Leveraging Urban Land for Development in the CEMAC Region (Cameroon) ASA Accès aux droits fonciers dans les périphéries urbaines au Cameroun : clarification des droits et difficultés pour les formaliser et les sécuriser Avertissement Cette publication a été produite par les services de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement/la Banque mondiale. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues du Conseil des administrateurs de la Banque mondiale ni des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données figurant dans cet ouvrage. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur les cartes du présent ouvrage n’impliquent de la part de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement que l’institution reconnaît ou accepte ces frontières. Droits d’auteur Le contenu du présent ouvrage fait l’objet d’un dépôt légal. La publication ou la transmission d’une partie ou de l’intégralité de la présente publication peut constituer une violation de la loi applicable. La Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement/Banque mondiale encourage la diffusion de ses études et, normalement, accorde sans délai l’autorisation d’en reproduire des passages. Pour obtenir l’autorisation de reproduire ou de réimprimer toute partie de cette publication, veuillez adresser votre demande en fournissant tous les renseignements nécessaires, par courrier, au Copyright Clearance Center, Inc., 222 Rosewood Drive, Danvers, MA 01923, USA, téléphone 978-750-8400, télécopie 978-750-4470, http://www.copyright.com/. Pour tout autre renseignement sur les droits et licences, y compris les droits dérivés, envoyez votre demande, par courrier, à l’adresse suivante : Office of the Publisher, The World Bank, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, USA, par télécopie, au 202-522-2422, ou par courriel à l’adresse pubrights@worldbank.org. Remerciements Cette note a été préparée dans le cadre d’une assistance technique apportée au Gouvernement du Cameroun et plus largement aux pays de la zone CEMAC sur la valorisation du foncier urbain pour le développement urbain. La préparation des quatre notes sur des thèmes interreliés a été confiée à plusieurs consultants qui ont travaillé sous la direction d’une équipe de la Banque mondiale dirigée par Bontje Zaengerling (Spécialiste principale en développement urbain, SAFU1) et composée de Claire Galpin (Spécialiste principale en politique foncière, GSULN) et Tamilwai Kolowa (Analyste urbain, consultant). Les principaux auteurs des notes produites sont les consultants suivants : Caroline Plançon pour la note sur l'accès aux droits fonciers dans les périphéries urbaines ; Pascal Thinon et Hervé Tchékoté pour la note sur le système d’approvisionnement en terrains résidentiels de Yaoundé ; Paul Blaise Mabou et Serge Zelezeck pour la note sur les lotissements communaux et Serge Zelezeck pour la note sur la copropriété. L'équipe remercie Harris Selod (Économiste principal, DECSI), Thea Hilhorst (Spécialiste principale en gouvernance foncière, DECSI), et Annie Gapihan (Spécialiste en développement urbain, SSAU1) (Banque mondiale), ainsi que Sina Schlimmer (Expert foncier, Réseau mondial pour les outils fonciers, UN HABITAT) pour leur examen minutieux et leurs commentaires précieux sur les notes en tant que pairs examinateurs. Mazen Bouri (Chef de programme, EA2DR), Kiyotaka Tanaka (Spécialiste du secteur financier, EA2F2), Thierno Habib Hann (Spécialiste principal du financement de l'habitation, CFGHF) et André Asselin (Consultant) ont également fourni des commentaires et conseils précieux pendant la préparation des notes. Le travail a bénéficié d'échanges avec et des données fournis par des représentantes du Gouvernement du Cameroun, notamment du ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières, du ministère de l’Habitat et du Développement Urbain, du ministère l'Économie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire, de la Mission d'aménagement et d'equipement des terrains urbains et ruraux, du Crédit foncier du Cameroun, de la Société immobilière du Cameroun, du Fonds d’investissement communal, ainsi que des représentants de la Communauté urbaine de Yaoundé et de la Cellule de coordination du projet de développement des villes inclusives et résilientes. Ils ont notamment fourni des contributions sur les projets des notes lors d'une réunion technique en mai 2019, L’équipe tient également à remercier les responsables communaux, les représentants des services déconcentrés des Ministères dans les cinq départements de la zone d’étude à Yaoundé ainsi que les représentants des organismes de la société civile et les universitaires qui ont été consultés pendant la mise en œuvre de cette assistance technique. Les travaux menés dans le cadre de l'assistance technique ont bénéficié du leadership et des conseils stratégiques de Sylvie Debomy (Directrice sectorielle, SAFU1), Meskerem Brhane (Directrice sectorielle, SAFU2), Issa Diaw (Chef de programme, IAFDR), Elisabeth Huybens (Directrice pour le Cameroun, AFCC1, jusqu'à juin 2019) et Abdoulaye Seck (Directeur pour le Cameroun, AFCC1, depuis juillet 2019). L'équipe tient également à remercier le bureau de la Banque mondiale au Cameroun pour son soutien aux missions et à la recherche, notamment Monique Kamga, Salome Abomo Amougou et Pepita Olympio (Assistantes de programme, AFCC1). Acknowledgements This note was prepared as part of the technical assistance provided to the Government of Cameroon and, more broadly, to the countries of the CEMAC zone on leveraging urban Land for development. The preparation of the four notes on interrelated themes was entrusted to several consultants who worked under the guidance of a World Bank team led by Bontje Zaengerling (Senior Urban Specialist, SAFU1), and consisting of Claire Galpin (Senior Land Policy Specialist, GSULN) and Tamilwai Kolowa (Urban Analyst, Consultant, SAFU1). The main authors and contributors were: Caroline Plançon for the note on clarification of access to land rights and difficulties for securing them in urban peripheries; Pascal Thinon and Hervé Tchékoté for the note on the residential land delivery system in the metropolitan region of Yaoundé; Paul Blaise Mabou and Serge Zelezeck on the note on the experience with urban subdivisions led by municipalities and Serge Zelezeck for the note on co-ownership of proprieties. The team is thanking Harris Selod (Senior Economist, DECSI), Thea Hilhorst (Senior Land Governance Specialist, DECSI) and Annie Gapihan (Urban Development Specialist, SSAU1) (World Bank), as well as Sina Schlimmer (Land Expert, Global Land Tool Network, UN HABITAT), for their careful review and valuable comments on the notes as peer reviewers. Mazen Bouri (Program Leader, EA2DR), Kiyotaka Tanaka (Financial Sector Specialist, EA2F2), Thierno Habib Hann (Senior Housing Finance Specialist, CFGHF), and André Asselin (Consultant) also provided invaluable comments and advice during the preparation of the notes. The work benefitted significantly from exchanges with and data provided by the Government of Cameroun, especially from the Ministry of State Property, Surveys, and Land Tenure, the Ministry of Urban Development and Housing , the Ministry of Economy, Planning and Regional Development, the Urban and Rural Land Development and Equipment Mission (MAETUR), the Credit Foncier du Cameroun (CFC), the Special Council Support Fund for Mutual Assistance (FEICOM), the Cameroon Real Estate Company (SIC), as well as representatives from the Yaoundé Urban Metropolitan Council (CUY) and the Project Implementation Unit for the Bank-financed Cameroon Inclusive and Resilient Cities Projet (PDVIR). They provided input on the draft notes at a technical meeting in May 2019. The team would also like to thank the communal leaders, the representatives of the deconcentrated services of the Ministries in the five departments of the study area in Yaoundé, as well as the representatives of civil society organizations and academics who were consulted during the implementation of this technical assistance. This technical assistance has benefited from the leadership and strategic advice of Sylvie Debomy (Practice Manager, SAFU1), Meskerem Brhane (Practice Manager, SAFU2), Issa Diaw (Program Leader, IAFDR), Elisabeth Huybens (Country Director for Cameroon, until June 2019) and Abdoulaye Seck (Country Director, since July 2019). The team would also like to thank for the invaluable support by the Cameroon country office, supporting missions and research, notably Monique Kamga, Salome Abomo Amougou et Pepita Olympio (Program Assistants, AFCC1). ii Préface Le rapport fait partie du projet d’une assistance technique apportée au Cameroun en particulier et les autres pays de la région CEMAC en général 1 sur la valorisation du foncier urbain pour le développement, qui vise à fournir des éléments d’analyse et orientations pour soutenir les efforts du Gouvernement du Cameroun visant à améliorer les systèmes d’approvisionnement en terrains urbains et l’administration foncière en vue d’une prospérité partagée. Placée sous la tutelle technique du ministère de l’Habitat et du Développement Urbain (MINHDU) et du ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières (MINDCAF), l’assistance technique s'appuie sur et complète les initiatives antérieures financées par la Banque Mondiale et d'autres partenaires techniques et financiers qui ont permis des analyses approfondies du cadre juridique relatif au foncier au Cameroun (comme le Cadre d’analyse de la gouvernance foncière en 20142), pour différents secteurs (agriculture, mines, forêts, tourisme, industrie manufacturière)3 et pour des communautés spécifiques (populations autochtones). Ces études ont mis en lumière la complexité des questions foncières, la diversité des contextes régionaux, la dualité des systèmes d'administration foncière et l'obsolescence de certains textes juridiques. Cependant, peu d'analyses ont été faites sur la mobilisation du foncier à des fins de développement urbain, en particulier sur la fourniture d'un nombre suffisant de nouvelles parcelles résidentielles convenablement viabilisées en périphérie des villes à croissance rapide et sur l'accès à la sécurité foncière dans les zones urbaines et périurbaines.4 En tenant compte des travaux d'analyse et de conseil antérieurs sur les questions foncières et de logement, l'ASA vise à contribuer à combler cette lacune. Dans le contexte général d'un processus de réforme foncière en cours engagé par le Gouvernement il y a plus de 10 ans5, l'ASA a opté pour une approche pragmatique axée sur des questions pratiques spécifiques liées au foncier dans les zones urbaines et périurbaines. Ces questions ont été identifiées sur la base de consultations avec des représentants des principaux ministères et organismes gouvernementaux, des autorités traditionnelles, de la société civile, du monde universitaire et des partenaires au développement lors d'une mission de cadrage en novembre 2017. Reflétant les points d'intérêt les plus pertinents, l'ASA a fourni quatre notes visant à améliorer la compréhension de ces questions (tant en termes de jure que de facto) et à fournir des recommandations aux parties prenantes 1 L'accent de cette assistance technique a été mis sur le Cameroun, considérant qu'il est l'un des pays de la CEMAC le plus diversifié en termes socio-économiques, géographiques et culturels, et qu'il représente 44 % du PIB total de la région CEMAC. 2 Banque mondiale 2014, qui est disponible en suivant le lien: http://documents.worldbank.org/curated/en/658361504865317431/Mise-en-oeuvre-du-cadre-d-analyse-de-la-gouvernance- fonci%C3%A8re 3 Par exemple : l’étude « Accès à la terre et sécurité foncière dans les régions de l’est et du septentrion du C ameroun », Banque mondiale 2017. 4 La population du Cameroun en 2019 est estimée à 25.3 millions d’habitants, dont environ 57 % (environ 14,4 millions) vivent en milieu urbain. On estime que la population urbaine augmentera de 6 millions d’ici 2030 et que le taux d’urbanisation atteindra 73 pour cent d’ici 2050 (ONU, 2018). 5Un projet de nouveau texte de loi foncière fait actuellement l'objet d'un examen technique au niveau de la présidence et n'est pas encore partagé avec des partenaires en dehors du Gouvernement. iii nationales et locales. Ces recommandations peuvent éclairer le dialogue politique en cours sur la réforme foncière et aider à identifier des actions pratiques et des incitations pour réduire les dysfonctionnements de l’accès au secteur foncier dans les villes en croissance. Les quatre notes portent sur les questions suivantes : (i) l'accès aux droits fonciers dans les périphéries urbaines du Cameroun ; (ii) le système d’approvisionnement en terrains résidentiels dans la zon e métropolitaine de Yaoundé ; (iii) l'expérience des lotissements communaux depuis 2004 ; et (iv) la copropriété. Pour la préparation de ces notes, la Banque mondiale a mobilisé une équipe de consultants internationaux et nationaux pour mener des recherches qualitatives et quantitatives sur le terrain entre 2018 et 2019, y compris la collecte de données primaires à travers des : (i) recensements par enquête sur les terrains ; (ii) entretiens avec des autorités nationales, locales, et traditionnelles ; (iii) discussions de groupe dans quelques communes périphériques de Yaoundé ; et (iv) visites sur le terrain concernant les lotissements communaux et la copropriété. Lors d'un atelier technique en mai 2019, les conclusions et les recommandations émergeant des quatre notes ont été discutées avec les représentants du MINDCAF, MINHDU, Mission d'Aménagement et d'Equipement des Terrains Urbains et Ruraux (MAETUR), Crédit Foncier du Cameroun (CFC), Société Immobilière du Cameroun (SIC), le Fonds Spécial d’Équipement et d’Intervention Intercommunale (FEICOM) ainsi que des représentants de la Communauté Urbaine de Yaoundé et de la Cellule de Coordination du Projet de Développement des Villes Inclusives et Résilientes (PDVIR). Ces organismes ont également été consultés au cours du processus de collecte et de validation des données et ont fourni des contributions et des commentaires précieux sur les notes.6 Ci-dessous sont décrites une brève introduction pour chaque note et leur relation les unes avec les autres. Une réflexion plus détaillée sur les principales conclusions et recommandations de chaque note figure dans leurs résumés exécutifs respectifs. Tout d’abord, la note « L’accès aux droits fonciers dans les périphéries urbaines au Cameroun : clarification des droits et difficultés pour les formaliser et sécuriser » réévalue les problèmes de facto enracinés dans le cadre juridique du Cameroun pour l’accès aux droits fonciers dans les zones urbaines et périurbaines,. Cette évaluation jette les bases analytiques des trois autres notes, qui explorent l’accès au foncier et les goulots d’étranglement dans les opérations foncières sur le terrain. Cependant, cette première note ne cherche pas de faire une évaluation exhaustive du cadre juridique pour le foncier au Cameroun (c’est ce qui a été fait par le CGAF en 2014 et qui reste encore valable) mais confronte plutôt les normes juridiques aux défis pratiques auxquels se heurtent les «usagers» moyens du cadre juridique en zones urbaines et périurbaines. 6Parmi les autres institutions consultées figurent le Conseil National des Urbanistes, la Chambre Nationale des Notaires, l'APIC, le MAGZI, l'ONGEC, etc. iv Deuxièmement, la note « Le système d’approvisionnement en terrains résidentiels de la ville de Yaoundé » fournit une analyse des filières d’approvisionnement en terrains à bâtir et du fonctionnement des marchés fonciers dans les zones urbaines et péri-urbaines en croissance rapide, en prenant comme exemple la zone métropolitaine de Yaoundé. Il s'agit de décrire (a) les mécanismes fonciers sous-jacents à l'extension spatiale des grandes villes camerounaises en direction de leurs périphéries rurales progressivement converties en nouvelles zones d’habitat, et (b) les principaux acteurs à l’origine de ces mécanismes. Troisièmement, la note « Lotissements communaux au Cameroun : l’expérience depuis 2004 et recommandations » plonge plus profondément dans l’une des filières d’approvisionnement en terrains identifiés par la note précédente, les lotissements communaux. La note a pour but d’aider les décideurs à évaluer le potentiel des lotissements communaux comme un outil permettant de mieux encadrer la croissance urbaine. A cette fin, la note analyse le cadre juridique et l’expérience des collectivités territoriales décentralisées (CTD) en matière de lotissements au Cameroun depuis 2004 avec pour objectifs de (1) déterminer si l’Etat doit promouvoir cet outil et (2) formuler des recommandations pour lever les contraintes que rencontrent les CTD souhaitant initier des lotissements communaux. Enfin, la note « Stimuler l’essor de la copropriété au Cameroun : état des lieux et feuille de route » a été préparée en réponse à l’intérêt exprimé par le MINDCAF pour une meilleure opérationnalisation du cadre légal et réglementaire sur la copropriété qui permettrait l’essor de la construction de logements, notamment d’immeubles collectifs. La note analyse les principales contraintes qui bloquent la mise-en-œuvre de la copropriété au Cameroun à la lumière de l’expérience non aboutie de 1981 et de la relance de ce régime à partir de 2010. Elle conclut par la présentation de recommandations et d’une feuille de route. v Preface This note is part of a technical assistance provided to Cameroon in particular and other countries of the CEMAC Region in general7 on leveraging urban land for development, which aims to provide analysis and guidance to inform the efforts of the Government of Cameroon to improve urban land delivery systems and land administration for shared prosperity. Under the technical leadership of the Ministry of Housing and Urban Development (MINHDU) and the Ministry of State Property, Survey, and Land Tenure (MINDCAF), the technical assistance builds on and complements previous initiatives on land financed by the World Bank and other development partners that included in-depth analyses of the legal framework for land in Cameroon (such as the 2014 Land Governance Analysis Framework8), for different sectors (agriculture, mining, forestry, tourism, manufacturing) and for specific communities (indigenous peoples). 9 These studies have highlighted the complexity of land issues, the diversity of regional contexts, the duality of land administration systems, and the outdated character of legal texts. However, little analysis had been done on leveraging land for urban development, in particular on the provision of properly serviced, new residential plots on the outskirts of fast-growing cities and on access to tenure security in urban and peri-urban areas.10 Taking into account previous technical assistance on land and housing issues, the ASA aims to contribute to filling this gap. In the context of an ongoing land reform process that the Government has initiated over ten years ago, this technical assistance opted for a pragmatic approach focusing on specific practical issues related to land in urban and peri-urban areas.11 These issues were identified based on consultations with representatives of key government ministries and agencies, traditional authorities, civil society, academia and development partners during a scoping mission in November 2017. Four notes were produced aimed at improving the understanding of the most relevant areas of interest (both de jure and de facto) and providing recommendations to national and local stakeholders. These recommendations can inform the ongoing dialog on land reform and help identify practical actions and incentives to reduce bottlenecks for access to land in growing cities. The four notes address the following issues: (i) access to land rights in the urban peripheries in Cameroon; (ii) the residential land delivery system in the metropolitan area of Yaoundé; (iii) the 7 The focus of this technical assistance was on Cameroon, considering that it is one of the most diversified CEMAC countries in socio- economic, geographical and cultural terms, and that it accounts for 44% of the total GDP of the CEMAC region. 8 World Bank 2014, which is available here: http://documents.worldbank.org/curated/en/658361504865317431/Mise-en-oeuvre-du- cadre-d-analyse-de-la-gouvernance-fonci%C3%A8re 9 For example: the study "Access to land and tenure security in the eastern and northern regions of Cameroon" (World Bank 2017). 10 The population of Cameroon population was estimated at 25.3 million people in 2019, of which about 57 percent (about 14,4 million) lived in urban areas. It is expected that the urban population will increase by 6 million by 2030 and the urbanization rate will reach 73 percent in 2050 (UN / ONU, 2018). 11 A draft new land law is currently under technical review at the Presidency level and is not yet shared with partners outside the Government. vi experience of municipalities developing new urban subdivisions since 2004; and (iv) the co- ownership of property. For the preparation of these notes, the World Bank worked with a team of international and national consultants to conduct qualitative and quantitative field research in 2018 and 2019, including primary data collection through: (i) a plot survey of 400 plots in Yaoundé; (ii) interviews with national, local, and traditional authorities; (iii) focus group discussions in selected peripheral communes of Yaoundé; and (iv) field visits to urban subdivisions developed by municipalities and co-ownership. At a technical workshop in May 2019, the conclusions and recommendations emerging from the four notes were discussed with representatives of MINDCAF, MINHDU, Urban and Rural Land Development Authority (MAETUR), Crédit Foncier du Cameroun (CFC), Cameroon Real Estate Company (SIC), the Special Council Support Fund for Mutual Assistance (FEICOM) as well as representatives of the Yaoundé Urban Metropolitan Council (CUY) and the Project Implementation Unit for the Bank-financed Cameroon Inclusive and Resilient Cities Projet (PDVIR). These actors were also consulted during the data collection and validation process and provided valuable inputs and comments on the notes.12 Below is a brief introduction to each note and their relationship to each other. A more detailed summary on the main conclusions and recommendations can be found in the respective executive summaries of each note. First, the note “Access to land rights in urban peripheries in Cameroon: clarification of rights and difficulties in formalizing and securing them� assesses the de facto problems rooted in Cameroon's legal framework for accessing land rights in urban and peri-urban areas. This assessment lays the analytical foundations for the other three notes, which explore access to land and bottlenecks in land operations on the ground. Yet, this first note does not seek to provide an exhaustive assessment of the legal framework for land tenure in Cameroon (this is what was done by the LGAF in 2014, which remains valid) but rather confronts the legal norms with the practical challenges faced by the average 'users' of the legal framework in urban and peri-urban areas. Second, the note "The land delivery system in the metropolitan region of Yaoundé" provides an analysis of the supply chains for building land and the functioning of land markets in rapidly growing urban and peri-urban areas, using the Yaoundé metropolitan area as a case study. It describes (a) the land tenure mechanisms underlying the spatial extension of Cameroon's major cities towards their rural peripheries, which are gradually being converted into new residential areas, and (b) the main actors behind these mechanisms. 12Other institutions consulted include the National Council of Town Planners, National Chamber of Notaries, the Association of Real Estate Developers (APIC), the Industrial Zones Development and Management Authority (MAGZI), the National Order of Cameroon Surveyors (ONGEC), etc. vii Thirdly, the note on “Urban subdivisions developed by municipalities: experience since 2004 and recommendations" delves deeper into one of the land delivery channels identified by the previous note, namely new urban subdivisions developed by municipalities. The note aims to help decision- makers assess the potential of this approach for developing subdivisions as a tool to better manage urban growth. To this end, the note analyzes the legal framework and the experience of subdivisions developed by municipalities in Cameroon since 2004 aiming to (1) determine whether the government should promote this tool, and (2) formulate recommendations to remove the constraints encountered by municipalities wishing to initiate these subdivisions. Finally, the note "Stimulating the development of co-ownership properties in Cameroon: Stock- tacking and roadmap" was prepared in response to the interest expressed by MINDCAF to support the use of the co-ownership regime to develop more housing, particularly multi-family buildings, following the reform of its legal and regulatory framework in 2010. The note analyses the main constraints that are blocking a conducive environment for the development of housing in co- ownership regimes in Cameroon in the light of the unsuccessful experience of 1981 and its relaunch in 2010. It concludes with recommendations and a roadmap. viii Table des matières Figures et Encadrés .......................................................................................................................x Tableaux .........................................................................................................................................x Acronymes et Abréviations ......................................................................................................... xi Résumé exécutif .......................................................................................................................... xii Executive Summary ................................................................................................................. xviii 1. Introduction ...............................................................................................................................1 2. Les cadres juridique, institutionnel et opérationnel du secteur foncier et domanial ne répondent plus aux besoins actuels de sécurisation ...............................................................4 2.1 La variété des statuts de terre et la figure du domaine national ne facilitent pas la gestion foncière dans les zones périurbaines ........................................................................................... 5 2.2 L’enjeu de la coordination institutionnelle est un défi de premier ordre toute comme la simplification de la multiplicité des acteurs .............................................................................. 11 2.3 Malgré la réforme de 2005, le plus grand nombre n’accède toujours pas à sécuriser leurs droits fonciers............................................................................................................................ 19 3. Les difficultés rencontrées pour accéder à des droits fonciers et les formaliser et sécuriser sont liées à l’application du cadre juridique et aux pratiques développées sur le terrain ............................................................................................................................24 3.1 Difficultés rencontrées lors de l’obtention du titre foncier : insuffisances et lourdeurs du système de la « propriété administrée » .................................................................................... 26 3.2 Difficultés spécifiques liées aux occupations du domaine national .......................................... 29 3.3 Difficultés rencontrées par les détenteurs de titres fonciers...................................................... 32 3.4 Difficultés liées à la résolution du contentieux ......................................................................... 34 3.5 Difficultés spécifiques rencontrées par les personnes publiques et agences de l’État .............. 36 4. Conclusion et proposition de recommandations et menu d’actions ...................................38 4.1 Le processus de réforme foncière demande de formaliser la politique foncière, de développer la stratégie et de réviser en profondeur de la législation pour aboutir à une nouvelle loi ou codifier ............................................................................................................. 42 4.2 Expérimenter des méthodes innovantes, alternatives et systématiques pour ajuster les pratiques légales et légitimes .................................................................................................... 45 Bibliographie ................................................................................................................................55 Législation ....................................................................................................................................56 ix Figures et Encadrés Figure 1 : Aperçu institutionnel de la gestion foncière...................................................................... 13 Encadré 2 : Compétences des communes en matière d’urbanisme et d’habitat. ............................... 17 Figure 3: Procédure d’obtention d’un titre foncier avant et après la réforme de 2005.. .................... 19 Figure 4: Principales étapes dans l’obtention du titre foncier depuis 2005. ...................................... 20 Figure 5: Nombre cumulé d'inscriptions dans l'aire métropolitaine de Yaounde.. ............................ 22 Figure 6: Progression des inscriptions dans les 4 départements de l'AMY hors Mfoundi. ............... 23 Encadré 7: Compensations – le cas du Bénin. ................................................................................... 31 Encadré 8: Quelques cas de figure de dysfonctionnement ................................................................ 34 Encadré 9. L’expérience des agences foncières, celle du Bénin ....................................................... 44 Encadré 10: Expérience béninoise de transformation de titre précaire en titre foncier ..................... 46 Encadré 11. Expérience du Burkina Faso .......................................................................................... 49 Encadré 12. Enregistrement foncier systématique............................................................................. 51 Encadré 13. Améliorer la disponibilité, assurer la qualité et l’utilisation des données ..................... 52 Tableaux Tableau 1: Instruments de formalisation des droits fonciers par régime des terres ...........................10 Tableau 2: Résumé des principales difficultés identifiées et pistes d’actions proposées ..................40 Tableau 3. Sommaire récapitulatif des recommandations d’ajustements et d’expérimentation dans le cadre juridique actuel. ........................................................................................................................53 x Acronymes et Abréviations AMY Aire métropolitaine de Yaoundé CA Communes d’Arrondissement CBF Cameroun Business Forum CDC Cameroun Development Corporation CED Centre pour l’environnement et le développement CFC Crédit Foncier du Cameroun CTD Collectivités territoriales décentralisées CUD Communauté Urbaine de Douala DUP Déclaration d’Utilité Publique FEICOM Fond Spécial d’équipement et d’Intervention intercommunale GUTF Guichets Uniques de facilitation des Transactions Foncières ILC International Land Coalition MAETUR Mission d'Aménagement et d'Equipement des Terrains Urbains et Ruraux MAGZI Mission d’Aménagement et de Gestion des Zones Industrielles MINAT Ministère de l’Administration Territoriale MINDCAF Ministère de Domaine, Cadastre et Affaires Foncières MINDDL Ministère de la Décentralisation et du Développement Local MINEPAT Ministère de l’Economie, la Planification, et de l’Aménagement du Territoire MINHDU Ministère de l’Habitat et Développement Urbain MINHU Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat MUPROF Mutuelle pour la Propriété Foncière NES National Engagement Strategy PAMOCCA Projet d’Appui à la Modernisation du Cadastre et au Climat des Affaires PDVIR Projet de Développement des Villes Inclusives et Résilientes PDU Plan Directeur d’Urbanisme PH Permis d’Habiter POS Plan d’Occupation des Sols SIC Société Immobilière du Cameroun SOPRIN Société de promotion immobilière nationale TF Titre foncier xi Résumé exécutif L’urbanisation rapide, un des traits majeurs de la dynamique socio-spatiale actuelle du Cameroun, entraîne une forte pression sur le foncier en zones urbaines et, surtout, périurbaines. Cependant, des difficultés relatives à la sécurisation foncière limitent le fonctionnement du marché foncier et immobilier en milieu urbain et périurbain, entravant le développement urbain efficient, durable, et inclusif au Cameroun, où plus de 70% du territoire n’a pas de titre formel de propriété. L’absence de documents d’urbanisme et de formalisation de l’occupation foncière ainsi que le manque d’infrastructures urbaines contribuent à une gestion inefficace de l’espace, et favorisent les effets néfastes de l’étalement urbain. Dans les aires urbaines dont le statut juridique n’est pas clair ou qui sont le siège de potentiels conflits fonciers, réserver des terres pour développer des zones économiques ou pour construire des logements est un exercice complexe. Inversement, faire reconnaitre ces droits et les sécuriser si des activités sont déjà en cours, souvent dans l’informalité ou en marge du cadre juridique, est également un défi. Le séquençage de ces deux processus dans les zones périurbaines est un des principaux défis à relever en termes de développement urbain et la question se pose de savoir : faut-il d’abord planifier pour sécuriser les droits, ou bien, sécuriser les droits pour assurer une planification pérenne des usages? Les cadres juridique, institutionnel et opérationnel du secteur foncier et domanial ne répondent plus aux besoins actuels de formalisation et sécurisation. La variété des statuts de terre et la figure du domaine national ne facilitent pas la gestion foncière dans les zones périurbaine Le système foncier actuel au Cameroun repose sur le dispositif mis en place par les ordonnances de 1974 et 1977 ainsi que par la loi n° 79/05 du 29 Juin 1979 portant régime foncier et domanial au Cameroun. Ce corpus crée trois grands types de tenure foncière et domaniale auxquels se superposent de fait le régime des terres régies par la coutume. Il s’applique indifféremment en zone rurale ou urbaine. Les détenteurs de droits fonciers sont les individus et les personnes morales parmi lesquelles il faut distinguer les personnes publiques. Les individus et les personnes morales de droit privé détiennent un patrimoine foncier enregistré ou non dans le registre foncier (avec délivrance du titre foncier preuve absolue de la propriété privée). L’Etat et les collectivités territoriales sont des personnes publiques relevant du droit public. La propriété de ces personnes, le domaine peut être formelle (enregistrée aux registres fonciers) ou non. Le domaine est soit public soit privé selon qu’il est ou non affecté à l’usage du public ou d’un service public. Le domaine national est défini comme une catégorie résiduelle composée par des terres ne faisant pas l’objet d’un droit de propriété mais pouvant être appropriées. Les dépendances du domaine national sont reparties en deux catégories : (1) les terres dont l’occupation se traduit par une emprise évidente de l’homme sur la terre et une xii mise en valeur probante (terres de première catégorie du domaine national); et (2) les terres libres de toute occupation effective (terre de deuxième catégorie du domaine national). Le régime foncier s’appuie sur le dualisme de fait des tenures foncières faisant cohabiter le droit moderne et la gestion coutumière traditionnelle. En effet force est de constater que rares sont les zones où il n’y a absolument pas d’emprise ou de maitrise foncière 13. Les villages environnants exercent généralement une emprise sur la terre et le territoire. Les chefs traditionnels revendiquent le pouvoir d’attribuer la terre. La possession coutumière y est reconnue aux collectivités coutumières, à leurs membres ou à toute autre personne de nationalité camerounaise sur les terres de première catégorie du domaine national. Depuis la mise en place du système foncier, seulement environ 30% du territoire fait l’objet de documentation foncière officielle. Le titre foncier, la concession et le bail emphytéotique sont les principaux instruments de formalisation et sécurisation foncières prévus par la loi pour les régimes de terres. Ils sont délivrés par une administration centralisée qui joue un rôle central. L’authentification des droits fonciers modernes repose en premier lieu sur l’immatriculation dont la procédure est longue, coûteuse et complexe, qui de ce fait détourne les acquéreurs du marché formel. Les terres du domaine national en zone périurbaine, majoritairement régies par les droits coutumiers, sont donc particulièrement concernées par l’informalité. La gestion foncière et domaniale devient souvent la cause de situations conflictuelles, faute de connaitre le domaine national dans son entièreté et de l’informalité qui prévaut. Le système d’immatriculation comme seul moyen pour accéder à la propriété foncière privée montre ses limites pour formaliser et sécuriser les droits fonciers du plus grand nombre. Il n’existe pas de mécanismes de certification intermédiaire permettant une sécurisation des occupations dans le cadre juridique actuel. L’enjeu de la coordination institutionnelle est un défi de premier ordre tout comme la multiplicité des acteurs Malgré la réduction du nombre d’intervenants du fait de la réforme de 2005, le cadre institutionnel pour la gestion foncière en zone urbaine et périurbaine se caractérise par l’intervention d’une multitude des acteurs aux niveaux national et local. Le Ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (MINDCAF) a la charge des questions foncières au niveau étatique central. Il compte quatre différentes directions à l’administration centrale dont les relations et les difficultés d’échange d’information en particulier avec les services départementaux des conservations foncières contribuent largement aux lenteurs des processus d’obtention des titres foncières. 13 Excepté peut-être pour des zones vraiment complètement isolées et exemptes de toute présence humaine comme les zones forestières, Cependant la collecte des ressources naturelles constitue une maitrise foncière. xiii Cependant, d’autres ministères ont des attributions et de l’intérêt à la gestion des terres en zones urbaines et périurbaines. Le ministère de l’Habitat et du Développement Urbain (MINHDU) est tributaire de l’accès au foncier pour mettre en œuvre la politique d’urbanisme et de logement, mais n’a pas de compétence en matière de formalisation des droits. D’autres administrations concernées qui ont un intérêt dans l’accès au foncier dans de zones urbaines et périurbaines mais pas de compétences spécifiques en matière foncière sont : (i) le ministère de l’Economie, de la Planification, et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT) en charge de l’élaboration de la politique nationale d’aménagement des terres, des orientations générales et des stratégies de développement à moyen et long termes, ainsi que du suivi de leur mise en œuvre; (ii) le ministère de l’Administration Territoriale (MINAT) en charge de la préparation, de la mise en œuvre et de l’évaluation de la politique nationale en matière d’administration du territoire et la protection civile ; et (iii) le ministère de la Décentralisation et du Développement Local (MINDDL) en charge de la préparation, de la mise en œuvre et de l’évaluation de la politique nationale en matière de décentralisation. Quatre agences publiques d’aménagement et de crédit participent aux politiques de logement et donc à la gouvernance foncière : Tout d’abord, la Mission d'aménagement et d'équipement des terrains urbains et ruraux (MAETUR), la Société immobilière du Cameroun (SIC), le Crédit foncier du Cameroun (CFC) et le Fond spécial d’équipement et d’Intervention intercommunale (FEICOM), sous la tutelle du MINAT. Au niveau déconcentré, il faut souligner l’importance de la commission consultative qui est omniprésente dans les procédures foncières et domaniales au niveau départemental. Composée de représentants de l’administration, elle a pour mandat d’émettre un avis motivé sur les demandes d’attribution des concessions, les opérations de terrain pour la délivrance de titre foncier (constat de mise en valeur) et d’examiner et régler le cas échéant les litiges qui lui sont soumis. Malgré le processus de décentralisation en cours, les collectivités territoriales décentralisées (CTD ; les communes) jouent un rôle marginal en matière de formalisation des droits fonciers, alors qu’elles ont des compétences et responsabilités en matière d’urbanisme et d’aménagement urbain (y compris la délivrance des certificats d’urbanisme et des autorisations de lotir). Du point de vue des compétences en matière domaniale, le maire accorde les permissions de voirie à titre précaire sur les voies publiques. Parallèlement les chefferies coutumières jouent un rôle essentiel en matière d’accès et de gestion des terres. Le mode de gestion coutumière reste extrêmement vivace, surtout dans les zones rurales et péri-urbaines. Ce constat fait la preuve d’un dualisme de gestion foncière mais aussi que les réformes opérées n’ont pas suffisamment prises sur le réel et que les textes sont insuffisamment appliqués. Le manque d’efficience et d’efficacité du système foncier aboutit à l’érosion de la confiance des usagers dans le système et ne favorise pas son amélioration. xiv Malgré les réformes et les appuis récents qui ont permis d’améliorer sensiblement le service aux usagers, l’administration foncière n’est pas en mesure de mettre en œuvre et faire respecter le droit applicable depuis 1974, de construire ce système complexe et de tenir l’information à jour. Force est aussi de constater qu’en déconcentrant les services, la réforme de 2005 n’a pas fondamentalement modifié et amélioré les principes de base et la procédure pour la délivrance d’un titre foncier qui souffre encore de difficultés liées à la lenteur, la complexité et au coût dans la pratique. Les améliorations pour les usagers restent donc limitées. En outre, un manque récurrent de moyens humains et matériels est aggravé par l’inadaptabilité du système en vigueur aux besoins du moment et à la méconnaissance des textes par une majorité d’acteurs dont les juges qui tranchent les affaires plus souvent en fonction du bon sens que de la loi. Les difficultés rencontrées pour accéder à des droits fonciers et les sécuriser sont liées à l’application du cadre juridique et aux pratiques développées sur le terrain. Les principales difficultés juridiques identifiées dans la pratique comme les situations les plus courantes que rencontrent les usagers en relation avec la formalisation et la sécurisation des droits fonciers dans les zones urbaines et périurbaines au Cameroun sont les suivantes : 1) Les difficultés rencontrées lors de l’obtention du titre foncier ou d’une concession : Elles sont principalement liées au coût, à la lenteur, a l’opacité et à la complexité de la procédure. En particulier un point de blocage préoccupant tient aux oppositions ou demandes d’inscription de droits lors de la procédure de publicité qui allongent considérablement la procédure d’immatriculation. Par ailleurs, la fiscalité foncière est potentiellement contreproductive pour la formalisation et la sécurisation des droits fonciers. En effet les droits d’enregistrements sont encore très élevés et seules les propriétés enregistrées au Livre foncier sont assujetties à l’impôt foncier. 2) Les difficultés spécifiques liées aux occupations du domaine nationale : La définition de la mise en valeur, de l’occupation sans titre ou de la revendication des droits coutumiers cédés est sujette à interprétations quoi rendent difficile leur application homogène sur le territoire. Ces questions sont renforcées par l’informalité de la gestion et de la production du foncier urbain. L’administration foncière qui se montre parfois peu scrupuleuse subit une crise de confiance. Elle est le garant du respect de la procédure et de l’application des règles dans le cadre de la délivrance de titres fonciers ou d’occupation. L’irrégularité ponctuelle est admissible et prévue dans le cadre juridique. Cependant, les usagers ne peuvent avoir une confiance absolue dans les informations foncières officielles. Peu fiable car non exhaustive, l’information foncière n’est pas systématiquement actualisée. Dans le même temps, les procédures sont mal respectées. En raison des insuffisances de capture et de gestion, les informations de la Conservation foncière (droits existant sur la parcelle) et du Cadastre (géo- positionnement et consistance de la parcelle) ne remplissent pas les attentes et la confiance des usagers. Accéder aux informations foncières constitue une difficulté supplémentaire. xv 3) Des difficultés rencontrées par les détenteurs de titres fonciers : Si le cadre juridique reconnait la légitimité d’occupants sans titre, en pratique, il ne permet plus à un titre foncier, de garantir la sécurité juridique de la propriété privée du fait des dysfonctionnements du système et des malversations. Le risque d’annulation du titre foncier a posteriori est en forte progression, ce qui fragilise la sécurité juridique. 4) Des difficultés liées à la résolution du contentieux : Malgré la décentralisation, le traitement du contentieux foncier est très centralisé. De plus, il faut noter que la location immobilière, principalement informelle et dans le cadre coutumier, est une source de contentieux et de paupérisation. 5) Des difficultés spécifiques rencontrées par les personnes publiques et agences de l’État : Les promoteurs de projets d’infrastructure et de rénovation urbaine doivent non seulement faire face au manque de terres disponibles pour des opérations mais aussi à de nombreuses complications en relation avec l’expropriation et son indemnisation. Les affectations indues et les occupations illégales des réserves foncières des institutions publiques et parapubliques ne favorisent pas l’aménagement urbain et la promotion immobilière. Recommandations et menu des pistes d’actions Les recommandations s’articulent autour de deux axes principaux, d’ordre (i) politique et juridique ; et (ii) opérationnel. Du point de vue politique et juridique, le processus de réforme foncière demande de formaliser la politique foncière, de développer la stratégie et de réviser en profondeur la législation pour aboutir à une nouvelle loi ou codifier. Formaliser une politique foncière et en développer la stratégie, est nécessaire non seulement pour sécuriser le continuum de droits fonciers mais également pour coordonner le développement urbain, les investissements et la construction de logements. Ceci implique notamment une révision en profondeur du cadre juridique actuel pour rédiger une nouvelle loi ou codifier pour mettre en cohérence la politique et le cadre juridique. Le processus politique en cours autour de la réforme foncière pourrait être éclairé en mesurant les conséquences des solutions juridiques du nouveau texte. Dans le cadre de l’actuel processus de réforme foncière, le gouvernement pourrait considérer la prise en compte de deux scénarii qui peuvent être menés de front, sans s’exclure l’un ou l’autre : 1. Un scénario de refonte ou de révision en profondeur du cadre juridique pour aboutir à une nouvelle loi unique ou à un code foncier et domanial répondant aux orientations de la politique foncière. 2. Un scénario d’ajustements soutenus par une expérimentation de méthodes innovantes, alternatives, systématiques qui permettent au plus grand nombre d’accéder rapidement à un xvi document formalisant et sécurisant l’occupation dans le cadre d’une méthodologie participative et inclusive et qui prenne en charge les situations d’irrégularités et leur résolution. Du point de vue opérationnel, il s’agit d’expérimenter des méthodes innovantes, alternatives et systématiques pour ajuster les pratiques légales et légitimes. Ces méthodes auraient pour but d’achever une plus grande sécurité d’occupation au plus grand nombre dans le cadre juridique existant, de contribuer à la résolution des contentieux fonciers en suspens et d’améliorer la qualité et la gestion des informations foncières. Les actions suivantes pourraient être entreprises dans ce sens: • Un ensemble d’ajustements juridiques pour formaliser et sécuriser le plus grand nombre, qui touchent notamment à la délivrance du titre foncier, à la clarification et harmonisation des interprétations relatives aux droits sur les dépendances du domaine national, à la résolution des conflits et la décentralisation des instances de recours, à la cohérence de l’information foncier sur les biens, les détenteurs de droits et la garantie de leurs droits, mais aussi à la gestion du domaine privé de l’Etat et de ses agences • La mise en œuvre de méthodes permettant d’améliorer l’accès au foncier pour les groupes vulnérables dont les femmes et les jeunes dans le cadre d’un processus systématique de reconnaissance et formalisation, à force probante intermédiaire et localement mis en œuvre. Les procédures doivent être simples pour que chacun obtienne un document officialisant son occupation foncière, puis avec le temps et chaque fois que cela est nécessaire ou pertinent, conduire vers le titre foncier. • Pour appuyer la stratégie de modernisation de l’administration foncière pour un meilleur service public, il serait utile de poursuivre les efforts entrepris depuis 2011 dans le cadre du PAMOCCA et de mettre en œuvre des opérations pilotes d’enregistrement systématiques des zones urbanisées et de promotion de la sécurisation foncière en milieu urbain. De plus il n’y a pas de réforme réussie sans des hommes et des femmes capables de la mettre en œuvre. La modernisation des institutions foncières nécessite de compter avec un personnel ayant des compétences et des capacités renforcées et mises à niveau. Les agents ont besoin d’un important renforcement de capacité pour s’approprier les nouvelles technologies, les processus de modernisation et pouvoir conduire le changement et la réforme. Les ressources humaines actuellement disponibles au Cameroun tant dans le secteur public que dans le secteur privé ne sont pas suffisantes. Un plan de formation avec un financement en regard pourrait être élaboré. Le contenu des formations doit viser à renforcer les capacités dans diverses matières comme le droit foncier mais également des bases solides en droit civil, droit administratif et droit de l’urbanisme car il n’est plus à démontrer que la sécurité foncière en milieu urbain est intimement liée à l’urbanisme. xvii Executive Summary Rapid urbanization, one of the major features of Cameroon's current socio-spatial dynamics, is leading to strong pressure on land in urban and, especially, peri-urban areas. However, difficulties relating to land tenure security limit the functioning of the land and property market in urban and peri-urban areas, hindering efficient, sustainable, and inclusive urban development in Cameroon, where over 70% of the land does not have a formal title of ownership. The lack of urban planning documents and formalization of land tenure, as well as the lack of urban infrastructure, contribute to inefficient management of space and worsen the adverse effects of urban sprawl. In urban areas whose legal status is unclear or where there are potential land conflicts, reserving land for developing residential areas or economic zones is a complex exercise. Conversely, it is also a challenge to formally recognize and secure these rights if development activities – that often take place in informality or on the fringes of the law – are already underway. The sequencing of these two processes in peri-urban areas is one of the main challenges for urban development. The question that arises is whether it is necessary to plan first to secure rights, or rights should be secured to ensure sustainable land-use planning? The legal, institutional and operational frameworks for private and state-owned land no longer meet current needs for formalizing and securing land tenure. The diversity of land statuses and the existence of the national domain do not facilitate land management in peri-urban areas. The current land tenure system in Cameroon is based on the ordinances of 1974 and 1977 and Law No. 79/05 dated June 29, 1979 on private and state-owned land. According to this framework, there are three major types of private and state land tenure, which are de facto overlapped by the customary land tenure system. The system applies to rural and urban areas equally. The holders of land rights are individuals or legal entities, among which are public entities. Individuals and legal entities under private law hold land assets that may or may not be registered in the land register (with the issuance of a land title as absolute proof of private ownership). The State and local authorities are legal persons under public law. The land property of these public bodies, the domain, can be formal (registered in the land register) or not. The domain is either public or private depending on whether or not it is assigned to public use or service. The national domain is defined as a residual category consisting of land that is not subject to private or public ownership rights but may be appropriated. The national domain is divided into two categories: (1) areas whose occupation results in clear human control over land and evidential development (first category of the national domain); and (2) land free of any effective occupation (second category of the national domain). xviii The land tenure system is based on the de facto dualism of modern law and traditional customary management. Indeed, there are few areas without any form of land tenure or control.14 Surrounding villages generally have a hold on the land and territory. Traditional chiefs claim the power to allocate land. Customary possession is recognized for customary communities, their members or any other person of Cameroonian nationality on land falling under the first category of the national domain. Since the establishment of the current system, only about 30% of Cameroon's territory has been officially documented. Land title, concession and long-term lease are the main instruments for formalizing and securing land tenure provided for by law. They are issued by a centralized administration that plays a pivotal role. Authentication of modern land rights is based primarily on the registration process, which is a long, costly and complex procedure that diverts land buyers away from the formal market. Land in the national domain in peri-urban areas, mostly governed by customary rights, is therefore particularly affected by informality. Land management often becomes the cause of conflicts, due to a lack of knowledge of the extent of the national domain and the prevailing informality. The registration system as the only means of access to private land ownership is showing its limits in formalizing and securing land rights for the greatest number of people. There are no intermediate certification mechanisms to secure tenure in the current legal system. Institutional coordination is a key challenge, as is the multitude of actors involved. Despite the reduction in the number of actors as part of the 2005 reform, the institutional framework for land management in urban and peri-urban areas is characterized by the intervention of a multitude of actors at the national and local levels. The Ministry of State Property, Survey, and Land Tenure (MINDCAF) is in charge of land issues at the central level. It has four different central directorates; their relations and difficulties in exchanging information, particularly with the deconcentrated services for land registry at the departmental level, significantly slow down the process of obtaining land titles. However, there are other ministries with responsibilities and interest in land management in urban and peri-urban areas. The Ministry of Housing and Urban Development (MINHDU) needs access to land to implement urban development and housing policies but has no competence regarding the formalization of land rights. Other relevant administrations with an interest in access to land in urban and peri-urban areas but no specific competence in land matters are : (i) the Ministry of Economy, Planning and Regional Development (MINEPAT), which is in charge of elaborating the national land development policy, medium and long-term strategies for overall development, and monitoring their implementation; (ii) the Ministry of Territorial Administration (MINAT) in charge of the preparation, implementation and evaluation of the national policy on territorial administration and civil protection; 14Except perhaps for areas that are truly isolated and free of human presence such as forest areas. However, the collection of natural resources constitutes land control. xix and (iii) the Ministry of Decentralization and Local Development (MINDDL) in charge of the preparation, implementation and evaluation of the national policy on decentralization. Four public development and credit agencies are involved in housing policies and thus in land governance: the Urban and Rural Land Development Authority (MAETUR), the Cameroon Real Estate Cooperation (SIC), the Crédit Foncier du Cameroun (CFC) and the Special Council Support Fund for Mutual Assistance (FEICOM) under the supervision of MINAT. At the deconcentrated administrative level, the land advisory commission is a key player that is omnipresent in land and state procedures at the departmental level. Composed of representatives from the public administration, its mandate is to issue a reasoned opinion on applications for the allocation of concessions, to carry out field visits for the issuance of land titles (land development report) and to examine and settle any land disputes submitted to it. Despite the ongoing decentralization process, municipalities play a marginal role in formalizing land rights, even though they have powers and responsibilities in the area of urban planning and development (including the issuance of planning and building permits and authorizations for subdivision). In terms of the management of the public domain, the mayor also grants permissions for the construction of roads. At the same time, customary authorities play an essential role in access to and management of land. Customary control over land remains extremely strong, especially in rural and peri-urban areas. This reflects the dualism of land management, but also shows that the reforms realized to date have not sufficiently considered the reality on the ground and that the existing laws are insufficiently applied. The lack of efficiency and effectiveness of the land tenure system leads to the erosion of user confidence in the system and is not conducive to its improvement. Despite recent reforms and support that have significantly improved service to users, the land administration remains unable to implement and enforce the law applicable since 1974, develop the complex system it foresees and keep information up to date. It should also be noted that, by deconcentrating services, the 2005 reform has not fundamentally improved the basic principles and procedure for issuing land titles, which still suffers from difficulties in practice, such as delays, complexity, and cost. Thus, the improvements for users remains limited. In addition, a chronic lack of human resources and material is aggravated by the inadequacy of the current system to adapt to current needs and the unfamiliarity of a majority of actors with the legal texts, including judges who often decide cases on the basis of common sense rather than the law. The difficulties encountered in accessing and securing land rights are linked to the application of the legal framework and the practices adopted on the ground. The main legal difficulties identified as the most common issues faced by users in practice with regards to formalizing and securing land rights in urban and peri-urban areas in Cameroon are the following: xx 1) Difficulties encountered in obtaining land titles or concessions: These difficulties are mainly related to the cost, slowness, opacity and complexity of the procedure. A particularly worrying bottleneck are oppositions or requests for registration of land rights during the public consultation procedure, which considerably delays the registration procedure. Moreover, property taxation is potentially counterproductive for formalizing and securing land rights. In fact, registration fees are still very high and only those properties registered in the Land Register are subject to property tax. 2) Specific difficulties related to the occupation of the national domain: The definitions of effective development, of occupation without title and of the claim of ceded customary rights, are subject to interpretation, which makes it difficult to apply them consistently across the country. These issues are underlined by the informality in the delivery and management of urban land. The land administration, whose agents are sometimes unscrupulous, is experiencing a crisis of confidence. They are the guarantor to ensure compliance with the procedures and the application of rules when issuing land titles or occupancy permits. Occasional irregularities are admissible and considered under the legal framework. However, users cannot have absolute confidence in official land information. Land information is unreliable because it is not exhaustive and is not systematically updated. At the same time, procedures are rarely respected. Due to inadequate capture and management, information from the land registry (existing rights for plots) and the cadaster (geo-positioning and consistency of the plot) does not meet users' expectations nor establishes trust. Accessing this information is another difficulty. 3) Difficulties encountered by holders of land titles: While the legal framework recognizes the legitimacy of occupants without a title, in practice, it no longer allows a land title to guarantee the legal security of private property due to system failures and misappropriation. The risk that land titles are canceled after the fact has been increasing, which undermines legal security. 4) Difficulties in resolving land disputes: Despite the decentralization process, the handling of land disputes remains highly centralized. Moreover, it should be noted that the leasing of property, mainly informal and in the customary framework, is a source of disputes and impoverishment. 5) Specific difficulties encountered by public entities and state agencies: Developers of infrastructure and urban renewal operations do not only have to deal with the lack of available land but also with many complications related to land expropriation and compensation. Undue allocations and illegal occupations of land reserves belonging to public and para-public institutions are not conducive to urban and housing development. Recommendations and menu of actions The recommendations focus on two main areas: (i) political and legal; and (ii) operational. From a political and legal point of view, the land reform process requires formulating a land policy, developing a strategy and thorough reviewing the legislation. The formulation of a land xxi policy and development of a strategy is not only necessary to secure the continuum of land rights but also to achieve better coordination of urban development, investment and housing construction. It also entails an in-depth revision of the existing legal framework in order to draft the new law or code that would ensure consistency between the policy and the legal framework. The ongoing political process around land reform could be informed by measuring the impact of the legal solutions proposed in the draft law. As part of the current land reform process, the Government could consider two scenarios that can be pursued simultaneously, without excluding each other: 3. A scenario of an in-depth revision and recasting of the legal framework to produce a new single land law or a land code, including public and state-owned land, that is in line with the land policy. 4. A scenario of adjustments supported by experimentation with innovative, alternative and systematic methods that allow the greatest number of people to have rapid access to a document formalizing and securing occupation using a participatory and inclusive approach that also addresses the resolution of irregularities and conflicts. From an operational point of view, the Government could experiment with innovative, alternative and more systematic methods to adjust legal and legitimate practices. These methods would aim to provide increased tenure security for the largest possible number of people within the existing legal framework, contribute to resolving pending land conflicts, and improving the quality and management of land data. The following are some of the key actions that could be undertaken: • A set of legal adjustments in order to provide increased tenure security for the largest number of people, which includes notably the issuance of land titles, clarification and harmonization of interpretations regarding occupation rights on the national domain, decentralizing conflict resolution and appeal bodies, achieving consistency of information on land property, rights holders and the guarantee of their rights, but also the management of the private domain of the State and its agencies. • The implementation of approaches to improve access to land for vulnerable groups, including women and youth, through a systematic process of recognition and formalization, with intermediate and locally implemented evidence. Procedures should be simple so that everyone obtains a document formalizing their land tenure, and then over time and whenever necessary or relevant, lead to land title. • To support the strategy of modernizing land administration for better public service, it would be useful to continue the efforts undertaken since 2011 in the context of PAMOCCA and to implement pilot operations for the systematic registration and promotion of land rights in selected urban areas. Moreover, no reform can be successful without having capable officials for implementing it. The modernization of land institutions requires staff with strengthened and upgraded skills and capacities. Staff need significant capacity building to take ownership of xxii new technologies and modernization processes, and to be able to lead change and reform. The human resources currently available in Cameroon in both the public and private sectors are not sufficient. A training plan with matching funding could be developed. The content of the training should aim at building capacity in various subjects, such as land law, but also creating a solid foundation in civil law, administrative law and urban planning law, as tenure security in urban areas is intimately linked to urban planning. xxiii 1. Introduction L’urbanisation rapide, un des traits majeurs de la dynamique socio-spatiale actuelle du Cameroun, entraîne une forte pression sur le foncier en zones urbaines et, surtout, périurbaines. En 2019, environ 57 pour cent de la population (13,3 millions de personnes) vit en milieu urbain. En raison de cette migration campagne-ville et de la croissance démographique naturelle, on estime que la population urbaine augmente de 8 millions d’ici 2030 (ONU 2018). La pression démographique est particulièrement forte dans les deux villes principales du Cameroun, Douala et Yaoundé, qui abritent près de la moitié de la population urbaine du pays et ont connu une croissance de 6 à 7% par an (RGPH 2005). Depuis 1990, l’empreinte spatiale de Yaoundé et Douala a augmenté de 42% et 17%, respectivement.15 Cependant, des difficultés relatives à la sécurité foncière limitent le fonctionnement des marchés fonciers urbains et, partant, entravent le développement urbain efficient, durable, et inclusif au Cameroun. Au Cameroun, plus de 70% des immeubles dans les zones urbaines et périurbaines, en dehors des centres-villes, n’ont pas de titre formel de propriété. Les résidents sont en général soit propriétaires coutumiers des parcelles portant leurs maisons ou construction, soit locataires. Des divers problèmes liés aux droits de propriété et les difficultés de gouvernance foncière au Cameroun contribuent à rendre l’accès à la terre pour le logement et les activités économiques dans des villes en croissance, onéreux et peu sécurisé. Ces difficultés limitent également la capacité des collectivités locales à tirer profit de la valeur des terres, par l’imposition par exemple, pour financer l’investissement dans le développement social et économique. D’une manière générale, les droits fonciers sécurisés peuvent favoriser de nouveaux investissements commerciaux et immobiliers dans les villes car ils réduisent les incertitudes pour les investisseurs et augmentent la valeur des propriétés.16 L’absence de documents d’urbanisme et de formalisation de l’occupation foncière ainsi que le manque d’infrastructures urbaines contribuent à une gestion inefficace de l’espace, et favorise les effets néfastes de l’étalement urbain. Combinés avec une fragmentation institutionnelle, des problèmes de gouvernance dans la gestion des terres à tous les échelons de l’administration au Cameroun donnent lieu à un schéma d’occupation des sols et de transformation des régimes fonciers trop peu coordonné. Ce défi est particulièrement crucial dans un contexte de 15Propres calculs basés sur les données géospatiales de Global Human Settlement Layer (GHSL). 16Il faut cependant ne pas oublier que la formalisation de la tenure ou le titrement n'entraînent pas nécessairement une plus grande sécurité des droits fonciers et doivent être considérés avec prudence, car cela peut aussi réduire la sécurité des droits fonciers, en particulier pour les groupes de personnes à faible revenu (Durand-Lasserve & Selod, 2007). 1 croissance de la population urbaine et l’expansion spatiale de la ville, en particulier dans les zones métropolitaines à croissance rapide, comme Yaoundé et Douala. Les collectivités locales au Cameroun n’ont pas les moyens d’élaborer et mettre en œuvre des plans d’urbanisme ni d’investir dans des infrastructures urbaines et la prestation de services pour améliorer le cadre de vie en milieu urbain Au vu de ces enjeux, la présente note vise à analyser les difficultés juridiques et procédurales rencontrées par différents types d’acteurs pour accéder au foncier ainsi que les principales contraintes pour sécuriser les droits fonciers, en particulier dans les zones urbaines et péri- urbaines au Cameroun. De nombreuses études académiques ont été réalisées concernant les enjeux du foncier au Cameroun (inter alia : Tiantcheu, Njiako 2012 ; Mabou 2011 ; Guiffo 2008) et la Banque mondiale a réalisé une analyse détaillée en suivant le Cadre d’Analyse de la Gouvernance Foncière (Banque mondiale 2014). L’enjeu n’est donc pas de refaire ce qui a déjà été développé, mais plutôt mettre l’accent sur les pratiques effectivement mises en œuvre et documenter des situations dans leur variété - parfois à la limite du droit voire illégal – qui peuvent apporter une sécurité foncière accrue, faciliter le développement économique et l’amélioration de l’égalité des genres dans l’accès à la propriété. La note se veut fonder sur la pratique et à visée opérationnelle. Basée sur la documentation existante et sur des entretiens avec de nombreuses parties prenantes 17 , l’identification des difficultés et l’analyse des cas d’étude permet de clarifier ou confirmer certains points dans la procédure de formalisation des droits fonciers et comprendre les points de blocages et, le cas échéant, la manière dont ils ont été surmontés. La prise en considération des pratiques effectives est cruciale. Elle permettre de montrer en quoi le cadre juridique n’est pas toujours appliqué et comprendre les raisons pour lesquelles le cadre juridique actuel est insuffisamment, ou en deca des attentes, mis en œuvre 18 , alors même que certaines des dispositions juridiques existantes pourraient permettre la reconnaissance des droits fonciers et la mise en place de mécanismes facilitant les procédures liées aux fonciers. Il s’agit aussi d’anticiper les questions et d’envisager 17 Les données qualitatives relatives à des situations et projets comprenant une emprise foncière sont basées sur les interviews avec des différents acteurs partie prenants, y compris personnes ressources clés, les acteurs institutionnels camerounais, des acteurs « connaisseurs » (c’est-à-dire des usagers directement concernés ou observateurs basés au Cameroun). Certaines pratiques rendent compte des difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de projets par le gouvernement, des acteurs privés, ou par des partenaires financiers. 18 Cet état de fait a été confirmé lors des entretiens de l’équipe avec les principaux ministères et parties prenantes rencontré s, lors des missions de Septembre 2017 et Juin 2018 qui ont permis de recueillir de nombreux éléments et documents. 2 des difficultés de manière pratique sur le terrain lors de l’élaboration et la mise en œuvre des programmes et politiques sectorielles du Gouvernement. La note vise également à formuler des propositions qui pourraient permettre de débloquer certaines situations ainsi que proposer des recommandations19 dans le contexte actuel afin d’enrichir la réflexion menée dans le cadre de la réforme foncière en cours. L’intention est de proposer des pistes de recommandations applicables dans le futur et identifier les mesures juridiques et institutionnelles qui pourraient être ajustées pour résoudre les blocages juridiques et conflits existant liés à la formalisation et la sécurisation du foncier en zones urbaines et périurbaines et en éviter de futurs. Avant d’analyser des enjeux pratiques et situations juridiques spécifiques que l’on rencontre dans de villes comme Yaoundé et Douala et dans leurs périphéries, il sera cependant nécessaire de rappeler les principaux éléments théoriques du cadre juridique foncier au Cameroun. La coexistence de différents systèmes de gestion foncière est une donnée importante pour comprendre la complexité de la situation foncière contemporaine au Cameroun, notamment dans la périphérie des villes. Le régime juridique des droits fonciers et le contexte de sa mise en œuvre (corruption, mauvaise gouvernance, faible capacite des pouvoirs publics, etc.) génèrent des difficultés importantes sur l’accès, la formalisation et la sécurisation des droits foncier. L’enjeu est d’identifier ces dynamiques et la manière de les documenter et les rendre accessible au public. La note est donc organisée en trois parties : Avec une orientation particulière sur les zones urbaines, le chapitre premier passe en revue le cadre juridique foncier et domanial camerounais ainsi que le cadre institutionnel et opérationnel en recensant les acteurs qui interviennent dans l’administration des droits fonciers. Sur la base de ces analyses, le chapitre 2 met en exergue les principales difficultés qui entravent la formalisation et la sécurisation des droits fonciers au Cameroun d’un point de vue « utilisateurs » dans les zones urbaines et périurbaines. Enfin, le dernier chapitre formule des pistes de recommandations pour affronter et résoudre ces difficultés. La note suggère les expériences d’autres pays africains dont les contextes socio- politiques, économiques et juridiques similaires, permettent un parallèle des situations proches de celles auxquelles le Cameroun fait face et auxquelles ils ont été également confrontés. 19 La note ne traite pas de la réforme foncière en cours, étant donné l’absence d’information sur son contenu à ce stade. Cepend ant, les recommandations suggèrent explicitement, selon deux scénarii et au vu d’autres processus de réformes en cours sur le continent africain, des options juridiques susceptibles d’être pertinentes dans le contexte camerounais. Les analyses et opinions dével oppées dans la note n’engage que son auteure, au vu des observations et analyses dans d’autres contextes juridiques et institutionnels proches de celui du Cameroun. 3 2. Les cadres juridique, institutionnel et opérationnel du secteur foncier et domanial ne répondent plus aux besoins actuels de sécurisation Dans les aires urbaines actuelles, réserver des terres pour des activités d’habitat et de zones économiques est très difficile, si le statut juridique n’est pas clair ou si des conflits sont pendants. Inversement, faire reconnaitre ces droits et les sécuriser si des activités sont déjà à l’œuvre dans l’informalité ou en marge des cadres juridiques est également un défi. Le séquençage de ces deux processus dans les zones périurbaines est un des principaux défis à relever en termes de développement et la question se pose de savoir : faut-il d’abord planifier pour sécuriser les droits, ou bien, sécuriser les droits pour assurer une planification des usages pérenne ? Pour ce faire, il est essentiel de rappeler le contexte juridique qui a conduit à la situation actuelle pour comprendre les blocages pratiques et les difficultés contemporaines s pour accéder au foncier et sécuriser les droits dans les villes camerounaises. Le contexte juridique permet aussi d’expliquer en quoi le système en place n’est pas propice à la sécurisation des droits du plus grand nombre. Par ailleurs, ceci permet de souligner d’une part le rôle que l’Etat joue à travers ses institutions et d’autre part celui que les collectivités territoriales décentralisées (CTD) ne peuvent pas jouer dans l’accès, la formalisation et la sécurisation des droits fonciers. Enfin, l’analyse du cadre juridique foncier et domanial permet également d’inscrire la question foncière dans un contexte de très rapide expansion des zones urbaines au Cameroun et dans une perspective plus large d’élaboration et de mise en œuvre des politiques publiques pour l’aménagement et le développement urbain. Ainsi, de nombreux ministères et agences publiques ont, dans différentes mesures, un rôle à jouer ou un intérêt dans les modalités d’accès aux droits fonciers, notamment dans le cadre de la planification et de l’aménagement du territoire actuellement en cours au Cameroun. La question du rôle de la formalisation et de la sécurisation du foncier sur la planification et l’aménagement du territoire se pose avec une acuité particulière en zones péri-urbaines compte tenu la forte pression démographique et concurrence des usages. Au Cameroun, parmi ces processus, celui de l’aménagement du territoire et de la planification des activités à moyen et long terme, a des répercussions sur la réglementation et les pratiques foncières. La planification et l’aménagement territorial ne sont pas en tant que tels des processus de formalisation en vue de la sécurisation des droits fonciers, mais ces deux processus sont étroitement liés. En effet, l’usage et les vocations des terres (les activités qui pourront y être établies) pour être effectives et durables, exigent un minimum de sécurité foncière c’est-à-dire des droits fonciers identifiés et une situation foncière prévisible. 4 Le processus d’aménagement du territoire en cours au Cameroun intègre une approche régionale et des activités de consultation et participation des populations. Dans la politique d’aménagement du territoire (zonage national et planification de l’occupation des sols au niveau régional et des villes) initiée depuis 2011, on observe que le manque de clarification ou de reconnaissance des droits des communautés entrave la mise en œuvre et parfois empêche la mise en exécution des plans d’aménagement et les politiques publiques sectorielles d’infrastructures prévues dans les Plans Directeur d’Urbanisme (PDU) et Plan d’Occupation des Sols (POS). Les difficultés d’application du cadre juridique foncier en vigueur et les pratiques en découlant permettent de mesurer les défis rencontrés. 2.1 La variété des statuts de terre et la figure du domaine national ne facilitent pas la gestion foncière dans les zones périurbaines Le cadre juridique relatif au foncier et aux Domaines au Cameroun et unique et s’applique de manière uniforme en zones urbaines et rurales. Le législateur camerounais n’identifie pas un droit du foncier urbain et un droit du foncier rural comme cela a pu se faire dans d’autres pays où la distinction est explicite comme, par exemple, en Côte d’Ivoire depuis 1998, au Sénégal en 1964 ou au Mali depuis 201720. Juridiquement, il n’y a donc pas de séparation entre foncier urbain et foncier rural au Cameroun21 ; ils sont régis par les mêmes principes juridiques. Les statuts de la terre au Cameroun Lors de la réforme de 1974, le législateur camerounais a introduit une catégorie particulière de terre, le domaine national, qui complète ainsi la distinction habituelle entre domanialité publique et privée. Le système foncier actuel repose sur le dispositif mis en place par les Ordonnances de 197422 et 1977 ainsi que la Loi n° 79/05 du 29 Juin 1979 portant régime foncier et domanial au Cameroun. L’ordonnance 74-2 du 6 juillet 1974 fixant le régime domanial régit les terres appartenant aux personnes publiques. Les terres sont investies soit de la domanialité publique (Chapitre I), soit de la domanialité privée (Chapitre II). L’ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974 fixant régime foncier crée et définit le domaine national comme le surplus aux terres 20 Mentionnons le fait que la loi du 11 avril 2017 sur le foncier agricole malienne exige que 10% des parcelles des périmètres irrigués financés par la puissance publique soient attribuées aux femmes et aux jeunes. Cette disposition volontariste innovante méritera d’être étudiée quant à sa mise en œuvre effective dans les années qui viennent. 21 Les principes juridiques et les instruments pour sécuriser les droits sont les mêmes, seules les modalités de mise en valeur des terrains varient selon les activités (habitation, commerces, agricultures). 22 Ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974, fixant le régime foncier et Ordonnance 74-2 du 6 juillet 1974, fixant le régime domanial. Ordinance 74-1 to establish rules governing land tenure and ordinance 74-2 to establish rules governing State lands. 5 soumises au régime de la propriété privée et celles propriété des personnes publiques (État et personnes morales de droit public). Au Cameroun, au regard des différents régimes existants et leur mise en œuvre, on peut donc distinguer trois grands types de tenure foncière et domaniale : 1) Le patrimoine foncier des personnes physiques et morales privées est constitué des biens que la personne physique et morale possède et sur lesquels elle peut faire valoir des droits légalement reconnus pour en tirer une contrepartie monétaire. La preuve de propriété est assurée par la détention d’une copie du titre foncier le cas échéant ou autres documents authentiques.23 2) La propriété des personnes publiques que sont l’Etat, les CTD ou les autres personnes de droit public. La propriété de ces personnes publiques peut être investie de domanialité publique ou privée, créant un domaine public et un domaine privé. • Le Domaine public (DP) est constitué des biens meubles et immeubles propriété d’une personne publique et qui, par nature ou par destination, sont affectés soit à l’usage direct du public soit aux services publics. Le domaine public peut être naturel ou artificiel. Il comprend entre autres éléments : tous les espaces aériens, fluviaux, terrestres et maritimes spécifiques comme les rives de la mer, toutes les emprises s’étendant des rives aux hautes eaux, les marécages non aménagés, le sol et le sous-sol maritime, fluvial ou lacustre ; les emprises de routes, autoroutes, pistes, chemins de fer et ports ; les monuments et édifices publics créés et entretenus par l’Etat ou autres personnes de droit public (halles, cimetière, musée, marchés) ; • Le Domaine privé de l’État, c’est-à- dire des propriétés privées24 de l’Etat ou toute autre personne de droit public, immatriculées à la conservation foncière ou en cours d’immatriculation. Le domaine privé de l’Etat regroupe toutes les parcelles du domaine 23 Différents types de documents circulent au Cameroun, vestiges des différentes influences juridiques : ainsi, a) les terres immatriculées; b) les « freehold lands (terrains situés dans les zones de colonisation anglaise) ; c) les terres acquises sous le régime de la transcription (soit avant la mise en place de l’immatriculation) ; d) les concessions domaniales définitives donc des t errains mis en valeur, celle-ci étant constatée, mais sans que le concessionnaire ait demandé l’attribution d’un titre foncier) ; e) les terres consignées au « Grundbuch » (donc des terrains inscrits au livre foncier du régime allemand) » peuvent tous faire l’objet du droit de propriété privée. 24 Suivant le rapport établi en 2013 par les services fonciers du Ministère des Domaines et des Affaires Foncières, l’ensemble d e terres immatriculées au Cameroun représente à peine 30% de l’ensemble du territoire national. Elle représente à cet égard en théorie les seuls terrains éligibles au marché foncier de droit commun en vertu des dispositions d’ordre public de l’article 8 de l’Ordonnance 74/1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier au Cameroun qui ne permet des transactions foncières sur les seuls biens immatriculés. 6 national qui ont fait l’objet d’une immatriculation au nom de l’Etat. Le domaine privé de l’Etat est constitué par des acquisitions à titre gratuit ou onéreux selon les règles de droit commun, des déclassements des dépendances du domaine public ou des prélèvements sur le domaine national et expropriation pour cause d’utilité publique. Sur le domaine privé de l’Etat, des concessions et baux peuvent également être délivrés. 3) Couvrant environ 70% du territoire, le Domaine national est défini comme une catégorie résiduelle composée par des terres ne faisant pas l’objet d’un droit de propriété. Il est cependant susceptible d’appropriation privée25, suivant des modes différents selon que l’occupation ou l’exploitation sont antérieures ou non au 5 août 1974. La possession coutumière y est reconnue aux collectivités coutumières, leurs membres ou toute autre personne de nationalité camerounaise en vertu des dispositions pertinentes de l’article 17 de l’Ordonnance n°74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier (domaine national 1e catégorie). Les droits fonciers préexistants à l’introduction d’un corpus de droit écrit, autrement dit les droits fonciers coutumiers, qui peuvent également s’exercer dans les zones urbaines et péri-urbaines, s’appliquent à toutes les catégories de terres du domaine national. Les dépendances du Domaine National sont définies en deux catégories : • Le domaine national de première catégorie est caractérisé par la notion de mise en valeur, soulignée par le législateur de 1974 pour reconnaître la légitimité des droits fonciers des occupants. Il comprend les terrains d’habitation, les terres de cultures, de plantation, de pâturages et de parcours dont l’occupation se traduit par une emprise évidente de l’homme sur la terre et une mise en valeur probante26. Les articles 15 et 17 de l’Ordonnance 74-1 prévoient la reconnaissance des droits d’accès et d’occupation sur les terrains mis en valeur et permettent la procédure d’immatriculation directe.27 • Le domaine national de deuxième catégorie est constitué des terres libres de toute occupation effective28. Force est de constater que rares sont les zones où il n’y a absolument 25 Ces terres sont qualifiées de dépendance du domaine national de 1 ere catégorie en vertu de l’article 15 de l’Ordonnance n°74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier. Ces occupants et possesseurs correspondent à une des catégories de personnes visées éligibles aux compensations si les droits sont affectés par un Projet. (cf. OP 4.12 article 15(a) (les détenteurs d’un droit formel sur les terres (y compris les droits coutumiers et traditionnels reconnus par la législation du pays). 26 Art 15 alinéa 1 27 L’immatriculation directe est la procédure de reconnaissance des droits fonciers d’une personne physique ou morale sur un terra in mis en valeur. Depuis les textes de 1974, le terrain en question doit avoir soit des traces d’une construction, soit comporter des cultures prouvant son exploitation. 28 Art 15 alinéa 2 7 pas d’emprise ou de maitrise foncière29. En effet les villages environnants exercent une emprise sur la terre et le territoire. Les chefs traditionnels revendiquent le pouvoir d’attribuer la terre. Le dualisme de fait entre coutume et loi est une réalité à considérer. Le concept de domaine national est une construction juridique découlant du compromis politique30 au lendemain de l’Indépendance. La légitimité des droits coutumiers préexistants à la loi de 1974 ne découle pas de cette loi. La situation est celle d’un pluralisme juridique caractérisé. De fait, l’Etat reconnait ce droit premier des populations autochtones sur ces terres, désignées comme domaine national mais que les communautés ne perçoivent pas comme tel. Pour les communautés, c’est la « terre de nos ancêtres » et il n’est pas envisageable en 1974 tout comme aujourd’hui, de nier radicalement cette propriété (tenure) coutumière, au risque de générer de graves conflits. Le concept de domaine national était donc un compromis sociopolitique qui concerne cependant une grande partie du territoire camerounais. Ce dispositif donne lieu à des interprétations juridiques divergentes. Certains considèrent que le dispositif ne reconnait pas les droits fonciers coutumiers bien que cela soit aujourd’hui un mode de tenure largement répandu, notamment en milieu rural mais également en zone péri-urbaine zone privilégiée de développement de l’urbanisation galopante à Yaoundé et plus généralement au Cameroun. Cependant, la lettre de la loi est explicite quant à la possibilité pour les populations à la date d’entrée en vigueur en 1974 de rester sur place et d’obtenir un titre foncier. L'article 17 alinéa 2 de l’Ordonnance n° 74/1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier dispose que « les collectivités coutumières, leurs membres ou toute autre personne de nationalité camerounaise qui, à la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance, occupent paisiblement des dépendances de la première catégorie prévue à l'article 15, continueront à les occuper ou à les exploiter. Ils pourront, sur leur demande, y obtenir des titres de propriété conformément aux dispositions du décret prévues à l'article 7 ». La loi indique donc clairement que sur le plan légal, tout agriculteur, éleveur et habitant d’une maison familiale peut obtenir un droit de propriété sur les espaces qu’il 29 Excepté peut-être pour des zones vraiment complètement isolées et exemptes de toute présence humaine comme les zones forestières, Cependant la collecte des ressources naturelles constitue une maitrise foncière. 30 Cette appellation juridique a également été proposée au Sénégal en juin 1964 avec des modalités différentes de reconnaissance des droits d’usage et de propriété. 8 occupe31. Les droits d’accès à la terre sont reconnus dans différents textes légaux32, mais ils ne confèrent pas, en eux-mêmes, de droit de propriété sur ces terres. L’informalité est légitimée par les pratiques administratives et l’exercice encore prégnant de la gestion foncière coutumière. Le système foncier et les principes qui le sous-tendent, notamment du fait de leur complexité, tendent à favoriser la naissance et la persistance de situations d’insécurité foncière. En effet, aux termes de la loi, tous les statuts coutumiers auraient dû être formalisés en fonction de la catégorie dans les dix ans ou quinze ans de la promulgation de la loi en 1974 sur le principe de la demande. Or il n’en a rien été, soit par manque d’intérêt, de connaissance de la loi ou de moyens financiers des détenteurs de droits33, soit par l’incapacité de l’administration en charge de la gestion du foncier à répondre à la demande. Les occupants du domaine national n’ont souvent pas pensé ou jugé utile de se protéger par un document légal et ils peuvent être sujets de situations conflictuelles voire expulsés de leur parcelle. Les terres du domaine national en zone périurbaine, majoritairement régies par les droits coutumiers, sont particulièrement concernées par cette ambiguïté. En effet si de grands espaces du territoire apparaissent libres de toute occupation en zone rurale, d’autres sont occupés par des particuliers qui ont ou pas des titres d’occupation délivrés par l’Etat gestionnaire du domaine national (concession provisoire, permis d’occuper). Ceux qui n’en disposent pas sont des occupants sans titre. En zone urbaine, ces espaces sont souvent pris d’assaut par des populations en mal de logement. Avec le temps, dans l’esprit de l’occupant et dans la réalité physique, cette installation provisoire (une baraque en tôle) devient définitive (une maison en matériaux solides), créant une situation de fait que l’Etat devra régulariser dans le souci de conserver la paix sociale. Une faible portion de territoire est l’objet de documentation foncière officielle depuis la mise en place du système foncier. Le titre foncier, la concession et le bail emphytéotique sont les principaux instruments de formalisation des droits fonciers en vue de la sécurisation prévus par la loi pour les régimes de terres (voir tableau 1). Ils sont délivrés par une administration centralisée qui joue un rôle central (voir aussi section 2.2). 31 Article 17 74-1 Toutefois, les collectivités coutumières, leurs membres ou toute autre personne de nationalité camerounaise qui, à la date d’entrée en vigueur de la présence ordonnance, occupent ou exploitent paisiblement des dépendances de la première catégorie prévue à l’article 15, continueront à les occuper ou à les exploiter. Ils pourront, sur leur demande y obtenir des titres de propriété conformément aux dispositions du décret prévues à l’article 7. 32 Ordonnance n° 74/1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier et les décrets d’application pour l’octroi de concession ; même esprit pour des textes sectoriels tels que la loi de 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche. 33 Le processus devait être complété dans les 10 ans à compter de la mise en vigueur de la loi de 1974, 15 ans pour les terres rurales. En 1987, moins de 30 000 parcelles agricoles sur 1 145 700 étaient immatriculées, soit 2.6 % des terres agricoles (MINEF/PNUD, 1995). 9 • Le titre foncier est le document de la consécration officielle de la propriété foncière et immobilière. Il est inattaquable, intangible et définitif. L’enregistrement au Livre foncier emporte immatriculation et opposabilité aux tiers34. • La concession peut être provisoire ou définitive. Provisoire elle est délivrée pour une durée de cinq ans reconductibles sous réserve de la mise en valeur conforme au projet. Elle est octroyée pour des projets de développement entrant dans le cadre des options économiques, sociales ou culturelles de la Nation. La concession provisoire est transformée en concession définitive si à l’expiration du délai, la mise en valeur est totalement conforme au projet et constaté par la commission ad hoc. La concession définitive ouvre la voie, le cas échéant, à la délivrance d’un titre foncier. • Le bail emphytéotique est délivré aux étrangers ayant mis en valeur une dépendance du domaine national. Tableau 1: Instruments de formalisation des droits fonciers par régime des terres Caractéristiques juridiques Instruments de formalisation e 1 catégorie Immatriculation + Titre foncier Immatriculation + concession Domaine national e 2 catégorie Bail Affectation Immatriculation + titre foncier Particulier Concession Domaine privé Baux Concession Etat et personnes publiques Affectation Insusceptible d’appropriation Domaine public (sauf si bonne foi art 7 Ord. Permis d’occuper 76/2), déclassement possible Par ailleurs, il faut également souligner qu’un assez faible pourcentage du territoire est documenté depuis la mise en place du système foncier au début du 20e siècle, ce qui est insuffisant au regard d’un système fonctionnel. Si un rapport établi en 2013 par les services fonciers du MINDCAF indique que l’ensemble de terres immatriculées au Cameroun représente 34 Article 1 du décret 76-165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier modifié et complété par le décret 2005-481 du 16 décembre 2005. 10 30% de l’ensemble du territoire national, d’autres sources indiquent seulement 10% du territoire documentés. La diversité des statistiques et indicateurs sur la formalisation des droits incitent donc à la prudence. Les chiffres avancés ne décrivent pas la documentation prise en compte (titre foncier, baux, concessions, …), ni même l’avancement de la procédure pour ces dossiers et ne permettent pas une corrélation sérieuse. L’absence de données fiables est un indicateur en soi de la faiblesse du système foncier. Faute de connaitre le domaine national dans son entièreté et à cause de l’informalité qui prévaut notamment du fait de la coexistence avec la coutume, la gestion foncière et domaniale peut être la cause de situations conflictuelles. 2.2 L’enjeu de la coordination institutionnelle est un défi de premier ordre toute comme la simplification de la multiplicité des acteurs Le cadre institutionnel pour la gestion foncière en zone urbaine et périurbaine se caractérise par l’intervention d’une multitude des acteurs aux niveaux national et local. La cartographie des acteurs en charge du foncier permet d’identifier les différents types et niveaux d’intervention des institutions (acteurs étatiques centraux, déconcentrés, sectoriels, décentralisés, opérationnels), leur rôle respectif et leurs relations ou leur manque de coordination. La cartographie des acteurs compétents est également établie du point de vue des usagers pour identifier les acteurs, incluant communautés et personnes physiques et institutions qui ont un besoin d’accès au foncier, et qui ont un intérêt dans l’organisation de l’accès au foncier. Concernant les usagers (toute personne ou entité qui a besoin de sécuriser des droits fonciers dans des zones urbaines et périurbaines), il s’agira de rendre compte du parcours de l’usager du foncier pour accéder au foncier et sécuriser ses droits fonciers qu’ils soient d’occupation ou de propriété. Il faut également ne pas perdre de vue que les institutions impliquées dans la gestion des terres au Cameroun se caractérisent par une grande diversité de statuts, de missions, d’objectifs, et de moyens. Diversité et difficile coordination des administrations étatiques et agences sectorielles Le Ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières a la charge des questions foncières au niveau étatique central. Le Ministère des Domaines et des Affaires foncières (MINDAF à l’époque, devenu MINDCAF)35 a été créé le 8 décembre 2005 pour prendre cette fonction du Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat (MINUH). En 2012, du point de vue 35Décret no 2005/320 du 08 décembre 2005 portant organisation du Gouvernement portant organisation du Gouvernement (Création du MINDAF) et Décret no 2005/178 du 27 mai 2005 portant organisation du Ministère des Domaines et des Affaires Foncières et domaniales 11 institutionnel, le MINDCAF est organisé par le décret 2012/390 du 18 décembre 2012 portant organisation du MINDCAF. Ce décret met en œuvre l’organisation de l’administration foncière au niveau central et déconcentré. Les principales responsabilités du MINDCAF tiennent à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de la politique foncière, à la gestion des domaines privé et public de l’Etat et du domaine national pour les propositions d’affectation dont les réserves foncières et à la gestion de la conservation foncière, domaniale et cadastrale dont l’octroi des titres fonciers, arbitrages des litiges. Le MINDCAF compte quatre différentes directions à l’administration centrale dont les relations et les difficultés d’échange d’information en particulier avec les services départementaux des conservations foncières contribuent largement aux lenteurs des processus. Comme le montre l’organigramme ci-dessous, au niveau central, le ministre est appuyé notamment par les conseillers, l’inspection générale et un secrétariat particulier. Le secrétariat général (SG) est l’administrateur de l’administration centrale et des services déconcentres au niveau régional et départemental dont la conservation foncière et le service du cadastre qui sont les services techniques opérationnels. Les directions centrales techniques sont la direction des domaines, la direction des affaires foncières, la direction du patrimoine de l’Etat et la direction du cadastre. Le Ministre du MINDCAF a un rôle direct dans les procédures d’attribution des concessions de moins 50 ha et les annulations des titres, tandis que le Président de la République est compétent pour l’attribution de concession de plus de 50 ha. Cependant, d’autres ministères ont des attributions et de l’intérêt à la gestion des terres en zones urbaines et périurbaines. Le Ministère de l’Habitat et du Développement Urbain (MINHDU) est tributaire de l’accès au foncier pour mettre en œuvre la politique d’urbanisme et de logement, mais n’a pas de compétence en matière de sécurisation des droits. D’autres administrations concernées qui ont un intérêt dans l’accès au foncier dans de zones urbaines et périurbaines mais pas de compétence spécifiques en matière foncière sont : (i) le Ministère de l’Economie, de la Planification, et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT) en charge de l’élaboration de la politique nationale d’aménagement des terres, des orientations générales et des stratégies de développement à moyen et long termes, ainsi que du suivi de leur mise en œuvre; (ii) le Ministère de l’Administration Territoriale (MINAT) en charge de la préparation, de la mise en œuvre et de l’évaluation de la politique national en matière d’administration du territoire et la protection civile ; et (iii) le Ministère de la Décentralisation et du Développement Local (MINDDL) en charge de la préparation, de la mise en œuvre et de l’évaluation de la politique nationale en matière de décentralisation. 12 Ministre Conseillers Inspection Generale Secretaire General Adminsitration Services deconcentres centrale Delegation regionales Direction des Direction des Affaires Direction du des Domaines, du Direction du Cadastre Domaines foncieres Patrimoine Cadastre et des Affaires foncieres Delegation departementale des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncieres Service departemental Conservation fonciere du Cadastre Figure 1 : Aperçu institutionnel de la gestion foncière. Source : Auteur. D’ailleurs, quatre agences publiques d’aménagement et de crédit particip ent aux politiques de logement et donc à la gouvernance foncière : • Tout d’abord, la Mission d'Aménagement et d'Equipement des Terrains Urbains et Ruraux (MAETUR), créée en 1977, a pour objectif de réaliser des opérations d’aménagement de terrains en zone urbaine pour créer l’habitat et en zone rurale à destination de l’activité agricole. La MAETUR exerce quatre types d’activités : (i) les opérations foncières ; (ii) les études ; (iii) l’aménagement urbain ; et (iv) la restructuration des quartiers. Ces métiers peuvent être exercés pour son propre compte ou bien pour le compte de tiers (Etat, CTD, personnes morales ou physiques de droit privé). En milieu urbain, la MAETUR réalise des 13 opérations de lotissement 36 , de vente des parcelles, de voirie, d’assainissement des eaux pluviales et eaux usées, d’adduction d’eau potable, d’électrification et d’aide à la construction dans les zones qu’elle aménage. Pour ces opérations de lotissement, elle impose des normes de construction aux acheteurs privés ou bien revend ses terrains à la Société Immobilière du Cameroun (SIC). Cependant, si la MAETUR équipait environ 2000 parcelles par an dans les années 1990, ce chiffre est tombé à environ 800 parcelles par an en 2009. Enfin, bien que son domaine de prédilection soit le lotissement, la MAETUR a aussi participé à quelques restructurations de quartiers dans la ville de Douala. Lors des opérations foncières, elle n’a pas de prérogatives particulières en matière de formalisation des droits fonciers, ni même un accès privilégié au foncier pour mener ces activités. Elle se doit de se conformer au cadre juridique en vigueur, en relation avec les autorités compétentes. • Deuxièmement, la Société immobilière du Cameroun (SIC) est une société d’économie mixte créée en 1952, avec la tutelle du MINHDU et du Ministère des Finances. Son capital est détenu à 95% par l’Etat Camerounais. Elle a pour missions principales : (i) l’étude et la réalisation de projets dans le domaine du logement social, (ii) la construction et l’achat d’immeubles, ainsi que (iii) leur promotion et leur commercialisation. Elle réalise aussi des équipements publics pour le compte de différents acteurs publics ou privés. A Yaoundé, la SIC a réalisé 2504 logements, sous la forme d’immeubles, dans sept quartiers de la ville. La SIC dispose de trois mécanismes pour accéder au foncier : (i) acheter des terrains au prix du marché, ce qui oriente vers des logements haut-standing plutôt que de produire des logements sociaux ; (ii) recourir à une expropriation suite à une déclaration pour utilité publique, procédure qui pose la question des compensations ; et (iii) bénéficier de cessions ou affectations du domaine privé de l’Etat, aménagé et mis à disposition par la MAETUR et avec l’appui des financements du Crédit Foncier du Cameroun (CFC). • Troisièmement, le Crédit Foncier du Cameroun (CFC) a été créé en 1977 pour répondre au besoin et à la demande croissante de logements au Cameroun. C’est ce modèle associant MAETUR-SIC-CFC qui a permis les grands projets SIC (Grand-Messa, Cité-verte, Biyem- Assi, Mendong, etc. à Yaoundé et Bonamoussadi, Makepe etc. à Douala). Enfin, le Fond spécial d’Equipement et d’Intervention intercommunale (FEICOM), sous la tutelle du MINAT, accompagne les CTD dans le processus de développement en leur apportant 36Le lotissement est l’ensemble des parcelles de terrains aménagées par la puissance publique ou par un promoteur privé, aux fins de les mettre à dispositions ou de les céder à des personnes privées. La réglementation, et donc l’élaboration du lotissement , relèvent autant du droit de l’urbanisme que du droit domanial et foncier. 14 notamment une assistance technique et financière. Dans le cadre du financement des lotissements communaux, le FEICOM a, dans certains cas, agi en tant que bailleur de fonds et pas seulement de l'activité de lotissement. Dans le cas de la CA Ngaoundéré 3ème, le FEICOM a également financé la construction d'une école primaire sur l'un des lots du service public. Indirectement, le FEICOM habilite également les communes à financer des opérations d'acquisition de terres qui pourraient impliquer une expropriation et une indemnisation qu'une commune n'aurait pu se payer sans cette mesure. Une compétence accrue des structures déconcentrées et l’importance de la commission consultative foncière au niveau départemental Dans le contexte de la décentralisation au Cameroun 37 , de nouveaux décrets visent à renforcer la proximité des services fonciers avec les usagers et améliorer la procédure d’obtention du titre foncier. La réforme de 2005 portant sur la déconcentration des services administratifs chargés des domaines et de la gestion foncière déconcentre les services de l’Etat au niveau local et renforce leurs compétences en matière de gestion durable des terres. 38 La conservation des titres fonciers est déconcentrée au niveau départemental où l’administration territoriale (préfectures et sous-préfectures selon les cas) accueille dorénavant les demandes et assure le suivi des dossiers, y compris la gestion des commissions consultatives. Les services déconcentrés de l’administration des Domaines (services régionaux) sont chargés du suivi technique de ces mêmes dossiers. C’est une avancée pour le citoyen puisque les dossiers pour l’obtention d’un titre foncier ne remontent plus au niveau du Ministère à Yaoundé39. Au niveau déconcentré, il faut souligner l’importance de la commission consultative qui est omniprésente dans les procédures foncières et domaniales au niveau départemental. Elle conserve son rôle important dans le dispositif prévu dans le décret n° 2005/481 révisant les conditions d’obtention du titre foncier, notamment dans le constat de mise en valeur pour permettre l’attribution du titre foncier. Les membres sont nommés par le Préfet et siègent au niveau du district ou de l’arrondissement. La commission est composée de représentants de l’administration (le sous- préfet ou le chef de district/arrondissement la préside), du chef et de deux notables du village ou 37 La loi N°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 Juin 1972 a donné une impulsion à la décentralisation pour améliorer et dynamiser le développement politique, social et économique du Cameroun. 38 Décret no 2005/320 du 08 décembre 2005 portant organisation du Gouvernement (Création du MINDAF) et Décret n o 2005/178 du 27 mai 2005 portant organisation du Ministère des Domaines et des Affaires Foncières et domaniales. La déconcentration n’e st pas la décentralisation des compétences foncières, mais celles des services administratifs de l’Etat, chargés des doma ines et de la gestion foncière 39 Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 modifiant et complétant certaines dispositions du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier. 15 de la collectivité où se trouve situé le terrain. Elle a pour mandat d’émettre un avis motivé sur les demandes d’attribution des concessions, examiner et régler le cas échéant les litiges qui lui sont soumis dans le cadre de la procédure d’obtention d’un titre foncier sur les dépendances du domaine national occupées ou exploitées coutumièrement ou qui lui auront été envoyées par les juridictions40. Elle identifie les terrains indispensables aux collectivités villageoises, reçoit toutes observations et toutes informations en rapport avec la gestion du domaine national et fait des recommandations au Ministre chargé des domaines, et doit constater la mise en valeur des terrains pour l’obtention du titre foncier. Pour nombre de personnes, les commissions consultatives apparaissent comme des facteurs de ralentissement qui n’apportent pas toujours les solutions attendues. Par ailleurs, sa composition, précisée dans le décret 76-166 de 1976, devrait être modifiée pour tenir compte des changements du décret de 2005, notamment en introduisant la présence des délégués départementaux des domaines et des affaires foncières. Malgré le processus de décentralisation, les communes jouent un rôle marginal en matière de formalisation des droits fonciers Si le Cameroun est engagé dans un processus de décentralisation de certaines compétences de l’Etat aux Collectivités territoriales décentralisées (CTD), ce transfert ne concerne pas les compétences spécifiques en matière d’attribution et de formalisation des droits fonciers. L’organisation et les principes de la décentralisation ont été approfondis au Cameroun depuis 200441. Les communes sont les CTD de base ayant une mission générale de développement local et d’amélioration du cadre et des conditions de vie de ses habitants (voir encadré 1)42. Ainsi, les communes ne sont pas associées aux processus d’attribution des titres de propriété qui restent de la seule compétence de l’administration chargée des Domaines. Les CTD règlent, par délibération, les affaires de leur compétence, mais l’article 15 de la loi d’orientation précise que « les 40 En application de l’article 5 de l’ordonnance n° 74-1 du 6 Juillet 1974 fixant le régime foncier. En milieu rural, certaines responsabilités propres telles que de proposer à l’autorité sous-préfectorale la répartition de l’espace rural en zone agricole et pastorale suivant les besoins des populations. 41 Loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation, Loi n° 2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions et Loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes. La distinction entre commune rurale et commune urbaine est supprimée ; on parle dorénavant de communes. La loi portant statut des communes précise également celui de la communauté urbaine, des communes d’arrondissement et des syndicats de communes, entités qui relèvent du régime de la commune, notamment concernant les compétences et les ressources. La communauté urbaine comprend au moins deux communes portent la dénomination de communes d'arrondissement. En 2008, 12 nouvelles communautés urbaines ont été ajoutées aux deux préexistantes, Yaoundé et Douala, et leurs communes d’arrondissement respectives. Le régime des communautés urbaines et des communes d’arrondissement applicable aux agglomérations urbaines est maintenu, régime qu’adoptent progressivement les communes urbaines à régime spécial, c-à-d des communes dont les fonctions de maire sont assumées par un Délégué du Gouvernement (nommé). 42 Il existe aussi des instances qui jouissent d’une autonomie relative et dont les attributions ont une incidence sur la gouver nance foncière comme par exemple la Mission d’Etudes pour l’Aménagement et le Développement de la Région du Nord (MEADEN), créée par Décret du Président de la République n0 2002/039 du 04 février 2002. 16 compétences transférées aux collectivités territoriales par l'État ne sont pas exclusives. Elles sont exercées de manière concurrente par l'Etat et celles-ci ». Ainsi, les CTD « exercent leurs activités dans le respect de l'unité nationale, de l'intégrité du territoire et de la primauté de l'État », par cet article 3 est rappelée la tradition de centralisation de l’État camerounais. Du point de vue des compétences en matière domaniale, le maire accorde les permissions de voirie à titre précaire et essentiellement révocable sur les voies publiques 43 . Les actes de gestion que prend le maire sur le domaine public sont soumis à l'approbation du représentant de l'État et sont communiqués après cette formalité au conseil municipal pour information. Ceci confirme une autonomie très relative de l’exécutif communal sur le domaine public de la commune. Le maire est également en charge « de conserver, d'entretenir et d'administrer les propriétés et les biens de la commune et d'accomplir tous actes conservatoires de ces droits ; de délivrer les permis de bâtir et de démolir ainsi que les autorisations d'occupation des sols. »44 Les communes ont ou devraient avoir un patrimoine propre. Elles peuvent bénéficier de l’accès à certaines dépendances relevant du domaine de l’État. Cependant la cession ou l’affectation à l’usage de la collectivité locale relèvent en dernière instance de la responsabilité de l’État. Encadré 2 : Compétences des communes en matière d’urbanisme et d’habitat. La réforme de la décentralisation de 2004 a transféré de nombreuses compétences et responsabilités aux communes, notamment dans le secteur de l’urbanisme et aménagement urbain mais aussi dans les domaines suivants : équipements et infrastructures d'intérêt communautaire, entretien de la voirie, signalisation et éclairage public, approvisionnement en eau potable, parking et parcs de stationnement. En ce qui concerne le secteur d’urbanisme et l’aménagement urbain, les communes ont compétence, avec un contrôle a posteriori, pour la délivrance des certificats d'urbanisme, des autorisations de lotir, des permis d'implanter, des permis de construire et des permis de démolir »45. En revanche, le contrôle demeure soumis à l'approbation préalable46 du représentant de l'État, en ce qui concerne les affaires domaniales et les plans régionaux et communaux de développement et les plans régionaux d'aménagement du territoire » La présence du représentant de l'État ou de son délégué dûment mandaté au conseil municipal, est de droit. Ainsi, dans le cadre de la décentralisation, on observe une forte présence étatique. 43 Art 89, Loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004, texte précité. 44 Art. 71, Loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004, texte précité. 45 Loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes Art. 17. 46 Et non a posteriori, donc un contrôle plus fort est exercé. 17 Parallèlement les chefferies coutumières jouent un rôle essentiel en matière d’accès et de gestion des terres. Leurs structures peuvent être segmentaires ou centralisées et varient selon la région47. Malgré les décrets de 2005, le mode de gestion coutumière reste extrêmement vivace, surtout dans les zones rurales et péri-urbaines. Ce constat fait la preuve d’un dualisme de gestion foncière mais aussi que les réformes opérées n’ont pas suffisamment prises sur le réel et que les textes sont insuffisamment appliqués. Le rôle des promoteurs immobiliers et lotisseurs privés Enfin, les promoteurs immobiliers sont des acteurs importants intervenant dans le secteur foncier, en particulier pour la réalisation de lotissement, dans le secteur du logement. Il y a 114 promoteurs immobiliers privés agréés par le MINHDU au Cameroun. Parmi les plus en vue à Yaoundé, on cite la MUPROF, SOPRIN, Express la vallée, Hibus Immobilier, SCI Logis, Maison Ether et Terre, et Amout. À ces acteurs, s’ajoutent des lotisseurs privés occasionnels, agréés ou non, comme des géomètres, des hommes d’affaire et élites locales (comme le milliardaire Victor Fotso et Dongo Essomba pour ce qui est du quartier résidentiel haut de gamme de Santa Barbara), des familles propriétaires de terrain initiant des opérations de lotissements pour augmenter la valeur de leur terrain avant la vente et même des établissements bancaires comme Afriland First Bank. La grande majorité des lotissements sont réalisés par le secteur privé, via des opérations souvent informelles, avec une qualité de prestation et un professionnalisme qui doivent être améliorés. Ils se doivent de respecter et de contrôler la régularité des procédures d’accès au foncier au regard du droit applicable, ce qui vu le cadre juridique en vigueur concernant la formalisation des droits fonciers, ne permet pas les opérations envisagées, d’où des pratiques informelles et irrégulières. Parmi les acteurs intervenants, les professionnels du foncier tels que les notaires et les géomètres publics et privés interviennent dans les phases juridiques et techniques des transactions foncières. Également, les autorités administratives et judiciaires en charge des contentieux relatifs aux questions foncières doivent être mentionnés, leur rôle est crucial dans un contexte où les nombreuses irrégularités suscitent de nombreux conflits. 47 La structure des chefferies de type centralisé est caractéristique des Régions du Septentrion où le Lamido, percepteur d’impôts, est le gérant du domaine foncier de la chefferie et exerce son autorité sur les personnes aussi bien que sur les terres et les biens, par l’intermédiaire de dignitaires et de notables regroupés dans des conseils ou des collèges. Dans les chefferies dites segmentaires, le pouvoir central est faible, et les villages, relativement indépendants, gèrent leur terroir de manière autonome. Le chef est doyen d’âge ou toute autre personne respectée. Sans détenir le réel pouvoir exécutif, il représente le lien avec les ancêtres et régule la vie au sein du lignage avec l’aide du conseil des notables. 18 2.3 Malgré la réforme de 2005, le plus grand nombre n’accède toujours pas à sécuriser leurs droits fonciers Une avancée de la réforme du secteur des affaires foncières et domaniales tient à la réduction du nombre d’intervenants et des délais. En déconcentrant les formalités de traitement des dossiers de demande d’immatriculation, le Cameroun a diminué le nombre des intervenants en supprimant notamment l’intervention du ministre des affaires foncières mais aussi des préfets. Comme le montre la figure ci-dessous, le nombre d’institutions acteurs de la procédure d’obtention d’un titre foncier est donc passé de 6 à 4 et les étapes principales de 8 à 6. L’administration foncière s’est rapprochée de l’usager : la demande est déposée à la sous-préfecture. Si le service départemental des domaines reste le bras technique de la procédure en assurant d’une part l’affichage (avis de bornage et de clôture) et la planification des opérations, il est désormais en charge de l’établissement du titre foncier et de son archivage. La commission consultative reste au cœur de la procédure comme interface sur le terrain entre l’Etat (du fait de sa nomination par le sous-préfet) et le demandeur, mais l’organisation et le fonctionnement de la commission ont été amélioré par le décret 2016-1430. Figure 3: Procédure d’obtention d’un titre foncier avant et après la réforme de 2005. Source: Assako Assako; Njouonang Djomo (2015) : Curée foncière et stratégies d’accès à la terre dans la périphérie sud-ouest de Yaoundé, p. 24. 19 Cependant, force est de constater qu’en déconcentrant les services, la réforme de 2005 n’a pas fondamentalement modifié et amélioré les principes de base et la procédure pour l’obtention d’un titre foncier. Le dossier est toujours déposé au niveau de l’arrondissement à la sous-préfecture. Mais c’est dorénavant le sous-préfet, et non plus le préfet, qui prend l’arrêté fixant la date de constat d’occupation et d’exploitation de la parcelle. Une fois ce constat effectué, la commission consultative procède au bornage du terrain. Dans le cadre de la déconcentration, c’est la délégation régionale du MINDCAF48 qui assure la publication des « Avis de clôture et bornage » après réunion de la commission consultative. Ces avis sont désormais publiés dans le bulletin des avis domaniaux et fonciers, alors que depuis 1976 ils l’étaient dans le Journal Officiel, alourdissant et renchérissant la procédure. Si auparavant, le préfet transmettait le dossier à la direction du domaine du MINUH, c’est dorénavant le délégué départemental du MINDCAF qui le transmet au délégué régional des affaires foncières49. Les dossiers de demande d’immatriculation, visés antérieurement par le directeur du domaine au niveau du ministère le sont maintenant au niveau de chaque région. Par ailleurs, toujours dans le sens d’une déconcentration de la gestion foncière, la conservation foncière à qui est transmis le dossier pour immatriculation de l’immeuble dans le livre foncier, après visa par le chef de service régional au niveau de la délégation départementale du MINDCAF. Figure 4: Les principales étapes dans l’obtention du titre foncier depuis 2005 (source http://titre-foncier-au- cameroun.blogspot.com/2010/09/les-principales-etapes-dans-l-du-titre.html ) ; Source : Cashousing, la revue des professionnels de l’habitat, Bulletin du Crédit Foncier du Cameroun, n3, 2015. 48 Art 15.4 Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 modifiant et complétant certaines dispositions du décret n°76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier. 49 Art. 15.1 Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005. 20 Malgré des améliorations, l’obtention d’un titre foncier souffre encore des problèmes de lenteur et coût dans la pratique et les effets pour les usagers restent limités. Auparavant, les délais pour obtenir un titre foncier se comptaient le plus fréquemment en années. En principe, le processus règlementaire de délivrance du titre foncier a été réduit à six mois par la réforme de 2005, comme le montre la figure 3. Cependant, les difficultés inhérentes à la gestion du système dans sa forme actuelle (lenteur, coût, complexité) persistent lors des procédures d’immatriculation des terres et d’enregistrement des droits. Du fait de sa complexité, la procédure d’immatriculation est généralement peu ou mal appliquée dans la pratique. La complexité et le nombre d’étapes à passer ouvre aussi la porte à des pratiques non conformes ou à la corruption. À titre d’exemple, il a été observé à Yaoundé des délais de traitement pour l’obtention d’un titre foncier couramment compris entre six et 18 mois. En ce qui concerne les coûts, les textes d’application prévoient un budget, à la charge du requérant 50 , d’environ 500.000 francs CFA pour titrer une parcelle à construire de 500 m2 à Yaoundé51. Dans la pratique, pour prendre en charge toutes les dépenses annexes, le budget est à minima triple. Le nombre de titres délivrés recensés par le MINDCAF reste, donc, très faible au regard du nombre de parcelles du territoire national. En effet le nombre de titres fonciers délivrés depuis 1932 était de 413.384 en novembre 2017 (MINEF/PNUD). Cependant, avec l’évolution des pratiques, la demande d’obtention de titres fonciers est plus forte en milieu urbain où les usagers ont plus recours au droit écrit. Depuis quelques années, c’est dans les centres urbains que la majorité des titres fonciers ont été délivrés. Le système d’immatriculation comme seul moyen pour accéder à la propriété foncière privée montre ses limites pour sécuriser les droits fonciers du plus grand nombre dans le contexte camerounais. En effet, seule l’immatriculation permet la sécurité de la propriété et de l’occupation foncière. Il n’existe pas de mécanismes de certification intermédiaire permettant la formalisation des droits fonciers exercés en vue de la sécurisation des occupations. Le manque d’efficience et d’efficacité du système foncier aboutit à l’érosion de la confiance des usagers dans le système et son amélioration. Dans la pratique, en zones rurales où moins de 5% des terre ont été immatriculées, les systèmes traditionnels régissent les relations à la terre. Ceci pose crucialement la question de l’accès de la terre pour les femmes et les jeunes. Le recours aux processus du droit écrit en vigueur est le plus souvent déclenché par un élément extérieur, par exemple des programmes de développement qui vont notamment accroître la valeur des parcelles. L’extension des zones 50 Art.7 décret 2016-1430 fixant les modalités d’organisation et de fonctionnement de la Commission de consultation en matière foncière et domaniale 51 Art 9 décret 2016-1430 prévoit 165.000 francs CFA par descente sur le terrain de la commission de consultation (Président, secrétaire et 8 membres) (une pour la mise en valeur et une pour le bornage) auquel il faut ajouter les droits de timbres, les état et certificat de propriété pour environ 150.000 francs CFA. 21 urbaines des villes secondaires et moyennes pourra accroitre la demande de formalisation, y compris en zones rurales. Les efforts de la réforme de 2005 semblent toutefois avoir accru le recours à l’immatriculation dans la périphérie des grandes zones urbaines. Une analyse des données recueillies auprès du MINDCAF dans le cadre de l’étude pour le cas de l’aire métropolitaine de Yaoundé (AMY) entre 2005 et 2017 démontre que le nombre total d’inscription dans les cinq départements de l’AMY a progressé régulièrement depuis 2005 sur l’ensemble des départements (bâton bleu avec un progression importante dans l’AMY dans la figure 5). En fait, le nombre de titres fonciers a doublé dans les quatre départements hors département Mfoundi entre 2013 et 2017 (bâton orange dans la figure 5). Parmi les quatre départements périphériques de l’AMY, c’était à Méfou et Afamba où la croissance des inscriptions a été la plus forte entre 2012 et 2017 (voir figure 6). La moyenne annuelle des inscriptions pour l’aire métropolitaine est de 4,500 inscriptions au Livre foncier. Les inscriptions sur AMY représentent 14% du nombre total d’inscriptions au livre foncier (58.072/413.484). Malgré cette tendance positive d’inscriptions dans le livre foncier, au regard de la population de l’AMY et du potentiel de parcelles à enregistrer ce chiffre reste encore faible. 70000 60000 50000 40000 30000 20000 10000 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Total Total hors Mfoundi Figure 5: Nombre cumulé d'inscriptions dans l'aire métropolitaine de Yaounde. Source : MINDCAF. 22 25000 20000 15000 10000 5000 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Lekié Méfou et Afamba Méfou et Akono Nyong et So’o Figure 6: Progression des inscriptions dans les 4 départements de l'AMY hors Mfoundi. Source : MINDCAF La faiblesse des capacités humaines et financières de l’administration foncière contribue depuis 1974, à la difficile mise en œuvre des textes légaux et règlementaires domaniaux et fonciers. Bien que soutenue par des projets, l’administration foncière n’est pas en mesure de mettre en œuvre le droit applicable de 1974 et de le faire respecter. En effet, le manque récurrent de moyens humains et matériels, est aggravé par l’inadaptabilité du système en vigueur aux besoins du moment et à la méconnaissance des textes par une grande majorité d’acteurs dont les juges qui tranchent les affaires plus souvent en fonction du bon sens que de la loi. Concernant les ressources humaines, elles pourraient être renforcées tant sur les plans qualitatifs que quantitatif. Une stratégie cohérente et durable de gestion des ressources humaines doit être pensée et mise en place afin de remplacer un personnel permanent vieillissant secondé par des agents certes plus jeunes mais saisonniers ou temporaires. Au regard des innovations et des nouvelles technologies, les compétences de tous ces personnels doivent être renforcées et mises à jour. De surcroit, l’administration domaniale rencontre des difficultés matérielles et logistiques pour gérer les archives et la volumineuse documentation papier ; elle ne dispose pas non plus du temps et des ressources pour entreprendre les contrôles nécessaires sur le terrain. Au bout du compte le constat est que la déconcentration a déplacé les faiblesses du système centralisé dans les régions (Voufo 2006). La question des dossiers en souffrance est récurrente. Déjà en 2006 pas moins de 140.000 dossiers de demandes étaient en souffrance. La note ne traite pas de cette question mais l’actualité de la donnée foncière et la gestion des stocks de demandes est au cœur de la modernisation de l’administration foncière. 23 Par ailleurs, la faiblesse des institutions ne permet pas de mettre en œuvre un système complexe et de tenir à jour l’information. L’administration ne dispose pas des ressources, des capacités et des moyens suffisants pour (i) procéder à l’immatriculation des biens fonciers et immobiliers (point de départ des procédures d’octroi de droits fonciers), et (ii) actualiser la documentation et les situations juridiques lors des mutations. Les réformes récentes ont permis aux administrations de fournir un meilleur service aux usagers mais les principes juridiques et l’esprit du système restent inchangés. Par exemple, le cadastre reste le maillon faible de la chaine, faute de disposer des moyens nécessaires pour remplir ses missions et le bornage constitue encore un sévère goulot d’étranglement. Enfin, en termes d’opérationnalisation des procédures d’accès au foncier urbain, le continuum de droits fonciers est de mise en œuvre compliquée. En effet d’une part le dualisme de gestion foncière contrarie l’administration des parcelles urbaines et d’autre part la mise en œuvre des dispositions légales et réglementaires (décrets de 2005) se heurte à des conflits de compétence au sein de l’administration, CTD, et autorités coutumières. 3. Les difficultés rencontrées pour accéder à des droits fonciers et les formaliser et sécuriser sont liées à l’application du cadre juridique et aux pratiques développées sur le terrain Malgré un cadre juridique assez complet dans lequel la plupart des instruments de formalisation de l’occupation et des droits fonciers sont en place, force est de constater que dans la pratique les dispositions ne sont pas appliquées autant qu’on pourrait espérer. L’insuffisance de l’application du cadre juridique en place peut tenir à deux raisons : soit elle atteste des limites des principes du système, soit les principes juridiques font l’objet d’interprétations spécifiques qui dépassent la seule signification juridique mais tiennent davantage d’un arrangement général, de longue date, entre les différents groupes et communautés au Cameroun. En fait, ces deux explications des dysfonctionnements du système ne sont pas exclusives, elles sont à l’œuvre simultanément. L’analyse des difficultés spécifiques rencontrées par les usagers pour sécuriser ces droits dans les zones urbaines et périurbaines permet de sonder les blocages dus au cadre juridique et d’illustrer les comportements compensatoires des acteurs, que cela soit par action ou inertie, et faire état des pistes de solutions apportées notamment par les juristes camerounais. Le présent chapitre complétera donc les analyses théoriques par la prise en considération du point de vue des pratiques des acteurs. Cela permettra de présenter ce à quoi les acteurs sont 24 confrontés dans zones urbaines et périurbaines et la manière dont ils s’organisent pour accéder à une parcelle et protéger leurs droits fonciers, que ces droits soient des droits d’occupation, exploitation découlant d’une mise en valeur reconnue ou de droits découlant de titre foncier. Les exemples évoqués dans ce chapitre décrivent majoritairement des situations rencontrées dans les quartiers urbanisés ou en voie de l’être de Yaoundé ou Douala. Comme il a été indiqué dans le chapitre précédent, les personnes qui ont besoin d’accéder au foncier peuvent être des usagers individuels ou des entreprises52 mais aussi les collectivités publiques, en premier lieu l’État lui- même, à travers l’action des ministères, les CTD et certaines agences d’aménagements, telles que la MAETUR, la Mission d’Aménagement et de Gestion des Zones Industrielles (MAGZI), la SIC ou des établissements financiers (CFC ou banques commerciales). Cinq cas de figures ou difficultés juridiques sont identifiés comme les situations courantes que rencontrent les usagers en relation avec la formalisation des droits fonciers en vue de la sécurisation dans les zones urbaines et périurbaines au Cameroun : 1. Difficultés rencontrées pour accéder à une parcelle sur le domaine national, directement via l’obtention d’un titre foncier, ou via la procédure de la concession suivi de l’obtention du titre53 ou sur le Domaine privé de l’Etat (concession ou baux) ; 2. Difficultés spécifiques pour faire reconnaitre et protéger les droits des occupants sans titre formel sur le domaine national malgré la reconnaissance des droits coutumiers consacrés par articles 15 et 17 de l’Ordonnance de 1974 du Domaine national ; 3. Difficultés liées à la gestion de la sécurité intrinsèque du titre foncier : les détenteurs de titre foncier rencontrent certaines difficultés liées au fonctionnement du système et aux pratiques des acteurs ; 4. Difficultés liées à la résolution des contentieux fonciers ; 5. Difficultés spécifiques rencontrées par les personnes publiques et agences de l’Etat. Le point de vue des utilisateurs est une manière de faire apparaitre les processus de manière plus critique est de prendre en considération les difficultés pratiques auxquelles font face 52 Même si le foncier n’a pas été identifié comme un problème dans l’étude sur la compétitivité des villes camerounaises, il est utile de faire état dans la mesure du possible des moyens que les entreprises mettent en œuvre pour accéder au foncier. 53 L’article 17 de l’Ordonnance 76-1 précise que : « les dépendances du domaine national sont attribuées par voie de concession, bail ou affectation (…) toutefois les collectivités coutumières, leurs membres ou toute autre personne de nationalité camerounaise qui à la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance, occupent ou exploitent paisiblement des dépendances de la premiè re catégorie prévue à l’article 15, continueront à les occuper ou à les ex ploiter. Ils pourront sur leur demande y obtenir des titres de propriété conformément aux dispositions du décret prévues à l’article 17 ». 25 ceux qui ont à traiter avec l’accès au foncier. Ces difficultés ont été identifiées sur la base des témoignages et données recueilles lors des réunions et visites de terrain au Cameroun, en particulier à Douala et Yaoundé. Les spécificités de certaines situations seront précisées le cas échéant. L’idée n’est pas de faire une présentation exhaustive des difficultés rencontrées, ni de rentrer dans le détail de chaque cas d’illustration, mais d’identifier les grands types de difficultés, rencontrées par la plupart des usagers, personnes physiques ou morales (privées ou publiques) et identifier ce qui pourrait faciliter l’accès au foncier dans les zones urbaines. 3.1 Difficultés rencontrées lors de l’obtention du titre foncier : insuffisances et lourdeurs du système de la « propriété administrée » Les procédures de formalisation des droits d’accès et d’usages du foncier dépendent du régime juridique des terrains ciblés. Les régimes juridiques établis par la loi de 1974 n’ont pas facilité la reconnaissance des droits des occupants de longue date (pourtant légitimes dans de nombreux cas) et n’ont pas favorisé leur régularisation. Ceci a conduit à des situations juridiques confuses pour de nombreux terrains urbains et péri-urbains. D’après le concept de la « propriété dite administrée », c’est l’Etat qui octroie et administre les titres fonciers, puissant titre de propriété du point de vue juridique puisqu’il purge la totalité des droits préexistants et qu’il est inattaquable. Pourtant, les procédures de reconnaissance des droits ne peuvent pas être prises en charge par l’administration foncière qui n'est pas en mesure de remplir sa fonction, faute de ressources et de moyens. Dans le même temps la situation de pluralisme juridique permet au marché immobilier de prospérer sans que soit assurées formalisation et sécurisation des droits fonciers pour tous. Deux types de difficultés majeures dans le système légal et formel émergent lors des procédures d’obtention de titres que ce soit via la procédure d’immatriculation directe ou via la procédure de concession. Il s’agit d’une part des difficultés habituellement citées pour l’obtention du titre foncier : coût excessif, lenteur, complexité et opacité ; et d’autre part d’une question juridique spécifique au droit camerounais qui tient aux oppositions ou demandes d’inscription de droits lors de la procédure de publicité. Les difficultés d’obtention du titre foncier sont principalement liées au coût, à la lenteur et l’opacité de la procédure mais la fiscalité pendante est également dissuasive. Malgré les progrès apportés au cadre juridique, les objectifs de la réforme de 2015 tant du point de vue de la réduction de la durée d’obtention du ti tre foncier et du nombre de titres délivrés n’ont pas été atteints. Une des grandes contraintes du système reste la pratique dominante à ne pas traiter les dossiers faute de « motivation », c’est-à-dire tant que les demandeurs 26 ne sont pas venus physiquement au bureau « voir » les responsables concernés Malgré les délais stricts de traitement des dossiers énoncés par la loi, un demandeur qui ne « suit » pas son dossier peut le voir indéfiniment bloqué. Un suivi rapproché est nécessaire au niveau de tous les bureaux où ce dossier est censé être traité pour passer à la phase suivante. Souvent, il s’agit de points auxquels des paiements informels sont faits aux fonctionnaires en charge du traitement du dossier. Bien qu’encadré par un arrêté ministériel, la descente de la commission consultative sur le terrain est sujette à des paiements complémentaires informels. Sans sanctions appliquées avec rigueur, la loi peut n’avoir aucun impact à court terme sur ces pratiques car elles sont quasi culturelles et ancrées de longue date. Le candidat à l’obtention du titre foncier outre la complexité (certes simplifiée 54 ) de la procédure doit faire face à la perception simultanée de nombreux autres frais grevant toutes opérations foncières. On peut citer notamment les commissions ou honoraires facturés par les différents professionnels (agences immobilières, notaires, géomètres) et autres frais liés aux procédures en matière immobilière gérées par beaucoup d'administrations techniques (Urbanisme55, Habitat56, Domaines et Conservation, Impôts, Mairies). Il ne faut pas oublier dans ce budget les frais de la commission consultative toujours longue à mobiliser. Ces frais liés aux activités de la commission qui doit se rendre sur les lieux du site pressenti, sont à la charge du demandeur. Ces frais incluent également les « demandes coutumières » des populations locales c’est-à-dire des paiements en nature et en monétaire sur la base du principe Bantu qu’on ne « va pas montrer le terrain sans une compensation symbolique ». Une fois inscrit au Livre foncier, le titulaire du titre foncier entre dans le circuit de la fiscalité foncière, ce qui ne favorise pas l’adhésion à ce document. En effet, dans la zone périphérique de la ville de Yaoundé, en 2011, il fallait compter au minimum 1 500 FCFA/m²57 pour couvrir les frais de la procédure d’obtention du titre foncier dans le cas d’une procédure par morcellement , qui est la modalité la plus simple et la plus rapide. Aujourd’hui le budget pour le morcellement d’une parcelle à bâtir est de l’ordre de 400.000 francs CFA, ce à quoi il faut ajouter les frais liés à l’enregistrement de la vente. Les droits d’enregistrement peuvent aller jusqu’à 10% du prix d’achat estimé par le service des Impôts (valeur administrative 58 ). Chaque année le propriétaire sera 54 cf. figure 3 pour les détails de la procédure 55 Notamment taxe de 1% de la valeur de l’immeuble pour obtenir le permis de construire. 56 TVA de 19,25%. 57 L’enregistrement d’un acte de vente foncière aux services des impôts représente 10% de la valeur de la parcelle. 58 Au coût pendant la procédure d’obtention du titre foncier s’ajoute une disparité, difficilement justifiable socialement, entre les différents barèmes de calcul des droits d’enregistrement eux-mêmes et les barèmes de calcul en cas d’indemnisation pour expropriation suite à une déclaration d’utilité publique qui sont beaucoup plus faibles. 27 assujetti au paiement de la taxe foncière dont le taux est de 0,1% de la valeur des terrains et des constructions. Le produit est entièrement reversé aux collectivités territoriales décentralisées. Il est donc clair que la nature, le montant et les modalités de la fiscalité ne favorisent pas la déclaration lors des mutations. L’ensemble de ces frais sont difficilement supportables par l a majorité des usagers qui abandonnent les procédures faute de moyens ou par découragement, ce qui accentue la précarité. Des oppositions ou demandes d’inscription de droits lors de la procédure de publicité allongent considérablement la procédure et sont un réel point de blocage. Lorsqu’un tiers59 formule une opposition au cours des 30 jours d’avis au public, la procédure de demande de titre peut être considérablement rallongée, voire bloquée. En effet la publicité des opérations permet de rendre publique la transaction et ainsi à des ayants droit de se faire connaitre, contester et le cas échéant, de faire reconnaitre leurs droits. Cependant, si celui qui a initié la procédure d’obtention de titre ne trouve pas un arrangement avec l’opposant, la procédure se trouve bloquée. En cas d’opposition non levée, le coût de la suite de la procédure (consultation de la commission) est à la charge du demandeur. Si les oppositions peuvent être légitimes, elles peuvent aussi s’avérer un moyen de pression, en exerçant une forme de chantage (monnayé) à la levée de l’opposition. Si la procédure est abusive, non seulement elle allonge considérablement les délais mais augmente également le coût, notamment si elle conduit à un procès. Le droit à opposition est nécessaire pour protéger les ayants droits véritables mais insuffisamment encadré, contrôlé et sanctionné (celui ou celle qui initie l’opposition abusivement n’encoure aucune sanction et aucune charge. Le guichet unique comme outil de simplification et de transparence. Conscient de cette difficulté et interpellés par les opérateurs économiques60, tributaires au même titre que la majorité des usagers des lenteurs dans la procédure foncière post-2005, le gouvernement a mis en place en 2010, des Guichets Uniques de facilitation des Transactions Foncières (GUTF). Ces guichets sont installés au sein des délégations départementales du MINDCAF dans l’objectif de concentrer la procédure dans un seul endroit et ainsi accélérer les procédures pour les entreprises. Il s’agit au travers de ces GUTF de créer un circuit accéléré dédié au traitement des dossiers fonciers des entreprises. Dans le cadre de cette initiative, une série de documents ont été produits pour mieux 59 (Art. 16 décret 76-165 « toute personne intéressée peut intervenir ») 60 L’institution de ces guichets uniques constitue la prise en compte d’une complainte des entreprises camerounaises exprimée da ns le cadre du dialogue public-privé au sein du Cameroun Business Forum (CBF) au sujet des blocages, coûts élevés, et lenteurs dans les procédures foncières. 28 clarifier les étapes, les coûts et les délais de différentes procédures foncières (manuels de procédures et du contentieux, guide pour entreprises, site web, etc.) et pour appuyer le fonctionnement effectif des guichets institués. Cependant, il semble que du point de vue des opérateurs économiques, l’impact des GUFT reste limité. Le Cameroun Business Forum (CBF) exprime cette perception comme suit : « Les effets et les impacts de la réduction des coûts et délais des transactions demeurent encore très peu visibles et perceptibles sur le terrain. Les autorités administratives qui président les commissions consultatives ne se sentent pas véritablement liées par les prescriptions du manuel de procédures et de nombreux biais continuent en pratique d’alourdir et de précariser le service rendu à l’usager qui demeure confronté à de nombreux dysfonctionnements en termes de rétention des dossiers, non-respect des délais, rançonnement des usagers, corruption, déficit et location des matériels techniques. » La tendance à la déconcentration et donc à l’accessibilité pour les usagers, ne concerne pas tout le contentieux qui reste très centralisé. Les terrains occupés et exploités paisiblement au 5 août 1974, relevant de la 1e catégorie de terre du domaine national, sont l’objet de nombreuses convoitises et génératrice de différents conflits, source d’insécurité rendant la gestion et les cessions facilement conflictuelles. Les recours se font au niveau du Gouverneur (région) en cas de rejet de demande d’immatriculation, et un recours hiérarchique au niveau du ministre est possible. En dernier recours, la juridiction administrative pourra trancher les litiges (voir ci-dessous les difficultés liées au contentieux partie 3.4). Au-delà de ces difficultés, s’ajoute un manque d’engouement des usagers qui manifestent peu d’intérêt à s’engager dans la procédure, encore considérée comme un labyrinthe administratif. 3.2 Difficultés spécifiques liées aux occupations du domaine national Dans les périphéries des villes, c’est le régime du domaine national qui prévaut. Plus de 45 ans après sa mise en application, la loi suscite encore des interprétations différentes, spécifiquement en milieu urbain et péri-urbain où de nombreuses transactions sans documentation ou inscription ont été effectuées sur plusieurs générations. La pression foncière et l’accroissement du besoin de logements attisent les convoitises et les conflits. Il est donc nécessaire de s’interroger sur les difficultés rencontrées sur le terrain par les usagers dans l’application des articles 15 et 17 de l’ordonnance de 1974 régissant le domaine national, pour analyser les conséquences juridiques de ces articles dans les pratiques urbains d’accès au foncier. L’article 17 de la l’ordonnance est sujet à interprétations notamment comment définir la mise en valeur, occuper sans titre ou revendiquer les droits coutumiers cédés. Dans la loi de 29 1974 qui distingue les terres de 1e et 2e catégorie du Domaine national, l’article 17 traite des modes d’attribution et de l’occupation par les collectivités coutumières. Cet article a notamment fait l’objet d’une précision en 1979 61 . Le décret 76-165 fixant les conditions d’obtention du titre foncier apporte les précisions nécessaires pour la mise en œuvre des articles 7 et 17 de la loi 74- 162. Bien que fixant le détail de la procédure, le décret 76-165 ne définit pourtant pas suffisamment les paramètres permettant d’apprécier l’évidence de l’emprise, le caractère probant de la mise en valeur, ni le caractère paisible de l’occupation. Toutes ces caractéristiques sont établies et mises en évidence, avec plus ou moins d’objectivité, lors de l’enquête préalable à l’immatriculation. Le cas de détenteurs de terre de 1e catégorie, avant ou depuis 1974, ayant vendus ou loués informellement des droits d’occuper suivant des accords tacites, informels et le plus souvent anciens est assez répandu. Bien que se croyant dans leur bon droit, les occupants sont installés sur le domaine national mais ne disposent pas de droits pour revendiquer la formalisation de leur occupation. En effet une stricte interprétation de la loi de 1974 ne reconnait pas de droits de possession car les transactions ne sont pas autorisées sur des parcelles non immatriculées63 sous peine d’annulation et d’amende. Dans la pratique, ces accords conclus à une époque où la pression foncière était moindre, sont très souvent remis en cause du fait et par les héritiers. Ces derniers ne reconnaissent pas/plus les droits cédés, considèrent que la cession n’est pas régulière ou établie à un prix insuffisant. Dans le cas de demande de titre foncier par l’occupant, les héritiers des « vendeurs autochtones » formulent des oppositions afin de revendiquer de leurs droits64. La loi a prévu la situation mais finalement sous-estimé la complexité juridique et le nombre élevé des revendications liées aux articles 15 et 17 notamment du fait des conflits interfamiliaux 65 . Généralement l’État ne forme pas d’opposition dans le cadre des demandes d’immatriculation directe, permise sur les parcelles de 1e catégorie, y compris pour des personnes ayant payé après 1974. De manière implicite, il considère que l’occupation préalable par des autochtones à la date de promulgation de la loi est transmissible aux personnes ayant acquis des parcelles à ces derniers. Cependant quand ce droit n’est pas transmissible, l’usager doit recourir à la procédure de la concession provisoire, autre modalité pour accéder au titre foncier. La question est sensible pour 61 Loi 79/05 du 29 juin 1979 modifiant les articles 8 et 17 de l’Ordonnance 74 -1 du 6 juillet 1974 sur le régime foncier. 62 Décret 76/165 du 27 avril 1976, fixant les conditions d’obtention du titre foncier. 63 Art. 8 révisé Loi 79/05 du 29 juin 1979 modifiant les articles 8 et 17 de l’Ordonnance 74 -1 du 6 juillet 1974 sur le régime foncier. 64 Les héritiers exigent souvent des occupants un réachat du terrain avant d’accepter de signer le procès -verbal d’abandon des droits coutumiers, indispensable à l’établissement d’un titre foncier. Les mesures coercitives vont souvent plus loin en s’opposant aux travaux de rénovation des maisons, au cas où l’occupant refuserait de payer une nouvelle fois son terrain. 65 La cession de droits fonciers sur une terre coutumière dépendant du domaine national par un seul des membres de la famille génère des conflits intrafamiliaux si les occupants coutumiers, notamment les descendants se sentent lésés, et les acheteurs se sentent floués. C’est le cas dans nombre de quartiers périphériques où l’habitat est largement informel. 30 ceux qui ont déjà initié et parfois achevé la procédure d’obtention de titre foncier par immatriculation directe. En effet, le risque est de le voir annuler faute d’habilitation du vendeur a l’origine et ainsi d’augmenter le sentiment d’insécurité juridique du fait d’incertitude persistante quant à la pérennité d’une situation de droit. Les difficultés juridiques rencontrées par les occupants du domaine national sont induites et renforcées par la situation d’informalité de la gestion et de la production du foncier urbain. Outre les raisons liées à l’insécurité juridique qui ne favorise pas les investissements, le développement des quartiers d’habitation se fait aussi dans des zones parfois insalubres voire dangereuses (risque d’inondation dans les bas-fonds). De fait, les situations les plus critiques et conflictuelles se situent dans des zones d’habitat spontané, dans des quartiers non lotis, sans route ni réseaux, inaccessibles, parfois inconstructibles comme à Yaoundé sur les multiples collines entourant le site d’origine66. La précarité juridique renforce la précarité urbaine, mais l’informalité présidant au développement urbain contribue simultanément à maintenir certains occupants dans l’insécurité foncière. Cependant les promoteurs de projets d’infrastructure et de rénovation urbaine doivent aussi faire face à de nombreuses difficultés. La Communauté Urbaine de Yaoundé a engagé depuis 2008, une opération de restructuration dans certains quartiers comme Nkolbikok (CA Yaoundé 6). Pour tenter de maitriser le développement urbain, le PDU a prévu l’aménagement des quartiers centraux densément occupés, en favorisant la densification des constructions en hauteur et en prescrivant la production d’un nombre de logements sociaux par Commune d’Arrondissement (CA). Cet aménagement et la réhabilitation des zones inondables vont conduire à des déplacements de population et donc à des indemnisations. Cela risque de créer des attentes et des convoitises, notamment pour la nouvelle génération des occupants propriétaires autochtones qui estime que leurs parents ont vendu leurs terrains coutumiers, mais partie intégrante du le domaine national, à des prix dérisoires. Cela pose plus largement la question du coût financier des compensations à la charge de l’État et aux moyens à dégager67. Plusieurs pays au contexte juridique similaire sont confrontés à cette même difficulté et réfléchissent à des modalités de financement de ces compensations. L’encadré 7 présente l’exemple du Bénin. Encadré 7: Compensations – le cas du Bénin. 66 Les nombreuses collines de la ville de Yaoundé ont un impact sur l’organisation spatiale et le foncier : la ville est traversée par de nombreux bas-fonds. Au centre, les bas-fonds ont été assainis et construits mais en périphérie ils restent en théorie inconstructibles pour des raisons de sécurité et d’hygiène. 67 Pour plus de détail voire Atangana Tabi, 2015. 31 Dans le cadre de son récent processus de réforme, le Bénin a créé un Fonds de dédommagement foncier. Le législateur béninois prévoit deux missions à ce fonds : (i) renforcer et faciliter l’accès la terre pour les collectivités publiques pour des projets de développement, et (ii) contribuer à l’indemnisation des personnes physiques et morales qui auraient à subir un préjudice par la mise en œuvre du nouveau Code. Cependant si le principe est en place68, le financement pérenne n’est pas encore assuré. 3.3 Difficultés rencontrées par les détenteurs de titres fonciers Le cadre juridique actuel présente un double paradoxe apparent. S’il reconnait la légitimité d’occupants sans titre, en pratique il ne permet plus à un titre foncier, de garantir la sécurité juridique de la propriété privée du fait des dysfonctionnements du système et des malversations. Le titre foncier est le document qui fait foi quant à la propriété d’un terrain. Il est le document de référence pour les garanties en cas d’emprunts bancaires, Cependant l’obtention d’un titre foncier n’est plus forcément synonyme de sécurité juridique et les établissements bancaires ne l’acceptent plus d’office. Il est par définition difficile de documenter cette réalité, mais les témoignages tendent à attester que des documents irréguliers sont acceptés comme garantie par les établissements financiers69. Au Cameroun, la méfiance est renforcée par les risques d’annulation du titre foncier a posteriori, au nombre croissant de titres irréguliers. Ces risques sont fondés sur une information foncière non exhaustive, non actualisée, donc non fiable. Le risque d’annulation du titre foncier a posteriori est en forte progression, ce qui fragilise la sécurité juridique. Selon le décret de 2005, les titres fonciers sont nuls et annulables lorsque 1) plusieurs titres fonciers sont délivrés sur un même terrain ; 2) le titre foncier est délivré arbitrairement sans suivi d'une quelconque procédure, ou obtenu par une procédure autre que celle prévue à cet effet ; 3) le titre foncier est établi en totalité ou en partie sur une dépendance du domaine public ; et 4) le titre foncier est établi en partie ou en totalité sur une parcelle du domaine privé de l'Etat, d'une collectivité publique ou d'un organisme public, en violation de la réglementation. Cette énumération propose quelques-unes des situations irrégulières rendues possibles par le dysfonctionnement du système et les pratiques plus ou moins frauduleuses. L’annulation peut également survenir suite à l’immatriculation directe du domaine national par des personnes qui n’avaient pas mis ces terrains en valeur elles-mêmes avant 1974, y 68 Article 539, loi n°2013-01 du 14 août 2013 portant Code foncier et domanial en République du Bénin et Décret 2015-008 du 29 janvier 2015 portant attributions, organisation et fonctionnement du Fonds de Dédommagement Foncier. 69 Cette situation n’est pas propre au Cameroun, elle est décrite dans d’autres pays, aux contextes institutionnels et juridique s similaires, on peut citer le Bénin ou le Mali notamment où des opérateurs financiers ont attesté et décrit explicitement cette situation (« il y a des faux titres dans nos coffres »). A Bamako comme à Cotonou, des opérations d’« assainissement » sont régulièrement tentées pour annuler des titres frauduleux. 32 compris les ayants droit des personnes qui occupaient les terrains avant 1974, c’est -à-dire des personnes non éligibles aux droits visés aux articles 15 et 17. Ce dernier cas est un risque futur d’annulation de nombreux de titres fonciers. Ce risque juridique découle directement de l’interprétation et des pratiques de mise en œuvre de l’article 17 de l’ordonnance 76-1 sur le domaine national. Le risque d’annulation d’un seul titre foncier, celui obtenu irrégulièrement sur le domaine national, conduit à l’annulation de tous les titres établis par la suite, à l’occasion de cessions ou morcellements et concerner un grand nombre de titulaires de titres, qui sont de bonne foi. Un exemple emblématique est celui de la Mutuelle pour la Propriété Foncière (MUPROF). Agréée en 2008, elle comptait parmi les promoteurs privés les plus importants de la place, mais l’annulation de deux titres fonciers pour irrégularité sur des terrains que la société avait lotis et commercialisés a provoqué sa faillite. La MUPROF avait acquis (i) un terrain de 6 hectares à Kodzoa morcellement d’un plus grand titre foncier de 46 hectares et (ii) un terrain de 31 hectares à Nyom II sur lequel elle a commercialisé son plus grand lotissement70. Après paiements aux propriétaires locaux de ces terrains, aménagements et commercialisation, les deux titres-mères ont été annulés entrainant l’annulation du morcellement et des transactions relatives réalisées. La société continue de rembourser les clients de bonne foi qui avaient acquis des lots dans certains de ces lotissements. L’administration foncière qui se montre parfois peu scrupuleuse subit une crise de confiance. L’administration foncière est le garant du respect de la procédure et de l’application des règles dans le cadre de la délivrance de titres fonciers ou d’occupation. Si l’irrégularité ponctuelle est admissible et le cadre juridique d’ailleurs la prévoit et permet d’ajuster et de compenser, le nombre d’irrégularités pose question et engage, in fine, la responsabilité de l’administration en charge du foncier, ses agents, et, in fine, l’Etat. Les informations recueillies montrent que, dans la pratique, les agents de l’État sont parfois partie prenante, à divers titres, de délivrance ou d’annulation de titres fonciers en violation du cadre juridique. Cependant les annulations justifiées peuvent être ressenties par l’usager comme arbitraires et abusives en raison des défaillances globales de gouvernance. Elles participent au manque de confiance dans le fonctionnement de l’administration foncière. En raison des insuffisances de gestion des informations foncières, les usagers ne peuvent avoir une confiance absolue dans les informations foncières officielles. L’information foncière est peu fiable car, non exhaustive et non actualisée. On a vu que les risques d’annulation sont 70 Ce lotissement de Nyon II de la MUPROF avait même été inauguré par le Premier Ministre. 33 nombreux et les usagers, y compris de bonne foi, peuvent difficilement y échapper. En effet, en raison des insuffisances de capture et de gestion, les informations de la Conservation foncière (droits existant sur la parcelle) et du Cadastre (positionnement et consistance de la parcelle) ne remplissent pas les attentes et la confiance des usagers. Par ailleurs accéder aux informations foncières constitue une difficulté supplémentaire. En dépit de programmes d’amélioration de l’information foncière en cours 71 , les lacunes du système d’information sont une contrainte majeure pour assurer la sécurité juridique en matière foncière. L’information foncière n’est ni exhaustive, ni systématiquement actualisée. Dans le même temps, les procédures sont mal respectées. La délivrance de plusieurs titres sur une même parcelle est donc rendue possible par ces dysfonctionnements. Encadré 8: Quelques cas de figure de dysfonctionnement Obtention de titre sur une parcelle occupée par un tiers, sans que le tiers ne soit informé dans un premier temps ; Actualité de titres fonciers toujours inscrits à la Conservation foncière, malgré une procédure d’expropriation pour cause de déclaration d’utilité publique (même non finalisée) ; Défaut de mise à jour de la documentation foncière : oubli d’inscription des droits ultérieurs et transactions sur un titre ; La gestion des domaines de l’Etat est une donnée particulièrement importante au Cameroun où le principe de la domanialité tient une place importante. En pratique, l’Etat est un piètre gestionnaire de patrimoine public. Il n’est pas en mesure d’assurer une gestion optimum de son domaine, en raison du manque de connaissance de son étendue et de sa consistance. De ce fait, il n’en assure pas la protection et n’assure pas sa mission de police des biens. 3.4 Difficultés liées à la résolution du contentieux Les modalités d’organisation du contentieux lié à la procédure d’immatriculation et à l’obtention du titre foncier sont centralisées. L’article 20 du décret de 2005 fait état de la possibilité, après avis de la commission consultative, d’un recours contre la décision du gouverneur, en cas de rejet de la demande d’immatriculation. Cette décision est susceptible d’un recours hiérarchique auprès du ministre chargé des affaires foncières, la décision de celui-ci étant elle- même susceptible d’un recours contre la juridiction administrative compétente. Le titre foncier est 71 Notamment le programme PAMOCCA, projet d’appui à la modernisation du cadastre et au climat des affaires. Ce projet n’a pas mandat pour vérifier les documents dont il assure la numérisation. En d’autres termes, des titres irréguliers ou frauduleux ont pu être numérisés ou sont en voie en l’être. 34 un acte administratif et relève donc de la juridiction administrative quant aux irrégularités de procédure qui peuvent conduire à son annulation. Le recours devant la juridiction administrative compétente n’est en pratique pas toujours possible. En effet, la réforme de l’organisation des tribunaux administratifs date de 200672 prévoit la création d’un tribunal administratif siégeant au chef-lieu de chaque région. Or, ces tribunaux ne sont pas tous opérationnels. Par conséquent, a défaut c’est Chambre administrative de la Cour Suprême qui assure provisoirement la compétence de ces juridictions peut être exercée. Si les textes sont pour la plupart publiés et certains organes en place, la gestion du contentieux lié au foncier n’est donc pas encore déconcentrée dans un dispositif de décentralisation encore peu efficient. La grande précarité des locataires est une source de contentieux et de paupérisation . La gestion foncière reste majoritairement coutumière et informelle lorsque la parcelle n’a pas fait l’objet de titre foncier. Quelques exemples vont permettre d’illustrer la situation. Dans la zone de Nkolbikok (CA Yaoundé 6), dans certains quartiers comme Mvog Ada, près de 40% des terrains sont titrés. Les autochtones y procèdent plus à la location de leur terrain qu’à la vente. L’acte de location est écrit ou verbal. L’allogène est tenu de construire sur la parcelle qui lui est attribuée en matériaux provisoires. Lorsque la maison tombe en ruine, celui-ci n’est pas autorisé à faire des réfections sauf dérogation expresse du bailleur. Si l’autorisation de réfection n’est pas accordée, l’occupant doit libérer la parcelle. Certains contrats de location ont pu être transformés en contrat de vente. Dans la réalité, pour arriver à ce stade, l’occupant doit développer des relations de proximité, de fraternité et d’entraide très poussée avec les bailleurs. Rares sont les cas où l’occupant a obtenu le morcellement du titre foncier quand la parcelle mère en disposait. Le contrat d’occupation est renouvelable par tacite reconduction. Le montant du loyer n’est pas fixe. Lors d’un entretien le chef de Mvog Ada a indiqué que « ses locataires ont payé pendant quelques années et depuis ils ont cessé de verser encore. Il n’a donc aucun souci si la route détruit la maison d’un allogène construite sur son terrain ». Dans certains quartiers à Yaoundé, comme à Melen (Elig-Effa 7) et Djoungolo II, le titre foncier est hypothéqué par les propriétaires traditionnels, sans que les droits fonciers des autres occupants et locataires, soient reconnus, aggravant ainsi leur précarité. La perception du statut d’occupation est souvent biaisée et ambiguë. En effet, certains des occupants ne se considèrent pas comme locataires mais pensent avoir acquis les parcelles favorisant ainsi la naissance de conflits fonciers. Pour les opérations de promotion dans ces zones 72 Loi no 2006/022 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs. 35 de superposition entre titre foncier et quartiers à habitat spontané, la réalisation de projet de rénovation dépend non seulement de la volonté des propriétaires « autochtones » mais également du statut revendiqué pas les autres occupants, locataires ou nouveaux propriétaires. 3.5 Difficultés spécifiques rencontrées par les personnes publiques et agences de l’État Un manque patent de terres disponibles pour les sociétés d’aménagement et de promotion immobilières Dans le cadre de la convention entre la Mission d’Aménagement et de Gestion des Zones Industrielles (MAGZI) et l’Etat du Cameroun, ce dernier doit mettre à la disposition de la MAGZI des terrains d'assiette libre de toute occupation. Les zones industrielles anciennes (Bassa, Bonaberi à Douala, Mvan à Yaoundé, etc.) ont vraisemblablement été mises à la disposition de la MAGZI sur cette base. Les terrains étaient soit déjà immatriculés au nom de l’État, soit partie du domaine national (a priori inoccupés donc relevant de la 2ème catégorie) que l’Etat a pu faire immatriculer pour répondre à un besoin spécifique. La mise à disposition de terrains aux agences d’aménagement repose sur la capacité de l’Etat à accéder à des terrains disponibles libres de toute occupation, opération de plus en plus difficile en raison du manque de terrains disponibles et de l’occupation formelle ou non de la plupart des terrains notamment dans les périphéries. Face à la difficulté pour l’Etat de se procurer des terrains disponibles sur le domaine national ou même titrés, pour développer de nouvelles activités, la MAGZI doit elle-même identifier les terrains, se charger des procédures d’acquisition de droits fonciers, et s’acquitter des frais afférents, y compris ceux liés aux demandes des coutumiers, principalement constituées de paiements en nature et en monétaire. Par exemple, la MAZGI dit avoir dépensé environ 35 millions de francs CFA pour les frais de procédure pour l’acquisition de 220 hectares a Numaos, une localité en périphérie de Yaoundé. De même, la MAGZI a identifié un terrain libre d’occupation sur le domaine prive de l’Etat, d’une superficie de 500 hectares à Yassa, à l’Est de Douala. Le dossier est entre les mains du MINDCAF. Un cas est particulièrement symptomatique est situé, à Yatto73, à l’Ouest de Douala. La commune est désireuse de réaliser un projet d’aménagement urbain. Apres identification avec la commune du site, Cameroon Development Corporation (CDC,) principale société agricole parapublique du pays) a rétrocédé une parcelle à la commune de Yatto. Toutes les descentes sur le terrain de la 73 Localité dans l’arrondissement Dibombari voisin de Douala V. 36 commission consultative ont été effectuées. Le dossier acheminé au MINDCAF mais n’a toujours pas abouti, bloquant l’opération d’aménagement urbain. Les opérations de cessions ou affectations du domaine privé de l’Etat dont pourraient bénéficier la SIC ou la MAGZI peinent à être conclues. Les dossiers sont transmis au gouvernement à travers le MINDCAF et les processus peuvent durer plusieurs années sans aboutir. La lenteur peut avoir de multiples causes, le manque de moyen peut participer, mais ce n’est semble-t-il, pas le seul obstacle dans les processus administratif, les pressions de part et d’autre peuvent participer au ralentissement généralisé. Cependant, L’Etat dispose de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique comme une voie d’action juridique pour rendre disponibles des terrains. L’acquisition de terre qui implique des déplacements involontaires de personnes dont les droits sont affectés, sont des procédures couteuses et compliquées pour reconnaitre les droits des ayants droit et empêcher les risques de spéculations. Cette procédure a un seuil d’acceptabilité sociale. Les affectations indues et les occupations illégales des réserves foncières des institutions publiques et parapubliques ne favorisent pas l’aménagement urbain et la promotion immobilière74. De nombreux cas sont connus et recensés. Parmi les cas les plus criants, on peut citer (i) une partie des 93 hectares du terrain de l’Université de Yaoundé I au lieu-dit « Bonas » qui est occupée par des particuliers, (ii) le domaine aéroportuaire de Douala qui aurait déjà perdu 30 % de sa superficie initiale de 1218 hectares au profit d’occupation privée ou (iii) la zone industrielle de Mvan à Yaoundé, qui reflète les difficultés de protection du domaine géré par l’Etat ou des agences para étatiques. La société immobilière du Cameroun (SIC) n’est pas en reste avec une parcelle à Bafoussam qui a été affectées à un privé par le Préfet malgré l’existence d’un décret lui attribuant ladite parcelle. Dans ce cas, outre les enjeux de police des biens pour protéger les domaines, se pose la question de l’irrégularité (double affectation) rendue possible (information foncière lacunaire, pratiques illégales, etc.), du fait de l’administration elle-même qui engage la responsabilité de l’Etat. La cohérence entre plan de développement, activités et implantation sur le terrain n’est pas facile à mettre en œuvre. 74 Mabou (2011) a fait un inventaire d’occupation irrégulière du domaine public ou du domaine privé d’entités publiques dont l’Etat. (http://www.cameroonvoice.com/news/article-news-6340.html) 37 Les Communautés Urbaines et les Communes d’Arrondissement ont majoritairement adopté des PDU et des POS. Ces outils doivent participer à l’aménagement et au développement urbain dans le respect du cadre juridique régulant l’aménagement du territoire et le droit de l’urbanisme et de la construction. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas. Dans les faits, les entreprises s’installent un peu partout dans la ville, avec des permis de bâtir et autres documents d’urbanisme qui ne sont pas toujours en accord avec les PDU et POS adoptés par les Communautés Urbaines et les Communes d’Arrondissement. Ainsi la pratique montre qu’il est aisé pour une entreprise de s’implanter dans une zone en achetant (y compris une parcelle du domaine national non immatriculée) directement le terrain chez des personnes privées sans que cette zone soit viabilisée ou même classée zone industrielle. Ces différents exemples montrent la pauvreté de la gestion des domaines de l’Etat et du domaine national dont il est le dépositaire. En pratique, l’Etat n’est pas en mesure d’assurer une gestion optimum de son domaine. Outre les carences en ressources et moyens, le défaut d’exhaustivité et de fiabilité de l’information foncière participe à une trop faible efficacité de la protection du domaine (notion de police des biens). 4. Conclusion et proposition de recommandations et menu d’actions L’analyse précédente indique que le dispositif juridique actuel crée en soi de l’insécurité, car il repose sur des principes juridiques héritée de la période coloniale qui n’ont pas été conçus pour sécuriser le plus grand nombre dans un laps de temps raisonnable. Vu le faible nombre de titres fonciers délivrés et les difficultés d’obtention et de sécurisation du titre foncier, on peut même s’interroger sur la pertinence de cet instrument juridique pour sécuriser les droits fonciers des occupants. D’ailleurs, en lien avec les principes juridiques et institutionnels en vigueur, l’administration n’est pas en mesure de mettre en œuvre le cadre juridique pour sécuriser les droits fonciers. Le dysfonctionnement découle non seulement des principes juridiques à mettre en œuvre, mais également de l’organisation et des capacités (techniques, ressources humaines, financières) de la fonction publique aux niveaux central, déconcentré, et décentralisé. Alors que la sécurité foncière pourrait être un catalyseur du développement urbain au Cameroun, on observe des blocages et difficultés juridiques spécifiques en zones urbaines et périurbaines dont les causes sont variées. Les mauvaises pratiques liées aux malveillances et conflits intrafamiliaux mais aussi à la vénalité de nombreux acteurs privés et professionnels du foncier sont une cause de blocage, de conflit ou de création d’irrégularités tout comme l’interprétation et l’application du cadre juridique relatif aux droits fonciers du domaine national. 38 En effet, si l’article 15 définit les deux catégories de terre du domaine national et l’article 17 reconnait des droits aux occupants du domaine national, l’application de ces principes n’est pas uniforme et remet en cause la confiance des usagers dans la capacité du système administratif à sécuriser les droits fonciers de manière juste. Le tableau 2 donne un aperçu sommaire des principales difficultés identifiées en rappelle les raisons principales et propose quelques pistes de solution qui alimenteront les recommandations. 39 Tableau 2: Résumé des principales difficultés identifiées et pistes d’actions proposées Difficultés identifiées Raisons principales Pistes d’action 1 Accéder à une parcelle sur le Coût Simplifier alléger et raccourcir les procédures ou a minima domaine national, Lenteur et complexité appliquer ce qui existe directement via l’obtention Réduire les couts d’accès à la propriété foncière d’un titre foncier, ou via la Informalité de la gestion et de la production du procédure de la concession foncier urbain Revoir la mise en valeur suivi de l’obtention du titre75 Peur de la fiscalité foncière Communiquer et retarder l’application dans une optique ou sur le Domaine privé de d’équipe fiscale favoriser la citoyenneté fiscale l’Etat (concession ou baux) Administration foncière en crise de confiance Optimiser la planification vis-à-vis de l’usager et faible niveau de Règlementer les interventions et punir ressources humaines, matérielles et financières Usage de l’opposition comme moyen de Simplification de l’individualisation des terres blocage de la procédure Adapter le titrement a la situation et à la capacite des populations 2 Reconnaitre et protéger les Conditions d’application de articles 15 et 17 de droits des occupants sans l’ordonnance de 1974 titre formel sur le domaine Composition de la commission de conciliation Sa composition devrait être modifiée pour tenir compte des national malgré la changements du décret de 2005, notamment en introduisant reconnaissance des droits la présence des délégués départementaux des domaines et coutumiers consacrés par des affaires foncières. articles 15 et 17 de l’Ordonnance de 1974 du Domaine national. 75L’article 17 de l’Ordonnance 76-1 précise que : « les dépendances du domaine national sont attribuées par voie de concession, bail ou affectation (…) toutefois les collectivit és coutumières, leurs membres ou toute autre personne de nationalité camerounaise qui à la date d’ent rée en vigueur de la présente ordonnance, occupent ou exploitent paisiblement des dépendances de la première catégorie prévue à l’article 15, continueront à les occuper ou à les exploiter. Ils pourront s ur leur demande y obtenir des titres de propriété conformément aux dispositions du décret prévues à l’article 17 ». 40 3 Sécurité intrinsèque du titre Faible nombre de titres fonciers et de Envisager des méthodes d’enregistrement systématique de foncier : les détenteurs de concessions et niveau de mise à jour l’occupation et utiliser la cartographie participative pour titre foncier rencontrent Titre sans fondement dresser des inventaires exhaustifs certaines difficultés liées au Annulation après coup de titre foncier (plusieurs cas de fonctionnement du système Titre irrégulier figure) abusif ou non. Administration, juge et partie, Juge et aux pratiques des acteurs. Titre annulé judiciaire avec peu de pouvoir Information non fiable, pas mise à jour et non Information foncière non exhaustive et non fiable : le exhaustive dysfonctionnement de l’information foncière participe voire favorise les irrégularités 4 Nombreux contentieux Centralisation du contentieux Déconcentrer certains contentieux et établir une chaine de fonciers recours Gérer les situations d'irrégularités et le nombre de conflits afférents et les moyens mis en œuvre (tout domaine) L’application des interprétations concernant opposition, annulation, ayants droit art 17 Répartition des compétences entre les deux ordres et entre les niveaux de déconcentration Précarité des locataires et détenteurs de contrat Enregistrer les droits réels secondaires d’occupation qui favorise la paupérisation Travailler au niveau du quartier pour la proximité publique et contradictoire Règlementer la location et la copropriété 5 Personnes publiques et Manque de parcelles disponibles Inventaire du patrimoine des personnes publiques agences de l’Etat Piètre gestion du patrimoine de l’Etat Politique patrimoniale de l’Etat Manque de coordination entre les institutions Mettre en place des incitations pour la coordination interinstitutionnelle Difficulté de mise en œuvre des plans de Appliquer les documents, transparence et équité et développement et cohérence avec les sanctionner tout en préservant la paix sociale opérations 41 Le Cameroun est engagé dans une réforme foncière depuis le début de 2011 sous la houlette du Président de la République. Si le processus de la réforme se veut être inclusif, prenant en considération le pluralisme des droits fonciers dans la reconnaissance de ces derniers, il doit aussi être cohérent avec les différentes politiques sectorielles en lien avec les ressources naturelle et foncières. Dans le cadre de l’actuel processus de réforme, le gouvernement pourrait considérer la prise en compte de deux scénarii qui peuvent être menés de front, sans s’exclure l’un ou l’autre : • Un scénario de refonte, de révision ou de relecture en profondeur du cadre juridique pour aboutir à une nouvelle loi unique ou à un code foncier et domanial répondant aux orientations de la politique foncière. • Un scénario d’ajustements soutenus par une expérimentation de méthodes innovantes, alternatives, systématiques qui permettent au plus grand nombre d’accéder rapidement à un document sécurisant l’occupation dans le cadre d’une méthodologie participative, inclusive et de dialogue communautaire et qui prenne en charge les situations d’irrégularités et leur résolution 4.1 Le processus de réforme foncière demande de formaliser la politique foncière, de développer la stratégie et de réviser en profondeur de la législation pour aboutir à une nouvelle loi ou codifier Formaliser une politique foncière et développer la stratégie est nécessaire non seulement pour sécuriser le continuum de droits fonciers mais également pour coordonner le développement urbain, les investissements et la construction de logements. Ainsi, l’élaboration de la politique permettra de définir des orientations claires sur les questions classiques de Qui ? Quoi ? Comment sécuriser ? A quels couts ? Actuellement, pour notamment des raisons de complexité, de couts, d’ignorance des processus, les transactions foncières et les mutations ne sont pas enregistrées au Livre foncier et l’accès au titre foncier issu de l’immatriculation demeure impossible pour une majorité de citoyens. Dans les cas de projets d’aménagements ou de modification de la vocation des sols nécessitant des déplacements de populations, la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique est rarement suivie, souvent dans un souci de maintenir la paix sociale. La politique domaniale et foncière devrait prendre acte de cette situation et identifier les mesures nécessaires pour y faire face. L’articulation de la réforme avec les politiques sectorielles d’aménagement du territoire, d’urbanisme, et de gestion des ressources naturelles et particulièrement avec les outils de planification sera nécessaire pour mettre en place les mécanismes d’une planification territoriale globale et locale et pour 42 clarifier les conditions de changement d’usage des sols. L’enjeu est la maîtrise de la transformation des dépendances du domaine national, en vue de l’urbanisation. Réviser en profondeur pour une nouvelle loi ou codifier pour mettre en cohérence la politique et le cadre juridique. Comme indiqué au cours de la présente étude, l’immatriculation des terres comme seul mode d’accès à la propriété foncière, la présomption de domanialité, la charge de la preuve, et l’absence de la prescription sont des principes juridiques responsables des lourdeurs et dysfonctionnement du système actuel. Reconsidérer ces principes dans le cadre de la reforme actuelle est une option à débattre dans un cadre participatif et inclusif. En effet, pour certains, il faut remettre en cause les principes juridiques de reconnaissance de la propriété, revenir sur les principes juridiques liés à la domanialité et de « création » des droits de propriété dont le financement coûteux ne concerne qu’une minorité de la population. Pour d’autres, il est préférable de sécuriser la plus grande partie des populations et de l’espace rapidement, à moindre coût en adaptant et adoptant les pratiques foncières aujourd’hui sans cadre législatif mais dont l’expérimentation permettrait une modernisation de la gestion foncière au Cameroun. Le débat de refonte devrait notamment traiter de la présomption de domanialité et de la fabrication de la propriété. Il serait également opportun de considérer l’introduction de principes de présomption de la propriété et mécanismes de prescription acquisitive. Ce principe se distingue de celui de la légitimité du premier occupant de la terre. L’application de ce principe suggère que l’on considère que l’occupation des terres et leur mise en valeur se constituent en droit sur la parcelle lorsque l’occupation est paisible, publique, exercée de manière continue et sans contestation pendant une période à déterminer. Un des avantages de l’application de ce principe juridique est son coût pour les usagers et le fait qu’il ne repose plus sur un système de la propriété administrée. Cependant, il requiert des conditions d’application claires et reconnues de tous. Au- delà de la démarche juridique, son application requiert un accompagnement pour sensibiliser et indemniser et compenser les situations relevant de la responsabilité de l’Administration. En ce qui concerne les principes institutionnels en vigueur, une caractéristique notable du cadre juridique au Cameroun est l’absence de compétences des CTD en matière de formalisation et sécurisation foncières. La question d’une décentralisation renforcée dans ce domaine pourrait être discutée. Il serait utile d’appuyer le processus de réflexion et de faire le lien avec le processus politique en cours pour mesurer les conséquences de telles ou telles solutions juridiques. En effet pour accompagner la réforme, certains ajustements juridiques peuvent être apportés et expérimentés afin d’être ensuite mis à l’échelle et inclus dans le cadre juridique. De nombreuses actions sont à envisager dans différents secteurs juridiques (spécifiquement en zones urbaines) et secteurs 43 d’activité où le foncier est crucial. Il est donc important de prioriser et programmer les opérations. Il faut mettre en place un cadre pour débattre des principes juridiques et des questions de droits les plus bloquants pour les zones urbaines et convenir d’une feuille de route dans le sens d’une réforme progressive sur des questions juridiques spécifiques à prioritiser. A l’issue du débat, il y aura des choix juridiques à opérer. Les juristes camerounais et professionnels du foncier ont commencé ces échanges, la société civile est également mobilisée notamment avec l’aide d’ONG et de bailleurs de fonds. Le consensus sur des questions de droit spécifiques n’est actuellement pas acquis. À moyen ou long terme, le Cameroun pourrait s’inspirer de mesures juridiques spécifiques introduites notamment au Niger, à Madagascar, au Mali, en Côte d’Ivoire et au Bénin qui se sont engagés dans des réformes significatives du droit de la propriété foncière (voir encadré 9 pour l’expérience du Bénin). Des échanges d’expérience avec ces pays et d’autres aux contextes similaires confrontés aux mêmes questions juridiques (question de l’annulation et de l’intangibilité des titres, par exemple) pourraient nourrir les réflexions camerounaises. Encadré 9. L’expérience des agences foncières, celle du Bénin Au Bénin, la réforme de 2013 introduit une nouvelle Agence nationale du domaine et du foncier (ANDF) en réduisant le rôle des communes dans la gestion du foncier. La création de l’ANDF et ses antennes locales au niveau communal (Bureaux communaux du domaine et du foncier – BCDF) est un des aspects innovants de la réforme béninoise. L’ANDF a été créée aux termes des dispositions de la loi 2013-01 du 14 août 2013 portant Code Foncier et Domanial en République du Bénin : « Il est créé un établissement à caractère scientifique et technique de type spécifique doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière dénommé Agence Nationale du Domaine et du Foncier »76, et mise en place effective en février 2016. Par ailleurs, 14 BCDF sont en cours d’installation en 2019, pour une période transitoire. 77 BCDF sont attendus pour couvrir l’ensemble du territoire béninois. La réforme de 2013 limite l’implication des communes dans la procédure de délivrance et de gestion des Certificats de Propriété Foncière. Depuis son installation, l’Agence a conduit également des activités de communications sur le nouveau dispositif juridique pour informer les usagers sur les procédures de confirmation ou d’inscription de droits et sensibiliser les Maires et des élus locaux de leurs nouvelles responsabilités. La question de la prise en compte du processus de décentralisation pose néanmoins certaines questions dans le Code de 2013 quant à la manière dont les acteurs vont s’articuler au niveau local. Le sens de la réforme de 2013 est de centraliser les attributions relatives à la gestion du foncier et du domaine dans une agence unique, ANDF et ses démembrements au niveau communal. Plusieurs structures d’Etat qui jouent (ou jouaient) un rôle important, avant la promulgation du nouveau Code dans la gestion du foncier et du domaine n’ont plus de prérogatives en matière foncière. Il s’agit du Ministère de l’Économie et des Finances, le Ministère de l’Agriculture, Elevage et Pêche (MAEP), le Ministère en 76 Art. 416 et Décret 2015-010 du 29 janvier 2015 portant attributions, organisation et fonctionnement de l'ANDF. 44 charge du Cadre de vie et du Développement durable, l’Institut Géographique National, et enfin le Ministère de la Décentralisation et de la Gouvernance locale. Comme au Cameroun la gestion foncière est relativement centralisée, mais au Bénin, la structure et l’organisation de l’Agence, hors ministère, revêt une autonomie financière et une redevabilité accrue. Il est prématuré de faire une évaluation de l’agence du foncier béninoise, effective seulement depuis 2016. 4.2 Expérimenter des méthodes innovantes, alternatives et systématiques pour ajuster les pratiques légales et légitimes Un scénario d’ajustements soutenus par une expérimentation de méthodes innovantes, alternatives, systématiques qui permettent au plus grand nombre d’accéder rapidement à un document sécurisant l’occupation dans le cadre d’une méthodologie participative, inclusive et de dialogue communautaire et qui prenne en charge les situations d’irrégularités et leur résolution. 4.2.1 Un ensemble d’ajustements juridiques pour sécuriser le plus grand nombre Faciliter l’obtention des titres fonciers • Encadrement des conditions de l’annulation des titres fonciers i rréguliers en prenant des arrêtés pour définir les conditions d’application et en tirer les leçons. • Harmonisation des barèmes de calcul des droits d’enregistrement lors de la procédure d’obtention du titre foncier, des impôts fonciers, et les taux indemnisation pour expropriation pour cause de déclaration d’utilité publique. • Réaliser des campagnes de sensibilisation visant à informer le grand public, et surtout les populations dans les périphéries des villes en croissance rapide, sur la procédure de formalisation et sécurisation des droits fonciers. • Renforcement des capacités opérationnelles au sein des délégations départementales du MINDCAF pour faire fonctionner convenablement les GUTF pour l’accès au foncier des entreprises. Afin de garantir la sécurité du titre foncier délivré, une option de vérification au fond du dossier avec apposition d’un label d’inattaquabilité pourrait être expérimentée Ceci pourrait être utile pour les projets de promotion immobilière. Clarification et harmonisation des droits sur les dépendances du domaine national • En vue de clarifier et harmoniser les interprétations des dispositions concernant l’application des articles 15 et 17 de l’ordonnance 74-2 du 6 juillet 1974 fixant le régime 45 domanial, l’administration foncière pourrait établir un manuel de procédures permettant une application homogène sur tout le territoire. Après un inventaire des pratiques à travers le pays, il serait utile de penser la réingénierie des procédures dans le cadre actuel afin de tirer profit des bonnes pratiques et des simplifications identifiées ; • Mettre en œuvre des opérations de régularisation des titres d’occupation précaire. Cette recommandation pourrait être développée dans le cadre d’une expérimentation au cours de laquelle sera tout d’abord mise en place une méthodologie de régularisation participative et inclusive en considérant la résolution des conflits existants ou pouvant émerger mais également les conditions d’accès au foncier pour les groupes vulnérables (tels que les femmes, les jeunes, les personnes à mobilité réduite), et puis des activités pilotes de régularisation seront réalisées sur quelques sites et finalement mises à l’échelle. L’encadré 10 résume l’expérience dans le contexte urbain béninois qui présente des similitudes avec le cas camerounais. Encadré 10: Expérience béninoise de transformation de titre précaire (Permis d’habiter) en titre foncier En 1960, l’octroi de Permis d’Habiter (PH) est considéré comme une réforme77 visant normalement à donner l’accès à des terrains à habiter à des personnes à faibles revenus et désireuses de construire leur propre logement. Le PH donne un droit personnel d’occuper des terrains immatriculés au nom de l’Etat et situés dans des centres urbains, dotés d’un plan de lotissement et d’un plan d’aménagement régulièrement approuvés. Il est émis par les communes. Le PH ne peut être hypothéqué car il ne constitue pas une attribution des droits de propriété mais seulement des droits d’occupation d’un terrain appartenant à l’Etat. Cependant, il peut être mis en gage auprès d’un organisme de prêt à l’habitat. Légalement, le détenteur d’un Permis d’habiter peut devenir propriétaire après mise en valeur de sa parcelle d’habitation, et constatation par une commission administrative. Malgré son caractère précaire, le permis d’habiter est devenu le document essentiel d’accès à la propriété urbaine au Bénin. Il existe un registre des Permis d’habiter, tenu par l’administration, mais ce registre ne constitue pas une base de données foncière fiable. Ce registre « papier » tenu et actualisé manuellement, ne permet pas notamment d’estimer le nombre total de Permis d’habiter valides existant dans le pays et ne permet pas de vérifier d’une manière certaine le fondement juridique des permis. Malgré son caractère précaire, le permis d’habiter était le document essentiel d’accès à la propriété urbaine. L’initiative de transformation des Permis d’Habiter (PH) en Titre Foncier, initiée au début des années 2000, a rencontré de nombreuses difficultés. Trois éléments expliquent pourquoi la gestion des PH est problématique aujourd’hui au Bénin. 1) Dans les faits, peu de titulaire s d'un PH ont finalisé la procédure pour devenir propriétaire, soit par manque de moyens pour finaliser la mise en valeur dans les normes, soit pour ne pas avoir accompli les étapes pour l’accès au titre foncier (via la procédure de morcellement du titre foncier de l’Etat). Aujourd’hui de nombreux Permis d’habiter ont été délivrés sur 77 Loi 60-20 du 13 juillet 1960 et son décret d’application n° 64 -276 PC/MFAEP/EDT du 2 décembre 1964. 46 des terrains qui ne sont ni immatriculés au nom de l’Etat, ni lotis, c’est-à-dire sur des terrains coutumiers. Par ailleurs, quoique ces permis ne soient pas cessibles en théorie, ils font tout de même l’objet de cession. Ces cessions se font via des « conventions de vente », ancienne pratique introduite par l’administration coloniale en 1906. Ces conventions sont établies selon un formulaire officiel (variable selon les localités), avec l’approbation de témoins et validé par l’autorité administrative. Mais les vérifications du statut juridique ne sont pas possibles de manière certaine dans la plupart des cas, il n’existe pas de fichier centralisé de ces transactions. Or, de nombreuses conventions de vente sont frauduleuses ou irrégulières. Le caractère prédictible qui fonde la sécurité juridique n’est donc pas assuré78. Pourtant, beaucoup de ces permis sont anciens et le seul document détenu par des occupants de bonne foi, pour attester de leur droit. C’est pourquoi, en 2001, le gouvernement a initié une opération de transformation de titres d’occupation en titre fonciers. L’objectif était de délivrer 30.000 nouveaux titres fonciers. En février 2016, 4016 titres ont été retirés79. Les résultats n’ont pas atteint ceux escomptés, mais il est important de rappeler que 1) l’idée de départ de renforcer les droits des détenteurs de bonne foi d’un permis d’habiter a du sens sur le principe 2) que l’exercice était très ambitieux vu la situation juridique de départ. Cette expérience doit être analysée sérieusement car elle renseigne sur les défis à venir à très court terme. Cette opération et les difficultés juridiques et techniques rencontrées 80 sont cruciales pour comprendre la situation foncière dans les villes au Bénin et envisager la manière de procéder à l’avenir dans le cadre du nouveau dispositif de 2013. Améliorer la cohérence, actualité et gestion de l’information foncière En parallèle des efforts de résolution des conflits existants (cf. ci-dessous), un effort sur la vérification de l’information foncière existante est nécessaire qu’il s’agisse des droits, de la consistance des biens et de leurs détenteurs. Vu l’ampleur de la tâche, cette vérification doit se faire par zonage et après identification de zones prioritaires. La méthodologie pour identifier les critères de sélections de ces zones à vérifier et sécuriser est une action préliminaire en soi. Mise en place d’un fichier des présumés propriétaires et de leurs locataires : poursuivre, en l’inscrivant dans la prochaine loi de finance (hors période électorale), les initiatives amorcées sur 78 L’administration participe de l’informalité par la validation de ventes « frauduleuses » ou irrégulières. 79 La poursuite de l’exercice avec d’autres appuis financiers a finalement conduit à la délivrance de 9500 titres en 7 ans. 80 Parmi les difficultés juridiques et procédurales, notamment celle liées aux irrégularités juridiques et techniques relatives aux parcelles : (i) actes de présomption de propriété déposés ne comportant pas les informations nécessaires pour l’identification de la parcelle objet de la demande de TF, (ii) conventions de vente non affirmées, (iii) surcharges sur les actes de présomption de propriété, (iv) non concordance sur les noms inscrits sur les actes de présomption de propriété et les pièces d’état civil, (v) absence de la copie légalisée de la pièce d’identité du présumé propriétaire, (vi) erreurs sur les dossiers techniques (non -conformité entre les chiffres en nombre et les lettres, des contenances des parcelles sur le plan et sur le procès-verbal, dans la description des parcelles limitrophes, etc…), (vii) parcelles n’appartenant pas à la même personne qui sont fusionnées, (viii) mauvaise numérotation des parcelles sur les dossiers techniques de morcellement, (ix) fusions de lots et changement de nomenclature, (x) absence de fiche de compulsion ou fiche mal remplie, (xi) absence de fiche d’appréciation ou fiche mal remplie, etc. 47 l’identification des détenteurs de droits fonciers et fiscalité pour ajuster et améliorer ces dispositifs d’identification des détenteurs de droits présumés. C’est un sujet émergent également dans d’autres pays, en Afrique de l’Ouest, où des échanges peuvent être envisageables. Gérer et prévenir les contentieux administratifs et judicaires et résoudre les conflits liés au foncier La résolution des problèmes générés par les irrégularités existantes est nécessaire pour pouvoir envisager sereinement de nouvelles modalités pour les transactions à venir qui sont tributaires dans les zones urbaines et périurbaines de la situation juridique existante. La nécessité d’assainir les situations d’irrégularités en suspens et de résorber les conflits relève tant d’une action administrative que judiciaire. Il est incontournable de prendre des décisions sur la méthode à adopter pour prendre en charge les situations d’irrégularités existante, génératrices de conflits qui affecteront les transactions futures. Les grandes villes africaines et leurs périphéries sont toutes confrontées à cette difficulté. Au regard de ce qui se passe dans d’autres pays aux dispositifs juridiques et contextes similaires, en zones urbaines, un assainissement et une amélioration de la situation sera un processus de long terme qui exige de se pencher sur différents secteurs juridiques. Décentralisation du contentieux foncier et attribution de moyens au système judiciaire (en lien avec les situations des conflits et irrégularités qui grèvent les actions futures). Gérer et protéger le domaine privé de l’Etat et de ses agences Etant donné l’importance en droit et en fait du domaine privé de l’Etat (en raison du principe de domanialité en vigueur au Cameroun), certaines actions relatives à la gestion du domaine de l’Etat sont nécessaires et sont envisageables à court terme. Dans l’optique d’assurer une bonne gestion des biens publics, celle-ci nécessite d’en avoir une bonne connaissance pour en assurer gestion et protection. L’inventaire des biens publics participe de l’assainissement de la situation foncière dans les zones périurbaines. Sa mise en œuvre comporte un volet « résolutions des conflits ». • Etablissement d’un état des lieux de la connaissance du domaine de l’Etat : l’inventaire du domaine de l’Etat permet d’identifier et délimiter ce domaine. L’inventaire des biens publics permet de les protéger et d’en optimiser la gestion. • Identification des modalités de protection de ces domaines et des mesures comment prévenir les occupations illégales (par exemple, en travaillant avec la police communale). Modalités des mesures de police le cas échéant, accompagnement de modalités de relocalisation et de compensation en cas de responsabilité de l’Administration. La gestion du domaine privé de 48 l’Etat et la résolution des conflits afférents posent la question de la mise en place d’un Fonds de dédommagement foncier (voir l’expérience du Bénin). 4.2.2 Garantir l’accès au foncier pour les groupes vulnérables, dont les femmes et les jeunes Bien que la revue n’ait pas recueilli de données spécifiques et chiffrées au sujet de l’accès au foncier pour les groupes vulnérables dont les femmes et les jeunes, certains échanges et entretiens avec des camerounais laissent penser que la protection des droits des groupes marginalises est un défi à relever. Il s’agirait a minima d’appliquer la loi sans discrimination contre les femmes et les jeunes et de reconnaitre et consacrer leur droits d’accès à la terre. Compte tenu des possibilités de développement humain associées à la sécurité de l’occupation foncière, tous les efforts de formalisation et de sécurisation foncières doivent tenir compte de l’égalité entre femmes et hommes et veiller à ne pas perdre une partie de son effet en faveur des femmes. Certains pays d‘Afrique francophone ont mis en place des mesures innovantes en matière d’accès des femmes au foncier. La nouvelle loi sur le foncier agricole malienne exige que 10% des parcelles des périmètres irrigués financés par la puissance publique soient attribuées aux femmes et aux jeunes. Cette disposition volontariste innovante méritera d’être étudiée quant à sa mise en œuvre effective dans les années qui viennent. L’expérience du Burkina Faso est aussi pertinente (voir encadré 11). Ces expériences pourraient inspirer le dispositif camerounais en cours de réforme. Encadré 11. Expérience du Burkina Faso Au Burkina Faso, si le cadre juridique est fortement marqué par des dispositions juridiques soucieuses de la parité entre les hommes et les femmes, l’accès à la terre se fait principalement par héritage, dont les femmes sont exclues selon les règles coutumières. Le Burkina Faso adopte en 1991 une nouvelle constitution qui formalise les principes généraux dans lesquels s’inscrit la politique foncière. Elle garantit le droit de propriété et le droit au logement. Elle reconnait la chefferie coutumière, l’égalité entre femmes et hommes, le droit à un environnement sain et le devoir de protéger l’environnement. Elle prône également la participation des citoyens, consacrant le droit des populations à gérer les affaires publiques, notamment la gestion du foncier. Les textes requièrent la représentation systématique des femmes dans les instances de gestion notamment foncière. On peut citer sans être exhaustif la représentation des femmes et autres groupes vulnérables au sein de la Commission de Conciliation Foncière Villageoise, des Conseils Villageois de Développement ou du Comité national de sécurisation foncière rurale au sein duquel siège le Ministère de la Promotion de la Femme. Depuis 1989, le Code des personnes et de la famille prône l’égalité entre époux et dans la famille et prévoit notamment l’accord des deux époux pour tout acte de cession. Il stipule 49 également que tout enfant peut succéder aux bien de ses parents, apportant ainsi une protection légale aux enfants des deux sexes. La principale loi foncière (loi 034-2012 sur la Réorganisation Agraire et Foncière) prône aussi l’égalité des sexes et mentionne un « principe d’équité : le traitement juste, raisonnable de tous les citoyens, notamment de la même manière s’ils sont dans des situations identiques, selon le principe de l’égalité de droits, mais également en accordant des droits spécifiques aux groupes sociaux dont la situation est désavantageuse » (art. 4). Elle stipule que l’élaboration des cahiers des charges pour l’occupation ou l'exploitation des terres rurales aménagées doit tenir compte du genre. Ainsi, les cahiers de charges pour les terres aménagées prévoient dans les commissions d’attribution des terres deux représentants des organisations féminines. La loi RAF 2012 intègre aussi le ministère en charge de la promotion de la femme pour veiller au respect et la promotion du genre. Malgré toutes ces dispositions prometteuses, les femmes ont traditionnellement un accès limité au foncier. Selon la Gender and Lands Rights Database de la FAO, seul un quart des femmes indiquent avoir un droit de possession sur leurs terres agricoles de manière conjointe et ce chiffre est diminué de moitié si la terre leur appartient en propre. Pourtant au Burkina Faso, les femmes représentent plus de la moitié de la force de travail en milieu rural. Elles cultivent plus des deux tiers de la nourriture produite dans le pays (Banque Mondiale, 2017). Leur forte participation à l’exploitation des champs familiaux joue un rôle déterminant sur la sécurité alimentaire des ménages ruraux et sur l’approvisionnement des centres urbains. 4.2.3 Réfléchir à un processus systématique de reconnaissance et formalisation, à force probante intermédiaire et localement mis en œuvre La loi foncière camerounaise est fondée sur la propriété privée consacrée par la délivrance d’un titre foncier ou de la concession. Ces instruments de sécurisation foncière demandent la mise en œuvre de procédures qui peuvent s’avérer complexes et couteuses (par exemple les travaux de la commission consultative foncière). Comme constate précédemment le faible nombre de titres fonciers au Cameroun montre que le système foncier formel actuel profite seulement à une petite partie de la population appartenant à des groupes sociaux spécifiques. La réponse citoyenne est la généralisation de l’informalité du marché foncier et des papiers ou contrats sous seing prive de sécurisation foncière en milieu urbain. Il est pourtant internationalement reconnu qu’une approche adaptée au besoin des citoyens de disposer d’un papier justifiant leur occupation se doit d’être souple, pragmatique et systématique. Cela signifie que les procédures doivent être simples à l’initiation de la démarche pour que chacun obtienne un papier officialisant son occupation foncière, puis avec le temps et chaque fois que cela est nécessaire ou pertinent, conduire vers le titre foncier. C'est un processus dynamique qui 50 implique les bénéficiaires, répond à leur demande et permet l’évolution des institutions et des futurs objectifs de la politique foncière. Cependant l’adoption d’un processus intermédiaire simple et financièrement accessible à la majorité des camerounais semble être une solution à la demande citoyenne de sécurisation. Dans le cadre de la réforme foncière, les parties prenantes pourraient réfléchir à une approche adaptée et progressive de la formalisation des droits de propriété. Lors de la réflexion autour de la réforme foncière en cours, la formalisation intermédiaire locale et systématique des droits fonciers afin de les rendre accessible au plus grand nombre pourrait faire l’objet d’une attention particulière. Du point de vue opérationnel, une cartographie participative de l’occupation du sol comprenant notamment un inventaire exhaustif du patrimoine des toutes les parties prenantes du foncier en milieu urbain et périurbain (particulier, Etat, collectivités territoriales et communautés traditionnelles) permettrait de disposer d’un outil d’aide à la constatation et à l’affirmation des droits fonciers dans le cadre des procédures de sécurisation foncière mais aussi d’aide à la décision pour l’aménagement du territoire à partir d’une cartographie plus fine de l’occupation de l’espace. La mise en place d’un tel outil, pourrait être priorisé dans les zones à forte pression foncière, notamment au pourtour des zones urbaines permettant de faciliter le contrôle et l’anticipation de l’urbanisation future. Si des expériences comme celles du Rwanda, de l’Ethiopie ou de l’Ouganda peuvent être une source d’inspiration pour la mise en place d’opération de premier enregistrement massif et systématique, il y a aussi beaucoup à apprendre des expériences de certification foncière en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Burkina Faso mais également au Ghana. Encadré 12. Enregistrement foncier systématique L’enregistrement systématique est considéré comme une bonne pratique qui peut demander plusieurs années avant que le pays soit couvert. Le système peut s’arrimer au système existant pour lequel l’enregistrement est souvent sporadique (immatriculation facultative notamment). L’enregistrement systématique permet d’identifier les titulaires de droits ou relations foncières sur les entités spatiales (parcelle, local, etc.) et de déterminer les droits et de délivrer des titres de propriété ou d’occupation de l’espace. Les droits enregistrés dans un registre foncier peuvent être formels ou informels. Le processus doit être simple et participatif c’est-à-dire ouvert à tous. Les principales étapes sont la sensibilisation en vue de la participation et de l’acceptation du processus, les travaux de terrain pour la délimitation des parcelles et les enquêtes socio foncières publics et contradictoires pour l’acceptation communautaire, la consultation publique ou l’affichage des résultats pour leur validation, ou le cas échéant contestation, et la délivrance de titre de propriété ou d’occupation aux bénéficiaires. 51 4.2.4 Moderniser l’administration foncière pour un meilleur service public et renforcer les capacités des professionnels Peu avant le lancement de la réforme foncière, le Cameroun a engagé en 2010 le Projet d’Appui à la Modernisation du Cadastre et au Climat des Affaires (PAMOCCA). L’objectif général est de valoriser le capital foncier du Cameroun pour améliorer la croissance de manière durable et réduire la pauvreté. Le projet est articulé autour de trois principaux piliers : la mise en place du réseau géodésique national, la confection de la cartographie numérique à grande échelle et la réalisation des plans cadastraux numériques des communes. Ces trois piliers concourent à la modernisation de l’administration foncière dont l’infrastructure peut se construire autour de 4 activités : : (i) la géodésie, (ii) la cartographie, (iii) le système d’information foncière et domaniale et (iv) la valorisation du patrimoine. Afin d’appuyer la stratégie de modernisation, il serait utile de mettre en œuvre des opérations pilotes d’enregistrement systématiques des zones urbanisées et de promotion de la sécurisation foncière en milieu urbain. En effet des institutions modernisées travaillent avec des données foncières et des plans cadastraux numériques mis à jour et notamment capables de donner des informations fiables concernant l’assiette de l’impôt foncier, l’identité du contribuable et la nature des droits et de l’occupation. Digitaliser les plans existants et organiser leur archivage, géoréférencé les donnes foncières et constituer une base de données géographique et alphanumérique de données performantes et interopérables ainsi que mettre en ligne les plans et les données pour diffusion et exploitation sont les principales activités de la stratégie de modernisation. Encadré 13. Améliorer la disponibilité, assurer la qualité et l’utilisation des données L’insuffisance de référentiel cartographique à petite et grande échelles et la connaissance souvent floue du contour des limites administratives sont des freins à la connaissance et la planification territoriales. Si la résolution de ces deux problèmes technique et légal est nécessaire pour disposer d’une base commune de connaissance de l’espace, il est également utile de réaliser un inventaire exhaustif du patrimoine des personnes publiques et privées, formelles et informelles et de leur possible démembrement au pourtour des zones urbaines pour clarifier l’occupation en anticipation de la future urbanisation. Finalement il n’y a pas de réforme réussie sans des hommes et des femmes capables de la mettre en œuvre. La modernisation des institutions foncières nécessite de compter avec un personnel dans le secteur d’activité, ayant des compétences et des capacités renforcées et mises à niveau. Les agents ont besoin d’un important renforcement de capacité pour s’approprier les nouvelles technologies, les processus de modernisation et pouvoir conduire le changement et la 52 réforme. Les ressources humaines actuellement disponibles au Cameroun tant dans le secteur public que dans le secteur privé ne sont pas suffisantes. Un plan de formation avec un financement en regard doit être élaboré. Le contenu des formations doit viser à renforcer les capacités dans diverses matières comme le droit foncier mais également des bases solides en droit civil, droit administratif et droit de l’urbanisme car il n’est plus à démontrer que la sécurité foncière en milieu urbain est intimement liée à l’urbanisme. Le tableau 3 ci-dessous présent un sommaire récapitulatif des recommandations sur l’expérimentation des méthodes innovantes, alternatives et systématiques. Tableau 3. Sommaire récapitulatif des recommandations d’ajustements et d’expérimentation dans le cadre juridique actuel. Recommandations Intervenants Horizon Faciliter l’obtention des titres fonciers 1. Encadrement des conditions d’annulation des titres fonciers irréguliers en prenant des arrêtés pour définir les conditions MINDCAF Court terme d’application et en tirer les leçons. 2. Révision et harmonisation des barèmes de calcul des droits d’enregistrement lors de la procédure d’obtention du titre foncier, MINDCAF Court terme des impôts fonciers et le taux d’indemnisation pour expropriation suite à une déclaration d’utilité publique. 3. Réalisation des campagnes de sensibilisation visant à informer le grand public, et surtout les populations dans les périphéries des MINDCAF Court terme villes en croissance rapide, sur la procédure de formalisation et sécurisation des droits fonciers 4. Renforcement des capacités opérationnelles des Guichets uniques de facilitation des transactions foncières (GUTF) pour l’accès au Court terme et foncier des entreprises, au sein des délégations départementales du moyen terme MINDCAF MINDCAF. Afin de garantir la sécurité du titre foncier délivré, une pour option de vérification au fond du dossier avec apposition d’un label l’expérimentation d’inattaquabilité pourrait être expérimentée. Clarifier et harmoniser les droits sur les dépendances du domaine national 1. Préparer un manuel de procédures pour la clarification et l’harmonisation des dispositions des articles 15 et 17 de l’ordonnance 74-2 du 6 juillet 1974 sur le domaine national. Après MINDCAF Court terme un inventaire des pratiques à travers le pays, il serait utile de penser la réingénierie des procédures dans le cadre actuel afin de tirer profit des bonnes pratiques et des simplifications identifiées. 2. Régularisation des titres précaires. Cette recommandation pourrait MINDCAF et être développée dans le cadre d’une expérimentation au cours de MINHDU, CTD, laquelle sera mise en place une méthodologie de régularisation des Moyen terme préfet titres précaires en considérant la résolution des conflits existants ou Appui des PTF pouvant émerger mais également les conditions d’accès au foncier 53 pour les groupes vulnérables (femmes, jeunes, personnes à mobilité réduite, etc.). Améliorer la qualité et la gestion de l’information foncière 1. Etablissement d’un protocole de vérification au fond de la qualité de l’information foncière contenue dans les registres fonciers en MINDCAF et termes d’identité et actualité du titulaire de droits, d e la consistance MINHDU, CTD et Moyen terme du bien et de la nature des droits inscrits et détenus. Ce protocole sera préfet et acteurs du expérimenté sur des zones représentatives des contraintes de foncier formalisation des droits fonciers. Gérer et prévenir les contentieux administratifs et judiciaires et résoudre les conflits liés au foncier 1. Assainissement et amélioration de la chaine des voies de recours en intégrant les modes alternatifs de résolution de conflits de MINDCAF Court terme tradition coutumière et en décrivant et disséminant la chaine. Gérer et protéger le domaine privé de l’Etat et de ses agences 1. Etat des lieux et inventaire du domaine de l’Etat (privé et public) MINDCAF Court terme et plan de gestion patrimoniale. 2. Clarification et définition des missions et responsabilités des institutions en charge de la gestion foncière urbaine : (i) MINDCAF te identification des modalités de protection des domaines afin de MINHDU ; Court et moyen prévenir les occupations illégales ; et (ii) réflexion sur les mesures services terme de police, de relocalisation et de compensation en cas de déconcentrés, responsabilité de l’administration mais également à la création d’un préfet et CTD fonds de dédommagement Garantir l’accès au foncier aux groupes vulnérables dont les femmes et les jeunes Définition du faisceau de droits fonciers afin d’en établir l’inventaire complet des droits à protéger et à formaliser avec une attention Tout le secteur particulière sur les droits des femmes dans l’héritage avec en particulier Assurance que les droits alloués le sont suffisamment longtemps afin les autorités que les investissements soient durables traditionnelles et Sécurisé c’est-à-dire que les droits des groupes vulnérables seront coutumières, les Court à long protégés s’ils sont menacés et robuste les droits fonciers des femmes ministères terme et de jeunes concernés, les Promotion de l’exercice libre et sans autorisation préalable des droits associations de fonciers alloués femmes et de Renforcement dans les textes et les pratiques la perception que les jeunes droits fonciers des femmes sont légalement et socialement légitimes 54 Bibliographie Durand-Lasserve, Alain & Selod, Harris (2007). 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