54785 No. 174 January 2002 Les Programmes de Lutte Contre L'Onchocercose (Cécité des Rivières) L'onchocercose est provoquée par un ver parasite, l'onchocerca volvulus. Celui-ci est transmis aux êtres humains lorsqu'ils sont piqués par un porteur intermédiaire, une mouche désignée sous le terme simulie. Les symptômes de cette maladie incluent: graves irritations de la peau qui peuvent invalider les individus concernés et sérieuses maladies de la peau. Après des années consécutives d'exposition, la manifestation la plus extrême de cette maladie est la cécité. La principale méthode de lutte contre la transmission de l'onchocercose est centrée sur des activités antivectorielles. En effet, elle consiste à procéder à des épandages aériens hebdomadaires d'insecticides salubres à l'environnement sur les sites larvaires des simulies (fleuves à fort courant) durant la saison des pluies. La seconde méthode de lutte contre cette maladie repose sur l'administration annuelle de médicaments aux populations concernées. Bien qu'il n'existe pas de traitement qui puisse éliminer les vers adultes, les larves peuvent être détruites à l'aide d'une dose 1 annuelle de Mectizan (ivermectine) Etant donné que ce sont les larves des simulies qui sont responsables des manifestations de l'onchocercose ainsi que de sa transmission, ce médicament s'avère particulièrement effectif. En effet, il parvient à réduire le nombre de larves micro filaires chez les onchocerquiens. Ainsi, il réussit à soulager les douleurs qui peuvent atteindre un seuil insupportable, tout en éliminant le risque de cécité et ralentissant la propagation de la maladie. Cependant, afin de produire des effets à long terme, l'ivermectine doit être administrée annuellement. Le Programme de Contrôle de l'Onchocercose (PCO) Créé en 1974, le PCO comptait deux objectifs fondamentaux. Le premier consistait à éliminer l'onchocercose en tant que problème de santé publique et qu'obstacle au développement 2 socioéconomique d'une région regroupant onze pays. Le second objectif était de donner aux pays participants les moyens nécessaires de réaliser eux-mêmes ces objectifs et de contrôler le développement de cette maladie ; ce qui présupposait le renforcement préalable de leurs capacités nationales. Le programme a atteint ces objectifs en appliquant un principe essentiel qui a consisté à développer des activités antiverctorielles. En éliminant le porteur intermédiaire, c'est à dire en détruisant la larve, le vecteur interrompt effectivement la transmission de la maladie. Vers la fin des années 80, le programme devait initier la distribution de Mectizan en tant que mesure de contrôle complémentaire. Le PCO a été considéré comme étant l'un des partenariats les plus fructueux qui ait jamais existé dans l'histoire de l'assistance au développement. Les résultats de ce programme incluent : · Halte complète de la transmission de l'onchocercose à travers la région regroupant les onze pays concernés. · Prévention de 600,000 cas de cécité d'ici l'achèvement du programme en 2002. · Protection des 16 millions d'enfants nés depuis le développement du programme contre tout risque de contracter l'onchocercose. · Libération de 25 millions d'hectares de terres fertiles qui seront utilisées pour la réinstallation des populations et la culture. Le financement du programme est assuré dans sa totalité jusqu'à sa phase finale en 2002. D'une part, le fabricant de l'ivermectine, Merck & Co., Inc. s'est engagé à fournir gratuitement des médicaments. D'autre part, ce projet reçoit le soutien d'un grand nombre de donateurs. Après 2002, les activités de contrôle et de suivi du projet seront assurées par un centre sous régional de surveillance de maladies multiples qui sera créé au siège du PCO. Ce centre contribuera à la formation des épidémiologistes, prêtera ses efforts pour la création de systèmes de surveillance nationaux et collaborera avec les pays concernés dans le domaine de la recherche opérationnelle sur la surveillance. A présent, le personnel du PCO, qui, à 97% est africain, procure un soutien logistique et technique aux pays participants. Le but de cette démarche est d'assurer que ces pays seront dotés des capacités nécessaires pour poursuivre les activités visant à contrôler les résidus de l'onchocercose dans le cadre de leurs systèmes de santé respectifs. Le Programme africain de lutte contre l'onchocercose Etant donné d'une part le succès remarquable du programme et d'autre part la prévalence de l'onchocercose dans le reste de l'Afrique Subsaharienne, un second programme fut mis en place en 1995 : le Programme Africain de Contrôle de l'Onchocercose. Ce programme a étendu la distribution de l'ivermectine à 19 autres pays africains affectés par la maladie dans le but de soigner plus de 50 millions de personnes par an. Le moyen essentiel de contrôler cette maladie repose sur l'établissement de systèmes de distribution d'ivermectine au sein même des communautés. Une telle approche comporte un avantage majeur dans la mesure où ce sont les communautés elles- mêmes qui non seulement gèrent les moyens de contrôler cette maladie mais encore maîtrisent ces moyens. Le Programme prévoit qu'entre 1996 et 2007 les communautés disposeront de systèmes de distribution de l'ivermectine qui seront pleinement opérationnels et durables. A présent, on estime que 16 millions de personnes vivant dans les pays faisant partie du programme sont fortement infestées. Cette maladie est l'une des causes principales de cécité dans les pays situés à l'intérieur de la zone de la savane qui traverse le Nigeria, le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad et le Soudan. Afin de protéger les personnes à risque, l'APCO devra recevoir une assistance financière de l'ordre de 160 millions de dollars US, dont 120 millions seront fournis par les donateurs et le reste sera assumé par des organisations de développement non gouvernementales (ODNGs) et les pays africains. Le financement de la première phase de ce projet, qui sera complétée en 2001, est couvert dans sa totalité. La seconde phase qui commencera en 2002 exigera la mobilisation de 62 millions de dollars US. Tout comme le PCO, l'APCO s'est fixé plusieurs objectifs: · Prévenir environ 40.000 cas de cécité par an dans les 19 pays de la région ; · Alléger les douleurs provoquées par les irritations et atténuer les manifestations physiques repoussantes causées par les maladies de la peau; · Epargner les 560 millions de dollars investis dans le PCO en éliminant la menace de ré- invasion de cette maladie dans des pays voisins, tels notamment le Nigeria ; et · Annihiler l'onchocercose en tant que problème de santé publique à travers l'ensemble du continent africain qui regroupe 99% des cas existant dans le monde. Le pouvoir des relations de partenariat et d'une approche régionale Deux des preuves essentielles de succès des programmes de lutte contre l'onchocercose sont: a) l'exceptionnel esprit de collaboration qui s'est développé sous les différentes et vastes formes de partenariat mis en place; et b) l'approche compréhensive régionale suivie pour faire face à cette maladie. L'engagement de plusieurs partenaires différents a permis d'allouer les ressources de façon plus effective, par conséquent d'obtenir de meilleurs résultats, sur la base de l'exploitation d'économies d'échelle et du principe d'avantage comparatif. Le PCO et l'APCO ont tous deux démontré que les partenariats entre des agences multilatérales, des gouvernements concernés, des ODNGs, des donateurs bilatéraux et le secteur privé créent d'importantes synergies qui procurent des bénéfices supérieurs à des coûts moins élevés. L'approche régionale est particulièrement appropriée dans des situations où l'enjeu consiste à traiter des maladies qui peuvent être transmises. En effet le résultat d'une telle affecte le bien public. Plus le champ d'action des programmes régionaux sera vaste, plus ces programmes seront visibles, plus l'on pourra espérer multiplier les chances de renforcer la lutte contre cette maladie et donc d'élargir le partage des responsabilités. Dans les cas du PCO et de l'APCO, il s'avère nécessaire d'établir une stratégie de lutte contre la maladie qui soit compréhensive et s'inscrive dans un cadre régional. Dans la mesure où une telle démarche dépasse le cadre national, elle réussira à éliminer cette maladie sur l'ensemble du continent africain. Nous pouvons ainsi constater qu'une démarche axée sur le partenariat et évoluant dans un cadre régional est parvenue à adresser de manière effective certaines contraintes au développement. A long terme, cette démarche a remporté un immense succès. 1 L'ivermectine est distribuée sur le continent africain à titre gratuit par l'usine de fabrication à autant d'individus et aussi longtemps que nécessaire. 2 Le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Ghana, la Guinée, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo. L'auteur de cet article est Bruce Benton, Responsable du Programme Africain d'Onchocercose. Pour plus d'informations, veuillez le contacter à l'adresse électronique suivante : Bbenton@worldbank.org.