Note sur la Microfinance No. 12, July 2004 Contribuer à améliorer l'efficacité de l'aide REGLEMENTATION ET SUPERVISION DE LA MICROFINANCE Si l'on veut étendre la portée de la microfinance à un grand nombre de pauvres, elle devra forcément s'intégrer à des institutions disposant d'une licence et qui soient placées sous la supervision des autorités financières du pays. Une institution dotée d'une licence peut offrir des produits d'épargne à sa clientèle et multiplier son propre capital d'investissement en recueillant des dépôts. En raison des différences caractérisant la microfinance par rapport au secteur bancaire traditionnel, il sera nécessaire, dans la plupart des pays, d'adapter les lois et la réglementation afférentes au secteur bancaire, afin de prendre en compte les organisations dotées de licences exerçant une activité de microfinance. Il ne s'agit cependant pas d'une nécessité immédiate pour tous les pays. Définition de la réglementation et de la supervision en matière de microfinance Le terme « réglementation » désigne l'ensemble des règles établies par l'État en matière de microfinance. La « supervision» est le processus destiné à assurer le respect de ces règles. Les prestataires de microfinance qui acceptent des dépôts du public doivent être soumis à une réglementation « prudentielle ». Ce type de réglementation préserve leur bon équilibre financier afin de les empêcher de perdre les fonds des petits déposants et d'endommager la confiance que le public éprouve pour le système financier. La réglementation prudentielle -- qui impose par exemple des ratios d'adéquation du capital et qui régit les provisions pour pertes sur prêts -- est relativement ardue, radicale et coûteuse car elle impose tout à la fois de comprendre et de protéger l'équilibre fondamental d'une institution. Les règles « non-prudentielles », par exemple un processus d'élimination préalable des actionnaires/gérants inacceptables, ou l'imposition d'un processus transparent de présentation et de publication de rapports -- sont d'un maniement plus aisé dans la mesure où les pouvoirs publics n'ont pas à assumer la responsabilité de la solidité financière de l'organisation. La microfinance doit être traitée différemment des activités bancaires normales car les actifs de la microfinance se composent de nombreux petits prêts sans garantie. Les domaines pour lesquels il est généralement nécessaire d'adapter la réglementation concernent le plafonnement des prêts sans garantie, les ratios d'adéquation du capital, les règles concernant les provisions pour pertes sur prêts et le taux minimum de capital. La microfinance devrait-elle faire l'objet d'une réglementation ? Toute décision afférente à la réglementation de la microfinance devrait prendre en compte les considérations suivantes : · IMF n'offrant que des produits de crédit. La réglementation prudentielle n'est nécessaire que lorsqu'il convient de protéger des déposants, et elle n'est donc pas indiquée dans le cas d'IMF n'offrant que des produits de crédit et fonctionnant uniquement avec des capitaux provenant de bailleurs de fonds ou avec des prêts commerciaux. Ces IMF peuvent parfois ne nécessiter qu'une réglementation non prudentielle assez souple. · Organisations de petite taille d'implantation locale uniquement. Certaines organisations recueillant des dépôts ont une implantation si limitée et sont si isolées qu'il serait trop coûteux de les soumettre à un contrôle prudentiel efficace. Les institutions acceptant des dépôts en l'absence de toute supervision représentent un risque. Toutefois, les autres moyens d'épargne à la disposition de leurs clients (liquidités, bétail, etc.) peuvent entraîner un risque encore plus important : une décision de fermeture de ce type d'organisation peut ne pas améliorer la sécurité des déposants. La plupart des instances de réglementation confrontées à ce genre de situations ont accepté de laisser ces petits intermédiaires financiers poursuivre leur activité sans réglementation prudentielle ni supervision, tant que le volume de leur actif et le nombre de leurs clients demeurent inférieurs à des limites prédéterminées. · Conditions particulières de chaque pays. Si elles veulent préserver la sécurité des dépôts qu'elles recueillent, les IMF doivent avoir une rentabilité suffisante pour assumer leurs coûts, y compris les coûts financiers et administratifs, des dépôts recueillis. Dans la négative, elles subiront des pertes entraînant l'érosion des fonds confiés par les déposants. Il peut être préférable d'attendre le moment où un nombre suffisant d'IMF correspondent à ce critère avant de mettre en place un processus d'attribution de licence pour le secteur de la microfinance. On observe que dans les pays ayant mis en place une réglementation de la microfinance facilement et de façon efficace, la réglementation est en générale postérieure à l'émergence de l'industrie, et non le contraire. Pour tout commentaire, s'adresser au CGAP à : Alexia Latortue - alatortue@worldbank.org Privilégier les capacités de supervision avant, et non après, l'instauration de la réglementation Lorsque l'État accorde aux institutions financières une licence leur donnant le droit d'accepter des dépôts, il se porte garant, implicitement, envers les déposants de la sécurité de leurs fonds. Ces licences ne devraient être accordées aux IMF que si l'on peut raisonnablement garantir que cette promesse peut être tenue. À ce jour, on a pu faire les observations suivantes : · Dans les pays en développement et en transition, la capacité de supervision est généralement limitée. Les instances de supervision ont souvent fort à faire avec un système bancaire en désarroi qui représente évidemment leur préoccupation principale. · La mise en place de niveaux minimum de capital trop bas risque d'entraîner une prolifération des institutions de petite taille, portant le nombre des institutions au-delà des capacités de supervision du pays. Le niveau minimum de capital devrait atteindre un montant suffisant pour contenir le nombre d'institutions dans la limite de ce qui peut faire l'objet d'une supervision efficace. · Certaines banques centrales ont réussi à délégué une portion de la supervision à une autre instance, tout en conservant leur pouvoir et leur fonction de surveillance. On a toutefois observé le manque d'efficacité quasi général des systèmes « d'auto- supervision » exercés par des organismes administrés par les institutions faisant l'objet d'une supervision. · Le contrôle prudentiel des coopératives d'épargne et de crédit devrait être confié à une instance financière spécialisée et non à l'instance étatique responsable de toutes les coopératives. Quel est le rôle approprié des bailleurs de fonds en matière de réglementation de la microfinance ? · Dans les pays ayant promulgué des plafonnements des taux d'intérêt, les bailleurs de fonds devraient avant tout travailler à leur abrogation. Il leur incombe également de faire comprendre aux dirigeants et au grand public les raisons pour lesquelles les IMF se doivent de facturer des taux d'intérêt relativement élevés. · Dans certains systèmes juridiques, observés notamment chez les pays en transition anciennement socialistes, les institutions non bancaires (ONG par exemple) doivent disposer d'une autorisation explicite avant de pouvoir commencer à accorder des prêts. Les bailleurs de fonds devraient s'efforcer de faire modifier la réglementation afin que les institutions dont l'activité se limite à l'offre de crédit puissent le faire sans être assujetties à l'obtention de licences et à une supervision. · Avant d'accorder leur soutien à la conception d'un nouveau type de licence pour le secteur financier, les bailleurs de fonds devraient préalablement vérifier qu'une analyse financière et organisationnelle précise a confirmé l'existence d'IMF solides et capables d'obtenir une licence. Dans la négative, les bailleurs de fonds ne devraient pas faire de la réglementation du secteur de la microfinance une condition préliminaire à leur aide financière. La réglementation en Ouganda. Les bailleurs de fonds ont joué un rôle fort positif pour la mise en place de la législation promulguée en 2002 pour régir le secteur de la microfinance en Ouganda. Le moment était bien choisi en raison de la croissance du secteur ougandais de la microfinance et de la présence de trois à cinq IMF quasiment prêtes à devenir des institutions capables d'accepter des dépôts. GTZ (Agence allemande de coopération technique) a collaboré avec la Banque centrale ougandaise pour établir une structure assurant l'attribution de licences, la réglementation et la supervision des IMF recueillant des dépôts du public. En parallèle avec la banque centrale, le projet SPEED d'USAID travaille à renforcer la capacité de ces institutions pour leur apprendre à utiliser les dépôts de leur clientèle. L'avis des intervenants, ainsi que l'expertise technique approfondie des équipes des bailleurs de fonds, sont des facteurs essentiels pour la réussite. · Même si l'évolution du secteur de la microfinance n'en est pas encore au stade de la réglementation, les bailleurs de fonds devraient préparer le terrain en encourageant les IMF à adopter et à respecter des pratiques comptables saines et à publier leurs résultats financiers. · L'approche de la réglementation par les bailleurs de fonds devrait s'effectuer selon la perspective en vigueur dans le secteur financier traditionnel et il leur faut reconnaître que la microfinance peut être pratiquée par un grand nombre de types différents d'institutions, ce qui leur évitera de privilégier un modèle particulier. · Lorsque les bailleurs de fonds encouragent les pouvoirs publics d'un pays à accorder des licences aux IMF, il leur incombe d'inclure des experts en supervision au sein des équipes responsables de la conception de ces réglementations. Dans le même esprit, ils devraient s'assurer que les budgets consacrés à ces projets comprennent les ressources techniques et financières nécessaires pour assurer une supervision efficace. Un système de supervision permanent entraîne des coûts importants qui doivent donc figurer au budget. Auteur : Richard Rosenberg, avec la collaboration de Timothy Lyman et Joanna Ledgerwood et de l'équipe du CGAP. Le présent document est une synthèse du travail de Robert Peck Christen, Timothy Lyman et Richard Rosenberg : « Principes directifs en matière de réglementation et de contrôle en microfinance », Directives concertées pour la microfinance (Washington, D.C.: CGAP, 2003). Où trouver des informations supplémentaires ? Robert Christen et Richard Rosenberg : « The Rush to Regulate: Legal Frameworks for Microfinance », Étude spéciale du CGAP n° 4 (Washington, D.C.: CGAP, avril 2000). Hennie van Greuning, J.S. Gallardo et Bikki K. Randhawa : « A Framework for Regulating Microfinance Institutions » (Washington, D.C. : la Banque mondiale, 1999). A. Hannig et E. Katimbo-Mugwanya, édit.. : « How to Regulate and Supervise Microfinance? Key Issues in an International Perspective » (Kampala : Projet Banque d'Ouganda/Agence allemande de coopération technique (FSD), 2000). Ces documents figurent parmi d'autres sur le site internet www.microfinancegateway.org. Pour tout commentaire, s'adresser au CGAP à : Alexia Latortue - alatortue@worldbank.org