97217 MADAGASCAR – ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE RÉCENTE Avril 2015 Résumé éxécutif Le premier trimestre de l’année 2015 n’a pas connu de forte reprise de l’activité économique. Les tempêtes tropicales Chedza et Fundi et les fortes intempéries ont détruit des surfaces agricoles, des infrastructures et des habitations, en plus du lourd bilan humain. Les destructions de produits agricoles ont accéléré l’inflation, qui atteint 7,9% en mars. Le pouvoir d’achat des ménages a été érodé et l’activité économique a plutôt ralenti. Après une période de stabilité, l’Ariary s’est fortement déprécié en mars dans un contexte d’appréciation du Dollar. Deux évolutions positives peuvent néanmoins être notées. Les recettes fiscales collectées au premier trimestre ont augmenté de presque 20% par rapport à 2014. Le déficit commercial s’est réduit car la baisse des cours mondiaux de l’énergie a diminué le coût des importations alors que les exportations ont été moins touchées par la légère baisse des prix des matières premières et des produits agricoles. L’année 2015 pourrait encore être celle de la reprise économique grâce à la mise en œuvre du Plan National de Développement (PND). De nombreux investissements prévus dans le Plan de mise en œuvre du PND doivent être financés par des financements extérieurs et par le secteur privé. Afin de réaliser ce potentiel, des signaux forts de la part du gouvernement en faveur de la mise en œuvre des réformes prioritaires seront clef. L’annexe de ce rapport présente de nouveaux résultats issus du dernier round de l’enquête «A l’écoute de Madagascar», portant sur la satisfaction de vie et l’évolution du bien-être des ménages. Les mesures de bien-être subjectif confirment les indicateurs quantitatifs. La majorité des enquêtés se déclarent insatisfaits de leur niveau de vie et jugent que leurs revenus sont trop faibles pour couvrir leurs besoins. Presque la moitié des ménages pensent que leur bien-être s’est dégradé par rapport à 2008, essentiellement à cause du coût de la vie. 1|Page MADAGASCAR – ECONOMIC UPDATE Avril 2015 Exécutivé Summary The first quarter 2015 did not witness a strong economic rebound. Tropical storm Chedza and Fundi and heavy rains destroyed cultivated areas, infrastructure and houses, and took a heavy human toll as well. Damages to agricultural products led to higher inflation, which reached 7,9% in March. Household purchasing power has been eroded and economic activity has slowed down. After a period of stability, Ariary depreciated strongly in March as US dollar appreciated. Two positive changes can be pointed out, nevertheless. Fiscal revenue increased by 20% in the first quarter compared to the same period in 2014. Trade deficit narrowed as import value decreased due to the decline in international energy prices, while exports has not been affected significantly by the slight fall in raw materials and agricultural product prices. The economy could still rebound in 2015 with the implementation of the National Development Plan (PND). Numerous investments are expected in its implementation plan and need to be financed by foreign support and by the private sector. Strong signals from the government to implement urgent reforms are key in achieving this outcome. This report presents in annex the results from the last round of the «Listening to Madagascar» surveys, dealing with life satisfaction and the evolution of household well-being. Subjective well-being measures confirm quantitative indicators. The majority of households judge that they are unhappy with their standard of living and that their income is too low to cover household needs. Almost half of households think that their well-being declined compared to 2008, mainly because of the cost of living. 2|Page Secteur réel Les indicateurs disponibles ne montrent pas de reprise de l’activité économique lors du premier trimestre 2015. Au contraire, le nombre de nouveaux établissements formels de janvier à mars (3289) a reculé de plus de 30% par rapport au premier trimestre 2014. Le nombre de nouveaux travailleurs affiliés à la CnaPs est stable (+2% en variation annuelle). La consommation de produits pétroliers en volume a baissé (-3%), notamment la consommation de Jet Fuel qui dépend de l’activité touristique. Le nombre de touristes en janvier et février 2015 a diminué de 10% par rapport à l’année dernière. Il est plus élevé en décembre 2014 qu’en 2013, mais n’atteint pas le niveau de décembre 2012. Les crédits à l’économie par les banques ont stagné (-0,5%). Enfin, la baisse du pouvoir d’achat des ménages due à une augmentation récente de l’inflation (voir la section suivante) a ralenti l’activité économique domestique. Selon la loi de finances et le Plan National de Développement (PND), le taux de croissance du PIB projeté à 5% en 2015 (3% en 2014). Comme en 2014, il est tiré par les secteurs secondaires (+11%) et tertiaire (+5%) qui contribueraient respectivement à 34% et 46% de la croissance. Les industries extractives (+28%) continueront d’être la première source de croissance, en contribuant presque au quart du taux de croissance. La réhabilitation et construction d’infrastructures devraient permettre un rebond des constructions publiques (+13% au lieu de 3% en 2013 et 2014). Les autres branches qui contribueront le plus à la croissance sont le transport de marchandises, les services aux entreprises et ménages et le commerce. La forte croissance du BTP tirée par la mise en œuvre du PND pourrait entrainer des taux de croissance de 6 à 8% dans les branches industrie du bois, industrie métallique et matériaux de construction. La croissance des auxiliaires de transports pourrait être tirée par la hausse espérée du nombre de touristes et le transport de marchandises par la hausse des exportations. Les autres branches dynamiques, qui progresseraient chacune d’au moins 5% en 2015, sont l’agro-industrie, l’énergie, l’industrie du corps gras (huiles et savons), les zones franches industrielles et la banque. Ces prévisions du scénario de base restent sujettes à des risques à la baisse. En particulier, la prévision de croissance de la branche agriculture ne devrait pas se réaliser en raison des cyclones et fortes intempéries qui ont détruit des surfaces cultivées au cours du premier trimestre 2015. Ces évènements ont également détruit de nombreuses infrastructures rurales. La prévision de croissance du BTP et donc celles des branches liées pourraient être contrariées par un retard dans la concrétisation du PND, dont le plan de mise en œuvre est en finalisation. Prix L’inflation a augmenté et atteint 7,9% en glissement annuel au mois de mars 2015. Ce niveau d’inflation n’avait pas été atteint depuis octobre 2011. Corrigée des variations saisonnières1, la variation des prix s’est accélérée en mars (+1,6% par rapport à février) et atteint 2,3% depuis le début de l’année, tirée par les prix des produits vivriers transformés (+12,9% en glissement annuel), des produits de première nécessité (+10,9%), des produits alimentaires (+6,9%) et des logements et combustibles (+11,4%). Cette évolution s’explique par les cyclones et fortes intempéries qui ont touchés Madagascar en février et mars 2015, détruisant de nombreuses cultures et habitations. Ainsi, ce sont donc les produits alimentaires locaux qui ont le plus contribué à l’inflation annuelle et mensuelle. La majeure partie de l’inflation mensuelle s’explique en effet par la hausse des prix des 1 Une méthode d’ajustement simplifiée a été utilisée. 3|Page produits vivriers transformés, ou - selon la fonction des produits - par la hausse des prix des produits alimentaires. En particulier, les prix du riz ont progressé annuellement de 8,6% et de 3,8% en mars (corrigé des variations saisonnières). Quant à l’origine des produits, les prix des produits locaux ont augmenté de 8,2% en un an et de 1,7% en mars alors que ceux des produits importés ont augmenté de 6,7% en un an mais ont baissé de 0,1% grâce en mars à la baisse mondiale des prix de l’énergie. Graphique 1. Contribution des produits à Graphique 2. Variation annuelle de l'inflation annuelle et mensuelle (mars l'Indice des prix à la consommation 2015) 100% 14 80% 12 60% 40% 10 20% 0% 8 Variation annuelle Variation mensuelle 6 Service Privé 4 Service Public Produit Manufacturé Artisanal 2 Produit Manufacturé Industriel 0 avr.-10 avr.-11 avr.-12 avr.-13 avr.-14 avr.-15 janv.-10 juil.-10 juil.-11 juil.-12 juil.-13 juil.-14 oct.-10 oct.-11 oct.-12 oct.-13 oct.-14 janv.-11 janv.-12 janv.-13 janv.-14 janv.-15 Produit Vivrier Transformé Produit Vivrier Non Transformé Source : Instat, Indice des prix à la consommation n° 229 Finances publiques Les recettes fiscales collectées au premier trimestre ont atteint 638 milliards Ariary, soit 81% des prévisions et 103 milliards de plus qu’au premier trimestre 2014. Même si elles atteignaient 86% des prévisions de la loi de finance initiale au premier trimestre 2014, elles ont augmenté de 19% par rapport à l’année dernière. Cette hausse considérable est due à une augmentation de 24% des recettes fiscales domestiques par rapport au premier trimestre 2014, grâce au recouvrement d’arriérés. En effet, d’après les données provisoires, elles s’élèvent à 368 milliards Ariary, soit 91,5% des prévisions. Environ 40% de cette hausse des recettes domestiques s’explique par une augmentation des recettes de TVA domestique de 44,3 milliards Ariary par rapport à 2014. Le reste de la hausse s’explique par l’augmentation des recettes d’impôts sur les revenus, bénéfices et gains (+47,7 milliards Ariary), et dans une moindre mesure des droits d’accise et autres taxes2 (+18,3 milliards Ariary). Dans le même temps, les recettes fiscales douanières ont augmenté de 14% et sont de 270 milliards Ariary au premier trimestre 2015, d’après les données provisoires. Mais elles n’atteignent que 71% de la cible en raison des arriérés de remboursements des droits et taxes à l’importation pour les compagnies pétrolières qui font suite à leur suspension. Les recettes non fiscales n’ont été que de 3 milliards Ariary pour les deux premiers mois de l’année. 2 Il s’agit des impôts sur la propriété, des autres impôts sur les biens et services (en particulier sur les assurances) et du droit de timbre. L’ensemble de ces autres impôts ne représente que 3% des recettes domestiques au premier trimestre 2015. 4|Page Graphique 3. Revenues domestiques Graphique 4. Recettes douanières mensuels (en Mds MGA) mensuelles (Milliards ariary) 160 160 140 140 120 120 100 100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 0 Fév-14 Mars-14 Fév-15 Mars-15 Janv-14 Janv-15 Fév-14 Mars-14 Fév-15 Mars-15 Janv-14 Janv-15 Cible Réalisé Cible Réalisé Source : Ministère des Finances et du Budget / Direction Générale des Impôts – Direction Générale des Douanes. Données 2015 provisoires. Les dépenses engagées en capital ont été extrêmement faibles au premier trimestre 2015 (3,3 milliards Ariary en financement national contre plus de 45 en 2014), malgré les nombreuses destructions causées par les intempéries. Les dépenses engagées au cours du premier trimestre dans le cadre du budget général s’élèvent à 635,6 milliards Ariary, un chiffre proche de celui de 2014 et qui représente 13,6% du budget. Plus de la moitié (55%) de ces dépenses ont été utilisées pour le paiement des soldes, 31% pour le fonctionnement, 13,4% pour le paiement des intérêts de la dette et seulement 0,5% pour l’investissement. Le déficit public sur la base des engagements est contenu à 83,9 milliards Ariary pour les deux premiers mois de l’année. Le déficit public base caisse est à 193,1 milliards Ariary pour les deux premiers mois de l’année, soit une hausse de 153,5 milliards Ariary par rapport à 2014 qui s’explique surtout par l’apurement d’arriérés intérieurs (-109,2 milliards Ariary). Il est financé principalement par emprunt extérieur et par les opérations sur titre de la Banque centrale. Mais l’Etat n’a pas eu recours aux avances statutaires. En revanche, les opérations avec le système bancaire (hors Banque centrale) se sont à nouveau soldées par un remboursement net des bons du trésor par adjudication (BTA), pour un montant de 21,2 milliards Ariary fin février. Les nouveaux bons du trésor Fihary n’ont été souscrits qu’à 669 millions Ariary en février. Tableau 1. Situation des engagements de dépenses (en milliards Ariary) au 31 mars 2015 Type de dépense Crédit initial Montant engagé Taux d'engagement Intérêts 352.7 85.2 24.16% Solde 1651.6 350.0 21.19% Fonctionnement hors solde 1363.0 197.1 14.46% Structurelle 13.8 0.0 0% Investissement 1289.4 3.3 0.25% Total 4670.4 635.5 13.61% Source : Ministère des Finances et du Budget / DGCF 5|Page Secteur extérieur Le déficit commercial s’est réduit de moitié au premier trimestre 2015 par rapport à l’année précédente : il s’élève à USD 177 millions au lieu de 380 au premier trimestre 2014. Les importations en valeur ont diminué de 17% par rapport à l’année dernière. Plus de la moitié de cette diminution s’explique par la baisse de la facture énergétique grâce à la chute des cours mondiaux et une baisse de 15% du volume d’importation. En effet, le prix du baril de brut de Dubaï, dont provient l’essentiel des importations malgaches, a été divisé exactement par 2 entre le premier trimestre 2014 et le premier trimestre 2015, tombant à USD 52. Mais les prix commencent à augmenter légèrement. Le reste de la baisse des importations s’explique surtout par une diminution de 58% des importations de riz en volume. Celles-ci étaient exceptionnellement élevées au premier trimestre 2014, en partie en raison de la mauvaise récolte de 2013 suite à l’invasion acridienne. La valeur des importations de biens d’équipement de matières premières est restée stable. Les exportations en valeur ont augmenté de 12% par rapport au premier trimestre 2014, mais les évolutions sont très différentes selon les produits. Cette hausse a été tirée par les exportations de nickel (+43%) et de cobalt (+22%) mais aussi par celles de girofle qui ont triplé (+218%) et celles de vanille qui ont doublé (+117%) grâce à de très bonnes productions et une progression des prix à l’export de 5% pour ces deux produits agricoles. En revanche, les exportations de textile ont baissé de 26%, celles de crevettes et des conserves de thon ont chuté respectivement de 72% et de 78%. Par conséquent, malgré le retour de l’AGOA, les exportations des zones franches n’étaient que de USD 32 millions chacun des premiers mois de l’année au lieu de 50 millions en moyenne au premier trimestre 2014. Les exportations de produits pétroliers ont été divisées par deux. Les exportations de nickel suivent une tendance haussière mais connaissent de fortes fluctuations depuis juillet 2014 et ont baissé depuis le record de janvier en raison d’une baisse du volume exportée et d’une baisse des cours mondiaux de 9%. Graphique 5. Importations de Graphique 6. Exportations de nickel produits pétroliers (millions USD) (millions USD) 200 80 175 60 150 125 40 100 20 75 50 0 May-13 Jul-13 Sep-13 May-14 Jul-14 Sep-14 Nov-13 Nov-14 Jan-13 Mar-13 Jan-14 Mar-14 Jan-15 Mar-15 Jul-13 Jul-14 May-13 Nov-13 May-14 Nov-14 Jan-13 Mar-13 Sep-13 Jan-14 Mar-14 Sep-14 Jan-15 Mar-15 Source : Ministère des Finances et du Budget / Direction Générale des Douanes L’Ariary s’est déprécié de 10% par rapport au Dollar en valeur nominale. L’Ariary a connu une période de stabilité en janvier et février, après le décaissement des aides budgétaires, mais a décroché à nouveau à partir de mars. Alors que la balance commerciale était équilibrée en février, le déficit s’est creusé en mars (presque USD 100 millions) à cause de la baisse des exportations de nickel et de produits agricoles (vanille, girofle), ce qui a réduit l’achat d’Ariary par les acteurs pesant sur le marché des devises. Ce phénomène a pu être amplifié par des comportements spéculatifs consistant à ne pas rapatrier les recettes d’exportation ou à conserver les devises rapatriées dans un contexte mondial d’appréciation du Dollar. Ceci entraine un manque de devise sur le marché des changes. En raison de la chute du taux de change croisé USD/EUR puis sa légère reprise à partir de mi-mars, l’Ariary s’est apprécié par rapport à l’Euro jusqu’à début mars mais s’est ensuite déprécié de 6% au cours du même 6|Page mois, pour retrouver quasiment sa valeur de fin 2014. En termes réels, l’Ariary s’est déprécié de 7% par rapport au Dollar et s’est apprécié de 4% par rapport à l’Euro en raison du différentiel d’inflation. Graphique 7. Evolution du taux de Graphique 8. Evolution du taux de change MGA/USD change MGA/EUR 2,900 3,300 2,800 3,200 2,700 3,100 2,600 3,000 2,500 2,900 16-Feb 23-Feb 16-Feb 23-Feb 16-Mar 23-Mar 30-Mar 16-Mar 23-Mar 30-Mar 1-Dec 8-Dec 15-Dec 22-Dec 29-Dec 1-Dec 8-Dec 15-Dec 22-Dec 29-Dec 2-Feb 9-Feb 2-Feb 9-Feb 5-Jan 2-Mar 9-Mar 5-Jan 2-Mar 9-Mar 12-Jan 19-Jan 26-Jan 12-Jan 19-Jan 26-Jan Source : Banque Centrale de Madagascar La Banque centrale n’est pas intervenue sur le marché des changes face à cette dépréciation en utilisant ses réserves internationales. Celles-ci ont donc été préservées et ont atteint USD 789 millions à la fin du trimestre. Secteur monétaire Après une période de forte expansion au dernier trimestre 2014 (+8,5%), la masse monétaire (M3) a encore augmenté de 3,2% au cours du premier trimestre 2015. Jusqu’en février, seules les créances nettes sur l’Etat ont contribué à la croissance de la masse monétaire, via la baisse des avoirs de l’Etat auprès de la Banque centrale (-133,8 milliards Ariary) et des opérations sur titres de la Banque centrale en février (+193,7 milliards Ariary). Les avoirs extérieurs nets sont restés stables, avant d’augmenter de 7,6% en mars. A l’inverse, les crédits à l’économie par les banques de dépôts, la Banque centrale et le Trésor ont baissé de 0,8% durant le premier trimestre. La politique monétaire est donc restée prudente. Les créances douteuses, litigieuses ou contentieuses ont diminué et représentent 11,8% des crédits à l’économie en février 2015. Graphique 9. Evolution des agrégats monétaires (milliards Ariary) 3,500 7,000 3,000 6,500 2,500 6,000 2,000 5,500 1,500 5,000 1,000 4,500 Jul-14 Jun-14 Apr-14 May-14 Nov-14 Jan-14 Mar-14 Aug-14 Dec-13 Feb-14 Sep-14 Dec-14 Jan-15 Feb-15 Mar-15 Oct-14 Avoirs extérieurs nets Créances nettes sur l'Etat Crédits à l'économie M3 (axe droit) Source : Banque Centrale de Madagascar 7|Page Annexe : Analyse de l’enquête innovante sur le bien-être subjectif L’enquête à haute fréquence « A l’écoute de Madagascar » est une enquête innovante utilisant la téléphonie mobile. L’enquête est un projet initié par le PDIII et est mise en place par la Banque mondiale et l’Instat. Après des enquêtes sur l’inclusion financière, l’éducation, la fiscalité et gouvernance, l’électricité et transport des ménages, la santé, eau et assainissement, le 6ème round de l’enquête a porté sur la nutrition et la sécurité alimentaire au mois de janvier 2015 tandis que le 7ème round a porté principalement sur le thème de l’environnement. 1462 ménages ont été interrogés par téléphone en février et mars 2015. Ces ménages sont donc représentatifs des zones couvertes par le réseau de téléphonie mobile. Le «Policy Brief» a déjà traité les thèmes de la dépendance aux revenus tirés des ressources naturelles, les sources d’énergie domestique des ménages et la participation aux activités de préservations des ressources naturelles.3 Quelques questions de ce 7ème round non traitées dans le «Policy Brief» permettent également d’aborder le bien-être subjectif. Cette mesure constitue une alternative aux variables quantitatives comme le niveau de revenus ou de consommation pour évaluer le bien être de la population. Seuls 7% des enquêtés se déclarent satisfaits ou très satisfaits de leur vie. La majorité des enquêtés (55%) sont insatisfaits ou très insatisfaits de leur vie durant les 12 derniers mois. C’est le cas d’environ la moitié des enquêtés habitant en milieu urbain (50,5%) et de 58% des enquêtés en milieu rural. Ces résultats ne sont pas significativement différents de ceux obtenus par l’enquête Afrobaromètre 2013 réalisée en mars et début avril 2013 auprès de 1200 ménages.4 La satisfaction de la population n’a donc pas évolué de façon significative en un an, quel que soit le milieu d’habitation. Tableau 1 : Part des enquêtés selon le degré de satisfaction Réponse à la question «quel est le degré de satisfaction de votre vie durant les 12 mois passés?». 40% 30% 20% 10% 0% très insatisfait ni insatisfait satisfait très satisfait insatisfait ni satisfait Source : INSTAT/WB/HNI, A l’écoute de Madagascar_Environnement ; Février/Mars 2015. Les barres représentent l’intervalle de confiance à 95%. Les moyennes nationales cachent également des écarts selon la région, le niveau de vie et la taille du ménage. Cependant, il n’y a pas de différence selon le genre du chef de ménage. La part des enquêtés qui se déclarent insatisfaits ou très insatisfaits est significativement plus élevée dans les 3 3 Policy brief sur les principaux résultats sur le thème «environnement». Février-Mars 2015. http://www.instat.mg/doc/Policy%20Brief_Environnement_round7.zip 4 Cette enquête, également représentative au niveau nationale et stratifiée par milieu de résidence, pose la question suivante aux enquêtés : «comment décririez-vous vos propres conditions de vie actuelles ? Très mal, mal, ni bien ni mal, assez bien, très bien, ne sait pas.». 8|Page régions du Sud - Atsimo Andrefana, Androy et Anosy - et plus faible en Alaotra Mangoro.5 Or les taux d’extrême pauvreté sont aussi parmi les plus élevés dans les régions du Sud Androy (85%) et Anosy (74%) d’après le rapport «Visage de la pauvreté à Madagascar» (Banque mondiale 2014). Il faut aussi rappeler que l’enquête a eu lieu quand ces régions du Sud étaient touchées sévèrement par la sécheresse. Les différences sont plus importantes selon le niveau de vie des ménages. La part des enquêtés qui se déclarent très insatisfaits décroit avec le niveau de consommation : elle est d’environ 28% pour le quintile de consommation le plus pauvre, 18% pour le quintile médian et 13,5% pour les 40% les moins pauvres. La part d’enquêtés satisfaits ne varie pas selon le niveau de consommation. En revanche, c’est la part d’enquêtés se déclarant ni satisfait ni insatisfait qui est plus élevée pour le quintile le plus riche (48%) et le quintile médian (40%) que le quantile le plus pauvre (26%). Il est remarquable que même parmi les ménages appartenant au quintile le plus riche, 42% se disent insatisfaits ou très insatisfaits. Etant donné qu’environ 80% de la population vis sous le seuil d’extrême pauvreté, sortir de l’extrême pauvreté n’est donc pas suffisant pour être satisfait de sa vie à Madagascar. Le bien être subjectif n’est pas uniquement déterminé par le niveau de consommation. D’autres facteurs peuvent également avoir un impact sur la satisfaction, comme par exemple l’accès aux services sociaux (santé, éducation, électricité et eau). Or les enquêtes nationales auprès des ménages montrent que cet accès est très faible.6 La part d’insatisfaits ne diffère pas selon la taille du ménage mais la part de satisfaits ou très satisfaits décroit avec la taille du ménage : elle passe de 15% pour les personnes seules, 10% pour les ménages de deux personnes et 5% pour les ménages de 6 personnes ou plus. Cela s’explique par la forte corrélation négative entre taille du ménage et niveau de consommation. Tableau 2 : Satisfaction de vie des ménages selon le milieu d’habitation, le quintile de consommation et la taille du ménage (en %) Insatisfaits Ni l'un ni l'autre Satisfaits Urbain 50.5 42.3 7.2 Milieu d'habitation Rural 57.7 35.4 7.0 Quintile 1 (les 20% plus pauvres) 66.1 26.3 7.7 Quintile 2 62.2 31.4 6.4 Quintile de consommation Quintile 3 53.6 40.0 6.4 Quintile 4 48.7 46.0 5.3 Quintile 5 (les 20% plus riches) 42.2 48.3 9.5 1 42.8 42.2 15.1 2 52.8 37.6 9.6 Nombre de 3 55.4 38.1 6.5 personnes dans le ménage 4 53.7 37.7 8.6 5 54.6 39.8 5.7 6 et plus 59.0 36.0 4.9 Total 55.1 37.8 7.0 Intervalle de confiance à 95% [51.78 - 58.43] [34.69 - 41.07] [5.69 - 8.68] Source : INSTAT/WB/HNI, A l’écoute de Madagascar_Environnement ; Février/Mars 2015 5 Les pourcentages ne sont pas rapportés car le nombre d’enquêtés par région est faible. Pour autant, l’intervalle de confiance à 95% a été calculé. N’ont été rapporté que les régions pour lesquelles les proportions sont statistiquement différentes de la moyenne. 6 Le rapport «Visage de la pauvreté à Madagascar» (Banque mondiale 2014) montre que seuls 20% des ménages ruraux appartenant au quintile supérieur ont un accès à l’électricité et seuls 2% d’entre eux ont un accès à l’eau en 2010. 9|Page La majorité des ménages enquêtés (52,4%) déclarent que leurs revenus ou production alimentaire n’ont pas été suffisants pour couvrir leurs besoins. Les proportions ne sont pas différentes selon le genre du chef de ménage. La satisfaction est encore plus corrélée à la capacité de couvrir les besoins du ménage qu’au niveau de consommation : 73% des ménages qui n’ont pas eu assez de revenus pour couvrir leur besoin sont insatisfaits ou très insatisfaits. La proporti on d’insatisfaits tombe à 21% chez les ménages qui ont couvert leurs besoins. 65% des ménages appartenant au quintile de consommation le plus pauvres n’ont pas couvert leurs besoins, mais même 40% des ménages du quintile le plus riche n’ont pas couvert leurs besoins. En effet, les besoins des plus riches peuvent être aussi plus élevés car les aspirations augmentent avec le niveau de vie. Ce chiffre et ce phénomène permettent aussi d’expliquer la part similaire d’insatisfaits chez les 20% les moins pauvres ( 42%) soulignée au paragraphe précédent. La capacité des ménages à couvrir leurs besoins ne varie pas selon le milieu d’habitation mais selon la région. La proportion de ménages dont les revenus n’ont pas été suffisants pour couvrir les besoins est significativement plus élevée en Androy, en Vatovavy Fitovinany et dans les régions centrales Vakinankaratra et Amoron’i Mania ; et significativement moins élevée en Menabe, Analanjirofo et Boeny. Or les régions Androy, Vatovavy Fitovinany et Amoron’i Mania sont parmi les plus pauvres (taux de pauvreté extrême supérieurs à 75%) tandis que les taux de pauvreté extrême sont parmi les plus faibles (inférieur à 50%) dans les régions Boeny et Menabe d’après le rapport «Visage de la pauvreté à Madagascar» (Banque mondiale 2014). Tableau 3 : Pourcentage des ménages qui n’ont pu couvrir leurs besoins, selon le quintile de consommation ; réponse négative à la question «Est-ce que le ménage a eu des revenus ou une production alimentaire suffisante pour couvrir ce que vous considérez les besoins du ménage ?» 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Plus pauvres Quintile 2 Quintile 3 Quintile 4 Plus riches Total Source : INSTAT/WB/HNI, A l’écoute de Madagascar_Environnement ; Février/Mars 2015 Les barres représentent l’intervalle de confiance à 95%. Le bien-être perçu par les ménages s’est globalement dégradé par rapport à 2008, autrement dit par rapport à leur situation avant la crise. Presque la moitié des ménages pensent que leur bien- être est moins bon qu’en 2008, moins d’un quart (23%) pensent que leur bien-être est meilleur maintenant et le reste des ménages (27%) le jugent similaire. Ces proportions ne varient pas de façon significative selon le milieu de résidence ni selon le niveau de consommation actuel, mais selon la région. En effet, même 46% des ménages appartenant au quintile le plus riche jugent que leur bien-être s’est dégradé, ce qui n’est pas significativement différent des autres quintiles. Donc la crise a également touché les ménages actuellement au-dessus du seuil d’extrême pauvreté. La part des ménages qui jugent que leur bien-être s’est dégradée par rapport à 2008 est plus élevée dans le Sud en Androy et Anosy, mais aussi en Analamanga; et plus faible en Analanjirofo, Boeny et Alaotra Mangoro. Un quart des ménages dirigés par un homme jugent leur bien-être meilleur qu’en 2008 et 20% des ménages dirigés par une femme mais cette différence n’est pas significative. 10 | P a g e La moitié des ménages qui jugent que leur bien-être s’est dégradé par rapport à 2008 pensent que le coût de la vie en est la raison principale. Les autres causes avancées pour expliquer la dégradation du bien-être sont la perte ou le manque d’emploi (12%), le manque de revenu (9%), les aléas climatiques (9%), la crise politique (6%), un changement de situation familiale comme un divorce (5%), une maladie (2%), des tensions ou conflits locaux (2%). Les aléas climatiques tels que la pluie et la sécheresse ont été la cause principale de la dégradation du bien-être pour 20% des ménages les plus pauvres mais seulement 5% des ménages appartenant au quintile médian et 3% des ménages les plus riches. Il faut rappeler que l’enquête a eu lieu dans un contexte de fortes intempéries dans les régions centrales et de sécheresse dans le Sud. Au contraire, 8% des ménages appartenant au quintile supérieur évoque la crise politique mais seulement 2% des ménages les plus pauvres. Quelques particularités régionales sont notables. Le coût de la vie est la raison de la dégradation du bien-être pour la grande majorité des habitants des régions Atsimo Andrefana, Boeny et Melaky. La part des ménages expliquant la dégradation de leur bien être par les aléas climatiques est significativement plus élevée en Vatovavy Fitovinany, région victime des cyclones, et Androy où la sécheresse sévit régulièrement. Parmi les 23% de ménages qui jugent que leur bien-être s’est amélioré par rapport à 2008, 27% expliquent l’évolution par leurs revenus issus de leurs salaires ou de leurs ventes et la même proportion par l’obtention d’un emploi. Les autres raisons évoquées sont l’évolution des prix des produits (10%), un changement de situation familiale pour 9% d’entre eux (à noter qu’il s’agit essentiellement du travail des enfants qui ont grandi), un effort d’épargne ou de gestion des dépenses (8%), une bonne saison des pluies (3%) et le coût de la vie (2%). Conclusion Les mesures de bien-être subjectif ne dressent pas un meilleur tableau sur la situation des malgaches que les indicateurs de pauvreté monétaire, la majorité des enquêtés se déclarant insatisfaits de leur vie et jugeant leurs revenus trop faibles pour couvrir leurs besoins. Sur le plan méthodologique, les mesures de bien-être subjectif confirment donc celles de bien-être objectif. En effet, le niveau de consommation, a fortiori la capacité à couvrir ses besoins grâce au revenu, reste le principal déterminant de l’insatisfaction des ménages enquêtés. Celle-ci varie également selon la taille du ménage, le milieu de résidence ou la région, des variables toutes corrélées au niveau de pauvreté. Toutefois, vivre au-dessus du seuil d’extrême pauvreté ne semble pas être suffisant pour être satisfait dans la vie : si deux tiers des 20% les plus pauvres se déclarent insatisfaits, plus de deux cinquièmes des 20% les plus riches restent insatisfaits. La perception d’une dégradation du bien-être du ménage par rapport à 2008 existe dans toute la population malgache: elle ne varie pas significativement selon le niveau de consommation ou le milieu de résidence, même si elle est plus présente dans le Sud et la région d’Antananarivo. Parmi la moitié des ménages qui pensent que leur bien-être s’est dégradé, la moitié l’explique par le coût de la vie, puis 12% par le manque d’emploi. Les ménages les plus pauvres ont été particulièrement touchés par les aléas climatiques. Parmi le quart des ménages qui estiment que leur bien-être s’est amélioré, la majorité l’explique autant par l’obtention d’un emploi que par de bons revenus. Ces résultats confirment que le revenu est un déterminant principal du bien-être mais soulignent aussi le rôle de l’emploi à Madagascar, où le faible taux de chômage cache un sous-emploi massif.7 7 En 2012, le taux de chômage au sens du BIT est de 1,3 %, mais le sous-emploi lié à une situation d’emploi inadéquat (salaire inférieur au salaire minimum) touche 8 actifs occupés sur 10 tandis que le sous-emploi lié à la durée du travail (inférieure à 35h par semaine contre son gré) touche un actif occupé sur 10 (Ins tat, Enquête nationale sur l’emploi et le secteur informel 2012). 11 | P a g e