180 Développement humain Avril 2001 Findings fait le point sur les travaux en cours dans les domaines opérationnels, économiques et sectoriels entrepris par la Banque mondiale et ses états membres dans la Région Afrique. Le bulletin est publié péri- odiquement par le Centre de Documentation pour le compte de la Région. Les opinions émises dans Findings n'engagent que le(s) auteur(s) et ne sauraient être attribuées au Groupe de la Banque mondiale. Tanzanie : éducation communautaire Le "Mfuko wa Elimu ya Msingi" ou Fonds financement du système, la baisse de qualité d'Education Communautaire a été initié en des intrants scolaires et la réduction du 1995. Il a été consenti du fait qu'il constitu- financement public pour les chefs de ait l'un des deux volets essentiels du Projet dépenses autres que les salaires. La réduction de Valorisation des Ressources Humaines du financement public a entraîné, pour les (PVRH) lancé en 1997. Le PVRH est un parents, un accroissement des différents projet pilote initié par le gouvernement tan- frais et prélèvements, se soldant par une zanien et financé sur un crédit Banque baisse de la demande d'éducation. En outre, mondial/IDA d'un montant de 20,9 mil- la qualité de service a souffert d'une distor- lions de dollars. Le projet est conçu pour sion des mécanismes institutionnels, et les dégager des solutions à certains des prob- ressources parvenaient rarement aux écoles à lèmes fondamentaux d'accès et de qualité qui temps, si tant est qu'elles leur parvenaient. caractérisent le système éducatif tanzanien. Les rares ressources disponibles pour le con- trôle de qualité, le suivi et la supervision aux D'abord reçue avec scepticisme, l'initiative niveaux du district et de l'école signifient en est à sa quatrième reconduction par rap- que les communautés sont effectivement port à l'objectif initial, et elle en train de se exclues de toutes les questions ayant trait à poser comme une solution viable aux prob- l'éducation de leurs enfants et à la gestion lèmes de financement, d'amélioration de des ressources. D'où l'absence d'obligation l'enseignement primaire et d'accroissement de rendre compte tant en matière péda- de l'implication communautaire. gogique que financière au niveau de l'école. Le système éducatif tanzanien Conception du FEC Bien qu'étant l'un des pays les plus pauvres Le Fonds d'Education Communautaire d'Afrique, la Tanzanie a enregistré des aug- (FEC) est un programme de fonds de con- mentations spectaculaires des taux de scolar- trepartie conçu pour accroître le finance- isation au cours des deux décennies qui ont ment public en faveur des rubriques autres suivi l'accession à l'indépendance. Le taux que salariales au niveau de l'école, et donner brut de scolarisation primaire est passé de aux communautés les moyens d'améliorer moins de 50% en 1961 à peut-être plus de leurs écoles primaires. D'une durée de cinq 95% en 1976. Cependant, le déclin ans, le projet bénéficie d'un crédit de 5,1 économique et la mauvaise gestion du millions de dollars E.U. de la Banque mon- secteur public ont contribué à une forte diale et d'une contribution attendue des baisse des taux et de la qualité. Au milieu communautés à hauteur de 3 millions de des années 90, le taux de scolarisation était dollars E.U. Les principales caractéristiques inférieur à 80% et connaissait une chute du FEC sont l'affectation directe de fonds rapide alors que le système n'arrivait pas à aux écoles primaires, les contributions com- offrir des écoles fonctionnelles dans munautaires de contrepartie en sus des plusieurs localités, hypothéquant ainsi le fonds alloués par le FEC, l'élaboration de développement économique et social en plans triennaux de développement scolaire, général. la hiérarchisation des objectifs de développement scolaire à l'intérieur de ces Qui plus est, les prestations du système édu- plans, le rôle actif des commissions scolaires catif ont souffert de plusieurs facteurs dont et des comités villageois à tous les niveaux le manque de ressources nécessaires au En outre, la communauté tient des réunions bisannuelles pour juger de l'état d'avance- ment par rapport au plan scolaire et procéder aux ajustements requis. Acquis et impact du FEC Dans le cadre du programme FEC, le nom- bre d'écoles est passé de 264 en 1998 à 355 en 1999 conformément aux prévisions du projet initial. Courant 2000, le FEC s'est étendu à 11 autres circonscriptions pour toucher 1.635 écoles. En fin 2000, le FEC avait décaissé plus de 2 millions de dollars E.U. de crédit avec une contrepartie d'envi- Figure 1. Niveau de Service Avec et Sans Projet. ron 1 million de dollars E.U. au titre des contributions locales. du processus en veillant à ce que les déci- monétaire consolidée par ménage ou par Les fonds générés par le FEC ont été essen- sions finales en matière de participation au tête d'habitant au fonds communautaire. tiellement consacrés à la réfection d'anci- programme et aux plans de développement Les revenus générés par le jardin scolaire, les ennes écoles et à la construction de nou- soient prises dans le cadre d'assemblées activités locales de collecte de fonds et les velles classes, de latrines, à l'achat de tables- communautaires. contributions des entreprises peuvent venir bancs (86% des fonds FEC) et aux loge- s'ajouter à ces fonds. ments pour les enseignants (8,5%). Une Au départ, le projet était conçu pour couvrir petite proportion des fonds a été aussi util- 355 écoles réparties dans 5 circonscriptions, Mécanisme de mise en oeuvre : isée pour les investissements portant sur la soit environ 3% des écoles primaires de la subventions de contrepartie et qualité tels le matériel didactique et la for- Tanzanie. A ce jour, le FEC couvre 1.635 appui du district mation pédagogique. Etant donné que la écoles réparties dans 16 circonscriptions majorité des écoles ne sont partie au projet pour un effectif de plus de 570.000 enfants. Les fonds mobilisés au niveau communau- que depuis très peu, il est prématuré de tirer taire sont déposés dans un compte bancaire de conclusions définitives quant à l'impact Mise en oeuvre : l'approche en cas- ouvert au nom de l'école, avant de recevoir global du FEC en matière d'acquisition des cade une subvention gouvernementale de con- connaissances ou de qualité de l'enseigne- trepartie pouvant atteindre jusqu'à 6.000 ment. Un tel bilan ne sera possible que sur La mise en oeuvre du FEC a démarré par shillings tanzaniens (Tsh) par élève inscrit. une longue période et lorsque des efforts une campagne de sensibilisation. Cette La subvention de contrepartie est versée concertés auront été déployés pour des campagne a utilisé une approche en "cas- selon une échelle mobile de 1 :1, les com- investissements portant sur la qualité. cade" par laquelle les principes, objectifs et munautés les moins nanties recevant procédures du projet ont été exposés aux généralement des subventions au rapport de L'Evaluation d'Impact du PDRH menée en différentes parties prenantes par le biais des 2 :1. Les communautés qui entreprennent novembre 1999 a porté sur les écoles des autorités locales chargées de l'éducation. La de construire des salles de classe, des latrines cinq premières circonscriptions ayant pris méthodologie est la suivante : la commis- et autres équipements bénéficient de l'assis- part au programme FEC. Cette évaluation a sion scolaire élue convoque une assemblée tance de techniciens mis à disposition par le essayé systématiquement de mesurer les pro- communautaire au cours de laquelle la com- district qui veillent au respect des normes grès réalisés par rapport aux principaux munauté s'engage officiellement à participer minimales de qualité. Par ailleurs, le person- résultats attendus du projet. L'Evaluation au projet. Ensuite, la communauté identifie nel de la circonscription scolaire est censé d'Impact a abouti aux principales conclu- ses besoins et priorités en matière d'éduca- effectuer des visites régulières de terrain sions suivantes : tion dans le cadre d'un plan triennal glis- pour s'assurer de l'utilisation responsable sant. Ces plans peuvent comporter à la fois des fonds, de la mise à jour des plans sco- · Amélioration du financement et de la les dépenses d'investissement et les charges laires et de la tenue régulière de réunions. non-salariales récurrentes et, généralement, Au niveau de la communauté, les comptes gestion financière : le financement des ils identifient comme principales priorités la de l'école doivent faire l'objet d'une analyse rubriques non-salariales pour les construction et la réfection d'écoles, le publique afin de promouvoir le sens de la écoles primaires a augmenté. Dans la mobilier scolaire et le matériel didactique. responsabilité et de se prémunir davantage circonscription rurale de Mtwara et la L'assemblée convient d'une contribution contre une mauvaise utilisation des fonds. circonscription urbaine de 2 Sumbawanga, les dépenses moyennes 1999. Les écoles FEC semblent aussi nautaires locales et développer la capacité par élève ont pratiquement doublé connaître une amélioration com- initiale des communautés à identifier et à dans le cadre du FEC si l'on compare parées à d'autres écoles dans leurs hiérarchiser leurs propres priorités et besoins les exercices 1995/96 et 1998/99. En régions respectives. En particulier, en matière de développement scolaire, et à 1998, les écoles FEC ont consenti en une proportion plus forte d'enfants mettre en oeuvre ces plans, même si les moyenne 3.534 TSh par élève au titre enregistre des notes égales ou financements proviennent de l'extérieur. des dépenses non-salariales, soit plus supérieures à 14/20 dans les circon- de quatre fois la moyenne de dépens- scriptions FEC comparées à des cir- La souplesse dans les méthodes pour atteindre es non-salariales de 759 TSh dans les conscriptions non-FEC dans les les communautés vulnérables et pauvres : il est circonscriptions hors FEC de la mêmes régions. nécessaire d'offrir une assistance technique Tanzanie. En général, les ressources et des conseils supplémentaires au commu- mobilisées pour le FEC sont restées Problèmes liés à la mise en oeuvre nautés vulnérables et peu structurées. Il est au niveau communautaire et elles ont évident que certaines communautés -du fait été utilisées à bon escient. Ce qui a Au cours des deux premières années, la mise de leur distribution sur le territoire, de fac- joué un rôle crucial dans la mobilisa- en oeuvre du FEC a révélé plusieurs prob- teurs institutionnels ou socio-économiques tion d'un soutien communautaire lèmes et risques qui nécessitent d'être con- (pauvreté)- ne seront pas en mesure de con- continu en faveur du projet. stamment suivis et pris en compte lorsqu'il solider leur efforts pour présenter des plans s'agira de reproduire l'expérience FEC ou de développement scolaire et/ou générer les · Milieu d'apprentissage : dans de nom- d'utiliser un tel outil de développement contributions nécessaires en contrepartie breuses communautés où il fonc- dans des environnements différents. La des fonds FEC. Ces communautés ont tionne, le FEC a contribué à une remarque générale la plus importante con- besoin d'un appui supplémentaire pour amélioration notable de l'environ- siste à considérer le FEC comme étant une consolider leurs efforts. Il faudra mettre en nement scolaire. L'on avait instam- réforme de la gestion au niveau de l'école et place des programmes ciblés de participa- ment besoin de ces fonds pour un programme de développement des tion de ces communautés au FEC soit en améliorer l'environnement scolaire. capacités et non simplement comme un réduisant le taux de la contrepartie, soit en Dans nombre de cas, ces améliora- mécanisme d'affectation des fonds vers cer- autorisant des contributions en nature, en tions sont sources de réactions ent- taines rubriques non-salariales au niveau de main d'oeuvre ou sous d'autres formes. housiastes de la part des commu- l'école. Par conséquent, le plan de mise en nautés qui manifestent un regain de oeuvre devra comporter un large éventail L'approche en cascade devrait être remplacée fierté et d'intérêt pour leurs écoles. d'actions et d'activités au niveau commu- par un appui à la mise en oeuvre du projet nautaire - assistance technique notamment. en cours à différents niveaux, en particulier · Implication accrue des parents et En l'absence de cette stratégie globale, les pour les communautés, en ayant recours à meilleure gestion de l'école : Dans de risques de faible participation au projet, de des professionnels et des consultants spé- nombreux cas, l'appropriation, la plans de développement irréalisables, de cialement formés et versés dans les méth- participation et la responsabilité des prise en otage du processus par les élites etc. odes participatives et les techniques d'infor- communautés dans l'éducation ont augmentent considérablement. Pour être mation. Le personnel régulier des services été améliorées. Une majorité écras- plus explicite, on pourrait recommander les locaux de l'éducation est souvent surchargé ante des communautés satisfont à activités suivantes pour accroître les chances de responsabilités nombreuses et variées à l'exigence minimale d'élaboration de de succès du FEC. tel point qu'il ne peut se départir de ses plans scolaires, et beaucoup d'entre tâches administratives courantes pour jouer elles contribuent au suivi de leur mise La sensibilisation permanente de la commu- un rôle spécial de facilitation/formation en en oeuvre. nauté : il faut veiller, de façon permanente, faveur du FEC. à la sensibilisation, à la formation et au sou- · Impact sur le taux de scolarisation et tien pendant la mise en oeuvre du projet afin Le Programme de Réforme de l'Administration de maintenir une gestion vraiment partici- locale : l'extension du FEC a cours dans le les résultats scolaires : en termes pative de l'école. La traditionnelle faiblesse contexte du Programme de Réforme de absolus, les taux de scolarisation ont du niveau d'implication des communautés l'Administration locale et des réformes de la globalement augmenté dans les cinq dans la gestion de l'école présente le risque fonction publique qui ont des implications circonscriptions FEC, mais il est dif- considérable de voir adopter des méthodes potentielles importantes pour le secteur de ficile de conclure que cette augmen- purement mécaniques et non participatives l'éducation. De toute évidence, il se tation est due à la contribution du de prise de décision en matière de plans de présente ici un potentiel considérable de FEC. En 1997, le nombre d'élèves développement scolaire et de contributions synergies. inscrits a augmenté de 6,2%, pour communautaires. Il y a lieu de faire des baisser de 0,05% en 1998 et aug- efforts pour appuyer les initiatives commu- menter de nouveau de 5,2% en 3 Durabilité le projet FEC devra accorder une attention particulière au renforcement des capacités Les principaux résultats des programmes dans les circonscriptions scolaires et les FEC sont, d'abord, la capacité des commu- agences du Trésor Public. nautés à s'impliquer davantage dans les questions relatives à la gestion de l'éduca- Conclusion tion au niveau de l'école ainsi que dans les améliorations apportées à l'environnement Le FEC est confronté à de nombreux défis scolaire. Plusieurs éléments fondamentaux et problèmes, mais s'il arrivait à survivre, à sont nécessaires pour assurer la durabilité de se montrer efficace et à toucher un plus ces résultats. grand nombre d'écoles tanzaniennes tout en résolvant les problèmes de qualité, de pau- En premier lieu, le projet devra être mis en vreté et d'équité, il pourra servir de modèle oeuvre comme il se doit, et le renforcement à d'autres pays. Son impact sur la scolarisa- des capacités au niveau communautaire tion, la participation communautaire et constituera la priorité essentielle des activ- l'apprentissage n'est plus à démontrer. D'un ités du projet. L'apport de l'expertise des point de vue purement bureaucratique, le ONG dans le processus ainsi que l'établisse- FEC n'a peut-être pas atteint tous ses buts, ment de partenariat entre lesdites ONG et mais pour les enfants et les parents qui sont les autorités locales de l'éducation pourrait partenaires dans cette initiative, il semble y être un préalable important à la réussite du avoir un monde entre le passé et le présent. projet. Deuxièmement, le cadre institutionnel global pour la prestation des services édu- catifs devra se fonder sur la responsabilisa- tion des communautés en vue de leur par- ticipation à certains aspects de la gestion de l'éducation. Il faudra un cadre administratif et des collectivités locales suffisamment déconcentrées pour assurer la bonne gouver- nance dans le secteur de l'éducation : l'ar- chitecture fiscale devra permettre une affec- tation des financements publics à l'usage des communautés, de même qu'il faudra une infrastructure financière suffisamment effi- cace pour traiter et rendre compte des flux financiers au niveau de l'école. Troisièmement, il est indispensable que le programme FEC soit mis en oeuvre à travers l'institution publique existante chargée de la gestion de l'éducation, y compris le Ministère de l'Education ainsi que les autorités locales chargées des finances et de l'éducation. Cette approche nécessite un changement significatif dans la manière dont ces autorités fonctionnent et, partant, Le présent article a été rédigé par Andrei Markov et Soren Nellemann. Pour de plus amples informations, prière s'adresser par courrier électronique à : Amarkov@worldbank.org ou Snellemann@worldbank.org 4