourager l'application généralisée de ces principes par les institutions de microfinance de leur pays · Collaborer avec les autorités réglementaires de leur pays, si nécessaire, pour promouvoir des directives ou des règles efficaces mais non excessives. · Sensibiliser les acteurs de la microfinance dans le monde entier à l'importance du respect de principes favorables au consommateur Principes Service de qualité. Les membres de MFN traitent tous les clients avec respect et dignité. Ils fournissent leurs services de manière aussi pratique et rapide que possible. Tarifs transparents. Les membres de MFN fournissent à leurs clients des informations complètes et faciles à comprendre sur le coût réel des prêts et des transactions et sur la rémunération de leur épargne. Tarifs équitables. Les membres de MFN fournissent leurs services à des taux équitables, qui ne génèrent pas de profits excessifs mais garantissent la survie et la croissance des activités pour servir un plus grand nombre de clients. Prévention du surendettement. Pour éviter le surendettement des emprunteurs, les membres de MFN ne prêtent pas à leurs clients des montants supérieurs à leur capacité de remboursement. Confidentialité des informations sur les clients. Les membres de MFN s'engagent à protéger les informations privées concernant leurs clients contre l'obtention par des tiers qui ne seraient pas légalement autorisés à en prendre connais- sance. Comportement déontologique du personnel. Les membres du MFN veilleront à ce que leurs employés observent des règles déontologiques strictes en ce qui concerne les conflits d'intérêt et les comportements contraires à la morale, en particulier ceux susceptibles de nuire aux clients (comme la corruption). Les employés qui ne respectent pas ces règles seront sanc- tionnés. Satisfaction de la clientèle. Les membres du MFN fourniront des canaux formels de communication avec les clients de façon à ce que ceux-ci puissent donner leur avis sur la qualité du service. Ces canaux incluront des mécanismes pour répondre aux éventuelles plaintes des clients. Intégration des principes favorables aux consommateurs dans les opérations. Les membres du MFN feront de l'orientation en faveur des consommateurs un principe pour la conduite de leur activité, à travers des efforts tels que la formation et les incitations du personnel, l'éducation financière des clients et les programmes de satisfaction clientèle entre autres Réglementation et application Le réseau reconnaît que, si, dans un monde idéal, toutes les institutions de microfinance respecteraient volontairement ces principes, la réalité est souvent différente. Les institutions de microfinance adhérant à ces principes ne doivent pas être pénalisées par la concurrence que peuvent leur faire des organisations moins consciencieuses. Dans ce cas, une action collective, entreprise par le secteur lui-même ou par les autorités réglementaires, peut devoir être menée pour assurer le respect des principes. Source : www.bellanet.org/partners/mfn. 9 Bibliographie ECIAfrica. « Financial Literacy Scoping Study and Strategy Project: Report ». Étude réalisée pour le compte de FinMark Trust, Vorna Valley, Afrique du Sud, 2004. Helms, Brigit, et Xavier Reille. « Le plafonnement des taux d'intérêt et la microfinance : qu'en est-il à présent ? ». Étude spéciale n° 9 du CGAP. Washington : Groupe consultatif d'assistance aux pauvres, septembre 2004. Disponible à l'adresse www.cgap.org/ publications/occasional_papers.html. Microfinance Gateway. « Q&A with Elisabeth Rhyne: ACCIÓN and MicroFinance Network's Pro-Consumer Pledge. » Washington. www. microfinancegateway.org/content/article/detail/21416 Rhyne, Elisabeth. « Taking Stock: Consumer Protection in Microfinance--A Non-Regulatory Approach ». Washington : Microfinance Gateway, octobre 2003. Disponible à l'adresse www.microfinancegateway.org/content/article/detail/21419. Robie, Julie. « EU Consumer Protection Laws Requiring MFI Compliance ». Mémorandum interne, 1er avril 2004. Sebstad, Jennefer, et Monique Cohen. « Financial Education for the Poor ». Financial Literacy Project, Working Paper No. 1. Washington : Microfinance Opportunities, 11 avril 2003. Disponible à l'adresse www.microfinanceopportunities.org/publications/. 10 Notes 11 NoteFocus No 27 N'hésitez pas à faire lire cette Note Focus à vos collègues ou à nous demander des exemplaires supplémentaires de ce numéro ou d'autres études. Le CGAP vous invite à lui faire part de vos commentaires sur cette étude. CGAP 1818 H Street, N.W. MSN P3-300 Washington, DC 20433 USA Tél : 202 473 9594 Fax : 202 522 3744 Courriel : cgap@worldbank.org Web : www.cgap.org