Les mal nourris 10106 étude d'ensemble Série: Pauvreté et besoins essentiels Juin 1981 Abn Berg rILEC OP Les mal nourris étude d'ensemble Alan Berg Série: Pauvreté et besoins essentiels Juin 1981 Le présent ouvrage fait partie d'une série d'opuscules sur les be- soins essentiels préparée par les services de la Banque. Cette série comprend une suite d'observations générales consacrées à l'étude de la notion de besoins essentiels et de son incidence sur les plans nationaux et sectoriels. En ce qui conceme les besoins essentiels, le travail des services de la Banque a été coordonné par le Départe- ment des politiques et des programmes. Cette étude a été préparée par Alan Berg avec l'aide et la documentation de Paul Isenman et Shlomo Reutlinger des services de la Banque et Harold Alderman James Austin Doris Calloway Sol Chafkin Davidson Gwatkin Per Pinstrup-Andersen C. Peter Timmer Janet Wilcox Christina Woods et Joe Wray, consultants Les opinions et jugements exprimés dans ce document n'engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement l'opinion de la Banque, des sociétés affiliées, ni d'aucune autre personne agissant pour leur compte. Préface En dépit du niveau de croissance économique impressionnant atteint par les pays en développement au cours du demier quart de siècle, quelque 800 millions d'individus demeurent plongés dans une pauvreté absolue: c'est-à-dire dans des conditions d'existence si limitées par la malnutrition, la maladie, l'analphabétisme, l'espérance de vie réduite et la mortalité infantile élevée qu'elles défient toute possibilité de définition sur le plan humain. La situation auto-entretenue de ceux qui se trouvent au niveau de la pauvreté absolue tend à les couper du progrès économique réalisé par ailleurs dans leur propre milieu. Ils restent très en dehors de l'effort global de développement, incapables d'y contribuer ou d'en bénéficier réellement. Si l'on ne consent pas des efforts particuliers pour les intégrer dans le processus de développement, aucune action sociale traditionnelle, ni au- cune redistribution du revenu national déjà mal réparti ne pourront modi- fier fondamentalement les causes de leur dénuement. Le seul espoir qui reste, alors, de réduire la pauvreté absolue réside dans l'aide apportée aux pauvres pour qu'ils deviennent eux-mêmes plus pro- ductifs. Au cours des dernières années, la Banque mondiale a fortement appuyé cette stratégie dans ses opérations de prêt par des projets spécifi- quement conçus pour accroître les possibilités de gain des pauvres. Dans cet esprit, permettre à ceux qui sont au niveau de la pauvreté absolue d'avoir, dans le milieu où ils vivent, un meilleur accès aux services publics essentiels, en particulier l'instruction élémentaire, l'assistance médicale de base et l'eau potable, constitue, pour les gouvernements des pays en développement, une étape décisive. Ces services fondamen- taux-associés à une amélioration de l'habitat et de l'alimentation que des revenus accrus rendent possible-sont la clé de l'accession des pauvres à la satisfaction de leurs besoins essentiels. Tout ceci n'est possible que dans un climat de croissance économique. Mais la croissance elle-même-toute indispensable qu'elle soit-ne peut aider le pauvre si elle ne parvient pas jusqu'à lui. Et c'est souvent le cas actuellement dans la majeure partie du monde en développement; les pauvres sont, trop souvent, les oubliés de la croissance. Dans cette situation, les seuls bons services publics sont ceux qui, non seulement parviennent jusqu'au pauvre, mais l'aident également à modi- fier sa condition personnelle de sorte qu'il puisse mieux approcher la plénitude de ses propres possibilités. L'expérience de la Banque le démontre clairement; si investir dans le développement de l'homme au niveau de la pauvreté absolue est plus équitable sur le plan de la politique sociale, c'est aussi très rentable sur le plan économique. Robert S. McNamara Table des matières Chapitres 1. De la nécessité d'agir en matière de nutrition 1 2. Les nombreux aspects du problème de la nutrition 5 Normes énergétiques 8 Conséquences d'une ration alimentaire insuffisante 10 Conséquences sur le développement des facultés mentales il Conséquences sur la résistance aux maladies 13 Conséquences sur le développement des nourrissons 14 Conséquences sur le développement national 15 3. L'insuffisance à court terme du processus de croissance 17 Changements projetés par le truchement du processus de croissance 20 Temps nécessaire à l'élimination du déficit 21 Incidence sur le plan nutritionnel de la redistribution des revenus par la croissance 25 4. L'étendue des actions possibles 27 Choix des actions 28 Les besoins essentiels de qui ? 29 Coûts 30 5. Voies d'intervention nouvelles et génératrices d'espoir: politique alimentaire orientée vers la nutrition 32 Principales raisons d'une politique alimentaire orientée vers la nutrition 33 Production agricole et nutrition 35 Distribution de nourriture et programmes de subvention 39 6. Nouvelles manières d'aborder la question 54 Priorités 56 La nutrition dans l'agriculture 57 La nutrition dans la santé 58 Conséquences pour les organismes d'aide au développement 59 Ouvrages sur la nutrition et autres sujets connexes rédigés par des agents de la Banque mondiale et des consultants 61 Annexes A. Moyens spéciftques d'orientation en vue d'une politique alimentaire liée à la nutrition 65 Le dilemme de la politique alimentaire 65 L'expérience de l'Indonésie 67 Les conséquences des changements de prix sur la consommation 70 B. Preuves statistiques des effets de l'insuffisance énergétique 72 Espérance de vie 76 Mortalité infantile 77 Mortalité périnatale 78 Définition et origine des données 79 C. Les efforts en matière de nutrition peuvent-ils changer quelque chose ? 81 Incidence des projets expérimentaux sur la mortalité périnatale et infantile, le développement physique et la fécondité 90 Facteurs contribuant à l'efficacité des projets 94 Conditions des efforts futurs 99 D. Les coûts des programmes nutritionnels 102 E. Mesures et normes diététiques 105 F. Equations 109 Tableaux 1. Normes diététiques pour une ration nutritionnelle journalière 6 2. Nombre d'habitants et pourcentage de la population dont la ration calorique est inférieure aux besoins dans cinq pays, 1972-74 et projections pour 1995 18 3. Déficit en calories de la ration journalière moyenne des populations sous-alimentées et déficit calorique agrégé en pourcentage du total des calories consommées dans cinq pays choisis, 1972-74 et prévisions pour 1995 19 4. Niveaux et taux de croissance de la fourniture d'énergie alimentaire si les besoins doivent être satisfaits, dans les différentes hypothèses concemant les revenus et les prix futurs, dans des pays choisis, 1972-74, et prévisions pour 1995 21 5. Nombre d'années nécessaires pour éliminer le déficit énergétique moyen dans la tranche inférieure de 10 % de la population dans le cadre de l'évolution normale du développement, dans des pays choisis 22 6. Changements en pourcentage estimés dans la répartition de la population et dans le nombre absolu des personnes dont la ration alimentaire est énergétiquement déficiente, par région, entre 1964-66 et 1972-74 23 7. Taux de croissance du revenu par tête nécessaire à l'élimination en vingt ans du déficit énergétique moyen par tranche de population de 10 % (décile), dans des pays choisis 25 A. 1 Elasticité du revenu pour les calories provenant de produits alimentaires de base riches en amidon en Indonésie 70 B. 1 Données relatives aux paramètres en rapport avec la nutrition, portant sur trente-neuf pays ou régions-milieu des années 60 72 B.2 Matrice de corrélation simple des principales variables basée sur les données provenant de trente- neuf pays régions en développement 77 B.3 Matrice de corrélation simple des principales variables basée sur les données provenant de treize pays différents d'Amérique latine 78 C. 1 Résultats résumés de projets locaux choisis concemant la nutrition et la santé 84 Figures 1. Taux d'espérance de vie et de mortalité périnatale au Sri Lanka comparés aux normes mondiales en fonction du revenu par tête, 1975 42 E. 1 Détérioration fonctionnelle 107 E.2 Normes diététiques pour les protéines, les vitamines et les minéraux 107 Notes 111 Chapitre 1 De la nécessité d'agir en matière de nutrition La nutrition est à la base de la vie, du travail, et du bien-être. La nutrition inadaptée-ou malnutrition-est à l'origine d'un gaspillage humain et économique important. Dans les pays en développement, la malnutrition est la cause d'un grand nombre de décès. Une ration alimentaire inadé- quate et les maladies qui en découlent portent atteinte à la capacité d'ap- prendre, à l'aptitude au travail, au comportement, et au bien-être de larges couches de population. Le régime alimentaire des habitants influence et reflète à la fois le niveau et le rythme du développement national. Une nutrition convenable ne doit pas seulement constituer un objectif à attein- dre mais être aussi un facteur de développement économique. Les efforts consacrés à la solution du problème de la malnutrition doivent porter sur les catégories de population de tous âges et ne pas être presque ex- clusivement axés-comme dans la plupart des programmes nutritionnels nationaux-sur les besoins des enfants, des femmes enceintes et des nourrices. A l'heure actuelle, il apparaît nettement que le problème de malnutrition qui affecte de nombreuses populations est caractérisé par le manque d'aliments énergétiques, ou calories, essentiellement lié lui-même à l'insuf- fisance des revenus. Tous les progrès réalisés dans le revenu par tête des pauvres-de l'amélioration de l'embauche à la réduction de l'accroisse- ment démographique-auront des conséquences fondamentales et importantes sur la situation nutritionnelle d'un pays. A long terme, les améliorations en matière de nutrition sont très dépendantes de la crois- sance économique nationale et de la structure de cette croissance. Mais, pour la majeure partie des mal nourris du monde, le processus de crois- sance est trop lent. Même dans les hypothèses les plus optimistes, il faudra beaucoup plus d'une génération pour que la croissance nationale amène la nutrition au niveau convenable. Le processus est long parce que le revenu par tête des pauvres augmente lentement et que la progression de la ration énergétique est au moins moitié moins rapide. Au fur et à mesure que leurs revenus augmentent, les gens dépensent généralement moins pour leur nourriture et consomment davantage d'aliments plus chers, donc plus nutritifs, tels que les fruits et le lait. Ils ont aussi tendance à passer des produits énergétiques bon marché à des denrées plus onéreuses, même si cette évolution-des céréales secondaires au riz blanc par exemple-se traduit par des pertes sur le plan de la valeur nutritionnelle. Ce phénomène i de glissement s'observe souvent même dans les foyers à faible revenu où la ration énergétique est insuffisante.' Pour mesurer la malnutrition de populations importantes, on compare généralement la ration alimentaire réelle à celle que les nutritionnistes considèrent comme adéquate. Toutefois, les opinions ne concordent pas sur ce qui est adéquat ou non. Certains considèrent que les besoins éner- gétiques, ou en calories, définis par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sont trop élevés. D'autres pensent que si les individus peu- vent ajuster leur dépense d'énergie en fonction d'un apport énergétique insuffisant, ceci n'est qu'un aspect du problème et non pas sa solution. L'argument devient discutable cependant lorsqu'on pose la question: Dans quelle proportion le nombre des décès augmente-t-il lorsque celui des mal nourris s'accroît ? Dans la présente étude, on a testé les effets de la malnutrition sur la mortalité en analysant avec des variables multiples les données provenant de trente-neuf pays.* Les résultats sont étonnants. La déficience énergétique est un facteur clé de l'espérance de vie, de la crois- sance et de la mortalité périnatale et infantile. Plus important encore sur le plan de la politique, les effets de la carence énergétique ne peuvent pas s'expliquer de façon satisfaisante par les insuffisances du revenu, des pré- cautions sanitaires ou de l'instruction. Le revenu est un facteur déterminant de la pénurie d'apport en énergie (ou en calories), mais, sur le plan statis- tique, la déficience énergétique est un meilleur indicateur que le revenu en ce qui concerne l'espérance de vie, la croissance et la mortalité et elle en reste un élément important même après que l'on ait soustrait les influences des programmes d'enseignement et de santé. Même lorsque la famine n'est pas en cause, l'inadaptation de l'apport énergétique alimentaire a une conséquence certaine sur le taux de mortalité. L'analyse de plusieurs estimations portant sur la mortalité en 1978, année de bonnes récoltes dans la plupart des pays, laisse supposer que la malnutrition a joué un rôle dans la mort d'au moins 10 millions d'enfants. Produire plus de nourriture est la solution habituellement proposée pour répondre au problème de la nutrition. Cette augmentation est évidemment un élément fondamental, mais le développement agricole souvent impres- sionnant des vingt dernières années démontre qu'elle ne peut, à elle seule, résoudre le problème. Au point culminant de la "révolution verte" in- dienne, par exemple, si la production agricole du Pendjab était devenue un modèle pour le monde entier, la mauvaise situation nutritionnelle des classes pauvres ne s'était pas améliorée.2 On admet de plus en plus, actuel- lement, que les programmes destinés à augmenter la production de nourri- ture doivent être assortis d'efforts portant sur la répartition et la composi- tion de la ration alimentaire. *Voir dans l'Annexe B la définition des variables utilisées et les divers résultats de la régres- sion. 2 La seule production par tête de céréales pour le monde entier permet- trait actuellement de fournir à chaque habitant de la planète plus de 3.000 calories et 65 grammes de protéines chaque jour. Une répartition idéale de cette production pourrait transformer près de 500 millions de mal nourris en autant de bien nourris. Aussi grossier que soit le calcul, la disparité évidente de la réalité et des possibilités justifie-au-delà des sciences agricoles et des techniques de production-la recherche des moyens de satisfaire les besoins essentiels en matière de nutrition. Il n'est pas facile de trouver des solutions au problème de la malnutri- tion, et les analyses donnent à penser qu'il faudrait différencier beaucoup plus les réponses en fonction des professions et des autres caractéristiques des mal nourris. On peut aider les petits exploitants agricoles en améliorant leur production et leur accès aux marchés, et on s'en occupe actuellement avec juste raison. En 1980, 15 %, estime-t-on-soit 1,7 milliard de dollars-, du programme de prêts de la Banque mondiale a été consacré aux petits exploitants. Ceci représente la moitié de la totalité des prêts consentis par la Banque au secteur agricole, et une augmentation de 1 milliard de dollars en cinq ans. Malheureusement, même si l'effort de développement rural en faveur des petits agriculteurs devait se révéler une réussite totale, cela ne résou- drait pas pour autant le problème du pauvre citadin, pas plus que celui du pauvre campagnard non agriculteur, de l'ouvrier agricole sans terres, du paysan dont la terre est trop petite pour être touchée par les programmes de développement, et du chômeur. Dans la plupart des pays, ces groupes comptent plus de la moitié des mal nourris-et, dans certains pays, beau- coup plus que la moitié. Leurs problèmes nutritionnels demandent d'au- tres programmes. Le degré de satisfaction des besoins nutritionnels est souvent lié à l'or- ganisation sociale du pays. Les nations manifestement les plus engagées dans la lutte contre la malnutrition paraissent capables de la gagner. Généralement, la situation nutritionnelle s'améliore lorsque la répartition des revenus en fait autant sur le plan national. Certains pays où le revenu par tête est élevé connaissent une malnutrition importante alors que celle-ci est faible dans d'autres pays moins favorisés au point de vue re- venus. Et même entre des pays dont les systèmes politique et économique sont semblables, la situation nutritionnelle peut varier. Au cours des demières années, de nombreux gouvernements se sont intéres- sés à la nutrition, que ce soit pour des raisons de justice distributive, de gain économique ou par nécessité politique. Il apparaît bien qu'il y ait d'excellentes raisons, autres que la justice et la pitié, pour satisfaire les be- soins essentiels en matière de nutrition. Presque toutes les mesures et activités se rapportant à la politique et au développement ont une incidence sur la nutrition. Mais c'est parce que les efforts de développement se sont montrés souvent inefficaces en matière de nutrition que l'on ressent le besoin de faire quelque chose de spécifique dans ce domaine. On peut concevoir le problème des mal nourris comme 3 lié à l'enchevêtrement complexe de la pauvreté. Mais la malnutrition est plus qu'une question de pauvreté. Si, en fait, tous ceux qui souffrent d'une carence de la ration énergétique alimentaire sont des pauvres, tous les pauvres ne souffrent pas d'insuffisance, énergétique ou autre, de la ration alimentaire. Sans qu'il soit question, de quelque manière que ce soit, de minimiser l'importance et la complexité des causes fondamentales de la pauvreté-ce qui nous ramène aux lacunes du processus de déve- loppement et des systèmes économiques, politiques et sociaux-il faudra sans doute beaucoup de temps à la majeure partie des pays pour résoudre ces redoutables problèmes. La présente étude porte sur les actions suscep- tibles de réduire la malnutrition au cours de la présente génération. En matière de besoins essentiels, les efforts entrepris pour améliorer la nutrition sont souvent considérés comme un palliatif plutôt que comme une solution-une forme répugnante de charité d'Etat, ou un acte politi- que destiné à apaiser les remous sociaux. On s'y attaque pour détoumer l'attention de la nécessité de changer un système qui a échoué et pour distraire et gaspiller des ressources qui pourraient être utilisées pour mettre sur pied une répartition équitable des revenus et des richesses et associer davantage les pauvres aux responsabilités politiques et aux décisions. Bien sûr il faut poursuivre une politique de changement, mais abandonner des programmes de nutrition, alors que l'on attend des changements radicaux, revient à accepter, sur le plan humain, le gaspillage, le préjudice et la mort, alors qu'il serait possible de les éviter. Il existe un groupe de programmes de nutrition largement admis et bien étayés. Mais certains aspects nutritionnels-par exemple les effets, à la fois bons et mauvais, de la politique agricole sur l'état nutritionnel et la portée potentielle des subventions accordées aux denrées de grande consommation-sont généralement négligés. Ces questions, parfois sujets de discorde, doivent faire l'objet d'une étude sérieuse dans le cadre de la satisfaction des besoins essentiels. Dans la plupart des pays, la politique nutritionnelle et la politique alimentaire sont traitées séparément. Nous nous attachons ici à souligner combien une nutrition convenable est su- bordonnée à l'insertion de considérations nutritionnelles dans une politi- que alimentaire. Les programmes largement répandus, comme ceux qui concement l'éducation nutritionnelle et la distribution de repas par les collectivités, ainsi que les problèmes connexes de gestion et de mise en oeuvre, sont traités au goutte à goutte. On passe rapidement sur les liens entre la santé et la nutrition parce que les questions de santé et celles qui s'y rattachent sont bien étudiées ailleurs.3 Situer les problèmes nutrition- nels dans la perspective de la santé, toutefois, revient à rechercher des solutions limitées aussi bien en portée qu'en étendue. Notre objectif, dans cet ouvrage, est d'aborder sous l'angle le plus large le problème de la diminution des carences pour le plus grand nombre possible de mal nourris. 4 Chapitre 2 Les nombreux aspects du problème de la nutrition Le besoin de nourriture vient aussitôt après celui de l'air et de l'eau. Il faut des nutriments pour survivre, pour grandir et pour se reproduire, ainsi que pour pouvoir travailler, apprendre, et vivre en société. Plus de quarante nutriments, que le corps est incapable de produire, sont indispensables à ces opérations. On y trouve le groupe des substances génératrices d'énergie-graisses, amidons, alcool-et d'autres éléments auxquels on donne habituellement le nom de "nutriments essentiels"-neuf amino-acides qui forment les composants de base des protéines, un acide gras, au moins dix-neuf ou vingt minéraux, dont beaucoup ne sont néces- saires qu'en très petites quantités, et environ treize vitamines. Les normes intemationales ne donnent les chiffres des quantités requises que pour l'énergie, les protéines, trois des minéraux et huit des vitamines (voir Ta- bleau 1 et Annexe E). Ceux dont la ration alimentaire se situe en dehors de ces normes souf- frent de malnutrition, terme qui se définit rigoureusement par la condition pathologique consécutive au manque (ou à l'excès) d'un ou plusieurs des nutriments essentiels. On appelle dénutrition les conditions résultant d'une foumiture quantitativement insuffisante de nourriture et donc d'un apport inadéquat de calories ou d'énergie alimentaire. Dans l'usage courant, on applique le terme de malnutrition dans les deux cas. On s'en est servi, dans cet ouvrage, pour caractériser le fait que lorsque la quantité de nourri- ture qu'ils reçoivent est trop faible, les gens sont sous-alimentés, parce que leur ration alimentaire foumit trop peu d'énergie; et ils sont sûrement mal nourris, aussi, parce qu'il manque à cette ration quelques-uns des nutri- ments essentiels. La plupart des nutritionnistes considèrent que, de nos jours, l'apport insuffisant de calories ou d'énergie alimentaire constitue le problème nutri- tionnel le plus important. C'est le rôle que jouait, jusqu'au début des années 70, la déficience en protéines. Mais des enquêtes et des études récentes menées dans plusieurs parties du monde montrent que, pour utiliser convenablement les protéines, il faut d'abord que l'apport en éner- gie alimentaire soit lui-même adéquat. Il n'y a que dans les groupes d'indi- vidus dont l'alimentation est à base de manioc, d'ignames et de plantain que le manque de protéines pose un problème. Pour ces groupes, un apport continu d'énergie non accompagné d'ingestion de protéines peut conduire à de sérieuses difficultés, particulièrement chez les très jeunes 5 Normes diététiques pour une ration nutritionnelle jourmalièrea Protéines' Vitamines Vitamines Energeb Oeufs ou Scom A',' Dr§ Thiamined Groupe Poids (éa lai Oe (mnicro (micro- (milD- d'âge (kg) (kgcal) joules) (grammes) (grammes) grammes) grammes) grammes) Enfants de moins de 1 an 7,3 820 3,4 14 23 300 10,0 0,3 1-3 13,4 1.360 5,7 16 27 250 10,0 0,5 4-6 20,2 1.830 7,6 20 34 300 10,0 0,7 7-9 28,1 2.190 9,2 25 41 400 2,5 0,9 Adolescents garçons 10-12 36,9 2.600 10,9 30 50 575 2,5 1,0 13-15 51,3 2.900 12,1 37 62 725 2,5 1,2 16-19 62,9 3.070 12,8 38 63 750 2,5 1,2 Adolescents filles 10-12 38,0 2.350 9,8 29 48 575 2,5 0,9 13-15 49,9 2.490 10,4 31 52 725 2,5 1,0 16-19 54,4 2.310 9,7 30 50 750 2,5 0,9 Adultes hommes (modéré- ment actifs) 65,0 3.000 12,6 37 62 750 2,5 1,2 Adultes femmes (modéré- ment actives) 55,0 2.200 9,2 29 48 750 2,5 0,9 Femmes enceintes (2ème moitié de la gestation) +350 +1,5 38 63 750 10,0 +0,1 Nourrices (premiers six mois) +550 +2,3 46 76 1.200 10,0 +0,2 'Les besoins en énergie sont les besoins moyens d'une personne modérément active; les autres valeurs représentent des rations joumalières recommandées couvrant, estime-t-on, les besoins de 97,5 % de la population. 'Besoins en énergie et en protéines, Rapport d'un Comité ad hoc commun d'experts de la FAO et de l'OMS. Rome, 22 mars-2 avril1971, N°52 de la série des Comptes rendus de réunions sur la nutrition de la FAO, N°522 de la série des Comptes rendus techniques de I'OMS (Rome: Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agrculture, 1973). 'Les scores constituent des estimations de la qualité des protéines habituellement consommées par rapport à celle des oeufs et du lait; score 60 représente une alimentation basée essentielle- ment sur des céréales, des racines et des turbercules. dBesoins en vitamines A, thiamine, riboflavine et niacine. Rapport d'un Groupe commun d'experts de la FAO et de l'OMS, N°41 de la série des Comptes rendus de réunions sur la nutrition de la FAO, N°362 de la série des Comptes rendus techniques de l'OMS (Rome, 1967). 'Comme le rétinol. 'Besoins en acide ascorbique, vitamines D, vitamines B,2, acide folique et fer. Rapport d'un Groupe commun d'experts de la FAO et de l'OMS, N°47 de la série des Comptes rendus de réunionssurla nutrition de laFAO, N°452 de la série des Comptes rendus techniques de l'OMS (Rome 1970). 6 Tableau 1 Acide Ribo- Vitamines ascor- flauined Niacined Folacine' B,,/ bique' Fer" i Zinc' (mili- (milli- (micro- (mico- (mili- Calcium, (milli- (milii- Groupe grammes) grammes) grammes) grammes) grammes) (grammes) grammes) grammes) d'âge Enfants de moins de 0,5 5,4 60 0,3 20 0,5-0,6 5-10 3-12 1 an 0,8 9,0 100 0,9 20 0,4-0,5 5-10 4-16 1 -3 1,1 12,1 100 1,5 20 0,4-0,5 5-10 4-16 4-6 1,3 14,5 100 1,5 20 0,4-0,5 5-10 4-16 7-9 Adolescents garçons 1,6 17,2 100 2,0 20 0,6-0,7 5-10 7-28 10-12 1,7 19,1 200 2,0 30 0,6-0,7 9-18 7-28 13-15 1,8 20,3 200 2,0 30 0,5-0,6 5-9 7-28 16-19 Adolescents filles 1,4 15,5 100 2,0 20 0,6-0,7 5-10 7-26 10-12 1,5 16,4 200 2,0 30 0,6-0,7 12-24 6-22 13-15 1,4 15,2 200 2,0 30 0,5-0,6 14-28 6-22 16-19 Adultes hommes (modéré- ment 1,8 19,8 200 2,0 30 0,4-0,5 5-9 6-22 actifs) Adultes femmes (modéré- ment 1,3 14,5 200 2,0 30 0,4-0,5 14-28 6-22 actives) Femmes enceintes (2ème moitié de la gesta- +0,2 +2,3 400 3,0 30 1,0-1,2 k 8-30 tion) Nounrices (premiers +0,4 +3,7 300 2,5 30 1,0-1,2 k 14-54 six mois) 'Comme le cholécalciférol. 'Besoins en calcium. Rapport d'un Groupe commun d'experts de la FAO et de l'OMS, N'30 de la série des Comptes rendus de réunions sur la nutrition de la FAO, N°230 de la série des Comptes rendus techniques de l'OMS (Rome 1962). 'La valeur la plus faible s'applique lorsque plus de 25 % de l'énergie de la ration alimentaire provient des animaux; la valeur la plus élevée est utilisée lorsque les aliments animaux ne foumissent que moins de 10 % de l'énergie. OMS. Le chiffre le plus bas se rapporte à des rations alimentaires quantitativement riches en produits animaux et en céréales raffinées - absorption de zinc 40 % -le chiffre le plus bas conceme des rations basées sur des céréales et des légumes communs-absorption de zinc 10 %. kPour les femmes dont l'apport en fer a toujours été du niveau recommandé dans ce tableau, l'apport joumalier, lorsqu'elles sont enceintes ou nounmices, devrait être le même que celui indiqué pour les femmes en âge de procréer qui ne sont ni enceintes ni nourrices. Pour les femmes dont l'apport enferau début de la grossesse est insuffisant, les besoins sont augmentés. Pour celles qui se trouvent dans le cas limite de l'absence de réserves defer, il est peu probable que les besoins puissent étre satisfaits sans mesures supplémentaires. 7 enfants. Les experts nutritionnistes ne sont toujours pas d'accord sur la quantité de protéines nécessaire. Par contre, l'importance d'un apport insuffisant de calories est largement admise. Il existe d'autres carences nutritionnelles qui revêtent une très grande gravité dans certaines régions: l'anémie par manque de fer (carence martiale) qui se traduit par l'inertie physique et mentale et une grande fatigue lors des efforts corporels; la carence en vitamines A qui affecte la croissance, la gravité des maladies infectieuses, la vision, et peut entraîner la cécité; le manque d'iode qui provoque le goitre et, dans les cas graves, la surdi-mutité et le crétinisme. Un problème capital pour une population donnée peut changer en fonc- tion des circonstances locales. La déficience en calories ou en énergie est un facteur important dans la plupart des pays et pour toutes les catégories d'âge. Toutefois, la nourriture foumie au titre des programmes de lutte contre les carences caloriques aide à pallier l'insuffisance des apports pour d'autres nutriments. La quantité d'énergie, ou de calories, qu'une personne consomme af- fecte son développement corporel (son métabolisme de base), son activité physique et sa croissance.* L'énergie est le seul paramètre nutritionnel qui fonctionne ainsi. L'exigence la plus fondamentale en matière de nutrition est de maintenir l'équilibre entre l'énergie dépensée et l'énergie absorbée. Lorsque des adultes ne reçoivent pas assez d'énergie, leur tissu musculaire comble le déficit et ils perdent du poids. Ceux dont les apports et les dépenses énergétiques sont équilibrés ont un poids stationnaire. Même si cet équilibre est précaire, on admet, en stricte définition, que les besoins énergétiques de ces personnes sont satisfaits. La présence ou l'absence de cet équilibre influence la qualité de la vie de ces individus et, par voie de conséquence, celle de la collectivité. Lorsque l'apport en nutriments est chroniquement bas, tous les méca- nismes d'adaptation du corps, métaboliques et comportementaux, entrent en action pour garder les nutriments pour leurs fonctions les plus indispen- sables. Dans cet esprit, on peut considérer que le ralentissement de la croissance des enfants constitue une adaptation physiologique à la carence nutritionnelle. Donc, pour pouvoir juger de l'adéquation des apports chez l'enfant, il faut nécessairement comparer sa croissance pendant une pé- riode déterminée avec des normes admises.t Normes énergétiques Les besoins en énergie des adultes aux différents niveaux d'activité physi- que en fonction de leur profession ont été définis par un comité d'experts *L'activité des organes intemes, le système nerveux, les muscles au repos consomment de l'énergie. Mesurée dans des conditions définies, la somme de ces activités constitue le méta- bolisme de base, ce qui donne, si on l'exprime en fonction du taux de consommation en unités d'énergie (calories ou joules), le taux de métabolisme de base (TMB). tPour être parfaits, ces jugements devraient être basés non seulement sur des considérations de taille et de poids mais également sur d'autres attributs moins facilement mesurables. 8 réuni par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agricul- ture (FAO) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS).t En général, la quantité minimale de chaque nutriment qui est nécessaire, selon l'âge et le sexe, pour assurer les fonctions essentielles est, pense-t-on, répartie selon des modalités régulières, mais il n'est pas certain que ce soit vrai pour tous les nutriments. Il est sûr, en revanche, que les besoins totaux en énergie ne sont pas également répartis. Dans les groupes à bas revenus d'une popula- tion, par exemple, les besoins énergétiques peuvent être inférieurs à la moyenne pour ceux qui travaillent en ville et plus importants pour ceux qui ont un dur travail physique à accomplir. Il existe, sans aucun doute, une limite inférieure à la quantité d'énergie qu'un individu doit absorber pour assurer ses fonctions corporelles et un minimum d'activité.* S'il doit travailler, il perdra du poids mais il y a, là aussi, des limites.t Chaque fois qu'il est possible de le faire, on maintiendra le poids en réduisant proportionnellement les activités-celles qui ont trait à la détente ou qui ne sont pas nécessaires à la survie. En ce qui conceme les enfants, les normes énergétiques sont basées, comme pour les adultes, sur le métabolisme de base et l'activité physique, mais on y ajoute les besoins de la croissance. Ces derniers sont très faibles, environ 2 à 3 % de l'apport total pour un enfant de deux ans-près de 30 calories sur un besoin total de 1.360. L'enfant dont l'apport énergétique est faible est moins actif qu'il devrait l'être mais continue de grandir au même rythme si l'apport se situe aux environs de 70 % de la norme. Si l'apport tombe en dessous de ce niveau, la croissance ralentit, et si la sous-alimentation se poursuit, la taille adulte sera inférieure au potentiel tCes niveaux correspondent à une activité faible, modérée, très importante et exceptionnel- lement importante. La catégorie FAO/OMS qui traduit les besoins de la plupart des habitants des pays industrialisés est "l'activité modérée": huit heures de travail/jour- dans une indus- trie légère, une exploitation agricole du type classique, la pèche, la maison (sans appareils ménagers mécaniques) -, quatre à six heures assis ou d'activité légère à proximité, deux heures de marche, de détente active ou de travail non professionnel et huit heures de repos. Pour des hommes pesant 65 kg ou des femmes qui en pèsent 55, cette sorte d'existence demande un apport joumalier moyen de 3.000 et 2.200 calories respectivement. Un apport habituellement inférieur à ce chiffre entraînerait une perte de poids si l'activité demeure normale -comme cela peut se produire dans le cas des activités agricoles saisonnières par exemple. Le niveau de l'apport énergétique nécessaire pour assurer les fonctions essentielles n'est evidemment pas le même pour tout le monde. Les besoins des hommes et des femmes sont différents parce que la taille et la structure corporelle des uns et des autres sont elles-mêmes différentes, comme le sont certaines activités spécifiques des hommes et des femmes liées aux us et coutumes. A l'intérieur des catégories d'âge et de sexe, il existe aussi des disparités que l'on attribue à l'inconstance biologique naturelle.' *On estime actuellement que ce chiffre, aussi bien pour les adultes que pour les enfants, est d'environ 1,5 fois le taux du métabolisme de base, avec un coefficient de variation de l'ordre de 10 %. tLa perte de poids tolérable dépend des réserves en graisse de la personne considérée. Un individu bien nourri mais non obèse peut perdre environ 20 à 25 % de son poids et récupérer parfaitement, semble-t-il, lorsqu'on l'alimente de nouveau normalement.2 9 génétique. En revanche, lorsque la nourriture est abondante, le taux de croissance s'accélère, la maturité est plus précoce et les adultes sont plus grands, comme le démontre l'augmentation progressive de la taille dans les groupes socio-économiques inférieurs des sociétés privilégiées.3 Dans certains cas, le retard de croissance est dû à un phénomène parti- culier, l'inaptitude de l'enfant à absorber la nourriture nécessaire à ses besoins alors que celle-ci existe au foyer. Une affection chronique, une nourriture sans saveur ou monotone, un manque d'appétit, une densité calorifique insuffisante peuvent en être la cause; certains aliments sont si liquides, si collants, ou si fibreux que, dans des conditions normales, l'en- fant ne peut les absorber en quantité suffisante pour répondre à ses be- soins. Il est probable que les adultes connaissent des restrictions sembla- bles et ils doivent consommer une quantité minimale de graisses ou d'ali- ments gras pour que leur apport énergétique soit au niveau des normes. Conséquences d'une ration alimentaire insuffisante Si l'on veut améliorer la productivité des travailleurs à bas revenus mal nourris, il faut augmenter leur apport énergétique. Une augmentation des revenus et la présence de marchés suffiront généralement, mais pas tou- jours, à régler le problème. Les moyens d'encourager ces travailleurs à augmenter leur production seront encore, bien entendu, une affaire de choix.* De même, des programmes conçus pour accroître la productivité des femmes et des enfants-écoles ou jardins d'enfants, projets d'élevage de petits animaux, etc.-ou pour leur procurer des tâches supplémentaires-par exemple, mesures sanitaires destinées à améliorer les conditions de vie et la santé des familles-doivent soit procurer aux femmes et aux enfants un supplément de nourriture ou les débarrasser de travaux équivalents auxquels ils consacraient jusqu'ici leur énergie. Même lorsque des ressources sous-employées existent, les communautés et les individus ne se développeront pas si ces derniers manquent de l'énergie alimentaire nécessaire pour utiliser ces ressources, pour réagir et pour innover. On n'a pas fini de discuter pour savoir si une petite taille est ou non un avantage par elle-même. Dans une ambiance de pénurie alimentaire, les plus faibles besoins nutritionnels des individus de petite taille ne constituent-ils pas un avantage déterminant pour la survie ? Il n'est pas facile de répondre à cette question parce qu'il est difficile d'isoler l'élément nutrition du contexte de privations des populations concernées. De nom- breuses études ont toutefois montré que la diminution de la croissance, *Au cours d'une étude, on a constaté que des travailleurs à qui l'on avait donné un supplé- ment de nourriture avaient pris du poids au lieu d'accroître leur production ou avaient développé leurs activités de détente au lieu de couper davantage de canne à sucre. Si la motivation est suffisante, comme on l'a constaté lors d'études en temps de guerre, la produc- tion augmentera au détriment du poids du corps. Mais une production industrielle soutenue, même en temps de guerre, reste directement fonction de la ration énergétique des travailleurs. 4 10 tant en taille qu'en poids, associée à différents degrés de malnutrition s'accompagne d'une réduction du périmètre cranien, d'une diminution du poids du cerveau et de la quantité de cellules qu'il contient, et d'une altération du métabolisme cérébral-le nombre des enzymes importants et des neurotransmetteurs décroît-et même dans des cas de moindre gravité, on assiste à une diminution des performances aux tests d'explora- tion des fonctions cognitives et sensorielles.5 En ce qui concerne celles-là, il apparaît que, lorsque la malnutrition et d'autres privations nuisent à la croissance, plus le cerveau est gros, meilleure est la cognition. Conséquences sur le développement des facultés mentales La malnutrition affecte de façon variée les différentes régions d'un jeune cerveau, selon que la multiplication des cellules se poursuit encore active- ment ou non. Mais toutes les régions sont touchées lorsque cette multipli- cation est entravée par la malnutrition de l'enfant dans le sein de sa mère ou dans la première année de sa vie. Ainsi, les nourrissons qui meurent de cachexie-dépérissement grave dû à une carence énergétique alimentaire-avant l'âge de un an ont des cerveaux plus petits et moins de cellules cérébrales que la normale. Les enfants qui succombent de malnu- trition protéinocalorique au cours de la seconde année présentent peu de déficit quant au nombre des cellules mais le poids de leur cerveau est inférieur à la normale.6 Les troubles ultérieurs du comportement dépendent fortement de la chronologie des carences. Habituellement, la cachexie apparaît au cours de la période la plus active du développement cérébral et se traduit par une débilitation prolongée qui limite l'adaptation de l'enfant au milieu environnant et par de graves lacunes dans son développement intellec- tuel-son quotient de développement se situe à un ou deux en dessous de la moyenne normale du groupe de population auquel il appartient. * Plus la malnutrition intervient tardivement et moins les fonctions cogni- tives sont affectées. On a constaté des progrès du comportement moteur et de l'adaptation après traitement chez des enfants qui avaient souffert de malnutrition alors qu'ils étaient âgés de plus de six mois, mais pas chez des enfants d'âge inférieur. Une malnutrition protéinocalorique grave au cours de la seconde année ne retarde généralement pas définitivement les fonc- tions intellectuelles.' *Les enfants rééduqués après avoir souffert d'une grave malnutrition précoce présentent toujours des retards dans le développement de l'activité motrice, de l'audition, du langage, du comportement individuel et social, de l'aptitude à résoudre les problèmes, de la coordination des mouvements des yeux et des mains, et de la pensée abstraite. Les relevés de l'activité électrique du cerveau révèlent des anomalies persistantes en réponse aux stimuli visuels et sonores. On a constaté une déficience irréversible du développement intellectuel chez un groupe d'enfants sud-africains soumis à des tests quinze ans après avoir été traités pour cachexie grave dans leur première enfance. Ces enfants avaient un périmètre cranien réduit et présentaient des troubles des activités visuelles motrices.' 11 Les altérations fondamentales et les carences dues à la malnutrition qui affectent le cerveau et le corps peuvent se traduire par une infirmité fonc- tionnelle, mais il est possible que la malnutrition influe sur le développe- ment de manière moins directe. Les perturbations de la faculté d'appren- dre, qui commencent par le temps perdu du fait de la maladie, s'étendent bien au-delà de l'âge de un an. L'apathie et l'activité physique réduite de l'enfant mal nourri diminuent ses réactions par rapport au milieu et le privent d'expériences stimulantes et d'occasions de connaissance qui peu- vent ne plus jamais se renouveler.t Ce sont probablement des séquelles d'une malnutrition modérée, une condition qui est beaucoup plus répan- due mais moins fréquemment étudiée que la malnutrition grave.t Et parce que les enfants mal nourris proviennent habituellement de familles où la ration énergétique est basse, ils ne bénéficient pas de la stimulation des interactions réciproques avec parents, frères et soeurs.§ Le retard de croissance qui fait que l'adulte sera de petite taille peut réduire les facultés physiques aussi bien que les facultés mentales et limiter par là la capacité d'apprentissage des travailleurs. On a découvert qu'il y avait une relation directe entre les mensurations des adultes de poids et de taille égaux ou inférieurs à la normale et la capacité d'effectuer des travaux normalisés, mesurée par le rythme cardiaque et la consommation d'oxygène. * L'aptitude au travail, elle, a été calculée en fonction de la production joumalière de coupeurs de cannes à sucre colombiens et sou- danais. Dans une récente étude portant sur des ouvriers agricoles guaté- tDes études effectuées au Guatemala permettent de supposer que la mainutrition réduit la faculté d'assimiler des informations et que cette réduction de la capacité d'attention peut se prolonger en dépit de la rééducation et être la cause de mauvais résultats aux tests d'intelligence.9 iAu cours d'une vaste enquête sur la nutHtion et le développement mental au Guatemala, on s'est aperçu que même une malnutrition légère ou modérée, si elle est chronique, affecte le développement des facultés cognitives indépendamment des autres variables qui condition- nent celui-ci.'" D'autre part, l'analyse des données de l'US National Health Examination Survey permet de penser que, dans un contexte familial et un environnement supposés constants, la mauvaise santé et l'alimentation inadaptée ont des conséquences défavorables importantes sur le QI et les résultats scolaires; les effets d'un poids insuffisant à la naissance et d'un état nutritionnel de qualité inférieure se font particulièrement sentir dans les catégories de personnes à bas revenus." §La sous-alimentation chronique peut empêcher un enfant d'atteindre le maximum de son potentiel, même si cette sous-alimentation n'a pas été suffisamment grave pour justifier une intervention médicale. On a la preuve que donner un supplément d'alimentation auxfemmes au cours de la grossesse et de l'allaitement ainsi qu'aux bébés après leurs premiers mois d'existence est salutaire. Des études menées auprès de communautés mexicaines ont montré que les enfants appartenant à des familles ayant bénéficié de rations alimentaires supplémen- taires obtenaient de meilleurs résultats aux tests de développement mental et d'activité physi- que que les enfants de familles n'ayant pas perçu ces suppléments. 2 *Ces comparaisons ne peuvent s'appliquer qu'à des groupes ayant des modes de vie sem- blables sur le plan de l'activité courante et des autres conditions sanitaires. Chez les personnes sédentaires, les fonctions cardiaques et pulmonaires se ralentissent et, dans les cas graves d'anémie, le sang ne peut plus transporter suffisamment d'oxygène pour permettre une activité très intense. 12 maltèques, on a trouvé que les ouvriers de haute taille coupaient davan- tage de cannes à sucre que les petits.'3 En Inde, dans l'industrie légère, on estime que la capacité de production des hommes est en rapport avec leur poids.'4 Conséquences sur la résistance aux maladies Les faits ont montré depuis longtemps que la malnutrition diminue l'apti- tude à résister aux maladies. Les personnes mal nourries contractent plus facilement des maladies infectieuses, sont plus gravement atteintes et cou- rent plus de risques de mourir de maladie que les gens bien nourris. Les besoins en énergie augmentent lorsque les maladies infectieuses sont ac- compagnées de fièvre ou de diarrhée ou bien sont associées à une vermi- nose importante-ténia, ankylostomes, etc. La malnutrition et l'infection semblent ainsi avoir une action synergique, celle de chacune d'elles augmentant les effets pathologiques de l'autre. Les études effectuées sur des malades hospitalisés de pays en dévelop- pement montrent que ceux dont la ration alimentaire est limitée, ou qui ne peuvent pas absorber correctement la nourriture par suite de troubles ou de blessures affectant le transit gastro-intestinal, s'émacient; leur système immunitaire devient incapable de réagir convenablement aux attaques et ils meurent fréquemment d'infection, même en milieu sain. On n'est donc pas surpris de constater que la mortalité et la morbidité soient plus impor- tantes chez des enfants sous-alimentés vivant en milieu malsain que chez des enfants bien nourris. Toutes les réactions immunitaires ne sont pas affectées au même point. Des enfants indiens dont le poids se situait à 71 - 80 % de la normale pour leur âge présentaient des déficiences mesu- rables pour l'un des éléments du système immunitaire. Ceux dont le poids n'était qu'à 60- 70 % des normes montraient également des déficiences concemant un second élément et on peut en déduire que le risque de contracter une maladie à laquelle ils étaient exposés était plus grand chez eux que chez les premiers. Chez un groupe d'enfants africains mal nourris, les réactions immunitaires étaient redevenues normales après traitement au moyen d'une ration alimentaire appropriée."5 Cette inaptitude grandissante des enfants mal nourris à accroître leurs réactions immunitaires prend une grande importance dans les program- mes de vaccination. La faible réponse observée à la suite de vaccins contre la typhoide, la diphtérie, la grippe et la fièvre jaune perrnet de penser que les vaccinations, surtout celles à base de virus vivants atténués, peuvent, chez les mal nourris, présenter des risques supplémentaires."6 Le problème de santé le plus fréquemment rencontré chez les enfants des pays en développement est celui des épisodes diarrhéiques importants qui sont liés à la malnutrition. Des maladies habituelles de l'enfance comme la coqueluche et la rougeole font franchir aux enfants le seuil de l'état de malnutrition clinique déclaré. Une étude a montré que la rougeole avait joué un rôle accélérateur dans la moitié des cas des enfants hospitali- sés pour malnutrition. Cette demière a également une responsabilité dans 13 le décès d'un tiers à la moitié des enfants de moins de cinq ans qui meurent de maladie.17 Conséquences sur le développement des nourrissons Il est certain qu'il y a corrélation entre la malnutrition des femmes enceintes et le faible poids de leurs enfants à la naissance. * Un supplément de ration calorique au cours de la grossesse augmente le poids du bébé à la nais- sance. Ceci permet de supposer que les mesures destinées à améliorer la nutrition du foetus, donc le poids à la naissance, pourraient être plus efficaces dans la réduction de la mortalité périnatale et moins coûteuses que les soins médicaux intensifs prodigués à la masse de bébés chétifs et prématurés qui naissent de mères sous-alimentées.20 Les femmes qui ont antérieurement souffert de malnutrition et qui de- viennent enceintes alors qu'elles sont déjà épuisées encourent un grand risque de fausse-couche, de naissance prématurée ou mort-née. La gros- sesse et l'allaitement imposent des charges supplémentaires à un orga- nisme déjà délabré, et la prise de poids demande aux femmes enceintes davantage d'énergie pour un travail similaire. Les importantes séquelles des troubles liés à la nutrition -oedème, goître, anémie, ostéomalacie -et l'apparition prématurée de la ménopause chez les femmes des pays en développement montrent que le problème des mères est un problème grave. 21 Jusqu'à ces demiers temps, on pensait généralement que la qualité du lait des mères sous-alimentées, à défaut de sa quantité, demeurait conve- nable.t On a découvert que, dans ce cas, le lait a une faible teneur en *Une étude effectuée aux Etats-Unis en 1969 a montré un taux de mortalité périnatale de 12,4 pour 1.000 naissances chez les nouveau-nés pesant entre 2.001 et 4.000 grammes. Ce taux doublait pour des poids égaux ou inférieurs à 3.000 grammes. L'enquête a montré que la moyenne des poids de naissance se situait entre 2.700 et 3.000 grammes dans les pays en développement et 3.300 grammes dans les pays occidentaux industrialisés. I8 La potentialité de survie des bébés chétifs et prématurés est très inférieure à celle des bébés de trois kilo- grammes nés à terme. Compte tenu des conditions d'âge, de race et socio-économiques, on a découvert qu'un faible poids de naissance est le facteur principal de la mortalité pérnatale. Entre un mois et un an, les risques de décès des enfants nés chétifs sont quarante fois plus grands que ceux des enfants nés normaux. On observe aussi fréquemment des troubles de la vue et de l'ouie, des paralysies d'origine cérébrale et une épilepsie chez les nourrissons dont le poids à la naissance est inférieur à la normale. En comparant le taux de mortalité des nouveau-nés dans un village indien du Guatemala avec un échantillon de population des Etats-Unis, on a démontré que si la mortalité était plus élevée pour le premier, les différences de poids à la naissance étaient en fait peu sensibles."9 tOn admet généralement qu'une nourrice saine et bien nourrie produit suffisamment de lait de qualité convenable pour satisfaire les besoins nutritionnels d'un enfant en bonne santé pendant les six premiers mois de son existence. Si la ration énergétique de la femme ne couvre pas ses propres besoins en matière de métabolisme, d'activité physique et d'allaite- ment, ce demier sera assuré dans une certaine mesure aux dépens des tissus matemels. Quoi qu'il en soit, la période de lactation utile, chez la femme mal nourrie, a une durée inférieure à la normale, et même chez les femmes en bonne santé des pays industrialisés, on a maintenant la preuve qu'un poids et une ration alimentaire insuffisants entrainent une lactation de médio- cre qualité. On est aussi à peu près certain que l'augmentation de la ration des mères sous-alimentées entraîne une augmentation quantitative du lait.22 14 vitamines et en graisses et que les protéines qu'il contient sont à la limite inférieure de la normale.23 Conséquences sur le développement national Améliorer la nutrition pour réduire la mortalité, diminuer la gravité des maladies contagieuses et prévenir les différentes formes d'arriération, de cécité, d'anémie et autres problèmes liés à la malnutrition constitue en soi-même une justification suffisante pour investir dans une meilleure nutri- tion. Il est maintenant largement admis qu'une nutrition adéquate fait partie des objectifs du développement et n'est plus à justifier en tant que moyen. Toutefois, l'intérêt de l'investissement dans une meilleure nutrition s'étend aussi à la plupart des éléments qui contribuent à la croissance nationale.24 Productivité. Si l'on surmonte les déficiences nutritionnelles, on ob- tient des travailleurs plus solides et plus énergiques, on réduit le nombre de jours de travail perdus pour cause de maladie, on augmente la durée de vie et on améliore les facultés cognitives. De ce fait, les bénéfices du travail sont supérieurs à ceux que l'on obtiendrait en l'absence d'une nutrition et d'une santé améliorées. Instruction. La malnutrition influence la motivation et la faculté de se concentrer et d'apprendre d'un enfant. Elle limite donc les bénéfices que l'on peut retirer d'un investissement dans l'instruction. Comme si l'apathie de l'enfant mal nourri et la torpeur de sa mère ne constituaient pas un handicap suffisant, les jeunes manquent souvent l'école parce qu'ils sont fréquemment atteints par des maladies liées à la malnutrition.* Même si l'amélioration nutritionnelle ne peut, à elle seule, augmenter la faculté d'apprendre de l'enfant défavorisé, il n'est pas douteux que la malnutrition contribue à la médiocrité des résultats, au peu de désir de s'élever sur le plan éducation et aux taux importants d'échecs et d'abandons scolaires des mal nourris. Planning familial. Dans de nombreuses régions pauvres où beaucoup d'enfants meurent avant d'avoir atteint l'âge de produire, l'incertitude et la surcompensation entraînent, pour une large part, la constitution de familles nombreuses. Diminuer la malnutrition, facteur principal de la mortalité infantile, paraît un élément essentiel de la réduction des naissances. Si la diminution de la mortalité infantile est une condition préalable de la réduc- tion des naissances, plus vite on agira, mieux ce sera. Plus l'action est retardée, plus la base de population dont seront issues les futures généra- tions sera grande.26 *Dans quatre pays d'Amérique latine, les enfants perdaient en moyenne plus de cinquante joumées de classe par an du fait de la maladie; ce qui représente près du tiers du total des jours de classe dans l'année. 15 Redistribution des revenus et autres avantages économiques. Les pro- grammes nutritionnels peuvent servir directement et efficacement à la re- distribution des revenus. La plupart des activités organisées qui traitent de la nutrition profitent directement à ceux qui sont dans le besoin en accélé- rant l'amélioration de la santé et du revenu réel des pauvres.t Le revenu confortable du travailleur bien nourri améliorera le niveau de vie et proba- blement la productivité future des membres de sa famille. Réduire l'effet des maladies contagieuses chez les individus correctement nourris bénéfi- ciera aux autres en diminuant le risque de contagion. Promotion sociale. Les changements apportés à la nutrition peuvent avoir aussi des conséquences moins matérielles. Dans les sociétés qui accordent une grande importance à la promotion sociale, ce but peut être rendu difficile à atteindre du fait des retards intellectuels provoqués par la malnutrition. Les chances de réussite d'un enfant sont gravement compromises s'il est mal nourri, quelles que soient les possibilités offertes sur le plan éducatif ou autre par les autorités responsables pour faciliter la promotion à l'intérieur de la société. Bien-être. D'une certaine façon, le principal avantage d'une meilleure nutrition est sa contribution au bien-être individuel. Même les plus pau- vres, économiquement parlant, peuvent bénéficier d'une large gamme de joies non matérielles qui n'ont aucune chance de figurer dans les comptes de la nation-la nature, l'amour, l'amitié, le bonheur des enfants. Ceux qui sont apathiques et physiquement amoindris par de fréquents accès de diarrhée d'origine alimentaire et d'autres maladies associées à la malnutri- tion ne peuvent cependant pas apprécier ces richesses potentielles. C'est le bien-être plus que le revenu qui détermine si une personne peut goûter certaines satisfactions élémentaires. Il est peu probable que, dans un avenir proche, beaucoup de pays pauvres puissent offrir un plus large éventail de biens matériels à ceux qui sont au plus bas de l'échelle des revenus, mais les pouvoirs publics ont peut-être les moyens d'améliorer la nutrition, ce qui, par contrecoup, est susceptible d'accroître la capacité d'une part im- portante de la population à apprécier la gamme des satisfactions humaines. tAu Bostwana, les programmes nutritionnels peuvent augmenter de près de un huitième le revenu des 30 % les plus pauvres de la population. Au Lesotho, les programmes alimentaires peuventprocurerà unefamille un revenu presque équivalent à celui d'une exploitation agricole de quatre-vingt ares. 27 16 Chapitre 3 L'insuffisance à court terme du processus de croissance La réponse traditionnelle au problème de l'amélioration de la nutrition est de se concentrer sur les disponibilités et donc de s'efforcer d'accroître la production alimentaire. Au fur et à mesure que l'on a pris en considération la faiblesse de la demande et la faiblesse du pouvoir d'achat des pauvres et des mal nourris, on s'est aussi penché sur la nécessité de faire croître plus rapidement les revenus des intéressés. Cette croissance du revenu des pauvres dépend non seulement de l'augmentation du revenu national par tête mais aussi de sa répartition. Le prix relatif des denrées alimentaires de base, qui est principalement gouverné par le taux de croissance des dispo- nibilités en fonction de celui de la demande, constitue, lui aussi, un élé- ment important d'une nutrition adaptée. Un autre facteur important est la relation entre la croissance de la ration alimentaire et celle des revenus. La moitié, peut-être, de la population de cinq grands pays n'a pas les moyens d'acquérir une ration alimentaire suffisante au point de vue calori- que. En Inde, au Pakistan, au Bangladesh, au Brésil, et au Maroc, le déficit de la ration calorique journalière de certaines personnes atteint 40 %*. Mais la quantité de nourriture nécessaire à l'élimination du déficit énergéti- que de ces pays ne représente qu'environ l'équivalent de 8,5 % du total des calories de la masse alimentaire existante-approximativement 17 millions de tonnes de céréales vivrières. Il faut toutefois noter qu'une augmentation de 10 % de l'approvisionnement en nourriture de ces pays ne pourrait évidemment pas éliminer les déficits nutritionnels. En Inde, par exemple, la malnutrition était restée encore très importante malgré les récoltes exceptionnellement bonnes des années 1977-1979. Diminuer les besoins énergétiques qui ont servi de base à ces estima- tions ne modifierait pas le fait que l'accès à la nounriture demeure la clé du problème de la nutrition. Les estimations concernant le nombre de per- *Au moment où l'on a effectué cette analyse, les demières données triennales disponibles de la FAO couvraient la période 1972-1974. La consommation par tête, au cours de cette période, a été pratiquement la même que celle de la moyenne portant sur neuf ans (1969-1977) récemment publiée par la FAO pour les cinq pays en question. Le choix s'est porté sur ces pays parce qu'on y disposait de données détaillées sur la consommation de nourriture par foyer, basées sur un échantillonnage représentatif sur le plan national. Les calculs, entre autres, que l'on va trouver plus loin dans ce chapitre ont été effectués pour cette étude par Shlomo Reutlinger et Harold Alderman.' 17 sonnes dont la ration alimentaire habituelle est, sur le plan énergétique, inférieure à ce qui est nécessaire dépendent très fortement des normes retenues en matière de besoins. Certains spécialistes pensent qu'il faudrait baser les estimations sur les besoins indispensables à la sur- vie-c'est-à-dire le niveau correspondant au simple maintien de la structure corporelle et de la santé-alors que d'autres jugent que ces estimations devraient refléter ce qui est nécessaire à un niveau raisonnable d'activité. Les normes retenues pour les calculs des Tableaux 2 et 3 sont celles de la FAO et de l'OMS. Elles correspondent à des individus moyens, classés Tableau 2 Nombre d'habitants et pourcentage de la population dont la ration calorique est Inférieure aux besoins dans cinq pays, 1972-74 et projection pour 1995a 1995 Croissance du revenub Croissance du revenub (prix alimentaires (hausse de l % par an constants) des prix alimentaires) Hypothèse Hypothèse Hypothèse Hypothèse Pays 1972-74 basse haute basse haute Nombre d'habitants qui souffrent d'un manque de calories (millions) Inde 276 243 87 351 199 Pakistan 58 37 5 72 17 Bangladesh 61 93 68 102 89 Brésil 45 41 26 50 29 Maroc 9 7 0 10 2 Total 449 421 186 585 336 Pourcentage de la population qui souffre d'un manque de calories Inde 47 25 9 37 21 Pakistan e 31 4 60 14 Bangladesh 77 71 52 78 68 Brésil 43 22 14 27 16 Maroc 50 22 0 33 8 Total 54 30 13 42 23 "L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agrculture et l'Organisation mon- diale de la santé ont estimé que la moyenne des besoins joumaliers en calories sont les suivants :Inde, 2.110; Pakistan, 2.258; Bangladesh, 2.200; Brésil, 2.390; etMaroc, 2.475. Ces besoins diffèrent d'un pays à l'autre en fonction du pourcentage de la population se trouvant dans chaque groupe d'âge et également en fonction du poids moyen des habitants. "Les hypothèses haute et basse concemant les taux de croissance du revenu par habitant sont les suivantes: Inde, 1,3* et 2,6; Pakistan, 2,0 et 3,1 *; Bangladesh, 0,5 et 1,5; Brésil, 3,0 et 4,8*; Maroc, 2,1 * et 4,0. Les astérisques indiquent que ces taux de croissance ont été atteints de 1960 à 1978. 'Aucune estimation fiable n'est disponible. 18 Tableau 3 Déficit en calories de la ration joumalière moyenne des populations sous-alimentées et déficit calorique agrégé en pourcentage du total des calories consommées dans cinq pays choisis, 1972-1974 et prévisions pour 1995a 1995 Croissance des revenus Croissance des revenus (augmentation annuelle (PHx alimentaires des prix alimentaires constants) de 1 %) Pays 1972-74 Faible Elevée Faible Elevée Déficit joumalier moyen en calories pour la population concemée Inde 357 282 268 334 239 Pakistan 228 53 35 87 37 Bangladesh 444 403 285 462 335 Brésil 468 302 291 345 388 Maroc 650 299 - 406 - Total 353 291 271 328 266 Déficit calorique en pourcentage du total des caloHies consommées Inde 7,5 2,9 0,9 5,2 1,9 Pakistan 10,8 0,7 0,1 2,3 0,2 Bangladesh 18,7 14,1 6,7 19,3 11,1 Brésil 8,0 2,2 1,2 3,2 1,9 Maroc 15,3 2,2 0 4,6 0 Total 8,5 3,5 1,3 5,7 2,4 'Voir renvois au bas du Tableau 2. par sexe, âge et poids, exerçant une activité modérée, ou, dans le cas des enfants, grandissant à un rythme convenable. Dans beaucoup de pays en développement, les normes des activités de travail et de loisir sont très inférieures à celles ci-dessus. En fait, dans certains pays, de nombreuses populations subsistent avec une ration énergétique inférieure à celle re- commandée par la FAO/OMS sans que l'on constate une détérioration du poids ou des signes visibles de malnutrition. Il n'existe donc pas d'accord évident sur la façon dont les estimations nationales des besoins énergéti- ques devraient être calculées. Celles que nous avons utilisées ici doivent être considérées comme une description globale des dimensions relatives du problème, en tant qu'écart entre les rations énergétiques existantes et les besoins, et non pas comme un exposé précis sur la prévalence de la malnutrition parmi ces populations. Cependant, même si les normes FAO/OMS, que certains nutritionnistes trouvent excessives,2 étaient sur- évaluées de 20 %, le total des habitants de ces cinq pays dont la ration énergétique aurait été insuffisante en 1972-74 s'établirait encore à 19 150 millions. * S' attaquer directement au problème de la malnutrition serait certes plus facile et moins onéreux que les tableaux ne le laissent supposer, mais la politique et les délais nécessaires pour introduire le changement n'en seraient pas matériellement affectés. Changements projetés par le truchement du processus de croissance Si le taux de croissance des revenus des cinq pays suivait les prévisions élevées qui figurent, pour 1995, aux Tableaux 2 et 3, et si les prix alimen- taires demeuraient constants, la proportion des populations dont la ration calorique est insuffisante et l'ampleur de leurs privations pourraient être notablement réduites. Il faudrait pour cela une augmentation très substan- tielle de la quantité de nourriture comme le montre le Tableau 4. Les projections de la Banque mondiale concemant les produits alimentaires intemationalement échangés suggèrent que pour satisfaire la croissance de la demande, il faudrait augmenter les prix des denrées alimentaires de 25 %-ou près de 1,3 % par an-d'ici à 1995. Les projections basées sur une augmentation annuelle de 1% des prix alimentaires sont donc, elles aussi, optimistes. Dans l'évolution probable du développement qui ap- paraît aux Tableaux 2 et 3, il faudra accorder une extrême attention à la croissance du produit national ainsi qu'à sa composition et à sa répartition. Il est possible qu'on n'enregistre aucune dégradation du revenu relatif ou *Les données qui figurent dans les tableaux reflètent la ration énergétique moyenne de tous les individus appartenant à des sous-groupes de population disposant de niveaux variables de revenu moyen par tête. Sur un plan idéal, la détermination devrait se baser sur les apports et les besoins énergétiques des individus. Si la ration calorique par tête dans un groupe donné est inférieure à la moyenne nationale, tous les individus de ce sous-groupe sont considérés déficitaires. Bien que cette méthode soit biaisée par un phénomène d'agrégation à l'intérieur des catégories de revenus, elle constitue cependant un progrès car elle réduit notablement ce biais par rapport aux chiffres par téte généralement publiés. Cette technique, initialement développée par Shlomo Reutlinger et Marcelo Selotvsky, n'est pas tout à fait satisfaisante, mais elle peut être considérée comme la meilleure en l'état actuel des connaissances et comme un progrès par rapport aux méthodes antérieures.3 Certains nutritionnistes pensent que les besoins par tête d'une catégorie à bas revenus sont inférieurs à la moyenne de ceux de la population totale. Ils relèvent que, dans ces catégories, le rapport enfants/adultes est plus élevé, ce qui implique moins d'occasions d'activité physique-c'est-à-dire qu'il y a, obligatoirement, des sans-emplois-et que de nombreux adultes ont un poids inférieur à la moyenne, peut-être par suite de malnutrition dans leurpremière enfance. En revanche, ilfaut noter que le chiffre moyen de calories par tête nécessaire à ceux qui appartiennent à des catégories à bas revenus peut être plus élevé parce que ceux-ci ont des professions qui demandent plus d'efforts physiques, que leurs trauvaux ménagers sont plus pénibles, qu'ils ont plus d'enfants et les nourrissent davantage au sein, parce que la proportion des jeunes et des adultes d'âge moyen par rapport aux adultes plus âgés est plus grande, et qu'ils sont davan- tage aussi sujets aux maladies infectieuses et aux parasitoses qui entravent l'absorption caloi- que. L'accord sur le fait que les besoins caloriques peuvent varier entre individus dont les autres caractéristiques sont semblables est unanime. Savoir s'il convient ou non de conclure que tous les membres d'un groupe dont la ration moyenne est inférieure à la moyenne des besoins sont en déficit dépend de la variabilité des rations et des besoins. L'estimation de la corrélation entre les deux paramètres dont il est fait état ici n'est pas très sensible aux variations individuelles des besoins et des rations.4 20 Tableau 4 Niveaux et taux de croissance de la fourniture d'énergie alimentaire si les besoins doivent être satisfaits, dans les différentes hypothèses concemant les revenus et les prix futurs, dans des pays choisis, 1972-1974 et prévisions pour 1995a 1995 Croissance des revenusb Croissance des revenusb (augmentation annuelle (Prix alimentaires des prix alimentaires constants) de 1 %) Pays 1972-74 Faible Elevée Faible Elevée Equivalents céréales vivrières (millions de tonnes) Inde 136 247 275 233 260 Pakistan 13 30 31 29 30 Bangladesh 15 28 30 26 28 Brésil 28 58 63 57 62 Maroc 4 10 12 9 11 Total 196 373 411 354 391 Taux de croissance annuelle de la foumiture (%) Inde 2,9 3,4 2,6 3,1 Pakistan 3,7 4,0 3,6 3,7 Bangladesh 2,9 3,3 2,5 3,0 Brésil 3,6 4,0 3,5 3,9 Maroc 3,9 4,7 3,6 4,4 'On estime que le taux de croissance de la population est: Inde, 2,3 %; Pakistan, 3,1 %; Bangladesh, 2,5 %; Brésil, 2,9 %; Maroc, 2,8 %. '>Voir Tableau 2, renvoi b. absolu des pauvres, et que le taux de croissance de la disponibilité des ressources alimentaires soit élevé. Néanmoins, dans ce cas, il est probable que l'importance de la population concemée restera grande en valeur absolue. Si l'accroissement du revenu est faible et l'augmentation des prix alimentaires modérée, on verra vraisemblablement croître aussi le nombre des démunis. Si le taux de croissance du revenu est fort et la progression des prix alimentaires de 1 % par an en valeur relative, le nombre de ceux dont la ration calorique est insuffisante aura diminué seulement de 25 % en 1995; mais le déficit énergétique dans ces cinq pays ne passera que de 8,5 % de la masse alimentaire à seulement 2,4 % en 1995. Temps nécessaire à l'élimination du déficit En projetant les taux de croissance réels observés entre 1960 et 1976, on constate que seul le Pakistan pourrait espérer voir la totalité de sa popu- lation bénéficier d'une ration alimentaire convenable en moins de trente ans (voir Tableau 5). Dans les autres pays, même les perspectives opti- 21 Tableau 5 Nombre d'années nécessaires pour éliminer le déficit énergétique moyen dans la tranche inférieure de 10 % de la population dans le cadre de l'évolution normale du développement, dans des pays choisisa Nombre d'années nécessaires Taux de croissance Sans Augmentation annuelle du revenu par tête changement de 1 % des prix Pays (%) de prix alimentaires Inde 1,3a 60 167 2,6 30 45 Pakistan 2,0 35 49 3,1a 22 28 Bangladesh 0,5 235 pas possible 1,5 79 157 Brésil 3,0 50 68 4,8a 31 38 Maroc 2,1a 43 69 4,2 22 27 'Taux de croissance annuelle moyen, 1970 -76. mistes indiquent que certains groupes de population demeureraient sous-alimentés. Les résultats obtenus dans le passé par l'ensemble des pays en développement (voir Tableau 6) sont très proches des projections les plus pessimistes en ce qui conceme l'évolution du nombre des mal nourris dans les cinq pays-une faible croissance du revenu associée à une augmentation annuelle de 1 % des prix alimentaires. On peut espérer réduire seulement de 8 % le pourcentage des sous-alimentés au cours d'une période de huit ans, soit 1 % par an. Comme on peut s'attendre à une forte augmentation de la population dans le même temps, le résultat est que le nombre des mal nourris va croître sensiblement. Il reste que ces conjectures sont probablement optimistes, car la réparti- tion du revenu a tendance à empirer lors des premiers stades du dévelop- pement. Le secteur traditionnel, qui rassemble le plus de pauvres et de mal nourris, progresse moins vite que l'ensemble de l'économie. De plus, mal- gré l'effet modérateur de la révolution verte, les prix alimentaires mon- diaux se sont substantiellement accrus entre 1960 et 1976. De ce fait, le pouvoir d'achat réel des pauvres, qui dépensent la majeure partie de leur revenu pour se nourrir, a probablement progressé à un taux moins rapide que celui retenu dans les estimations du Tableau 5. Il est probable qu'entre 1964 et 1974, le pourcentage des mal nourris dans les pays en dévelop- pement est resté à peu près constant, ce qui veut dire que le nombre de ceux qui sont incapables d'accéder à une ration énergétique conforme aux normes a augmenté de façon sensible. 22 Les chiffres de la consommation de céréales vivrières par tête en Inde ajoutent une autre pièce à conviction à l'idée que l'évolution du dévelop- pement dans le passé a peu fait pour réduire la fréquence de la malnutri- tion calorique. Cette consommation en Inde n'a pratiquement pas changé en vingt ans. Elle se situe en moyenne à environ 450 grammes par jour. Etant donné que la quantité de nourriture par individu est restée constante pour l'essentiel, l'augmentation moyenne de 25 % du revenu par tête a seulement permis de rattraper le prix des céréales vivrières. Les pauvres, dont l'augmentation des revenus a été généralement inférieure à 25 %, ont dû encore réduire leurs achats de nourriture par rapport à la situation antérieure. De plus, le mauvais temps, certaines années, a fait chuter la production alimentaire de 15 % et a suscité, ces années-là, une montée des prix bien supérieure à 15 %. Ici encore, ce sont les pauvres qui ont subi de plein fouet le choc de l'augmentation des prix alors qu'ils éprouvent, même en période favorable, les plus grandes difficultés à atteindre un niveau nutritionnel minimum. Tableau 6 Changements en pourcentage estimés dans la répartition de la population et dans le nombre absolu des personnes dont la ration alimentaire est énergétiquement déficiente, par région, entre 1964-66 et 1972-1974a Changements dans la Evolution du nombre des partie de la population personnes dont la qui a une ration ration alimentaire est alimentaire déficiente déficiente sur le plan en énergie énergie Rations Rations Rations Rations inférieures inférieures inférieures inférieures aux à 80 %des aux à 8O %des besoins besoins besoins besoins Région FAO/OMS FAO/OMS FAO/OMS FAO/OMS Afrique -1 0 27 30 Moyen-Orient 0 -31 24 -12 Asie -11 -15 6 3 Amérique latine -5 -4 21 25 Toutes régions -8 -11 13 10 'Au cours de ces deuxpériodes, on a supposé que la ration énergétique des différents groupes de population était déterminée par unefonction énergie-consommation qui spécifie la relation entre la ration énergétique par tête et le revenu, la répartition du revenu, et l'apport énergétique par tête. Voir Shlomo Reutlinger et Marcelo Selowsky, Malnutrition and Poverty (Washington, D.C, Banque mondiale, 1976). Les estimations sont basées sur l'hypothèse d'une élasticité du revenu énergétique de 0,3 au niveau des besoins satisfaits, et représentent des valeurs extrapolées à partir de l'équation initiale. En l'absence de meilleurs renseignements, on a supposé que les relations entre la ration énergétique et le revenu et entre la ration énergétique et la répartition des revenus étaient demeurées constantes au cours de la période considérée. Les différences entre les rations énergétiques, toutefois, reflètent les changements rapportés par la FAO dans l'apport d'énergie par tête au cours des deux périodes. 23 Il semble presque inévitable que la croissance des revenus et celle de la production alimentaire restent très éloignées de ce qui serait nécessaire pour atteindre le niveau quantitatif des estimations courantes des besoins nutritionnels. Le déficit peut être moins élevé que les estimations ne le montrent ici, si les faits donnent raison aux plus optimistes des observa- teurs des perspectives en matière de besoins et de production nutrition- nels; le déficit sera au contraire plus grand si les vues des plus pessimistes se vérifient. De toute façon, le nombre de sous-alimentés restera accablant-des centaines de millions. Que le chiffre soit 200 millions ou plusieurs fois plus important, le problème de la satisfaction des besoins nutritionnels élémentaires reste grave, et le type des réponses à foumir a des chances de rester le même. Même si la croissance des revenus et de l'approvisionnement en denrées alimentaires ne constitue pas une condition suffisante pour satisfaire les besoins essentiels, c' est en tout cas une condition nécessaire. La disponibi- lité de la nourriture doit augmenter au même rythme que la population et les revenus. Dans le cas contraire, les prix relatifs de l'alimentation augmenteront, au moins partiellement, annulant ainsi tout accroissement des revenus des pauvres. Les Tableaux 4 et 5 montrent l'importance des prix alimentaires-et donc de la croissance de la production-dans la réduction du nombre des sous-alimentés. Si l'on n'accorde pas une haute priorité à l'augmentation de la production alimentaire, la hausse des prix pourrait très bien excéder le niveau annuel de 1 % estimé ici; les consé- quences sur le nombre des mal nourris et la gravité de leur déficit seraient considérables. Les contraintes de la balance des paiements ne permet- traient pas alors à la plupart des pays de combler une grande partie de leurs besoins alimentaires en recourant à l'importation. De même, sans une rapide progression des revenus, il faudra compter, en 1995, des centaines de millions de sous-alimentés supplémentaires pour les cinq pays considérés. Si l'on veut que les pauvres puissent obtenir des emplois et des revenus qui leur permettent d'acheter suffisamment de nourriture et si les gouvemements doivent disposer des moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre de programmes nutritionnels et d'autres mesures en faveur des pauvres, il est vital de prendre les dispositions indispensables pour parvenir à une croissance rapide, axée sur la pauvreté. Les pressions inévitables en direction d'une injustice croissante dans la répartition des revenus qui accompagnent les premiers stades du dévelop- pement ajoutent encore à la nécessité de veiller à ce que les pauvres bénéficient réellement des augmentations de revenus, au moyen de mesu- res dans le genre des programmes d'aide aux petits exploitants agricoles. En bref, il faudrait accorder une large priorité à la fois à la production alimentaire et aux revenus des pauvres, aussi bien pour l'amélioration de la nutrition que pour d'autres raisons. Une priorité devrait toutefois être accordée à la progression des revenus plutôt qu'aux programmes de pro- duction alimentaire, car c'est le domaine où l'on a fait le moins de progrès. 24 Incidence sur le plan nutritionnel de la redistribution des revenus par la croissance La réduction des déficits énergétiques par une croissance à vocation de redistribution offre de nombreuses possibilités. Comme le montre le Ta- bleau 7, si la croissance des revenus est concentrée sur le décile inférieur du revenu national, on peut admettre que tous les pays, sauf peut-être le Bangladesh, peuvent réduire substantiellement les déficits énergétiques avec un effet modéré sur la croissance pondérée du revenu national. En Inde, avec un taux de croissance annuelle de 2,6 %, répartie de façon neutre, il faudrait trente ans pour éliminer les déficits énergétiques du décile inférieur (voir Tableau 5); on pourrait parvenir au même résultat en vingt ans (voir Tableau 7) avec un taux de croissance de seulement 2,1 % redistribuée proportionnellement au déficit énergétique de chaque décile de la population. Au Brésil, avec un taux de croissance de 2,2 % convena- blement répartie, on pourrait régler le problème dans la moitié du temps qu'il faudrait si le taux record de 4,8 % était acquis mais sans changement dans la répartition des revenus. De la même façon, une étude des déficien- ces caloriques à Cali (Colombie) montre que celles-ci pourraient être éli- minées par une simple augmentation de 0,9 % du revenu global, si toute cette augmentation allait aux groupes dont la ration alimentaire est insuffi- sante. Mais, si la répartition du revenu demeurait inchangée, il faudrait que le taux de croissance atteigne 18,6 %.* *Dans les calculs, on a supposé que l'apport alimentaire augmenterait suffisamment pour répondre aux besoins supplémentaires sans modification des prix.5 Tableau 7 Taux de croissance du revenu par tête nécessaire à l'élimination en vingt ans du déficit énergétique moyen par tranche de population de 10 % (décile), dans des pays choisis Décile Inde Pakistan Bangladesh Brésil Maroc (% par an) 1 (inférieur) 4,0 3,4 6,0 7,7 4,6 2 2,2 2,7 4,0 4,5 3,0 3 1,2 2,4 3,0 2,6 2,7 4 0,6 2,2 2,3 1,1 1,5 5 0,1 1,9 1,9 - 0,6 6 - 1,7 1,5 - - 7 - 1,5 1,0 - - 8 - 0,9 - - - 9 - 0,2 - - - 10 (supérieur) - - Taux moyens pondérés de croissance par pays' 2,1 2,2 2,5 2,2 2,2 'Pour tenir compte des réalités politiques, on a admis un taux de croissance minimale de 2 % pour chaque décile. 25 Toute redistribution des revenus aurait bien entendu pour effet d'augmenter les besoins en approvisionnement par rapport aux niveaux projetés dans le cas d'un revenu réparti de façon neutre ou détoumé au profit des groupes à haut revenu. Un gouvemement fort et décidé pourrait réaliser des progrès notables dans la solution du problème de la nutrition en dirigeant les fruits de la croissance du produit national vers les déciles inférieurs ou en taxant les relativement riches et en transférant aux pauvres une partie de leurs revenus. Les réalités politiques et économiques étant ce qu'elles sont, toutefois, la croissance des revenus a plus de chances de ressembler aux projections de répartition neutre. Et, en fait, dans la plupart des pays, le simple maintien des niveaux existants d'inégalité peut se révéler une tâche ardue. Même si l'on parvient, ne serait-ce que très peu, à aiguiller le développement général vers une croissance accélérée du re- venu des déciles inférieurs-tout en consentant un gros effort à l'augmen- tation de la production alimentaire-il faudra prendre des mesures complémentaires très fermes pour améliorer le niveau de consommation alimentaire des pauvres. L'évolution probable de la croissance nationale permet de craindre que la génération actuelle ne voie pas ses problèmes résolus dans ce domaine. 26 Chapitre 4 L'étendue des actions possibles Etant donné que dans l'évolution probable de la satisfaction des besoins en matière de développement il y a peu de chances de parvenir à une nutrition convenable dans une limite de temps acceptable, il faut prendre, pour la nutrition, des dispositions particulières. Une importante approche du problème consiste à intégrer des mesures nutritionnelles dans les déci- sions gouvemementales qui peuvent avoir une influence sur le bien-être alimentaire; par exemple, les décisions régissant la foumiture et les prix de denrées importantes sur le plan de la nutrition. Une autre approche du problème, plus connue et plus souvent employée, consiste à se servir de projets à objectifs plus limités comme les programmes collectifs de nourri- ture des enfants, l'éducation nutritionnelle et les autres activités en rapport avec la nutrition réalisées par les services de santé.' Il est difficile d'évaluer l'incidence sur la nutrition de mesures politiques plus générales parce qu'il n'est pas aisé de maîtriser les changements des nombreuses variables extérieures que comportent les programmes à grande échelle. Comment, alors, déterminer si des mesures conçues pour assurer une meilleure nutrition auront ou non des effets favorables ? Les résultats d'actions directes, moins ambitieuses et soigneusement contrô- lées, peuvent être instructifs à cet égard. L'évaluation récente des résultats d'un groupe de projets intégrant des programmes de nutrition et de santé, par exemple, permet de se faire une idée sur la question de savoir si des dispositions particulières pour améliorer la nutrition peuvent réellement apporter quelque chose.* L'analyse de dix projets dirigés avec soin et généralement bien contrôlés indique clairement que des mesures bien conçues et appliquées de manière efficace peuvent promouvoir le déve- loppement physique et réduire la mortalité. Dans leur ensemble, ces dix opérations constituent un exemple convaincant que, par des projets por- tant sur des populations de 60.000 à 70.000 personnes et mis entre les mains d'administrateurs capables, on peut, en cinq ans, réduire la mortalité périnatale et infantile d'un tiers ou de moitié. Il est possible que ces projets, et surtout leurs animateurs dévoués et compétents, soient difficiles à multi- plier, mais ils servent à montrer ce que l'on peut accomplir par un effort clairement axé sur le problème de la nutrition. *Les évaluations effectuées dans le cadre de la présente étude par Davidson R. Gwatkin, Janet R. Wilcox et Joe D. Wray figurent en Annexe C.2 27 Choix des actions En matière de nutrition, le choix des actions spécifiques à mener dans un pays donné devrait découler de l'analyse de la nature du problème et de ceux que ce choix affecte. Les besoins des populations urbaines et ceux des populations rurales ne sont pas les mêmes, comme diffèrent également les besoins de ceux qui possèdent de la terre et de ceux qui n'en ont pas. Des considérations d'ethnies, de cultures et de professions influencent également le choix de ces actions. Il existe encore une autre série de facteurs qui jouent sur la nature du problème-celui-ci est-il saisonnier, régional, quels moyens convient-il d'employer pour atteindre la population visée ? Une subvention pour des denrées alimentaires de consommation ne sera utile, par exemple, que si les consommateurs les obtiennent par l'entremise de canaux commerciaux; et, même dans ce cas, il serait néces- saire de savoir si ces denrées sont achetées dans une grande surface ou chez le petit commerçant local, quelle est la fréquence des achats, et ainsi de suite. On peut utiliser les réponses pour régler quelques problèmes nutritionnels spécifiques. Là où l'on rencontre des déficiences en micronutriments-manque de vitamine A, de fer, par exemple, ou gôître-, on peut apporter la solution en ajoutant des vitamines et des minéraux par traitement des denrées alimentaires de base, comme la fa- rine de froment, le sucre et le sel. L'usage de fortifiants devrait être aussi encouragé. La technologie est simple, le coût peu élevé, et les résultats peuvent être spectaculaires. Ces façons simples d'aborder les problèmes peuvent plus facilement déboucher sur des actions moins onéreuses et moins grandioses. La malnutrition est surtout causée par le manque de nourriture ou par la faiblesse du pouvoir d'achat de certains groupes de population. Il arrive parfois, cependant, qu'elle provienne simplement de mauvaises habitudes alimentaires. Ce phénomène est particulièrement prononcé dans les popu- lations objet de rapides changements économiques et sociaux. Il n'est pas inhabituel, par exemple, de trouver des enfants atteints de malnutrition dans des foyers où les revenus et la nourriture sont convenables. Même chez les pauvres, la malnutrition des enfants pourrait être souvent évitée, bien qu'il soit démontré que la ration alimentaire de la plupart des pauvres est remarquablement équilibrée, compte tenu de leurs faibles dépenses pour la nourriture. Mais l'intuition dont ils font preuve ne paraît pas s'éten- dre aux besoins spécifiques individuels, en particulier à ceux des enfants en âge d'être sevrés. Des programmes d'éducation peuvent jouer un rôle utile. Il faut apprendre aux familles à diversifier la répartition de la nourri- ture. L'éducation nutritionnelle mettrait l'accent sur l'importance de l'allai- tement maternel et sur celle de l'apport de suppléments de nourriture en fonction de l'âge. Il n'est pas facile de changer des habitudes solidement implantées, mais étant donné les succès enregistrés-encore qu'ils soient minces-, l'effort vaut d'être poursuivi. Il faudrait aussi des projets d'édu- cation qui encouragent l'aménagement de jardins collectifs et individuels, 28 ainsi que le traitement et la conservation des aliments pour améliorer les pratiques locales. Aux Philippines, par exemple, une partie substantielle de la ration alimentaire de la population rurale est tirée de la production familiale.3 Les programmes agricoles devraient s'intéresser à de telles sources substantielles de production alimentaire. La possibilité d'accès aux soins de santé de base est très importante pour le diagnostic de malnutrition au sein des groupes à bas revenus-la pesée régulière des jeunes enfants, par exemple, peut permettre de repérer les risques, d'alerter les mères et de servir de point de départ à une opération de supplément de nourriture. La distribution de capsules de fer, d'acide folique, ou de vitamine A, et la vaccination contre les maladies comme la rougeole qui, associées à la malnutrition, sont causes de graves affections et de décès, sont d'une très grande importance si l'on veut parvenir à une bonne nutrition, de même que les moyens de juguler les sources d'infec- tion et la forte densité des vers intestinaux qui accroissent les besoins en nutriments. Développer l'état sanitaire du milieu environnant-en particu- lier la foumiture d'eau-est aussi particulièrement important. Les pro- grammes sanitaires et alimentaires, lorsqu'ils s'adressent ensemble à une même région, amplifient mutuellement leur action. Les besoins essentiels de qui ? Chez les pauvres, la malnutrition atteint tous les âges et contribue à la souffrance, à la moindre résistance aux maladies, et à une faible producti- vité. Les programmes nutritionnels sont toutefois surtout destinés, habituel- lement, aux enfants de moins de trois ans, aux femmes enceintes et aux nourrices. Les dommages causés par la malnutrition aux premiers âges de la vie et le rôle primordial joué par les femmes enceintes et les nourrices dans la santé de leurs enfants justifient pleinement ce choix de concentrer des moyens limités au profit de ces groupes vulnérables. Mais les prix des denrées, l'habitude courante de partager les suppléments éventuels de ressources alimentaires entre tous les membres de la famille, et d'autres difficultés inhérentes aux programmes nutritionnels liés à une catégorie d'âge font que ces mesures se révèlent souvent inefficaces dans la lutte pour la satisfaction des besoins essentiels.4 Il est évident que la plus haute priorité continuera d'être accordée aux jeunes enfants et à leurs mères. Mais, lorsqu'on planifie un programme, il est préférable de se fixer au départ comme objectif d'aider, non pas un groupe déterminé, mais l'ensemble de la population sous-alimentée. Les priorités, à l'intérieur du groupe visé, devraient s'effectuer par pondération et ne pas exclure tous ceux qui n'appartiennent pas à une catégorie d'âge donnée. On peut envisager des programmes nutritionnels destinés à des sous-groupes particuliers, mais il faut qu'ils fassent partie d'un ensemble qui présente des avantages pondérés maximaux pour la totalité du groupe visé et apporte une réponse positive à tous les problèmes connexes: coûts-avantages, socio-culturels, politiques, institutionnels. L'avantage d'un tel ensemble est de s'assurer qu'on ne laisse passer aucune occasion 29 de s'attaquer aux problèmes de nutrition à cause d'hypothèses erronées en matière de groupes visés, de budgets limités, etc. Même les efforts entrepris pour atteindre les enfants pourraient, dans certains cas, se montrer plus efficaces s'ils concernaient l'ensemble des foyers mal nourris; dans de nombreux pays, une grande partie des enfants ne peut être touchée que de cette façon.* Coûts Le coût des actions nutritionnelles individuelles-et plus encore celui des stratégies globales-est différent suivant le pays concemé, en fonction de la nature et des causes des problèmes de nutrition, des capacités institu- tionnelles, du revenu par tête, et des fonds disponibles.t Plus le revenu national d'un pays est élevé, plus les normes nutritionnelles minimales et, par conséquent, le coût par tête de la nourriture et d'un programme d'ad- ministration tendent à l'être. Mesurer les coûts fait naître bien des questions difficiles. Dans beaucoup de programmes d'alimentation supplémentaire, par exemple, le coût par personne qui en a effectivement retiré un bénéfice a atteint plusieurs fois le coût par adhérent. Bien que certaines initiatives d'ordre nutritionnel-comme la vérifica- tion plus approfondie des conséquences de la politique agricole sur la nutrition-puissent être entreprises sans dépenses budgétaires importan- tes, beaucoup des actions conseillées dans cette étude sont onéreuses. Le coût de vastes programmes de rations et de subventions alimentaires, par exemple, est généralement élevé. Les possibilités de mobilisation des ressources pour la nutrition varient aussi beaucoup d'un pays à l'autre. Elles dépendent de la situation finan- cière d'ensemble et de la balance des paiements, de l'intérêt sur le plan analytique et politique de procéder à des dépenses en matière de nutrition plutôt que dans d'autres domaines, de l'importance que revêt la possibilité d'éviter la malnutrition, de la possibilité de faire appel à d'autres ressources venant de l'extérieur, de l'existence d'organisations bénévoles et de celle d'institutions communautaires. Comme le combat contre la malnutrition a une résonance certaine sur le plan politique, il peut être possible de lever des fonds pour financer les programmes nutritionnels au moyen de taxes particulières. On peut aussi réduire les subventions à la consommation onéreuses qui ne sont pas *Les coûts additionnels des grands programmes sont plus petits qu'il ne le paradt au premier abord. Le coût par calorie de programmes destinés à nourrir des enfants peut être double de celui d'un programme de subvention plus vaste, en partie parce qu'on utilise des aliments qui ont subi un traitement et qui sont plus chers, et aussi parce que les coûts administratifs et de distribution sont élevés. De toute façon, une partie de la nourriture distribuée dans le cadre des programmes pour enfants sera détoumée au foyer même au profit des autres membres de la famille, et elle coûtera beaucoup plus que la nourriture de ces mêmes personnes dans le cadre d'un programme plus vaste. tLes questions de coûts sont étudiées de façon plus détaillée en Annexe D. 30 axées sur les pauvres et affecter les fonds ainsi récupérés à des program- mes de nutrition. Les aliments et les boissons de valeur nutritionnelle faible ou nulle pourraient être taxés, comme en général la plupart des denrées de consommation de luxe. Taxer le riz extra ou demander aux consomma- teurs de payer, pour l'obtenir, le prix du marché mondial pourrait aider à subventionner des riz de moins bonne qualité. Quoique trouver les res- sources nécessaires ne devrait pas être le souci des programmes de nutri- tion, pas plus d'ailleurs que celui des programmes d'éducation, ces possibi- lités existent et, dans certains cas, elles peuvent apporter l'appui d'un contexte politique favorable à des initiatives importantes en nutrition. On peut aussi réduire substantiellement les coûts de fonctionnement en faisant appel à des groupements communautaires ou à des organisations bénévoles locales. Ceci implique généralement des intérêts institutionnels et politiques locaux qui dépassent largement le cadre de la nutrition prise isolément. Mais la nutrition pourrait parfois fournir l'impulsion nécessaire au renforcement des efforts destinés à mobiliser les ressources locales. Le potentiel mobilisateur des groupements communautaires-un sujet dont on ne connaît pas grand-chose-est probablement d'ordre culturel. Toutes choses étant égales, plus le revenu d'un pays est élevé, plus il a de chances de pouvoir satisfaire les besoins nutritionnels essentiels. Le pro- blème est alors généralement moins aigu et les ressources financières et humaines plus faciles à trouver. Pour les pays à revenu moyen, par exemple, l'objectif raisonnable pourrait être d'amener en dix ans 95 % des familles dans un intervalle de 10 % autour de la valeur des besoins protéino-énergétiques définie par la FAO et l'OMS, ajustés en fonction de la composition de la famille et d'autres facteurs connexes. Pour les pays à faible revenu, il faudrait se contenter d'objectifs moins ambitieux. Dans tous les cas, le but initial devrait être l'élévation des niveaux de consomma- tion des groupes les plus démunis-ceux à qui il manque plus de 400 calories pour avoir une ration suffisante, par exemple. 31 Chapitre 5 Voies d'intervention nouvelles et génératrices d'espoir: politique alimentaire orientée vers la nutrition On néglige souvent d'utiliser l'action politique pour influencer le caractère de la production, du traitement et de la distribution des denrées alimen- taires d'un pays dans le but d'augmenter la quantité de nourriture consommée par les pauvres. La politique de production agricole peut être adaptée de façon à être davantage axée sur les besoins nutritionnels de ceux-ci. Il est aussi possible de mieux utiliser les programmes de distribu- tion de nourriture et de subvention pour atteindre plus sûrement les pau- vres; dans certains pays, sans que le fait soit généralement reconnu comme tel, les programmes de nutrition les plus importants sont exécutés sous forme de subventions. Une nouvelle façon d'aborder les subventions à grande échelle au profit des consommateurs peut être très payante si elle est orientée vers les besoins nutritionnels. Mais les obstacles sont énormes: le degré d'intérêt du gouvemement en matière de besoins essentiels, l'ampleur des dépen- ses à consentir par rapport à la capacité financière de l'État, les objections des groupes économiques et politiques affectés par les mesures, et des difficultés administratives considérables liées à certains programmes, en particulier les programmes nationaux ayant pour objectif d'assurer une ration alimentaire suffisante au plus grand nombre possible de ruraux mal nourris. Néanmoins, l'énormité du besoin d'amélioration de la nutrition et la valeur limitée des résultats des efforts entrepris qui en résulte exigent que l'on prenne en considération des possibilités d'intervention qui sortent nettement des sentiers battus. Des décisions en matière de politique ali- mentaire peuvent apporter un complément fécond aux efforts plus habi- tuels destinés à aider les groupes les plus vulnérables. A notre époque, tous les gouvemements influencent, d'une manière ou d'une autre, la nature et la quantité des denrées alimentaires produites, échangées et consommées. Mais les effets sur le plan nutritionnel des mesures prises en matière d'alimentation et d'agriculture sont rarement envisagés ou planifiés. Peu de pays collectent systématiquement les don- nées concemant les conséquences nutritionnelles des modifications qui interviennent dans les revenus et dans les prix-c'est la preuve qu'en général, on n'accorde que peu d'intérêt aux implications nutritionnelles des structures de consommation alimentaire dans la planification de la politique agricole ou dans celle du développement. La production et le 32 commerce de l'alimentation ne sont pas particulièrement portés, dans l'en- semble, à s'intéresser au bien-être nutritionnel d'une population ou à four- nir une base permettant d'en discuter. Il est fort heureux que plusieurs pays-l'Inde, l'Indonésie et les Philippines, par exemple-aient commencé à désagréger par catégorie de revenus les données concemant la consommation alimentaire. L'analyse de ces données et l'expérience acquise dans certains projets de nutrition ont permis de mettre en lumière plusieurs points importants qui pourraient être utilisés pour améliorer l'aspect nutritionnel de la conception d'une politique alimentaire. Principales raisons d'une politique alimentaire orientée vers la nutrition Bien que les familles dont les revenus sont très bas en dépensent la plus grosse part pour la nourriture, leur consommation, le plus souvent, n'est pas nutritionnellement convenable. La ration de plus de 40 % de la popu- lation des cinq pays étudiés dans les Tableaux 2 et 3 est déficiente en énergie, et il manque plus de 400 calories à la ration d'au moins 15 % de cette même population. Les denrées alimentaires achetées par les familles pauvres ne sont pas les mêmes que celles achetées par le reste de la population. En Indonésie, par exemple, les trois déciles inférieurs de la population en matière de revenus tirent environ 40 % de leur énergie alimentaire, ou calories, du manioc et du maïs et 46 % du riz, alors que les trois déciles supérieurs reçoivent 14 % de leur énergie du manioc et du mals et 59 % du riz. A Cali, en Colombie, une augmentation de foumiture de viande de boeuf de 10 % ajouterait à la ration joumalière des déjà bien nourris l'équivalent de trois fois celle du groupe de ceux dont l'apport calorique est insuffisant. En revanche, les avantages d'une augmentation de 10 % de la production de manioc iraient intégralement à ce demier groupe.' Dans tous les pays, l'augmentation des apports en certaines catégories de nourriture bénéfi- ciera aux pauvres du point de vue nutritionnelle, ce qui ne sera pas le cas si l'augmentation conceme d'autres catégories alimentaires. L'équilibre entre les protéines et les calories de la ration alimentaire des populations pauvres est généralement adéquat-ce qui signifie que la ration contient assez de protéines lorsque l'apport énergétique est convenable-même lorsqu'une grande partie de l'énergie provient d'un produit de base riche en amidon et pauvre en protéines comme le manioc. * D'une façon générale, les gens adoptent des pratiques de *L'idée que les rations alimentaires principalement basées sur le manioc sont presque tou- jours déficientes en protéines et sont particulièrement contre-indiquées pour les enfants est très répandue. De là vient la mauvaise réputation du manioc chez certains nutritionnistes qui l'appellent "la racine de tous les maux". Il est vrai que, si un enfant se nourrit surtout de manioc ou d'aliments Hiches en énergie mais pauvres en protéines, il est presque certain qu'il souffiira d'un manque de protéines. Il semble y avoir une limite supérieure naturelle à la consommation de manioc; des études menées dans des régions à bas revenus de l'Inde, du Brésil, de Zambie et de l'Indonésie montrent que plus de la moitié de l'énergie alimentaire 33 consommation plus judicieuses qu'on ne le croit généralement, et on a observé le même phénomène dans leurs pratiques culturales agricoles.t De nombreux mal nourris appartiennent à des familles de petits agricul- teurs qui tirent essentiellement leurs revenus de la culture de leurs terres ou de terres de location. Mais la majorité des mal nourris sont des ouvriers agricoles sans terres, ou presque, des gens qui ont des emplois mal rétri- bués à la campagne ou à la ville, ou des chômeurs. Ces gens-là ne profitent qu'indirectement des programmes de production en faveur des petits ex- ploitants agricoles. Dans l'Etat de Maharashtra, en Inde, par exemple, dans le groupe de ceux qui sont trop pauvres pour pouvoir s'offrir une nutrition convenable, 40 % sont de petits exploitants, 40 % sont des ouvriers agrico- les et le reste est composé soit de chômeurs, soit de salariés mal payés. Pour ceux qui ne sont pas des petits exploitants, ce qui importe le plus est la relation entre leurs revenus, qui sont déterminés par les offres d'emplois dans et hors des exploitations agricoles, et le prix de la nourriture. Pour eux, les programmes nutritionnels qui valent quelque chose sont ceux qui fournissent des emplois non spécialisés, y compris les programmes de travaux publics et ceux basés sur le paiement du travail en denrées alimentaires. Dans la plupart des pays, la physionomie de la consommation de nourri- ture et de la valeur nutritionnnelle de la ration alimentaire varie considéra- blement en fonction des régions et entre zones urbaines et zones rurales. Ces variations sont en partie dues aux différences de revenus et de goûts. Elles reflètent aussi les écarts de prix qui proviennent des différences dans les coûts du transport, de la production et du stockage, de celles des marges bénéficiaires et de la politique des prix du gouvemement. Malgré tous ces obstacles, les gouvernements peuvent prendre d'importantes ini- tiatives pour atténuer les problèmes de nutrition dans les régions arriérées ou isolées. vient d'autres sources.2 Certaines personnes ont besoin aussi bien de plus de protéines et de plus d'énergie, mais, dans les régions où l'apport en protéines correspond déjà aux besoins-ou se rapproche beaucoup plus des besoins que l'apport en calories-il faut mettre l'accent sur l'énergie. De toute façon, il faut procéder à l'analyse de la consommation par catégorie d'âge avant de prendre des mesures destinées à encourager l'augmentation de la consommation d'une nourriture de base pauvre en protéines. S'il est probable que l'on se heurtera à des problèmes, on peut envisager des accommodements-par exemple, en agissant sur la répartition des cultures, ou en incluant des légumes dans les programmes de mation, ou encore en influant sur la nature et sur l'intensité d'une formation nutritionnelle. tComme on l'a noté au Chapitre 4, la ration alimentaire des petits enfants - et des femmes, dans certaines sociétés -est moins judicieuse, particulièrement au cours des périodes où la commercialisation des denrées alimentaires se développe et se modemise. De même, les conséquences de la mainutrition ne sont pas également supportées par la population. Les femmes et les enfants sont plus atteints que les autres à cause de la façon dont la nourriture est répartie au sein de la famille et de la méconnaissance des besoins particuliers des enfants, des femmes enceintes et des nourrices. De plus, la démographie de la pauvreté montre qu'il existe un nombre disproportionné defemmes et d'enfants dans les groupes trop pauvres pour acquérir une ration alimentaire convenable. 34 L'ampleur de la variation de la valeur nutritionnelle de la ration alimen- taire est souvent fonction des saisons. Dans de nombreux pays où il n'y a qu'une récolte principale par an, les prix alimentaires varient fortement avec les saisons. Ils commencent à monter quelques mois après la récolte et, malheureusement, cette hausse peut fort bien coincider avec la période de faibles gains, elle aussi saisonnière, des ouvriers agricoles. Lorsque les prix sont au plus haut-généralement juste avant la récolte principale- c'est le moment où les travailleurs ont besoin d'énergie supplémentaire pour extirper les mauvaises herbes et pour récolter; et c'est aussi le moment où les conséquences de la malnutrition se font le plus sentir.3 Toute politique alimentaire visant à améliorer la nutrition devrait s'attacher à réduire les fluctuations saisonnières des prix et des revenus. La valeur nutritionnelle de la ration alimentaire varie encore plus avec les années qu'avec les saisons. Dans la plupart des pays pauvres, la pro- duction agricole est subordonnée à un régime des pluies éminemment variable. De graves problèmes surgissent périodiquement, causés par la sécheresse, l'invasion de parasites, l'inondation ou autres calamités natu- relles, ou bien par le manque de produits de base indispensables à la campagne agricole. Les prix alimentaires montent et les revenus des exploitants et des ouvriers agricoles diminuent. La famine peut en résulter ou, si une amélioration intervient qui évite des décès massifs par inanition, une augmentation sensible de la malnutrition et de la mortalité qui s'y rattache. L'ampleur de la fluctuation des ressources alimentaires d'une année à l'autre peut être réduite si l'on prend des mesures pour modifier le jeu de l'offre et de la demande en vue de garantir l'approvisionnement.4 Production agricole et nutrition En même temps qu'ils introduisent une orientation nutritionnelle dans leur politique alimentaire, les gouvemements doivent revoir leurs plans de pro- duction agricole pour déterminer si, et dans quelle proportion, les mesures prises dans ce domaine influent sur l'accès à la nourriture de la population vulnérable nutritionnellement et sur ses revenus. Ils doivent aussi réaliser les changements qui permettent d'atteindre les objectifs nutritionnels. L'un des buts principaux de la recherche agricole doit être le bien-être nutritionnel et cette recherche doit se pencher davantage sur la production des aliments bon marché que consomment surtout les pauvres. Si la tech- nologie n'est pas améliorée, par exemple, on peut être sûr que les produc- teurs de millet et de sorgho des régions semi-arides demeureront pauvres et mal nourris. Les instituts de recherche agricole commencent à s'intéres- ser sérieusement à la culture des racines comestibles, des céréales secon- daires et des légumes qui constituent les sources d'énergie et de protéines les moins chères et qui forment souvent la nourriture de base des pauvres. Parmi les racines comestibles qui paraissent susceptibles de meilleurs ren- dements, on trouve le manioc, source d'énergie alimentaire fondamentale pour quelque 300 millions d'individus dont la plupart sont pauvres. 35 Theodore Schultz, prix Nobel, se plaint que les instituts de recherche agricole ne s'intéressent pas assez à la production des fermes familiales qui est, pour la nutrition, d'une importance considérable.5 La recherche est généralement entreprise pour répondre aux forces du marché qui reflètent plus le pouvoir d'achat que les besoins nutritionnels et elle est conçue sur le modèle de la recherche dans les pays industrialisés. Elle devrait se préoc- cuper des cultures qui intéressent les pauvres et des conditions de vie de ces demiers et s'étendre à tous les aspects de la politique agricole-services de vulgarisation, fourniture de produits, crédit et commercialisation-en tenant compte de la fiabilité des pauvres tant sur le plan financier et tech- nique que sur le plan social. Une telle réorientation entraînerait dans de nombreux pays des changements importants dans les vues des planificateurs agricoles.* Lorsqu'un choix s'impose en matière d'attribution de crédits et de main-d'oeuvre pour augmenter la production des cultures-comme celle du riz ou du manioc-,on devrait baser ce choix sur les conséquences qu'il peut avoir sur le plan de la nutrition. En Indonésie, l'analyse de l'impor- tance de la valeur nutritionnelle des produits agricoles montre comment une politique alimentaire peut être étudiée en fonction d'objectifs nutritionnels. t Les programmes de production des gouvemements peuvent aussi faire beaucoup pour réduire la variabilité saisonnière et annuelle. Les efforts de recherche et de vulgarisation doivent porter sur l'amélioration de la répartition des cultures sans se désintéresser pour autant des besoins nutritionnels saisonniers. En politique alimentaire, la planification doit tenir compte de la résistance des diverses cultures à la sécheresse, aux maladies et aux insectes. Le manioc et certaines autres racines comestibles bon marché résistent généralement assez bien à la sécheresse et nécessitent moins d'investissement en irrigation et en drainage que les autres cultures; on peut les laisser en terre-le manioc frais et non traité n'est périssable qu'après avoir été récolté -,les planter et les récolter presque tout au long de l'année, ce qui réduit les variations saisonnières. Le millet et le sorgho sont aussi généralement plus résistants à la sécheresse que les autres céréales. Les agriculteurs préfèrent souvent les variétés à faible rendement à celles dont le meilleur rendement s'accompagne d'un risque certain. Les exploitants agricoles pratiquent aussi habituellement la diversification des cultures pour réduire les risques. Ces avantages importants ne doivent pas être ignorés, même si la prise en considération officielle de ces facteurs doit rendre l'analyse des coûts et des avantages encore plus compliquée qu'elle ne l'est. *Les services de planification des Ministères de l'agriculture de certains pays, Indonésie et Philippines par exemple, ont récemment créé des bureaux chargés de planifier et de contrôler les aspects et les conséquences nutritionnels de la politique et des programmes agricoles. tL'analyse par pays préparée pour cette étude par C. Peter Timmer est résumée en Annexe A. 36 Pour aider à atténuer la variabilité saisonnière, annuelle et régionale, les gouvemements peuvent avoir à intervenir directement pour organiser le marché de gros des céréales de façon à remédier aux insuffisances du marché en général ou à améliorer le commerce privé. Dans certains cas, l'intervention pourrait consister à acheter de grandes quantités de céréales lors de la baisse saisonnière et à les revendre lorsque les prix sont hauts; ou à accumuler les stocks les bonnes années pour les remettre sur le marché dans les mauvaises; ou encore à acheter dans les régions où existent des excédents pour rétrocéder aux régions en déficit. Il faut cependant être conscient du fait important que, dans le passé, des efforts de ce genre-en Inde et dans quelques pays d'Afrique de l'Ouest, par exemple-ont contribué à détériorer la situation et ont eu pour résultat net de faire monter les prix des denrées alimentaires. De telles interventions ne se justifient que lorsque la situation alimentaire les impose et que le gouver- nement concemé est capable de les mener à bien. Les gouvemements peuvent prendre des mesures importantes d'adap- tation du marché en vue d'avantages nutritionnels tout au long de la chaîne alimentaire, du producteur au consommateur. La qualité nutrition- nelle des denrées alimentaires peut subir des altérations à tous les niveaux du marché. Les céréales mal séchées après la récolte ou incorrectement stockées, surtout après moulage, se détériorent rapidement à cause de la prolifération des microbes et des champignons et de l'envahissement par les insectes. Investir dans la construction de vastes entrepôts centraux aussi bien que dans des installations de stockage convenables au niveau des villages et des exploitations peut diminuer notablement les pertes en nu- triments et réduire de moitié les dégâts occasionnés aux fruits et aux légu- mes. Certains traitements permettent une conservation spectaculaire des éléments nutritifs-le riz étuvé, par exemple, peut garder la plupart des micronutriments perdus dans l'usinage du riz. fi serait bon que la politique gouvemementale influence le choix des procédés de traitement. On pour- rait faire beaucoup, d'autre part, en diffusant mieux les informations concemant le marché ou en améliorant les routes qui mènent des exploita- tions au marché. Un certain nombre de gouvemements ont déjà pris des mesures actives dans un ou plusieurs de ces domaines, encore que ni les pays ni les organismes intemationaux d'assistance n'aient convenablement exploré les possibilités d'intervention au niveau du marché pour améliorer la nutrition. Ils devraient cependant étudier toute initiative commerciale économiquement justifiée susceptible d'améliorer la foumiture des den- rées alimentaires, de réduire les prix à la consommation ou d'aider le pauvre à acheter, choisir, ou préparer une ration alimentaire convenable. Les planificateurs doivent veiller à ce que les changements qui inter- viennent dans la technologie ou la politique n'entraînent pas de consé- quences fâcheuses sur le plan nutritionnel. Parfois, lorsque les prix alimen- taires chutent, les gouvemements choisissent d'exporter les denrées ou bien d'abandonner les cultures vivrières au profit de celles qui ne le sont 37 pas. Bien qu'au cours des quelque vingt années de la durée d'un projet de développement rural à Tabasco, Mexique, la production agricole ait été multipliée par six-alors que la population doublait-, la situation nutri- tionnelle des 30 % les plus pauvres de la population s'est dégradée. On avait atteint les objectifs de maximalisation des exportations et du rende- ment des investissements, mais au prix de la réduction de la diversification des cultures et de la production des denrées alimentaires consommées localement. Lorsqu'on opte pour la culture commerciale, même si le revenu global augmente, les chefs de famille peuvent ne pas avoir assez d'argent pour acheter autant de nourriture que le foyer en disposait lorsque la culture était de subsistance.6 Dans une région de bonnes plantations de café en Papouasie-Nouvelle-Guinée, on a constaté que la ration alimentaire avait globalement chuté de 22 % en quinze ans, c'est-à-dire depuis que la cul- ture du café avait été introduite.' Les familles d'agriculteurs pâtissent aussi du passage aux cultures de rapport parce que, malgré l'augmentation de leurs revenus, elles peuvent acheter moins de nourriture au prix de détail qu'elles n'en auraient vendu auparavant au prix-producteur. Si l'augmen- tation du revenu doit être très importante, il est peu probable que ce problème apparaisse, à partir du moment où l'on dispose d'un système de commercialisation efficace, public ou privé, des denrées alimentaires. Mais si cette augmentation est seulement modérée, les projets qui visent à en- courager la production de cultures de rapport doivent inclure des mesures pour éviter une dégradation sur le plan nutritionnel-éducation intensive, par exemple, par le truchement de services de vulgarisation et conserva- tion d'une partie des terres familiales pour une production de subsistance. L'examen approfondi d'études sur la relation entre la situation alimen- taire et les changements en matière agricole, effectué récemment, a permis de conclure qu' "à moins de prendre des précautions extraordinaires pour mettre sur pied un réseau de distribution et un mécanisme de prix qui permettent, tout en l'encourageant, à l'agriculteur qui modemise son ins- tallation d'échanger l'argent nouvellement acquis contre une alimentation nutritive, on peut s'attendre à une baisse absolue du niveau de l'état nutritionnel d'une certaine partie ou de la totalité de la population".' Lorsqu'on augmente les prix agricoles pour encourager les exploitants à produire, les travailleurs non spécialisés peuvent en pâtir. Leurs salaires sont probablement calculés par rapport au prix de la ration alimentaire la moins coûteuse et ne rattrappent que lentement l'augmentation brutale des prix alimentaires. L'accroissement de la production peut certes, à terme, entraîner une baisse des prix alimentaires, mais au cours de la période de transition, les groupes défavorisés peuvent connaître des pro- blèmes nutritionnels graves. Il appartient aux gouvemements de prendre directement des dispositions en appliquant une politique des salaires et, peut-être aussi, en accordant des subventions alimentaires en faveur de ces groupes. 38 Distribution de nourriture et programmes de subvention En attendant le moment où les programmes alimentaires orientés sur la nutrition et les mesures prises pour augmenter les revenus des pauvres commenceront à apporter une contribution nécessaire à la satisfaction des besoins nutritionnels essentiels, il faut mettre en place des dispositions particulières pour réduire le coût de la nourriture pour les sous-alimentés. L'un des meilleurs moyens est de lancer des programmes d'attribution supplémentaire de nourriture, gratuitement ou pour un prix symbolique, ou en échange de travail. Une autre formule consiste à accorder des subventions directes ou indirectes qui réduisent le prix à la consommation des aliments de base. On peut aussi établir un système d'attribution de rations qui assure à une certaine catégorie de consommateurs une quantité limitée de denrées alimentaires à un prix de subvention. Dans un certain sens, il peut n'y avoir qu'une différence légère entre ces formules. Un programme à grande échelle de suppléments de nourriture à emporter, par exemple, diffère peu dans son principe d'un programme d'attribution de rations destiné à des catégories particulières de population. Programmes de suppléments de nourriture. Ils existent pratiquement dans tous les pays et constituent généralement l'activité visible la plus importante dans l'effort d'amélioration de la nutrition. Le coût total de ces programmes dans les pays en développement s'élève à plus d'un demi-milliard de dollars par an et l'aide provient le plus souvent de res- sources institutionnelles et financières ou de produits alimentaires qui ne pourraient être obtenus autrement. De nombreux programmes sont le fait d'organismes privés dont le personnel est composé de volontaires très dévoués et souvent bénévoles. Les programmes sont rarement assez vas- tes pour atteindre les populations visées à travers tout un pays, mais beau- coup pourraient étendre notablement leur action. Les avantages et les coûts des programmes de suppléments de nourri- ture qui sont largement répandus dans les pays en développement depuis des décennies ne sont systématiquement évalués que depuis peu de temps. Les résultats sont mitigés.9 Sauf dans les cas de pénurie grave, les effets de ces programmes sur la nutrition, mesurés par le développement physique, sont inférieurs à ce qu'on pouvait en attendre compte tenu des quantités d'énergie alimentaire et de protéines distribuées.* Une enquête récente sur les programmes destinés aux enfants a toutefois conclu que la croissance corporelle peut ne pas être l'avantage le plus important. L'in- vestissement énergétique qui ne se traduit pas par le développement cor- porel peut avoir été utilisé pour augmenter l'activité physique, pour amé- *D'autre part, un programme actuel de suppléments de nourriture pour femmes, bébés et enfants (WIC) appartenant à des groupes à bas revenus des Etats-Unis a provoqué une réduction de 40 % du nombre des bébés présentant un faible poids à la naissance. Pour chaque dollar que coûte le programme, on a économisé deux dollars de frais hospitaliers. 39 liorer la constitution des intéressés, et pour leur rendre un taux de métabo- lisme de base normal."0 De tels programmes peuvent aussi comporter des avantages indirects et même non nutritionnels. Dans la mesure où nourrir des enfants d'âge préscolaire conduit ceux-ci à une meilleure scolarité et réduit les échecs et les abandons, ceci revient à améliorer le rendement des investissements dans l'éducation. Les résultats préliminaires d'un pro- gramme de nourriture combiné avec l'organisation de jeux et avec d'autres stimulants pour 24.000 enfants d'âge préscolaire dans l'Etat de Pemambouc au nord-est du Brésil montrent que le taux d'échecs scolaires de ces enfants est inférieur de moitié à celui des enfants qui ne bénéfi- ciaient pas du programme."1 La majeure partie, et de loin, de l'effort de distribution de suppléments de nourriture va à des programmes qui touchent plus de 100 millions d'écoliers dans le monde entier. L'impact de ces programmes sur la nutri- tion se trouve apparemment diminué par des problèmes de distribution, par la réduction de la nourriture de l'enfant à la maison et par un effet de concentration sur les enfants les plus faciles à atteindre. Mais les program- mes de nourriture scolaire bien menés obtiennent des résultats positifs aussi bien sur le plan nutrition que sur le plan éducation. L'absentéisme diminue et l'on constate que les élèves sont plus attentifs et plus réceptifs. Pour les parents pauvres qui ont le sentiment de ne pouvoir supporter ni les dépenses directes modestes ni la renonciation aux gains des enfants qu'implique la scolarisation, le repas pris à l'école rend celle-ci plus avan- tageuse. La condition alimentaire des enfants est étroitement liée au ni- veau d'instruction des parents. On peut donc espérer qu'en aidant un enfant à fréquenter l'école, non seulement celui-ci, mais aussi ses enfants, plus tard, en recueilleront les avantages sur le plan nutritionnel. Bien que les avantages des programmes de nourriture scolaire puissent ne pas être concentrés sur les catégories d'âge prioritaires, et quoique ces programmes puissent indirectement servir à transférer des revenus aux familles des enfants, ils aident réellement à la satisfaction des besoins essentiels. Néanmoins, si l'on prend comme mesure de leur efficacité la croissance corporelle, ils sont relativement chers. Les éducateurs ne soutiendraient pas ces programmes avec autant de vigueur si les fonds qui servent aux repas scolaires pouvaient être utilisés à d'autres fins éducatives et nutri- tionnelles. Les programmes de nourriture à l'école sont politiquement très appréciés aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres. Il ne serait donc pas facile de transférer à d'autres programmes de nutrition ou d'enseignement le soutien qu'ils reçoivent de l'aide alimentaire intematio- nale, des budgets nationaux et locaux et des associations bénévoles. Mais lorsqu'il y a possibilité de choix-comme lorsqu'on prévoit une politique nutritionnelle nationale ou des programmes d'aide alimentaire-, il faut examiner le coût-efficacité des autres programmes possibles. Les activités de "travail contre nourriture" permettent d'atteindre les adultes et, par eux, leur famille. Elles présentent l'avantage supplémentaire de créer des routes, des écoles, des entrepôts et autres installations d'in- 40 frastructure. Elles peuvent être particulièrement utiles pendant la saison où les prix alimentaires sont les plus hauts. Le coût élevé des projets-en plus des dépenses salariales-et la rareté des ressources pour en organiser la planification et en surveiller l'exécution sont les principaux inconvénients de ces programmes. Mais lorsque les produits alimentaires et les fonds existent et qu'il est possible d'utiliser pour la gestion les moyens d'autres programmes, les activités "travail contre nourriture" peuvent être développées. Elles sont particulièrement intéressantes lorsque les ressour- ces alimentaires ne sont pas fongibles. Il est généralement préférable d'uti- liser la formule "travail contre argent" plutôt que la formule "travail contre nourriture" comme moyen d'encouragement à la production de nourriture à l'échelon local, pour intégrer une activité génératrice d'emplois dans le budget de l'Etat, et, dans certains cas, pour commercialiser l'économie. Les programmes "travail contre nourriture" soulèvent des problèmes ana- logues à ceux des autres programmes de travaux publics."2 Les programmes de suppléments de nourriture méritent généralement d'être encouragés, mais il convient d'en évaluer soigneusement les avan- tages nutritionnels et autres. Ils devraient être particulièrement destinés aux groupes les plus démunis qui ne peuvent vraisemblablement pas bénéficier d'autres actions gouvemementales. Programmes de rations et de subventions alimentaires. Les program- mes de rations et de subventions alimentaires sont onéreux aussi bien sur le plan des coûts budgétaires que sur celui de la balance des paiements. Leurs coûts agrégés élevés incitent les gouvemements à réduire les encou- ragements aux agriculteurs en bloquant les prix d'achat intérieurs à un bas niveau ou en poussant à des exportations excessives de denrées alimentai- res. Les programmes de rations sont difficiles à gérer, et ils constituent un enjeu électoral qui les rend difficiles à supprimer. En Asie du Sud, les classes moyennes inférieures urbaines ont davantage bénéficié de ces pro- grammes que les pauvres ruraux. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que de nombreux analystes du développement pensent que les program- mes de rations et de subventions alimentaires sont plus un élément du problème du développement qu'une solution. Mais d'autres formules, en matière de nutrition, permettent d'atténuer, dans des délais raisonnables, une part importante des effets de la malnu- trition ou d'empêcher la mort de nombreuses personnes par suite de mal- nutrition dans les pays en développement. Dans plusieurs pays, les programmes de rations et de subventions alimentaires atteignent effecti- vement les classes pauvres et aident de façon certaine à réduire la malnutri- tion grave et le nombre des décès qui en découlent. Les programmes de ce genre les mieux réussis-et aussi parmi les plus chers-sont ceux du Sri Lanka. Une enquête menée en 1970 montre que le programme de rations de riz qui, à cette époque-là, concemait la presque totalité de la population, assurait aux participants près de 20 % de la ration calorique ou énergétique totale et atteignait, pour les groupes 41 ayant les plus faibles revenus, l'équivalent en valeur de 14 % de ces reve- nus. Seuls 5 % de la population équivalent-adulte consommait moins de 1.900 calories par jour. En 1975, l'espérance de vie au Sri Lanka était de soixante-six ans, plus forte que dans des pays plus riches comme le Brésil, la Corée et la Malaisie, et la plus élevée par rapport aux niveaux de revenus enregistrés dans le monde. De même, par rapport aux revenus, la mortalité périnatale était la plus faible du globe. En 1975, toujours sur la base des revenus au Sri Lanka, l'espérance de vie était de 39 % plus élevée et la mortalité périnatale de 67 % plus faible que les chiffres prévisi- bles (voir Figure 1). Jusqu'à quel point la nutrition est-elle responsable de la longue espé- rance de vie et de la faible mortalité périnatale au Sri Lanka ? Traditionnel- lement, ce pays aide les classes pauvres à satisfaire aussi les autres besoins essentiels: le taux d'alphabétisation est de 78 %, le service de santé est de bonne qualité et l'adduction d'eau est supérieure à celle de la plupart des autres pays pauvres. Il est évident que chacun de ces efforts complète l'autre. Mais la relation directe entre l'apport alimentaire, l'adéquation sur le plan nutritionnel et le faible taux de mortalté a été mise en évidence de façon spectaculaire en 1974. Cette année-là, la foumiture de rations s'est Figure 1 Taux d'espérance de vie et de mortalité périnatale au Sri Lanka comparés aux normes mondiales en fonction du revenu par tête, 1975a Espérance de vie et revenu Mortalité périnatale et revenu 75,0 - 190,0 _ r 70,0 - 150,0 - Norme au Sri Lanka par niveau A . n \ de revenu par tête 650 - Réel au Sri Lanka 140 - 60,0 - 120.0 - e 55,0 _ eo 10_,0 a' ~~~~~~~~~~~~~~~80,0- W 50.0 - Norme au Sn Lanka par niveau c 6,0o - r' 45,0 o de revenu par tête o~ l0 o 400 o_ . Réel au Sri Lanka 35,01 2,. , .... ..0, o 100 200 300 400 500 600 7)0 0 100 200 300 400 500 600 700 (Abscisse): Revenu par tête (dollars) (Abscisse) : Revenu par tête (dollars) Le chiffre du Sri Lanka était de 39 % (erreur type 3,1) Le chiffre du Sn Lanka était de 67 % (enreur type 2,4) en au-dessus de celui des normes prévues. dessous des normes prévues "Les équations par régoession figurent à l'Annexe F. 42 trouvée nettement réduite et les prix alimentaires du marché libre augmen- tèrent tout aussi nettement lorsque le coût des céréales vivrières importées a plus que doublé; et le taux de mortailité s'est accru de façon sensible. Le taux d'alphabétisation n'avait pas changé, non plus que l'accessibilité aux services sanitaires ou la qualité de la foumiture d'eau. Il n'y avait pas d'autre raison plausible à l'augmentation du taux de mortalité que la pénu- rie alimentaire. Cette expérience illustre l'importance de la foumiture de nourriture dans la réduction du taux de mortalité dans les classes pauvres.13 Des programmes lancés dans l'Etat indien de Kerala et au Pakistan paraissent avoir eu également des effets positifs sur l'état nutritionnel. On estime que le programme de subventions en blé au Pakistan a foumi la moitié des calories et les deux tiers des protéines consommées par les bénéficiaires les plus pauvres."4 D'après une enquête, au Kerala, le pro- gramme de rations de riz, financé par l'Etat, a procuré aux foyers pauvres 20 % de leurs calories; il paraît avoir eu une forte et positive influence en matière de nutrition.',5 L'Egypte est un autre pays où la malnutrition atteint des proportions très graves. En dépit d'un revenu par tête inférieur à 400 dollars, le programme intensif de subventions alimentaires du gouvemement a contribué à rendre possible une ration énergétique indi- viduelle moyenne d'au moins 3.000 calories par jour. Au Sri Lanka, l'attribution de rations alimentaires et le fonctionnement des services de santé et d'enseignement ont constitué le moteur principal du développement du bien-être des pauvres. Dans bien d'autres pays, développés ou en développement, l'alimentation est aussi un instrument économique et politique d'un genre particulier. On peut, certes, faire d'im- portantes distinctions dans le fait de savoir si les ressources consacrées à l'octroi de subventions alimentaires n'auraient pu être mieux utilisées pour le développement. Il existe de nombreuses preuves, par exemple, que la redistribution des revenus est, politiquement, une entreprise malaisée."6 Beaucoup de pays, riches et pauvres, qui répugnent à transférer des reve- nus aux nécessiteux acceptent de distribuer des sommes importantes pour subventionner les denrées alimentaires de base.1" Nourrir ceux qui ont faim est considéré non seulement comme un acte vertueux et humanitaire mais aussi comme un moyen de contribuer à la stabilité politique. Dans les pays donateurs, il est plus facile d'obtenir un appui politique pour un programme d'aide à l'étranger sous la forme de foumiture de produits alimentaires-surtout si ceux-ci sont destinés aux pauvres et aux mal nourris-que sous toute autre forme. L'aide alimentaire peut en cer- tains cas constituer le meilleur moyen d'atteindre les plus pauvres. On n'a guère enregistré de succès dans ce domaine avec les autres formes d'aide étrangère. Dans de nombreux pays, les programmes de subventions sont, en grande partie, appuyés par l'aide alimentaire intemationale accordée soit gratuitement, soit à des conditions libérales. Les produits sont en général rendus disponibles en fonction de la politique agricole des pays 43 donateurs et n'ont pas été créés spécialement pour aider les pays pauvres. Ainsi, pour des raisons qui vont de l'humanitarisme à la hausse des prix au niveau des producteurs qui profitent de ces programmes et, par consé- quent, militent en leur faveur, sans oublier la poursuite des objectifs de politique étrangère, l'aide alimentaire bénéficie généralement d'un soutien puissant dans les pays donateurs. Lorsque cette aide décroît-et que diminuent aussi par voie de conséquence les subventions alimentaires, la ration alimentaire des enfants, et les programmes "travail contre nourriture"-, il est rare de voir cette situation compensée par une augmentation comparable des autres formes d'aide. La fongibilité, c'est-à-dire l'interchangeabilité de l'aide, ne joue pas seu- lement sur le fait de savoir si cette aide peut être foumie en argent plutôt qu'en nature, mais consiste également à apprécier s'il existe des program- mes de développement plus productifs auxquels on pourrait consacrer des fonds supplémentaires. Certains pays sont probablement incapables d'ab- sorber des investissements additionnels avec un taux de rentabilité conve- nable. En bref, il n'est pas évident que si les subventions en denrées alimentaires de consommation venaient à être supprimées, elles seraient obligatoirement remplacées par d'autres formes d'investissements plus ef- ficaces. Lorsque les possibilités administratives sont à l'extrême limite de leur capacité et que les taux de rentabilité des autres programmes de développement sont négatifs, les subventions en nourriture peuvent constituer un excellent moyen d'utiliser l'aide extérieure possible et de recueillir les bénéfices d'une meilleure nutrition. Concentrer les efforts sur les nécessiteux du point de vue nutrition. Le coût des subventions en nourriture peut être élevé: en 1975, il était de 21 % des dépenses budgétaires totales de l'Egypte, 19 % en Corée, 16 % au Sri Lanka, et 12 % au Maroc. Ce qu'un pays peut se permettre de dépenser dépend, d'une part, de ses recettes fiscales, de sa balance des paiements et de ses ressources alimentaires intérieures et, d'autre part, de l'importance politique attachée à cette entreprise et des coupes que le gouvemement est prêt à faire dans les autres dépenses pour compenser celles consacrées aux subventions en nourriture. Pour rester dans des limites de coût possibles, il faut concentrer de quelque façon les efforts sur les plus nécessiteux en matière de nutrition. Même si au Sri Lanka les dépenses sont restées inférieures à 10 dollars par tête pour la plupart des années, le coût des programmes de rations et de subventions alimentaires est resté, pratiquement dans le monde entier, insupportablement élevé au cours de la première moitié de la décennie 1970- 1980. C'est pour cette raison qu'en 1979, le programme de rations a été réduit à la seule moitié la plus pauvre de la population, et que l'on a commencé à supprimer graduellement le programme national de subven- tion du blé. Au Sri Lanka, en 1974, on a fait la démonstration que les programmes sans objectifs couraient le risque de se trouver à court d'ar- gent et de ravitaillement au moment même où ils étaient le plus néces- 44 saires. Si l'on avait fixé des objectifs plus tôt, l'augmentation du taux de mortalité dans le pays aurait pu être enrayée. Il y a plusieurs façons de concentrer les efforts sur les plus nécessiteux au point de vue nutritionnel. La plupart s'accompagnent d'une certaine forme de rationnement pour empêcher de sérieuses fuites à l'extérieur des grou- pes visés. Le meilleur moyen de savoir où les problèmes de nutrition sont les plus concentrés est probablement l'étude des revenus. Imposer une formule basée sur les ressources est difficile à la fois sur le plan politique et sur le plan administratif. En effet, les données ne sont pas toujours faciles à obtenir ou à collecter et il est extrêmement difficile de déterminer les bénéficiaires sauf pour les employés du secteur structuré et pour les propriétaires-exploitants agricoles que leurs terres placent souvent au-dessus du niveau d'éligibilité. Certains pays utilisent des bons d'alimentation. C'est une variante de la subvention en fonction du revenu. Le consommateur à bas revenus achète généralement les coupons en dessous de leur valeur réelle et peut les utiliser pour se procurer des denrées déterminées sans avoir à débourser davantage.* Pour que le système fonctionne parfaitement, les consomma- teurs devraient dépenser pour les coupons d'alimentation une somme égale à celle qu'ils consacraient auparavant à l'achat de la nourriture cou- verte par le programme de bons; ceux-ci serviraient à obtenir les denrées en plus grandes quantités, ce qui assurerait aux intéressés une augmenta- tion de consommation. Plus le bénéficiaire est pauvre, plus la subvention serait importante. Si les consommateurs dépensent moins que ce qu'ils auraient consacré à la nourriture-ou achètent les coupons à une période pour les utiliser à une autre, ou revendent les bons qu'ils ont acquis-, le bénéfice nutritionnel sera moindre. Mais, dans la mesure où ces inconvé- nients peuvent être évités et où l'on peut établir grossièrement une quel- conque distinction parmi les foyers susceptibles d'en bénéficier en fonction de leurs revenus, les avantages d'un programme de distribution de cou- pons alimentaires peuvent être concentrés sur les groupes les plus nécessi- teux et l'impact nutritionnel peut être amplifié. Les objectifs des programmes nutritionnels-excepté généralement ceux des programmes de distribution de coupons alimentaires-sont, le plus souvent, fixés par groupe d'âge, dans l'ensemble concentrés sur les jeunes enfants et, par voie de conséquence, sur les femmes enceintes et les nourrices. Les notions d'âge et d'objectifs peuvent être mieux précisées si l'on prend comme critères le revenu ou les mensurations anthropomé- triques. Les programmes peuvent aussi être axés sur les zones géographiques-par exemple, celles frappées par la sécheresse, ou celles où la pauvreté y est particulièrement concentrée. Une partie du pro- gramme nutritionnel de la Colombie assure la distribution de nourriture, *Dans certains cas, les bons d'alimentation ne sont pas vendus à un prix avantageux mais donnent la possibilité d'acquérir les denrées rares. 45 par groupe d'âge, et quels que soient leurs revenus, à toutes les personnes qui vivent dans des zones géographiques données où le besoin se fait sentir. A Recife, au Brésil, une ville où coexistent des groupes à hauts revenus et des groupes à bas revenus, le programme de subventions est appliqué seulement aux quartiers les plus pauvres.t Fixer les objectifs en fonction des saisons est une formule attrayante et efficace, mais générale- ment peu étudiée, de subvention de denrées de consommation. Les gou- vernements peuvent couvrir les périodes de plus grande vulnérabilité sur le plan nutritionnel et celles de plus forte demande en matière de dépense d'énergie humaine en accordant des subventions pendant les mois où les prix alimentaires sont les plus élevés. De tels programmes, conçus pour être concentrés sur les nécessiteux du point de vue nutritionnel, imposent en général un système de rationne- ment si l'on veut éviter le gaspillage sur une grande échelle des avantages qui en résultent. Mais lorsque l'objectif est les foyers pauvres, l'application des subventions à un nombre restreint d'articles judicieusement choisis peut éventuellement réduire-et même supprimer-la nécessité du ra- tionnement et de l'organisation administrative étendue qu'il implique. En matière de subvention, les meilleurs aliments sont ceux dont le prix par calorie ou par gramme de protéine est bas et qui sont très intéressants sur le plan revenu pour les pauvres et peu attrayants pour les autres. Les céréales secondaires comme le sorgho et le millet, la farine de manioc traitée, la farine de blé entier dans les campagnes au Sri Lanka, et certains légumes appréciés des pauvres-par exemple, les haricots de Macassar au Brésil, les lentilles en Inde centrale, et les pois chiches noirs en Inde méridionale-répondent à ces critères. Les personnes qui jouissent de revenus moyens ou élevés utilisent peu ces denrées, et parfois pas du tout. Si on les subventionne, ce sont donc surtout les pauvres qui en tL'application par quartier est la conséquence des enseignements tirés d'un programme antérieur à Recife. Dans celui-ci, les familles reconnues nécessiteuses par le Service de santé obtenaient des bons de réduction pour certaines denrées alimentaires dans les supermarchés d'Etat. Dans de nombreux cas, la nutrition s'en est trouvée améliorée mais les groupes les plus nécessiteux ne furent que peu touchés. Ces demiers ne pouvaient pas, apparemment, rassembler les fonds nécessaires, deux fois par semaine, pour acheter les bons de réduction. Pour de nombreuses raisons qui vont du manque d'argent au manque de place pour entre- poser la nourriture, les plus pauvres achètent, en général, leur nourriture au jour le jour. Les supermarchés ne pouvaient pas assurer le travail administratif que cela représentait et ont, en conséquence, décidé que les achats à tarif réduit s'effectueraient deux fois par mois. Ces problèmes ont été résolus dans la formule "par quartier". Les tarifs réduits sont valables en permanence, sans bons, pour chaque personne des quartiers très pauvres dans de petites boutiques de détaillants. Pratiquement tout le monde, dans ces quartiers, est un nécessiteux. On a procédé à des calculs qui ont montré que, dans ce programme, le coût des "fuites" (ventes à tarif réduit à des personnes non nécessiteuses sur le plan nutrition) serait considéra- blement moins élevé que les coùts administratifs de la mise en place d'un système très compliqué pour déterminer qui est ayant-droit, et pour assurer la distribution des bons. Les denrées alimentaires foumies dans le cadre de ce programme de subvention au niveau des consommateurs sont achetées à des coopératives de petits exploitants à des conditions telles que la production, les revenus et la nutrition de ces agriculteurs en soient améliorés. 46 bénéficieront.* On a rarement essayé de subventionner ces aliments de seconde catégorie, quoique le Bangladesh ait récemment effectué, sur une grande échelle, un essai de subvention du sorgho par l'intermédiaire de son programme d'attribution de rations. Soixante-trois pour cent des béné- ficiaires de rations ont acheté le sorgho, augmentant ainsi leur apport énergétique de 33% pour la même dépense.'8 En Inde, le sorgho a été également vendu par les filières gouvemementales au cours de la période où le ravitaillement alimentaire a été limité, au milieu de la décennie 1960-1970. La plupart des programmes de subventions en aliments de base ont porté sur des céréales de première catégorie, comme le blé et le riz, que les classes moyennes et les basses classes moyennes des villes préfèrent et que l'on peut se procurer largement à des prix de faveur par le truchement des programmes d'aide alimentaire. Des aliments de base comme le manioc sont rejetés comme inférieurs sur le plan nutritionnel. Si l'on met mainte- nant l'accent, du point de vue nutrition, sur la ration énergétique, les subventions devraient aller à des céréales ou à des racines de base dont le prix par calorie est faible ou à des produits à base d'huile comestible. Pour les programmes subventionnant le manioc ou autres aliments de base pauvres en protéines, il faut, bien entendu, s'assurer que la ration alimen- taire permette de sauvegarder un rapport énergie-protéines convenable. Il faut aussi prendre le soin de vérifier que les suppléments en aliments de base pauvres en protéines ne remplacent pas d'autres éléments de la ration dans une mesure qui modifierait ce rapport dans un sens défavora- ble. Si la teneur en protéines de la ration des groupes vulnérables est inférieure à 8-10 %, les gouvernements ne devraient pas encourager une consommation qui repose uniquement sur une nourriture pauvre en pro- téines. Dans des cas de ce genre, il conviendrait d'absorber simultanément des aliments plus riches en protéines. Des subventions portant sur des sources de protéines à bas prix comme les légumes, associées à des pro- duits énergétiques également bon marché, peuvent coûter moins cher et leur action peut être mieux concentrée sur les pauvres que des subventions pour des produits alimentaires onéreux comme le riz. Il serait souhaitable d'entreprendre, en plus, des actions du même ordre pour augmenter la consommation de protéines dans les zones ou parmi les groupes d'âge les plus affectés par la carence en protéines, même lorsque l'apport énergéti- que est convenable. Lorsque la malnutrition des enfants en bas âge se révèle un problème particulièrement grave, des subventions pour la fourni- *Le prix de subvention ne doit pas être fixé si bas qu'il constitue un risque de voir la denrée en cause détoumée au profit de la nourriture des animaux ou de l'exportation. Les produits qui sont ou seraient utilisés en quantités appréciables pour l'alimentation animale ne doivent être subventionnés que si, dans le même temps, ils sont rationnés. Il ne faudrait pas subven- tionner le manioc en Thailande, par exemple, car il y est presque exclusivement utilisé pour nourrir le bétail. Par contre, on pourrait l'envisager dans des régions appropriées de l'Afrique de l'Ouest où le manioc n'est pratiquement consommé que par les humains. 47 ture d'aliments spécialement traités pour le sevrage, bien équilibrés nutri- tionnellement, peuvent être, dans certains cas, très utiles. Ces programmes peuvent, de même, comme au Brésil et au Chili comporter la distribution de produits alimentaires particulièrement adaptés aux femmes enceintes et aux nourrices. Un argument parfois invoqué pour s'opposer à l'introduction de denrées alimentaires de base différentes est la répugnance des consommateurs à abandonner celles dont ils ont l'habitude. Il faut bien admettre qu'avec le temps, dans de nombreux pays, les goûts des pauvres, des mal nourris ont beaucoup évolué, très vite même, lors des périodes de pénurie grave, lorsqu'il s'agissait de saisir les occasions d'améliorer l'état nutritionnel. Par exemple, les Indiens Tamils qui travaillent dans les plantations de thé au Sri Lanka ont abandonné leur nourriture de base habituelle, le riz, pour se toumer vers le blé, source d'énergie beaucoup moins chère. De même, la consommation de blé a augmenté substantiellement depuis les années 60 au Bangladesh et au Bengale occidental. On peut aussi bien atteindre les groupes visés en subventionnant des aliments de base de qualité esthétique inférieure qu'avec des produits de choix. Une subvention pour un riz de basse qualité, par exemple-le riz court présentant un pourcentage de brisures élevé-touchera un plus grand nombre de ceux qui sont plongés dans la pauvreté qu'une subven- tion pour un riz plus apprécié des consommateurs. On rapporte qu'en République populaire de Chine, des fonctionnaires ont changé la valeur des bons de riz pour encourager les consommateurs à se toumer vers des riz moins raffinés mais dont la valeur nutritive était supérieure.19 Des sub- ventions pour ce qu'on appelle des farines mélangées-mélange d'ali- ments bon marché comme le manioc avec de la farine de blé-peuvent être aussi très bénéfiques nutritionnellement parlant. En encourageant la consommation de ces aliments moins appréciés, il ne s'agit pas, bien évi- demment, de condammer les pauvres gens à une nourriture inférieure mais d'aider les nécessiteux à augmenter leur ration énergétique et à éco- nomiser, ce faisant, un argent qui peut servir à acheter d'autres produits alimentaires. En résumé, il est possible pour un gouvemement de concentrer ses programmes de subventions sur les groupes les plus pauvres-et même sur les éléments de ces groupes qui sont les plus vulnérables nutritionnellement-dans les zones ou les quartiers les plus nécessiteux, pendant les mois de l'année les plus difficiles. Cette concentration permet de réduire de façon spectaculaire le coût des programmes de subventions. On estime que le programme de bons d'alimentation de la Colombie, une fois étendu à tout le pays, ne représentera que 1 % environ du budget national. On ne peut empécher que certaines personnes qui se trouvent en de- hors des groupes visés profitent des programmes de rations et de subven- tions alimentaires et que les ressources de celles qui sont à l'intérieur du groupe soient détoumées vers des fins non alimentaires. Ce sont des 48 conséquences difficilement évitables dont souffrent la plupart des pro- grammes nutritionnels et bien d'autres programmes de lutte contre la pau- vreté. Lorsque les bénéficiaires prévus d'un programme de rations et de subventions alimentaires réduisent leurs dépenses sur d'autres produits alimentaires ou lorsqu'ils vendent les denrées rationnées, le programme se transforme, au moins partiellement, en un transfert de revenus déguisé. La théorie économique admet que les pertes nutritionnelles causées par la substitution pourraient être très importantes, quoique décroissantes, dans la mesure où les revenus baissent et où les sommes dépensées pour la nourriture augmentent.20 La comparaison rigoureuse des effets nutrition- nels d'un programme de rations par rapport à la ration énergétique et d'un transfert équivalent de revenus par rapport à la ration énergétique, effec- tuée au Kerala, a fait apparaître que le programme d'attribution de rations était nettement plus avantageux.2' Mais même un programme qui se révé- lerait être surtout un transfert de revenus déguisé vers les pauvres ne correspond pas obligatoirement à un gaspillage de fonds. Les gens qui connaissent des problèmes nutritionnels familiaux graves du fait de leur pauvreté dépensent généralement plus de la moitié de leurs revenus pour la nourriture, et la majeure partie du reste est employée à satisfaire d'autres besoins essentiels comme l'habillement et le logement. Les subventions en denrées alimentaires et les autres programmes d'alimentation collective semblent être l'une des meilleures voies-et pour certains pays, la seule sur le plan politique-pour traiter la question, par ailleurs très difficile, de la redistribution des revenus qui est une condition fondamentale de la rupture du cycle de la pauvreté. Problèmes liés aux programmes d'attribution de rations. Les pro- grammes de rations et de distribution de coupons alimentaires soulèvent de fantastiques problèmes institutionnels du fait de l'inefficacité administra- tive, de la tricherie de ceux qui ne devraient pas percevoir de ration, de l'exclusion involontaire d'ayants-droit, et de l'incitation à la corruption chez des fonctionnaires qui ont le pouvoir d'affecter les cartes de rations. Mais des programmes d'attribution de rations et de bons d'alimentation dont les coûts administratifs n'annulent pas les économies réalisées sur la nourriture et qui semblent être en dessous du coût des autres actions prises pour améliorer la nutrition et entraver la pauvreté restent supérieurs à des pro- grammes sans objectifs. Dans tout programme de subvention, une certaine sélection s'opère d'elle-même et facilite les choses. Les longues queues, les attentes prolongées et parfois les ruptures de stocks souvent associées à l'obtention des rations incitent ceux qui peuvent se le permettre à s'en passer. Il est possible de se servir des filières commerciales du marché normal pour la distribution de denrées alimentaires subventionnées et/ou ration- nées, et améliorer ainsi l'efficacité tout en facilitant la tâche de l'administra- tion. Si la détermination des ayants-droit et l'émission des bons d'alimenta- tion doivent rester entre les mains du gouvemement, les commerçants du 49 secteur privé peuvent être encouragés à acquérir, entreposer, transporter et distribuer les denrées alimentaires. Mais, les mauvaises années, la rareté de l'approvisionnement en rations et le fait que les commerçants privés soient fortement tentés de réaliser des gains supplémentaires en faisant payer aux pauvres plus que le prix fixé obligeront probablement les gou- vemements à renforcer leur emprise. Risques d'effets dissuasifs. Les conséquences défavorables des pro- grammes d'attribution de rations et de subventions sur la production agri- cole et sur les prix que les exploitants agricoles reçoivent pour leurs pro- duits sont très préoccupantes. Toutes choses étant égales, les programmes de subventions devraient provoquer un accroissement de la demande et faire monter par conséquent les prix et les revenus agricoles. Ils n'exerce- raient un effet dissuasif que s'ils étaient la cause d'une augmentation des importations supérieure à l'accroissement net de la demande. Si un gou- vernement doit payer davantage pour un produit national que pour un produit importé, il peut importer la totalité des denrées alimentaires à distribuer, sans se préoccuper des pertes des exploitants agricoles locaux qui ne peuvent plus vendre aux bénéficiaires du programme ce qu'ils leur vendaient auparavant. Si le moindre coût à l'importation est la consé- quence d'un taux de change surévalué, le gouvernement doit réagir, soit en dévaluant la monnaie, soit en prenant des mesures pour compenser le coût artificiel des importations. Ceux qui accordent des aides alimentaires doivent être conscients du fait que des importations excessives résultant de prêts à faible taux d'intérêt peuvent réduire et différer le coût budgétaire des importations de denrées alimentaires et avoir ainsi une influence dissuasive sur les exploitants agricoles locaux. Il conviendrait que les dona- teurs obtiennent l'accord des pays bénéficiaires pour augmenter la de- mande hors du programme d'attribution de rations afin de résorber l'excé- dent, ou bien qu'ils réduisent les quantités qu'ils fournissent.* Les amples variations annuelles des excédents des pays donateurs qui se répercutent sur celles de l'aide alimentaire font courir aux pays bénéficiaires le risque de voir baisser leur production agricole les années où l'aide est abondante et celui de connaître des problèmes économiques et nutritionnels graves lorsque le niveau de l'aide alimentaire est bas. La majorité des témoignages indique, cependant, que les inquiétudes concernant les effets dissuasifs de l'aide alimentaire sont exagérées.22 Celle-ci, si elle est correctement utilisée, peut apporter son soutien à l'agri- culture locale, et elle peut être parfaitement conciliable avec-et même nécessaire à-la mise en place d'incitations à l'accroissement de la pro- *L'aide alimentaire entraîne une autre conséquence qui mérite attention; c'est la baisse de la pression exercée sur les gouvemements pour mobiliser les ressources locales. Lorsque les denrées alimentaires provenant de l'aide sont vendues par les gouvemements bénéficiaires sur le marché intérieur, le soutien budgétaire que cette formule implique amoindrit la néces- sité d'une taxation adéquate sur le plan local. 50 duction dans les programmes de développement rural.23 Une récente étude au Brésil a montré que la foumiture d'une aide de 1.000 tonnes de blé entraînerait une augmentation de plus de 1.000 tonnes de la produc- tion nationale de céréales.24 L'aide alimentaire étrangère a permis au Gou- vernement pakistanais, à la fin des années 60, de mener à bien des pro- grammes d'attribution de rations sans faire baisser les prix agricoles, solu- tion qui n'avait pu être évitée dans le cadre des efforts pour faire baisser les coûts. La Tunisie s'est servie de l'aide alimentaire pour maintenir un dou- ble système, qui accorde aux producteurs des prix supérieurs à ceux que l'on considère comme politiquement acceptables au niveau des consom- mateurs. Des enquêtes récentes au Botswana, au Lesotho et en Haute-Volta n'ont pas apporté la preuve que l'aide alimentaire ait provoqué une baisse significative des prix à la production.25 L'examen récent de vingt études empiriques sur les risques de dissuasion a montré qu'il paraît tout à fait probable qu'on puisse éviter un effet dissuasif sur les prix à la produc- tion-et on l'a, en fait, généralement évité-par le jeu d'une combinaison appropriée de mesures d'ordre politique.26 D'après l'analyse récente d'études de cas concrets à l'échelon national, il est peu vraisemblable que l'aide alimentaire ait un effet négatif et elle peut fort bien avoir un impact positif si elle est fournie en temps utile et sous une forme localement acceptable pour un pays qui connaît une pénurie alimentaire mais mène une politique de production agricole énergétique. Il faut aussi que cette aide soit intégrée dans un ensemble de mesures plus vastes conçu pour appuyer une politique de développement axée sur la lutte contre la pauvreté. Si ces conditions ne sont pas respectées, il est probable que l'impact sera négatif.t27 Les efforts des gouvernements pour faire baisser les prix agricoles afin de réduire les coûts d'acquisition des programmes alimentaires peuvent aussi avoir des effets dissuasifs. Au Mali, par exemple, le fait que le gou- vernement ait maintenu à un bas niveau le prix du sorgho pour pouvoir acheter moins cher des céréales destinées à son programme de subvention urbain a probablement entraîné la paralysie de la production nationale de sorgho. En Inde, le désir du gouvernement d'obtenir des céréales nationa- les à bas prix pour les distribuer ensuite par le truchement de magasins "à prix honnêtes" a conduit en peu d'années à l'interruption des échanges commerciaux entre "zones alimentaires", ce qui a probablement provo- qué la chute de la production dans les régions excédentaires. * Cependant, tL'aide alimentaire peut, en principe, améliorer sensiblement la nutrition des populations à bas revenus d'un pays qui a lui-même de faibles revenus. Les carences, du point de vue calorique, sont importantes. Les pauvres dépensent une large part de leurs revenus pour se nourrir et ils ont, à côté de cela, une propension à dépenser pour acquérir de la nourriture. Les quantités fournies au titre de l'aide alimentaire ont une grande importance au regard des lacunes nutritionnelles des pays pauvres. En fait, la relation entre la plupart des aides alimen- taires et les besoins nutritionnels ou les revenus par tête n'est pas évidente.28 *Les difficultés des zones alimentaires ont eu un effet dépressif apparent sur la bonne volonté des agriculteurs dans les régions excédentaires. Cet effet a été cependant atténué par la 51 les résultats remarquables obtenus par l'Inde dans la production des céréa- les au cours des dernières quinze années ont clairement montré que les subventions à la consommation n'ont pas forcément un effet dissuasif sur les producteurs. Par exemple, le programme à long terme de subventions alimentaires au niveau de la consommation du Sri Lanka a été accom- pagné par toute une gamme d'encouragements pour les agriculteurs et, en deux décennies, la production de riz a triplé. Le nombre des emplois agricoles et les revenus des ruraux ont aussi augmenté de façon sensible.29 Il n'en reste pas moins que la nécessité de foumir des encouragements à la production agricole nationale est une question importante et il faut s'assu- rer que les programmes orientés sur la consommation n'ont pas pour résultat d'aggraver la situation en faisant baisser les prix à la production. La plupart des problèmes qui ont rendu les programmes de consomma- tion peu attrayants-par exemple, les problèmes fiscaux, la révolte des affamés en Egypte -viennent de programmes dont le but essentiel était de maintenir un coût de la vie peu élevé dans les villes et d'éviter les manifes- tations urbaines-et dans certains cas, comme en Zambie, d'attirer la main-d'oeuvre vers les emplois industriels des cités-plutôt que de pour- suivre l'objectif plus limité de lutte contre la malnutrition. Ceci explique pourquoi les programmes de rations, dans des pays comme l'Inde et le Bangladesh, n'ont pas réussi à atteindre la plus grande partie des pauvres qui, dans le sous-continent indien comme en Afrique, vivent surtout dans les zones rurales. Les pauvres ont été exceptionnellement bien touchés par les programmes d'attribution de rations et de subventions au Sri Lanka. Mais une grande part des dépenses assez importantes consenties avant qu'on ne se base sur le revenu pour déterminer les ayants-droit a bénéficié à des familles qui n'avaient pas besoin du programme pour avoir une alimentation convenable. On a peu essayé de lancer des programmes de consommation axés sur les pauvres. Les programmes de développement rural, de crédit, d'adduction d'eau et de logement concentrés sur les plus pauvres sont relativement nouveaux et dérivent de programmes antérieurs qui n'étaient pas, eux, axés sur la pauvreté. Le genre d'arguments utilisés pour orienter ces programmes vers les pauvres peuvent s'appliquer aussi bien aux programmes de rations et de subventions alimentaires. Ces derniers, avec ce nouvel objectif, peuvent constituer un élément important des programmes nationaux pour l'amélioration de la nutrition et le recul de la pauvreté. Et c'est particulièrement vrai pour les programmes diminution des coûts consécutive à l'introduction de variétés de céréales à haut rendement. Les difficultés firent aussi monter le prix des céréales sur les marchés libres des régions déficitaires. Tout au long des décennies 1950 et 1960, le système des prix au Sri Lanka a été comparativement favorable pour les riziculteurs, malgré le programme d'attribution de ra- tions. Le coût de change élevé des importations de denrées alimentaires, dont seulement une faible partie était financée par l'aide étrangère, a obligé le gouvemement à maintenir un prix du riz soutenu afin d'encourager la production agricole nationale. Au cours des années 70, la dépréciation de la roupie a exercé un effet dissuasif sur la production du riz et encore plus sur celle du manioc et des céréales secondaires qui n'avaient pas de prix support. 52 conçus pour aider les pauvres des villes, bien que, dans certains pays comme le Pakistan, la plupart des habitants des campagnes aient égale- ment accès aux magasins de distribution de rations. Il ne faudrait pas abandonner ces programmes sans autre forme de procès sous le prétexte que des programmes antérieurs, généralement conçus pour d'autres ob- jectifs, ont connu des échecs. Ils ne sont pas, non plus, sans problèmes potentials sérieux. Les gouvemements ne devraient pas s'engager à la légère dans des programmes de consommation et, de toute façon, orienter soigneusement ceux qu'ils lancent vers des objectifs clairement désignés comme certains groupes de population. Il est très probable que les pro- grammes qui n'ont pas été correctement planifiés se trouveront à court d'argent et de ravitaillement au moment même où ils en auront le plus besoin-pendant les périodes de pénurie et de prix élevés. Lorsqu'un programme de rations et de subventions alimentaires paraît nécessaire et semble politiquement et économiquement possible, le gou- vemement intéressé devrait étudier l'ensemble des problèmes qui peuvent se présenter. Un tel programme devrait d'abord être expérimental et soigneusement contrôlé. La planification et l'exécution pourraient ainsi s'améliorer au fur et à mesure de l'expérience acquise de façon à minimi- ser les coûts directs et indirects par rapport aux avantages obtenus. 53 Chapitre 6 Nouvelles manières d'aborder la question A ce point de notre étude, on peut honnêtement tirer les conclusions suivantes: * La malnutrition est un problème majeur. * La situation nutritionnelle des pauvres ne s'est pas améliorée au cours des dix demières années. Dans de nombreux pays, elle est pire. * Il est probable que l'on ne puisse résoudre le problème nutritionnel en une génération en augmentant les revenus et la production agricole. * Le problème de base est le déficit énergétique, parfois compliqué par la carence en certains nutriments particuliers. * Les principales victimes de la malnutrition sont les très pauvres, tout particulièrement les pauvres ruraux. La plupart des gouvemements ne les font pas bénéficier des avantages des mesures nutritionnelles; et peu d'Etats disposent d'une administration centrale en mesure de le faire. Les objectifs communément proposés pour extirper la malnutrition dans un proche avenir manquent de réalisme. Le but à atteindre devrait être de venir à bout de la malnutrition dans les régions, sous les formes ou parmi les groupes de population où elle apporte le plus d'entraves au dévelop- pement. On retrouve le problème dans presque tous les pays, mais il existe à l'intérieur de chacun d'entre eux des différences sensibles selon les grou- pes, les professions et les régions. La malnutrition est aussi importante dans le nord-est du Brésil, par exemple, que dans certaines régions du Sud-Est asiatique. Quantitativement, c'est en Inde que le problème est le plus important. Si l'on prend pour base la proportion des nécessiteux par rapport à une population donnée, c'est l'Afrique sahélienne, le Bangladesh et certaines zones d'Amérique centrale qui viennent en tête.* Dans la majeure partie du monde, l'approvisionnement en nourriture a précédé la croissance de la population. Mais, en Afrique au sud du Sahara, la produc- tion alimentaire par tête diminue depuis une décennie. L'espérance de vie y est inférieure de quinze ans à celle des Asiatiques et la situation dans ce domaine pourrait bien empirer. *Les calamités, qu'elles soient d'origine naturelle ou humaine, peuvent allonger cette liste à tout moment; par exemple, on peut y ajouter, pour 1980-1981, le Kampuchea et certaines parties de l'Afrique de l'Est. Nous n'avons pas tenu compte ici des besoins découlant des calamités. 54 Ce ne sont pas seulement les enfants en bas âge, les femmes enceintes et les nourrices, mais tous les âges et les deux sexes, qui ont besoin d'une aide nutritionnelle. Le problème se révèle particulièrement grave dans les familles d'ouvriers agricoles sans terres, de petits exploitants agricoles que ne touchent pas les programmes de développement rural, les petits pé- cheurs, et les sans-travail des villes. A eux tous, il représentent plus de la moitié des mal nourris de la plupart des pays. Leur situation alimentaire vient de la pénurie des denrées, de l'impossibilité économique et parfois physique d'accéder aux ressources existantes, de la méconnaissance des meilleurs moyens d'utiliser celles-ci, et de pratiques sanitaires qui affectent l'utilisation biologique de la nourriture consommée. En conséquence, les efforts en faveur de la nutrition devraient avoir pour objet de développer le ravitaillement alimentaire-en accroissant la production et en réduisant les pertes-de sorte que les pauvres puissent en bénéficier. Il conviendrait, ce faisant, de concentrer l'attention sur qui cultive, sur ce qu'on cultive, et sur ce qu'on entrepose pour améliorer les revenus des pauvres et leur accès aux denrées alimentaires en perfection- nant le système de commercialisation, en adoptant une politique de fixa- tion des prix qui avantage les consommateurs sans décourager les produc- teurs, et en mettant sur pied des programmes d'alimentation collective adaptés; s'efforcer, par l'éducation, de changer les préférences alimentai- res, la répartition de la nourriture à l'intérieur des familles et de développer l'hygiène; améliorer les conditions sanitaires et celles du milieu environnant-eau, assainissement, vaccination, et lutte contre la diarrhée; et s'attaquer aux problèmes particuliers des carences en micronutriments en distribuant massivement des capsules ou en traitant convenablement les aliments de base. La modification de la politique gouvemementale est, parfois, le meilleur (ou le seul) moyen d'obtenir ces changements. Dans d'autres cas, les problèmes peuvent être attaqués directement par le moyen de projets nutritionnels. On réalise maintenant, mieux qu'il y a cinq ans, l'efficacité des différents efforts consacrés à la nutrition et l'importance relative des diverses causes de la malnutrition dans des conditions variées. Par exemple, si l'augmenta- tion des revenus reste à la base de l'amélioration de la consommation alimentaire, on sait maintenant qu'elle est moins efficace que l'abaisse- ment du prix des denrées. Des études sur place étroitement vérifiées nous ont appris qu'indépendamment de la question de justice, l'augmentation des quantités de nourritures consommées et l'amélioration, par ailleurs, de la nutrition pouvaient accroître de façon non négligeable le poids et la taille de toute une population enfantine et améliorer leur état nutritionnel-ou, au moins, empécher ou retarder sa détérioration. On peut maintenant donner une estimation sur ce qu'il en coûte par l'intermédiaire de services de la nutrition de prévenir la mort en bas âge, d'éviter un jour de maladie, de gagner en taille un centimètre de plus, et d'améliorer d'un point de pourcentage les résultats des tests de développement psychomoteur. On 55 peut même parfois prévoir certains effets généraux des grands program- mes nutritionnels. Priorités Bien que les besoins nutritionnels, leurs causes et les remèdes à apporter soient extrêmement variables d'un pays à l'autre, certaines priorités doi- vent entrer dans la politique des pays concernés. La croissance accélérée des revenus des pauvres et-à quelques exceptions près-de la produc- tion alimentaire a toujours une importance primordiale. Il faut aussi insister sur le développement de mesures et de programmes de production agricole orientés vers la nutrition. Il convient également de s'assurer que les denrées alimentaires parviennent bien jusqu'à ceux qui en ont besoin. Il faut mettre sur pied des programmes alimentaires en fonction des besoins et prévoir dans de nombreux cas la possibilité impérative de pratiquer des subventions en nourriture. De vastes programmes comme des subventions générales portant sur les denrées de consommation peuvent, dans certains cas, être aussi efficaces pour atteindre les groupes visés que des entreprises limitées telles que les programmes d'alimentation collective au profit des enfants d'âge préscolaire.' Il est toutefois évident qu'il vaut mieux concen- trer les programmes de subventions sur les groupes à bas revenus plutôt que les généraliser, sur la région plutôt que sur la nation tout entière, et sur une action saisonnière plutôt que sur une perspective annuelle. La plupart des grands pays en développement ont déjà lancé des programmes de subventions assez importants. Il faut s'attacher à accrôître leur efficacité en cours de fonctionnement et leurs effets sur la nutrition. On peut aussi donner des idées nouvelles de priorités qui peuvent venir s'ajouter aux programmes directs bien connus-éducation nutritionnelle, renforcement des aliments de base en micronutriments, incorporation de dispositions à caractère nutritionnel dans les services de santé. Les priorités que les fonctionnaires responsables attribuent à ces diverses actions dé- pendront, pour chaque pays, des problèmes nutritionnels et de leurs causes, de la répartition de la malnutrition entre zones urbaines et zones rurales, de la mesure dans laquelle les mal nourris des campagnes appar- tiennent à des familles de petits agriculteurs, du coût-efficacité des pro- grammes possibles, de l'efficacité du pouvoir institutionnel et de sa capa- cité à financer ces programmes, et des contraintes politiques. Le choix des actions doit avoir pour but d'apporter une amélioration adaptée aux carences spécifiques du régime alimentaire d'une population donnée dans un laps de temps déterminé. Le contenu, les coûts, le calen- drier, l'emplacement et les moyens d'exécution de ces actions doivent être clairement définis. Si les renseignements nécessaires pour y parvenir man- quent, on pourra développer seulement le canevas du projet. Les activités ne devront pas être limitées à la simple collecte des données et chaque programme devrait prévoir les moyens de procéder à des évaluations et de retenir les leçons de l'expérience. Les travaux effectués sur le plan de la nutrition dans des pays qui ont une base de connaissances et d'expérience 56 des programmes nutritionnels comme le Costa Rica, l'Inde, ou les Philip- pines seront très différents de ceux entrepris dans un pays sans antécé- dents dans ce domaine. La complexité des problèmes de nutrition et la multiplicité des actions possibles ne justifient pas l'élaboration de projets compliqués. Les projets doivent être largement conçus en fonction de leur base mais il n'est pas nécessaire qu'ils s'intéressent aux différents facteurs qui affectent l'état nutritionnel. Les projets compliqués sont généralement difficiles à réaliser efficacement. A chaque fois que c'est possible, il faut qu'ils soient concen- trés sur un petit nombre d'actions indispensables. Ces actions devraient être conçues de façon à limiter les besoins en gestionnaires qualifiés qui ne sont pas assez nombreux dans beaucoup de pays. De même, l'administration doit être concentrée en un seul point. Les mécanismes de coordination interministérielle se sont montrés quelque peu décevants dans leur capacité à faire accélérer les choses. Il sera bon, en général, de confier à un seul organisme la responsabilité des projets nutritionnels. Que cet organisme soit un ministère de l'agriculture, de la santé, ou des affaires sociales, ou bien encore un bureau de planification, dépend de la nature du projet et des habitudes et des préférences des gouvermements. La nutrition dans l'agriculture Dans les pays où les mesures prises sur le plan agricole peuvent contribuer de façon appréciable à la satisfaction des besoins chroniques en matière de nutrition-aussi bien en zones rurales qu'en zones urbaines-, il faut prévoir, chaque fois que c'est possible, des projets spécifiquement conçus en fonction de leurs conséquences nutritionnelles. La nutrition doit aussi, compte tenu toujours des possibilités, figurer explicitement parmi les objec- tifs des projets de développement rural et agricole qui visent à améliorer le sort des groupes à bas revenus. Il arrive parfois qu'on se serve de la malnutrition pour justifier de tels projets, mais que les buts à caractère nutritionnel ne soient pas clairement définis dans les objectifs et que les bénéfices dans ce domaine soient principalement le fruit de coïncidences. Il ne faut pas entreprendre d'actions d'ordre nutritionnel si celles-ci compor- tent, pour les autres objectifs du projet, plus d'inconvénients que d'avanta- ges. Mais une réorientation modeste des conceptions du projet peut parfois entraîner des effets nutritionnels marqués sans provoquer des difficultés inacceptables dans la réalisation des autres objectifs. Lorsque les avantages des différents objectifs se contrarient, il faut alors étudier la possibilité d'un compromis. Dans certains projets agricoles ou urbains, l'addition de buts nutrition- nels peut en améliorer la conception. L'importance de la nutrition dans la conception et par rapport aux objectifs sera différente selon les projets. Au Népal, par exemple, un projet de développement rural était basé sur l'idée qu'on se faisait de la relation entre la consommation de nourriture dans la région et les besoins; et la définition des différents éléments du projet, y 57 compris le choix des cultures, découlait de cette opinion. Un projet intéres- sant les parties montagneuses du sud de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui prévoyait le passage des cultures vivrières à des cultures de rapport, a été modifié pour inclure des services de vulgarisation dans le dessein d'ai- der à accroître la production des jardins familiaux et pour introduire d'au- tres assurances afin que l'effort de modernisation n'entraîne pas des conséquences négatives sur le plan nutritionnel. En Malaisie, dans un projet de réimplantation au Kelantan méridional, on a prévu de fournir aux colons les moyens nécessaires pour assurer leurs besoins nutritionnels des sept premières années, jusqu'à ce que les hévéas puissent être gemmés. Le gouvernement a donc réservé une partie des terres pour les cultures vivrières, aidé à la construction et au fonctionnement de viviers commu- nautaires, et donné aux intéressés une formation nutritionnelle. Il arrive souvent que les démarches nécessaires à l'intégration d'objectifs nutritionnels soient relativement faciles à prévoir et à exécuter-comme, par exemple, dans le choix des cultures à promouvoir dans les projets de recherche agricole-et il n'est pas nécessaire qu'elles soient très compli- quées aussi bien au plan administratif qu'analytique. La Banque mondiale, dans un document de politique sectorielle consacré à la recherche paru en 1981, a donné son appui à l'idée qu'il fallait porter une attention accrue aux implications nutritionnelles des systèmes de production alimentaire et se pencher particulièrement sur les nourritures qui prennent une grande importance dans l'alimentation des pauvres.2 Le but recherché est d'en- courager l'analyse et d'élargir les horizons dans la planification agricole de façon à y inclure des considérations nutritionnelles. On ne peut permettre que les projets de développement rural et agricole aient pour conséquence une détérioration de l'état nutritionnel. Tout à fait involontairement, ils pourraient avoir des effets préjudiciables sur le ravi- taillement ou les prix des denrées alimentaires, ou encore sur les revenus. Il faut prendre l'habitude d'étudier les effets nutritionnels des options et des projets, y compris, si possible, leurs effets sur les groupes non directement bénéficiaires. Lorsque l'on constate qu'il existe, en puissance, des impacts nocifs, il faut réorienter les parties en cause du projet ou compenser les effets nuisibles par l'adjonction d'éléments nutritionnels. L'état nutritionnel devrait, chaque fois que possible, être considéré comme un élément fondamental de l'évaluation des résultats des projets de développement agricole et rural. La nutrition dans la santê Conjuguées, malnutrition et infection ont des effets beaucoup plus nocifs que lorsque leur action s'exerce séparément. De ce fait, l'impact des ac- tions nutritionnelles et des programmes de santé réalisés simultanément est meilleur que si les deux démarches sont séparées dans le temps. Etant donné que l'intégration de la nutrition dans les services de santé est une excellente formule d'utilisation de ressources limitées, tous les travaux entrepris au titre de la santé devraient prévoir explicitement l'amélioration 58 de la nutrition parmi leurs objectifs.3 Par l'intermédiaire des services de santé, on peut s'attaquer aux problèmes associés aux formes aiguës de malnutrition et aux carences en vitamines et en minéraux avec de meilleurs résultats qu'en s'attaquant à la vitalité amoindrie des mal nourris chroniques. Conséquences pour les organismes d'aide au développement Pour le développement, la malnutrition constitue un problème majeur et ce fait oblige les organismes d'aide au développement à considérer sous un angle plus large aussi bien leur manière de voir en ce qui conceme leurs travaux relatifs à la nutrition que les perspectives ouvertes dans ce do- maine par leur politique et leurs prêts dans d'autres secteurs, notamment l'agriculture. L'amélioration de la nutrition, comme la réduction de la pau- vreté, doit être considérée comme un objectif général par ces organismes et, en particulier, par ceux qui traitent des activités couvrant l'ensemble du développement. Ils ne sont pas toujours conscients ni de la portée ni, parfois, de la direction des suites de leur politique et de leurs réalisations qui, pour la plupart, affectent la nutrition des groupes à bas revenus. En outre, ils négligent parfois aussi les occasions gratuites ou peu onéreuses de renforcer les effets nutritionnels positifs de leurs activités dans d'autres secteurs. Les organismes extérieurs ne peuvent apporter une contribution importante à l'amélioration de la nutrition que s'ils en font explicitement un objectif constant. Ceci ne signifie pas qu'il faille affecter des budgets consi- dérables à des projets nutritionnels, encore que ce type de projet pourrait bien constituer la meilleure réponse aux problèmes de nutrition dans cer- tains pays. Ce qui importe, tout d'abord, c'est de donner une dimension nutritionnelle aux programmes d'aide au développement, surtout dans l'agriculture, et d'incorporer systématiquement les questions de consom- mation alimentaire dans les dialogues économiques et dans les travaux sectoriels. Les organismes de développement et les gouvernements des pays en développement peuvent y travailler ensemble s'ils: * consentent un gros effort pour améliorer leur compréhension de la nature et de l'étendue du problème, des points faibles qui apparaissent dans la succession des événements qui concernent la nutrition, et de la meilleure façon d'intégrer les questions de nutrition dans les opérations; * incorporent clairement les préoccupations nutritionnelles dans les ac- tivités de développement agricole et rural; * mettent sur pied des projets qui répondent aux conclusions des tra- vaux économiques et sectoriels en matière de nutrition; * analysent les conséquences nutritionnelles des projets de dévelop- pement agricole et rural; * ajoutent des éléments nutritionnels pour accroître les avantages des projets, ou pour en réduire les effets négatifs; 59 * intègrent l'amélioration de l'état nutritionnel dans les objectifs et la conception de projets de santé appropriés; * lançent des projets de distribution permanente et gratuite, lorsque ceux-ci constituent le meilleur moyen de réaliser les objectifs nutritionnels fixés. Il convient que les organismes d'aide extérieurs continuent de mettre l'accent sur la production alimentaire, mais avec une insistance particulière pour les nourritures consommées par les groupes à bas revenus et un soutien accru aux projets qui contribuent à améliorer le pouvoir d'achat des pauvres. Ils peuvent aussi aider les administrations à combler les lacu- nes de leurs connaissances. Dans un domaine aussi complexe, les incon- nues demeurent nombreuses. Il reste beaucoup à apprendre sur la nature exacte de la malnutrition, sur l'importance relative de ses causes, sur ses conséquences, et sur le rapport coût-efficacité des remèdes. Ces orga- nismes pourraient combler une lacune assez importante en étudiant l'incidence nutritionnelle de leurs projets, en particulier dans ceux qui concement le développement agricole et rural. Ils doivent s'attacher tout particulièrement à concevoir et réaliser des systèmes simples et peu onéreux de contrôle et d'évaluation.* L'augmentation de l'intérêt porté à la nutrition est une extension logique de l'effort d'accroissement de la production alimentaire et vise à permettre aux nécessiteux d'accéder à la consommation. La progression en matière de nutrition varie sensiblement d'un pays à l'autre selon les niveaux de revenus, les capacités institutionnelles et de gestion, et les priorités définies par les gouvernements et par les organis- mes extérieurs qui foumissent une aide.' La capacité d'un pays à combat- tre la malnutrition dépend largement de sa détermination politique en face du problème à régler. La relation d'une politique avec les principales préoccupations d'un gouvemement est aussi un élément à ne pas négliger. Il faut faire toucher du doigt aux responsables de la politique l'importance de la nutrition dans la formation du capital humain et le fait qu'elle consti- tue un besoin essentiel-à la fois un levier moteur et un moyen de combler des lacunes dans l'évolution de la croissance nationale. *Un vaste et utile agenda concemant la recherche pour l'alimentation et la nutrition et sa contribution potentielle, rédigé par l'US National Academy of Sciences, distingue quatre domaines prioritaires pour la nutrition: détermination des conséquences fonctionnelles des différents niveaux et sortes de malnutrition, détermination des aliments spécifiques qui ré- pondent le mieux aux besoins nutritionnels dans des circonstances variées, évaluation des programmes nutritionnels en cours, et analyse des effets potentiels et réels d'une politique alimentaire sur la nutrition.4 60 Ouvrages sur la nutrition et autres sujets connexes rédigés par des agents de la Banque mondiale et des consultants. La plupart des ouvrages de référence indiqués ci-dessous n'existent pas en français. Les notes bibliographiques n'ont donc pas été traduites mais figurent ici à l'intention des lecteurs qui voudraient se référer aux textes anglais. Austin, James E. Confronting Urban Malnutrition: The Design of Nutrition Programs. World Bank Staff Occasional Papers no. 28. Baltimore and London: The Johns Hopkins University Press, 1980. Basta, Samir S., Soekirman, Darwin Karyadi, and Nevin S. Scrimshaw. "Iron Deficiency Anemia and the Productivity of Adult Males in Indo- nesia." American Journal of ClinicalNutrition 32 (April 1979), pp. 916- 25. . "Iron Deficiency Anemia and Labor Productivity." FoodandNutrition 3(4) (1977), pp. 15-17. . "Nutrition and Health in Low Income Urban Areas of the Third World." Ecology of Food and Nutrition 6 (1977), pp. 113-24. Berg, Alan. The Nutrition Factor: Its Role in National Development. Wash- ington, D.C.: The Brookings Institution, 1973. , Nevin S. 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New York: Oxford Univer- sity Press, 1980. 64 Annexe A Moyens spécifiques d'orientation en vue d'une politique alimentaire liée à la nutrition Si la manipulation des prix constitue depuis longtemps, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, un moyen privilégié d'obtenir la faveur politique, on s'en sert rarement, en tant que telle, pour améliorer l'état nutritionnel des pauvres. On l'utilise encore plus rarement comme moyen d'intervention pour influer sur la nutrition des pauvres ruraux en créant des revenus par une action portant à la fois sur l'augmentation de la production alimentaire et sur une diminution du prix de la nourriture réel- lement consommée. Le dilemme de la politique alimentaire La contradiction apparente de cette double action en vue de l'amélioration de l'état nutritionnel n'est qu'un aspect, entre autres, du vaste et fonda- mental problème de politique économique auquel la plupart des pays pauvres sont confrontés aujourd'hui. Dans nombre de ces pays qui man- quent de nourriture, il faudrait augmenter le prix réel des denrées alimen- taires pour encourager les petits agriculteurs à accroître leur productivité en adoptant une technologie modeme. Mais les prix élevés des céréales vi- vrières vont avoir des conséquences hors de proportion sur la consomma- tion alimentaire des pauvres. Beaucoup d'entre ces derniers souffrent déjà d'un apport alimentaire insuffisant et une réduction supplémentaire de leur consommation peut entraîner une malnutrition grave ou la mort. Jusqu'ici, ce dilemme de la politique alimentaire a été résolu en em- ployant deux méthodes. La première consiste à importer des céréales vivrières pour combler le déficit créé par une production nationale insuf- fisante face aux niveaux de consommation rendus possibles par une politique de prix alimentaires peu élevés. La seconde agit sur les prix. Certains pays ont augmenté le prix des céréales vivrières préférées pour encourager les exploitants agricoles du pays tout en réduisant celui des céréales secondaires ou des racines comestibles pour protéger les pauvres. D'autres nations ont, au contraire, maintenu bas le prix des produits préférés pour favoriser les consommateurs urbains, tandis que celui des céréales secondaires et des racines alimentaires était régi par le prix du marché.* *L'analyse de la politique alimentaire dans des économies basées sur des produits de base multiples est évidemment beaucoup plus compliquée que celle relative aux économies repo- sant sur une céréale unique. La physionomie de la consommation est rendue plus complexe 65 Un certain nombre de pays très peuplés paraissent devoir, à l'heure actuelle, envisager la perspective de ressources, extérieures et intérieures, suffisantes pour accroître le ravitaillement en céréales de première catégo- rie assez vite pour satisfaire les besoins du marché, à prix constants, sans parler de la demande nutritionnelle latente qui se libérerait si les prix venaient à baisser sensiblement. Le Bangladesh, l'Indonésie, certaines par- ties de l'Inde, peut-être le Pakistan et, en demier, même des pays comme le Nigéria et le Brésil peuvent avoir à affronter le dilemme politique d'une baisse des ressources en céréales vivrières pour le tiers ou le quart le plus défavorisé de leur population. En l'absence de transferts massifs d'aide alimentaire, ces pays devront s'efforcer de trouver des céréales vivrières de substitution pour les groupes les plus pauvres de leur population tandis que des investissements à long terme dans l'infrastructure agricole, rendus bénéfiques par les prix élevés parce qu'il faut connaître les conséquences d'une initiative concemant un produit non seule- ment sur le prix de ce produit mais aussi sur celui des autres denrées alimentaires par catégorie de revenus. Les hypothèses restrictives portant sur l'attitude du consommateur, que l'on doit prendre en compte si l'on estime que la théorie de la consommation puisse être d'une aide quelconque, sont si sévères dans le domaine de la substitution des produits alimentaires au niveau individuel qu'il est difficile d'avoir confiance dans les résultats. A l'heure actuelle, l'estimation directe, associée à une interprétation sensée et à l'interpolation des résultats, constitue probablement la seule façon utile d'aborder le problème. La physionomie de la production est encore plus compliquée si les denrées que l'on veut remplacer sont produites dans le pays. Planifier des programmes d'accroissement de la production de riz, par exemple, lorsque les denrées que l'on veut remplacer sont le maïs, le blé et l'orge, impose de réaliser un équilibre délicat entre les prix de production incitatifs, les subventions à l'achat de produits pour l'agriculture, les programmes de crédit et le dévelop- pement d'une technologie appropriée pour les semences et la production. Tenter d'élever le prix du riz pour en accroître la production tout en maintenant bas le prix du mais afin d'aider les pauvres peut très bien aller à l'encontre des options substitution-production et des possibilités des technologies de rechange. La complexité s'étend aux importations et à la commercialisation intérieure. Planifier des importations de céréales vivrières, particulièrement si la majeure partie d'entre elles provient de programmes d'aide alimentaire, devient beaucoup plus compliqué si plusieurs sortes de céréales sont importées-ou si certaines sont exportées-et à la limite, on essaie de modifier les taux de substitution. Sur le plan intérieur, les structures commerciales sont beaucoup plus développées pour les céréales de première catégorie, le riz usuel ou le blé, que pour les céréales secondaires et les racines comestibles. Ces demières sont généralement considérées par les planificateurs officiels comme une nourriture inférieure, essentiellement une denrée de subsistance, dont la production, la commercialisation et la consommation ne méritent guère l'intérêt des pouvoirs publics. Pour les responsables de la politique, bloquer les efforts sur une céréale vivrière unique de première catégorie offre le mérite de la simplicité, ce qui augmente l'efficacité des program- mes gouvemementaux ainsi que leur concentration. En effet, cela peut vouloir dire que des ressources administratives et financières extrêmement réduites ne seront pas dispersées au point d'en annuler l'effet. Si, à la base, les ressources sont suffisantes et la croissance de la céréale choisie assez rapide pour que l'on puisse accroître sensiblement sa consommation par les catégories de revenus qui ont le plus besoin de voir leur ration alimentaire augmentée, la concentration sur une denrée de base unique peut être couronnée de succès et s'affirmer à la fois source importante de croissance pour l'ensemble de l'économie et moyen de réduire la malnutrition. 66 consentis pour encourager la production de denrées de première catégo- rie, commenceront à transformer les perspectives de la production nationale. L'expérience de l'Indonésie Parce que des facteurs internes et extemes ont joué plus tôt et l'ont obligée à se préoccuper du problème, l'Indonésie se trouve plus avancée que les autres pays dans cette nouvelle façon d'envisager la politique alimentaire. L'Indonésie est le plus gros importateur de riz du globe, et achète actuel- lement entre un quart et un tiers de tout le riz exporté dans le monde. La demande indonésienne est donc un élément déterminant du prix mondial du riz. Cette situation joue en faveur de l'Indonésie lorsque les excédents sont importants et les besoins indonésiens relativement faibles. Mais, dans le cas contraire-stocks médiocres et besoins étendus-,l'ascension du prix mondial du riz est fortement liée aux ressources en devises du pays et à la volonté du gouvernement de consommer à ce moment-là les produits des ressources naturelles non renouvelables de la nation, en particulier le pétrole. Il est peu probable que la production de riz en Indonésie augmente assez rapidement, au cours de la prochaine décennie, pour compenser l'accrois- sement de la demande, et encore moins pour réduire les besoins en impor- tations. Il faudrait, pour cela, relever sensiblement les prix à la production pour encourager les investissements en moyens d'irrigation de petite en- vergure au niveau des exploitations-c'est-à-dire des canaux tertiaires et quaternaires. Même si l'on tient compte de l'augmentation de la produc- tion provenant de l'irrigation, il est difficile de trouver des formules qui permettent un accroissement supérieur à 2 % ou 3 % par an pendant la prochaine dizaine d'années. Et si ce résultat était acquis, les prix élevés du riz qui en découleraient auraient des conséquences désastreuses sur la ration alimentaire des pauvres, aussi bien ceux des villes que ceux des campagnes, à moins que des mesures de compensation ne soient prises. C'est précisément à ce stade qu'il faut introduire une politique alimen- taire orientée sur la nutrition pour être certain d'avoir envisagé toutes les possibilités. L'analyse des différents aspects de la consommation alimen- taire en Indonésie fait apparaître des différences sensibles dans les propor- tions et les quantités d'énergie alimentaire tirée du riz, du maïs et du manioc par catégorie de revenus et par région géographique. L'énergie totale fournie par le riz croît uniformément avec les revenus dans toutes les régions, et presque uniquement pour les catégories de revenus les plus élevées dans les villes où les produits de substitution (blé, viande, oeufs et poisson) existent un grandes quantités. L'énergie tirée du mais n'atteint une valeur certaine que dans quelques régions rurales où elle est impor- tante pour les pauvres et non dépourvue d'intérêt pour les classes moyen- nes. La consommation du manioc est beaucoup plus répandue qu'on ne le pense généralement, aussi bien par catégorie de revenus que par région géographique. Au fur et à mesure que les revenus augmentent, la propor- 67 tion d'énergie totale fournie par le manioc diminue mais pas tout à fait aussi rapidement que celle issue du maïs. Même si la composition de l'énergie tirée du manioc peut présenter des différences sensibles en fonc- tion des catégories de revenus-des rondelles de manioc séché (gaplek) des très pauvres au manioc frais des foyers moins démunis-,il est assez surprenant de constater que la quantité totale d'énergie provenant du manioc reste importante dans les groupes à hauts revenus, surtout dans les campagnes. D'après cette image de la consommation en Indonésie, on peut être tenté de croire que le choix des denrées consommées dans un foyer dépend assez étroitement du niveau de revenu, de l'implantation -urbaine ou rurale- et des prix relatifs que le foyer doit payer pour les différentes denrées alimentaires de base. Déterminer l'étendue de cette sensibilité au fur et à mesure des variations des différents facteurs contribue directement à protéger et améliorer la dose de nutriments des pauvres. Que va devenir la ration alimentaire de ceux-ci lorsque les prix du riz augmentent pour des raisons intérieures ou internationales ? Comment le choix d'une politique, et particulièrement l'association directe de mesures concernant les prix avec des programmes de production agricole, pourrait- il atténuer la rigueur des conséquences de cette augmentation ? Pour ré- pondre à ces questions, il faut établir les paramètres de l'élasticité de la consommation alimentaire par catégorie de revenus afin de déterminer les variations possibles de la consommation. Il convient, dans le même temps, d'étudier les possibilités technologiques de cultures de substitution, particu- lièrement sur les terres inutilisables, d'après les normes mondiales, pour le mals et le manioc. Si ces possibilités se traduisent en production alimen- taire réelle, il faudra alors déterminer l'infrastructure commerciale et publi- que nécessaire en tenant compte de la politique des prix engagée dans le double objectif de foumir des encouragements à la production et de modi- fier les habitudes de consommation. Il est bien évident que le double but de diminution des prix et d'augmentation de la consommation ne peut être atteint en l'absence de possibilités technologiques de production des den- rées alimentaires de base, autres et moins chères que le riz, à moins qu'on utilise les importations pour combler le déficit entre la production nationale et la consommation. On rencontre beaucoup de scepticisme lorsqu'on évoque la sensibilité des consommateurs aux changements de revenus et de prix lorsqu'ils prennent une décision en matière de consommation alimentaire. On ne dispose pratiquement pas de séries chronologiques de preuves de grande élasticité des prix pour les denrées alimentaires de base; et de petits déficits à la production entraînent souvent de très amples variations des prix-au moins sur les marchés intemationaux où les échanges reflètent en partie la situation générale de la production et de la consommation des nations. Les estimations isolées concemant l'élasticité du revenu de céréales de base sont généralement fort peu nombreuses et il semble que les cercles intema- tionaux de la politique alimentaire aient à peu près admis que l'élasticité du 68 revenu et du prix pour le blé et le riz ne dépasserait probablement pas 0,5 pour toute société considérée dans son ensemble -c'est-à-dire que le taux de croissance de la consommation de riz et de blé sera égal à la moitié de celui des revenus et des prix-les coefficients étant peut-être un peu plus grands pour les parties les plus pauvres de cette société. Dans le même temps, l'élasticité du revenu pour les denrées alimentaires de basse catégo- rie comme le mais, les autres céréales secondaires et les racines comesti- bles est considérée comme sensiblement négative à tous les niveaux de revenus, avec une très faible flexibilité des prix. Les résultats de l'analyse économétrique des données indonésiennes sur les dépenses des foyers contredisent cette sagesse toute conventionnelle. * Ces résultats montrent une grande et très significative élasticité du revenu et des prix pour les trois denrées alimentaires de base, le riz, le mais et le manioc, qui entrent pour les trois quarts dans la ration énergétique journa- lière moyenne des Indonésiens. Cette élasticité varie systématiquement selon la catégorie de revenus, ce qui confirme l'hypothèse selon laquelle les consommateurs pauvres sont très sensibles aux changements qui inter- viennent dans leurs revenus et dans les prix lorsqu'ils choisissent leurs sources de calories. L'éventail des élasticités des revenus ou des dépenses pour les trois denrées alimentaires de base est tout à fait remarquable. Moins de 5 % de la population indonésienne ont une élasticité par rapport au revenu néga- tive pour le riz, et 10 à 15 % ont une élasticité proche de l'unité. En ce qui conceme le mais, l'élasticité par rapport au revenu est positive pour près de 40 % de la population, et elle est supérieure ou égale à 0,5 pour le huitième d'une population de 140 millions d'habitants. Le manioc frais n'est pas un aliment seulement réservé aux pauvres; on le consomme dans presque toutes les régions et à la plupart des niveaux de revenus. Pour le manioc frais, l'élasticité par rapport au revenu demeure positive pour les deux tiers des Indonésiens, et l'élasticité par rapport à la dépense est supérieure à 0,55 pour un tiers de la population. L'effet d'ensemble de ces différentes élasticités par denrée de base et par catégorie de revenus est résumé au Tableau A. 1. Comme l'élasticité par rapport au revenu pour les calories provenant des denrées alimentaires autres que le riz, le maïs et le manioc est probablement aussi élevée que celle du riz, on peut considérer que l'élasticité pondérée pour les calories venant des trois denrées alimen- taires de base figurant au Tableau A. 1 représente la limite basse de l'élasti- cité réelle pour les calories. Ces élasticités sont, de toute évidence, très importantes pour les portions les plus pauvres de la population indoné- sienne. Le tiers inférieur, dans ce domaine, a une élasticité-calories de 0,5 environ et le sixième inférieur une élasticité de 0,75. L'incidence des prix sur la physionomie de la consommation de ces aliments de base est éga- lement spectaculaire. Bien qu'on se serve rarement d'études transversales *D'après Survey Social Ekonomi Nasional (SUSENAS V, Enquête nationale sur les dépenses des foyers) menée en 1976 par le Bureau central des statistiques d'Indonésie. 69 Tableau A. 1 Elasticité du revenu pour les calories provenant de produits alimentaires de base riches en amidon en Indonésie Total des dépenses mensuelles Elasticité pondérée du revenu par tête Pourcentage pour les calories provenant du (roupies) de population riz, du mais et du manioc Moins de 1.000 1,2 1,29 1.000-2.000 14,3 0,76 2.000-3.000 23,7 0,47 3.000-4.000 19,1 0,41 4.000-5.000 13,3 0,37 5.000-8.000 18,2 0,18 8.000-10.000 4,4 0,08 Plus de 10.000 5,9 -0,24 Source: République d'Indonésie, Bureau central des statistiques. Analyse préliminaire des données de "Survey Social Ekonomi Nasional" (SUSENAS V, Enquête nationale sur les dépenses des foyers, Djakarta, 1976). dans le genre de celle qui a servi de base au tableau pour estimer les coefficients de prix, celle-ci a été particulièrement conçue dans le but de refléter les effets de la variation des prix. Trois tournées séparées ont été organisées au cours de l'année civile et on a enregistré de fortes variations des prix saisonniers. De plus, les différences sensibles des prix d'une région à l'autre, entre la ville et la campagne, et même entre les catégories de revenus ont permis d'estimer des coefficients de prix fiables pour le riz et pour le manioc. On a également observé quelques effets de l'action réci- proque des prix au cours de l'analyse préliminaire. Comme on pouvait s'y attendre, la flexibilité des prix varie de façon sensible selon les régions. Les conséquences des changements de prix sur la consommation La question la plus intéressante est peut-être de savoir si des estimations fiables de la flexibilité des prix peuvent contribuer à une désagrégation raisonnable des catégories de revenus. Les premières indications sont très encourageantes en ce qui conceme le riz, avec quatre catégories de reve- nus allant des plus bas aux plus élevés et montrent une élasticité des prix d'environ 2,0, 1,8, 1,4, et 0,8 respectivement. Les effets de substitution sur les prix relatifs restent à déterminer mais, là aussi, les premières constata- tions laissent supposer que les signes et l'ordre de grandeur qui leur ont été attribués dans les principaux exemples sont corrects. Une telle estimation des paramètres de consommation est intéressante par sa vertu propre-aucune élasticité des prix par catégorie de revenus, fiable et directement estimée, n'a jamais été publiée-mais, et c'est encore plus important, elle foumit des renseignements permettant de déterminer les conséquences probables des modifications des prix alimentaires sur la consommation. Des prix élevés pour le riz entraîneront sans doute des 70 répercussions graves et négatives sur la ration en énergie et en protéines des très pauvres. Quelles sont donc les mesures qui pourraient atténuer ces effets ? D'abord, la très grande élasticité du revenu pour les denrées alimentai- res de base chez les pauvres renforce l'idée évidente que la majeure partie de la malnutrition est engendrée par la pauvreté. Toute politique de déve- loppement qui parviendrait à augmenter le revenu des très pauvres se traduira très efficacement par un meilleur apport d'énergie provenant du riz, du mais ou du manioc. Une politique d'ensemble du développement doit inscrire, dans ses objectifs à long terme, une augmentation importante des revenus des groupes de population les plus pauvres. A court terme, la manière de peser sur les changements des prix alimentaires est assez souple. Par exemple, des augmentations annuelles progressives-mettons 10 %-du prix réel du riz n'entraînent que peu de changement dans la ration énergétique moyenne totale, si elles sont compensées par une baisse équivalente du prix réel du maïs et du manioc. Mieux, la ration énergétique des pauvres, urbains et ruraux, augmente, en fait, sans diminution de l'apport en protéines. Les calculs qui conduisent à ces résultats sont, bien sûr, hypothétiques et dépendent fortement des niveaux d'élasticité des prix et des revenus. Dans l'exemple choisi, on n'a pas essayé de dire comment de tels changements de prix pouvaient être introduits. La gamme des remaniements institutionnels indispensables pour amener des modifications dans la production, la commercialisation, le traitement, la distribution et la consommation est très étendue et certains d'entre eux peuvent être hors de portée des ressources financières ou des possibilités de gestion du gouvemement. Ceci étant dit, cependant, il reste des possibilités certaines et séduisantes de faire pencher les relations entre le revenu et l'apport énergétique en faveur des pauvres en choisissant avec soin les denrées alimentaires de base qui ont des prix plus hauts ou plus bas. En effet, une politique des prix différenciée par denrée de base, même si cette politique se sert de subven- tions directes pour y parvenir, offre la possibilité d'assigner des buts à l'impact nutritionnel tout en évitant un grand nombre des coûts connexes attachés à la réalisation des programmes à objectifs fixés. Une telle politi- que repose sur l'auto-application. Le désir, ou la nécessité, pour les pau- vres de baser leur alimentation sur des produits qui n'attirent plus les mieux pourvus offre une chance de s'attaquer efficacement au problème de l'inadéquation de la ration alimentaire des pauvres sans subventionner la consommation de la totalité de la population. En réalité, l'exemple indonésien constitue un cas où le prix élevé du riz, produit qui a la faveur du public, est utilisé comme un impôt réel dont le produit pourrait servir à subventionner des denrées moins prisées. Cette formule implique évi- demment un engagement politique important visant à procurer aux pau- vres une nourriture convenable, mais ce peut être aussi le seul moyen financièrement acceptable de traiter le problème de la malnutrition au cours des prochaines décennies. 71 Annexe B Preuves statistiques des effets de l'insuffisance énergétique Par combien de morts supplémentaires la diminution de l'apport énergéti- que se traduit-elle ? Cette annexe étudie les effets de la malnutrition par rapport à cette norme finale, tels qu'ils sont révélés par une analyse multi- variable qui lie l'insuffisance énergétique à l'espérance de vie et à la morta- lité périnatale et infantile. Elle évalue également les conséquences des carences sur la croissance des enfants. Une fois admis le principe que la quantité d'énergie contenue dans la ration alimentaire a une importance vitale, on peut étudier avec plus de confiance l'ampleur du problème de la malnutrition et le genre de pro- grammes spécifiques ou de développement général susceptibles d'aider à le résoudre. Dans l'analyse des données nationales, on a utilisé les variables suivantes: LFEX = Espérance de vie (années) CMR = Taux de mortalité infantile (pour mille) IMR = Taux de mortalité périnatale (pour mille) MAL = Malnutrition au second et au troisième degré (pour cent) Y = Revenu national (dollars par tête) CCAP = Consommation journalière de calories (par tête) YDP = Population disposant d'un revenu insuffisant (pourcentage de population ayant un revenu inférieur à 250 dollars) YD = Déficit du revenu par tête (la somme pondérée des déficits en revenus inférieurs à 250 dollars) Données relatives aux paramètres en rapport avec la nutrition, portant sur trente-neuf pays ou régions -milieu des années 60 Population Population Déficit ayant ayant en déficit en Calories Déficit déficit calories calories Revenu par revenu revenu Pays/ CD CDP Y tête YD YDP région (calories) (pour cent) (dollars) CCAP (dollars) (pour cent) Honduras 617 74 286 1.930 105 69 Equateur n.c. 82 302 1.848 117 74 El Salvador 617 78 315 1.877 81 62 n.c. = non connu. 72 CDP = Population ayant un apport calorique insuffisant (pourcentage de population dont la ration calorique joumalière est en des- sous des normes de la FAO/OMS) CD = Déficit calorique par tête (somme pondérée des déficits caloriques) LIT = Adultes alphabétisés (pour cent) MED = Dépenses de santé par tête (dollars) URB = Taux d'urbanisation (pour cent) L'importance numérique de la population dont la ration alimentaire présente un déficit calorique donné n'a pu être établie que pour quelques pays. Pour réaliser dans plusieurs pays l'analyse des carences en éner- gie-ou en calories-, il a fallu employer des moyens indirects pour dé- duire la répartition de l'apport énergétique dans les différentes couches de population. La méthode developpée par Reutlinger et Selowsky utilise les données nationales concemant l'apport calorique par tête et la répartition des revenus, associées à des approximations exogènes sur la relation entre ces deux facteurs, pour dégager l'apport calorique journalier par tête pour les différentes catégories de revenus.' Pour tous les pays, on évalue à 0,3 l'élasticité du revenu au niveau de l'apport calorique considéré comme convenable par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture et l'Organisation mondiale de la santé. Les tentatives d'esti- mation de différentes élasticités pour plusieurs pays sur la base de considé- rations a priori n'ont pas donné de résultats significatifs. Lorsque l'on compare l'importance numérique des populations dont le déficit énergéti- que a été estimé par des approximations indirectes avec les données observées directement dans certains pays, la méthode indirecte paraît suf- fisamment sûre pour des études recoupées sur plusieurs nations. En s'ap- puyant sur les données de la répartition des revenus et de la consomma- tion alimentaire agrégée, on a estimé la fréquence des déficits énergétiques dans trente-neuf pays ou régions répartis sur l'ensemble du monde en développement. Ces données, ainsi que d'autres se rapportant à la nutri- tion, apparaissent au Tableau B. 1. Tableau B. 1 Taux Taux Taux de mortalité mortalité malnu- Dépenses périna- infan- Taux trition Urbani- santé Espé- tale tile alphabé- grave ou sation MED rance IMR CMR tisation modérée URB (dollars de vie (décès (décès LIT MAL (pour par LFEX pour pour (pour (pour Pays/ cent) tête) (années) mille) mille) cent) cent) région 25 2 46 46 14 46 30 Honduras 34 1 54 90 20 64 11 Equateur 39 5 50 70 17 53 26 El Salvador (voir suite du tableau page suivante) 73 Données relatives aux paramètres en rapport avec la nutrition, portant sur trente-neuf pays ou régions -milieu des années 60 Population Population Déficit ayant ayant en déficit en Calories Déficit déficit calories calories Revenu par revenu revenu Paysl CD CDP Y tête YD YDP région (calories) (pour cent) (dollars) CCAP (dollars) (pour cent) Colombie 380 62 343 2.200 78 62 République dominicaine 497 73 360 2.004 60 54 Guatemala 465 89 365 1.952 22 35 Brésil 222 40 370 2.541 77 60 Mexique 170 40 470 2.623 53 48 Jamaïque 337 56 480 2.243 48 40 Pérou 377 59 480 2.255 66 53 Costa Rica 315 59 482 2.234 30 36 Panama 342 54 648 2.317 37 35 Chili 178 45 721 2.523 16 23 Uruguay 64 il 760 3.037 16 16 Argentine 23 14 1 069 2.868 n.c. n.c. Venezuela 313 50 1 098 2.392 14 20 Indonésie 438 94 69 1.798 194 99 Sri Lanka 148 69 94 2.219 159 96 Inde 327 69 106 1.948 158 97 Pakistan 281 80 114 1.993 142 95 Philippines 430 73 118 1.895 115 81 Thailande 215 54 164 2.226 132 86 Corée 83 33 180 2.421 100 79 Taiwan 74 17 301 2.379 41 50 Malaisie 241 46 352 2.255 66 56 Hong Kong 167 33 663 2.324 13 17 Soudan 461 73 129 2.088 137 88 Egypte 256 59 229 2.421 85 68 Tunisie 473 66 269 2.158 89 66 Turquie 134 35 274 2.858 95 69 Iraq 605 72 328 2.055 96 67 Libye 21 5 1 050 2.031 n.c. n.c. Tchad 193 73 93 2.259 163 98 Tanzanie 304 75 96 2.170 170 96 Kenya 278 72 131 2.253 165 94 Sénégal 284 59 234 2.348 112 77 Côte d'Ivoire 148 57 271 2.433 72 21 Zambie 334 61 356 2.237 68 61 Gabon 497 66 548 2.164 72 55 n.c. = non connu. 74 Tableau B. 1 (suite) Taux Taux Taux de mortalité mortalité malnu- Dépenses périna- infan- Taux trition Urbani- santé Espé- tale tile alphabé- grave ou sation MED rance IMR CMR tisation modérée URB (dollars de vie (décès (décès LIT MAL (pour par LFEX pour pour (pour (pour Paysl cent) tête) (années) mille) mille) cent) cent) région 51 n.c. 58 85 12 75 21 Colombie République 30 7 50 82 12 47 27 dominicaine 33 3 47 86 28 34 32 Guatemala 51 1 57 70 n.c. 65 20 Brésil 55 2 60 66 13 73 n.c. Mexique 33 9 66 42 12 86 11 Jamaique 48 7 54 83 16 67 12 Pérou 33 7 64 60 7 86 14 Costa Rica 44 12 61 50 10 80 11 Panama 69 20 67 110 10 87 4 Chili 80 n.c. 68 47 2 90 n.c. Uruguay 61 6 67 61 4 91 n.c. Argentine 63 19 61 51 6 71 14 Venezuela 16 n.c. 43 87 n.c. 48 n.c. Indonésie 15 2 62 53 7 75 n.c. Sri Lanka 19 n.c. 46 133 44 30 n.c. Inde 12 n.c. 44 132 n.c. 20 n.c. Pakistan 30 1 53 81 10 64 n.c. Philippines 14 1 56 42 8 68 n.c. Thailande 34 n.c. 55 51 n.c. 80 n.c. Corée 60 5 64 25 4 64 n.c. Taiwan 37 5 55 58 6 68 n.c. Malaisie 90 9 68 27 2 75 n.c. Hong Kong 9 1 45 150 n.c. 17 n.c. Soudan 41 3 47 106 39 30 n.c. Egypte 40 5 49 70 20 48 n.c. Tunisie 34 2 52 n.c. 15 48 n.c. Turquie 44 4 49 114 n.c. 21 n.c. Iraq 25 20 50 n.c. n.c. 30 n.c. Libye 6 n.c. 36 160 n.c. 6 n.c. Tchad 6 1 39 190 32 5 n.c. Tanzanie 9 1 45 n.c. 34 28 n.c. Kenya 23 4 38 171 n.c. 8 n.c. Sénégal 2 5 38 n.c. n.c. 15 n.c. Côte d'Ivoire 19 5 41 n.c. n.c. 42 n.c. Zambie 10 n.c. 36 n.c. 24 22 n.c. Gabon 75 Espérance de vie Le Tableau B.2 donne la matrice de corrélation simple des principales variables sur la base des données concemant ces pays et ces régions* (la corrélation de certaines variables s'appuie sur un peu moins de trente-neuf observations en raison des données manquantes). Comme d'autres études l'ont démontré, l'espérance de vie est intimement liée à l'alphabétisation. Il ne faudrait cependant pas conclure de ces simples corrélations qu'on pour- rait augmenter de façon spectaculaire l'espérance de vie simplement par une campagne d'alphabétisation réussie ou par un taux élevé d'urbanisa- tion. L'alphabétisation et l'urbanisation, en l'absence d'autres variables analysées simultanément, peuvent remplacer, au moins partiellement, d'autres variables comme les revenus améliorés. On peut en dire autant de l'importance du déficit énergétique alimentaire et du pourcentage de popu- lation dont la ration alimentaire est déficitaire sur le plan énergétique. Pour vérifier ce genre d'hypothèses, il faut recourir à une analyse multivariable. L'hypothèse de base est que l'insuffisance énergétique de la ration alimentaire, et non pas seulement le faible revenu, affecte l'espérance de vie. Les résultats statistiques de l'analyse confirment ce point de vue. Comme le montre l'équation ci-dessous, le déficit des revenus, c'est-à-dire le revenu par tête pondéré au-dessous de 250 dollars, ajoute peu de choses aux explications que foumissent l'alphabétisation et l'urbanisation sur les différences d'espérance de vie entre les pays (les valeurs entre crochets représentent l'erreur type des estimations) :t LFEX = 34,9 - 0,0040 YD + 0,2545 LIT + 0,1331 URB (0,0149) (0,0283) (0,0426) R2 = 0,89. "Chaque chiffre de ce tableau représente le coefficient de corrélation simple trouvé pour les deux variables indiquées -0,38 pour CD et LFEX, par exemple. Le coefficient de corrélation simple est une mesure du degré d'association statistique entre deux variables, y compris toute interdépendance du fait des relations de chacune de ces deux variables avec d'autres varia- bles. L'éventail du coefficient de corrélation va de -1 à +1; les valeurs proches de -1 indiquent une relation fortement négative, celles qui sont près de zéro montrent qu'il n'y a pratiquement pas de relation, et les valeurs avoisinant +1 désignent une relation fortement positive. Les coefficients de corrélation indiquant essentiellement le degré d'association li- néaire, ils peuvent ne pas refléter intégralement une relation qui est surtout non linéaire. tToutes les équations sont issues de l'analyse par la méthode classique de régression des moindres carrés, ce qui donne une mesure de l'association statistique entre la variable à gauche (LFEX dans la première équation) et l'ensemble des variables à droite (YD, LIT, et URB). Les estimations concemant les coefficients (0,0040, 0,2545, et 0,1331) et le terme constant (34,9) font partie intégrante de l'analyse. L'expression résultante à droite est la meilleure combinaison linéaire des variables choisies (YD, LIT, et URB) pour justifier (ou "expliquer" ou prévoir) les variations des variables de gauche, compte tenu des données disponibles. La contribution individuelle relative des variables à droite est également indi- quée. La première équation implique, par exemple, qu'une augmentation de 100 dollars de YD, le déficit du revenu par tête, est associée à une diminution de LFEX, espérance de vie, de quatre ans, les autres variables demeurant constantes. R2 est une mesure de la proportion de variation de la variable de gauche qui est justifiée par l'expression portée à droite. La valeur de R2 va de zéro à un; les valeurs proches de zéro indiquent une faible relation, celles qui avoisinent un montrent une forte relation. 76 Tableau B.2 Matrice de corrélation simple des principales variables basée sur les données provenant de trente-neuf pays/régions en développement LFEX CD YD LIT CD -0,38 YD -0,60 0,21 LIT 0,91 -0,30 -0,52 URB 0,79 -0,24 -0,71 -0,60 Mais si l'on tient compte, en même temps, de la variable déficit en calories et de celles de l'alphabétisation et de l'urbanisation, on obtient des explications sur les variations de l'espérance de vie qui ont une certaine valeur statistique: LFEX = 36,75 - 0,0062 CD + 0,245 LIT + 0,1369 URB (0,0032) (0,0275) (0,0334) R2 = 0,90. On a obtenu des résultats semblables en remplaçant YDP et CDP dans les équations ci-dessus. Lorsque CD et YD sont, l'un et l'autre, compris dans l'équation, CD garde une certaine valeur et celle de YD devient très négligeable. Tout en tenant compte des mises en garde habituelles qui accompa- gnent ce genre d'analyse, de toutes les erreurs dans la mesure des variables, de l'arbitraire des spécifications économiques et mathématiques des équations, et des distorsions possibles découlant du fait qu'on a né- gligé d'autres variables, on peut néanmoins parvenir à la conclusion que des rations alimentaires déficientes en énergie ont un certain effet négatif sur l'espérance de vie. Pour se placer sur le plan des perspectives, admet- tons que 50 % de la population d'un pays consomment une ration alimen- taire à laquelle il manque 400 calories. Si l'on parvient, dans ce pays, à assurer un apport calorique convenable pour 75 % de la population et que le déficit joumalier en calories soit ramené à 200 pour les 25 % qui restent, le déficit calorique joumalier pondéré sera réduit à 50. L'analyse laisse entendre que l'espérance de vie augmenterait approximativement de un an dans ce pays. Mortalité infantile Des tests statistiques antérieurs ont suggéré que les relations entre la morta- lité périnatale et infantile et les autres variables sont différentes dans les pays d'Amérique latine et dans ceux situés dans d'autres régions du monde. Etant donné que nous considérons ici comme établi que l'analyse recoupée sur plusieurs pays a beaucoup plus de signification si ces pays appartiennent à la même région géographique, -il y a beaucoup de simili- 77 tudes, sur le plan social et politique, entre les différents pays et les mêmes variables peuvent être mesurées à peu près de la même façon-,l'analyse de la mortalité périnatale et infantile s'est appuyée seulement sur treize pays d'Amérique latine. La matrice de corrélation simple est présentée au Tableau B.3. Ici encore, la corrélation simple de la mortalité infantile apparaît plus forte avec l'alphabétisation qu'avec les autres variables. Mais les choses sont tout à fait différentes dans l'analyse à variabilité multiple. La meilleure équation unique expliquant la variabilité de la mortalité infantile est la suivante: CMR = - 16,4 + 0,344 CDP - 0,595 MED + 0,310 URB (0,070) (0,207) (0,120) R2 = 0,81. L'alphabétisation n'a plus la même importance (t < 1). Les autres équa- tions sont moins claires et comprennent souvent des variables affectées d'un signe erroné. Tout en tenant compte des mises en garde, auxquelles on peut ajouter dans cet exemple la modicité du nombre des pays étudiés, on constate que la conclusion est toujours la même que précédemment: l'insuffisance énergétique des rations alimentaires est la question prédomi- nante. Quelles qu'en soient les raisons, l'augmentation de la tranche de population dont l'apport énergétique dans la ration alimentaire est insuffisant-le taux d'urbanisation et le montant des dépenses publiques de santé demeurant constants-se traduit par un accroissement de la mortalité infantile. Et le revenu n'est pas seul en cause. Considérée dans sa valeur nominale, l'équation indique que si l'on réduit l'importance de la population dont la ration est déficitaire en énergie en la faisant passer, par exemple, de 40 à 30 %, le taux de la mortalité infantile diminue de trois pour mille. Mortalité périnatale Comme on peut le constater dans le Tableau B.3, il n'y a pas de corréla- tion étroite entre la mortalité périnatale et les autres variables qui y figurent. Tableau B.3 Matrice de corrélation simple des principales variables basée sur les données provenant de treize pays différents d'Amérique latine CMR IMR- CDP MED URB CDP 0,79 0,33 MED -0,52 -0,08 -0,39 URB -0,49 0,04 -0,75 0,65 YDP 0,56 0,22 0,74 -0,60 -0,68 LIT -0,75 -0,23 -0,80 0,47 0,57 'Corrélation basée sur l'analyse des données de seize pays. 78 Compte tenu des critères habituels d'adéquation des signes et d'impor- tance statistique des coefficients, la meilleure régression multiple est: IMR = 16,400 + 0,925 CDP + 1,105 URB (0,330) (0,465) R2 = 0,38. Bien que la majeure partie de la variabilité interpays de la mortalité périnatale demeure inexpliquée, il convient cependant de noter que la prédominance de l'apport énergétique insuffisant des rations alimentaires a, sans aucun doute, un effet statistique plus important qu'aucune des autres variables testées. Les équations ne veulent évidemment pas dire que le revenu est sans importance. Au contraire, le niveau de consommation alimentaire est étroi- tement lié au revenu. Celui-ci est un élément déterminant-mais non le seul-de l'apport énergétique dans l'estimation des déficits énergétiques qui figure dans notre analyse recoupée sur plusieurs pays.* Les résultats de cette analyse des statistiques relatives à la nutrition sont recoupés sur plusieurs pays. S'ils apportent quelque soutien à l'hypothèse que la prédominance de l'insuffisance de l'apport énergétique des rations alimentaires entraîne vraiment de sérieuses conséquences fonctionnelles, ces résultats ne sont absolument pas concluants. Il est troublant, par exemple, de constater que, dans certains cas, le déficit calorique pondéré (CD)-c'est-à-dire le nombre de personnes aussi bien que l'importance du déficit calorique de leur ration-est important, alors que l'ampleur numérique de la population affectée (CDP) ne l'est pas; et que, dans d'autres cas, c'est le contraire. Surtout, l'analyse présentée ici donne à penser qu'elle devrait être re- faite avec une meilleure base de données. Par exemple, bien que les résultats accréditent, jusqu'à un certain point, la méthode indirecte et gros- sière qui a permis d'estimer la prédominance de l'insuffisance de l'apport énergétique des rations, il est très possible que des données collectées spécialement dans le but d'évaluer cette variable offrent la possibilité de confirmer encore plus nettement les hypothèses étudiées. Il serait souhai- table, en outre, de répéter cette sorte d'analyse avec des données collec- tées dans un pays et combinées, si possible, avec les résultats d'enquêtes transversales et de séries chronologiques. Il serait utile, également, d'effec- tuer des analyses semblables en se servant de la morbidité ou d'une me- sure d'état sanitaire qui s'y relie au lieu de la mortalité. On ne peut toute- fois comparer les possibilités d'obtention des données nécessaires dans les différents pays. Définition et origine des données Toutes les données obtenues concernent la période 1964-66 ou celle qui s'en rapproche le plus. Bien qu'il soit possible de se procurer des bilans *Voir Tableau 6, renvoi a. 79 alimentaires portant sur des périodes plus rapprochées, le retard apporté à l'établissement des statistiques concernant la mortalité et la répartition des revenus n'a pas permis d'établir l'analyse sur des bases plus récentes. L'origine des données est la suivante: LFEX-espérance de vie à la naissance: Département des affaires éco- nomiques et sociales des Nations Unies, Worid Population Prospects as Assessed in 1968, Population Studies N° 53 (New York, 1973). IMR-taux de mortalité infantile (enfants de moins de un an) : Repris de la Banque mondiale, World Tables 1976 (Baltimore et Londres: The Johns Hopkins University Press, 1976). CMR-taux de mortalité dans l'enfance (enfants entre un et quatre ans) Repris de la Banque mondiale, Worid Development Indicators (Washington, D.C., 1978) et World Health Statistics Board, Vol. 30(4)(1977). MAL-mainutrition moyenne et malnutrition grave chez les enfants de moins de cinq ans: Pan American Health Organization, Politicas nacio- nales de alimentaciôn y nutriciôn, publication N° 328 (Washington, D.C., 1976). MED-dépenses de santé par tête: Worid Tables 1976, Banque mondiale. LIT- alphabétisation des adultes : "World Tables 1971", Banque mon- diale (Washington, D.C., janvier 1971), polycopie. URB-taux d'urbanisation : Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, Statistical Yearbook 1972 (Paris, 1973). YD-déficit du revenu par tête (déficit moyen pondéré du revenu Ywi (250-yi), où toute valeur négative est égale à zéro): le revenu du groupe i, yi et la part de chaque groupe wi sont tirés du Tableau B.6 dans Malnutrition and Poverty de Shlomo Reutlinger et Marcelo Selowsky, World Bank Staff Occasional Papers N° 23 (Baltimore et Londres: The Johns Hopkins University Press, 1976). YDP-population disposant d'un revenu insuffisant ( wi, où wi repré- sente la part de chaque catégorie de revenus dont le revenu annuel est inférieur à 250 dollars). Source de wi: Tableau B.6 de Malnutrition and Poverty, de Reutlinger et Selowsky. CD-déficit calorique par tête (le déficit calorique moyen pondéré 1wi (r-ci), où chaque valeur négative est ramenée à zéro). L'apport calori- que est calculé pour chaque catégorie de revenus au moyen de la méthode décrite par Reutlinger et Selowsky dans Malnutrition and Po- verty. Le besoin en calories, r, est celui donné pour chaque région par Reutlinger et Selowsky. La consommation de calories par pays est tirée des Agricultural Commodity Projections 1970-80 de la FAO (Rome, 1971). CDP-population ayant un apport calorique insuffisant ( Iwi pour toutes les catégories de revenus, avec ri > ci). 80 Annexe C Les efforts en matière de nutrition peuvent-ils changer quelque chose? A quel point les programmes sont-ils efficaces ? Malheureusement, les archives à ce sujet sont incomplètes et difficiles à interpréter, surtout celles qui concement les entreprises à grande échelle, celles qui offrent, en puis- sance, le plus d'intérêt. Il n'est pas facile d'évaluer l'ensemble des expé- riences nationales parce que la quantité et la qualité des données sont restreintes et parce qu'il est malaisé d'extraire les interactions factorielles qui influencent l'évolution de la nutrition. En définitive, il est difficile de se faire une idée nette de ce qui a été réalisé. On s'est rarement efforcé de rassembler des données sur les résultats des programmes nutritionnels; et les données, quand on les a, sont rarement utilisables pour des analyses de qualité. Les quelques évaluations qui se révèlent utiles sont généralement plutôt axées sur des aspects spécifiques de l'état nutritionnel, comme le développement physique, que sur l'élargissement des perspectives de changement. l Comme il est difficile de déduire des expériences nationales ou à grande échelle que les programmes nutritionnels induisent un changement, il faut aller en rechercher la preuve dans les expérimentations nombreuses et relativement bien organisées et dirigées, menées sur le terrain, qui ont rendu des services sur le plan nutritionnel à des populations restreintes au cours des vingt-cinq demières années. Presque tous ces efforts ont été entrepris dans le cadre de programmes sanitaires. On peut mettre en doute l'utilité de l'extrapolation sur une plus vaste échelle d'entreprises relative- ment modestes, mais c'est le seul endroit où trouver le genre d'archives soigneusement tenues indispensables à des évaluations permettant d'as- seoir une politique. Les projets sur le terrain, bien archivés, qui ont été conçus en vue d'atténuer les conséquences des insuffisances nutritionnelles et d'améliorer la santé foumissent des données sur les taux de mortalité périnatale et infantile et parfois sur le développement physique. Le taux de mortalité, en dehors de son mérite d'être l'indice d'état sanitaire et nutritionnel le plus largement accepté, est plus souvent facile à obtenir que des évaluations cliniques ou autres qui pourraient, en théorie, se montrer plus utiles. Les résultats de ces projets fournissent aussi l'occasion d'aborder les différentes façons de combiner les services nutritionnels et sanitaires et de mettre en place ceux ressortissant du planning familial. 81 Une recherche approfondie des textes a conduit à identifier dix projets qui intégraient dans leurs objectifs un effort systématique pour réduire la mortalité périnatale et infantile dans des zones rurales pauvres, et on a recueilli suffisamment de pièces d'archives pour tirer des conclusions de leur réalisation (voir Tableau C.1). Six de ces projets s'intéressaient au développement physique des enfants et, dans les quatre autres, on s'effor- çait de faire accepter le planning familial et la diminution de la fécondité. Ces projets ne sont pas nécessairement ceux qui ont obtenu les meil- leurs résultats. Le fait qu'ils aient été choisis parce que leurs données étaient utilisables signifie qu'ils admettent le principe des méthodes scienti- fiques et, par conséquent, probablement bien d'autres conceptions socia- les et politiques occidentales. Que cela leur donne les attributs d'une réelle efficacité n'est pas évident. Il est même possible que ce soit juste l'effet contraire, car il semble qu'un grand nombre de projets impressionnants aient été exécutés sans que l'on se préoccupe beaucoup de la collecte de données. Utiliser comme critère du choix l'adéquation des données, par exemple, empêche d'inclure presque tous les efforts intéressants entrepris sur une base communautaire qui sont décrits dans Health by the People (La santé par le peuple), publication bien connue de l'Organisation mon- diale de la santé.2 Cette formule exclut également les projets Huehuete- nango et La Pasion au Guatemala, les programmes Savar et Brac au Bangladesh, le projet Piaxtla au Mexique, et les projets Palghar et Miraj en Inde, sans parler, dans ce pays, de la tradition sanitaire de tout le village Gandhien.3 Il existe d'autres projets bien connus qui n'ont pas été retenus parce qu'on ne dispose pas encore de leurs résultats: ceux de Lampang, en Thailande; de Bohol, aux Philippines; de Danfa, au Ghana; et de Deschapelles, en Haiti. Parce que les données concernant la mortalité ne sont pas adéquates, on a aussi exclu un projet bien documenté par ailleurs à Candelaria, en Colombie. Dans l'ordre chronologique, les dix projets couverts sont :* * Nombreuses fermes en Arizona, Etats-Unis. Ce projet de réserve Na- vajo entrepris par le CorneIl University Medical College a débuté en 1956. C'était l'une des premières tentatives d'application des principes de méde- cine curative s'appuyant sur la technologie fondamentale de la médecine "scientifique moderne" à une population traditionnelle disposant de fai- bles revenus et vivant dans un milieu environnant comparable à de nom- breuses régions du monde en développement d'aujourd'hui. * Zone rurale 1, Guatemala. Le premier de deux projets importants au niveau du village réalisé par l'Institute of Nutrition of Central America and *On trouvera davantage de détails sur ces projets dans le Tableau Cl. Pour tous renseigne- ments complémentaires et pour la bibliographie des rapports de projets, voir par Davidson R. Gwatkin, Janet R. Wilcox et Joe D. Wray, Con Health and Nutrition Interventions Make a Difference? (Les interventions, en matière de santé at de nutrition, peuvent-elles changer quelque chose ?). Monographie N° 13 (Washington D.C.: Overseas Development Council, février 1980), issu de la documentation de référence préparée pour le présent ouvrage. 82 Panama (INCAP). Entrepris en 1959, il a été le premier à étudier systéma- tiquement l'interaction entre la nutrition et les maladies infectieuses en foumissant des suppléments nutritionnels dans un village, des soins médi- caux dans un autre, et en utilisant un troisième comme village de contrôle. * Imesi, Nigéria. C'est un effort immense d'assistance de l'hôpital de la Wesley Guild Mission qui a débuté aux environs de 1960. Il est à l'origine du concept clinique "moins de cinq ans" caractérisé par des soins fré- quents et complets ainsi que par la pesée régulière des jeunes enfants pour contrôler la nutrition et identifier les cas méritant l'attention. * Pérou septentrional. Une expérimentation, entre 1962 et 1967, por- tant sur la distribution de suppléments alimentaires très riches en protéines à des familles entières de villages établis sur une plantation de cannes à sucre, conduite par le Département de la recherche du British-American Hospital de Lima. * Etimesgut, Turquie. Projet pilote destiné à expérimenter l'action con- jointe de services à base surtout d'assistance médicale et de planning familial. Il devrait être mis en place dans le cadre du programme national de santé pour les régions rurales. La réalisation par l'Institut de médecine communautaire de l'Université de Hacettepe a commencé en 1965 dans une zone agricole proche d'Ankara. * Narangwal, Pendjab, Inde. Une étude supplémentaire sur l'interac- tion entre la nutrition et les maladies infectieuses, effectuée de 1968 à 1973 par la Johns Hopkins School of Hygiene and Public Health en collaboration avec l'Indian Council of Medical Research. Dans une zone ont été foumis éducation et suppléments nutritionnels; dans une autre, des soins médicaux; et, dans une troisième, on a assuré à la fois les services nutritionnels et sanitaires. Dans un projet parallèle, différentes façons d'as- surer aux familles les services du planning familial ont été testées. * Zone rurale Il, Guatemala. Le second projet d'intervention au niveau du village réalisé par l'INCAP. Il a été mené de 1969 à 1977 dans quatre localités guatémaltèques-différentes de celles faisant l'objet du projet zone rurale 1. Les études ont porté sur l'influence des suppléments nutri- tionnels dans le développement des enfants et sur les effets des services spécialisés foumis par des auxiliaires médicaux sur l'état sanitaire. * Jamkhed, Maharashtra, Inde. Projet de service créé, à 400 kilomètres au sud-est de Bombay, par deux médecins intéressés par les problèmes villageois. Le programme, conçu pour faire participer les dirigeants locaux, a foumi toute une gamme de services couvrant la nutrition, la santé et le planning familial pour tenter d'ajuster l'assortiment des services aux be- soins et aux désirs locaux. * Hanover, Jamaïque. Projet de service pilote réalisé en 1973 par le Comell University Medical College, l'University of the West-lndies, et le Gouvemement de la Jamaique. La démarche visait à faire éduquer et surveiller régulièrement les habitants sur le plan de la nutrition par des auxiliaires paramédicaux de la communauté. 83 Résultats résumés de projets locaux choisis concemant la nutrition et la santé Importance approximative de la Emplacement Dates Orientation Principaux inputs population' Nombreuses 1956-62 Recherche et Services 2.000 fermes aux projet pilote médicaux Etats-Unis Zone rurale 1, 1959-64 Projet de Suppléments 1.700 Guatemala recherche alimentaires et services médicaux Imesi, c. 1960 Projet de Surveillance 6.000 Nigéria service nutritionnelle et services médicaux Pérou 1962-67 Projet de Suppléments 1.800 septen- recherche alimentaires trional Etimesgut, 1965 Projet Services 55.000 Turquie pilote médicaux n.c. non connu. 84 Tableau C. 1 Coût annuel par tête (pourcentage Résultats acquis du revenu Développement Mortalité Mortalité annuel physiqueb infantile, périnatale' par téte) n.c. Avant (1975) = 116 n.c. n.c. Après (1961) = 76 Enfants bénéficiaires Réduite dans la zone Réduite dans la zone n.c. des soins nutritionnels des soins médicaux des soins médicaux 1 kg (6-7 %) et 3 cm de 136 à 88 (35 %). de 50 à 34 (31 %). (2-3 %) de plus que Réduite dans la zone Réduite dans la zone les enfants du groupe des soins nutrition- des soins nutrition- de contrôle ou de ceux nels de 182 à 146 nels de 56 à 24 qui n'ont bénéficié (21 %). (56 %). que des soins Dans la zone de con- Réduite dans la zone médicaux trôle, augmentation de contrôle de 81 à de 186 à 191 (3 %). 50 (38 %). Enfants bénéficiaires Zone de Zone de $1,50 du traitement contrôle = 91 contrôle = 51 (2 %) 0,3-0,4 kg (4-6 %) Zone de Zone de et 1,5-3,0 cm traitement = 48 traitement = 18 (2-3 %) de plus que les enfants du groupe de contrôle de plus de 6- 12 mois Pas de différence Zone de Zone de n.c. sensible entre zone de contrôle = 134 contrôle = 40 traitement et zone Zone de Zone de de contrôle traitement = 48 traitement = 22 n.c. Réduite dans la zone Avant (1967) = 59 $6,50-7,50 de traitement de 142 Après (1977) = 37 (1,5- à 73 (49 %) entre 2,0 %) 1967 et 1977. Réduite dans toute la Turquie de 153 à 110 (28 %) entre 1967 et 1973. Réduite dans la zone de traitement de 142 à 93 (34 %) entre 1967 et 1973. (voir suite du tableau page suivante) 85 Résultats résumés de projets locaux choisis concemant la nutrition et la santé Importance approximative de la Emplacement Dates Orientation Principaux inputs population' Narangwal, 1968-73 Recherche Services mé- 10.500 Inde et projet dicaux, supplé- pilote ments nutritionnels, et éducation nutritionnelle Zone rurale II, 1969-77 Recherche Suppléments 3.000 Guatemala nutritionnels et services médicaux Jamkhed, 1971 Service Suppléments 40.000 Inde nutritionnels, éducation et services médicaux Hanover, 1973 Projet Surveillance 65.000 Jama;que pilote nutritionnelle et services médicaux n.c.: non connu. 86 Tableau C. 1 (suite) Coût annuel par tête (pourcentage Résultats acquis du revenu Développement Mortalité Mortalité annuel physiqueb infantile' périnatale' par tête)' Enfants bénéficiaires Zone de Zone de $0,80-2,00 du traitement contrôle = 128 contrôle = 19 (0,8- 0,5-0,6 kg (6-7 %) Zone de soins Zone de soins 2,0 %) et 0,2-1,3 cm nutritionnels = 97 nutritionnels = 11 (0,2 %) de plus que Zone de soins Zone de soins les autres à 36 mois médicaux = 70 médicaux = il Zone de soins Zone de soins nutritionnels et nutritionnels et de soins de soins médicaux = 81 médicaux 13 Les enfants qui ont Réduite dans la zone Réduite dans la zone $3,50 reçu des suppléments de traitement d'envi- de traitement de 28 (0,75- très riches en ron 150 avant 1969 avant 1969 à 6 en 1,0 %) protéines ont grandi à 55 en 70-72 1970-72 (79 %). 10-15 % plus vite (63 %). Réduite pour l'en- que les autres Réduite pour l'en- semble du Guatemala semble du Guatemala de 26 avant 1969 de 89 avant 1969 à 22 en 1970 (15 %). à 85 en 1970 (4 %). n.c. Zone de traite- n.c. $1,25- ment 1971 = 97 1,50 Zone de traite- (1,00- ment 1976 = 39 1,25 %) Zone de contrôle 1976 = 90 Proportion des en- Réduite dans la zone Avant $0,40 fants de poids in- de traitement de 36 (1972-74) = 13-15 (0,05 de férieur à 75 % du à 11 (69 %) entre Après 1 %) poids escompté pour 1970-73 et 1975. (1973-75) = 5-6 le même âge est Réduite pour l'en- passée de 11 - 13 % semble de la Jamaïque à 6-7 % en une de 26 à 23 (12 %) année d'initiation entre 1973 et 1975 au programme (voir suite du tableau page suivante) 87 Résultats résumés de projets locaux choisis concemant la nutrition et la santé Importance approximative de la Emplacement Dates Orientation Principaux inputs population, Kavar, 1973 Projet Services médicaux 8.200 Iran pilote et éducation sanitaire et nutritionnelle n.c.: non connu. 'Population totale du projet-bébés, enfants et adultes-à l'exception de la population de contrôle, s'il y en a une. bEn ce qui conceme le développement physique et la mortalité, les résultats indiqués sont soumis aux considérations technologiques étudiées dans l'ouvrage de Davidson R. Gwatkin, Janet R. Wilcox et Joe D. Wray, Can Health and Nutrition Interventions Make a Difference ? (Les interventions, en matière de santé et de nutrition, peuvent-elles changer quelque chose ?) Monographie N° 13 (Washington, D.C.: Overseas Development Council, février 1980). cDécés des bébés jusqu'à l'âge de 12 mois pour 1.000 naissance viables. dDécès des enfants entre 12 et 60 mois pour 1.000 enfants entre 12 et 60 mois, sauf dans le cas d'Etimesgut où les chiffres se rapportent aux décès d'enfants jusqu'à l'âge de 60 mois pour 1.000 enfants de 60 mois et moins. * Kavar, Iran. Ce projet pilote de service sanitaire et d'éducation nutri- tionnelle du Département de médecine communautaire de l'Université Pahlavi a également débuté en 1973. Il avait pour but de tester dans une zone rurale proche de Chiraz la possibilité d'appliquer dans les campagnes iraniennes la technique paramédicale des "médecins aux pieds nus". Les services offerts comprenaient, entre autres, l'hygiène matemelle et le plan- ning familial. L'importance de la population concemée par ces projets allait de 1.700 (Zone rurale 1, Guatemala) à 65.000 (Hanover), mais plus proche généra- lement du premier chiffre que du second. La majorité des projets portait à la fois sur la nutrition et sur la santé, mais pas tous. Le projet du Pérou septentrional foumissait seulement des suppléments alimentaires renfor- cés. Ceux des fermes d'Arizona et d'Etimesgut n'apportaient que des soins médicaux. Ceux qui incluaient effectivement des services sanitaires et nu- tritionnels ont abordé les problèmes de façon très variée. L'hétérogénéité des approches venait, d'une part, des grandes différences économiques, sociales et culturelles des données du problème et, d'autre part, de la diversité des objectifs des programmes. L'état des connaissances à l'époque du début des projets était également une source de disparité. Le projet des 88 Tableau C. 1 (suite) Coût annuel par tête (pourcentage Résultats acquis du revenu Développement Mortalité Mortalité annuel physiqueb infantilec pérmnataled par tête)e n.c. 1975 1977-78 n.c. $3,50- Zone de 5,25 contrôle 128 138 (0,4-0,5 Zone dede1% traitement 65 84 de 1 %) Narangwal, lorsque les chiffressont ceux des décès d'enfants âgés de 12 a36 moispour1.000 enfantsde 12 à 60 mois; etHanoverlorsque leschiffressontceuxdes décès d'enfants âgés de l à 48 mois. eCoûts de fonctionnement plus coûts de'équipement, les coûts annuels d'équipement étant estimés entre 5 et 10 % due total des dépenses d'equipement indiquées. Les données relatives à Hanover sont celles du précédent projet pilote d'Elderslie; les coûts du projet de Hanover proprement dit ne sontpas connus. Les coûts relatifs à Elderslie sont en cours de révision et ilest probable qu'ils subiront une forte révision à la hausse. Les calculs du PNB sontfondés sur les chiffres des volumes appropriés de la Banque mondiale (World Tables, Baltimore, The Johns Hopkins University Press). Les coûts du projet Zone rurale II (Guatemala) ne portent que sur l'élément médical; les chiffres relatifs aux coûts de nutrition ne sont pas connus. fermes d'Arizona a débuté au milieu des années 50, avant que l'impor- tance de la nutrition ne soit entrée dans les moeurs; les rapports concer- nant ce projet en parlent à peine. Le projet du Pérou septentrional, lancé au début des années 60, prévoyait l'utilisation de concentré de protéines de poisson pour enrichir les nourritures de base; idée très répandue dans les cercles qui s'intéressaient, à l'époque, à la nutrition. Les projets Jam- khed et Kavar reflètent le souci de l'engagement communautaire; souci qui est apparu au début des années 70 lorsque les succès apparents de cer- tains pays socialistes (Chine et Cuba, notamment) en matière de dévelop- pement rural ont connu une publicité grandissante. Le projet Kavar consti- tuait un effort conscient d'adaptation à l'Iran de la technique chinoise des médecins aux pieds nus. Finalement, chacun de ces projets présentait des caractéristiques pro- pres reflétant les conditions et les besoins locaux, les orientations et les préférences des dirigeants, et le caractère de l'époque à laquelle il a été entrepris. Mais ces projets avaient tous en commun deux caractéristiques fondamentales qui justifient le fait de les avoir rassemblés dans une étude d'ensemble. D'une façon ou d'une autre, ils se sont attachés à faire des- cendre le point d'application de l'effort de l'hôpital au village pour traiter 89 plus efficacement les problèmes de nutrition et de santé des nourrissons et des enfants, et, pour chacun de ces projets, on s'est efforcé de mesurer les résultats obtenus. Incidence des projets expérimentaux sur la mortalité périnatale et infantile, le développement physique et la fécondité A quels résultats ces projets ont-ils abouti ? * Nombreuses fermes en Arizona, Etats-Unis. Pendant l'exécution du projet, le taux de mortalité périnatale a baissé de 116 à 76.* Pour un certain nombre de raisons, toutefois-la faible ampleur de l'échantillon, les lacunes de l'organisation, l'irrégularité des changements d'une année à l'autre-, le sens profond de cette baisse n'est pas évident. Les auteurs ont conclu que le projet n'avait pas eu d'effets importants sur l'ensemble des conditions de la mortalité, conclusion qui a donné à Walsh McDermott l'idée de qualifier le projet de "décalage technologique" en raison des techniques médicales d'approche modernes utilisées en face de l'ensemble des maladies affectant principalement les nourrissons et les enfants de la réserve.4 On n'a pu obtenir ni données concemant la mortalité infantile et le développement physique, ni renseignements sur la fécondité ou les coûts. * Zone rurale 1, Guatemala. Le développement corporel a été modé- rément plus rapide dans la zone où des suppléments nutritionnels ont été fournis que dans les autres zones. La mortalité périnatale et infantile a été réduite de 20-50 % dans les zones d'intervention. Toutefois, la mortalité infantile a aussi baissé de près de 40 % dans la zone de contrôle. Ceci et d'autres difficultés-faiblesse des échantillons, manque de moyens de comparaison entre les zones d'orientation-ont empéché les enquêteurs de parvenir à des conclusions considérées sans équivoque. Il n'a pas été possible d'obtenir de données sur la fécondité et les coûts. * Imesi, Nigéria. Cinq ans environ après le début du projet, le taux de mortalité périnatale était de 48 à Imesi, contre 91 dans un village témoin proche; le taux de mortalité infantile atteignant 18 à Imesi pour 51 dans le village témoin. Les enfants d'Imesi étaient de 4 à 6 % plus lourds et de 2 à 3 % plus grands que ceux du village témoin. Le taux brut de natalité, de 45 à Imesi, passait à 43 chez les témoins; le taux général de fécondité à Imesi, 228, était plus élevé d'un tiers que dans le village témoin (171). Le coût par tête se montait à 1,50 dollar par an, soit environ 2 % du revenu annuel par tête au Nigéria à l'époque. * Pérou septentrional. Au cours de la période d'étude, on n'a pas constaté de différences notables dans le développement physique entre les zones de traitement et les zones témoins. Cependant, la mortalité périna- *La mortalité infantile correspond au taux pour 1.000 naissances viables; le taux de mortalité s'entend pour 1.000 individus d'une population donnée. 90 tale s'est établie autour de 48 dans les zones de traitement alors qu'elle atteignait 134 dans les zones témoins; le taux de mortalité, proche de 22 dans les premières, s'est élevé à 40 pour les secondes. Pas de données sur la fécondité et les coûts. a Etimesgut, Turquie. La mortalité périnatale a chuté de 142 à 73 entre 1967 et 1977. Entre 1967 et 1973, le nombre est passé de 142 à 93 (-34 %), contre 153 à 110 (-28 %) pour l'ensemble de la Turquie. La mortalité infantile, par millier d'enfants entre zéro et cinq ans, est tombée de 59 en 1967 à 37 en 1977. On n'a pas obtenu de renseignements sur la croissance corporelle. Le taux brut de natalité, stable aux environs de 35 avant 1969, a baissé régulièrement pour atteindre 27 en 1974 et s'est stabilisé depuis à 27-28 approximativement. Le coût par tête s'est élevé à environ 6,50-7,50 dollars, 1,5-2 % du revenu annuel moyen en Turquie. * Narangwal, Inde. Dans les zones de traitement, la mortalité périnatale a été plus basse de 45 % que dans les zones témoins; la mortalité des enfants de un à quatre ans s'est trouvée abaissée de 30 à 40 %. A trente-six mois, les enfants de la zone de traitement nutritionnel étaient 6- 7 % plus lourds et au moins 2 % plus grands que dans toutes les autres zones. Le coût annuel des services a été de l'ordre de 0,80 à 2,00 dollars par personne, c'est-à-dire environ 0,8 à 2 % du revenu annuel par tête en Inde. Dans le projet conjoint de planning familial, le taux général de fécondité a été réduit de 4 à 21 % dans les zones où étaient proposées des combinaisons variées de services de planning familial, de santé et d'action sociale, contre seule- ment 3 % dans les zones témoins. * Zone rurale 11, Guatemala. Les enfants qui ont reçu régulièrement des suppléments alimentaires riches en protéines ont grandi de 10 à 15 % plus vite que les autres. La mortalité périnatale a chuté des deux tiers-le taux est passé de 150 à 55 environ-et la mortalité infantile des trois quarts-de 28 à 6-dans les deux à trois ans qui ont suivi le début du projet. Au cours de cette période, la mortalité périnatale et infantile a baissé de 5 à 15 % pour l'ensemble du Guatemala. Ni les données concemant la fécondité, ni le chiffre des coûts de l'élément nutrition du programme n'ont été obtenus. L'élément santé, que les enquêteurs ont estimé être la cause de la majeure partie de la baisse de la mortalité, a coûté environ 3,50 dollars par tête et par an. Ce chiffre représente un peu moins de 1 % du revenu du Guatémal- tèque moyen en 1971. * Jamkhed, Inde. Pour l'échantillon de population relativement petit sur lequel a porté le projet, le taux de mortalité périnatale a baissé de 97 en 1971 à 39 en 1976, contre 90 dans la zone de contrôle, également petite, observée en 1976. Les chiffres correspondants pour le taux brut de natalité étaient de 40,23 et 37. On a estimé, en gros, le coût par an et par personne à 1,25-1,50 dollar, soit à peine plus de 1 % du PNB par tête pour l'en- semble de l'Inde au milieu des années 70. Les données concernant la mortalité infantile et le développement physique n'ont pas été obtenues. * Hanover, Jamaique. Le taux de mortalité périnatale dans la commune de Hanover a chuté de 36 en moyenne entre 1970 et 1973 à 11 91 en 1975, alors que, pour l'ensemble de la Jamaïque, le taux passait de 26 à 23 au cours de la même période. La mortalité des enfants entre un et quarante-huit mois a baissé de près de la moitié, de 13-15 à 5-6, en une année d'application du programme. La proportion des enfants dont le poids était inférieur à 75 % du poids escompté pour leur âge est passée de 11-13 % à 6-7 %, également en une année d'application du pro- gramme. Les enquêteurs ont établi expérimentalement le coût d'un projet pilote à 0,40 dollar par personne, environ le vingtième de 1 % du revenu annuel moyen par tête à la Jamaique. Pas de données concernant la fécondité. e Kavar, Iran. Deux enquêtes effectuées après le début du projet ont conduit à estimer que le taux de mortalité périnatale dans la zone de traitement était de 50-60 % moindre que celui de la zone témoin. La première enquête, menée quinze mois après le début du projet, a donné un taux de mortalité périnatale de 65 dans la zone de traitement, pour 128 dans la zone témoin. Trois ans plus tard, ces chiffres devenaient 84 et 138 respectivement. La première enquête a établi que le taux brut de natalité était de 40 pour la zone de traitement et de 45 pour la zone témoin; selon la seconde enquête, ce taux était passé à 37 pour chacune des deux zones. Le coût individuel par an a été estimé entre 3,50 et 5,25 dollars en 1975, selon le mode de calcul utilisé-somme approximativement égale à 1 % du revenu national par tête en Iran. On n'a pas pu obtenir les données concemant le développement physique et la mortalité infantile. Efficacité d'ensemble des projets. Quelles règles générales peut-on tirer de ces expériences individuelles ? Pour les dix projets, les données dispo- nibles font apparaître une baisse de la mortalité périnatale et infantile. Ces baisses ont été importantes-de l'ordre du tiers ou de la moitié, parfois plus-et rapides, entre un à cinq ans après le début du projet. Elles ne sont pourtant pas nécessairement significatives par elles-mêmes. La mortalité périnatale et infantile a diminué dans la totalité du monde en développe- ment au cours des vingt-cinq dernières années, et souvent rapidement, sans que ce résultat soit le fruit d'efforts aussi intenses que ceux consentis pour ces projets. Pour démontrer que ces demiers ont bien apporté quelque chose qui en vaille la peine, il faut donc prouver que la mortalité a décliné plus vite dans les zones des projets qu'ailleurs et que ce déclin est dû à l'efficacité des projets en question. Pour des raisons méthodologiques que nous verrons plus tard, il paraît extrêmement difficile de le démontrer de façon décisive. Encore que l'on puisse affirmer avec certitude, même si ce n'est pas concluant, que la baisse de la mortalité a été sensiblement plus rapide qu'on ne l'aurait prévu en l'absence de projet dans la majeure partie des zones concernées. Quelques renseignements ont été obtenus sur la tendance de la morta- lité à l'extérieur des zones d'expérimentation pour neuf des dix projets. Dans six des cas, les évaluations des projets ont fourni des informations sur des zones témoins plus ou moins comparables. Dans deux autres cas, on a comparé avec des données nationales. Pour sept des neuf projets dont on 92 a pu confronter les résultats, les données recueillies permettent d'estimer que la mortalité périnatale et infantile a baissé plus rapidement dans les zones de traitement que dans les zones témoins. Une certaine réduction de la fécondité a été observée dans quatre des cinq projets qui ont foumi des données à ce sujet. Dans ces quatre entreprises, un effort conscient a été fait pour réduire les taux de natalité; les services de planning familial ont été assurés en même temps que les actions sanitaires et nutritionnelles. La diminution a été importante pour trois de ces projets, modeste pour le quatrième. De même, on a pu constater au moins quelques résultats posi- tifs pour cinq des six projets concemés par le développement physique. Coûts des projets. On a obtenu des renseignements sur les coûts de l'engagement et des réalisations pour sept des dix projets. Bien que les estimations des coûts relèvent souvent de l'appréciation, elles permettent de donner une image généralement modeste des dépenses. Le coût an- nuel par tête s'est situé entre 0,80 et 7,50 dollars environ, y compris les dépenses de capital et de fonctionnement.* Ceci représente entre 0,5-2,0 % du PNB annuel par tête pour les pays concemés et pour l'année au titre de laquelle les dépenses ont été effectuées.t Ce niveau de dépenses est très proche de celui indiqué par la Banque mondiale pour les dépenses de santé de la plupart des pays en développement. Pourtant, les systèmes plus traditionnels auxquels se réfère la Banque mondiale ne couvrent qu'une faible partie de la population totale, en raison de la concentration des moyens dans les zones urbaines et relativement aisées. Ainsi, le coût par utilisateur des systèmes sanitaires conventionnels est-il probablement beaucoup plus élevé que celui proposé de 0,5-3,0 % du PNB et, par conséquent, beaucoup plus important également que celui des services largement accessibles foumis par les projets étudiés. La comparaison générale des coûts cités permet de penser que les systèmes classiques concentrant ensemble les services de santé et de nutri- tion, avec leur rayon d'action inévitablement limité, pourraient être rem- placés par une formule de couverture beaucoup plus large du genre de celle des projets analysés pour une faible augmentation des dépenses générales de santé de l'Etat. S'il était possible d'obtenir à plus grande échelle un niveau d'efficacité en santé primaire comparable à celui de ces projets, le changement d'affectation des fonds permettrait de réaliser des gains extrêmement importants tant sur le plan de l'égalité d'accès au *Les coûts en capital et les dépenses de fonctionnement apparaissent en général séparément dans la plupart des rapports de projet. On a estimé les coûts en capital en supposant une durée de vie de 10-20 ans aux immobilisations, ce qui signifie qu'on ajoute 5-10 % des coûts totaux en capital au chiffre des dépenses annuelles de fonctionnement pour parvenir au coût total. Cette procédure ne modifie guère les résultats, puisque la majorité des coûts, habituellement 90 % ou plus, relève des dépenses de fonctionnement. tLes fourchettes des coûts annuels-1,50 à 7,50 dollars par tête et 0,5 à 2,0 % du PNB-ne tiennent pas compte des données concemant les coûts du projet Hanover, Jamaique. Ces données, particulièrement imprécises, proposent un coût par tête de 0,40 dollar et 0,05 % du PNB. 93 service que sur celui des conditions générales de la mortalité périnatale et infantile. Une réorientation aussi fondamentale sera rarement possible, pour des raisons politiques; néanmoins, ces calculs assez grossiers indiquent qu'il pourrait être intéressant d'avoir davantage recours au type de méthodes décrites ici en matière de nutrition et de santé. Facteurs contribuant à l'efficacité des projets Les projets étudiés sont tous basés sur la foumiture de services ressortis- sant de quelque façon de la santé et de la nutrition. Ceux qui se sont montrés efficaces ne semblent pas, à première vue, avoir grand-chose en commun à part leur apparente efficacité. Dans cette diversité, certaines mesures ou caractéristiques spécifiques novatrices semblent avoir démon- tré leur valeur chaque fois qu'elles sont apparues et méritent ainsi qu'on leur accorde un peu plus d'attention. Les conclusions des projets ont permis aussi de vérifier l'efficacité de quelques aspects plus classiques des interventions en matière de santé et de nutrition. Action nutritionnelle en faveur des futures mères. C'est dans le projet Zone rurale II (Guatemala) que la valeur des actions nutritionnelles entre- prises en faveur des futures mères a été le plus complètement étudiée. Dans ce projet, les rapports concemant les conséquences des suppléments alimentaires donnés aux femmes enceintes sur le poids des bébés à la naissance et les taux de mortalité sont extrêmement bien documentés. La relation entre l'augmentation du poids à la naissance et la diminution des taux de mortalité y est fortement affirmée. Les conclusions ont été iden- tiques à Narangwal, où la distribution de fer, d'acide folique et de nourri- ture supplémentaire aux futures mères semble pouvoir être associée à la baisse sensible de la mortalité aux tout premiers âges. En effet, bien qu'ils n'aient représenté qu'une part relativement faible du projet Narangwal, les efforts consentis pour améliorer la condition nutritionnelle des femmes enceintes par la distribution de fer, d'acide folique, de suppléments alimen- taires et par l'éducation paraissent avoir abouti à une efficacité certaine dans la prévention du décès prématuré des nourrissons. De même, l'in- fluence de l'augmentation de la ration alimentaire des futures mères sur le poids des enfants à la naissance et la capacité de lactation des nourrices pourrait expliquer les résultats par ailleurs troublants du projet du Pérou septentrional. Ces résultats montrent que le supplément de nourriture donné à des familles entières a contribué à la diminution de la mortalité infantile sans apporter pour autant ultérieurement un développement phy- sique plus rapide des enfants. Surveillance de la nutrition. La surveillance de la nutrition dans le cadre du projet Imesi a été couronnée de succès et plus tard encore améliorée avec des résultats également encourageants dans les projets Narangwal et Hanover. Dans ces cas-là, le contrôle du développement physique par la mensuration régulière des enfants dans la zone du projet a 94 facilité le dépistage des retards de croissance des nourrissons et des jeunes enfants, retards qui augmentaient les risques de décès. Il était alors possible de faire bénéficier ces enfants et leur famille d'une éducation et de sup- pléments sur le plan nutritionnel ainsi que de soins médicaux. Dans ces programmes, les mensurations anthropométriques ont permis d'alerter les mères en cas de retard de croissance de leurs enfants et de les encourager, de ce fait, à améliorer leurs habitudes alimentaires. Ainsi, dans les communautés où les facteurs sociaux et culturels ont plus d'importance que l'inadaptation absolue des ressources pour l'étiologie de la malnutri- tion, le contrôle de la nutrition semble avoir un effet certain sur la mortalité, même en l'absence d'éléments plus onéreux et moins faciles à mettre en oeuvre. Confiance accrue dans les personnels paramédicaux et dans leurforma- tion. Parmi les différentes méthodes employées dans les projets pour donner plus de responsabilité aux personnels paramédicaux dans des ac- tions curatives simples, on a recherché celles susceptibles de permettre une couverture beaucoup plus large de la population. Au regard des 15 à 20 % de la population à secourir qui sont habituellement touchés par les services de santé dans la plupart des pays en développement, l'emprise des dix projets est remarquablement plus complète. Dans de nombreux cas, toute la population visée a été examinée au début du projet et régulièrement suivie par la suite. A Narangwal, les diarrhées et les maladies respiratoires ont beaucoup diminué parce que l'on pouvait compter sur les personnels de l'hygiène sociale familiale pour détecter ces problèmes, administrer la pénicilline si nécessaire et prescrire les méthodes de réhydratation appli- quées surtout, par la suite, par les mères elles-mêmes. Plusieurs rapports de projet ont souligné l'importance de la formation. Les programmes de formation qui ont le mieux réussi-ceux des projets Hanover, Narangwal et Zone rurale II, Guatemala-présentaient plusieurs points communs, en dépit de différences importantes et de détails qu'on n'a pu obtenir. Ces programmes ont été organisés par des techniciens de la santé publique, très au courant des problèmes locaux qu'ils avaient déjà eu l'occasion de pratiquer sur le terrain. Une formation active sur place était assurée par des personnels expérimentés aptes à faire face aux difficultés des conditions locales. Des réunions fréquentes et régulières entre ces personnels et les contrôleurs permettaient d'entretenir une formation permanente. Les programmes efficaces ont été généralement assortis de dispositions d'ensemble susceptibles de stimuler la motivation et un senti- ment de satisfaction chez les personnels de terrain. Immunisation des futures mères contre le tétanos. Des efforts concer- tés pour immuniser les femmes enceintes contre le tétanos ont été inclus dans les projets Narangwal et Zone rurale Il (Guatemala) parce que la protection du nouveau-né contre cette maladie est transmise par le pla- centa. A Narangwal, une enquête préliminaire avait montré que le tétanos 95 néonatal était responsable de près de 20 % des décès chez les nouveau-nés. Les personnels du projet ont pu vacciner 87 % des mères et Ds ont estimé qu'ils avaient évité ainsi au moins 80 % des décès dus au tétanos néonatal. La vaccination des futures mères contre le tétanos paraît avoir aussi fortement contribué à faire baisser la mortalité dans le projet Zone rurale Il (Guatemala). Des expériences de ce genre font de la vacci- nation des mères un élément très positif des projets intéressant des collecti- vités où le tétanos des nouveau-nés exerce encore des ravages. Autres mesures nutritionnelles et sanitaires. Il n'est pas surprenant de constater que l'expérience accumulée à partir de ces dix projets ait confirmé l'importance de la nutrition dans l'abaissement de la mortalité périnatale et infantile. Les données de Narangwal ont montré, par exem- ple, que, pour le même âge, une diminution de poids de 10 % entraînait une augmentation comparable des probabilités de décès. Un enfant de moins de trois ans dont le poids se situait entre 60 et 70 % de la norme âge-poids de Harvard encourait un risque de décès dix fois supérieur à celui de l'enfant qui se trouvait au-dessus des 80 % de la norme. Des mesures nutritionnelles ont été intégrées dans les sept projets les mieux réussis, sauf un, alors qu'un seul des trois projets antérieurs, moins heu- reux, en avait bénéficié. D'autres éléments de nature proprement nutritionnelle ont apporté une contribution importante. Deux d'entre eux, particulièrement intéressants, ont déjà été relevés: la foumiture de suppléments nutritionnels aux fem- mes enceintes et aux nourrices, et la surveillance de l'état nutritionnel. Les suppléments nutritionnels attribués aux nourrissons et aux enfants semblent avoir joué un rôle efficace dans la réduction de la mortalité dans le projet du Pérou septentrional et avoir eu des effets incontestables dans le même domaine pour les projets Zones rurales I et Il (Guatemala). Ces études ne sont ni assez exhaustives ni assez probantes pour établir une hiérarchie entre les mesures nutritionnelles et les mesures sanitaires en tant que telles. Comme nous l'avons déjà noté, certaines mesures concer- nant la santé-immunisation des futures mères contre le tétanos et confiance accrue dans le personnel paramédical-se sont révélées très prometteuses. On a aussi largement développé les programmes de vacci- nation des enfants avec un succès apparent. Les sept meilleurs projets, à l'exception d'un seul, ont, sous une forme ou sous une autre, incorporé à la fois des éléments santé et des éléments nutrition et, dans certains cas, les mesures sanitaires se sont révélées plus efficaces que les mesures nutri- tionnelles employées. Les projets les plus efficaces paraissent avoir prati- qué un mélange judicieux d'éléments des deux sortes, mélange différent en fonction des conditions épidémiologiques, sociales, économiques et politiques, elles-mêmes parfois très nettement différentes. L'expérience acquise dans ces projets donne à penser que le mélange devrait aussi varier en fonction de l'importance relative attachée aux résul- tats du programme. Admettons, par exemple, que ceux de Narangwal 96 fassent ressortir que les mesures nutritionnelles ont été meilleures pour encourager le développement physique et la réduction de la mortalité dans les tout premiers âges, en particulier par le truchement des programmes d'amélioration de la nutrition des futures mères, mais que, en revanche, ce soit les mesures médicales qui se soient révélées en général les plus effica- ces dans l'abaissement de la mortalité chez les enfants plus âgés. Dans un tel cas, l'importance relative accordée à chaque élément dépendra de l'importance relative attachée à la survie des nouveau-nés et à celle, par exemple, des jeunes enfants entre deux et trois ans. Les données du projet Narangwal montrent que, pour une dépense déterminée, on peut éviter plus de décès chez les nouveau-nés que chez les enfants plus âgés. Empê- cher la mort aux premiers âges de la vie pourrait avoir comme effet secon- daire de créer le climat nécessaire à un engagement parental plus complet vis-à-vis de l'enfant, engagement qui se traduira à son tour par un meilleur bien-être physique et moral au cours des difficiles premières années et au-delà. D'autre part, les tout petits pourraient bien être crédités d'une plus grande "valeur" par les parents et par les économistes du fait des ressour- ces psychologiques et économiques qui ont été investies à leur profit. On pourrait aussi démontrer que, dans la perspective d'une politique générale recherchant la capacité et la qualité des personnes de préférence à leur nombre, il ne faut pas privilégier les efforts pour diminuer la mortalité mais insister plutôt sur les éléments du projet qui portent sur le dévelop- pement physique. Dans la mesure où les conclusions de Narangwal peu- vent s'appliquer ailleurs, toute décision politique de cette nature augmen- terait l'importance de la nutrition en comparaison des apports sanitaires. Il n'y a pas de réponse facile à ces questions complexes. Ce fait, ajouté aux différences des conditions dont nous avons parlé plus haut, milite contre les efforts excessivement importants en vue d'affiner les programmes d'in- tervention par une sélection d'éléments estimés incontestablement plus efficaces. Il vaut mieux aborder les problèmes des collectivités avec l'esprit ouvert. Considérations générales. De l'examen de ces projets, deux idées plus générales ressortent. La première se rapporte à une particularité impor- tante qui paraît différencier les projets les mieux réussis de ceux qui sont incontestablement moins bons: l'importance des distances prises à l'égard de la tradition occidentale qui fonde sa recherche des moyens les mieux adaptés aux conditions du village sur des services médicaux de haute technologie s'appuyant sur l'hôpital. Il est intéressant de souligner que les projets manifestement les meilleurs font apparaître des efforts certains pour amoindrir la dépendance à l'égard des services normalement assurés par des médecins très qualifiés. La seconde idée porte sur l'efficacité de la réalisation et de l'administra- tion des éléments du projet qui ont été choisis, quels qu'ils soient. Les personnels des services, par exemple, ont été en général recrutés avec soin, correctement formés, bien contrôlés et soutenus. On leur a confié 97 une tâche précise et rationnelle à accomplir au sein d'une population suffisamment peu nombreuse pour que les résultats soient les meilleurs possible. Les services et le personnel de soutien étaient généralement en place au moment opportun. Les cliniques et les centres de repas ont ouvert en temps utile et ont assuré les services prévus par le programme. L'effica- cité de l'action reposait sur une éthique du service souvent inspirée par des dirigeants dévoués. Ces considérations montrent que la qualité totale d'un projet ne dépend pas seulement de ce qui est fait mais aussi de la façon dont cela est fait. Ce qu'il faut, ce n'est pas uniquement un assortiment judicieux d'éléments mais plutôt un ensemble approprié d'éléments bien administrés. * Elargissement de l'interaction entre les donateurs et la collectivité. Se- lon la définition de l'OMS, la bonne santé-et la bonne nutrition qui lui est *Les études menées sur le terrain sont rarement sans défauts, et les dix dont nous parlons n'échappent pas à cette règle. Ilfaut, en conséquence, évaluer les résultats du projet avec une certaine circonspection. Bien que les résultats décrits plus haut soient méthodologiquement de loin les meilleurs et donnent un excellent aperçu de l'efficacité des projets d'intervention et des éléments propres à ces projets, les données présentent un certain nombre de difficultés assez importantes pour être soulignées. Tout d'abord, dans quelques cas-Jamkhed, Nombreuses fermes, et Zone nrrale I du Guatemala -certaines des plus importantes conclusions ne reposaient pas sur un échantil- lonnage suffisamment vaste pour être significatives sur le plan statistique. La complexité des relations étudiées a fait que des formules conçues pour explorer une série de variables se sont révélées inadaptées lorsque d'autres variables importantes et inattendues sont apparues. Deuxièmement, les contrôles précis ont parfois fait défaut, comme dans le cas de Nombreu- ses fermes, d'Etimesgut, de Zone rurale II (Guatemala), et de Hanover. Comme la tendance de la mortalité périnatale et infantile est généralement à la baisse dans la presque totalité du monde en développement depuis la fin de la seconde guerre mondiale, il ne suffit pas de faire apparditre une baisse dans n'importe quelle zone donnée, mais de montrer que cette baisse est plus rapide qu'elle ne le serait ailleurs si elle se produisait spontanément. Troisièmement, même lorsqu'on pouvait utiliser des groupes de contrôle valables, la composition de leur population était inévitablement différente de celle des zones de traite- ment et cette différence pouvait quelque peu fausser les résultats. Par exemple, en dépit des précautions qui avaient présidé à leur choix, la population des zones de Narangwal compor- tait des castes différentes, avec tout ce que cela suppose de difficultés en ce qui conceme les coutumes et les relations entre les collectivités. La mortalité péinatale présentait des tendan- ces différentes, antérieurement au projet, selon les villages de la Zone rurale I (Guatemala). D'autres projets connaissaient des difficultés du même ordre. Quatrièmement, on a rarement pu établir directement et de façon évidente les relations réelles entre l'ensemble des mesures prises et les modifications constatées dans l'état nutri- tionnnel et dans la mortalité. Ceci, ajouté aux difficultés de mise en place d'un contrôle convenable, laisse planer une incertitude quant à l'importance de l'ensemble des mesures par rapport à celles des nombreux autres facteurs qui auraient pu avoir une influence mais n'ont pas été pris en considération. Cinquièmement, comme cela se produit habituellement lorsque des techniques statistiques très élaborées sont appliquées à un vaste ensemble de données, les facteurs qui pouvaient être quantifiés par les enquêteurs -composantes des programmes et autres facteurs physio- logiques, sociaux, économiques ou environnementaux-ont pu expliquer moins de la moitié des variations observées. Interpréter celles qui l'ont été constitue déjà une remarquable performance; dans de nombreuses études économétriques appréciées, on a défini une politi- que à partir de résultats beaucoup moins solides. Très clairement, cependant, il semble qu'il y ait dans ces études de terrain de nombreux éléments qui influent sur les résul- tats-développement physique, poids à la naissance, mortalité, etc.-et que des analyses de ce genre ne réussissent pas à intégrer. Tant que ces problèmes ne seront pas résolus, les sources d'incertitude ne seront pas taries. 98 étroitement associée-n'est pas seulement l'absence de maladie ou d'in- firmité mais plutôt "un état de bien-être complet physique, mental et social". Pour apprécier la contribution de ces projets à la nutrition et à la santé il faut donc évaluer leur influence sur la vie du village. Même si, au premier abord, elle ne paraît pas directement liée à la nutrition ou à la santé, cette influence sera probablement considérable sur le développe- ment à long terme des capacités du village à améliorer par ses propres moyens la nutrition, la santé et le bien-être physique, mental et social de ses habitants. L'intérêt doit être centré sur deux aspects principaux. Premièrement, dans aucun cas on ne s'est beaucoup préoccupé de la façon dont le projet pouvait affecter les structures sociales et de production d'un village.5 La plupart des enquêteurs du projet se sont surtout souciés d'établir des relations de travail avec les autorités des villages pour pouvoir organiser comme ils l'entendaient la foumiture des services nutritionnels et sanitaires. Dans la mesure où ces autorités pouvaient être associées aux avantages provenant du projet, ou en paraître responsables, la légitimité de leur position dans le village et les relations structurelles qu'elles repré- sentaient pouvaient s'en trouver renforcées. Mais, étant donné que la nature inégalitaire des relations sociales et de la production dans un village constitue souvent un obstacle important au développement rural complet et donc à l'amélioration de l'état nutritionnel et sanitaire, on peut se de- mander si un renforcement, même modeste et involontaire, de ces struc- tures existantes est bien souhaitable. La réponse n'est pas facile, mais il est vital pour l'élaboration et la réalisation des programmes d'intervention que les responsables aient une meilleure conscience de ces questions et une volonté lucide de les traiter. L'impact psychologique des programmes conduits de l'extérieur consti- tue un corollaire. Bien que l'idée d'auto-assistance ait été développée dans la plupart des projets, l'aide est généralement et principalement venue de l'extérieur. Même dans les projets qui accordaient le plus d'intérêt à la participation des collectivités, on a trouvé que la mobilisation communau- taire était beaucoup plus difficile à réaliser que la foumiture directe des services. Dans la mesure où le développement du sens de l'autodétermina- tion revêt une certaine importance dans la capacité des individus et des collectivités à parvenir à un état nutritionnel et sanitaire acceptable, les projets qui n'impliquent pas une participation intégrale des intéressés peu- vent involontairement amoindrir l'aptitude de ceux-ci à améliorer leurs conditions de vie par leurs propres moyens. Conditions des efforts futurs Il reste beaucoup à apprendre sur l'ensemble des conséquences de ces projets, sur leur fonctionnement réel et sur leur applicabilité à des opéra- tions à grande échelle, au-delà du laboratoire local soigneusement contrôlé qu'ils constituent, avant de pouvoir évaluer correctement les limites de leurs possibilités. Demander trop, et trop tôt, risquerait de détoumer l'at- tention des buts plus généraux de développement économique et social ou 99 de quelques démarches spécifiques séduisantes comme la politique de production agricole orientée vers la nutrition ou bien une répartition ali- mentaire améliorée. Les projets que nous étudions ici, cependant, ne s'adressent qu'à une partie limitée-bien que la plus vulnérable-de la population. Ceci étant dit, il n'est pas possible de qualifier les conclusions tirées de ces dix projets-surtout les plus récents-autrement que par le terme "très encourageantes". Dans leur ensemble, ces conclusions montrent qu'entre les mains d'enquêteurs capables et pour des populations de l'or- dre de 60.000 à 70.000, la mortalité périnatale et infantile peut être réduite d'un tiers à la moitié en un à cinq ans, pour un coût équivalant à moins de 2 % du revenu par tête, dépenses qui ne dépassent pas celles actuellement consenties pour la santé. Bien que de nombreuses et importantes incertitudes demeurent, des résultats de ce genre méritent beaucoup mieux que la réponse habituelle "il faut davantage d'informations". Certes, il est nécessaire de développer et de poursuivre les recherches, mais ce que l'on sait déjà suffit largement à justifier que l'on aille plus loin que le genre d'expérimentations initiales sur le terrain conscencieusement dirigées que nous avons décrites ici. La pro- chaine étape consiste à étendre les activités du projet à un beaucoup plus grand nombre de bénéficiaires, en acceptant les contraintes structurelles inévitablement associées aux vastes entreprises.* Deux ensembles de suggestions-l'un portant sur le fond, l'autre sur les procédures-destinés à faciliter une telle évolution ressortent de cette étude. Les suggestions fondamentales sont sans détours; elles portent sur des points déjà examinés. L'importance quasi universelle de la nutrition dans le développement physique et la diminution de la mortalité prouve que les mesures nutritionnelles doivent réellement apporter un changement et qu'il est nécessaire d'intégrer dans la conception des projets des considéra- tions portant sur la nutrition-comme cela s'est produit pour six des sept projets les mieux réussis. Le glissement de l'hôpital au village est aussi plein de promesses. Sur un plan plus concret, l'amélioration nutritionnelle et la vaccination des futures mères, le contrôle de la nutrition et l'extension des responsabilités des personnels sanitaires des villages paraissent avoir abouti à de bons résultats dans de nombreux cas. Toutefois, pour les projets réussis, la nature de l'ensemble des services assurés a été très variable et on peut en déduire qu'aucune approche n'est parfaitement adaptée à toutes les situations qui peuvent se présenter dans l'ensemble du *Ceci pourrait concemer valablement des populations de 100.000 à 500.000 personnes peut-être. On pourrait, dans certains cas, mettre au banc d'essai des conceptions que l'on souhaiterait voir développer à l'échelon national. On pourrait, d'autre part, lorsque des programmes nationaux sont déjà en cours, tester expérimentalement des solutions de re- change susceptibles d'être incorporées ultérieurement à l'entreprise nationale. Dans ces deux perspectives, la réussite ne sera pas seulement fonction des résultats d'ensemble concemant la nutrition et la santé, mais devra s'étendre aux considérations d'équité et d'organisation communautaire. 100 monde en développement. Il faut donc apporter une grande souplesse et une non moins grande bonne volonté à l'étude d'un large éventail de perspectives d'ordre structurel et technologique. Les suggestions portant sur les procédures viennent de ce qu'on admet que de nombreux facteurs susceptibles d'expliquer les résultats obtenus par les projets ont été mal compris et que ces demiers peuvent avoir eu des conséquences occultes en plus de celles déjà reconnues. Il est fort possible, par exemple, que les réalisations de ces projets aient été autant dues à l'efficacité de leur administration qu'à la façon d'aborder les problèmes ou à l'ensemble des éléments choisis. Il est aussi possible que des projets mal conçus et mal gérés concernant des villages puissent avoir sur les structures sociales et de production de ces villages des effets inattendus et peut-être, parfois, indésirables. Dans la mesure où ces soucis sont légitimes, le glis- sement d'une action pilote efficace à un projet d'exploitation à grande échelle peut sembler une entreprise incertaine dont le succès final dépen- dra de la sagesse et de la sensibilité avec lesquelles l'expérience acquise sur le terrain sera appliquée à des activités beaucoup plus vastes.t Attendre qu'on ait répondu à toutes les questions et que toutes les incertitudes soient levées avant d'avancer équivaudrait à y renoncer, déci- sion qui n'est absolument pas justifiée si l'on en juge par l'état actuel de nos connaissances. tLorsque des projets de services de soins élémentaires commencent à fonctionner il faut prévoir un contrôle et une évaluation continus et attentifs. Il ne s'agit pas la d'effectuer une recherche démographique très élaborée; il faut, plutôt, un système d'infonmation des respon- sables du projet qui puisse être géré par le personnel de ce projet à tous les niveaux et qui soit en mesure de foumir rapidement le renseignement dont ils ont besoin pour évaluer l'efficacité de leur propre gestion. Il convient également d'effectuer les études d'évaluation nécessaires pour connaître les effets des projets permanents de soins essentiels dans des domaines comme l'état nutritionnel, le niveau de mortalité et la situation économique et sociale des différents groupes de population. 101 Annexe D Les coûts des programmes nutritionnels On peut commencer à établir des estimations grossières des coûts d'un programme nutritionnel à partir de la carence énergétique, ou calorique, courante dans les pays en développement. Dans un pays où 20 % de la population consomme en moyenne 1.600 calories par jour, le coût de la quantité de blé nécessaire pour augmenter cette moyenne de 300 calories s'élèverait à 6,25 dollars environ par an et par bénéficiaire. Ce coût est calculé sur la base d'un prix au débarquement de 200 dollars la tonne. Les coûts supplémentaires d'administration et de livraison seraient de l'ordre de 1,50 dollar. Ainsi, le coût de base se monterait à 25 millions de dollars pour un pays de 20 millions d'habitants. Il faudrait, en plus, tenir compte du remplacement de la nourriture habituellement consommée par les aliments du programme ainsi que des fuites hors du groupe visé. Les pertes propres au programme, c'est-à-dire les dégâts, l'action des parasites, le chapardage ou autres causes de dispari- tion des denrées alimentaires, ainsi que l'incapacité de consommer ou de digérer efficacement la nourriture provoquent des pertes supplémentaires et ajoutent donc aux coûts. Au début des années 70, un programme de suppléments alimentaires à Tamil Nadu, destiné à fournir 300 calories par jour et par enfant, s'est élevé à 14 dollars par tête et par an. Mais le coût a atteint 16 dollars par enfant souffrant de carence calorique et 24 dollars pour chaque enfant dont les mensurations anthropométriques s'étaient améliorées. Les conséquences de la substitution ont été telles qu'il aurait fallu compter 40 dollars par enfant et par an pour que le groupe sur lequel on avait établi le chiffre de 14 dollars voie sa consommation nette augmenter de 300 calories par jour.' Dans un programme de relèvement de l'état nutritionnel, en Haïti, on a constaté que le coût par enfant avait été, en 1972, de 72 dollars uniquement pour les services; qu'il avait atteint 103 dollars pour les en- fants dont le poids par rapport à l'âge était devenu positif et 605 dollars pour ceux dont l'amélioration était supérieure aux normes.2 Ces cas ex- trêmes ne signifient pas que tous les programmes de suppléments alimen- taires ou de relèvement de l'état nutritionnel soient extrêmement coûteux par rapport à leur efficacité. Il faut, cependant, être très attentif lorsque l'on estime et compare le coût des programmes nutritionnels. Il convient de définir les groupes visés de façon précise et d'estimer les conséquences des programmes tant sur les revenus que sur la nutrition. Si, par exemple, on évalue les avantages nutritionnels dont bénéficient les enfants pauvres 102 âgés de moins de trente-six mois à trois fois ceux des autres membres du groupe et à quatre fois les avantages du revenu général, les priorités du programme pourraient alors différer sensiblement de celles des autres pro- grammes qui ne tiennent pratiquement aucun compte des avantages qui pourraient être apportés aux enfants de moins de trois ans. Les coûts des autres initiatives en matière de nutrition sont aussi généra- lement très variables, surtout lorsqu'on les calcule sur la base des effets nutritionnels par individu et non pas sur celle du coût des apports par tête. On a estimé, par exemple, qu'en 1974, il n'aurait fallu que 0,03 dollar par personne pour assurer aux Guatémaltèques les trois quarts de la vitamine A qui leur était nécessaire. Mais il en aurait coûté 2,20 dollars annuels par tête pour satisfaire les besoins de ceux qui souffraient de carence en vita- mine A. L'amélioration de l'apport en fer a été estimé à 0,03 dollar par individu contre 0,11 par cas d'anémie constatée. Certaines mesures d'ap- port supplémentaire, par exemple le sel en prévention des gôitres, sont réellement peu coûteuses lorsqu'on les calcule par rapport à leurs effets sur la santé. En revanche, certaines autres, comme l'apport de protéines, peuvent être très onéreuses aussi bien quantitativement que qualitative- ment sur le plan sanitaire. En évaluant les programmes d'éducation nutri- tionnelle, il peut être utile de jeter un oeil sur le coût des résultats. On avait estimé, par exemple, que le coût par tête nécessaire pour parvenir, par l'intermédiaire des média, à un changement d'attitude favorable dans les pratiques nutritionnelles serait, aux Philippines, de 1 à 3 dollars, mais le coût correspondant pour que ce changement se matérialise dans les faits s'est situé entre 15 et 29 dollars.3 Les projets qui proposent des avantages nutritionnels s'ajoutant à d'au- tres qui ne le font pas, comme, par exemple, les programmes sanitaires et nutritionnels intégrés, soulèvent des problèmes de prix compliqués. Dans les dix programmes intégrés que nous avons analysés à l'Annexe C, le coût des apports directs s'est établi entre 2 et 7 dollars environ par tête et par an dans les pays à bas revenus, en fonction du pays concemé et des apports fournis. Si l'on ajoute un programme d'adduction d'eau, les coûts montent à 10-15 dollars par personne si l'eau provient des puits du village et atteignent 30 à 50 dollars si l'eau est amenée par un réseau de canalisa- tions. Il est donc très difficile de répartir les coûts entre les objectifs nutri- tionnels et les objectifs sanitaires. Les coûts et les avantages des program- mes de repas scolaires sont justifiés en partie par l'aspect nutritionnel et en partie par l'amélioration apportée à l'assiduité et aux résultats scolaires. Il faut tenir compte des avantages non nutritionnels et être sûr que tous les avantages, nutritionnels ou non, ont fait l'objet d'un examen minutieux. Il convient également de prendre en considération les occasions perdues dans l'effort entrepris pour atteindre les objectifs nutritionnels. Les problèmes d'évaluation des coûts ne sont pas particuliers à la nutri- tion. Ils existent dans tous les projets de développement de l'infrastructure et de toutes les ressources humaines. Les pays pauvres ont moins d'expé- rience des problèmes nationaux de la nutrition que de ceux liés à l'amélio- 103 ration des transports et de l'irrigation, par exemple. Bien que les incertitudes-ou peut-être l'idée que l'on se fait de l'importance de ces incertitudes-sur les besoins et les coûts en matière de nutrition soient exagérées par rapport aux autres problèmes nationaux, la nutrition est une question trop capitale pour que les programmes qui la concement soient abandonnés, pour cette raison, sans autre forme de procès. Pour situer le problème dans son cadre, au Sri Lanka, le coût des programmes nutritionnels et des programmes de subvention étendus et très réussis s'est élevé pour l'ensemble, en moyenne, à environ 10 dollars par personne de 1960 à 1973. L'augmentation des prix alimentaires mon- diaux qui a débuté en 1973 a fait monter ce coût à 15-20 dollars. Mais, avec la réduction de la ration de la moitié la plus pauvre de la population intervenue à la fin des années 70 et une diminution brutale des subven- tions générales sur le blé, le coût a été ramené à environ 10 dollars par tête. C'est une dépense que certaines nations très pauvres ne pourraient se permettre et il faudrait, dans ce cas, limiter les objectifs. Pour d'autres pays, avec une aide extérieure, ce coût entrerait tout à fait dans le cadre des possibilités. Dans de nombreux pays, une augmentation sensible des ressources nationales et étrangères-alimentaires et financières-des programmes qui apportent une contribution importante à la lutte contre la malnutrition est possible. D'autres, pour des raisons d'impossibilités politiques, adminis- tratives et financières, ne pourront ou ne voudront pas emprunter ou consacrer des ressources supplémentaires pour répondre aux besoins nu- tritionnels. Mais, dans un certain nombre de pays, il est possible de pren- dre, à peu de frais, des mesures susceptibles d'améliorer la nutrition. On peut, par exemple, développer les accords de commercialisation pour ren- dre les denrées de base plus facilement accessibles; apporter des modifica- tions nutritionnellement bénéfiques à la répartition des cultures au moyen de programmes de crédit agricole et de vulgarisation; ou bien revoir la politique agricole de façon à s'assurer qu'elle est compatible avec des objectifs nutritionnels souhaitables. En définitive, en ce qui conceme les coûts, les gouvemements devraient être encouragés à envisager les conséquences de 1' inaction. Si les besoins essentiels en matière de nutrition ne sont pas satisfaits, cela signifie, entre autres choses, des taux de mortalité plus élevés et une population moins productive. 104 Annexe E Mesures et normes diététiques En général, on détermine qui est mal nourri en comparant, pour chacun, l'apport réel en nutriments par rapport à des niveaux recommandés et en confrontant les mensurations biologiques avec les valeurs standard d'une population bien nourrie. La mesure de la malnutrition par l'importance de la ration alimentaire est très imparfaite. Ni la ration des individus ni celle des foyers n'a été mesurée sur de longues périodes-ces mesures sont souvent faites sur un à sept jours-ni à des intervalles réguliers. Les don- nées nationales sur la disponibilité des ressources alimentaires se font ra- rement l'écho des pertes postérieures aux récoltes, de la consommation de denrées de subsistance, de la nourriture des animaux, de l'utilisation des cultures à d'autres fins qu'alimentaires, ou de la variation de la consomma- tion dans les différents groupes de population. Au mieux, la comparaison de l'apport en nutriments avec des normes diététiques permet seulement d'estimer la probabilité de la satisfaction des besoins individuels. Les meilleurs indicateurs de l'état nutritionnel général dont on dispose actuellement sont, surtout en ce qui conceme les enfants, les mensurations biologiques: poids et taille. Les mesures hématologiques et biochimiques sont très valables, en l'absence de signes cliniques, pour déterminer si l'apport en nutriments-vitamines et oligo-éléments-est suffisant. Une taille inférieure à la normale indique un passé de mal nourri. Si le poids est aussi inférieur, c'est le signe d'une malnutrition en cours. Il faut compren- dre dans ces mesures toutes les indications du retard de croissance que donne l'expérience de la vie, y compris l'aspect prénatal et celui de l'envi- ronnement. On a constaté, par exemple, que la taille d'un enfant de sept ans était étroitement liée aux mesures du développement socio- économique de la collectivité au milieu de laquelle il vit. On ne sait malheureusement pas comment ces mensurations anthropométriques va- rient pour les divers niveaux d'apport en nutriments en fonction de pério- des de temps différentes.' Les difficultés rencontrées dans la différenciation des nombreux facteurs qui jouent dans la carence en nutriments rendent malaisée la détection des conséquences fonctionnelles des différents niveaux d'insuffisance de nour- riture et des meilleurs moyens de combattre la malnutrition. Les recher- ches concernant ces problèmes sont en cours. A l'heure actuelle, les effets de la malnutrition grave font l'objet d'une large documentation. On a étudié les cas de survie des malades les plus gravement touchés-par exemple, celui d'enfants hospitalisés pour malnutrition grave. On s'est peu 105 penché sur les cas marginaux, pour lesquels la majeure partie des constata- tions ont été tirées d'enquêtes où quelques mensurations anthropologi- ques remplaçaient les renseignements sur les apports en nutriments. On découvre généralement à quel point un nutriment est essentiel quand on détecte des changements pathologiques dus à son absence accidentelle de la ration alimentaire-scorbut, béribéri, pellagre, gôitre, xérophtalmie, rachitisme, dans les populations en butte aux privations- ou à son omission volontaire en laboratoire. Les techniques d'expéri- mentation modernes permettent le dépistage de changements plus subtils, comme la diminution des niveaux de nutriments dans le sang ou la réduc- tion de la réaction métabolique qui en dépend, modifications qui se pro- duisent généralement avant l'apparition de symptômes cliniques évidents. Il existe toute une gamme d'apports qui autorisent un état de santé positif en ne faisant jouer que relativement peu la faculté d'adaptation du corps (voir Figure E. 1). Le temps nécessaire pour que des changements détecta- bles de l'état de santé se produisent dépend de la quantité de nutriments que l'on peut tirer des réserves des tissus. Ainsi, si le nutriment en question est de la vitamine B12 et que la personne ait été précédemment bien nourrie, son foie contiendra des réserves suffisantes pour un à trois ans, et l'anémie ne se déclarera qu'après épuisement de ces réserves, alors que des changements interviendraient en quelques jours, semaines, ou mois en cas de carence d'un autre nutriment, comme le sodium ou la vitamine C. Les besoins en nutriments ne sont pas stables, même dans le cas d'un seul individu. Les enfants ne se développent pas suivant une progression constante et leurs besoins dans ce domaine diffèrent selon les périodes mais pas nécessairement de façon linéaire. Les tissus du corps ne partici- pent pas tous également à une croissance accélérée à un moment donné et il est possible qu'une fonction s'adapte en décroissant pour permettre à une autre de continuer. Les besoins en nutriments sont aussi affectés par les vicissitudes de la vie-la nécessité d'accomplir un travail particulière- ment dur, l'oisiveté, une maladie occasionnelle, l'exposition à une sub- stance toxique, ou bien les privations volontaires ou inévitables de nourri- ture dans le passé, ou encore son excès. Certains nutriments ont des interactions métaboliques, et le besoin de l'un dépend de la présence de l'autre. C'est ainsi qu'il faut davantage de thiamine lorsque le niveau d'apport énergétique est élevé, et que les be- soins en vitamine B6 augmentent avec l'accroissement de protéines dans la ration alimentaire. L'importance réelle d'un manque de vitamine D diffère selon les apports en calcium et en phosphore et la proportion de l'un par rapport à l'autre et, ce qui est encore plus important, selon l'exposition aux rayons du soleil. Si l'apport énergétique est faible, celui en protéines n'est pas utilisé efficacement dans sa fonction essentielle, par opposition à sa fonction non énergétique propre. Ces incertitudes ont amené les diverses autorités à concevoir des nor- mes relativement généreuses d'apports de nutriments. Quand un besoin minimum moyen a pu être fixé sur la base de quelque critère-ce qui n'a 106 Détérioration fonctionnelle Figure E. 1 Détérioration fonctionnelle Détérioration fonctionnelle Besoin Allocation APPORT - - Déficit minimal maximale Excédent - ETATSAT ETAT | ~~~~IChange- -- SANTE _ Change-ll Mort et Signes ments bio- ments bio- Signes Mort et maladie cliniques chimiques Faibles Tissus chimiques cliniques maladie réserves bien des fournis tissus Figure E.2 Normes diététiques pour les protéines, les vitamines et les minéraux Besoin moyen i E - I d, >i.asor I ,t3; r'clndard iandird -2 déviatiU.r/ 1 ' ; \l'or~~~~~~~~~~~~~~~in,jar t t Besoin moyen Norme diététique pour les = 0,77 de la norme nutriments = 1,00 Norme diététique pour l'énergie = besoin moyen Les normes diététiques pour les protéines, les vitamines et les minéraux sont destinées à couvrir les besoins de la presque totalité des personnes en bonne santé d'une population. Ces normes sont fixées à deux déviations standard au-dessus de la moyenne des besoins lorsque celle-ci est connue. Ainsi, 2,5 % seulement d'une population de demandeurs normalement répartie (E ci-dessus) ne verront pas leurs besoins satisfaits si leur ration alimentaire est conforme aux normes. La déviation standard correspond environ à 0,15 du besoin moyen dans les quelques cas pour lesquels on dispose de renseignements valables. Le besoin moyen repré- sente 77 % de la norme et les besoins de la moitié des intéressés seront couverts si leur apport se situe à ce niveau. En ce qui conceme l'énergie, la norme est toutefois fixée au niveau du besoin moyen, ce qui fait que les besoins de la moitié de la population ne sont pas satisfaits si l'apport énergétique est égal à la norme. 107 pas été essayé pour tous les nutriments -, les comités recommandent d'adopter pour les apports diététiques un chiffre de 30 % plus élevé que le chiffre moyen, ce qui se traduit par deux déviations standard au-dessus de la moyenne. C'est ainsi que l'on a procédé pour établir les normes nationa- les et internationales en ce qui concerne les protéines et de nombreux micronutriments, en partant de l'hypothèse qu'un léger excédent de nu- triments essentiels ne nuirait pas à ceux dont les besoins sont faibles et que les normes couvriraient les besoins de la presque totalité des personnes en bonne santé* (voir Figure E.2). *11 n'existe pas de besoin proprement dit en protéines; il se situe au niveau des amino-acides et des amino-azotes. Les protéines servent ici de substitut pratique. 108 Annexe F Equations Méthodologie pour l'estimation des niveaux d'apport en calories par catégorie de revenu La plupart des estimations données par Shlomo Reutlinger et Harold Alderman dans "The Prevalence of Calorie-deficient Diets in Developing Countries" sur l'importance du problème de la malnutrition ont été calcu- lées à partir des équations tirées de "Nutrition and Food Needs in Develo- ping Countries" de Odin K. Knudsen et Pasquale L. Scandizzo.1 Ces équations fournissent des estimations d'apports caloriques par catégorie de revenu sur la base de fonctions statistiquement adaptées aux données de la consommation des foyers sous la forme Ci = a + b (lnXJ), où Ci est la consommation journalière de calories par tête et Xi le revenu annuel de chaque catégorie de revenus. Les paramètres (a,b) utilisés étaient les suivants: Inde-1881.1040; Pakistan-231.603; Bangladesh-1779.851; Maroc-6246.1343; et Brésil-396.664. Le niveau d'apport calorique pour chaque catégorie de revenu à l'in- stant T, lorsque les prix ne sont pas changés, a été prévu par l'équation CiT = Ci, + bdT, dans laquelle Ci,, est l'apport calorique au cours de la période de base et d est le taux de croissance des revenus. Dans le cas d'une augmentation de prix intervenant au cours de cette période, on s'est servi, pour la projection, de l'équation suivante CiT = Cio + bT (d-Wi), où Wi représente, dans la catégorie de revenu, la part du budget consacrée à l'alimentation, et g est le taux de croissance du prix. Les déficits en calories ont été calculés en faisant la différence entre la moyenne des besoins et les apports estimés par tête. 109 Equations par régression pour le calcul des valeurs d'espérance de vie et de mortalité périnatale Les équations suivantes ont été utilisées pour déterminer les taux d'espé- rance de vie et de mortalité périnatale au Sri Lanka :2 In (LIFEX) = 3,263 + 0,123 In (Y) (t) = (39,47) (10,19) R2 = 0,65 s.e. = 0,10 et In (INFMOR) = 7,896-0,590 In (Y) (21,79) (-11,14) R2 = 0,68 s.e. = 0,46 dans lesquelles LIFEX = espérance de vie, INFMOR = mortalité périnatale, et Y = revenu par tête. 110 Notes La plupart des ouvrages de référence indiqués ci-dessous n'existent pas en français. Les notes bibliographiques n'ont donc pas été traduites mais figurent ici à l'intention des lecteurs qui voudraient se référer aux textes anglais. Chapitre 1 1C. H. Shah, "Food Preferences and Nutrition: A Perspective on Poverty in Less Developed Countries," Indian Journal of Agricultural Economics 35 (January-March 1980), pp. 1-39. 2Carl E. Taylor, in a general discussion in Nutrition, National Development, and Planning, ed by Alan Berg, Nevin S. Scrimshaw, and David L. Call (Cambridge, Mass., and London: MIT Press, 1973), pp. 92-93; Cecile C. de Sweemer, "Growth and Morbidity," Ph.D. dissertation, The Johns Hopkins University, 1974. 3Frederick Golladay and Bernhard Liese, "Health Problems and Policies in the Developing Countries," Staff Working Paper no. 412 (Washington, D.C.: World Bank, August 1980); Health, Sector Policy Paper (Washington, D.C.: World Bank, February 1980). Chapitre 2 1Energy and Protein Requirements, Report of a JointFAO/WHO ad Hoc Expert Committee, FAO Nutrition Meetings Report Series no. 52, WHO Technical Report Series no. 522 (Rome, 1973), p. 12. 2FAO/WHO, Energy and Protein Requirements; "Energy and Protein Requirements: Recommendations of a Joint FAO/WHO Informal Gathering of Experts, "Food and Nutrition 1(2) (1975), p. 11. 3L H. E. Rutishauser and R. G. Whitehead, "Energy Intake and Expenditure in 1-3-year-old Ugandan Children Living in a Rural Environment, ' British Journal of Nutrition 28 (1972), p. 145; J. M. Simmons, C. J. Wilson, D. E Potter, and M. A. Holliday, "Relation of Calorie De- ficiency to Growth Failure in Children on Hemodialysis and the Growth Response to Calorie Supplementation," New England Journal of Medicine 285(12) (1971), p. 653; Joaquin Cravioto and Beatrz Robles, "Evolution of Adaptive and Motor Behavior during Rehabili- tation from Kwashiorkor,' American Journal of Orthopsychiatry 35(3) (April 1965), pp. 449-64. 4K Satyanarayana, A. NaclamurriNaidu, B. Chatterjee, and B. S. NarasingaRao, "BodySize and Work Output," American Journal of Clinical Nutrition 30(3) (March 1977), pp. 322-25; Fernando E Viteri and Benjamin Torun, "Ingestion calorica y trabajo fisico de obreros agrfcolas en Guatemala," Boletin de la oficina sanitaria panamericana 78(1974), p. 58; W.D. Keller and H. A. Kraut, 'Work and Nutrition," Worid Review of Nutrition and Dietetics 3 (1962), pp. 65-81. 5Robert E Klein, Jerome Kagan, Howard E. Freeman, Charles Yarbrough, and Jean-Pierre Habicht, "Is Big Smart? The Relation of Growth to Cognition, "Journal of Health and Social Behavior 13(3) (September 1972), pp. 219-25; E M. Widdowson, "Prenatal Nutrition," in "Food and Nutrition in Health and Disease," ed. by N. H. Moss and Jean Mayer, Annals of the New York Academy of Sciences 300 (1977), p. 188. 6Myron Winick, ed, Nutrition and Development (New York: John Wiley and Sons, 1972); Myron Winick, PedroRosso, andJohn Waterlow, "CellularGrowth of Cerebrum, Cerebellum, andBrainStem inNormalandMarasmic Children,"ExperimentalNeurology26(2) (February 1970), pp. 393-400: Ernesto Pollitt and Carol Thomson, "Protein-Calorie Malnutrition and Behavior: A View from Psychology,' in Nutrition and the Brain, vol. 2, ed. by Richard J. Wurtman and Judith J. Wurtman (New York: Raven Press, 1977). 111 7Pollitt and Thomson, "Protein-Calorie Malnutrition and Behavior"; Joaquin Cravioto and Elsa DeLicardie, 'Nutrition and Behavior and Learning," in World Review of Nutrition and Dietetics, vol. 16 (Basel: S. Karger, 1973), pp. 80-96; M. B. Stoch and P. M. Smythe, "Fifteen- YearDevelopment Study on Effects ofSevere Undernutrition during Infancy on Subsequent Physical Growth and Intellectual Functioning," Archives of Disease in Childhood 51(5) (May 1976), pp. 327-36. 8Cravioto and Robles. "Rehabilitation from Kwashiorkor." 9RobertE. Klein, BarryLester, Charles Yarbrough, andJean-PierreHabicht, "On Malnutrition andMentalDevelopment: Some PreliminaryFindings," in Prognosis for the Undernourished Surviving Child, vol. 2 of Proceedings of the Ninth International Congress of Nutrition, Mexico D.F., 3-9 September 1972, ed. by Adolfo Chdvez, Hector Bourges, and Samir Basta (Basel and New York: S. Karger. 1975). l0Robert E Klein and others, "The INCAP Logitudinal Study of Malnutrition and Mental Development, " mimeographed (Guatemala City: Institute of Nutrition for Central America and Panama, August 1978). 1"Linda N. 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American Journal of Clinical Nutrition 31 (1978), p. 492. 231bid. 24Amplification of these points can befound in Alan Berg, The Nutrition Factor: Its Role in National Development (Washington, D.C.: The Brookings Institution, 1973). 25Guy Standing, Labour Force Participation and Development (Geneva: International Labour Organisation, 1978). pp. 91-100. 26Adolfo Chdvez and Celia Martinez, "Nutrition and Development of Children from Poor Rural Areas. III: Maternal Nutrition and Its Consequences on Fertility," Nutrition Reports International 7(1973),p. 1: RobertH. Cassen, "PopulationandDevelopment:Survey,"World Development 4 (10/11) (October-November 1976). 27 ChristopherStevens, Food Aid and the Developing World: Four African Case Studies (New York: St Martin's Press, 1979). Chapitre 3 1ReutlingerandAldermon's estimates of calorie intakes, by income group, were derived by using quotations reported by Odin K Knudsen and Pasquale L. Scandizzo in "Nutrition and FoodNeeds in Developing Countries, "Staff Working Poper no. 328(Washington, D. C.: World Bank, May 1979); details are given in Appendix F See also Shlomo Reutlinger and Harold AIderman, "The Preualence of Calorie-deficient Diets in Developing Countries, "Staff Working Paper no. 374 (Washington. D.C.: World Bank, March 1980). Data on calories per capita are from the 1979 FAO Food Production Yearbook (Rome: Food and Agriculture Organization of the United Nations. 1980), pp. 249-50. 2T N. Srinivasan, "MaInutrition: Some Measurement and Policy Issues, "Staff WorkingPaper no. 373 (Washington. D.C.: World Bank, February 1980); D. V Sukhatme, "Assessment of AdequacyofDiets atDifferentlncomeLevels."Economic and Political Weekly of India 13(31- 33) (Augustl 978), pp. 1373-84: Shlomo Reutlinger andMarceloSelowsky, letter to the editor in rebuttal to a review of their book Malnutrition and Poverty, Food Policy 2(4) (November 1977), pp. 352-53; P R Payne. the reviewer, responds, Food Policy 2(4), pp. 353-54: 'The Uses of Energy and Protein Requirement Estimates: Report of a Workshop," Cambridge: Massachusetts Institute of Technology, 27-29 May 1980, Food and Nutrition Bulletin 3(1) (January 1981), pp. 45-53. 3Shlomo Reutlinger andMarcelo Selowsky, Malnutrition and Poverty: Magnitude and Policy Options, World Bank Staff Occasional Papers no. 23 (Baltimore and London: The Johns Hopkins University Press, 1976). 4Reutlinger and Alderman, "Calorie-deficient Diets in Developing Countries." 5Per Pinstrup-Andersen and Elizabeth Caicedo, 'The Potential Impact of Changes in Income Distribution on Food Demand and Human Nutrition," American Journal of Agricultural Economics 60(3) (August 1978), pp. 402-15. Chapitre 4 'A review and analysis of experience in a wide range of nutrition intervention programs is given ina publication prepared byJames E Austin and othersfor theACCSub-Committee on 113 Nutrition of the United Nations, 'Nutrition Intervention Assessment and Guidelines" (Cambridge, Mass.: Harvard InstituteforInternational Development June 1978). 2The study was subsequently published in fuller detail than n Appendix C; see Davidson R. Gwatkin, Janet R. Wilcox, andJoe D. Wray, "Can Health and Nutrition Interventions Make a Difference?" Monograph no. 13 (Washington. D.C.: Overseas Development Council, 1980); see also Arnfried A. Kielmann, C. A. Ajello, and N. S. Kielman, "Evaluation of NutritionInter- vention Projects," a report to the U.S. AgencyforlnternationalDevelopment, mimeographed. (Baltimore: The Johns Hopkins University, 1980); see also Carl E Taylor, Arnfried A. Kielmann, Dov Chernichovsky, and others, 'Malnutrition, Infection, Growth, and Development: The Narangwal Experience," a report to the World Bank (Washington, D.C., forthcomin,g). 3NationalScience DevelopmentBoard, Food andNutrition Research Institute, First Nation- wide Nutrition Survey: Philippines, 1978 (Manila, 1980). 4Hans W. Singerand Simon Maxwell, "FoodAid and Supplementary Feeding," Reportfor the Worid Food Program, Institute of Development Studies (Sussex, 1978). Chapitre 5 tPerPinstrup-Andersen and others, "The Impact of Increasing Food Supply on Human Nutri- tion: Implications for Commodity Priorities in Agricultural Research and Policy," American Journal of Agricultural Economics 58(2) (May 1976), pp. 131-42. 2See T. James Goering, "Tropical Root Crops and Rural Development, " Staff Working Paper no. 324 (Washington, D.C.: World Bank, April 1979). 3Robert Chambers, "Health, Agriculture, and Rural Poverty: Why Seasons Matter," Discus- sion PaperDP148, Institute of DevelopmentStudies (Sussex: UniversityofSussex, December 1979); Richard Longhurst and Philip R. Payne, "Seasonal Aspects of Nutrition: Reuiew of Evidence and Policy Implications," Discussion Paper DP 145. Institute of Development Studies (Sussex: University of Sussex, November 1979); and other papers from the confer- ence "Seasonal Dimensions to Rural Poverty. "Institute of DevelopmentStudies, Universityof Sussex, July 1978; Sue Schofield, "Seasonal Factors Affecting Nutrition in Different Age Groups and Especially Preschool Children," Journal of Development Studies 2(1) (October 1974), pp. 22-40; Rafael Flores, Alfonso Mata, Benjamin Torun, and Fernando E. Viteri, "Variations in Physical Fitness and EnergyIntake of Agricultural Workers during Two Periods of the Agricultural Cycle," paper presented at the Eleventh International Congress of Nutri- tion, Rio de Janeiro, 28 August-1 September 1978. 4David Bigman and Shlomo Reutlinger, "National and International Policies toward Food Security and Price Stabilization," American Economic Review 69 (May 1979), Papers and Proceedings from the 92d Meeting of the American Economic Association, pp. 159-63. 5TheodoreW Schultz,"EconomicDistortions by theinternationalDonorCommunity,"paper presented to a World Bank Agricultural Symposium, Washington, D.C., 9 January 1981. 6Mercedes Hernandez, Carlos Pérez Hidalgo, Juan Ram irez Hernandez, Herlinda Madrigal, and Adolfo Chduez, "Effect of Economic Growth on Nutrition in a Tropical Community," Ecology of Food and Nutrition 3(4) (1974), pp. 238-91; K Dewey, "TheImpactofAgricultural Change on Diet andNutrition in Tabasco, Mexico, Paperpresentedat the annual meeting of the American Anthropological Association, Los Angeles, 14-18 November 1978. 7Julian N. 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"1Vital Didonet "Atendimento integrado de educaçdo, satde, nutriçdo, e envolvimento comunitdrio do pré-escolor, através de metodologia de baixo custo e ampla cobertura: sfntese do exposiç6o" (methodology of integrated health, nutrition, and education program and community involvement in preschool education], paperpresentedat the WoridAssembly of Preschool Education, Quebec, 28 August-2 September 1980. 2See Shahid Javed Burki and others, "Public Works Programs in Developing Countries: A Comparative Analysis," Staff Working Paper no. 224 (Washington, D.C: Worid Bank, February 1976). 13Paul Isenman, "Basic Needs: The Case of Sri Lanka," World Development 8(3) (March 1980). pp. 237-58. 14J S. Hammer, "Essays inEconomicDevelopment andincomeDistribution," (Ph.D. disserta- tion, Department of Economics, Massachusetts Institute of Technology, 1979); see also Beatrice L. Rogers and F. James Levinson, "Subsidized Food Consumption Studies ... in Pakistan," International Nutrition Planning Program Discussion Paper 13 (Cambridge: Massachusetts Institute of Technology, 1978). 15Shubh K Kumar, "The Impact of Subsidized Rice Distribution on Food Consurnption and Nutrition in Kerala," IFPRI Research Report 5 (Washington, D.C.: International Food Policy Research Institute (FPRIJ, January 1979); P. S. George, "Public Distribution of Foodgrains in Kerala: Income Distribution Implications and Effectiveness, "IFPRI Research Report 7 (Wash- ington, D.C.: IFPRI, March 1979). 16Hollis B. Chenery, Montek S. Ahluwalia, C. L. G. Bell, John H. Duloy, and Richard Jolly, Redistribution with Growth (Oxford and New York: Oxford University Press, 1974). 17The political attractiveness of food-consumption programs is discussed by Marcelo Selowsky in 'The Economic Dimensions of Malnutrition in Young Children," Staff Working Paper no. 294 (Washington, D.C.: Worid Bank, October 1978). T8F. 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For similar conclusions about the U.S. food-stamp program, see William Boehm and others, "Progress towardEliminatingHungerinAmerica," ESCS AER no. 446 (Washington, D.C.: U.S. Department of Agriculture, 1980). 22BradyJ. Deaton, "Public Law 480: The Critical Choices, American Journal of Agricultural Economics, 62(5) (December 1980), pp. 988-92. 23Gurushi Swami, 'Public Food Distribution in India, ` Agriculture and Rural Development Department, Economics andPolicyDivision WorkingPaper(Washington, D.C: WoridBank May 1980). 24Lana L Hall, "Evaluating Effects of P.L. 480 Wheat Imports on Brazil's Grain Sector," American Journal of Agricultural Economics 62(1) (February 1980), pp. 19-28 25Stevens, Food Aid and the Developing World. 26 Singer and Maxwell, "Food Aid and Supplementary Feeding." 27Stevens, Food Aid and the Developing World; see also Carlos Benito, "PoliciesforFood Production and Consumption in Underdevelopment: The Case of Mexico, " Journal of Policy Modeling 3 (1979), pp. 383-98 115 28John W. Mellor, 'Food Aid and Nutrition," American Journal of Agricultural Economics 62(5) (December 1980), pp. 979-83. 29Gavan and Chandrasekera, "ThelrmpactofPublicFoodgrainDistribution ... inSriLanka." Chapitre 6 1Lloyd S. Harbert and Pasquale L. Scandizzo, "Food Distribution and Nutrition Intervention: The Case of Chile," Agriculture and Rural Development Department, Economics and Policy Division Working Paper no. 29 (Washington, D.C.: World Bank, May 1980); Judith Graves and Pasquale L. Scandizzo, "The Alleviation of Maonutrition: Impact and Cost- Effectiveness of Official Programs." Agriculture and Rural Development Department Economics and Policy Division Working Paper no. 19 (Washington, D.C.: World Bank October 1980); Odin Knudsen, "Economics of Supplemental Feeding of Malnourished Children: A Case of Leakages, Benefits, and Costs,"StaffWorking Paper(Washington, D.C.: World Bank forthcoming). 2Worid Bank, Agricultural Research, Sector Policy Paper (Washington, D.C., June 1981). 3Meeting Basic Needs: An Overview, Poverty and Basic Needs Series (Washington, D.C.: WorldBank. September 1980); Carl E Taylor, ArnfriedA. Kielmonn, Dov Chernichousky, and others, "Maonutrition, Infection, Growth. and Development: The Narangwal Experience' (Washington, D.C.: Worid Bank, forthcoming). 4Alan Berg, C. Peter Timmer, Doris Calloway. Sol Chafkin, andothers, "Nutrition," Report of Study Team 9, National Research Council, Commission on International Relations, World Food and Nutrition Study: Supporting Papers, vol.4 (Washington, D.C.: NationalAcademy of Sciences, 1977). 5Meeting Basic Needs: An Overview. Annexe B 1ShlomoReutlinger and Marcelo Selowsky, Malnutrition and Poverty: Magnitude and Policy Options, World Bank Staff Occasional Papers no. 23 (Baltimore and London: The Johns Hopkins University Press, 1976). Annexe C 1See,forexample, thefindings ofJamesE Austinandothers, "NutritionInterventionAssess- ment and Guidelines," report prepared for the ACC Sub-Committee on Nutrition of the Unit- ed Nations, mimeographed (Cambridge, Mass.: Harvardlnstituteforlnternational Develop- ment 1978). and those of Jean-Pierre Habicht and William P. Butz, "Measurement ofHealth and Nutrition Effects of Large-Scale Interuention Projects," paper presented at the Con- ference on the Measurement of the Impact of Nutrition andRelated Health Programs in Latin America, Panama City, 1-4 August 1977. 2Kenneth W Newell, ed., Health by the People (Geneva: World Health Organization, 1975). 31n addition to Newell's Health by the People, see Mary V. A mmel. 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Journal of Medical Education 41 (Supplement, 1966), pp. 137-62. 5Descriptions of otherprojects in which substantial thought was given to this question are to befound in the publications cited infootnote 3 andin John Briscoe, "Improuing Health Care Where Health Is Underdeveloped: Do Foreign Volun tory Aygencies (Particularly Oxfam) Help in Bangladesh?" (Dacca: Oxfarn, 1978); Zafrullah Chowdhury. "Organization, Supervision, andEvaluation of PrimaryHealth Care Workers, "paperpresentedat theNinth International Conference on Health Education, Ottawa, August 1976: and Dauid Bradford Werner, 'The Village Health Worker-LackeyorLiberator?"paperpreparedforsessionson health auxiliar- ies and the health team of thelnternationalHospitalFederation Congress, Tokyo, May 1977. Annexe D 'James E. Austin and others, "Nutrition Intervention Assessment and Guidelines," report preparedfor theACCSub-Committee on Nutrition ofthe UnitedNations (Cambridge, Mass.: Harvard Institutefor International Development, June 1978). 2Ibid. 3Ibid. Annexe E W Keller, G. Donoso, and E M. DeMaeyer, "Anthropometry in Nutritional Surveillance: A Review Based on Results of the WHO Collaborative Study on Nutritional Anthropometry," Nutrition Abstracts and Reviews 46(8) (August 1976). pp. 591-604. Annexe F tReutlinger and Alderman, "The Prevalence of Calorie-deficient Diets in Developing Couin- tries," Staff Working Paper no. 374 (Washington, D.C.: World Bank, March 1980); Knudsen andScandizzo, "Nutrition andFoodNeeds in DevelopingCountries. "StaffWorkingPaperno. 328 (Washington, D.C.: World Bank, May 1979). 2World Bank, World Tables 1976 (Baltimore and London: The Johns Hopkins University Press, 1976). Data concerningfifty-nine countries arefor 1975 or the nearest yearfor which data are available. 117 Banque mondiale Siège 1818 H Street, N.W. Washington, D.C. 20433, U.S.A. Téléphone (202) 477-1234 Adresse télégraphique INTBAFBAD WASHINGTONDC