Les leçons de l'expérience Vingt ans de coopération entre le PNUD et la Banque mondiale dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, 1978-98 Maggie Black 19 août 1998 Table des matières 2 Preface 3 Note de l'auteur 4 Introduction : Le contexte historique 8 Première partie. La phase des technologies appropriées, 1978-88 Principaux enjeux : L'assainissement urbain...................................................................................................... L'approvisionnement en eau collective................................................................................. 10 Principales activités du Programme :................................................................................... Le projet d'approvisionnement en eau et d'assainissement à faible coût - TAG.................... Le projet de pompes manuelles............................................................................................ 15 Enseignements.................................................................................................................... 16 Evolution des idées sur le plan international ........................................................................ 18 Deuxième partie. Du « matériel » au « non-matériel », 1988-94 18 Principaux enjeux............................................................................................................... Pérennité............................................................................................................................. Participation communautaire et rôle des femmes.................................................................. Renforcement institutionnel et valorisation des ressources humaines..................................... 21 Principales activités du Programme..................................................................................... Le réseau international de formation (RIF) .......................................................................... Projets à plus grande échelle et projets de démonstration : Kumasi, Ghana: Un nouveau style d'assainissement; Nigéria: Le projet RUSAFIYA; Bolivie: Un projet réussi à plus grande échelle................................................................................................................................ Promotion des activités participatives.................................................................................. Synthèse des enseignements tirés de la Décennie de l'eau ..................................................... 30 Enseignements.................................................................................................................... 32 Evolution des idées sur le plan international ........................................................................ 38 Troisième partie. La promotion du nouvel ordre du jour, 1994-98 38 Principaux enjeux .............................................................................................................. La crise croissante de l'assainissement urbain ..................................................................... Le renforcement des capacités............................................................................................. La fourniture des services adaptés à la demande.................................................................. 42 Principales activités du Programme :................................................................................... L'apprentissage structuré .................................................................................................. L'assainissement urbain..................................................................................................... La réponse à la demande : l'étude mondiale ...................................................................... 47 Enseignements.................................................................................................................... 48 Evolution des idées sur le plan international ........................................................................ 49 L'avenir ............................................................................................................................ 52 Sources principales 55 Équipe de gestion du Programme PNUD-Banque mondiale pour l'eau et l'assainissement 1978-98 57 Dates clés du secteur de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement 60 Chronologie du Programme 63 Remerciements Préface L'année 1998 marque la vingtième année d'existence du Programme PNUD-Banque mondiale pour l'eau et l'assainissement. Initialement conçu comme un projet de recherche appliquée visant à soutenir les efforts concertés déployés dans le cadre de le Décennie internationale de l'eau potable et de l'assainissement (1981-90), ce Programme est apparu comme une expérience remarquable de partenariat pour le développement. Bien que ses activités aient évolué au fil des ans, certains de ses éléments sont restés inchangés. · Priorité aux services destinés pour les pauvres ; · Accent mis sur des partenariats auxquels participent de multiples bailleurs de fonds initialement sous les auspices du PNUD; · Utilisation des activités de terrain pour servir de banc d'essai aux idées nouvelles, suivies d'efforts pour analyser et partager les conclusions de ces expériences ; · Gestion du programme au sein même de la Banque mondiale. Maggie Black, l'auteur indépendant spécialisé dans les questions de développement, a réalisé cette étude rétrospective du Programme. Elle retrace les évolutions qui inspirent la réflexion et l'action dans le secteur de l'eau et de l'assainissement depuis la création du Programme en 1978, et elle analyse la façon dont le Programme a influé sur ces évolutions en subissant lui-même l'influence. A l'aube de notre troisième décennie d'activité, nous tenons à remercier tout particulièrement les nombreux partenaires qui ont collaboré avec le Programme au cours des 20 dernières années, et tout particulièrement les organisations des pays en développement qui ont mis en oeuvre les projets novateurs du Programme, avec tous les risques que cela implique. Nous remercions également les organismes extérieurs qui ont fourni les subventions sans lesquels notre processus d'apprentissage continu n'aurait pas été possible. Enfin, nous exprimons notre gratitude aux centaines de personnes qui, au cours des deux dernières décennies, n'ont épargné aucun effort pour faire avancer le Programme. Il n'y a pas de développement possible si l'on n'aide pas les pauvres à avoir durablement accès à des services d'approvisionnement en eau et d'assainissement. Nous avons le plaisir de partager notre expérience avec nos nombreux partenaires et nous nous réjouissons à l'idée de poursuivre cette collaboration dans années à venir. Brian Grover Directeur du Programme pour l'eau et l'assainissement Septembre 1998 Note de l'auteur Le propos de la présente étude de cas est de décrire en parallèle l'évolution du Programme PNUD- Banque mondiale pour l'eau et l'assainissement et l'évolution des idées dans le monde sur ce sujet pendant les 20 années d'existence du Programme. Structurer la présentation des activités successives du Programme n'a pas été tâche facile. La meilleure solution a semblé consister à décrire ces activités en les divisant en trois phases : La phase des technologies appropriées, 1978-88, Du « matériel » au « non-matériel », 1988-94 et La promotion du nouvel ordre du jour, 1994-98, précédées d'une introduction. Il reste que certaines activités, touchant notamment les aspects non matériels, qui se sont déroulées sur toute la durée du Programme, couvrent plusieurs phases. En ce cas, nous les avons décrites ou signalées pendant la période durant laquelle leur importance internationale, ou dans le Programme lui-même, a été la plus grande. De même, la structure retenue pour chacune des phases (Principaux enjeux, Principales activités du Programme, Enseignements et Évolution des idées sur le plan international) n'est pas totalement satisfaisante. De nombreuses questions clés, comme le maintien des services, sont à tout moment importantes même si la terminologie utilisée pour les décrire change avec l'évolution des idées (en l'occurrence, on parle maintenant de « viabilité à long terme » des services). La structure choisie conduit par conséquent à certaines répétitions et, peut-être aussi, dans chacune des phases, à un choix des questions du jour que les directeurs de programme ne prendraient pas nécessairement à leur compte. Les vues très diverses de ceux qui ont joué à un moment ou un autre un rôle influent dans le Programme sont elles-mêmes difficiles à concilier. L'auteur assume l'entière responsabilité de toute erreur qui se serait glissée dans l'analyse ou la présentation des faits. Cette étude ne constitue pas un bilan officiel du Programme ; les vues exprimées ici sont celles de l'auteur et ne reflètent en aucune façon l'opinion du PNUD, de la Banque mondiale ni des membres du personnel ou des promoteurs du Programme. Maggie Black - 4 - Introduction : Le contexte historique La déclaration adoptée lors de la Conférence des Nations Unies sur l'eau à Mar del Plata (Argentine) en 1977 a marqué le début d'une nouvelle ère de coopération internationale visant à améliorer l'approvisionnement en eau et l'assainissement dans les pays en développement. Conformément à cette déclaration, les années 80 ont été proclamées « Décennie internationale de l'eau potable et de l'assainissement ». Le slogan de la Décennie était : « L'eau et l'assainissement pour tous. » Ceux qui avaient oeuvré en coulisse à Mar del Plata avaient un plus grand dessein, auquel la déclaration conférait le poids politique nécessaire. Certes, l'objectif de « l'eau et l'assainissement pour tous » était inaccessible pour de nombreux pays en développement participant à la Décennie, mais ils s'étaient néanmoins engagés à essayer de l'atteindre, avec l'aide de la communauté internationale, pour le plus d'habitants possible. Pour cela, il fallait repenser radicalement les préceptes et les stratégies d'investissement qui avaient donné lieu à la multiplication des robinets, des pompes et des canalisations dans le monde en développement. De l'avis de certains des principaux architectes de la déclaration, il était grand temps de procéder à une remise à plat. Pourquoi ? Pour une raison très simple. Les gens privés de services d'eau et d'assainissement étaient en majorité des pauvres, et les pays dans lesquels ils vivaient manquaient souvent d'eau et n'avaient que peu de moyens à consacrer aux infrastructures publiques. Les réseaux classiques d'eau et d'assainissement, suivant le modèle occidental, n'étaient financièrement à la portée que d'une minorité privilégiée, habitant les centres urbains, les banlieues aisées, ou les quartiers d'affaires. Pourtant, c'était le seul type d'investissement consenti par les bailleurs de fonds et les prêteurs internationaux, notamment la Banque mondiale. Dès lors, si l'on voulait donner un sens concret au slogan de la Décennie, il fallait trouver des approches totalement différentes, à coût plus faible, pour faire parvenir les services aux zones urbaines et rurales pauvres. Il fallait aussi convaincre les gouvernements et les bailleurs de fonds de la validité de ces approches. A l'époque, dans les milieux de l'ingénierie sanitaire, une poignée de visionnaires en santé publique internationale estimaient avoir pour mission primordiale d'identifier ces approches et de les faire adopter. Leur démarche s'appuyait sur la remise en cause des schémas traditionnels de développement qui caractérisait le début des années 70 et qui était en train de faire son chemin dans les nombreuses couches et ramifications de la communauté internationale du développement. Pendant les années 60, l'éradication de la pauvreté à travers le développement et « l'aide » était la mission de l'après-colonialisme. C'est à cette tâche que se consacraient les institutions internationales créées après la Seconde Guerre mondiale (moyennant quelques adaptations). Le transfert de technologies et de ressources aux pays en développement selon les modalités classiques du plan Marshall a grandement contribué, dans l'immédiat, à la croissance économique de ces pays. Mais bien vite, il est devenu évident que, du point de vue de la lutte contre la pauvreté, cette stratégie donnait très peu de résultats. Au lieu que la richesse ne « percole » du sommet vers le bas, la plupart des pauvres étaient de plus en plus écartés d'économies qui tournaient à leur détriment et, souvent, selon des critères entièrement différents. Simultanément, la croissance démographique faisait augmenter rapidement le nombre de pauvres. Un cercle de personnalités d'envergure internationale a commencé à recommander que l'on investisse dans des approches du développement axées directement sur le problème de la pauvreté. L'un des chefs de file de cette école était Robert McNamara, président de la Banque mondiale de 1968 à 1981. Au début des années 70, l'échec des modèles établis de développement, incapable de répondre aux « besoins essentiels » d'une grande partie des habitants de la planète, était devenu une rengaine dans les milieux internationaux. Le sentiment de crise et les divers remèdes proposés ont fait l'objet d'une série de conférences organisées par l'ONU sur l'environnement, la population, les établissements humains, et notamment la - 5 - Conférence sur l'eau de Mar del Plata. Ces nouvelles conceptions ne pouvaient trouver qu'un terrain favorable auprès des experts des organisations internationales, notamment les ingénieurs de la santé publique. Ces derniers savaient en effet d'expérience que, dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, marginalisation et exclusion étaient tout ce que les groupes à faible revenu pouvaient attendre des modèles existants de fourniture et de développement des services. Cette prise de conscience en rejoignait une autre. Dans les années 60, les idées d'autosuffisance et d'action locale commençaient à se répandre en réaction au modèle de développement appliqué par le monde industrialisé capitaliste. La notion du « Ce qui est petit est joli » (« Small is beautiful ») et le mouvement pour les « technologies intermédiaires » défendus par E. F. Schumacher avaient de nombreux partisans. Il y avait un décalage flagrant entre les technologies perfectionnées et coûteuses transférées vers de nombreuses régions du monde en développement et le contexte pré-industriel et semi-industrialisé dans lequel ces technologies étaient censées opérer. Il fallait trouver un nouveau modèle de développement technologiquement, socialement et économiquement moins monolithique et mieux adapté. Pendant la fin des années 60, quelques organisations internationales, notamment l'OMS, l'UNICEF et le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) au Canada, ont commencé à participer à des programmes de distribution d'eau potable à des communautés rurales pauvres. L'Inde et le futur Bangladesh figuraient parmi les pays concernés. La technologie utilisée était celle du forage et de la pompe manuelle. En Inde, la technologie du forage par battage des roches dures avait été introduite par des organisations humanitaires pendant la famine au Bihar. Une pompe manuelle pour utilisation avec des puits à grande profondeur avait été mise au point initialement par des missionnaires locaux, puis perfectionnée, standardisée et, à partir des années 70, fabriquée localement sous le nom de « India Mark II ». Au Bangladesh, où la nappe phréatique était dans la plupart des cas située au-dessus du niveau d'aspiration, les méthodes autochtones non mécaniques pouvaient être utilisées pour creuser les puits, en les complétant par des pompes manuelles en fonte très peu onéreuses. La technique du forage associé à la pompe manuelle avait été également expérimentée à une modeste échelle en Afrique. Dans le cadre de petites opérations non commerciales du même type, des adeptes de l'assainissement alternatif ont perfectionné le système des latrines en Thaïlande, au Viet Nam, en Inde et au Zimbabwe. Comme dans le cas de l'approvisionnement en eau, la plupart de ces opérations expérimentales ont été lancées par des ONG, avant d'être reprises par des organisations internationales telles que le CRDI et l'UNICEF. Dans les régions d'Asie où l'eau était abondante, le système de latrines de choix était celui de la chasse d'eau manuelle avec joint hydraulique ; dans les zones plus arides, et partant dans la plupart des pays d'Afrique, la fosse d'aisance améliorée et ventilée (et donc sans odeur) était la solution de rechange. Les réseaux de réticulation peu onéreux, les systèmes d'écoulement par gravité et la collecte de l'eau de pluie étaient d'autres approches prometteuses. Peu à peu, un ensemble de nouvelles approches pour la fourniture de services d'eau et d'assainissement de base a commencé à faire jour. Mais la plupart d'entre elles en étaient encore au stade des opérations de missionnaires à objectif humanitaire, sans que les investisseurs sérieux s'y intéressent. John Kalbermatten, conseiller principal en approvisionnement en eau à la Banque mondiale, faisait partie de ceux qui étaient décidés à joindre les deux groupes. Kalbermatten a entrepris de démontrer à ses collègues que la politique de prêt de la Banque en faveur de l'infrastructure de l'eau et de l'assainissement ne pouvait pas, de par sa nature même, favoriser l'accès des pauvres aux services. Si tel était le cas, le portefeuille de la Banque dans ce secteur ne pouvait pas, selon lui, intégrer les approches axées directement sur la lutte contre la pauvreté dont Robert McNamara avait fait la politique officielle de la Banque en 1972. En 1976, après de nombreuses tentatives, Kalbermatten obtint finalement qu'un projet de recherche fût mené sur les nouvelles options viables d'investissement dans les régions à faible revenu. A partir de là, il a mis en - 6 - place une équipe de chercheurs de haut calibre, fervents partisans d'une nouvelle conception des services d'eau et d'assainissement pour les pauvres. De profonds changements étaient nécessaires sur le plan des principes, de la politique, des approches et des structures institutionnelles, de la recherche-développement en ingénierie, et des attitudes des bailleurs de fonds et des gouvernements bénéficiaires si l'on voulait définir et appliquer de nouveaux modèles de services pour se rapprocher tant soit peu de l'objectif de « l'eau et l'assainissement pour tous ». Aujourd'hui, plus de 20 ans après, ces changements ne se sont pas tous matérialisés, loin de là. En 1976, l'entreprise semblait assurément formidable, mais personne n'aurait pu prédire que le processus de changement aurait conduit à une telle remise en cause de toute l'histoire et de toute la pratique de l'ingénierie sanitaire ni que la gestion de l'eau et des déchets serait à partir de là soumise à de telles pressions extérieures environnementales, économiques et politiques. Le problème immédiat à savoir que la recherche appliquée sur les technologies ne faisait pas partie des activités normales de recherche de la Banque mondiale avait été temporairement surmonté et un projet de recherche sur les technologies appropriées mis sur pied pour une période de deux ans. Beaucoup de systèmes examinés avaient été expérimentés dans divers pays par des ingénieurs engagés appartenant à des ONG et quelques courageux instituts de technologie, comme le Blair Research Laboratory du temps de l'ex-Rhodésie. L'accent était principalement mis sur l'assainissement : les latrines à chasse d'eau manuelle et les fosses d'aisance améliorées et ventilées ; les latrines à double fosse avec compostage, l'évacuation des eaux usées par des forages de petit calibre et les fosses septiques améliorées en milieu urbain. La Conférence mondiale sur l'eau de 1977 a donc eu lieu à un moment opportun, après que la Banque mondiale eut commencé à s'intéresser à la question. La déclaration de Mar del Plata sur l'établissement de la Décennie de l'eau grâce aux efforts déployés dans la coulisse par des experts internationaux de la santé publique a été adoptée alors que les activités de recherche d'un protagoniste international aussi important que la Banque mondiale étaient déjà bien lancées. On avait vu qu'il existait des options technologiques éprouvées dans les régions à faible revenu, dont la généralisation pouvait être envisagée dans le domaine de l'approvisionnement en eau potable comme dans celui de l'assainissement. Quelles que soient les tractations politiques nécessaires pour aboutir à des engagements dans le cadre d'instances aussi pesantes que des conférences internationales, elles restent stériles tant qu'il n'existe pas de mécanisme pour donner vie aux promesses. Parfois, un nouvel organisme des Nations Unies est créé à cette fin : le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) après Stockholm en 1972, Habitat après la Conférence sur les établissements humains en 1976, la Commission du développement durable des Nations Unies après le Sommet de la Terre en 1992. Mais l'idée d'un organisme distinct des Nations Unies sur l'eau n'a jamais bénéficié d'un large soutien et a en fait été découragée à Mar del Plata. En revanche, un programme d'eau et d'assainissement axé sur la réduction de la pauvreté constituait un moyen éminemment approprié pour mobiliser l'appui des principales institutions internationales dans le cadre de la Décennie de l'eau. Une fois encore, Kalbermatten et son groupe d'experts et de penseurs qui partageaient ses vues se sont heurtés à des difficultés à la Banque mondiale. Une fois les technologies potentielles répertoriées, l'étape suivante devait consister à exécuter des projets de démonstration. Mais les projets autonomes de démonstration n'entraient pas dans le champ du programme de prêts de la Banque. En revanche, ils cadraient avec les activités du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui fournissait des dons et avait été désigné « chef de file » pour la Décennie de l'eau. Kalbermatten s'est adressé à Bill Mashler, directeur de la division clé du PNUD, qui a répondu avec enthousiasme. Le PNUD a accepté d'être copromoteur et principal bailleur de fonds de la première génération de projets qui allait constituer le Programme PNUD-Banque mondiale pour l'eau et - 7 - l'assainissement. En même temps, le noyau de fervents convaincus qui oeuvraient à la Banque mondiale et au PNUD a commencé à rechercher la coopération d'autres organismes bilatéraux. C'est ainsi qu'est née une entreprise de coopération internationale unique en son genre dont le but était d'expérimenter des modèles non traditionnels d'approvisionnement en eau et d'assainissement à l'intention des collectivités à faible revenu dans le monde en développement. L'entreprise puisait sa force dans la combinaison du PNUD, avec son rôle dans l'assistance technique, et de la Banque mondiale, avec son rôle dans l'investissement, en vue de réaliser les objectifs de développement humain dans le contexte de la lutte contre la pauvreté. Dans le cadre du Programme, les deux organisations ont prouvé leur conviction que des innovations, tant au niveau du matériel que des programmes et des méthodes, étaient nécessaires si l'on voulait réduire les disparités entre les nantis et les défavorisés dans l'accès aux services d'eau et d'assainissement. Ce qui a beaucoup compté, c'est le travail d'équipe mené par des protagonistes clés au PNUD et à la Banque et l'esprit de corps dont ils ont fait preuve dans l'adaptation et l'organisation du Programme au fil des années, ce qui a permis d'en préserver la pertinence. Durant ses 20 ans d'existence, le Programme a été appuyé par une multiplicité de bailleurs de fonds, notamment de Suisse, des pays scandinaves, du Canada, d'Allemagne, du Royaume-Uni et des Pays-Bas. Ses activités ont été étendues des pays de l'Afrique australe et orientale et de l'Asie du Sud aux pays de l'Asie de l'Est, de l'Afrique de l'Ouest et de l'Amérique latine. D'autres organisations se sont jointes à son réseau de partenariat, notamment des organisations internationales comme l'OMS et l'UNICEF ; des programmes bilatéraux ; des ONG actives tant au niveau international que local ; des ministères et des départements de pays en développement ; et des organismes professionnels de l'eau et de l'assainissement dans les pays donateurs aussi bien que dans les pays bénéficiaires. De l'avis de certains des acteurs, d'après leur expérience des affaires internationales, ce modèle de coopération pour le développement constituait en soi une innovation. Le Programme PNUD-Banque mondiale n'a jamais reçu beaucoup de ressources, à la grande déception de certains de ses principaux partisans. Son budget annuel n'a jamais dépassé 15 millions de dollars. Il a eu toutefois une influence sans commune mesure avec sa taille sur l'évolution des conceptions et des pratiques internationales. Ces changements ont bouleversé les politiques et les méthodes à la Banque mondiale et, au-delà, dans la communauté internationale de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement. De nombreux anciens du Programme sont allés travailler à la Banque ou ont occupé des postes clés dans le monde en développement, ce qui a contribué à la transformation observée pendant les deux dernières décennies dans les conceptions relatives à l'eau et à l'assainissement, du point de vue notamment de la priorité donnée aux pauvres, aux femmes et aux habitants mal desservis. La transformation des politiques et des structures s'est reflétée à son tour dans l'évolution du Programme lui-même. Cette histoire est riche d'enseignements importants pour la fourniture de services essentiels à la vie humaine sous tous ses aspects et pour la coopération internationale en général. Ce sont ces enseignements qui constituent le sujet principal de la présente étude de cas. - 8 - Première partie : La phase des technologies appropriées, 1978-88 Pendant ses dix premières années d'existence, le Programme ne constituait pas une entité administrative formelle. Les projets étaient mis en chantier sur une base ad hoc, selon les besoins et les opportunités. Principaux enjeux L'assainissement urbain La Conférence sur les établissements humains de 1976 (Habitat I) a fait prendre conscience au monde d'une nouvelle crise du développement, celle de « l'explosion des villes ». La rapide croissance démographique, l'amélioration de la santé publique, la dégradation des moyens de subsistance en milieu rural, et l'attrait des emplois et des possibilités économiques disponibles dans les villes principales bénéficiaires des investissements pour le développement avaient conduit à une explosion de la population urbaine. Le rythme de l'expansion urbaine dans le monde en développement se révélait beaucoup plus rapide qu'il ne l'avait été par le passé en Europe et en Amérique du Nord. Un pourcentage très élevé des nouveaux citadins jusqu'à 70 % dans certaines villes en Afrique vivait dans des taudis et des bidonvilles sans aucune infrastructure. Par manque de ressources (ressources naturelles sous forme d'eau abondante, et ressources économiques pour la construction des conduites et des systèmes de drainage), les autorités municipales étaient confrontées à des problèmes d'assainissement de grande envergure. Face à ces problèmes, les autorités des pays en développement avaient tendance à compter sur l'assistance technique extérieure. Celle-ci prenait souvent la forme de plans directeurs pour l'assainissement établis par des consultants venant des pays bailleurs de fonds, plans qui étaient inspirés par les préceptes d'ingénierie sanitaire en vigueur dans le monde industrialisé. Le grand exploit de la révolution sanitaire a été d'élever les services d'ingénierie au rang d'autorité centralisée chargée des réseaux de conduites, de tuyaux, de puisards et d'égouts, et de sortir les questions d'eau et d'élimination des déchets du domaine purement domestique pour les transférer au domaine de l'administration publique. Ceux qui avaient été formés à cette école de pensée n'avaient pas conscience du fait que les solutions préconisées dépendaient de la richesse collective et du progrès industriel, et ne se rendaient pas compte des nombreuses autres raisons pour lesquelles ces solutions n'étaient pas adaptées aux environnements très différents de ladite « explosion urbaine ». Dès lors, le premier problème auquel s'est attaqué le Programme PNUD-Banque mondiale a été la menace de crise sanitaire due à la rapide expansion urbaine dans le monde en développement. La Conférence Habitat de 1976 et la situation en Amérique latine ont eu une influence déterminante. En Amérique latine, les ministères de la Santé avaient pris en main les problèmes de l'assainissement urbain pendant les années 70, avec leur propre Décennie de l'eau et de l'assainissement qui a été une source d'inspiration pour la Décennie internationale. Le problème clé, c'était l'absence de solution à proposer à la place des réseaux d'égouts recommandés par les ingénieurs consultants. Le défi consistait à élargir la gamme des options classiques de façon à inclure des solutions technologiquement plus simples et moins coûteuses, et à convaincre les ingénieurs et les planificateurs de les incorporer aux plans directeurs destinés aux pays en développement. Pour y parvenir, il était nécessaire de prendre toute une série de mesures correctrices. Il fallait non seulement démontrer et prouver la viabilité économique et technique des technologies de rechange, mais aussi changer le cadre de politique générale en faveur de ces solutions non classiques, et fournir des incitations en vue d'intéresser le secteur commercial. Voici ce qui était affirmé sans ambages dans - 9 - une publication de la Banque mondiale en 1980 : « Si les gouvernements souhaitent améliorer la santé des collectivités, ils devraient fournir des fonds pour un ensemble de technologies conçues à cet effet. De façon générale, le système d'égouts ne constitue pas la méthode la moins coûteuse pour obtenir des effets bénéfiques sur le plan de la santé et en subventionnant uniquement cette méthode, on risque de barrer la route à la solution appropriée. » L'approvisionnement en eau collective Au moment du lancement de la Décennie internationale de l'eau potable et de l'assainissement par l'Assemblée générale des Nations Unies en novembre 1980, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait que plus de 1 800 millions de personnes soit environ 40 % de la population mondiale ne disposaient pas d'eau potable. Les plus mal lotis étaient les habitants des régions rurales : seulement 31 % d'entre eux étaient approvisionnés en eau salubre et, en Afrique, où les robinets et les pompes étaient les moins répandus, le pourcentage n'était que de 22 %. Les chiffres relatifs à l'assainissement rural étaient encore pires : la couverture mondiale ne s'élevait qu'à 13 %. L'assainissement rural était et reste le parent pauvre parce que son absence ne met pas gravement en danger la vie et la santé, sauf dans les zones à très forte densité de population. Bien vite, l'impérieuse nécessité d'approvisionner les collectivités rurales en eau a pris la première place dans les préoccupations des bailleurs de fonds aussi bien que des bénéficiaires. C'est ainsi qu'elle est devenue le thème principal de la Décennie sur l'eau. Bien que le PNUD ait été désigné chef de file de la Décennie dans le système des Nations Unies, l'objectif sous-jacent était moins le développement de l'infrastructure (domaine de compétence du PNUD) que l'amélioration de la santé qui devait en résulter (domaine de compétence de l'OMS). D'après les calculs de l'OMS, le manque d'eau potable et d'installations pour l'évacuation des excréments s'accompagnait d'un lourd tribut de maladies et de morts, en particulier parmi les enfants : il était à l'origine de 10 à 25 millions de décès chaque année, et de 80 % des maladies dans le monde. Les maladies diarrhéiques étaient les principales coupables, mais de nombreuses autres maladies transmises par l'eau ou liées à l'eau étaient aussi en cause, notamment la bilharziose, la dracunculose, le trachome, la gale, l'onchocercose et le paludisme. Au début de la Décennie, le principal frein à l'approvisionnement en eau des zones rurales résidait dans le fait que les autorités responsables de l'ingénierie sanitaire dans les pays en développement étaient organisées selon la structure classique, conçue pour installer et administrer des réseaux centralisés d'adduction d'eau auxquels étaient raccordés les logements. Ces systèmes étaient manifestement inadaptés et inabordables pour les communautés rurales qui étaient dans certains cas situées à l'écart des grandes routes, avec des habitants qui vivaient pour la plupart de l'agriculture de semi-subsistance, dans des maisons souvent dispersées, construites en matériaux naturels. Dans de telles localités rurales, les familles s'approvisionnaient normalement en eau dans les mares naturelles, les sources et les rivières, ou bien, dans les régions plus arides et pendant la saison sèche, dans les puits souvent creusés manuellement. Cependant, sous l'effet des pressions démographiques et environnementales, les sources d'eau naturelles commençaient à être polluées et, dans certains endroits, le niveau de la nappe phréatique avait baissé et les pénuries saisonnières s'étaient accentuées. Dans les années 70, les puits et les forages avec utilisation de pompes manuelles avaient rejoint la panoplie des installations fournies par les ONG humanitaires et certains bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux aux communautés pauvres des pays en développement. Mais rares étaient les cas comme au Ghana, en Inde, au Bangladesh et dans quelques autres pays où l'approche d'approvisionnement en eau collective à faible coût faisait partie intégrante de l'ingénierie sanitaire - 10 - publique. Dans les pays susmentionnés, un effort avait été fait pour développer, standardiser et encourager la fabrication locale de pompes manuelles adaptées, mais il restait encore beaucoup à faire. Un problème majeur avait fait jour. Là où les autorités responsables de l'approvisionnement en eau des zones rurales avaient installé un nombre conséquent de pompes manuelles, un pourcentage élevé de ces pompes tombait en panne au bout d'un certain temps et le restait. Les systèmes centralisés d'exploitation et d'entretien étaient inadaptés à des « systèmes » dans lesquels chaque installation constituait un élément séparé, autonome, situé à une certaine distance des autres. Lorsque ces installations avaient été fournies selon le principe que la santé publique était un bien collectif gratuit, il n'y avait aucune prise en charge de la part des populations locales. De ce fait, lorsqu'elles tombaient en panne, les habitants ne faisaient rien. Ils ne savaient pas comment réparer le système et ne considéraient pas non plus que cela était de leur ressort. D'où la question : Le service avait-il une valeur aux yeux de la population locale, et s'il n'en avait pas, quelle en était la raison ? Principales activités du Programme Pendant la phase de promotion des technologies appropriées, les activités du Programme PNUD- Banque mondiale pour l'eau et l'assainissement étaient menées sous forme de projets « mondiaux » ou « interrégionaux ». Les projets étaient mis en route pour répondre à différents problèmes et ils étaient gérés séparément au siège de la Banque mondiale. Durant ces premières années, quatre projets mondiaux importants ont été lancés, axés respectivement sur l'assainissement urbain, l'approvisionnement en eau collective, la formation sectorielle, et le recyclage des ressources et la récupération des déchets. Les trois premiers projets sont décrits ci-dessous (deux dans cette section et le troisième dans la section suivante) ; le projet Recyclage des ressources, bien que productif, s'est révélé moins important dans le contexte de l'orientation ultérieure du Programme et de l'évolution des idées. Dans une très grande mesure, l'engagement actif des premiers directeurs du Programme Richard Middleton, Saul Arlosoroff, Michael Potashnik et Carl Bartone a permis aux activités de donner toute leur mesure1. La Banque mondiale a fourni le cadre et le leadership administratifs, mais elle n'a pas participé activement au financement des activités, étant donné que les projets ne rentraient pas dans le champ d'application de son programme de prêts. La singularité de la relation de la Banque mondiale avec le Programme a été tout du long à la fois un soutien et une source de difficultés. Les fluctuations de cette relation traduisent en partie l'évolution des idées sur le plan international et à la Banque mondiale en ce qui concerne non seulement les priorités dans la gestion des ressources en eau, mais aussi les modalités de développement propres à résoudre l'éternel problème de la lutte contre la pauvreté. Les premiers projets de caractère mondial ont été principalement financés par le PNUD, avec le concours d'un nombre croissant de bailleurs de fonds bilatéraux tels que l'Agence canadienne de développement international (ACDI), l'Agence danoise de développement international (DANIDA), l'Agence finlandaise de développement international (FINNIDA), le ministère allemand de Coopération économique (BMZ) et l'Office allemand de la coopération technique (GTZ), l'Administration du développement outre-mer (ODA) du Royaume-Uni, la Société suisse de développement (SSD), l'Agence norvégienne de coopération pour le développement (NORAD) et l'Agence suédoise de développement international (ASDI). Nombre de ces organismes ont contribué par la suite à l'évolution des conceptions et des pratiques internationales dans le domaine des services de base d'eau et d'assainissement. Certains ont fourni du personnel au Programme, notamment sur le terrain. 1 La liste complète des directeurs du Programme et des participants clés figure à l'annexe A. - 11 - En même temps, le Programme a forgé un partenariat avec d'autres acteurs dans le système des Nations Unies, dans les pays bénéficiaires et dans des institutions professionnelles et non gouvernementales telles que l'Association des consommateurs du Royaume-Uni et le Centre suisse de technologie appropriée (SKAT). Des équipes de terrain ont été également mises sur pied dans le secteur de l'eau et de l'assainissement en Afrique et en Asie, et leur rôle a progressivement pris de plus en plus d'importance. Le projet d'approvisionnement en eau et d'assainissement à faible coût - TAG Le premier projet mondial financé par le PNUD s'inscrivait dans le sillage du projet sur les technologies appropriées mené en 1976 par la Banque mondiale à titre de préparation à la Conférence sur l'eau de Mar del Plata. Le projet a été démarré en 1978 sous la conduite de Richard Middleton ; le leadership du directeur et la réputation du projet ont préparé le terrain pour les opérations suivantes. L'accent était principalement mis sur l'assainissement urbain, plus précisément sur les systèmes à faible coût utilisables à la place des systèmes d'égouts. L'expérimentation, l'étude et la démonstration d'une approche totalement différente de l'assainissement et pas seulement de technologies ponctuelles (installations « sur place » consistant essentiellement en latrines) étaient nécessaires pour que cette option d'ingénierie sanitaire soit reconnue en tant que telle sur le plan professionnel et sectoriel. Outre l'établissement de modèles institutionnels et techniques et la démonstration de leur viabilité financière, le projet avait deux autres objectifs. Le premier était de préparer la voie à d'autres initiatives de créer une réserve de projets de façon à disposer d'interventions conçues pour des collectivités à faible revenu qui soient prêtes à être financées par d'importants investisseurs ; le second était d'identifier des sources de financement. C'était la fonction de passerelle entre les approches à faible coût et les investissements à grande échelle qui était jugée être au coeur du mandat du Programme. Les principaux services fournis dans le cadre du projet étaient confiés à des consultants qui formaient le Groupe consultatif technologique (« Technological Advisory Group », de sorte que le projet a été connu sous le nom de TAG). Ces consultants étaient détachés pour de courtes durées dans les pays qui demandaient l'assistance du projet ; certains travaillaient à temps plein et étaient surnommés « sanmen ». Cette présence régulière sur le terrain a été l'un des points forts du TAG. Dans les premières années, 20 pays ont bénéficié d'une assistance au titre du projet, dont le Bangladesh, le Botswana, le Brésil, l'Inde, l'Indonésie, le Lesotho, le Népal, les Philippines, la Tanzanie, la Thaïlande et le Zimbabwe. Les interventions étaient souvent faites en Afrique dans le contexte d'un programme de logements avec « site et services » mis en oeuvre par la Banque mondiale, et en Asie dans le contexte de l'assainissement des bidonvilles. En travaillant dans des pays et des contextes très variés, la modeste équipe TAG quoique de grande qualité était censée changer radicalement les conceptions professionnelles relatives aux options et aux méthodes d'assainissement. Ce n'était pas une mince tâche ; certains résultats ont dépassé les attentes [voir encadré sur le Lesotho], d'autres ont été plus limités. Les consultants du TAG étaient pluridisciplinaires, avec une majorité d'ingénieurs en assainissement mais aussi quelques spécialistes de santé publique et d'anthropologie sociale. L'expérience des latrines montrait que leur acceptation par les usagers était problématique. Lorsque les latrines étaient fournies gratuitement, elles étaient souvent inutilisées ou en tout cas pas utilisées comme prévu. De ce fait, les dirigeants du TAG ont admis dès le départ qu'il fallait prendre en compte les idées préconçues et les comportements en matière d'élimination des déchets, analyser les critères d'acceptabilité des latrines et promouvoir l'éducation sanitaire. De ce point de vue, le TAG a fait dans une grande mesure oeuvre de pionnier. - 12 - Des projets ont ainsi été élaborés dans plusieurs pays et, en 1981, des activités d'assainissement à faible coût avaient été financées au Botswana, au Brésil, en Inde, au Lesotho et en Tanzanie. Il a été donc possible du moins dans les projets appuyés par les bailleurs de fonds d'amorcer la transformation des approches d'assainissement qui était recherchée dans le contexte du TAG. Mais dans de nombreux pays, l'idée que des solutions d'assainissement à faible coût pouvaient être ajoutées à la gamme des options proposées par les autorités gouvernementales se heurtait encore à une considérable résistance. Le principal problème restait la difficulté à persuader l'établissement des ingénieurs de s'intéresser à des technologies qui semblaient être d'un autre âge, qui ne procuraient aucun avantage commercial à l'industrie et ne conféraient pas de prestige aux professionnels. Il était donc d'autant plus nécessaire de démontrer la viabilité économique de ces technologies et leur acceptation par les usagers, ce qui était dans les deux cas problématique. Les installations d'assainissement sur place étaient peut-être moins coûteuses que les systèmes d'égouts, mais elles n'étaient pas bon marché. Dans un souci de sécurité, les fosses d'aisance devaient être construites en matériaux solides et avoir une certaine taille pour ne pas devoir être vidangées trop souvent. Il était rare que, dans les régions urbanisées, les latrines améliorées et ventilées coûtent moins de 200 dollars en frais d'installation (quand ce n'était pas le double) ; c'était certes moins onéreux que les 1 000 dollars ou plus que coûtait le raccordement au tout-à-l'égout, mais cela restait exorbitant par rapport aux revenus des ménages et aux habitations que l'on cherchait à desservir. L'acceptabilité se heurtait aussi à des facteurs socio- culturels, comme la répugnance à la présence de déchets humains sous le sol sur lequel la maison est bâtie. Outre la nécessité constante d'expérimenter des matériaux à faible coût et des conceptions améliorées (sans odeur, sans mouches), il a été constaté avec le TAG que les problèmes non techniques (non matériels) étaient ceux qui empêchaient le plus souvent le succès des opérations. De grands efforts s'imposaient pour surmonter la réticence, voire la résistance tant des institutions que des usagers vis-à- vis des latrines. On avait sous-estimé la difficulté à changer les conceptions et les pratiques institutionnelles, et le temps nécessaire pour y parvenir. La commercialisation et la promotion, la mobilisation sociale, les incitations aux fabricants privés, le développement des services ou des industries d'appui et d'entretien, et des actions d'éducation sanitaire de grande portée, tout cela était nécessaire de même que la formation des personnels techniques et des artisans privés. Au bout du compte, un nombre important de publications techniques et de matériels didactiques a été préparé et largement diffusé dans le cadre du TAG en vue de promouvoir les approches d'assainissement à faible coût. Le Programme a contribué à améliorer les technologies de latrines, à les faire mieux connaître et davantage utiliser dans les projets financés par les bailleurs de fonds. Dans certains pays notamment au Lesotho, au Bangladesh, au Ghana, en Indonésie et en Inde , l'assainissement sur place a été progressivement incorporé aux options traditionnelles d'ingénierie sanitaire et, dans une certaine mesure, à la gamme de produits vendus par les fabricants privés aux usagers. Le TAG a permis de lancer le processus, mais le mouvement a été plus lent et l'accueil des institutions plus réservé que ne l'avaient espéré ses initiateurs. Le projet de pompes manuelles En 1980, le PNUD et la Banque mondiale ont lancé un projet mondial et interrégional pour l'expérimentation en laboratoire et sur le terrain et le développement technologique de pompes manuelles d'approvisionnement en eau collective, connu sous le nom de Projet de pompes manuelles, dont la gestion fut confiée à Saul Arlosoroff, un ingénieur dynamique et engagé qui voyait loin. Arlosoroff avait participé au premier projet de recherche de la Banque mondiale et était l'un des membres clés du groupe qui s'employait à faire accepter une nouvelle conception de - 13 - l'approvisionnement en eau et de l'assainissement sous la bannière de la Décennie de l'eau 1981-90. L'approvisionnement en eau potable des populations rurales à faible revenu devait être l'activité vedette de la Décennie. Le projet de pompes manuelles était à cet égard une opération phare et, dans une très grande mesure, il a contribué à la prééminence qu'ont finalement acquise les programmes d'approvisionnement rural en eau et à la forme qu'ils ont prise. L'objectif principal du projet était de tester des pompes manuelles en laboratoire et sur le terrain afin de déterminer celles qui fonctionnaient et dans quelles conditions. Pour amener les autorités de santé publique et les institutions techniques à adopter massivement la technologie des pompes manuelles, il était jugé primordial de mettre au point une gamme de pompes perfectionnées adaptées à différents types de nappe phréatique, d'élaborer des stratégies pour l'installation et l'entretien des services de distribution basés sur cette technologie, et de promouvoir la fabrication de masse des pompes. A la différence des latrines qui étaient encore problématiques du point de vue des coûts et de l'acceptabilité, les arguments en faveur de l'emploi des pompes manuelles pour l'approvisionnement en eau des zones rurales semblaient imparables. D'après des estimations de l'époque, l'approvisionnement en eau salubre avec des puits équipés de pompes manuelles pouvait être assuré à un coût unitaire de 10 à 30 dollars, contre 30 à 60 dollars pour les pompes motorisées et les bornes-fontaines, et 60 à 100 dollars pour les robinets dans la cour. Alors que la demande des usagers ruraux variait en fonction du degré de rareté de l'eau et de l'éloignement du point d'eau , leur demande d'eau était sans commune mesure avec leur demande d'assainissement. Dans un pays comme l'Inde, les élections locales se jouaient sur les promesses d'approvisionnement en eau. Il pouvait y avoir une certaine résistance, pour des raisons culturelles, à boire de l'eau souterraine plutôt que de l'eau de surface, mais dans la plupart des régions d'Afrique et d'Asie et en tout cas dans les endroits où l'eau manquait , l'eau puisée au moyen des pompes manuelles était parfaitement acceptable. Au début du projet, on a commencé par se concentrer sur la technologie elle-même. Pendant cinq ans, des essais ont été effectués en laboratoire au Royaume-Uni (au Laboratoire d'essais et de recherches de l'Association des consommateurs) et sur le terrain dans 17 pays en vue de mesurer la performance de plus de 2 500 pompes manuelles. Quelque 70 modèles ont ainsi été testés. A la fin de ce processus, une compilation des résultats obtenus sur 42 modèles a été publiée dans Approvisionnement en eau des collectivités : l'option « pompes manuelles », qui a été le texte fondamental sur les pompes manuelles utilisées dans l'approvisionnement en eau des collectivités à faible revenu. Deux nouvelles pompes manuelles mises au point pendant l'exécution et avec les fonds du projet ont été incluses dans cet ouvrage : l'Afridev, mise au point au Kenya pour les puits à grande profondeur, et la Tara, une pompe à action directe mise au point au Bangladesh pour les cas où la nappe phréatique est située juste au-dessous du niveau d'aspiration. Auparavant, on était parti du principe que les anciens modèles européens avaient échoué parce qu'ils n'étaient pas assez solides pour être utilisés par un village entier, au lieu d'une ferme ou d'une habitation individuelle. C'est dans ce contexte que l'UNICEF avait mis au point l'India Mark II, la pompe manuelle vedette à l'époque. C'est une analyse différente qui a été faite au début des années 80 dans le cadre du projet PNUD-Banque mondiale de pompes manuelles. Le critère d'une pompe appropriée était d'avoir une conception adéquate pour se prêter à l'exploitation et à l'entretien au niveau du village (EENV). La pompe manuelle EENV devait être solide mais aussi ce qui était plus important encore être conçue et fabriquée de telle façon que des villageois dûment formés puissent l'entretenir et la réparer, et devenir les gestionnaires du service ainsi fourni. L'India Mark II, si solide qu'elle ait été, n'était pas conçue suivant le concept EENV. Comme dans le cas des systèmes classiques d'adduction d'eau, l'entretien et la réparation des pompes manuelles installées par les autorités gouvernementales étaient presque invariablement centralisés. Des équipes de mécaniciens qualifiés basés au siège de district et motorisés couvraient - 14 - généralement une vaste aire dans laquelle se trouvaient plusieurs centaines de pompes. Ce système était désespérément inefficace : une équipe pouvait faire un long trajet en camion avec des appareils de levage pour soulever un lourd mécanisme de pompe qui avait besoin d'une pièce détachée coûtant 1 ou 2 dollars. Compte tenu des régions à couvrir, les délais d'intervention de ces équipes étaient souvent de plusieurs mois, même pour de petites réparations. Une pompe solide qui tombait rarement en panne mais qui restait hors service pendant des mois lorsque cela se produisait procurait un service moins fiable et moins économique qu'une pompe qui tombait plus souvent en panne, mais qui pouvait être réparée sur place en quelques jours ou en quelques heures. Le concept EENV a été une contribution importante du projet de pompes manuelles à l'élaboration d'une nouvelle philosophie en matière de programmes d'approvisionnement en eau. Il reposait sur une considération technique : mettre au point des pompes et des pièces détachées plus appropriées à un entretien décentralisé. Mais le grand changement conceptuel a consisté à faire participer les usagers aux décisions et à la gestion des services. Cette idée a pris pied ultérieurement dans le secteur de l'eau dans son ensemble. Si la population locale devait être la première responsable de l'entretien et du fonctionnement des pompes manuelles, il lui fallait aussi participer à la fourniture du service dès le début. Il fallait qu'elle veuille de la pompe pour commencer, puis qu'elle choisisse parmi ses membres des « responsables » ou des « gardiens » de la pompe ; ces derniers devaient être familiarisés avec la pompe et informés des conditions d'entretien. D'après le concept EENV, la collectivité devait percevoir de l'argent pour financer les réparations et, dans certains cas, le remplacement de la pompe ; elle devait savoir qui recruter pour les travaux éventuels et à quel prix ; il fallait que les pièces détachées soient disponibles, et que ces pièces comme les services de réparation soient à un coût jugé abordable par la population locale. Rétrospectivement, le concept EENV peut être considéré comme la première prise de distance par rapport à l'idée que les installations d'approvisionnement en eau répondent à un droit social fondamental justifié par des considérations de santé publique et qu'elles doivent être financées sur les fonds publics idée qui avait jusqu'alors présidé à la plupart des interventions dans ce domaine dans les pays en développement. Selon le concept EENV, il fallait trouver un nouvel équilibre entre les responsabilités des autorités publiques et celles des ménages et des collectivités. Il ne suffisait pas que la pompe manuelle soit « appropriée » ; le modèle de service assuré au moyen de la pompe devait l'être également. Le concept EENV était en partie inspiré par des considérations idéologiques, à savoir que les villageois pouvaient et devaient prendre en main la gestion d'un service qui leur était destiné. De ce point de vue, c'était un concept démocratique de « prise de responsabilités » dans lequel les grands prêtres de l'eau et de l'assainissement les ingénieurs étaient détrônés et où on donnait aux communautés les moyens de contrôler leurs propres affaires dans le domaine de l'eau. Pour ce qui est de rendre les responsables comptables de leur gestion, le concept EENV allait dans le sens des économies de coûts. C'était un antidote aux systèmes centralisés de réparation inutilement coûteux et inefficaces et un moyen d'assurer la pérennité opérationnelle et financière. Pour que le concept EENV se concrétise durablement, il fallait développer un marché local de pompes, de pièces détachées, de qualifications autour de ce concept. Cette nécessité a été prise en compte dans le projet de pompes manuelles et des mesures appropriées ont été prises. Les critères EENV devaient être incorporés aux pompes manuelles proposées sur le marché, local et d'exportation, et les bailleurs de fonds et les gouvernements bénéficiaires devaient être persuadés de la nécessité d'exiger l'utilisation de produits EENV. Sur la base des résultats du programme d'essais financé par le projet, les fabricants de pompes manuelles ont été encouragés à développer des modèles EENV. Le projet a aussi aidé des sociétés de pays en développement à commencer la fabrication de pompes manuelles et a promu la standardisation et le contrôle de la qualité dans ces pays. Poussés par - 15 - le projet, les bailleurs de fonds ont commencé à éviter de fournir aux pays divers équipements de pompes manuelles incompatibles et à insister sur les pompes EENV. Cependant, comme indiqué dans L'option « pompes manuelles » en 1988, il y avait encore très peu de pompes manuelles EENV bon marché, durables et résistant à la corrosion pour des levées au- dessous de 25 mètres. Même si les aspects non matériels commençaient à prendre le pas sur les considérations de matériel, la recherche de pompes EENV manuelles utilisables avec tous les types de nappe phréatique et d'environnement social n'en a pas moins continué. Le projet de pompes manuelles s'est poursuivi jusqu'en 1991. La responsabilité du développement technologique a ensuite été transférée au Centre suisse de technologie appropriée (SKAT) dans le cadre d'un accord avec l'un des principaux promoteurs du projet, la Société suisse de développement. Enseignements Le principal enseignement tiré de la phase de recherche des technologies appropriées est que l'identification de « matériel » peu onéreux pour la fourniture d'eau salubre et d'assainissement aux populations mal desservies ne constitue que le premier pas. La disponibilité de technologies alternatives et leur acceptation par des bailleurs de fonds internationaux importants n'ont pas signifié nécessairement que ces technologies ont été adoptées avec enthousiasme par les autorités des pays en développement. La résistance de l'establishment de l'ingénierie, compte tenu en particulier des incitations liées aux contrats nationaux et internationaux lucratifs d'installations et d'équipements avancés, était tenace. Il a fallu du temps avant que les conceptions de technologie simple à faible coût l'emportent. Un effort intensif de promotion de ces approches a dû être fait auprès des responsables de la santé publique, des ingénieurs, de la classe politique et des partenaires commerciaux potentiels du secteur privé. Il y a eu un autre changement : la reconnaissance du fait qu'un « système » composé d'installations séparées exige une structure de gestion opérationnelle très différente de celle dont se dotent généralement les autorités de santé publique centralisées. Les communautés devaient assumer une part de responsabilité dans les réparations et l'entretien du fait que ceci ne pouvait pas être assuré de façon ni pratique ni économique par des équipes basées au siège. Dans l'idéal, les communautés devaient pouvoir gérer et financer toutes les petites réparations, et financer tout ou partie des grosses réparations et des travaux de remplacement importants. Cette analyse a conduit à une autre perception. Si les communautés étaient censées prendre en charge l'entretien, y compris la perception de recettes à cet effet, il fallait que le service leur paraisse hautement nécessaire. Cela dépendait généralement de la rareté de l'eau et du temps et du trajet requis pour s'approvisionner à une source d'eau naturelle. Les bienfaits de l'eau salubre sur le plan de la santé, à savoir le prélèvement d'eau souterraine avec de l'équipement technique, étaient mal compris dans la plupart des communautés pauvres. Pourtant, l'amélioration de la santé était le moteur de la coopération dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. La « leçon apprise » a donc été la nécessité d'éduquer le public sur les questions de santé et d'hygiène. Faire aspirer à la meilleure santé qui découlerait ou qui devrait découler des services offerts, c'était apparemment la clé non technique de l'énigme que constituait l'inutilisation des installations ou leur immobilisation pour cause de panne pendant de longues périodes. Les autres enseignements ont trait à l'évolution de la structure administrative du Programme lui- même. En 1983, après une restructuration interne à la Banque mondiale, les activités liées à l'eau ont été intégrées à l'aménagement urbain. De ce fait, le Programme s'est retrouvé dans un cadre moins favorable, et un décalage est apparu entre les activités des projets mondiaux PNUD-Banque mondiale et les paramètres suivant lesquels la Banque menait ses propres activités dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. - 16 - Pour remédier à ce décalage, un effort a été fait au milieu des années 80 pour rapprocher les projets des activités générales de la Banque. En particulier, l'accent a été davantage mis sur les équipes du Programme qui travaillaient sur le terrain en Afrique et en Asie dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. Ces équipes ont été de plus en plus appelées à aider les gouvernements à adopter des approches à faible coût, à établir les politiques et les cadres institutionnels nécessaires, et à favoriser des opportunités d'investissement viables. Les équipes ont travaillé avec les dirigeants régionaux de la Banque pour planifier les investissements de l'institution dans le secteur de l'eau et de l'assainissement. Au début du TAG, il y avait une forte volonté de lier les services d'eau et d'assainissement à faible coût et les investissements à grande échelle, en particulier ceux de la Banque. Pour diverses raisons notamment les nouvelles orientations de la Banque , cet objectif avait été quelque peu relégué au second plan. Les équipes de terrain étaient désormais censées renouveler leurs efforts pour préparer une « réserve » de projets et fournir l'expertise opérationnelle et les services d'appui à ces projets. Cette dimension a pris beaucoup plus d'importance dans la phase suivante du Programme. En même temps, il a été décidé de coordonner les divers projets dans le cadre d'une seule et même structure. En 1987, il y avait environ 25 activités de divers types sur le plan mondial, interrégional, régional et national. Elles allaient du détachement d'un conseiller technique auprès d'un projet national au Réseau international de formation (voir section suivante) et au programme Recyclage des ressources susmentionné, qui a été absorbé dans les activités de la Banque. La consolidation devait permettre de rationaliser des activités qui étaient toutes orientées vers la recherche de moyens d'améliorer les services aux pauvres. La décision a conduit à la création officielle, en 1987, du Programme PNUD-Banque mondiale pour l'eau et l'assainissement sous la direction de Saul Arlosoroff. A ce stade, comme cela s'est produit plusieurs fois pendant le déroulement du Programme, on aurait pu faire valoir qu'il était temps d'y mettre fin, l'objectif immédiat étant atteint, à savoir la mise au point de techniques à faible coût. Cet argument aurait été bien accueilli par ceux qui, à la Banque, continuaient à penser que cet intérêt pour les pompes manuelles et les latrines était bizarre et un peu déplacé. Mais le moment n'était pas propice. Il s'agissait, après tout, d'une entreprise phare du PNUD et de la Banque mondiale pour la Décennie internationale de l'eau potable et de l'assainissement qui battait son plein à ce moment-là. Évolution des idées sur le plan international Pendant toute sa durée, le Programme PNUD-Banque mondiale a été un baromètre des conceptions internationales en matière de services d'eau et d'assainissement pour les pauvres. Les activités du Programme reflètent les idées de l'époque sur la façon d'étendre la couverture des services en vue d'atteindre l'objectif de « l'eau et l'assainissement pour tous », tout en ayant contribué elles-mêmes de façon importante à l'évolution de ces idées. A mi-parcours de la Décennie de l'eau, l'OMS a publié un bilan des réalisations enregistrées pendant les cinq premières années. L'une des plus importantes était la collecte de données normalisées qui permettait de mesurer les progrès sur le plan de la couverture. On avait constaté une nette accélération au niveau de l'expansion des services, sans que cela ait eu beaucoup d'effet sur les très nombreuses collectivités qui manquaient de services d'eau et d'assainissement de base. Ce n'est guère que dans le domaine de l'approvisionnement en eau des zones rurales que l'augmentation du nombre de personnes nouvellement desservies (715 millions) dépassait l'accroissement de la population. Bien qu'apparemment les objectifs quantitatifs n'aient pas été atteints, la Décennie n'en a pas moins eu d'importants résultats, comme n'ont cessé de le souligner les adeptes des nouvelles solutions dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. Les experts avaient été obligés de reconnaître que les politiques passées avaient laissé dans leur sillage, à travers le monde en développement, des systèmes - 17 - coûteux et inopérants incapables de répondre aux besoins des pauvres. L'importance des solutions technologiques à faible coût était maintenant admise par la communauté des bailleurs de fonds et par un nombre croissant de pays en développement, même si on n'en voyait pas encore les effets au niveau de la conception et des coûts des projets à grande échelle. D'autre part, des ressources additionnelles avaient été trouvées pour l'eau et l'assainissement aussi bien dans la communauté des bailleurs de fonds qu'auprès des gouvernements bénéficiaires. Les quatre principaux acteurs internationaux Banque mondiale, PNUD, OMS et UNICEF étaient entrés dans une ère de coopération dans ce secteur (dont le Programme était un exemple), et les professionnels des pays en développement étaient eux aussi très engagés. Lors d'une série de réunions du Comité directeur de la Décennie de l'eau, composé des quatre grands bailleurs de fonds du système des Nations Unies, les éléments d'une nouvelle vision de l'eau et de l'assainissement ont été analysés. Lors d'une réunion à Interlaken (Suisse) en 1987, à laquelle étaient également invités des organismes bilatéraux, des ONG et des gouvernements de pays en développement, les participants ont recensé six domaines prioritaires : perfectionnement professionnel et renforcement des capacités des organismes d'ingénierie sanitaire ; établissement de mécanismes de financement communautaire en vue du recouvrement des coûts ; meilleur équilibre sur le plan des intrants entre l'eau et l'assainissement, et entre les centres des villes, d'une part, et les zones rurales et les zones urbaines pauvres, d'autre part ; exploitation et entretien suivant le concept EENV essentiellement ; participation communautaire et éducation sanitaire, en particulier parmi les femmes ; et coordination et coopération accrues entre les divers acteurs. Ces thèmes devaient être approfondis et occuper la première place pendant le reste de la Décennie. A Interlaken, il a été également convenu de créer un Conseil de coopération pour l'approvisionnement en eau et l'assainissement, qui s'est réuni pour la première fois l'année suivante. Au fur et à mesure que la Décennie de l'eau s'écoulait et que ses effets parvenaient aux campagnes reculées et aux bidonvilles du monde en développement, on commençait à voir apparaître beaucoup de pompes, de canalisations et de fosses, celles-là mêmes qui étaient destinées à assurer « l'eau et l'assainissement pour tous ». - 18 - Deuxième partie. Du « matériel » au « non-matériel », 1988-94 Les aspects non matériels ont commencé à prendre une place importante dès la phase des technologies appropriées, mais c'est pendant la phase suivante du Programme que l'accent s'est nettement déplacé vers les questions institutionnelles et la gestion des services, à mesure que l'on s'efforçait de tester des méthodes efficaces sur le terrain. Voici l'objectif assigné en 1988 après la consolidation du Programme PNUD-Banque mondiale pour l'eau et l'assainissement : « Accroître la capacité des pays à fournir des services d'approvisionnement en eau et d'assainissement aux groupes à faible revenu, essentiellement à l'aide d'approches peu onéreuses à base communautaire. » La stratégie suivie dans le Programme consistait à tester les nouvelles approches et à conduire des opérations pilotes sur une petite échelle en vue d'une transposition à l'échelle nationale, et à aider à l'institutionnalisation de ces approches. L'accent était mis au niveau des pays sur les projets pilotes, et au niveau mondial sur la recherche appliquée et la diffusion des enseignements tirés des activités du Programme. Principaux enjeux Pérennité En 1987, la Commission mondiale sur l'environnement et le développement (Commission Bruntland) a publié un rapport historique intitulé « Notre avenir à tous » qui a relancé le débat international (en veilleuse depuis le début des années 70) concernant les pressions sur l'environnement auxquelles l'humanité devait faire face et qui a conduit au Sommet de la Terre en 1992 à Rio de Janeiro. A partir de la fin des années 80, les propositions Bruntland, qui établissaient un lien entre l'économie et l'environnement, ont fortement marqué les débats sur le développement. Le concept le plus important émanant du rapport fut celui du développement durable, qui devait « répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs ». En d'autres termes, les activités de développement devaient désormais être planifiées et jugées non seulement en fonction des résultats économiques et sociaux mais aussi en fonction de critères de « pérennité ». L'idée commençait à se répandre que les ressources naturelles de la planète (air, sol, minéraux, eau douce, forêts) avaient une valeur économique indépendante de leur valeur marchande et qu'il fallait en tenir compte dans leur utilisation. Dans l'intérêt de l'humanité, il importait de considérer que les ressources qui, comme l'air et l'eau, étaient en principe gratuites avaient une valeur de rareté et que leur qualité devait être préservée. Le terme de « pérennité » a été rapidement adopté par les théoriciens et les praticiens du développement, y compris dans les domaines de l'eau et de l'assainissement. L'exigence de « pérennité » des services est devenue le nouveau credo. Cela voulait dire essentiellement que l'étendue et la gestion des services devaient être d'un bon rapport coût-efficacité, compte tenu des contraintes existant au niveau des ressources elles-mêmes et des moyens financiers disponibles. L'exigence de rigueur était renforcée par la conscience que les fonds publics n'allaient pas suffire pour réaliser les investissements nécessaires à la couverture de l'ensemble de la population, compte tenu du rythme de la croissance démographique et des difficultés économiques rencontrées par de nombreux pays en développement. Environ 10 milliards de dollars étaient investis chaque année dans le secteur de l'eau et de l'assainissement à la fin de la Décennie de l'eau, mais ce montant ne représentait qu'une faible partie des investissements requis pour couvrir l'ensemble de la population. Il fallait que les systèmes d'approvisionnement en eau et d'assainissement s'autofinancent davantage, même au sein des collectivités à faible revenu. En bref, au nom de la « pérennité », la population (même les pauvres) devait apporter une contribution financière, au moins à l'entretien. Le - 19 - « recouvrement des coûts » est devenu le nouveau mot d'ordre, et les impératifs de maîtrise des coûts sont ainsi venus se greffer sur les notions de pérennité et d'EENV. A l'époque, les programmes peu onéreux d'approvisionnement en eau à l'intention des collectivités à faible revenu étaient encore justifiés avant tout au nom de la nécessité de fournir un service de base indispensable à la santé publique ; ils étaient donc financés au moyen d'apports des bailleurs de fonds, suivant une démarche déterminée par l'offre. Là où les collectivités participaient financièrement à l'entretien ou à la rémunération des « gardiens » des pompes, cette contribution était généralement secondaire dans l'économie globale du système. Elle finançait en partie l'entretien et permettait d'alléger les contraintes budgétaires. Or, ce qui était maintenant préconisé, c'était de faire du recouvrement des coûts (en tout cas pour l'exploitation et l'entretien) une partie intégrante du financement du système et un objectif central de la gestion communautaire. La notion de « pérennité » des services fournis aux pauvres avait peut-être un rapport avec la protection de l'environnement, mais elle était avant tout inspirée par l'économie de marché en ce sens que les gens sont prêts à payer pour l'entretien si les installations en question ont de la valeur pour eux. Sinon, ils refusent de payer l'entretien et les installations finissent par se dégrader, d'où une absence de « pérennité ». Bien que les tarifs et les taxes sur l'eau soient répandus, la distribution d'eau et l'assainissement bénéficient traditionnellement de subventions massives de l'État. L'idée que les coûts des services fournis aux collectivités pauvres devaient être partiellement ou intégralement recouvrés, tandis que les subventions seraient maintenues pour les régions plus riches ou politiquement plus influentes était et reste controversée. Cela étant, à la fin des années 80, on considérait que le problème immédiat était d'ordre institutionnel. Comment fallait-il structurer la gestion communautaire et les mécanismes de financement ? Et quel serait le nouveau rôle des services centraux de génie sanitaire ? Participation communautaire et rôle des femmes A partir du début des années 80, le rôle des femmes dans l'approvisionnement en eau et l'évacuation des déchets a fait l'objet d'une attention croissante. Dans beaucoup de régions du monde, les femmes s'occupent traditionnellement de l'approvisionnement en eau de la famille, comme d'ailleurs des autres fournitures de base nécessaires au ménage telles que les combustibles. Ce sont elles qui veillent à l'évacuation des déchets domestiques, y compris des excréments des enfants. Dès lors, si l'on veut faire participer les collectivités aux services, il faut dans tous les cas prendre en compte le rôle essentiel des femmes. En fait, des expériences comme celle de Kwale au Kenya (page ..) ont montré que les femmes répondaient souvent beaucoup plus que les hommes aux appels à la participation et à la gestion communautaires. Pour beaucoup de femmes des pays en développement, l'approvisionnement en eau est une préoccupation majeure, surtout dans les régions manquant d'eau. Lorsqu'il faut aller chercher l'eau à la rivière ou au puits, ce sont invariablement les femmes qui en sont chargées. L'investissement en temps et en énergie que cela représente, en particulier lorsque les sources locales diminuent et qu'il faut aller chercher l'eau plus loin, est une lourde charge pour l'économie du ménage. Lorsque l'eau puisée à des sources naturelles est complétée par de l'eau achetée auprès de vendeurs du secteur informel ou obtenue par troc, il faut que les femmes trouvent des moyens de payer. Les hommes ne commencent généralement à intervenir que lorsque des installations techniques complexes et coûteuses (conduites et pompes) sont mises en place. Pour justifier la reconnaissance du rôle des femmes dans l'alimentation en eau et l'assainissement, l'un des arguments avancés au début était que, dans la mesure où les femmes s'occupent de la collecte et de l'utilisation de l'eau au sein du ménage, il est absurde et injuste de ne pas tenir compte de leur avis sur l'emplacement, l'acceptabilité ou la gestion des installations. Dans le cadre de certains projets, on a commencé à faire participer la communauté à la gestion de l'approvisionnement en eau en formant des « gardiens » des pompes à main (comme en Inde, en Sri - 20 - Lanka et au Kenya), cette formation s'adressant aux femmes comme aux hommes. Il s'agissait aussi de briser les stéréotypes traditionnels en mettant des clefs anglaises dans les mains des femmes et en leur donnant un statut technique ; c'était par ailleurs un moyen d'inculquer des notions de protection de l'eau et d'hygiène aux familles. Sans changer le mode de gestion de l'eau et des déchets au niveau des familles, on ne pouvait pas être sûr que les nouvelles installations auraient un effet sur le plan de la santé. Comme les femmes étaient chargées de l'approvisionnement en eau de leur famille, elles étaient vraisemblablement plus motivées que les hommes pour faire le nécessaire afin d'obtenir et de garder en état de marche un système plus pratique et plus fiable. De nombreux projets (comme celui de Kwale) sont partis de ce principe, également valable dans le contexte de l'assainissement. Dans beaucoup de pays d'Asie, où la pudeur féminine a une grande valeur culturelle et religieuse, les femmes avaient plus de difficultés à s'isoler pour faire leurs besoins à cause de la disparition des arbres et de la forte densité de population. De plus, il pouvait être dangereux de s'éloigner du périmètre de la localité après la tombée de la nuit ou avant l'aube. De ce fait, à mesure que la participation des collectivités augmentait dans les projets d'eau et d'assainissement, le rôle des femmes, leur motivation relativement forte et leur demande en tant qu'usagers ont pris une place plus importante. La reconnaissance du rôle des femmes dans le développement s'est de façon générale accentuée pendant la Décennie des Nations Unies pour la femme (1975-85). Des initiatives internationales ont été prises dans le cadre de cette Décennie, notamment le Projet de promotion du rôle des femmes dans l'approvisionnement en eau et dans l'assainissement (PROWWESS) lancé par le PNUD en 1983. Dans le contexte de ce projet qui bénéficiait d'un important soutien du gouvernement norvégien, des méthodes ont été mises au point pour faire participer davantage la population aux programmes d'approvisionnement en eau et d'assainissement, et des activités pilotes aussi bien que des opérations de sensibilisation ont été menées pour développer le rôle des femmes dans le secteur de l'eau. Les expériences de participation communautaire, de même que les méthodes et les techniques de suivi établies dans le cadre du projet, ont été incorporées par la suite à de nombreux programmes novateurs pendant la Décennie et après. (On trouvera plus loin d'autres précisions et une description de la façon dont le PROWWESS a été intégré en 1991 au Programme PNUD-Banque mondiale.) Renforcement institutionnel et valorisation des ressources humaines Pendant la Décennie de l'eau, on avait vu que, même si les autorités en matière de santé publique des pays en développement étaient disposées à incorporer des projets d'approvisionnement en eau à faible coût des zones rurales dans leur portefeuille de projets financés par des bailleurs de fonds, elles étaient rarement prêtes à changer de mode d'organisation en conséquence. La plupart étaient des organismes très centralisés, peu aptes à travailler avec les collectivités et à s'adapter à des contextes sociaux et économiques divers. Ces organismes étaient habitués à exécuter des plans directeurs de l'administration centrale et rechignaient tout naturellement à perdre le contrôle de « leurs » ouvrages publics. En outre, les ingénieurs s'intéressaient surtout à la construction pour des raisons professionnelles et financières. Indépendamment de la formation et de l'orientation à donner aux professionnels et aux ingénieurs dans le domaine des technologies à faible coût, il fallait mobiliser d'autres partenaires dans ce nouveau scénario. Il fallait faire comprendre aux autorités locales (représentants élus et fonctionnaires) en quoi consistait la conduite d'un projet communautaire d'approvisionnement en eau et d'assainissement. Il en allait de même des ONG et des organisations populaires susceptibles de participer à la mise en place des mécanismes de gestion et de financement. Et puis il y avait les bénéficiaires (les usagers), qui devaient eux aussi assumer un nouveau rôle. Ils devaient non plus se contenter de bénéficier passivement de services, mais devenir des partenaires actifs dans la gestion de ces services. Il a donc fallu créer des comités de l'eau ou d'autres types d'associations d'usagers et les doter des compétences techniques et gestionnelles nécessaires. - 21 - La notion de « développement participatif » qui mettait autant l'accent sur les moyens d'organisation que sur le produit du développement lui-même avait été conçue par des ONG pendant les années 70 et 80. Au début des années 90, les bailleurs de fonds internationaux avaient commencé à l'accepter et à apprécier à leur juste valeur les expériences et les capacités des ONG. Cette évolution s'expliquait en partie par l'importance accordée à la démocratisation dans le monde de l'après-guerre froide. Il y avait aussi la reconnaissance du fait que l'échec de nombreux projets était dû au manque de participation des populations locales. La structure hiérarchique « de haut en bas » typique de nombreuses administrations empêchait les collectivités de participer aux activités dont elles étaient censées être les bénéficiaires, ce qui compromettait sérieusement les résultats. Tant que les bénéficiaires des projets n'étaient pas des usagers à part entière, les services ne pouvaient pas être viables. Les méthodes participatives conçues pour mobiliser les populations locales ont ainsi remplacé le long processus auquel la plupart des habitants des pays industrialisés ont automatiquement accès d'éducation et d'initiation à une participation active à la vie communautaire dans une société civile organisée. A la Banque mondiale, la « participation » était définie comme « un processus qui permet aux parties prenantes d'exercer une influence et de contrôler collectivement les initiatives, les décisions et les ressources ». La nouvelle idée importante était que tous les acteurs impliqués dans un projet de développement ou un service étaient des parties prenantes, et pas seulement les investisseurs et les gestionnaires. Au sein de la communauté du développement, on a mis au point des méthodes destinées à être utilisées localement pour obtenir des informations, promouvoir la confiance et l'initiative, exécuter les tâches liées aux services, sélectionner les bénéficiaires ou les sites des projets, et suivre les résultats. Les ONG et les organisations communautaires ont été les principaux instruments utilisés pour promouvoir le développement participatif. Elles ont de leur côté profité des conseils techniques et des financements fournis par les institutions internationales. Principales activités du Programme Le réseau international de formation (RIF) L'utilisation des technologies à faible coût a commencé à se répandre pendant la Décennie de l'eau. En même temps, il s'est avéré nécessaire de promouvoir la formation dans les pays concernés pour que ces technologies puissent être incorporées aux méthodes d'ingénierie utilisées d'une façon générale. C'est ainsi qu'au début des années 80, des matériels didactiques ont été mis au point dans le cadre du Programme PNUD-Banque mondiale. Le projet TAG a produit de nombreux manuels sur la façon d'aménager des fosses d'aisance et de réaliser des enquêtes ou de mener d'autres activités. Les matériels de formation et d'information, disponibles dans de nombreuses langues, consistaient essentiellement en diaporamas, en films et en guides de préparation des projets destinés aux ingénieurs et aux autres professionnels du secteur de l'eau, au personnel de terrain, aux responsables des ONG et aux décideurs gouvernementaux. Ces efforts devaient être à l'origine d'une nouvelle initiative lancée dans le cadre du Programme avec le soutien de bailleurs de fonds bilatéraux : le Réseau international de formation (RIF) à la gestion de l'eau et à l'assainissement. Ce réseau a été créé en 1984 lors d'une réunion de bailleurs de fonds à Köningswinter (Allemagne) organisée par le BMZ/GTZ, le PNUD et la Banque mondiale. Il est devenu pleinement opérationnel en 1985 sous la direction de Mike Potashnik, et sa principale phase d'activités s'est déroulée durant la seconde partie de la Décennie. L'objectif immédiat du RIF était de « renforcer la capacité des institutions sectorielles et éducatives dans les pays en développement à mener des programmes de formation et d'autres activités de développement des ressources humaines dans le domaine de l'approvisionnement en eau et de - 22 - l'assainissement à faible coût ». L'éducation et la formation systématiques des professionnels de ce secteur dépassaient largement la portée et les moyens du projet tel qu'il était envisagé. L'objectif était plutôt d'aider les institutions de formation à incorporer des méthodes de génie sanitaire à faible coût dans les programmes d'études, et à établir un réseau pour l'échange d'instruments, de données d'expérience et d'informations entre ces institutions. C'est de Washington que les institutions locales et régionales appropriées ont été recensées et que la planification et la recherche de financements pour ces institutions ont été réalisées. Au départ, il était prévu de créer pour la fin de la Décennie un réseau de 15 centres participants, qui devaient être des organismes relativement indépendants, dirigés par des personnalités influentes du secteur. Ces centres étaient censés promouvoir les nouvelles orientations et centraliser les connaissances sur les méthodes à faible coût. Au bout du compte, sept centres RIF ont été actifs, à savoir des centres nationaux au Bangladesh, en Inde, au Ghana et aux Philippines et des centres régionaux pour l'Afrique de l'Est, l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique australe. Ces derniers étaient respectivement basés à la Fondation africaine de recherche médicale (AMREF) au Kenya, au Centre régional pour l'eau potable et l'assainissement à faible coût (CREPA) au Burkina Faso et au Département de génie civil de l'Université du Zimbabwe. Les centres nationaux et régionaux ont établi des réseaux locaux avec des départements universitaires et d'autres institutions appropriées. Certains ont conclu des accords de « jumelage » avec des pays industrialisés pour de futurs financements. Les centres du Zimbabwe et des Philippines ont particulièrement bien réussi et sont devenus des organismes dynamiques capables de s'autofinancer [encadré]. Le RIF était un concept en avance sur son époque. Les centres et le réseau lui-même ont bénéficié du soutien des bailleurs de fonds, d'abord dans le contexte du Programme puis séparément. Le PNUD, tant au niveau du siège que des bureaux locaux, a été un important promoteur et bailleur de fonds. Mais les attentes se sont révélées irréalistes, et une approche trop uniforme a été suivie, sans tenir compte des réalités locales. On a sous-estimé les difficultés et le temps requis pour trouver des institutions appropriées et lancer les centres. Dans certains pays hôtes, les gouvernements ont annoncé des contributions aux centres pour le personnel et les salaires, par exemple qui ne se sont pas matérialisées. Le soutien financier extérieur était censé être de courte durée ; on pensait que cinq ans suffiraient pour la transition en matière de formation. Mais la place importante prise par les aspects « non matériels » et la reconnaissance de la complexité de ces aspects ont fait que de nouveaux sujets et des besoins additionnels de formation ne cessaient de se faire jour. Aux difficultés inhérentes à l'entreprise s'est ajoutée l'insuffisance des ressources et des personnels fournis de Washington dans le cadre du Programme pour développer le RIF. De ce fait, le choix de l'institution participante appropriée pour accueillir le Centre a laissé à désirer dans certains pays, et le personnel hautement qualifié et le leadership nécessaires ont fait défaut. En revanche, dans d'autres pays, les centres ont prospéré et commencé à travailler en réseau avec des institutions locales ou régionales pour contribuer à l'instauration de l'« ordre nouveau » de l'eau et de l'assainissement à faible coût. Pourtant, des critiques se faisaient entendre à la Banque mondiale sur le fait que la qualité globale et le rythme de développement des centres étaient insuffisants. Selon elles, si forte qu'ait été l'idée de départ, il ne semblait pas, au vu des résultats, que le RIF soit capable à court terme de contribuer de façon marquante au développement sectoriel ou au programme de prêts de la Banque. Sans aucun doute, le développement des ressources humaines en vue de l'application de méthodes à faible coût dans le secteur de l'eau et de l'assainissement était critique et le reste à ce jour. Dans la première grande évaluation du Programme effectuée par des experts extérieurs en 1990, les défauts du RIF ont été analysés en détail ; on n'en partait pas moins résolument du principe que, moyennant de nouvelles orientations et un personnel d'appui approprié, le réseau et les centres participants étaient censés avoir un rôle important à jouer. Cependant, le soutien du siège du - 23 - Programme n'est jamais venu. Les critiques, à l'intérieur du Programme comme à la Banque, étaient trop insistantes. Pour finir, en 1994, l'appui au réseau international a progressivement cessé. Dans plusieurs pays, des centres RIF ont continué et continuent de fonctionner avec succès, souvent avec l'appui technique des équipes régionales du Programme. Certains centres ont conclu de fructueux accords de réseau à l'échelon local ou régional, et sont devenus des sources d'information les uns pour les autres et pour la communauté de l'eau et de l'assainissement en général. Le Programme maintient des liens avec eux mais, depuis le début des années 90, il fait appel à d'autres vecteurs et à d'autres modalités pour ses activités de renforcement des capacités (voir ci-dessous). Projets à plus grande échelle et projets de démonstration Après la réorganisation de 1987, le Programme a divisé ses opérations en activités par pays assurées par les équipes de terrain et en activités de recherche, de coordination et de synthèse des enseignements tirés de l'expérience, administrées de Washington. En 1988, les équipes de terrain, désormais appelées Groupes régionaux sur l'hydraulique et l'assainissement, en Afrique de l'Est et de l'Ouest avaient été renforcées, une troisième équipe régionale avait été créée pour l'Asie du Sud, et une quatrième en était au stade embryonnaire pour l'Asie de l'Est. Une autre était envisagée pour l'Amérique latine. L'idée était de regrouper à des endroits stratégiques Nairobi, Abidjan, Delhi, Singapour (plus tard Jakarta) les compétences auparavant dispersées entre différents projets. Ces équipes pluridisciplinaires composées de professionnels de différents secteurs étaient censées aider à combler les nombreux hiatus qui existaient sur le plan de la planification et de l'exécution entre la promotion des méthodes à faible coût et leur adoption. Bien que n'importe quel pays de la région ait pu demander leur concours, un groupe de 15-20 pays à faible revenu a été désigné comme « pays prioritaires du Programme ». Les équipes régionales étaient censées donner des conseils et aider à la préparation de projets de grande envergure destinés à être financés par d'autres bailleurs de fonds. Dans cette activité de préparation, les équipes devaient mettre l'accent sur les aspects non matériels : participation des collectivités, mobilisation des femmes, recouvrement des coûts, renforcement et réforme des institutions. Elles devaient procurer la masse critique nécessaire à l'inclusion de ces éléments dans les politiques de génie sanitaire et faire fonction de conseillers techniques pour les projets à grande échelle. A partir de là, les effectifs du Programme sur le terrain et l'importance des équipes régionales ont augmenté par rapport au noyau basé au siège de la Banque mondiale. Les équipes ont établi des contacts à tous les échelons dans les pays où elles opéraient et ont souvent contribué de façon décisive à l'infléchissement des politiques dans le secteur de l'eau et de l'assainissement. Au début des années 90, certains des membres du personnel les plus dévoués et les plus dynamiques du Programme avaient rejoint les rangs de la Banque mondiale, ou avaient été nommés à d'autres postes dans différents pays, notamment en développement, où ils continuaient à défendre leurs idées. Ce soutien indirect, quasiment impossible à quantifier, a été une contribution importante et durable du Programme aux activités dans le secteur de l'eau et de l'assainissement. A titre de contribution plus directe au développement sectoriel, les équipes devaient exécuter des projets pilotes et des projets de démonstration, lesquels étaient censés aider à faire évoluer les politiques et les institutions. Les administrations et les professionnels pouvaient ainsi tester de nouvelles méthodes et vérifier si celles qui étaient préconisées étaient viables sur le terrain. Ces méthodes pouvaient ensuite servir de base à des programmes à grande échelle, voire à l'échelon national. Jusque-là, la viabilité technologique des méthodes avait sans doute été prouvée, mais les systèmes de gestion et de financement communautaires relevaient encore pour l'essentiel de la théorie. En 1988, dix projets de démonstration (y compris les projets du Lesotho et du Kenya décrits aux pages -- et --) étaient en - 24 - cours, et vingt autres étaient en préparation. Le Programme était étroitement associé à un grand nombre de ces projets et, dans certains cas, il en était l'agent d'exécution. Les projets pilotes et de démonstration étaient un tremplin vers les projets de grande envergure. En effet, à la fin des années 80 et au début des années 90, la nécessité d'envisager les services et les programmes sur une plus grande échelle était devenue une préoccupation majeure. Il était largement admis qu'il existait trop d'exemples d'excellents systèmes de prestation de services de base à petite échelle, et trop peu d'exemples de transposition réussie à une grande échelle ou à l'échelon national. D'aucuns en concluaient que les projets réussis étaient des cas particuliers, bien conçus mais d'un intérêt contestable puisqu'ils ne pouvaient pas être transposés « à grande échelle ». Pour eux, les projets pilotes ne servaient qu'à mettre en évidence de nouveaux éléments, qu'il fallait ensuite tester et démontrer, et ils avaient tendance à se perpétuer d'eux-mêmes. Ce débat se reflétait dans le Programme PNUD-Banque mondiale : certains membres du personnel estimaient que les projets de démonstration pouvaient absorber beaucoup de temps et de ressources, et qu'il valait mieux utiliser les moyens disponibles pour développer le secteur et faciliter d'importantes opérations de prêt de la Banque mondiale. Pourtant, les projets de démonstration offraient l'occasion d'aller sur le terrain, source irremplaçable d'enseignements ; ils permettaient d'acquérir une expérience, dont les leçons pouvaient ensuite être rassemblées dans le cadre du Programme et diffusées à travers le monde. 1. Kumasi, Ghana : Un nouveau style d'assainissement Le projet pilote financé par le PNUD à Kumasi (Ghana) est un exemple d'activité du Programme qui a permis de définir des principes appelés à être ensuite appliqués à grande échelle. Ce projet visait à améliorer l'assainissement. Avant d'établir un plan, une équipe de la municipalité de Kumasi a conduit une large enquête sur les préférences des usagers et leur disposition à payer pour avoir accès à différentes options, notamment les égouts, les toilettes à fosse septique et les fosses d'aisance améliorées et ventilées. Menée en 1989, cette enquête approfondie a été la première en son genre dans un pays en développement. Kumasi, ville de 600 000 habitants, était la deuxième agglomération urbaine du Ghana et l'un des plus grands centres commerciaux de l'Afrique de l'Ouest. La crise du logement y était aiguë : la plupart des ménages habitaient des logements à un étage construits autour d'une cour ; 90 % d'entre eux vivaient dans une seule pièce alors que l'on comptait en moyenne 4,6 personnes par ménage. Les revenus étaient très bas et les logements de très mauvaise qualité. La plupart des habitants s'approvisionnaient à un robinet collectif dans la cour, moyennant une redevance municipale. Il n'y avait pratiquement pas d'égouts à Kumasi. Près de 40 % des ménages utilisaient les latrines publiques payantes dispersées un peu partout dans la ville. La plupart des autres habitants utilisaient soit les WC communs de leur logement, reliés à une fosse septique située dans la cour, soit des tinettes qu'ils vidaient dans les cours d'eau et décharges d'ordures du voisinage. Dans tous les cas, il leur fallait payer les nettoyeurs et les exploitants, même si les résultats étaient détestables. Kumasi dépensait en fait chaque année 1,50 dollar par habitant pour l'élimination des déchets humains. Pourtant, seule une petite fraction (10 %) de ces déchets était évacuée de façon appropriée, tandis que le reste était rejeté dans les cours d'eau ou laissé sur le sol à se décomposer, avant de s'éparpiller en poussière dans l'environnement urbain. Malgré le danger extraordinaire de santé publique qui existait, la plupart des gens se préoccupaient plus de considérations d'intimité et de commodité que de problèmes d'hygiène. L'enquête a montré que la plupart des ménages étaient prêts à payer plus pour avoir un meilleur assainissement. Il est aussi apparu que les fosses d'aisance améliorées et ventilées pouvaient être l'unité sanitaire de choix. La moitié des personnes interrogées étaient disposées à payer la même somme chaque mois pour pouvoir utiliser des fosses d'aisance améliorées et ventilées que pour avoir - 25 - accès à des WC raccordés à des égouts. Le coût de la cuvette, le manque de prévisibilité des factures d'eau et l'état du réseau hydraulique de Kumasi militaient contre les WC. Cette enquête a été importante pour un certain nombre de raisons. Vu les réponses favorables aux fosses d'aisance améliorées et ventilées, elle a donné tort à ceux qui étaient sceptiques à propos de l'assainissement sur place ; elle a fait des préférences des usagers le fondement du futur plan d'assainissement de Kumasi ; et elle a permis d'intégrer les informations relatives à la demande dans l'architecture économique du système, de façon à améliorer les perspectives de recouvrement des coûts et de «pérennité». Dans le programme qui a suivi, un système de crédit a été créé à l'intention des groupements de locataires pour leur permettre d'équiper leurs logements de fosses d'aisance améliorées et ventilées. On a également réussi à transférer les latrines publiques à des sociétés commerciales privées qui les ont gérées plus efficacement et plus économiquement que les précédents comités de voisinage affiliés aux partis politiques. L'enquête a eu un autre aspect important : on a appliqué pour la première fois la méthode de l'évaluation contingente (disposition à payer) dans des régions à faible revenu de pays en développement. On s'est ainsi éloigné de l'analyse basée sur l'offre « ces gens sont mal desservis ; donc, ce qu'il leur faut et ce qu'ils veulent, ce sont des installations d'eau et d'assainissement » pour prendre comme point de départ la demande effective. Les enquêtes sur la disposition à payer sont devenues courantes dans le contexte des études de préfaisabilité. 2. Nigéria : Le projet RUSAFIYA C'est au nord du Nigéria, région où un projet d'essai de pompes à main EENV avait été mené auparavant, qu'a été lancé le plus important projet pilote du Programme. Connu sous le nom de projet RUSAFIYA (sigle signifiant eau, assainissement et santé en langue haoussa), il a démarré en 1988 et constitué la plus grande opération de ce genre conduite dans le cadre du Programme. Avec un financement de 4 millions de dollars du PNUD et des gouvernements néerlandais et norvégien, il devait expérimenter un modèle viable de programme EENV et ouvrir la voie à deux projets financés par la Banque mondiale, d'un montant de 400 millions de dollars, qui devaient démarrer en 1992. Le projet s'est avéré être moins une opération pilote sauf sur ce qu'il ne faut pas faire qu'un banc d'essai de théories non prouvées. L'objectif était d'approvisionner environ 500 communautés rurales au moyen de forages et de pompes à main, les systèmes devant être gérés par les collectivités avec le soutien des autorités locales. Or, pour des raisons politiques (de celles qui gâchent souvent la planification des programmes), ces 500 communautés ont été réparties entre cinq États, alors qu'au Nigéria, les États sont vastes et fortement peuplés. Dans chaque État, une Local Government Authority (LGA, l'équivalent d'un district) a été désignée site du projet. Cela voulait dire que les sites du projet étaient très étendus du point de vue administratif et très variés de par les modes de peuplement, les conditions hydrogéologiques, les coutumes sociales ou les moyens de subsistance agricoles. Le principal obstacle à la réalisation du modèle recherché dans le projet RUSAFIYA était le mode de fourniture des services, « de haut en bas », qui reflétait les valeurs paternalistes et autoritaires profondément ancrées dans la culture politique traditionnelle. Les services étaient généralement fournis gratuitement, en fonction de l'offre. Le choix des sites était décidé non par consultation des populations locales mais sur l'avis des autorités. Une fois leur prestation assurée, ces services faisaient l'objet d'une gestion et d'une maintenance centralisées. Aller à contre-courant de cette tendance s'est révélé beaucoup plus difficile que prévu. Le manque de capacités d'organisation et de qualifications et, surtout, les mentalités peu réceptives des LGA et des communautés elles-mêmes ont fait que les activités de mobilisation des équipes de vulgarisation n'ont pas conduit à grand-chose, en tout cas pas à la mise en place de mécanismes efficaces de gestion et de financement communautaires. - 26 - A cause de la dispersion des activités, les énergies et les ressources ne pouvaient pas être suffisamment focalisées pour créer une masse critique dans un district donné. Le secteur privé n'avait, de ce fait, aucune incitation à fournir des pièces de rechange ou des services de réparation. Au lieu de mettre en place des systèmes de suivi minutieux, on croyait quasi aveuglément que le modèle fonctionnerait puisqu'il renfermait toutes les formules à la mode (activités participatives, focalisation sur les femmes, pompes à main EENV, redevances d'utilisation, soutien des autorités locales). Par ailleurs, compte tenu des financements annoncés de la Banque mondiale et auxquels cette opération était censée ouvrir la voie, les responsables du projet et le personnel se sont sentis obligés d'obtenir des résultats, au lieu de prendre du recul et de réfléchir aux mesures correctrices à prendre lorsque la situation s'est dégradée. Le modèle RUSAFIYA visait toute une série de transformations : faire de l'État le promoteur de programmes communautaires et non plus un fournisseur de services ; faire en sorte que les collectivités cessent de recevoir passivement des services et participent activement à leur gestion ; et faire du secteur privé non plus le maître d'oeuvre des projets publics mais le fournisseur local des associations d'usagers. Aucune de ces transformations ne s'est produite. Le refus des collectivités de payer les services d'eau et d'assainissement a été une importante pierre d'achoppement. Il était dû moins au manque de moyens qu'à la méfiance vis-à-vis des pouvoirs publics. On ne s'était pas non plus assuré de la demande locale avant de choisir les communautés, dont on avait supposé à la légère qu'elles se laisseraient convaincre et « changeraient d'avis ». Malheureusement, les vulgarisateurs n'étaient pas suffisamment motivés et pas assez bien formés pour pouvoir gagner la confiance des populations locales. Dans une étude de cas réalisée en 1991-92, les défauts inhérents à la conception du projet RUSAFIYA ont été analysés, la raison en étant attribuée à des hypothèses erronées quant à ce que les LGA et les communautés étaient capables et désireuses de faire. Les conclusions de l'étude de cas ont eu un effet considérable sur l'orientation du Programme (même si l'étude elle-même est restée inachevée et n'a pas été publiée). La principale (et douloureuse) découverte était que la mise en oeuvre d'une approche participative de l'approvisionnement en eau des zones rurales était un exercice extrêmement complexe exigeant beaucoup de temps et de ressources, surtout dans un climat politique et culturel en grande partie défavorable. En 1993, l'équipe RUSAFIYA a été reconstituée en ONG de l'eau et de l'assainissement. Les projets financés par la Banque mondiale dont le RUSAFIYA était censé être le précurseur ont été abandonnés. 3. Bolivie : Un passage réussi à une plus grande échelle L'expérience acquise dans de nombreux pays et les leçons tirées de la Décennie de l'eau ont été mises à profit dans une opération du Programme qui a commencé en Bolivie en 1991 sous forme de projet pilote dans le département de Potosi. Comme au Nigéria, l'idée était de concevoir et d'expérimenter de nouvelles stratégies d'approvisionnement en eau des zones rurales, axées sur la demande et d'utiliser les enseignements ainsi obtenus pour préparer un programme national. En Bolivie, cet objectif a été atteint. Le projet Yacupaj (ce qui signifie « pour l'eau » en langue quechua), d'un montant de 2,8 millions de dollars, financé principalement par le gouvernement néerlandais, a été exécuté dans quatre provinces et a débouché sur le lancement d'un programme national en 1993. Avant le projet pilote Yacupaj, tous les projets boliviens d'eau et d'assainissement pour les campesinos sans ressources de l'Altiplano partaient du principe que la demande d'eau de ces populations était si faible qu'elles refuseraient de payer pour en obtenir. La fourniture des services était basée sur l'offre. Les communautés dans lesquelles les pompes et les latrines étaient installées étaient choisies par l'administration en fonction d'indicateurs généraux de santé et de pauvreté, et on s'attendait à ce qu'elles soient reconnaissantes si elles étaient retenues par les autorités. Le projet Yacupaj visait à démontrer qu'il était possible d'adopter une approche qui permette de desservir plus - 27 - économiquement un plus grand nombre de campesinos ; que les modes de participation et d'appropriation pouvaient être organisés de façon très différente et que les services pouvaient être plus viables si l'on inversait le postulat de départ traditionnel. Pendant la première phase du projet, le personnel s'est employé à établir des règles pour l'exécution du projet : critères de sélection des communautés ; critères techniques pour la conception des installations telles que les pompes, les conduites et les fosses d'aisance ; politique financière (coûts, prix et contributions) ; et organisation des tâches d'exploitation et d'entretien. Il s'agissait de proposer aux familles et aux communautés diverses options de service différents systèmes possibles, assortis de modalités de gestion et de coûts différents dans un cadre techniquement et financièrement viable et transposable. Les communautés de l'Altiplano sont souvent très petites (entre 50 et 250 habitants) et isolées, et le terrain est difficile. Pour les besoins du projet, les communautés ont été regroupées en sous- régions, dont certaines ont été ensuite sélectionnées en fonction du niveau de la demande, de la présence d'institutions sur lesquelles on pouvait s'appuyer, et de la faisabilité technique. Dans une sous-région sélectionnée, toutes les communautés pouvaient participer si elles acceptaient la politique financière du projet et si elles assumaient la responsabilité de l'exploitation et de l'entretien à long terme. Les options techniques qu'elles choisissaient devaient être techniquement et financièrement à leur portée. La politique financière du projet voulait que les communautés contribuent aux dépenses d'équipement et financent l'entretien ; il était envisagé que les communautés prennent à leur charge 50 % des coûts globaux d'équipement. Dans chacune des trois provinces couvertes par le projet Yacupaj, les activités ont été conduites avec une organisation qui servait d'intermédiaire et avait la charge de l'exécution. Dans deux provinces, il s'agissait d'une ONG et, dans la troisième, d'un projet de développement régional. Les organismes intermédiaires ont formé certains membres du personnel qui ont initié à leur tour les promoteurs ruraux enseignants, personnel de santé et dirigeants locaux aux techniques d'organisation communautaire. Les activités participatives avaient un objectif clairement défini. Elles ont aidé les communautés à définir leurs priorités, à choisir entre les options techniques, et à acquérir le savoir-faire nécessaire pour gérer et entretenir les pompes, les conduites, les robinets et les fosses d'aisance. Dans bien des cas, les collectivités ont opté pour des systèmes d'écoulement par gravité ; bien qu'ayant manifesté le souhait que les habitations soient raccordées au réseau, elles ont d'abord opté pour des bornes-fontaines publiques parce que c'était la seule option abordable. En 1994, le projet Yacupaj avait fourni des services à un tiers de 115 000 personnes habilitées à participer. Parmi celles qui étaient restées en dehors du projet, l'eau et l'assainissement ne constituaient pas une priorité dans la très grande majorité des cas ; ces habitants se contentaient, du moins pour l'heure, de leur source d'approvisionnement habituelle. D'après des évaluations du projet effectuées en 1994 et 1995, 90 % des systèmes hydrauliques installés et 82 % des latrines fonctionnaient, et les communautés avaient financé et effectué des réparations. Dans 80 % des cas, ces réparations avaient été faites par les communautés elles-mêmes. En 1993, le gouvernement bolivien a demandé à la Banque mondiale de financer un important projet d'eau et d'assainissement en milieu rural, le Proyecto de Saneamiento Básico Rural (PROSABAR). Les coûts d'investissement s'élevaient au total à 46 millions de dollars. Dès le début du projet Yacupaj, une cellule de coordination avait été créée à La Paz pour aider à élaborer une politique sectorielle nationale et transposer les leçons du Yacupaj à l'échelon national. De ce fait, le projet PROSABAR a pu largement s'inspirer des stratégies du Yacupaj, particulièrement en ce qui concerne l'utilisation d'ONG comme intermédiaires dans l'exécution, et le recours aux techniques de participation communautaire pour faciliter les choix des usagers et assurer la pérennité des services. De nombreux membres du personnel qui avaient été formés et employés dans le cadre du Yacupaj ont été - 28 - repris par le PROSABAR, et d'anciens membres des équipes d'intermédiaires ont travaillé sur le terrain avec des ONG dans les nouvelles zones du projet. Pour les anciens du Yacupaj, l'une des principales leçons était la nécessité d'établir et d'appliquer strictement un ensemble de règles. Une autre leçon était le besoin de souplesse et d'adaptation. A plusieurs stades durant l'exécution du projet Yacupaj, les équipes avaient révisé le modèle, en introduisant de nouvelles options techniques, voire en changeant la politique financière. On ne considérait plus que les opérations pilotes et les projets expérimentaux devaient aboutir à un schéma directeur en bonne et due forme, susceptible d'être ensuite indéfiniment reproduit pour la prestation de services dans les régions à faible revenu. La constante adaptation d'un programme ne voulait pas dire que les planificateurs s'étaient trompés ; c'était au contraire un élément indispensable à la réussite de tout programme, surtout lorsque l'on veut que celui-ci soit véritablement axé sur les consommateurs. Promotion des activités participatives En 1990, le Programme a resserré ses liens avec le programme PROWWESS mis sur pied par le PNUD en 1983. Deepa Narayan-Parker, responsable senior de la planification et de l'évaluation du PROWWESS, a rejoint le personnel du programme à Washington, et les conseillers du PROWWESS ont commencé à s'intégrer aux équipes régionales en Afrique de l'Est et de l'Ouest. Cela a conduit à une intensification des efforts dans le cadre du Programme pour l'élaboration et l'application de méthodes participatives, l'accent étant mis sur la mobilisation des femmes. Beaucoup des projets pilotes et des projets à grande échelle auxquels le Programme était associé notamment pour l'enlèvement des ordures à Bamako (Mali), l'évaluation des besoins en eau et en assainissement dans les bidonvilles de Chittagong (Bangladesh) et la mobilisation des populations locales à Potosi (Bolivie) ont bénéficié de la participation du PROWWESS. Les principales leçons tirées de ces expériences ont été décrites, avec d'autres, dans une publication du PROWWESS intitulée Tools for Community Participation. Ce manuel avait pour but d'aider les formateurs à apprendre aux agents de vulgarisation à travailler en partenariat avec les populations locales. La constitution d'un cadre de formateurs efficaces était l'une des priorités du PROWWESS. Des ateliers régionaux, nationaux et locaux ont été organisés en Afrique et dans d'autres régions du monde en vue d'appliquer les méthodes participatives et les adapter au contexte local. La nécessité de faire participer les collectivités aux programmes d'approvisionnement en eau et d'assainissement et de respecter le rôle des femmes a été de plus en plus reconnue au niveau du discours sectoriel ; ces principes figuraient en bonne place dans toutes les déclarations internationales postérieures à la Décennie de l'eau. Mais il restait à surmonter de grands problèmes. Les approches « de bas en haut » suivant lesquelles on commençait par mobiliser les collectivités étaient très difficiles à incorporer aux programmes de vulgarisation à grande échelle. Les organisations intermédiaires ONG et organisations communautaires opéraient généralement, de par leur nature même, dans des espaces géographiquement limités. Les services publics, comme on l'a indiqué, avaient rarement le contact ou l'orientation nécessaires pour assumer ces fonctions. Dans ces conditions, comment fallait-il concevoir les projets à grande échelle de façon à ce que les techniques participatives y aient leur place ? D'autre part, beaucoup de responsables du secteur de l'eau et de l'assainissement n'étaient toujours pas tout à fait convaincus qu'il était nécessaire ou justifié de consacrer dès le départ du temps, de l'énergie et de l'argent à la mobilisation des usagers. En 1991, sous l'égide du Programme, le PROWWESS a entrepris une étude approfondie sur la question de savoir si la participation augmentait de façon tangible le succès des projets d'eau et d'assainissement et, dans l'affirmative, sur les moyens de l'encourager. Les données provenant des rapports d'évaluation sur 121 projets d'approvisionnement en eau des zones rurales dans 49 pays en développement ont été analysées en détail. L'étude a conclu à une contribution importante et - 29 - démontrable de la participation. La pérennité des services, les avantages économiques, le pourcentage de la population cible touché et les effets bénéfiques sur l'environnement augmentaient tous en proportion du degré de participation des usagers. L'étude a également conclu que la participation pouvait et devait être intégrée à la conception des projets à grande échelle. Cela implique un changement fondamental consistant à passer de l'appropriation des systèmes par les organismes centraux à leur appropriation et à leur contrôle par les acteurs locaux. Il fallait que les approches retenues cessent d'être déterminées en fonction de l'offre et qu'elles soient adaptées à la demande. L'étude insistait sur le fait que des projets à grande échelle pouvaient être conçus en y intégrant la dimension de la demande, mais qu'il n'existait pas de modèle tout fait pour y parvenir. La souplesse, l'adaptation et la planification à court terme étaient indispensables, parallèlement à des activités continues de suivi et d'évaluation de façon à réorienter les opérations si nécessaire. Vers la fin de la deuxième phase du Programme, les questions de parité hommes-femmes et de participation ont été de plus en plus intégrées aux activités générales. Depuis le début des années 90, elles sont considérées au coeur de toutes les activités du Programme. Mais cela n'a pas empêché que d'autres initiatives spéciales soient prises en réponse aux nouvelles questions qui se posaient autour de ces deux grands thèmes. On ne peut pas espérer répondre une fois pour toutes à la question de savoir « ce qui marche bien » et « comment ». Synthèse des enseignements tirés de la Décennie de l'eau Alors que la Décennie de l'eau tirait à sa fin, les principales organisations participantes Banque mondiale, PNUD, UNICEF, OMS et bailleurs de fonds bilatéraux étaient désireuses de parvenir à un consensus sur les leçons apprises et les principes à appliquer dans la génération suivante de projets. Le Programme PNUD-Banque mondiale a joué un rôle très important dans ce processus. En septembre 1990, le PNUD a organisé à New Delhi, avec le soutien du Programme, la Consultation mondiale sur l'eau salubre et l'assainissement pour les années 90, à l'invitation du gouvernement de l'Inde. Cette consultation a rassemblé quelque 600 participants de 115 pays, et la Déclaration de New Delhi qui en est issue a été ensuite adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies. La consultation a donné l'occasion aux gouvernements et à la communauté internationale de renouveler leur engagement sur le thème « l'eau et l'assainissement pour tous », le délai fixé pour atteindre cet objectif étant reporté jusqu'à la fin du siècle. Il y avait une volonté particulière d'équité, de garantir « quelque chose pour tous, plutôt que davantage pour quelques-uns ». Pendant la Décennie, plus de 1 milliard de personnes avaient eu pour la première fois de leur vie accès à de l'eau potable, et 750 millions avaient remplacé le seau ou la sortie dans les bois par quelque chose de plus discret et de plus hygiénique. Mais sauf dans le contexte de l'approvisionnement en eau des zones rurales, il y avait autant de citadins et de ruraux privés de services en 1990 qu'en 1980. Malgré les investissements et les efforts supplémentaires, l'expansion des services avait à peine suivi le rythme d'accroissement de la population. Aux deux principales contraintes économiques auxquelles le monde en développement était confronté l'accroissement de la population et l'urbanisation rapide , deux autres venaient s'ajouter : la dégradation croissante de l'environnement et le coût de plus de plus élevé de l'approvisionnement en eau, en particulier dans les régions où l'eau est rare. Fournir des services de base aux régions à faible revenu devenait un défi de plus en plus pressant. Pourtant, l'atmosphère qui régnait dans le secteur était étonnamment positive. De tels progrès avaient été accomplis pendant la Décennie du point de vue de l'identification de nouvelles approches et de leurs éléments clés que l'esprit pionnier et visionnaire était plus vivant que jamais. - 30 - La consultation de New Delhi a été la première d'une série de rencontres postérieures à la Décennie durant lesquelles s'est forgé le consensus sur l'orientation à donner au secteur de l'eau et de l'assainissement. Ce consensus a réussi à renverser les anciennes conceptions et pratiques dans le domaine du génie sanitaire. Les services d'eau et d'assainissement n'étaient plus considérés comme un droit social absolu devant être financé avec les deniers publics, en dehors de toute contrainte économique et environnementale. Pour étendre les services, notamment en faveur des pauvres, il fallait instaurer un ensemble de relations totalement différent entre parties prenantes et entre partenaires. La consultation de New Delhi a notamment aidé à envisager d'une façon nouvelle le rôle de l'État. Les participants se sont accordés sur le fait qu'à l'avenir, l'État devrait moins intervenir dans la prestation des services et permettre plutôt à d'autres institutions (publiques et privées) de les fournir et de les gérer. Cela ne voulait pas dire que le rôle de l'État perdrait de son importance. L'État n'aurait pas à financer et à construire autant qu'auparavant. En revanche, il lui incomberait de faire le nécessaire pour que les services puissent être fournis, à savoir élaborer la politique sectorielle nationale, créer des organismes d'exécution, mettre en place une réglementation et fixer les prix, offrir des options technologiques et, enfin, s'occuper de planification, de formation et du suivi des résultats sectoriels. La consultation de New Delhi a été un élément marquant de la coopération engagée dans le cadre de la Décennie. Le Programme avait permis dans une large mesure « de tirer des enseignements » de la Décennie en menant des opérations sur le terrain, en rassemblant des bailleurs de fonds désireux d'adopter de nouvelles approches pour atteindre les pauvres, et en offrant une plate-forme à partir de laquelle un programme d'action international commun pouvait être mis en oeuvre dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. Le Conseil de coopération pour l'approvisionnement en eau et l'assainissement créé après la réunion d'Interlaken de 1987 a été transformé en une instance regroupant toutes les parties prenantes pour la conduite du programme de l'après-Décennie et pour la promotion de nouvelles conceptions. Sous sa nouvelle forme, le Conseil, dont le secrétariat était basé à l'OMS, rassemblait des organisations internationales, des bailleurs de fonds bilatéraux, des représentants de pays en développement et des ONG. Le Programme était censé contribuer activement à plusieurs de ses groupes de travail, et c'est un représentant du PROWWESS qui a constitué le groupe sur la parité hommes-femmes. D'autres nouveaux mécanismes de réseaux et d'échanges internationaux étaient en voie d'être créés. Toutefois, le rôle futur du Programme lui-même dans le contexte de l'après-Décennie n'était pas clair. Des voix influentes à la Banque mondiale semblaient dire qu'avec la fin de la Décennie, il n'était plus nécessaire d'avoir un programme d'avant-garde. Enseignements Alors que l'ère du « matériel » cédait la place à l'ère du « non-matériel », la principale leçon était celle qui avait été apprise au Nigéria : créer des systèmes fonctionnels pour la gestion communautaire de l'eau et de l'assainissement était une opération extrêmement complexe. Il fallait renoncer à la recherche d'une panacée applicable à n'importe quel contexte politique, économique, physique ou socio-culturel. Les nouvelles approches exigeaient du temps et des investissements supplémentaires, la participation d'organisations intermédiaires capables de travailler avec les collectivités pour les aider à renforcer les capacités et à acquérir des compétences, et une capacité de réaction de la part des institutions officielles qui semblait encore faire souvent défaut. Entre-temps, au début des années 90, le Programme lui-même a connu un passage difficile. Parmi ses arbitres, certains estimaient que sa mission était de faire oeuvre de pionnier et de prosélyte, en gardant une capacité indépendante d'expérimentation, et d'assiéger les bailleurs de fonds, les gouvernements et les institutions de prêt en particulier la Banque mondiale pour défendre les intérêts des pauvres. D'autres pensaient que pour survivre, le Programme devait se rapprocher - 31 - beaucoup plus du programme de la Banque, en fournissant une assistance technique par l'intermédiaire des équipes régionales sur le terrain et en aidant à l'élaboration des politiques et à la recherche à l'échelon central. Les tenants de cette école de pensée évoquaient les milliards de dollars investis non seulement par la Banque mondiale mais aussi par d'autres bailleurs de fonds extérieurs dans des projets d'eau et d'assainissement auxquels le Programme avait été associé pour montrer dans toute son ampleur l'impact obtenu dans le secteur. Le PNUD confronté à une diminution de ses ressources essayait de persuader la Banque d'accroître sa contribution financière au Programme. Mais la Banque n'était pas disposée à le faire et l'avenir financier du Programme restait incertain. Après la première évaluation majeure du Programme consolidé en 1990-91, un examen de grande envergure a été entrepris en vue de définir les priorités pour le reste des années 90. Cet exercice a abouti à la publication en 1992 d'un rapport intitulé Improving Services for the Poor: A Program Strategy for the 1990s. Selon ce rapport, l'objectif du Programme restait inchangé, à savoir aider les pays en développement à améliorer l'accès des pauvres à des services durables. (Quelque chose avait changé en réalité : l'accent était mis sur le fait de faciliter l'accès plutôt que sur le fait de fournir des services.) Les opérations pilotes n'étaient plus autant mises en avant, tandis que le renforcement des capacités, la réforme institutionnelle et la diffusion des leçons et des connaissances étaient beaucoup plus souvent mentionnés. Voici un passage clé du rapport : « Dans les années à venir, le Programme visera à améliorer le processus d'élaboration et de mise en oeuvre des initiatives à grande échelle pour le développement, en aidant à intégrer aux programmes d'eau et d'assainissement, y compris ceux appuyés par la Banque mondiale, un processus systématique d'apprentissage. » L'école de pensée qui favorisait le rapprochement du Programme des activités de prêt de la Banque avait le vent en poupe. La nouvelle idée était d'introduire un processus d'« apprentissage structuré » dans les programmes qui comprenaient des volets importants de renforcement des capacités humaines et de réforme sectorielle. Indépendamment du débat sur le Programme et son avenir, l'évolution des idées au plan international a eu une influence directe sur sa poursuite. Sous l'effet du processus de consultation qui a suivi la Décennie de l'eau et compte tenu de l'importance acquise par les questions de viabilité écologique, les problèmes relatifs à l'eau continuaient à susciter une attention croissante à l'échelon international. En 1992, préalablement au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, le Rapport sur le développement dans le monde de la Banque mondiale a été centré sur l'environnement et le développement, avec un chapitre sur l'assainissement et l'eau salubre qui a eu beaucoup de retentissement. John Briscoe, l'auteur de ce chapitre, était le chef de la division de la Banque mondiale à laquelle le Programme allait bientôt être rattaché. Avec son orientation vers la lutte contre la pauvreté et son expérience originale en matière d'approches peu coûteuses de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement des collectivités, un programme qui avait reçu le sceau du PNUD et de la Banque mondiale avait encore beaucoup à offrir. Mais certains pensaient qu'il fallait le redéfinir dans le contexte de l'après-Décennie de l'eau en vue de lui confier des activités à valeur ajoutée que, seul parmi les protagonistes du secteur de l'eau et de l'assainissement, il était capable d'assumer. Evolution des idées sur le plan international Dans les années 90, le débat international sur l'eau s'était considérablement élargi. De la santé publique, thème majeur de la Décennie de l'eau, il s'était étendu à la gestion et à l'utilisation de l'eau en tant que partie intégrante de la protection de l'environnement et du développement durable. Le consensus autour des leçons de la Décennie de l'eau rejoignait un consensus plus large sur la gestion des ressources d'eau en général. Les préoccupations relatives à la pénurie et à la pollution de l'eau à - 32 - l'échelle planétaire devenaient plus pressantes, et les problèmes économiques et environnementaux, de pair avec la bonne gouvernance, la participation du secteur privé, et d'autres éléments du modèle de développement de l'après-guerre froide, commençaient à revêtir une importance accrue. Les prémisses de ce nouveau consensus ont été fort bien résumées lors de la Conférence internationale sur l'eau et l'environnement organisée à Dublin en janvier 1992, préalablement au Sommet de la Terre. Les voici : L'eau douce est une ressource limitée et vulnérable, indispensable à la vie, au développement et à l'environnement. La valorisation et la gestion de l'eau devraient se fonder sur une approche participative incluant les usagers, les planificateurs et les décideurs à tous les niveaux. Les femmes jouent un rôle crucial dans la fourniture, la gestion et la conservation de l'eau. L'eau a une valeur économique dans toutes ses différentes utilisations et devrait être reconnue comme un bien économique. La nécessité de protéger la réserve limitée d'eau douce dont dispose la planète et de l'utiliser de façon efficace et équitable au service de l'humanité a également fait l'objet d'un chapitre d'Action 21, document clé du Sommet de la Terre de 1992. Parmi les domaines d'action répertoriés figuraient l'amélioration de l'approvisionnement en eau potable et de l'assainissement, et l'approvisionnement durable des villes en eau. Étaient également préconisées la gestion intégrée des ressources d'eau, la protection de la qualité de l'eau et la gestion de l'eau en vue de la production alimentaire. Une approche globale se faisait jour, dans laquelle la sécurité alimentaire, la technologie appropriée, la réduction des subventions, la décentralisation de la prise de décisions, la participation des usagers aux services, la réforme des institutions et les cadres réglementaires avaient tous leur place. C'est ainsi que des concepts mis au point au départ pour la santé publique étaient maintenant appliqués à toute la gamme des programmes relatifs à l'eau. Ces principes et domaines d'action ont été ensuite, après le Sommet de Rio, adoptés à la Conférence ministérielle sur l'eau potable et l'hygiène environnementale de Noordwijk (Pays-Bas) en 1994. Ils n'étaient pas tous universellement appréciés : il y avait, de la part de certains pays en développement, une forte résistance à l'idée que l'eau devait être considérée comme un « bien économique » idée peu populaire là où l'opinion estime que l'eau est par nature gratuite, et où les systèmes d'approvisionnement en eau sont traditionnellement utilisés comme moyen de pression politique. La décentralisation des services est aussi difficile à faire admettre dans les pays où les irrégularités et l'exploitation commerciale sont difficiles à contrôler du fait des déficiences du système législatif et administratif. Pourtant, les principes avaient été généralement bien accueillis en paroles, au moins sur la scène internationale, et il y avait une volonté affichée de les mettre en pratique. Alors que les années 90 avançaient, l'eau figurait toujours en bonne place parmi les préoccupations des responsables politiques à l'échelon international. La mise en oeuvre du nouveau consensus était cependant très en retrait par rapport à la rhétorique. Il restait encore beaucoup de chemin à parcourir avant que les principes si soigneusement mis au point ne soient largement traduits en actions pratiques sur le terrain. - 33 - Lesotho : L'assainissement rural Le Lesotho est un petit pays montagneux densément peuplé qui est enclavé dans l'Afrique du Sud. Entre 1978 et 1983, plus d'une douzaine de missions TAG ont été conduites, ce qui a débouché sur un soutien important du Programme à un programme pilote d'assainissement rural exécuté en collaboration avec l'UNICEF. Celui-ci est ensuite devenu un programme national intégré à l'approvisionnement rural en eau. En 1988, six districts étaient dotés d'équipes d'assainissement rural pleinement opérationnelles. La même année, plus de 2 500 latrines ont été construites, dans la plupart des cas aux frais des ménages concernés, tandis que l'on s'efforçait de transférer la technologie des latrines au secteur privé. A l'échelon national, une évolution marquée a eu lieu avec le Plan de développement pour la période 1987-91, qui visait à doter chacun des 10 districts d'équipes opérationnelles pour 1991. D'après une étude d'impact sanitaire réalisée dans un district, les enfants des familles dont l'habitation est équipée de latrines ont 24 % de moins de diarrhées que les autres. Ce succès remporté dans l'assainissement urbain et rural au Lesotho a conduit à l'élaboration d'un plan national d'approvisionnement en eau et d'assainissement, auquel de nombreux bailleurs de fonds importants ont contribué. - 34 - Kwale (Kenya) : La gestion communautaire en action Le projet d'approvisionnement en eau et d'assainissement du district de Kwale, commencé en 1983 avec le soutien du PNUD dans la zone côtière rurale au sud du Kenya, avait initialement pour but de tester des pompes manuelles EENV, tout en fournissant des services à 25 000 personnes. Il est vite devenu clair qu'un effort spécial devait être consenti pour mettre au point des systèmes d'exploitation et d'entretien en partenariat avec les collectivités. Le PNUD a donc décidé d'offrir les services de son programme Promotion du rôle des femmes dans l'approvisionnement en eau et l'assainissement (PROWWESS) à l'appui d'une ONG kényenne participante, la « Kenyan Water and Health Organisation » (KWAHO). La participation des femmes locales était jugée primordiale étant donné que la valeur accordée aux services et leur utilisation en dépendaient. La KWAHO a donné à cinq femmes une formation d'agents de vulgarisation et a mené une activité d'organisation communautaire suivant les méthodes participatives du PROWWESS. Environ 30 femmes locales ont été initiées à l'entretien des pompes manuelles. Le projet a été rapidement étendu au reste du district de Kwale. Tout ne s'est pas passé sans heurts, mais un système novateur d'organisation communautaire a fini par être mis en place. Des comités de l'eau (au nombre de 125) ont été créés ; tous ont choisi des femmes comme trésorier, et tous ont fait payer l'eau aux usagers. En 1988, 70 % d'entre eux avaient ouvert des comptes bancaires. Les pompes étaient en état de marche et réparées régulièrement avec les fonds perçus. L'exemple de Kwale a prouvé que la gestion communautaire de l'approvisionnement en eau donnait de bons résultats, surtout quand les femmes y participaient. Il a aussi montré que la mise en place d'un tel système exigeait beaucoup de temps et d'efforts, et que les ONG étaient sans doute les meilleurs vecteurs pour mettre en pratique cet aspect du concept EENV. - 35 - Zimbabwe : Formation technique de qualité dans le domaine de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement de base Le Centre de formation pour l'eau et l'assainissement (TCWS) de l'Université du Zimbabwe, à Harare, a été créé en 1989 avec l'aide du Programme. Outre des cours de brève durée et une formation de troisième cycle, il offre un cours de quatre mois (préparant à un diplôme) aux fonctionnaires du Zimbabwe et des pays voisins. Le cours est basé sur la réalité locale et coûte donc moins cher qu'un cours équivalent dans un pays industrialisé. Il a été suivi par des cadres des programmes d'approvisionnement en eau collective mis sur pied dans le cadre de la Décennie de l'eau. Le TCWS n'a cessé de se développer avec le concours financier du PNUD et de la Norvège. En 1993, le gouvernement a commencé à décentraliser les activités d'approvisionnement en eau et d'assainissement au niveau des districts, et le Centre a contribué de façon importante à créer des systèmes locaux de planification et de gestion. En 1994, le TCWS a été converti en ONG (sous le nom de « Institute for Water and Sanitation Development »), dans le but de réduire les financements extérieurs. Il a développé ses activités de formation et offre des services de conseil aux gouvernements de la région. Les équipes régionales du Programme PNUD-Banque mondiale ont fréquemment collaboré avec le TWSD, en particulier durant l'initiative PHAST. - 36 - L'initiative PHAST L'un des problèmes mis en évidence pendant la Décennie de l'eau était la grande difficulté à prévoir les effets des projets d'approvisionnement en eau et d'assainissement sur la santé. Les activités participatives avec les collectivités sont devenues un moyen important de faire en sorte que l'accessibilité des services se traduise par des progrès sur le plan de la santé, particulièrement pour les femmes et les enfants. En 1993, le Programme s'est associé avec l'OMS pour lancer l'initiative PHAST (Participation à la transformation de l'hygiène et de l'assainissement). Cette initiative était inspirée de la méthodologie SARAR mise au point par le docteur Lyra Srinivasan et ses collègues du PROWWESS. Le sigle SARAR signifie « estime de soi, aptitude à collaborer, ingéniosité, planification de l'action et responsabilité ». La méthode repose sur la formation d'agents de vulgarisation et la production de matériel visuel ou « trousses » in situ de façon à tenir compte des caractéristiques culturelles et physiques locales. La méthode PHAST peut être utilisée avec des groupes pour vérifier leurs connaissances en matière de santé et d'hygiène et les amener à changer de comportement grâce à l'acquisition de connaissances. En 1993 et 1994, cette méthode a été expérimentée au Botswana, au Kenya, en Ouganda et au Zimbabwe. Lors d'un atelier, les participants ont fait un bilan et évoqué les changements positifs de comportement sur le plan de l'hygiène et la construction de latrines. En Ouganda, la méthode PHAST a été expérimentée à Katwe, site urbain très difficile où les locataires n'étaient aucunement incités à améliorer une situation très mauvaise en ce qui concerne l'hygiène du milieu. Finalement, quatre groupes communautaires ont été créés. En l'espace de quelques mois, des latrines avaient été construites, le drainage avait été amélioré et l'enlèvement des ordures organisé. La méthode PHAST a été largement diffusée dans le cadre du Programme au moyen de manuels et de matériel vidéo. De nombreux organismes l'ont adoptée pour des activités de formation. - 37 - Troisième partie III : La promotion du nouvel ordre du jour, 1994-98 Au milieu des années 90, la communauté de l'eau et de l'assainissement était confrontée à un paradoxe. D'un côté, il y avait une remarquable unanimité sur le nouvel ordre du jour sectoriel les problèmes à résoudre et les solutions appropriées. De l'autre, la performance du secteur restait très insuffisante dans les pays en développement. Dans un mémorandum interne de la Banque mondiale sur l'avenir du Programme, Curt Carnemark, directeur de la Division de tutelle, indiquait : « C'est comme si tout le monde était d'accord sur ce qu'il faudrait faire, sans que personne ne le fasse. La gageure, c'est d'aller au-delà des slogans et des souhaits pour passer à l'action. » Face à ce dilemme, quel pouvait-être le rôle du Programme, outre son rôle existant de conseil et de partenaire opérationnel ? Principaux enjeux Le problème clé était effectivement de passer des discours à l'action dans le secteur de l'eau et de l'assainissement. Dans les pays en développement, un grand nombre de pauvres étaient toujours privés de services. D'après les données du Programme commun OMS/UNICEF de surveillance de l'eau et de l'assainissement, la couverture de la distribution d'eau était passée de 50 % à 70 % entre 1990 et 1994 en milieu rural alors qu'elle s'était maintenue à 82 % en milieu urbain pendant la même période. Quant à la couverture de l'assainissement, elle avait en fait diminué de 67 % à 63 % en milieu urbain et de 20 % à 18 % en milieu rural. Plus de 1 milliard de personnes n'avait toujours pas accès à un approvisionnement approprié en eau, et près de 3 milliards faisaient leurs besoins en plein air ou dans des installations non hygiéniques. La crise croissante de l'assainissement urbain Le rythme extraordinaire de l'urbanisation dans le monde en développement et les pressions de plus en plus grandes auxquelles était soumis l'habitat urbain étaient en passe de devenir la nouvelle « cause célèbre » internationale. Après une longue période durant laquelle l'approvisionnement en eau des zones rurales avait été la priorité, l'assainissement urbain redevenait un sujet majeur de préoccupation. Dans les zones d'habitat spontané et les bidonvilles tentaculaires, la menace d'épidémies mortelles était toujours présente, et elle s'est de fait concrétisée dans quelques cas. En 1991, une épidémie dévastatrice de choléra a éclaté au Pérou puis s'est étendue à presque tous les pays de l'Amérique du Sud ; en 1994, la peste a fait fuir les habitants de la ville de Seurat en Inde et fait souffler un vent de panique sur le plan international. Il ressortait de l'examen des programmes d'infrastructure urbaine, notamment à la Banque mondiale, que les offices municipaux de l'eau dans les pays en développement étaient souvent d'une inefficacité flagrante et gaspillaient des ressources par ailleurs limitées. L'accroissement de la population et l'évolution des niveaux de vie donnaient lieu à une augmentation considérable de la consommation d'eau et de la production des déchets. Face à cette charge supplémentaire, les services publics étaient débordés, tandis que les fuites et les carences de gestion étaient monnaie courante. En moyenne, les autorités ne faisaient payer aux usagers de l'eau et de l'assainissement que 35 % des charges récurrentes. Un cercle vicieux s'était créé : les services étaient de si mauvaise qualité que les coûts ne pouvaient pas être recouvrés, et les recettes perçues étaient si limitées que les services ne pouvaient pas être améliorés. Chaque fois qu'une ville devait mettre en place de nouvelles installations pour compléter son approvisionnement en eau, les coûts unitaires doublaient généralement. Dans ces conditions, pour les pauvres des villes, quelles étaient les perspectives de voir les services se rapprocher de leur direction ? - 38 - Cette analyse a joué un rôle important dans l'évolution des conceptions sectorielles. Elle confirmait une fois pour toutes que, dans les pays en développement, on n'avait aucune chance de succès en donnant aux administrations publiques le monopole de l'installation et de l'exploitation des systèmes de distribution d'eau, de drainage et d'égouts. Ces administrations n'avaient ni la motivation ni les moyens de fonctionner dans une logique de rentabilité. Il fallait renverser le schéma traditionnel des services d'eau et d'assainissement et redonner la responsabilité aux particuliers, aux ménages et aux entrepreneurs privés. Dans le cas des pauvres, cette responsabilité ne leur avait en fait jamais échappé. Ils avaient été forcés de s'approvisionner eux-mêmes, en payant les vendeurs d'eau, les éboueurs et les ramasseurs de déchets humains jusqu'à 100 % plus cher que ce que payaient les usagers raccordés aux réseaux municipaux avec des résultats lamentables sur le plan de la santé personnelle et collective. Pendant les années 80, une poignée de « techniciens engagés » a commencé à s'attaquer aux conditions de vie sordides qui régnaient dans les quartiers pauvres surpeuplés de certaines villes de pays en développement. Parmi les expériences d'assainissement qu'ils ont lancées, la plus connue est le projet pilote Orangi, à Karachi (Pakistan). Dans ce projet novateur, 90 % des ménages de la plus vaste zone d'habitat spontané de Karachi (900 000 personnes) se sont organisés pour planifier, construire et payer des égouts et des raccordements individuels, tout en insistant auprès de la municipalité de Karachi pour qu'elle fournisse des canalisations d'égouts primaires et secondaires. Ce projet a été une grande source d'inspiration pour d'autres opérations et pour l'évolution des conceptions sectorielles. Il a montré que, lorsqu'elles étaient motivées et organisées, les communautés pouvaient construire et gérer les systèmes de façon beaucoup plus économique et efficace que les administrations classiques de la santé publique. Orangi n'était pas le seul exemple d'une communauté urbaine qui ait pris l'initiative de résoudre elle-même ses problèmes d'assainissement, sous l'impulsion de dynamiques entrepreneurs et dirigeants locaux appartenant ou associés à des ONG. Il y avait aussi l'exemple du programme d'assainissement urbain de Kumasi au Ghana (page ..) auquel le Programme avait été étroitement associé, et celui du réseau peu onéreux d'égouts « en copropriété » à Recife, au Brésil. Dans les systèmes d'assainissement « en copropriété », particulièrement adaptés à certains modes d'habitat, des groupes de maisons sont directement reliés au collecteur principal, rendant inutile une grande partie des canalisations de rues, ce qui a permis de réduire les coûts de construction. A une époque plus récente, on a vu se créer à Malang (Indonésie) une entreprise, dans le cadre d'une initiative locale entièrement autofinancée grâce à laquelle 1 000 familles ont été reliées à un réseau d'égouts de petit diamètre. Le « technicien engagé » qui a mis sur pied ce projet, indépendamment de tout autre projet et de tout financement extérieur, gagnait auparavant sa vie en conduisant un minitaxi. Il est entré à l'Office municipal de l'assainissement en 1989 et a transposé le projet dans d'autres quartiers de la ville. Le premier système mis en place fonctionne bien et sans subvention depuis 1987. La leçon à tirer de ces exemples n'était assurément pas qu'il y avait une solution unique sur le plan technique ou organisationnel à la crise de l'assainissement en milieu urbain, bien au contraire. Quels que soient les arguments avancés en faveur des systèmes d'assainissement en « copropriété » ou « sur place », les faits montrent que l'important était d'avoir de l'imagination et de l'esprit d'entreprise, et de faire preuve de souplesse dans la programmation. Comme dans le domaine de la distribution d'eau, un important principe s'imposait : tenir compte des préférences des usagers et de ce qu'ils étaient prêts à payer, en leur proposant le choix entre plusieurs options. Autre principe : les services d'assainissement pouvaient être subdivisés en divers éléments comme les services résidentiels et les raccordements qui étaient pris en charge par différents prestataires et parties prenantes. - 39 - Le renforcement des capacités Le thème du renforcement des capacités et du développement des ressources humaines occupait une place de premier plan depuis l'avènement des approches à faible coût. Cela étant, les paramètres de ces approches n'étaient pas tous universellement compris ni assimilés par les responsables à l'échelon national et local. Alors qu'il leur fallait adopter de nouveaux concepts, les administrations et les services techniques de la plupart des pays en développement manquaient d'informations, de connaissances, de savoir-faire et d'expérience. En d'autres termes, leurs « capacités » (au plan de la compréhension et de l'exécution) étaient faibles. L'idée que bien des échecs essuyés dans l'action pour le développement sont imputables à la faiblesse des capacités et que celles-ci doivent être par conséquent renforcées est devenue fort répandue dans les milieux du développement. Les mauvais résultats des projets sont souvent attribués au fait que l'organisation responsable de la fourniture des services après la phase de construction ne dispose pas des ressources humaines, du savoir-faire ou de l'expertise technique nécessaires. Parfois, elle a une structure inappropriée ou est entravée par un cadre législatif peu favorable à l'efficacité. Le « renforcement des capacités » est le terme utilisé pour décrire le processus de développement, d'amélioration et de réforme des institutions à tous les niveaux du niveau national au niveau local en vue de l'exploitation efficace des services. En 1991, lors d'un colloque du PNUD à Delft (Pays-Bas), le concept de renforcement des capacités dans le secteur de l'eau et de l'assainissement a été défini ainsi qu'une stratégie en vue de son application dans les pays. Le concept était à trois volets : création d'un « environnement favorable » par le biais de la politique générale et du cadre législatif et réglementaire ; renforcement institutionnel, y compris la participation communautaire ; et développement des ressources humaines, y compris la formation et l'éducation. La nouveauté de cette approche du renforcement des capacités résidait dans sa vaste portée et dans l'idée que tous les domaines devaient être abordés en même temps dans un cadre qui leur permettait de se renforcer mutuellement. Le colloque s'est révélé être une autre grande étape de l'après-Décennie de l'eau par la reconnaissance du rôle important joué par le processus de renforcement des capacités dans la pérennité des services et des ressources. Les participants ont admis que le processus devait être conduit sous l'impulsion des pays, de façon continue, et englober tous les organismes et agences sectoriels, qu'ils soient professionnels ou non professionnels, formels ou informels. Le renforcement des capacités pouvait être aidé par certains outils : études-bilans du secteur de l'eau ; réforme des politiques et des institutions en vue de redistribuer les fonctions et de faire participer des entrepreneurs privés ; éducation en vue de l'acquisition de nouveaux savoir-faire et de nouveaux concepts ; utilisation des stratégies de communication et des médias ; et amélioration de la base des connaissances. Lors d'un deuxième colloque du PNUD en 1996, l'application du nouveau concept et les enseignements tirés de l'expérience ont été passés en revue. L'utilité du concept a été confirmée, et les outils et les approches ont été affinés. La fourniture de services adaptés à la demande La notion de renforcement des capacités n'a jamais été contestée. Beaucoup plus controversée était la question de savoir pourquoi renforcer les capacités. Une démarche tout à fait nouvelle se faisait jour dans la fourniture des services, lourde de conséquences pour les institutions, les politiques sectorielles, la valorisation des ressources humaines et le cadre réglementaire. L'eau devrait être considérée comme un bien économique : tel était le principe le plus révolutionnaire adopté à Dublin en 1992. Ce principe signifiait que l'eau avait une valeur sur le plan de l'environnement et de la production ; cela voulait dire aussi que l'approvisionnement en eau potable, besoin fondamental de la personne humaine, ne pouvait plus être considéré comme un critère suffisant - 40 - pour justifier une installation technique. Selon ce principe, le besoin d'un système d'approvisionnement en eau, quel qu'il soit, qui place une construction ou un dispositif technique entre l'usager et la source d'eau (cours d'eau, source, lac ou aquifère) doit être exprimé en termes de demande effective ou de « volonté de payer ». Le service n'a des chances de durer et ne dure que s'il a aux yeux des gens une valeur chiffrable, qui peut ensuite être intégrée aux coûts. Pendant des décennies, les critères de survie et de santé ont été l'argument imparable par excellence pour justifier l'expansion des services d'eau et d'assainissement. La crainte que des épidémies (surtout de choléra et de maladies diarrhéiques potentiellement mortelles) ne se déclarent dans des habitats surpeuplés et sales justifiait les dépenses sanitaires en raison du risque connu par l'ensemble de la population. La même logique avait présidé aux investissements d'infrastructure sanitaire, d'abord dans les pays industrialisés puis dans les pays en développement. Lorsque la Décennie de l'eau a été lancée en 1981, l'objectif de faire reculer les maladies liées à l'eau et aux déchets dans les régions les plus pauvres du monde a été clairement annoncé. Pendant la Décennie, la question de savoir si l'approvisionnement en eau des collectivités pauvres avait réellement eu un effet sur le plan de la santé a fait l'objet de nombreux débats. Dans nombre de cas, la réponses était négative, essentiellement parce que les comportements n'avaient pas changé. L'eau de la pompe était peut-être salubre, mais elle se contaminait souvent en passant de la pompe à l'habitation ou dans les citernes. Certains experts estimaient que le volume d'eau utilisé par les ménages (pour la toilette et le nettoyage) était plus important pour la santé que la qualité de l'eau. Le volume n'augmentait sensiblement que si la source était très proche du point d'utilisation. Pour d'autres experts, il ne servait à rien de fournir de l'eau sans assainissement du milieu, ce qui était encore souvent ignoré. La justification des solutions basées sur l'offre par des considérations de santé reste encore aujourd'hui largement acceptée. Au moment de l'introduction de la notion de gestion communautaire, le manque d'enthousiasme éventuel des bénéficiaires a été attribué à leur regrettable ignorance des dangers liés au manque d'hygiène et aux microbes, ignorance qui ne résisterait pas à une forte dose d'éducation en matière de santé et d'hygiène. Des études ont ensuite montré qu'effectivement, lorsque la mise en place des services s'accompagnait d'actions d'éducation sanitaire, les comportements avaient plus de chances de changer pour tout ce qui touchait à l'eau et aux déchets, et l'impact des services sur la santé pouvait être augmenté. Mais si l'éducation pouvait influencer l'utilisation et l'impact des services, elle était rarement le facteur de déclenchement de la demande de ces services, laquelle dépendait plus de la rareté de l'eau et de l'éloignement des points d'eau ou de considérations pratiques que de l'importance de l'eau pour la santé. Dans les années 90, il était devenu clair que le succès ou l'échec des programmes d'eau et d'assainissement à faible coût était principalement déterminé par la demande des usagers. Là où il y avait une demande locale de services fournis au moyen d'installations techniques, les programmes avaient beaucoup plus de chances de réussir si le coût et le niveau du service fourni étaient adaptés à la situation des usagers. Dans ce cas, on voyait alors apparaître sur le marché local (comme cela s'est produit au Bangladesh, par exemple) des pièces de rechange de pompes manuelles et des cuvettes de latrines. Là où la demande n'était pas forte, les programmes pouvaient la stimuler. Dans les deux cas, l'accent devrait être mis sur la commercialisation d'un produit ou d'une gamme de produits (cuvettes, égouts, pompes, bornes-fontaines, fosses septiques). Des campagnes d'éducation sanitaire devraient être menées en même temps pour apprendre à utiliser les nouvelles installations de façon à améliorer la santé personnelle et familiale. A long terme, les bienfaits sur le plan de la santé, de même que la commodité et le prestige social, contribueraient à promouvoir ou à consolider la demande. Les administrations nationales et les organisations internationales de financement ne sont pas habituées à vendre des produits, mais plutôt à fixer et à faire réaliser des objectifs de services. On ne peut pas forcer les marchés, comme les bureaucraties, à fonctionner selon un plan administratif - 41 - préétabli. Dès lors, tout programme visant à encourager ou à développer la commercialisation des installations d'eau et d'assainissement auprès des consommateurs devait être suffisamment souple pour qu'on assiste à un processus d'apprentissage et de croissance. Les subventions ne devaient pas être nécessairement toutes supprimées, surtout pour les travaux initiaux de construction, mais elles ne devaient pas être d'un niveau qui empêche le marché local de se développer. Comme dans le projet de Yacupaj en Bolivie (page ..), dans lequel 50 % des coûts des services étaient pris en charge par les collectivités, il fallait trouver des systèmes de rechange (systèmes d'écoulement par gravité, pompes pour utilisation domestique, latrines construites dans divers matériaux) lorsque la gamme des produits existants n'était pas satisfaisante pour les usagers. Dans les approches axées sur la demande, l'accent était mis sur la prise de décisions en fonction des préférences des populations locales en ce qui concernait le type et l'emplacement du système, ainsi que de la « volonté de payer » manifestée par ces populations pour un niveau de service donné. Proposer un choix d'options adaptées au marché potentiel du point de vue des prix, de l'attrait et de la technologie, tel était le défi à relever dans les programmes. Aux récalcitrants qui objectaient que les pauvres n'auraient pas les moyens de payer et ne devraient pas avoir à payer une ressource naturelle essentielle à la survie et à la santé, il était répondu que, dans le système existant, les pauvres payaient souvent leur eau beaucoup plus cher que ce qu'ils auraient à payer dans les systèmes à faible coût bien gérés. Par ailleurs, si les usagers se contentaient d'une source, d'une rivière ou d'un puits traditionnel, il était inutile de leur construire un système dont ils ne voulaient pas, même après qu'on leur en ait vanté les avantages. A terme, leur manière de voir changerait peut-être. Entre-temps, par l'éducation sanitaire, on pouvait les amener à se soucier de la salubrité de l'eau de surface qu'ils buvaient et à préserver la qualité de cette eau. Le Programme et la Division de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement de la Banque mondiale ont fait de considérables efforts pour mettre au point les principes et les règles de base qui devaient guider les planificateurs dans la mise en oeuvre de l'approche « basée sur la demande ». Quatre règles générales ont été identifiées. En premier lieu, il ne faut pas considérer que toutes les communautés situées dans le périmètre d'un projet ont nécessairement droit au service ; pour bénéficier du service, encore faut-il qu'elles soient désireuses d'améliorer les conditions existantes. En deuxième lieu, les décisions relatives aux installations et aux niveaux de service doivent être prises par les collectivités à partir d'un choix d'options qui leur a été présenté, avec les charges correspondantes. En troisième lieu, les arrangements de partage des coûts doivent être précisés. Enfin, l'accent doit être mis sur la pérennité, et les collectivités doivent savoir qui sera propriétaire des installations, qui les gérera et qui financera l'entretien. Principales activités du Programme La Stratégie du Programme dans les années 90, élaborée en 1992, comportait trois volets : Appuyer des investissements viables ; aider à la mise en oeuvre de projets à grande échelle en vue de mettre en place, de suivre et d'adapter des approches permettant aux communautés pauvres d'avoir accès à des services basés sur leur propre demande et gérés avec leur participation. Constituer des capacités nationales et locales selon un processus qui contribue à renforcer les politiques sectorielles par des réformes et des changements institutionnels propres à créer un environnement propice aux approches à base communautaire. Diffuser systématiquement les leçons et les connaissances découlant des activités du Programme auprès des partenaires, des autres programmes et des autres organismes de financement extérieur à l'échelle nationale, régionale et mondiale. - 42 - De nombreuses activités menées dans les pays prioritaires du Programme restaient consacrées à l'élaboration des politiques sectorielles. Elles donnaient lieu souvent à la réalisation d'études sectorielles qui débouchaient sur des stratégies et des plans d'action nationaux dans le domaine de l'eau et de l'assainissement (comme au Népal). Par ailleurs, le Programme continuait d'être associé à la conception et à l'exécution de projets financés par la Banque mondiale et d'autres bailleurs de fonds. Dans bien des cas, les activités programmes de formation et ateliers participatifs, appui aux réseaux de formation, diffusion de « trousses » pour la parité hommes-femmes et de méthodes participatives visaient spécifiquement le renforcement des capacités à tous les échelons. Les équipes régionales et nationales ont également contribué à la coordination sectorielle en travaillant avec les organismes officiels et les organisations locales sur des projets précis. La promotion des approches adaptées à la demande est devenue l'une des priorités du Programme. Bien qu'il soit amplement prouvé par le programme bolivien et de nombreux autres programmes que les services adaptés à la demande ont de meilleures perspectives de pérennité, la mise en application de cette approche reste dans bien des cas problématique. Il arrive que dans des pays, les autorités responsables de l'eau et de l'assainissement continuent de fournir les services suivant la démarche traditionnelle basée sur l'offre, en ajoutant quelques éléments participatifs ; certaines d'entre elles ont greffé un système décentralisé d'exploitation et d'entretien sur le système en place. L'exemple classique d'une mauvaise application de l'approche, c'est le cas d'un programme dans lequel les pouvoirs publics construisent les installations, puis (sans aucune initiation, formation ou consultation locale préalable) annoncent aux collectivités qu'elles sont chargées de l'entretien, et disparaissent. Il se rencontre souvent dans les pays dans lesquels le contexte politique et culturel est très autoritaire et peu ouvert à la programmation souple et à la décentralisation de la prise de décisions. Cela étant, il est établi que les choses avancent progressivement. Après tout, la transformation radicale des conceptions et des pratiques ne peut pas se faire d'un jour à l'autre. L'apprentissage structuré En 1994, le Programme a commencé à donner une place plus importante à ce qui était dénommé l'« apprentissage structuré » et la « supervision stratégique ». En effet, il était de plus en plus clair que le consensus sur ce qu'il fallait faire ne signifiait pas pour autant que cela était fait, en tout cas pas à l'échelle requise. L'apprentissage structuré visait à doter le Programme de moyens plus rigoureux de tirer les leçons de l'expérience et de les documenter, en vue de les diffuser ensuite. L'apprentissage structuré exigeait que les hypothèses sous-jacentes à la conception d'un projet soient énoncées dès le stade de la conception, et que les rapports ultérieurs soient établis au regard de ces hypothèses, de façon à avoir une analyse systématique des succès et des échecs. La « supervision stratégique » devait compléter le suivi ordinaire des projets dans le même cadre. Les principes sur lesquels le projet était basé étaient suivis comme dans le processus d'exécution, ce qui permettait de faire un examen critique du déroulement et de recentrer le projet en cas de besoin. Ces deux ensembles de paramètres devaient permettre de comparer les résultats de projets similaires dans différentes régions et dans divers pays. Avec la priorité donnée aux leçons de l'expérience, trois cibles ont été mis au point en vue de l'évaluation des projets proposés, avant toute participation du Programme : Caractéristiques du projet : Le projet doit être un vecteur de leçons qui sont ensuite appliquées dans d'autres projets nationaux et internationaux de distribution d'eau et d'assainissement. Il doit être basé sur une conception souple et évolutive qui permet de rectifier le tir et de tirer les leçons de l'expérience. - 43 - Environnement du projet : Le projet doit prétendre à avoir un impact sur la fourniture et la viabilité des services dans le pays en question. Les administrations responsables doivent être favorables à l'approche de l'apprentissage par l'expérience et être disposées à appliquer les enseignements ainsi tirés aux futurs projets d'eau et d'assainissement. Site du projet : Le projet doit être situé dans l'un des pays prioritaires du Programme de façon à pouvoir mettre en place la supervision stratégique nécessaire et s'assurer ainsi que l'apprentissage par l'expérience et l'adaptation ont lieu et sont documentés. Il n'a pas été possible d'incorporer et d'appliquer ces cibles dans tous les projets appuyés par le Programme, en particulier le premier cible (qui exige que le projet soit un vecteur de l'apprentissage par l'expérience). Le projet Assainissement et approvisionnement des communautés (CWSSP) en Sri Lanka a été un des projets dans lesquels l'approche de l'apprentissage structuré a été incorporée. Dès les débuts du projet en 1993, des indicateurs ont été établis, de même que des systèmes de collecte de données et des mécanismes de suivi pour le suivi régulier de l'avancement. Les personnels du projet ont pu ainsi revoir les règles et les procédures et les adapter en fonction de l'expérience. Au lieu de considérer les revers comme étant mauvais pour leur note de performance, ils ont créé une culture de l'apprentissage et de l'adaptation parmi tous les protagonistes : pouvoirs publics, organisations partenaires et collectivités. Plusieurs aménagements ont été faits à la conception du projet à la suite de ce processus d'évaluation continue. Au départ, on avait supposé que les collectivités ne pouvaient financièrement se permettre que des options techniques très simples et qu'elles allaient se contenter de services de base. Les organisations partenaires chargées de la mobilisation des populations locales les avaient orientées dans cette direction. En fait, il est apparu que les habitants des communautés rurales étaient prêts à payer cinq fois plus pour avoir un point d'eau pour 1-5 ménages au lieu d'un point d'eau pour 20 ménages. Les options technologiques ont été étendues en conséquence. La politique financière initiale a dû aussi être amendée. Dans le plan de partage des coûts, il était envisagé que, si une collectivité voulait une option de service d'un coût plus élevé, la subvention accordée serait augmentée d'autant. Mais on s'est rendu compte que les collectivités choisissaient l'option la plus coûteuse uniquement à cause de la subvention plus élevée qui l'accompagnait. On a donc fixé une subvention maximum pour toutes les options technologiques de façon à inciter les communautés à prendre des décisions plus éclairées. Le projet CWSSP en Sri Lanka a montré que les collectivités pouvaient s'organiser et choisir le type de système dont elles voulaient, à condition de recevoir un soutien technique approprié et d'être bien informées. Sur les 170 opérations analysées rétrospectivement, 163 ont été terminées à un coût inférieur aux estimations initiales. Là où elles sont parties prenantes au projet et où elles contrôlent les ressources, les collectivités ont fait preuve de beaucoup d'ingéniosité pour diminuer les coûts. La contribution de la population locale au projet a finalement été de 9,4 millions de dollars, au lieu des 2,5 millions initialement prévus. Tout au long de la transposition du projet à des périmètres de plus en plus étendus, l'apprentissage structuré a continué à être une source d'informations en retour sur la base desquelles on a pu définir les rôles à confier aux usagers, aux secteurs public et privé dans la fourniture de services durables. - 44 - L'assainissement urbain Dès le début des années 90, on a à nouveau repensé la façon dont le Programme pouvait focaliser davantage ses efforts sur la crise montante de l'assainissement urbain. Lors d'ateliers et de réunions régionales, des bailleurs de fonds, des institutions de recherche et de formation, des consultants et des ONG ont réfléchi ensemble à la marche à suivre. Il restait nécessaire de démontrer que les approches souples, axées sur la demande, en rupture avec les démarches classiques, étaient viables. En 1997, un rapport faisant la synthèse de l'expérience acquise a été publié dans le cadre du Programme sous le titre Towards a Strategic Sanitation Approach: Improving the Sustainability of Urban Sanitation in Developing Countries. L'auteur en était Albert Wright, l'un des ingénieurs de l'opération pilote de Kumasi qui avait abouti à l'adoption d'un plan stratégique d'assainissement de 28 millions de dollars pour toute la ville. La nécessité de développer et de partager les connaissances a conduit à la proposition de création d'un réseau international d'assainissement urbain dans le cadre du Programme. L'idée est que les membres mettent à la disposition du réseau les résultats de leurs programmes et de leurs recherches, de façon à encourager les activités conjointes de planification et de formation. La participation du secteur privé aux services urbains comme exploitants, sous-traitants de l'entretien et percepteurs des redevances d'eau est un autre domaine qui fait l'objet de nouvelles initiatives du Programme. Même dans les bidonvilles et les zones d'habitat spontané où les gens sont pauvres et ont une capacité de consommation très limitée, la participation du secteur privé aux services peut être payante. Ce qu'il faut, c'est commencer par comprendre comment les habitants se procurent l'eau et l'assainissement et agir sur cette base au lieu de faire table rase. La meilleure solution est dans certains cas de régulariser ou d'encadrer sur le plan réglementaire un système informel d'eau et d'assainissement qui existe déjà. Les ONG peuvent jouer le rôle d'entrepreneur en prenant en charge les activités jusqu'à ce que la collectivité ait les moyens de s'autofinancer. On peut former les artisans privés à la fabrication des latrines ou à la technologie des biogaz et les aider à démarrer une affaire. Les projets de développement communautaire peuvent être orientés vers l'épargne, le crédit et la création de revenus, qui peuvent ensuite servir à financer l'assainissement urbain, toujours très demandé dans les villes à forte densité de population. En vue de mettre au point des approches allant dans ce sens, le Programme mène des recherches sur la fourniture de services par les petits entrepreneurs ce qui constitue la solution de rechange à laquelle beaucoup de communautés pauvres sont obligées de se rallier. Les prestataires du secteur informel et les petits entrepreneurs sont souvent considérés comme des profiteurs et des voleurs parce qu'ils font payer l'approvisionnement en eau ou l'évacuation des déchets au coût réel et non à des taux fortement subventionnés. Mais leurs services répondent incontestablement à une demande et, dans nombre de cas, ils constituent des solutions d'un bon rapport coût-efficacité pour des niches spécifiques. Ils ont souvent un créneau à cause des insuffisances du service public, mais leurs activités sont souvent non réglementées et illégales. Il est nécessaire de mieux comprendre la façon dont les systèmes informels opèrent, et la façon dont on peut instaurer de nouveaux types de relations entre les prestataires du secteur formel et ceux du secteur informel. La réponse à la demande : l'étude mondiale Pendant les 20 années d'existence du Programme PNUD-Banque mondiale, on a assisté à une révision en profondeur des politiques et des principes régissant les investissements extérieurs dans le secteur de l'approvisionnement en eau des zones rurales. Admettre que l'eau doit être considérée comme un bien économique, et pas seulement comme un bien social, cela implique de prêter beaucoup plus d'attention à la demande des usagers dans la conception et la gestion des services. Les planificateurs des projets - 45 - ont dû établir des règles et des procédures pour que la demande puisse s'exprimer et que des choix efficaces et efficients puissent être faits. De nombreux organismes de financement extérieur, dont la Banque mondiale, s'efforcent aujourd'hui d'incorporer ces aspects à leurs activités de coopération dans le secteur de l'approvisionnement en eau des zones rurales. Cependant, les règles et les procédures des projets ne sont pas toujours cohérentes, et le degré de souplesse requis pour que les décisions d'investissement soient prises en tenant compte avant tout de la demande des usagers varie considérablement d'un programme à l'autre. Dès lors, il a été décidé, dans le cadre du Programme PNUD-Banque mondiale, d'entreprendre une étude mondiale sur le degré de réponse à la demande, afin de déterminer s'il y a réellement comme on le prétend souvent une corrélation entre cette réponse à la demande et la pérennité des services. L'étude a été effectuée en 1996-97 dans six pays (Bénin, Bolivie, Honduras, Indonésie, Ouganda et Pakistan) par des équipes de terrain qui comprenaient des chercheurs d'ONG et d'universités. Parmi les projets examinés dans chaque pays, il y avait au moins un projet financé par la Banque mondiale, et des installations servant 125 communautés au total ont été ainsi passées en revue. Dans chaque cas, des données relatives à 11 indicateurs ont été recueillies : six sur le rôle des collectivités dans l'exécution, et cinq sur la performance du projet. L'étude a conclu que les perspectives de pérennité des systèmes étaient grandement accrues lorsqu'une approche axée sur la demande était adoptée au niveau local. Cependant, elle a aussi montré que, même dans les projets où elle avait été adoptée, l'approche était suivie de façon peu cohérente. Dans quelques cas, les collectivités n'étaient pas bien informées du rôle qu'elles étaient censées jouer dans le recouvrement des coûts ou n'avaient pas eu la possibilité d'exprimer leurs préférences dans le choix des systèmes. Ces incohérences étaient d'autant plus marquées qu'il y avait de nombreux intermédiaires dans l'exécution (ONG, sous-traitants privés, personnel du projet lui-même). La pérennité était plus grande lorsque les ménages eux-mêmes, plutôt que leurs représentants symboliques tels que les anciens ou les chefs traditionnels, tenaient une place importante dans la consultation locale. D'après l'étude, la formation celle des ménages comme celle des comités d'usagers de l'eau joue un rôle important dans la pérennité. Ceci fait penser que, même là où il existe une forte demande d'eau, il faut apprendre aux collectivités à faire fonctionner et à réparer le système et leur faire savoir ce qu'elles peuvent en attendre. Les programmes d'éducation sanitaire influencent la valeur qu'elles accordent au système et donc leur disposition à le maintenir en bon état. La capacité à garder le système en état de marche dépend beaucoup de l'existence d'une organisation communautaire (un comité d'usagers de l'eau, par exemple) chargée de la gestion. Même dans les projets adaptés à la demande, la construction des installations est souvent assurée par des organismes peu réceptifs à cette demande. Lorsque les organismes officiels ou les entrepreneurs privés n'ont pas de comptes à rendre aux communautés sur les décisions prises conjointement ou sur les vices de construction, les populations locales n'ont pas confiance dans les arrangements de partage des coûts. La volonté de payer est considérablement amoindrie lorsque les gens ne peuvent pas contrôler la façon dont leurs contributions sont dépensées, ou lorsqu'ils ne perçoivent pas de lien direct entre ce qu'ils paient et la construction ou l'entretien de l'installation. Lorsque ces liens sont vagues ou insuffisamment expliqués, les habitants considèrent les redevances comme un impôt général plutôt que comme le prix à payer pour un niveau donné de service. Dans l'ensemble, l'étude a été importante en ce qu'elle a démontré l'existence de liens entre la réponse à la demande et la pérennité. Mais elle a aussi montré qu'à travers le monde, rares sont les projets qui réussissent à suivre une approche satisfaisant pleinement aux critères de réponse à la demande. De grands efforts de sensibilisation restent à faire parmi toutes les parties prenantes si l'on veut passer des discours et des replâtrages superficiels de la conception des projets à de véritables stratégies de programmation basées sur la demande. - 46 - Enseignements Après la fin de la Décennie de l'eau, un nouveau programme d'action est apparu pour les activités d'approvisionnement en eau et d'assainissement dans les pays en développement. Il est né en grande partie de la conscience plus aiguë des problèmes d'environnement et des risques de pénurie d'eau et de pollution ; mais la forme qu'il a prise a été influencée par les leçons apprises durant la Décennie de l'eau sur les politiques et les pratiques appropriées pour étendre les services aux pauvres. Le Programme PNUD-Banque mondiale a contribué tant à l'élaboration du programme d'action qu'à l'obtention d'un consensus (grâce à la multiplicité des partenaires qu'il rassemble). Cependant, il a fallu du temps pour préciser le rôle que le Programme lui-même allait jouer dans la mise en oeuvre de cet ordre du jour. Il y avait un monde de différence entre le fait d'« aider les gouvernements à fournir des services aux régions à faible revenu » la mission initiale du Programme et le fait d'« aider à créer des capacités au sein des communautés et au niveau des gouvernements afin que les communautés à faible revenu puissent avoir accès aux services » la mission découlant du nouveau programme d'action. Dans le premier cas, il était possible d'intervenir pour orienter les politiques et les projets vers certaines directions, qu'il s'agisse des aspects matériels ou non matériels. Dans le second cas, le Programme ne pouvait pas par définition intervenir directement ; il devait avoir un rôle de sensibilisation, de facilitation, de proposition d'options et de méthodologies, de préparation de « trousses », d'analyse, d'établissement de réseaux et de communication des idées. Si ces propositions et ces analyses n'étaient pas retenues, ou si elles étaient retenues plus en paroles qu'en actions, comment devait-on alors juger la performance du Programme ? Il avait été dit et redit qu'il n'existait pas de modèle unique pour les projets : les solutions « qui marchent » devaient être mises au point sur le terrain, au prix d'adaptations et de retouches tout au long de l'exécution. Il ne suffisait pas de dire que les éléments non matériels doivent compléter les éléments matériels. Plus on insistait sur la satisfaction de la demande et la délégation des décisions au niveau le plus bas possible, plus nombreuses étaient les variables qui déterminaient le « succès » ou « l'échec » des interventions dans différents contextes hydrogéologiques, socio-culturels, économiques et politiques. Plus on avançait dans l'ère du « non-matériel », plus il devenait difficile d'identifier des indicateurs communs au regard desquels on pouvait tirer des enseignements, et de faire la synthèse de l'expérience afin d'instituer un processus d'« apprentissage structuré » transposable à l'échelle internationale. En 1995-96, le Programme a fait l'objet d'une deuxième évaluation majeure. L'équipe d'évaluation a recommandé sans réserve que le Programme soit poursuivi et a approuvé les nombreuses contributions qu'il avait faites dans le contexte de la réduction de la pauvreté. Il y avait encore beaucoup d'arguments en faveur d'un programme international autonome axé sur le terrain, qui s'appuyait sur une équipe de professionnels respectés et qui pouvait utiliser le sceau de la Banque mondiale et du PNUD pour aider au processus de réorientation et de réforme institutionnelle dans les pays. Différents types de problèmes ont été également identifiés lors de l'évaluation. Il est apparu que, dans de nombreux projets financés par le Programme, la dimension de la demande n'avait pas été suffisamment intégrée et l'on s'était contenté de greffer des éléments de participation et de consultation communautaires sur les activités de base. Le processus systématique d'apprentissage qui était l'un des principaux objectifs du Programme présentait des faiblesses. L'étude mondiale sur l'approvisionnement en eau des zones rurales représentait une tentative d'établissement d'un programme de recherche axé sur l'acquisition des connaissances. Elle avait été suivie d'une autre tentative, sous forme d'une initiative participative d'apprentissage et d'action dans 14 pays, qui avait pour but de déterminer la relation existant entre les approches participatives et tenant compte de la problématique hommes- - 47 - femmes, l'adaptation à la demande et la pérennité des services. Mais on se heurtait encore à de nombreuses difficultés dans la recherche de moyens efficaces de recueillir les expériences utiles, d'en faire la synthèse et de les diffuser, ainsi que dans la mesure de la performance du Programme en termes de promotion du nouvel ordre du jour de l'eau et de l'assainissement au plan national et local. L'évaluation a conduit, entre autres choses, à un réexamen de la mission du Programme. En 1996, une mission révisée a été adoptée dans les termes suivants : Le Programme aide les pauvres à obtenir un accès durable à des services améliorés d'approvisionnement en eau et d'assainissement. La stratégie du Programme a elle aussi été revue, l'accent étant davantage mis sur la prise en considération de la demande et la décentralisation des prises de décisions à l'échelon le plus bas possible. Le renforcement des capacités occupait désormais une place centrale dans toutes les activités, dans le cadre d'une stratégie à trois volets : renforcement des politiques sectorielles, appui à des investissements viables, et acquisition et communication des leçons de l'expérience. Une stratégie de communication a été adoptée dans le contexte du troisième objectif. Dans le document stratégique de 1998, il est reconnu que, dans les années à venir, l'établissement de réseaux, le partage de l'information et l'échange des pratiques optimales au moyen des technologies modernes de l'information sont appelés à devenir des fonctions de plus en plus importantes du Programme sur le plan international. L'évaluation a ainsi eu pour résultat de donner une nouvelle vigueur au Programme. L'exercice a également renforcé les liaisons du Programme avec d'autres partenaires de la communauté internationale de l'eau et de l'assainissement ainsi que ses propres réseaux internes et externes. Dans son rapport, l'équipe d'évaluation indique : « Le Programme s'est transformé tout en aidant le secteur à se transformer. Il devrait continuer à évoluer en fonction de l'évolution de son environnement, et donner ainsi un exemple de perfectionnement continu. » Évolution des idées sur le plan international Au cours des deux dernières années, les questions relatives à l'eau ont pris une plus grande importance dans le débat international. Lors de sa session extraordinaire de 1997, l'Assemblée générale des Nations Unies a demandé qu'un bilan soit fait des progrès enregistrés depuis le Sommet de la Terre de 1992 dans le domaine de l'environnement et du développement durable et a adopté une résolution recommandant l'intensification des activités relatives à l'eau dans le cadre du nouvel ordre du jour. En 1998, une conférence ministérielle « Eau et développement durable » a eu lieu à Paris ; après une réunion préparatoire tenue à Harare (Zimbabwe), la Commission des Nations Unies sur l'environnement et le développement durable s'est réunie en session extraordinaire à New York pour débattre des questions relatives à la gestion et au développement des ressources en eau. La création en 1996 du Conseil mondial de l'eau (CME) a été un autre signe de l'importance politique acquise par l'eau, après deux ans de préparation. Le Conseil joue le rôle d'organisme de réflexion qui a pour mission de faire connaître à tous les niveaux, y compris aux échelons les plus élevés, les problèmes critiques associés à l'eau et leurs liens avec la protection de l'environnement. Le CME a tenu son premier Forum mondial de l'eau en mars 1997 à Marrakech. En Août 1988, le Conseil annoncera un nouveau projet de développer une vision sur l'eau, à long terme, la vie, l'environnement ou une vision mondiale sur l'eau. Entre-temps, en 1995, une nouveau réseau international le Partenariat mondial pour l'eau a été créé avec le soutien du PNUD, de la Banque mondiale, de l'ASDI et d'autres bailleurs de fonds bilatéraux en vue de promouvoir l'ordre du jour sur le plan stratégique. Le Partenariat mondial pour l'eau n'est pas un programme mais un réseau mettant en présence les nombreuses organisations internationales, bilatérales et non gouvernementales actives dans le domaine de la gestion et du développement des ressources en eau, y compris l'approvisionnement en eau et l'assainissement. Un comité consultatif technique composé d'experts identifie les types de problèmes et recherche les - 48 - solutions et les sources de fonds potentielles pour y faire face. Dès le début du Partenariat mondial pour l'eau, il était prévu que le Programme PNUD-Banque mondiale, l'une des principales organisations partenaires, contribuerait de façon importante à fournir des informations au réseau et à mettre en oeuvre les activités identifiées par le Partenariat spécifiquement dans le secteur du génie sanitaire. A l'aube du XXIe siècle, la demande dont fait l'objet la réserve limitée d'eau douce de la planète fait peser une menace sur une ressource naturelle dont l'utilisation aux fins de l'approvisionnement en eau des ménages et de l'assainissement est en concurrence avec d'autres utilisations importantes agricoles, industrielles et environnementales. La gestion des ressources en eau exige une approche intégrée, avec des mécanismes neutres pour arbitrer entre les demandes concurrentes ou contradictoires. Alors que la consommation augmente avec l'accroissement de la population et l'évolution des modes de vie, les considérations de coût-efficacité, d'efficacité et d'équité dans la gestion de l'eau deviennent chaque jour plus pressantes. La communauté internationale a mis en garde contre le risque réel que de graves différends à propos de l'eau éclatent dans un avenir pas si lointain à l'intérieur des États et entre les États. A mesure que les pressions augmentent, le poids politique des problèmes de l'eau ne peut que s'accroître lui aussi. Dans le débat sur le partage de l'eau, la pénurie et la pollution de l'eau, il sera de plus en plus important que des voix s'élèvent en faveur de « l'eau et l'assainissement pour tous », pour reprendre le mot d'ordre de la campagne internationale à laquelle le Programme PNUD-Banque mondiale a participé depuis sa création. L'effort actuellement mené pour établir des systèmes pratiques et économiques capables de répondre aux besoins des usagers à faible revenu doit se poursuivre. Il en va de même de l'effort de réorientation du secteur du génie sanitaire, de façon à détrôner les approches basées sur l'offre en faveur d'approches axées sur la demande, sans perdre de vue le droit fondamental de tous les habitants de la planète à disposer d'un approvisionnement en eau et d'un assainissement suffisants pour vivre et avoir une qualité de vie minimum. Dans ce contexte, le Programme PNUD- Banque mondiale et ses équipes de terrain continueront de défendre et de faire connaître ces principes fondamentaux, même si le nouveau débat s'inscrit dans le contexte plus large des ressources. L'avenir Pendant les 20 années qui se sont écoulées depuis la proclamation de la Décennie internationale de l'eau et la naissance du Programme PNUD-Banque mondiale, le paysage mondial s'est profondément transformé pour ce qui est de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement. Cette transformation touche à la ressource elle-même et à la conscience écologique de son caractère limité, ainsi qu'aux politiques et aux pratiques de collecte, de distribution et d'utilisation. Même dans les pays industrialisés où l'eau est abondante, on commence à se rendre compte de la valeur et de la vulnérabilité de l'eau, et du fait qu'on ne peut pas compter d'office sur un approvisionnement garanti, illimité, peu onéreux et de qualité. Dans les pays manquant d'eau, le tableau est beaucoup plus sombre. Environ 230 millions de personnes vivent dans 26 pays classés comme déficients en eau, essentiellement au Moyen-Orient et en Afrique subsaharienne. Plusieurs grands centres urbains sont d'ores et déjà confrontés à un manque d'eau et à des crises de pollution. Et des millions de familles pauvres n'ont toujours pas accès à un approvisionnement adéquat en eau ou à une méthode salubre d'assainissement. Lorsqu'à la fin des années 70, un vaste effort international a été mis en train en vue de répondre aux besoins « essentiels » de nourriture, de logement, d'approvisionnement en eau, d'assainissement, entre autres éléments nécessaires à un niveau de vie minimum, les problèmes et les solutions semblaient en apparence simples. S'agissant des services d'approvisionnement eau et d'assainissement, l'obstacle majeur était jugé être le manque de modèles pratiques et abordables. Mais la recherche-développement - 49 - sur les technologies appropriées devait vite montrer que les aspects non matériels étaient au moins aussi importants et beaucoup plus ardus. Pendant et juste après la Décennie de l'eau, les aspects non matériels étaient considérés englober le développement des ressources humaines et la formation, l'éducation dans le domaine de la santé et de l'hygiène, et la participation des collectivités et des femmes à l'exploitation, à l'entretien et à la gestion des services. En 1992, avec l'élaboration des principes de Dublin, l'éventail des problèmes jugés critiques s'était considérablement élargi et avait pris des dimensions que ne pouvait pas laisser prévoir la simple addition du « non-matériel » au « matériel ». Ce qu'il fallait, c'était rien moins que la création d'un nouvel ordre dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, accompagné d'une transformation des mentalités et des pratiques du haut vers le bas dans le secteur de la santé publique et de l'ingénierie. Dans l'histoire de la coopération internationale pour l'approvisionnement en eau et l'assainissement, chaque étape a fait apparaître une nouvelle génération de défis, en apparence plus complexes. En même temps, l'expérience a permis de mieux comprendre la façon dont les gens subviennent à leurs besoins d'eau et d'assainissement et les améliorations qu'ils désirent. Malgré l'énorme chemin parcouru et les nombreuses réalisations enregistrées, la mise au point des projets est aujourd'hui, par rapport à ce que l'on pouvait envisager il y a 20 ans, un exercice infiniment plus complexe, dans lequel beaucoup plus de questions doivent être abordées en détail. La raison en est, au bout du compte, que la fourniture des services ne se réduit plus à la construction d'installations à confier à l'entrepreneur offrant le meilleur rapport coût-efficacité, mais qu'elle est maintenant censée contribuer au développement économique, social et humain des gens, y compris à leurs qualifications, à leur savoir et à leur capacité d'organisation. C'est le succès de ces processus et non la perfection technique des installations qui conditionne en dernière analyse l'utilisation des services, leur pérennité et leur impact sur la santé et la qualité de la vie. Le principal changement conceptuel réside dans le remplacement de la notion de « bénéficiaires » par la notion d'« usagers » des services. Lorsque ce sont les usagers qui déterminent les services, la demande doit avoir atteint un stade auquel la valeur des services est appréciée (pour des raisons de commodité, de santé et de qualité de la vie) et auquel les usagers savent ce qui est financièrement à leur portée, comment les services qu'ils ont choisis fonctionnent, et comment les prestataires et les gestionnaires s'acquittent de leurs fonctions. Comment créer cette demande, et comment fournir les services correspondants de façon transparente et responsable, sans perdre de vue le droit fondamental au partage d'une ressource naturelle, voilà le grand défi auquel les praticiens de l'eau et de l'assainissement continuent de faire face. Pendant ces 20 dernières années, le Programme PNUD-Banque mondiale a été à l'avant-garde pour ce qui est de comprendre et de s'attaquer aux générations successives de défis à relever dans la fourniture de services d'eau et d'assainissement aux communautés pauvres. Il est bien positionné pour relever le défi actuel, qui est le passage nécessaire à des approches axées sur la demande et alignées sur les besoins des usagers. Le nouvel ordre de l'eau et de l'assainissement a peut-être été défini conceptuellement, mais il reste encore beaucoup à faire avant qu'il ne soit pleinement intégré aux politiques et aux pratiques dans le monde en développement. Du fait de la plus grande attention apportée au problème de l'eau, il y a de grandes possibilités de générer de nouvelles ressources et de susciter la volonté politique nécessaire ; mais si des efforts constants ne sont pas faits pour promouvoir les approches bénéfiques aux pauvres, les besoins de ces derniers risquent d'être vite marginalisés et oubliés. Pour être efficaces, ces efforts doivent se fonder sur une solide expérience pratique dérivée de « l'apprentissage structuré ». - 50 - Ce rôle n'est qu'un de ceux qu'on recommande de confier au Programme ; c'est aussi celui pour lequel il a le plus net avantage comparatif. La stratégie actuelle du Programme l'approche à trois volets basée sur le renforcement des politiques sectorielles, l'appui aux investissements viables, et l'acquisition et la communication des connaissances a déjà fait ses preuves. Le Programme est bien placé pour jouer un rôle central dans l'organisation d'activités pilotes, la fourniture de conseils, et les efforts de promotion, d'expérimentation et de perfectionnement autour des approches axées sur la demande, dans toutes leurs dimensions et sous tous leurs aspects institutionnels. Le Programme sera-t-il identifié avec les approches axées sur la demande comme il l'était dans les années 80 avec les pompes manuelles et les sanitaires communautaires ou dans les années 90 avec la promotion du rôle des femmes et les techniques participatives ? Seul l'avenir le dira. Quelle que soit la direction qu'il prendra, le Programme continuera, par sa nature hybride, de conjuguer l'esprit pionnier autonome et la respectabilité de l'institution établie. D'un côté, il a innové, expérimenté, promu et proposé de nouvelles approches, en exerçant une influence sans commune mesure avec ses ressources et en défendant la cause des pauvres. De l'autre, il a contribué à préparer et à exécuter d'importants investissements à grande échelle, en utilisant le sceau prestigieux du PNUD et de la Banque mondiale. Ce mélange d'indépendance et de bureaucratie, en dépit de ses contradictions, a été une source de force et de créativité. Avec l'esprit de partenariat qu'il incarne, le Programme a offert et continuera d'offrir un exemple exceptionnel de coopération internationale pour assurer l'accès des pauvres à l'approvisionnement en eau et à l'assainissement. - 51 - Sources principales Alaerts, Guy et al. (directeurs de publication). A Strategy for Water Sector Capacity Building: Proceedings of the UNDP Symposium, IHE, Report Series 24, Delft, Pays-Bas. An Assessment of the UNDP-World Bank Water and Sanitation Program, Rapport établi par une équipe indépendante, 1991. Arlosoroff, Saul et al. Approvisionnement en eau des collectivités : l'option « pompes manuelles », Banque mondiale, 1988. Black, Maggie. Children First: the Story of UNICEF, Past and Present, OUP, 1996, et The Children and the Nations: The Story of UNICEF, UNICEF, 1986. Black, Maggie. Mega-Slums: The Coming Sanitary Crisis, A WaterAid Report, 1994. Boerma, Pauline. 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Household Demand for Improved Sanitation Services: A Case Study of Kumasi, Ghana, Programme PNUD-Banque mondiale pour l'eau et l'assainissement, 1992. - 53 - Les auteurs se sont également entretenus avec les personnes suivantes : Ingvar Anderson, Saul Arlosoroff, Carl Bartone, Pauline Boerma, Robert Boydell, John Briscoe, Curt Carnemark, William Cosgrove, Piers Cross, Mike Garn, David Grey, Bruce Gross, Brian Grover, Frank Hartvelt, David Howarth, John Kalbermatten, Mina Mauerstein-Bail, Tim Rothermel, Jennifer Sara, Tova Maria Solo. - 54 - Équipe de gestion du Programme PNUD-Banque mondiale pour l'eau et l'assainissement 1978-98 Responsables de la Banque mondiale pour l'eau et l'assainissement 1978-83 John Kalbermatten 1983-86 Michael Cohen 1987-92 Curt Carnemark 1992-94 John Blaxall 1994-96 John Briscoe 1996- Vincent Gouarne Directeurs du Programme pour l'eau et l'assainissement 1987-89 Saul Arlosoroff 1989-90 David Grey (par intérim) 1990-92 David Howarth 1992-94 John Blaxall 1994-95 Bruce Gross (par intérim) 1995- Brian Grover Directeurs de projet/personnel clé Groupe consultatif technique 1978-84 Richard Middleton 1984-85 Geoffrey Read 1985-87 Carlo Rietveld Pompes à main 1980-87 S. Arlosoroff 1987-89 David Grey Récupération 1981-85 Charles Gunnerson 1986-89 Carl Bartone Réseau international de formation 1984-87 Michael Potashnik 1987-90 Willie Barreiro 1990-92 Piers Cross PROWWESS/Parité hommes-femmes et participation 1991-93 Deepa Narayan 1993-96 Wendy Wakeman 1997- Bruce Gross Personnel de terrain/chefs d'équipe régionale Afrique occidentale et centrale 1982-85 Philip Owusu (PPU) 1985-89 Gunther Heyland (SDT) 1989-92 Alain Locussol (SDT) 1992-95 Alain Mathys (WSP) 1996- Mathewos Woldu (WSP) - 55 - Afrique orientale et australe 1982-86 Tauno Skytta (PPU) 1986-88 Lars Rasmusson (SDT) 1989-92 John Blaxall (WSP) 1992-94 Gunnar Schultzberg (WSP) 1994-96 Tore Lium (WSP) 1996- Jean Doyen (WSP) Asie du Sud 1981-85 Jaroslav Kozel (PPU) 1985-87 Chandra Godivatarme (SDT) 1989-92 Tauno Skytta (WSP) 1992-94 Peter Lockery (WSP) 1994-97 Robert Boydell (WSP) 1997- Piers Cross (WSP) Asie de l'Est et Pacifique 1987-91 Terry Hall (SDT) 1989-92 Saul Arlosoroff (WSP) 1992-95 Robert Boydell (WSP) 1995- Jerry Silverman (WSP) Région andine 1990-92 Alan Carroll (WSP) 1992-94 Jennifer Sara (WSP) 1995 Philippe Auffret (WSP) 1995- Alain Mathys (WSP) - 56 - Dates clés du secteur de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement Date Initiative 1977 Conférence des Nations Unies sur l'eau, Mar del Plata (Argentine) · Lors d'une grande conférence des Nations Unies, l'engagement mondial est pris de pourvoir aux besoins de base des populations sans accès à des services d'approvisionnement en eau salubre et d'assainissement. · Les années 80 sont proclamées Décennie internationale de l'eau potable et de l'assainissement. 1981-90 Décennie internationale de l'eau potable et de l'assainissement · L'Assemblée générale des Nations Unies lance la Décennie en 1981 avec pour slogan : « L'eau et l'assainissement pour tous ». Le principal objectif de la Décennie est d'améliorer la couverture des services et, partant, de réduire les maladies liées à l'eau et à l'assainissement. · Dans le cadre de la Décennie, de nouveaux fonds et de nouvelles énergies sont mobilisés pour étendre les services aux pauvres. Les approches existantes sont remises à plat et la Décennie est considérée être un succès, alors que la couverture de l'approvisionnement en eau des zones rurales passe de 30 % à 50 %. Mais les progrès réalisés sont dans beaucoup de cas annulés par l'accroissement de la population. 1987 Consultation internationale sur l'eau potable et l'assainissement, Interlaken (Suisse) · A une réunion rassemblant des bailleurs de fonds, des partenaires de pays en développement et des ONG, les progrès réalisés durant la Décennie de l'eau sont passés en revue et des principes et des pratiques sont définis d'un commun accord en vue de l'expansion des activités sectorielles jusqu'à l'an 2000. · Il est décidé de créer le Conseil de coopération pour l'approvisionnement en eau et l'assainissement, qui doit être un forum international pour des échanges de vues sur des questions clés. 1990 Conférence « Eau salubre 2000 », New Delhi (Inde) · Consultation mondiale tenue sous l'égide des Nations Unies sur l'eau salubre et l'assainissement dans les années 90, durant laquelle les leçons tirées à la fin de la Décennie de l'eau sont analysées. · La conférence adopte des orientations générales sur l'environnement, la santé, les réformes institutionnelles requises pour l'application des approches intégrées et la promotion de la participation des femmes, la gestion et le financement communautaires. 1991 Premier forum mondial du Conseil de coopération pour l'approvisionnement en eau et l'assainissement, Oslo (Norvège) · Le Conseil décide d'accorder la priorité aux améliorations dans sept domaines : collaboration au niveau des pays, urbanisation, exploitation et entretien, recherche appliquée, gestion de l'information, communications et égalité hommes-femmes. · Le Conseil se réunit ensuite tous les deux ans pour faire le point de ces sujets et d'autres dossiers : en 1993 (au Maroc), en 1995 (à la Barbade) et en 1997 (à Manille). - 57 - 1992 Conférence internationale sur l'eau et l'environnement : Le développement dans la perspective du XXIe siècle, Dublin (Irlande) · La Conférence fixe quatre principes directeurs pour les activités dans le domaine de l'eau : 1) la gestion de l'eau exige une approche intégrée, holistique ; 2) l'eau est un bien économique dont la valeur doit être respectée ; 3) la participation des parties prenantes est indispensable à la pérennité des services ; 4) le rôle central des femmes dans la gestion de l'eau domestique doit être pris en considération. Dans la nouvelle approche, le rôle des pouvoirs publics est de faciliter plutôt que de tout faire. · Les principes de Dublin, comme on les a appelés par la suite, ont guidé les débats de politique générale et les actions de coopération internationale dans le secteur de l'eau pendant les années 90. 1992 Le Sommet de la Terre : Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, Rio de Janeiro (Brésil) · Au Sommet de la Terre, il est reconnu que la protection et la gestion des ressources en eau font partie intégrante du débat sur l'environnement et le développement durable. · A la CNUED et dans Action 21, le document clé de la conférence, l'importance de l'eau est soulignée en tant que ressource environnementale et bien économique, et la nécessité de faciliter l'accès aux services de base est reconnue dans le cadre global de la gestion des ressources en eau. 1994 Conférence ministérielle « Eau potable et hygiène environnementale : mise en oeuvre d'Action 21 », Noordwijk (Pays-Bas) · La conférence ministérielle se penche en particulier sur les moyens de promouvoir et d'appliquer la nouvelle approche définie à Dublin et à Rio pour les services d'approvisionnement en eau et d'assainissement. · Dans la nouvelle approche, l'eau est considérée comme une ressource limitée, dont la gestion doit se fonder à la fois sur le principe de l'équité et sur le principe de la demande, ainsi que sur la participation des usagers, notamment des femmes, au choix et à la prestation des services. La nouvelle approche n'est pas unanimement approuvée par les pays en développement, et il faudra certainement du temps avant qu'elle soit pleinement intégrée. 1996 Partenariat mondial pour l'eau · Le Partenariat mondial pour l'eau est créé et doté d'un secrétariat à Stockholm en vue d'appuyer des approches intégrées de gestion durable de l'eau, conformément aux principes adoptés à Dublin et à Rio. 1997 Conseil mondial de l'eau · Le Conseil mondial de l'eau est créé en vue de définir une perspective à long terme pour le secteur de l'eau, et de faire connaître les questions relatives à l'eau aux niveaux politiques et décisionnels les plus élevés. Il tient son premier Forum mondial de l'eau à Marrakech. 1998 Conférence internationale « Eau et développement durable », Paris · Lors d'une conférence internationale organisée en Europe, on met l'accent sur la nécessité pressante de prendre des mesures pour conserver et gérer efficacement les ressources d'eau à l'échelle planétaire, sans perdre de vue la nécessité d'assurer l'accès des pauvres aux services. - 58 - 1998 Conférence sur l'approvisionnement en eau collective et l'assainissement, Washington · Conférence organisée sous l'égide de la Banque mondiale en vue de permettre aux praticiens et aux décideurs de différents pays d'échanger leurs expériences en matière d'approches axées sur la demande. - 59 - Chronologie du Programme Dates Initiative 1976 Projet de recherche de la Banque mondiale sur les technologies à faible coût · Sous la présidence de Robert McNamara, la Banque mondiale s'engage à s'attaquer aux problèmes de la pauvreté. Des solutions de rechange doivent être trouvées aux systèmes classiques d'approvisionnement en eau et d'assainissement qui ne peuvent pas être étendus aux pauvres. · Il s'agit du premier projet de recherche de la Banque mondiale sur de nouvelles approches à faible coût dans le domaine de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement. 1978 Projet PNUD-Banque mondiale d'approvisionnement en eau et d'assainissement à faible coût -TAG · Le premier « projet mondial » Banque mondiale-PNUD est mis sur pied en préparation de la Décennie de l'eau. · Le Groupe consultatif technique aide à la conception de projets basés sur des technologies à faible coût et établit une « réserve » de projets susceptibles d'être financés par les bailleurs de fonds. Les équipes et les experts font connaître les modèles à faible coût, en particulier pour l'assainissement, et aident à leur mise en application. 1981 Projet Essai et développement de pompes manuelles · Deuxième grand projet mondial PNUD-Banque mondiale : essais en laboratoire et sur le terrain et développement technologique de pompes manuelles à usage collectif. Essais sur le terrain dans 15 pays. L'approvisionnement en eau des zones rurales est désigné principale activité de la Décennie de l'eau. · Le projet met au point le concept d'exploitation et d'entretien au niveau du village (EENV), qui devient le principal critère dans la conception des pompes manuelles. Les résultats du projet sont présentés dans un rapport qui fait date : « L'option pompes manuelles ». 1982 Groupes d'élaboration de projets · Les Groupes d'élaboration de projets sont créés au niveau régional par le PNUD et la Banque mondiale en vue de remédier au manque de projets bien préparés susceptibles d'être financés. · Les groupes sont convertis en Équipes de développement sectoriel en 1984 pour répondre aux besoins de conseil en politique sectorielle ; ils deviennent les équipes de base PNUD-Banque mondiale et sont ensuite transformés en Groupes régionaux sur l'hydraulique et l'assainissement. 1984 Réseau international de formation à la gestion de l'eau et à l'assainissement (RIF) · Le RIF est lancé en vue d'aider les institutions des pays en développement à adopter des approches à faible coût pour l'approvisionnement en eau et l'assainissement et pour former le personnel à la construction et à l'utilisation des installations. · Des aides audiovisuelles et des manuels sont largement diffusés ; les échanges en réseau entre sept centres RIF établis en Afrique et en Asie sont appuyés du siège du Programme jusqu'en 1994. - 60 - 1987 Création du Programme PNUD-Banque mondiale pour l'eau et l'assainissement · Consolidation des projets mondiaux financés par le PNUD et gérés par la Banque mondiale dans le cadre du Programme PNUD-Banque mondiale pour l'eau et l'assainissement. · Établissement progressif d'équipes régionales (Groupes régionaux sur l'hydraulique et l'assainissement) en Afrique (de l'Est et de l'Ouest) et en Asie (à New Delhi puis à Singapour), en vue de planifier, de concevoir et d'exécuter les projets et les politiques sectorielles. 1988 Première stratégie du Programme · Le Programme doit se focaliser sur les aspects « non matériels ». Voici la stratégie : 1) au niveau national, renforcer les capacités et développer les services par des projets pilotes et des conseils ; 2) au niveau international, établir des modèles d'exécution et faire connaître les expériences. · Le Programme assoit sa réputation en tant que source de conseils pratiques et de guide sur la façon d'appliquer les enseignements de la Décennie de l'eau. 1990 Conférence « Eau salubre 2000 », New Delhi · Les expériences et l'expertise du Programme sont fortement mises à contribution pour les consultations mondiales organisées à la fin de la Décennie de l'eau dans le cadre de la conférence « Eau salubre 2000 ». · Le Programme est reconnu comme étant une ressource importante pour l'après- Décennie, et aide à l'établissement du Conseil de coopération pour l'approvisionnement en eau et l'assainissement. 1991 Intégration du PROWWESS au Programme · Le projet interrégional du PNUD pour la promotion du rôle des femmes dans l'approvisionnement en eau et l'assainissement (PROWWESS) est intégré au Programme PNUD-Banque mondiale. · Le Programme commence à publier Tool-kits (Trousses) en vue d'incorporer la participation communautaire et les questions d'égalité entre hommes et femmes aux activités relatives à l'approvisionnement en eau et à l'assainissement. Ces aspects sont progressivement intégrés à l'ensemble des activités. 1991 Première grande évaluation du Programme par des experts indépendants · Le Programme fait l'objet d'une évaluation approfondie à la lumière des nouveau défis à relever dans le cadre de l'ordre du jour international de l'après-Décennie. · D'après l'évaluation, le programme contribue à la mise en oeuvre du « nouvel ordre du jour » pour l'approvisionnement en eau et l'assainissement et à la promotion des investissements dans les nouvelles approches. 1992 Deuxième stratégie du Programme · La nouvelle stratégie du Programme vise à permettre aux collectivités à faible revenu d'accéder à des services d'approvisionnement en eau et d'assainissement adaptés à leur propre demande, au lieu de suivre une approche basée sur l'offre. · La stratégie met l'accent sur l'apprentissage structuré, qui consiste en collecte systématique de données en vue d'analyser les approches qui sont performantes et d'en détailler les modalités. - 61 - 1992-94 Renforcement des équipes régionales · Le Programme consacre de plus en plus de ressources aux équipes régionales basées en Afrique de l'Est et de l'Ouest, en Asie de l'Est et du Sud, tandis qu'une nouvelle équipe est mise sur pied en Amérique latine. · Les projets pilotes donnent des résultats mitigés ; mais un projet pilote mené en Bolivie aboutit à un programme national d'approvisionnement en eau et d'assainissement axé sur la demande et financé par des bailleurs de fonds importants. 1993 Le SKAT prend le relais pour le développement et la promotion des pompes manuelles · Le Programme passe le relais à l'Institut suisse de technologie appropriée (SKAT) auquel il transmet l'expérience qu'il a accumulée en matière de développement des pompes manuelles. 1995 Deuxième grande évaluation du Programme · Dans le contexte du projet de création d'un Partenariat mondial pour l'eau, une nouvelle évaluation du Programme est confiée à des experts indépendants. · L'évaluation donne un avis favorable sur la stratégie du Programme et sur la priorité accordée au renforcement des capacités, à la promotion de services durables, et au processus d'apprentissage structuré ; mais elle conclut que la capacité du Programme à tirer les leçons de l'expérience et à les diffuser est insuffisante. 1997 Étude mondiale sur la durabilité dans l'approvisionnement rural en eau · Une étude de grande envergure est mise en route en vue de faire la synthèse de l'expérience acquise dans le cadre du Programme dans un large éventail de pays en ce qui concerne l'approvisionnement en eau et l'assainissement en milieu rural. · L'étude analyse le lien entre la prise en considération de la demande et la durabilité ; elle conclut que la seconde dépend de la première, mais constate que les approches basées sur l'offre restent tenaces. 1997 Assainissement en milieu urbain · Compte tenu de la rapide urbanisation en cours dans le monde en développement, le Programme est recentré de façon à faire de l'assainissement urbain un domaine prioritaire, dans lequel des capacités commencent à être constituées. · Le Programme commence également à s'orienter vers le partenariat secteur public- secteur privé, en particulier dans le contexte des petits prestataires d'eau et d'assainissement en milieu urbain. 1998 Communications, connaissances et échange d'informations · En vue d'améliorer sa capacité en matière de collecte des données et de diffusion des leçons de l'expérience, le Programme élabore une stratégie de communication et d'échange d'informations. - 62 - Remerciements Directrice de la rédaction : Gayle Gibbons Recherches complémentaires et aide à la rédaction : Alexandra Gross, David DelVecchio Programme PNUD-Banque mondiale pour l'eau et l'asssainissement 1818 H Street NW Washington, DC 20433 Septembre 1998 Le présent document est publié à titre non officiel par le Programme PNUD-Banque mondiale pour l'eau et l'assainissement. Des exemplaires peuvent en être obtenus auprès du Programme. Téléphone 202-473-9785, fax 202-522-3228, email info@wsp.org ou site web du Programme http:www.wsp.org La Banque mondiale décline toute responsabilité en ce qui concerne les points de vue exprimés dans le présent document qui n'engagent que leur auteur et ne doivent être attribués ni à la Banque mondiale ni à ses institutions affiliées. Les appellations utilisées et les données présentées sont uniquement destinées à faciliter la lecture du document et n'impliquent de la part de la Banque mondiale ou de ses institutions affililiées aucun jugement quant au statut juridique d'un pays, d'un territoire, d'une ville, d'une région ou de ses autorités, ni quant à ses frontières ou à son appartenance territoriale.