34949 Transport en Afrique Note technique Programme de politiques de transport en Afrique subsaharienne Note 37 Août 2004 Renforcement des capacités de gestion et de financement du secteur routier Relever le défi Par Stephen Brushett, Les Sampson, et Solomon Waithaka CONTEXTE INSTITUTIONNEL Le secteur routier traverse une période caractérisée par d'importants changements. Les pays doivent suivre le rythme de la demande croissante d'infrastructures routières, en même temps qu'ils doivent s'attaquer au volume de travaux d'entretien en souffrance et aux cau- ses sous-jacentes. D'importantes réformes institutionnelles ont donc été menées et les pays soucieux d'améliorer la gestion de leurs routes ont mis en place des organismes de type commercial pour accroître, sur une base durable, le flux de ressources financières affectées L'objectif de cette série de au secteur. notes techniques est de par- tager l'information sur les Des institutions adaptées de même qu'un système de gestion routière efficace sont une études et les travaux du condition nécessaire mais non suffisante à l'amélioration du secteur. Les institutions se SSATP. Les vues exprimées forment à mesure que les ressources se développent ­ et le renforcement des capacités et sont celles des auteurs et ne compétences doit couvrir un éventail de besoins plus large que par le passé. Cette réalité est reflètent pas nécessairement désormais reconnue en Afrique subsaharienne (ASS) où les institutions du secteur ont souf- la position de la Banque fert plus qu'ailleurs d'un manque de qualifications du personnel ou de la difficulté de le mondiale ou de ses institu- garder. tions affiliées. LES BESOINS EN PERSONNEL QUALIFIE DE L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE Pour obtenir des rensei- La création de fonds routiers (il en existe 24 actuellement) et d'agences autonomes (dans au gnements sur ces notes, moins 12 pays) a entraîné un besoin croissant de personnel qualifié et aux compétences fi- veuillez contacter le nancières et administratives suffisantes pour participer activement au développement de ces SSATP, Région Afrique de nouvelles institutions. La question est de savoir si ces besoins sont effectivement satisfaits, la Banque mondiale à ce qu'il faut faire pour mobiliser l'appui au renforcement des capacités en management et l'adresse suivante : financement, vu i) le nombre croissant des pays africains qui engagent des réformes dans le secteur routier (au moins 30 pour le moment) ; ii) le nombre de nouvelles institutions en cours de création ou de restructuration ; et iii) compte tenu des départs ou de la rotation du ssatp@worldbank.org personnel. RENFORCEMENT DES CAPACITÉS SOUS FORME DE FORMATION Une variété de facteurs contribuent au renforcement et au maintien des capacités de gestion du secteur routier. De solides études et une formation de base dans les disciplines profes- sionnelles clés ­ génie, économie, comptabilité ­ sont essentielles. L'environnement institu- tionnel et un système d'incitations jouent un rôle déterminant pour optimiser les compéten- ces et assurer que ces compétences sont bien récompensées. La présente note porte sur un troisième ensemble de facteurs, la formation complémentaire dans des disciplines telles que la gestion et les finances, pour permettre aux nouvelles institutions et aux autorités concer- nées de tirer parti des meilleures pratiques internationales et d'internaliser de manière effi- cace les principaux enseignements de l'expérience. La Commission européenne, la Banque mondiale et la CEA 2 Le niveau d'éducation formelle jusqu'à la maîtrise (ou africains bénéficient d'une aide financière de la part de la commu- au-delà) est certes utile ­ mais l'idée ici part du principe nauté des bailleurs de fonds. Ceux qui ont participé au programme que des programmes de formation courts destinés à des en ont en général une opinion favorable et en sont très satisfaits. hauts cadres peuvent être aussi très efficaces. Ces pro- Toutefois, il n'est pas toujours facile de mesurer l'impact de la for- grammes non seulement permettent aux pays africains mation sur les institutions qui parrainent les participants. de profiter des expériences intra et extrarégionales. Tableau 2. Formation à l'Université de Birmingham Module finances (semaines de formation) RÔLE DE LA FORMATION INTERNATIONALE ET RÉGIONALE 2001 2002 2003 2004 Les pays africains de langue anglaise ont pu tirer parti, au cours des dernières années, des cours dispensés par la Total 23 32 25 43 Fédération routière internationale (FRI) et du pro- ASS 21 21 8 18 gramme offert aux cadres supérieurs par l'Université de Dont Birmingham. La Fédération s'est surtout consacrée à la Kenya 3 4 1 4 gestion des contrats, à la gestion du patrimoine routier et Ghana 2 1 3 5 à la sécurité routière. L'Université de Birmingham, qui Zambie 2 4 1 2 bénéficie d'un soutien actif du Programme de politiques Tanzanie 1 2 - - de transport en Afrique subsaharienne (SSATP), de la Nigeria 2 2 - 4 Banque mondiale et de partenaires externes comme l'Union européenne et le ministère britannique du Déve- LES PRINCIPAUX DÉFIS À RELEVER loppement international, a mis au point un programme annuel offert sous forme de modules menant à En partant de l'hypothèse que ce type de formation est bénéfique, l'obtention d'un certificat en gestion routière. Les tout les cinq domaines ici identifiés soulèvent les difficultés suivantes : derniers modules portaient sur les thèmes suivants : i) Assurer que l'ensemble des opportunités offertes permettent Innovations en matière de gestion des routes ; Finance- vraiment de faire face au volume de la demande, y compris dans ment de la route et gestion des fonds routiers, et Gestion d'autres langues que l'anglais ; du patrimoine routier. Le tableau ci-après présente le ii) faire appel aux associations régionales pour satisfaire la demande niveau de participation africaine de ces dernières an- et améliorer la conception des programmes ; nées. iii) circonscrire des marchés spécifiques dans le cadre de la de- Tableau 1. Formation à l'Université de Birmingham mande globale, et offrir des cours correspondants ; Tous les modules (semaines de formation) iv) promouvoir une plus grande participation des établissements de 2001 2002 2003 2004 formation, y compris en Afrique subsaharienne ; et v) concevoir et diffuser du matériel portant sur les innovations, ainsi Total 60 109 65 122 que sur les constatations et les recommandations relatives à l'amé- ASS 41 76 26 45 lioration de la gestion de la route. dont Kenya 8 19 3 9 STRATÉGIES POUR RELEVER CES DÉFIS Ghana 2 6 8 12 Zambie 3 8 3 6 Évaluation de la demande globale. L'expérience à ce jour ne per- Tanzanie 2 12 3 - met de déterminer ni l'ampleur de la demande, ni dans quelle me- Nigeria 3 5 - 9 sure cette demande peut être influencée par le coût (ou le lieu), pré- cieuse information pour les établissements de formation actuels et Les stagiaires africains représentaient un peu plus de éventuels. Il vaudrait la peine par exemple de mener des enquêtes et 50 % des participants, taux légèrement supérieur (55 %) d'établir des plans en conséquence. On peut dire, à tout le moins, pour le module finances. Environ 70 % des participants qu'il existe une demande francophone ­ à peine satisfaite par le provenaient du Kenya, de la Zambie, du Ghana, du Ni- passé ­ à laquelle cherche à répondre le programme de l'Ecole na- geria et de la Tanzanie, sur un total de 18 pays. De plus, tionale des Ponts et chaussées avec le concours du SSATP. Le ta- le Lesotho, le Malawi, la Namibie, la Sierra Leone et bleau 3 indique le nombre de stagiaires formés les deux premières l'Ouganda envoient régulièrement un nombre de parti- années, et montre la prépondérance peu étonnante des participants cipants. Dans une certaine mesure, pour l'Afrique sub- africains. saharienne les frais de participation constituent un obs- tacle (le programme fonctionne en régime de recouvre- Il faut dire que cette formation a jusqu'ici été principalement assu- ment des coûts). Ce désavantage est quelque peu com- rée en Europe et par deux établissements. À première vue, il y au- pensé par le fait que la grande majorité des stagiaires rait de bonnes raisons d'accroître le nombre et la diversité des insti- tuts. La manière dont on peut associer les institutions africaines est 3 examinée ci-après, mais il existe probablement d'autres et former les membres des conseils des fonds routiers à la planifica- options, à l'instar de la formation récemment offerte par tion et à la prise de décisions stratégiques. la Fédération routière internationale au Brésil. Matrice générale des cours de Tableau 3. Formation francophone à l'École nationale gestion et de finances des ponts et chaussées (semaines de formation) Secteur du marché Cadres Conseil Hauts 2003 2004 (finances 2004 Techni- moyens- d'administ fonction- (total) uniquement) (total) Composantes que /sup. ration naires Total 31 17 50 Principes fondamentaux Oui Oui Oui Oui ASS 30 15 46 Flux de revenu Sources Oui Oui Oui Oui dont Finance Calcul des frais Oui Oui Cameroun - 6 8 Gestion des Institutions Oui Oui Oui Tchad 5 1 5 fonds Systèmes Oui Oui Madagascar 9 - 6 Principes fondamentaux Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Participation des associations régionales. Il existe un Direction Structures institutionnelles Opérationnel Oui Oui nombre croissant d'associations liées à un secteur en Systèmes Financier Oui Oui ASS, l'Association des fonds d'entretien routier (AFERA) nouvellement créée, l'Association des ges- Promouvoir le rôle des centres de formation régionaux. Au dé- tionnaires et des partenaires africains de la route part, pour ce qui est de la formation des anglophones, relativement (AGEPAR) qui a été réorganisée ou des réseaux comme bien établie, il s'agirait de i) formuler une stratégie pour "déployer" SITRASSi et IFRTDii. Ces associations permettent l'information et, partant, offrir plus de cours, notamment des modu- d'accéder à une communauté de spécialistes aux besoins les adaptés à des marchés spécifiques ; ii) offrir la formation à un spécifiques et représentant divers segments d'une vaste plus grand nombre ; iii) associer les établissements nationaux et demande en termes de renforcement de capacités. Ces renforcer leurs capacités. Le même processus de "décentralisation" associations pourraient aisément être mises à contribu- pourrait être adopté pour la formation des francophones, en prêtant tion en i) identifiant les partenaires nationaux idoines, particulièrement attention aux marchés 1) et 2), même si ceux-ci ii) définissant les critères de sélection des candidats, iii) n'existent pas encore. Dans les pays anglophones, l'initiative a dé- organisant des ateliers nationaux, y compris pour la marré avec un programme de formation organisé en septembre 2003 formation de formateurs provenant d'institutions natio- en Éthiopie à l'intention de 19 participants. La même année, nales, iv) fournissant des conseils sur la diffusion des l'Université de Pretoria a organisé un cours de deux semaines offert enseignements tirés des cours de formation dispensés. À à 28 stagiaires en partenariat avec Birmingham. L'expérience se plus long terme, il faudrait leur donner un rôle de diffu- répétera en 2004 avec l'Université de Nairobi. L'idéal serait d'avoir sion du savoir. au moins trois centres, un en Afrique australe, un en Afrique orien- tale et en Afrique de l'Ouest ; ces centres pourraient, en partenariat, Développer des marchés spécifiques. La formation en dispenser une formation de haute qualité à un plus grand nombre et finances et en management n'est pas exclusivement à un moindre coût. Il faut s'attendre qu'avec le temps, les centres destinée aux responsables des agences ou des fonds régionaux jouent un rôle croissant dans la conception et la diffusion routiers, les ministères peuvent aussi en tirer profit, de matériel pédagogique et dans le travail de recherche, ce qui né- comme le secteur privé et les partenaires externes. On cessite au départ un gros effort pour ce qui est de la formation des peut penser à au moins quatre types de professions dont formateurs, du développement des compétences en matière de faci- les besoins parfois se chevauchent sans être identiques litation et des comportements axés sur le client. pour autant : 1) les cadres techniques, 2) les gestionnai- res des routes de niveau intermédiaire et supérieur, 3) Diversifier le matériel pédagogique. Il importe ici de satisfaire les membres de conseils d'administration, et 4) les hauts une demande croissante et plus diversifiée de matériel pédagogique responsables. Le tableau ci-après illustre la manière qui réponde aux besoins variés des marchés et en s'assurant que la dont les cours de formation pourraient répondre à ces documentation est disponible en français et en anglais. L'expérience besoins, en particulier des groupes 3) et 4), en effet, les à ce jour montre combien les études de cas basées sur les réalités pays engagés dans les réformes indiquent clairement africaines ont une valeur pédagogique réelle. Par ailleurs, pour ce que l'ignorance des conseils d'administration et des qui concerne le management technique et opérationnel, le plus dif- autorités ­ et l'opposition aux réformes dans certains ficile n'est pas de convaincre les participants des avantages des ré- services administratifs ­ font obstacles au changementiii. formes mais de leur fournir les outils qui leur permettront d'avoir Pour ce qui est de la formation dispensée aux conseils un impact sur les décisions prises. Le SSATP est bien placé pour d'administration, certaines initiatives de l'office natio- fournir ce matériel directement ou pour favoriser sa création, au nal des routes de la Zambie ont donné des résultats inté- travers par exemple des établissements africains de formation pour ressants. En outre, le jeu stratégique Tariff & Traffic, les études de cas. Ces études de cas pourraient par exemple se pré- conçu par le SSATP, pourrait être plus largement utilisé senter sous forme de documents d'analyse tels que ceux publiés par 4 le SSATP sur l'Ouganda et la Tanzanieiv, ou sous forme L'expérience montre que la formation est plus bénéfique si celle-ci d'examen comparatif entre plusieurs pays (expériences se fait en groupe. Les exemples ci-après illustrent le type sur les fonds routiers ou les péages). Si l'on parle d'avantages que les pays peuvent tirer d'une telle approche : d'instruments, on peut dire que le SSATP peut encore avoir un rôle important à jouer. Pensons par exemple au En 2000, le Kenya (comme le Laos) a fait suivre à modèle REDv, désormais disponible en français et en l'ensemble des membres du conseil des routes nouvellement anglais, avec lequel on peut planifier des stratégies créé un programme de formation en gestion de la route desti- d'investissement et d'entretien des routes à faible vo- né aux cadres supérieurs pour leur donner une idée précise de lume de trafic ou encore SOURCEvi, un outil de mesure leur tâche. de performance des réseaux routiers à grande échelle, La Zambie a pu recourir avec succès au même programme en qui fournit un indice commun des niveaux de services. 2001 et 2002 pour faciliter la préparation et l'adoption d'une nouvelle structure institutionnelle du secteur routier : une IMPACT DE LA FORMATION première équipe devait se pencher sur le cadre législatif et de politique, et la deuxième sur la mis en oeuvre. Enfin, Les établissements de formation, les promoteurs natio- naux et les partenaires externes qui financent cette acti- Le Tchad a présenté la réforme de son fonds routier comme vité veulent faire en sorte que la formation donne des un cas d'études lors de la première séance de formation pour résultats sur le plan institutionnel d'abord et ensuite francophones en 2003, et les avis exprimés à l'issue de la dans le secteur routier. Mais ces progrès ne sont pas présentation lui ont permis de mettre au point sa stratégie. automatiques, une stratégie anticipée ainsi qu'une plani- fication et une exécution minutieuses peuvent accroître CONCLUSION les chances de succès. La formation continue en gestion et financement de la route, dis- A quoi ressembleraient certaines de ces mesures ? pensée par des professionnels peut apporter une valeur considérable aux programmes de renforcement des capacités des institutions du les participants sont sélectionnés principalement secteur routier en ASS. Un certain nombre de dimensions pour- sur la base de leur contribution aux objectifs ins- raient accroître l'impact de la formation, sous forme en particulier titutionnels ; de partage des données d'expériences entre pays. Comme l'a mon- chaque participant doit avoir des objectifs de tré la présente note, il faut surtout poursuivre les travaux sur formation précis et ensuite, les résultats doivent l'évaluation de la demande, élargir l'éventail des prestataires, du être évalués selon un plan suivi de mise en oeu- point de vue géographique et linguistique, mieux circonscrire les vre ; et types de marché et adapter les stratégies de prestation, faire appel aux associations régionales pour ce qui est de l'expansion d'un le moment choisi pour la formation doit, si possi- ble, correspondre à des moments précis de prise marché et de la diffusion et enfin, diversifier le matériel didactique, de décision, ou alors être harmonisé avec les cy- notamment les études de cas. cles stratégiques et de planification au sein des établissements pour améliorer les résultats. Les auteurs tiennent à exprimer leur gratitude pour l'aide, les observations et les suggestions qu'ils ont reçues de Musta- pha Benmaamar, Sadie Charles, Bernard Gambini, Ian Heggie, Richard Robinson, Dieter Schelling et Martin Snaith. i Solidarité internationale sur les transports et la recherche en Afrique subsaharienne ii Forum international pour le transport rural et le développement iiiPinard, M.I. et S.M.A. Kaombwe, "Mise en oeuvre et impact de l'IGR", Document de travail SSATP nº 62. iv Kumar, A., "A Contrasting Approach to Road Reforms", Document de travail SSATP nº.1 et "A Review of Road Sector Re- forms in Tanzania", Document de travail SSATP nº 2. v Archondo-Callao, R., Modèle de décision économique pour les routes à faible trafic", Document de travail SSATP nº 78. vi Fernique, L, "SOURCE ­ Une méthode de suivi des performances des réseaux routiers à grande échelle" SSATP Note 34.