54997 No. 130 décembre 1999 Nigéria: Enquêtes consultatives visant à améliorer le secteur de l'enseignement primaire (traduit de l'Anglais) Historique L'objectif du projet Enseignement Primaire que finance la Banque mondiale est d'aider le gouvernement du Nigéria à revitaliser la qualité de l'enseignement primaire par le biais des mesures suivantes : fourniture de matériel pédagogique; remise en état des installations; relèvement du niveau de compétence des enseignants; réaménagement du système de gestion des écoles, d'inspection, de planification et de collecte d'information. Le projet prévoit d'atteindre ces objectifs en impliquant les partenaires concernés dans toutes les étapes des opérations. La Commission Nationale sur l'Enseignement Primaire (CNEP) a été mise en charge de l'exécution du projet. Cette Commission gère également un Fond National créé pour l'Enseignement Primaire et assure le contrôle de la qualité de l'enseignement. Dans le cadre de ses efforts visant à identifier les moyens les plus adéquats d'améliorer l'efficacité de l'enseignement primaire et de développer les plans stratégiques pour le futur les plus pertinents, la CNEP a décidé de recueillir les vues et suggestions des utilisateurs et pourvoyeurs des services fournis par ce sous-secteur. A cet effet, la CNEP a organisé des enquêtes consultatives auprès de ces deux groupes clés. Objectifs des Enquêtes Consultatives. Les objectifs consistaient à : (a) distinguer la nature des services que les utilisateurs et pourvoyeurs (parents, maîtres, administrateurs pédagogiques, etc.) attendent du secteur de l'enseignement primaire et mesurer leurs niveaux respectifs de satisfaction; (b) analyser les éléments que chaque groupe considère comme des entraves au fonctionnement efficace du secteur, examiner les propositions des différents partenaires visant à remédier à cette situation et tester leur détermination à les implanter ; c) identifier et décrire les approches innovatrices axées sur la participation des communautés, des populations cibles, l'adhésion des clients, la décentralisation fiscale et autres instruments qui ont été adoptées dans le but d'accroître l'efficacité des services sociaux ; et (d) recommander des initiatives pilotes qui permettront de tester ou répéter ces approches afin de les intégrer au Projet Enseignement Primaire. Structure et méthodes des consultations. Les consultations ont été organisées dans 54 écoles primaires et communautés à travers le pays. Afin d'obtenir un échantillonnage représentatif de toutes les écoles, trois Régions du Gouvernement Local (RGL) ont été choisies (deux rurales et la troisième urbaine) parmi chacune des six zones composant le Nigéria . Trois écoles ont été sélectionnées parmi chacune des RGL identifiées. L'objectif de cette démarche était d'obtenir un échantillonnage reflétant les inégalités d'accès aux écoles. Les méthodes qualitatives et quantitatives suivies incluaient des entretiens partiellement structurés, des discussions sur un ou plusieurs thèmes, des témoignages de participants, et la remise de brefs questionnaires. Les partenaires consultés comprenaient parents, élèves, enseignants, et directeurs, chefs des communautés, membres et responsables des Associations Parents-Enseignants (APE), surveillants et administrateurs pédagogiques. Principales Observations Ces enquêtes ont révélé que l'environnement scolaire est loin d'offrir les conditions propices à inciter les enfants à apprendre et qu'il n'adhère pas aux normes minimales de sécurité, de protection et de santé. De plus, la capacité d'accueil des salles de classes étant insuffisante, les enfants sont obligés de s'installer en plein air pour suivre leurs cours ou encore il arrive que plusieurs classes différentes (parfois jusqu'à quatre) soient entassées dans une même salle. Il est à souligner que les salles usitées sont en grand besoin de réparation. La situation financière quant à elle est alarmante. Les ressources financières, lorsqu'elles sont disponibles, restent limitées. Il est donc difficile sinon impossible d'assurer le financement des dépenses ordinaires ou de subvenir aux besoins en matériel pédagogique; le personnel administratif manque d'espace; il y a pénurie de pupitres et autre pièces de mobilier; les écoles ne sont pas dotées de cour de récréation et leurs installations sanitaires sont en nombre insuffisant ou font carrément défaut. D'autres facteurs viennent se greffer qui nuisent encore davantage à la qualité de l'enseignement et à la capacité des enfants d'apprendre, à savoir: manque de manuels scolaires, changements fréquents au niveau des ouvrages recommandés, déficience de la politique de prêts des manuels pédagogiques, et retard dans la fourniture des cahiers d'inscription. Bien que la plupart des enseignants et directeurs d'écoles soient dévoués à leur vocation, plusieurs éléments contribuent à fortement éroder leur motivation et saper leur moral, à savoir: rémunération insuffisante, conditions de travail difficiles, et infrastructure défectueuse. Les consultations ont par ailleurs révélé qu'un grand nombre d'enseignants ne remplissent pas le minimum de critères requis pour enseigner à l'école primaire. Elles ont également mis en évidence les déséquilibres qui existent dans certaines régions au niveau du nombre d'hommes et de femmes recrutés aux postes d'enseignants. Ainsi, alors que dans le nord du pays il y a une pénurie de femmes enseignantes, dans le sud, par contre, il n'y a pas assez d'hommes aux postes d'enseignants. La qualité de l'enseignement est du reste fortement perturbée par les affections fréquentes et en masse des professeurs. Inéluctablement, l'ensemble de ces facteurs a contribué au déclin du prestige et du statut généralement associés à la fonction d'enseignant. Un autre problème qui est apparu concerne les inégalités prévalant au niveau des taux d'inscription qui sont plus faibles dans le nord que dans le sud du pays, particulièrement parmi les filles. Par ailleurs, le taux de fréquentation des écoles varie énormément d'une école à l'autre bien qu'il soit plus faible dans les zones rurales, notamment durant la saison vivrière et les jours de marchés. En ce qui concerne la rémunération des enseignants, un changement positif est à souligner. En effet, depuis que la CNEP conjointement avec les Conseils d'Etat pour l'Enseignement Primaire (CEEP) et non plus les RGL gèrent l'allocation fédérale assignée aux salaires des effectifs ainsi qu'aux coûts opérationnels des écoles, les enseignants sont payés régulièrement. Cependant, cette redistribution des rôles crée des tensions notamment entre les RGL et les CEEP. En effet, alors que ce sont les Conseils Locaux qui sont responsables de nommer les Secrétaires à l'Education à leurs postes, ces derniers reportent désormais directement aux CEEP et non aux Conseils Locaux. Cette situation n'est pas sans créer des problèmes pour les Secrétaires à l'Education qui subissent de leur coté les pressions de groupes ayant des intérêts différents. De plus, cette nouvelle division des responsabilités semble donner l'impression au gouvernement local que les Secrétaires ne sont pas vraiment impliqués dans la gestion des écoles et n'ont aucun pouvoir de décision quant au montant de l'allocation financière qui leur est affectée. Les CEEP se sont de plus saisis d'un certain nombre de tâches, telles l'approvisionnement en matériel et l'entretien des écoles, qui initialement devaient être assurées par le gouvernement local. Les résultats des enquêtes indiquent que les communautés n'ont aucune information sur le montant du budget alloué aux Autorités du Gouvernement Local (AGLE) pour le secteur Education et sur la répartition des dépenses. Par ailleurs, il est apparu que les écoles primaires sont inspectées à une fréquence irrégulière et selon des modalités peu conformes avec les normes. Les directeurs d'écoles quant à eux ne disposent d'aucune ressource financière et ne peuvent pas par conséquent subvenir à des dépenses mineures ou non prévues. Un grand nombre de problèmes identifiés par les enquêtes peuvent être attribués à la faiblesse des ressources financières affectées au secteur de l'enseignement primaire. En effet, les écoles n'ont pas les moyens de mettre en place l'infrastructure nécessaire, de pourvoir aux besoins d'entretien, d'acquérir du matériel pédagogique, ou même d'offrir aux enseignants des salaires qui leur permettent de subvenir à leurs besoins. En ce qui concerne la question essentielle de la participation des communautés, ces consultations ont permis de mesurer l'intérêt ­ généralement assez élevé ­ des divers groupes concernés tels les APE, les comités des écoles, les associations communautaires, ainsi que les membres de la communauté. Ces groupes prennent surtout part aux activités de construction, de réparation et d'entretien des bâtiments des écoles, et de fourniture de matériel pédagogique. Plusieurs communautés collaborent aux efforts visant à promouvoir les taux d'inscription ainsi qu'à encourager la présence assidue des élèves aux cours. Il est à noter que ces groupes bénéficient d'une certaine influence en ce qui concerne la gestion des écoles. Néanmoins, les APE, les conseils des écoles et les associations communautaires sont confrontés à des demandes multiples et parfois écrasantes tandis que leur rôle vis-à-vis des autres parties impliquées n'est pas clairement défini, au niveau notamment de la gestion du système de l'enseignement primaire. Dans certains cas, les APE négligent leurs responsabilités et manquent de transparence. Recommandations Les résultats obtenus par les équipes assignées aux différentes zones ont été discutées au cours de six ateliers organisés dans chacune des zones du pays au mois de février 1998. Ont pris part à ces discussions chercheurs, représentants des parents, élèves, APE, RGL, CEEP et CNEP et des autres parties concernées. A la suite de ces réunions, un atelier national technique de synthèse devait être organisé pour les chercheurs, les vérificateurs et les représentants de la CNEP. Cet atelier a eu lieu à Kaduna en mars 1998. Problème Recommandations Responsabilité 1) Participation des Créer un mécanisme d'octroi de don CNEP/CEEP/RGL communautés qui soutienne les initiatives prises par les associations communautaires Les organisations communautaires ainsi que par les APE. sont submergées de requêtes. Impliquer les APE de manière plus formelle dans la gestion des écoles. Implanter un schéma pilote qui permette de mettre sur pied des CNEP approches axées sur la participation Les rôles et expectatives des des communautés au secteur de organisations communautaires ne l'enseignement primaire. sont pas clairement définis. CNEP/RGL/APE/Organisations Renforcer la capacité des APE et Dans certains cas, les APE Communautaires/Ecoles d'autres organisations semblent faillir à leurs obligations communautaires et encourager leur et ne font pas preuve de création si nécessaire. transparence. 2) Conditions de travail du personnel et programmes de formation Augmenter les salaires et accroître Ministres d'Education les bénéfices des enseignants. Fédéraux et d'Etat Le salaire perçu par les enseignants est faible et ne leur permet de Réviser les programmes de subvenir à leurs besoins. Ce qui formation des enseignants. sape leur motivation. Offrir aux enseignants des De nombreux enseignants sont programmes de formation sur sous-qualifiés. place. Les programmes de formation Améliorer la structure et la actuels ne préparent pas les pertinence des cours à distance. enseignants à travailler dans les conditions qui prévalent. Mettre sur pied un programme qui incite à corriger ce déséquilibre. Déséquilibre entre le nombre d'enseignants hommes et le CNEP nombre d'enseignants femmes Institut de Formation des (dans le nord du pays, il y a Enseignants beaucoup moins d'enseignantes que d'enseignants alors que dans le sud du pays c'est l'inverse qui se CNEP/CEEP/Ministres produit.) d'Educ./CEEP Etablir des directives établissant une La qualité de l'enseignement pâtit durée minimale d'emploi. des transferts fréquents et intégraux. 3) Infrastructure et Installations. Procurer au RGL les moyens CNEP/CEEP financiers dont ils ont besoin pour Les salles de classe et les autres construire des infrastructures installations sont inadéquates. supplémentaires, effectuer les réparations nécessaires, et acquérir du mobilier. Les bâtiments sont délabrés. L'ameublement est défectueux. Remettre au directeur de l'école et à l'APE les fonds requis pour subvenir à des réparations mineures. Examiner les modalités réglementant l'entretien qui sont en CNEP/CEEP vigueur et évaluer les besoins d'entretien. CNEP/CEEP 4) Matériel pédagogique. Donner aux RGL la responsabilité CNEP/CEEP d'acquérir et de distribuer le Les écoles disposent de très peu de matériel pédagogique (à l'exclusion manuels scolaires et de matériel des manuels scolaires.) pédagogique. Recommander durant quatre années Changements fréquents au niveau consécutives au moins les mêmes des livres recommandés. manuels. Les parents sont mécontents des Concernant l'approvisionnement de modalités de sélection des manuels manuels scolaires, établir d'un Ministres Education/CEEP scolaires. commun accord avec les parents des alternatives au règlement en cours, Les cahiers de charge sont remis sous forme de prêts ou d'achats. en retard. CNEP Souplesse au niveau des termes de l'année scolaire et de la réglementation concernant la présence régulière aux cours. 5) Inscriptions, fréquence et rétention Mobiliser la communauté afin qu'elle contribue à promouvoir les Il y a un déséquilibre régional en taux d'inscription, la présence termes d'inscriptions, régulière aux cours, et la rétention. particulièrement au niveau des filles. Présence irrégulière des élèves, particulièrement dans les régions rurales. CNEP Ministres Education APE/Comités Ecoles 6) Structure et gestion du système de l'enseignement primaire. Les secrétaires de l'éducation Secrétaires auprès des RGL doivent tenir le Conseil Intervention limitée des RGL dans régulièrement informé de leurs la gestion des écoles. Dépendance plans, dépenses, et progrès. du Secrétaire du LGA vis à vis du Conseil des RGL. Les conseils des LG doivent s'assurer que les comptes des LGA sont convenablement audités. Secrétaire Gouvernement Local Les communautés ne connaissent Toute information relative au pas le montant des fonds affectés budget et aux dépenses des RGL aux écoles ou ne savent pas doivent être mis à la disposition du Secrétaires RGL/Secrétaire comment ces fonds sont utilisés. public. Gouvernement Local Le directeur ne dispose d'aucune Créer après consultation avec l'APE ressource financière. une section comptabilité qui soit sous le contrôle des directeurs. Surveillance inadéquate et CEEP irrégulière des écoles. Procurer aux surveillants les programmes de formation dont ils ont besoin et assurer leur transport. CEEP 7) Financement Augmenter le montant de Gouvernement Fédéral. l'allocation per capita assignée aux En raison d'un manque de inscriptions. ressources budgétaires, les effectifs ne reçoivent pas un salaire Réviser et formaliser les modalités suffisamment élevé. Il est par de partage des coûts entre les ailleurs difficile d'assurer les frais agences gouvernementales et les de développement de capital, autres parties prenantes. d'entretien, et de dépenses ordinaires. Les recommandations faites lors des consultations et des ateliers touchent les volets suivants : participation des communautés, conditions de travail du personnel et formation, infrastructure et installations, matériel pédagogique, taux d'inscriptions et de fréquentation, structure et gestion du secteur de l'enseignement primaire, et financement du secteur (voir tableau précédent). Etapes suivantes Document de politique consultative : Les résultats des consultations ont été incorporés aux conclusions arrêtées par le document intitulé Examen des dépenses publiques dans les écoles primaires et serviront de version préparatoire à une note d'orientation L'Enseignement Primaire au Nigeria au 21ème siècle. Ce document sera complété lors des réunions consultatives sur le Nigéria qui auront lieu avec les principaux partenaires impliqués (RGL, CEEP, CNEP, APE, ONG, représentants des bailleurs de fonds, etc.). Initiatives pilotes axées sur la participation des communautés. Il est prévu d'introduire une nouvelle sous-composante au projet dont l'objectif sera d'encourager et de soutenir les initiatives communautaires. A cet effet, les communautés recevront une aide financière, sous forme de dons relativement peu élevés, qui sera allouée au volet amélioration de la gestion des écoles. Pour mesurer les progrès de cette initiative, il est question de lancer un projet de recherche de petite envergure qui assurera le suivi dans les écoles ayant participé à ce test. Si celui-ci s'avère être un succès, les initiatives seront répétées ou pourront servir de point de départ pour l'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique en matière d'éducation. Mme. Eileen Nkwanga est Chargée du Projet Enseignement Primaire, et est Chef de groupement des Opérations d'éducation pour le Nigéria. Sudharshan Canagarajah a été chargé du processus des consultations. Pour de plus amples informations prière de consulter le Rapport Technique No. 420, par Paul Francis et S.P.I. Agi, S. Ogoh Alubo, Hawa A. Biu, A.G. Daramola, Uchenna M. Nzewi et D.J. Shehu, intitulé, Hard Lessons : Primary Schools, Community and Social Capital, Octobre 1998. Banque mondiale. Washington, D.C.