CAHIERS ÉCONOMIQUES DU CAMEROUN Juillet 2011 l Numéro 2 71650 VERS DE MEILLEURES PRESTATIONS DE SERVICES POINT SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE DU CAMEROUN Spécial Décentralisation UNITÉ DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ ET LA GESTION ÉCONOMIQUE, RÉGION AFRIQUE CAHIERS ÉCONOMIQUES DU CAMEROUN Juillet 2011 Vers de meilleures prestations de services Point sur la situation économique du Cameroun Spécial Décentralisation Unité de la Réduction de la Pauvreté et la Gestion Economique, Région Afrique Table des matières ABBRÉVIATIONS ET ACRONYMES ......................................................................................I VERS DE MEILLEURES PRESTATIONS DE SERVICES ............................................................ 2 Introduction ...................................................................................................................................... 2 Conjoncture économique ................................................................................................................. 3 Perspectives pour 2011 .................................................................................................................... 6 Décentralisation des finances publiques – opportunités et défis .................................................... 8 Liste des Graphiques Graphique 1 : Contribution à la croissance du PIB, par secteur, 2005-2010 (en pourcentage) ........... 4 Graphique 2 : Production pétrolière, 2002-2010 ................................................................................. 4 Graphique 3 : Évolution de l’inflation dans les grandes villes .............................................................. 5 Graphique 4 : Déterminants de l’inflation dans les grandes villes (en pourcentage) .......................... 5 Graphique 5 : Dette publique totale, 2004-2010 (en pourcentage du PIB) ......................................... 7 Graphique 6 : Recettes non pétrolières, 2005-2011 (en pourcentage du PIB hors pétrole) ................ 7 Graphique 7 : Dépenses de fonctionnement, 2005-2011 (en pourcentage du PIB) ............................ 8 Graphique 8 : Dépenses d’investissement, 2005-2011 (en pourcentage du PIB) ................................ 8 Graphique 9 : Indicateurs d’accès aux services publics et de développement humain ..................... 11 Graphique 10 : Indicateur du bien-être, 2007 (moyenne).................................................................. 12 Graphique 11 : Conditions de vie – évolution régionale .................................................................... 13 Graphique 12 : CAC et dons du FEICOM, 2010 (FCFA//habitant) ....................................................... 16 Graphique 13 : Dépenses des collectivités locales en 2007 (en millions FCFA) ................................. 17 Encadré Encadré 1 : Promouvoir la transparence et l’efficacité budgétaires au Cameroun. ........................... 21 ABBRÉVIATIONS ET ACRONYMES ASS Afrique Subsaharienne BEAC Banque des États d’Afrique centrale CAC Centimes additionnels communaux CEMAC Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale COBAC Commission bancaire de l’Afrique centrale CUT Compte unique du Trésor DSCE Document de stratégie pour la croissance et l’emploi DTS Droits de tirage spéciaux FCFA Franc CFA FEICOM Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunale FMI Fonds monétaire international IADM Initiative d’allégement de la dette multilatérale IPC Indice des prix à la consommation IS Impôt sur les sociétés ODM Objectifs de Développement du Millénaire OIT Organisation internationale du travail PIB Produit intérieur brut PNB Produit national brut PPTE Pays pauvres très endettés RFA Redevance forestière annuelle SNH Société nationale des hydrocarbures SONARA Société nationale de raffinage TVA Taxe sur la valeur ajoutée Juillet 2011 l Numéro : 2 Cahiers économiques du Cameroun VERS DE MEILLEURES PRESTATIONS DE SERVICES Introduction Avec ces Cahiers économiques du Cameroun, la des dix dernières années. Rapprocher les Banque mondiale poursuit son programme de services des usagers, élargir leurs choix, leur rapports concis et périodiques sur l’économie du donner plus largement la parole et tenir les Cameroun. Chaque numéro, publié pouvoirs publics davantage redevables de leur semestriellement, fait le point de la situation gestion peut permettre d'améliorer l'accès aux économique et traite d'un sujet particulier. services. Cela étant, si la décentralisation des finances publiques n’est que partielle, si toutes Les Cahiers économiques visent à partager les les pièces de l'édifice ne sont pas en place, les connaissances et susciter un dialogue entre ceux avantages escomptés en termes d’amélioration qui cherchent à améliorer la gestion de prestation de services pourront ne pas se économique du Cameroun et à libérer l'énorme matérialiser, malgré les attentes suscitées en ce potentiel économique de ce pays. Ils proposent sens. une autre source d'information sur l'économie camerounaise et une plateforme additionnelle Les Cahiers économiques du Cameroun sont pour encourager l’interaction, l'apprentissage, réalisés par l’Unité pour la Réduction de la et le changement. Pauvreté et la Gestion Economique du bureau de la Banque mondiale au Cameroun, faisant Ce deuxième numéro, « Vers de meilleures appel à une équipe dirigée par Raju Jan Singh et prestations de services – Point sur la situation composée de James Acworth, Sanjay Agarwal, économique du Cameroun. Spécial Ehtisham Ahmad, Martin Luis Alton, David Décentralisation » présente les opportunités et Abouem a Tchoyi, Abel Bove, Paolo Omar les défis associés à la décentralisation des Cerutti, Patrick Cowan, Bernard Dafflon, Bjorn finances publiques en cours. Dahlin van Wees, Simon Davies, Meike van Les différences de niveaux de vie entre les Ginneken, Faustin-Ange Koyassé, Guillaume régions appellent à une amélioration des Lescuyer, Thierry Madiès, Amadou Nchare et services fournis au niveau local. L'accès des Peter Taniform. Greg Binkert (Directeur des Camerounais à certains services de base est opérations pour le Cameroun) et Jan Walliser moins bon que la moyenne en Afrique (Chef sectoriel) ont fourni des orientations, des subsaharienne. Dans certaines régions, les conseils et de précieux encouragements à indicateurs se sont même détériorés au cours l'équipe. Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 2 Cahiers économiques du Cameroun De hauts responsables et analystes des de l’Est, du Littoral et du Nord-Ouest, et des administrations camerounaises ont aussi fait représentants de la société civile et des bailleurs largement profiter l'équipe de leurs de fonds. connaissances. Ce concours est notamment venu des institutions suivantes: BEAC, Ministère des Finances, Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire, Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, FEICOM et Institut National des Statistiques. La section consacrée à la décentralisation des finances publiques, thème spécial de ce numéro, est le fruit de nos premières conclusions à la suite d’entretiens approfondis que nous avons eus avec des représentants des pouvoirs publics à Yaoundé et à Douala, des représentants d’environ une centaine de municipalités des régions du Centre, Crédit photo: Raju Jan Singh Conjoncture économique Croissance Les données les plus récentes confirment la persistant de la téléphonie mobile dû à reprise annoncée de l'activité économique au l’utilisation accrue de la fibre optique, aux Cameroun (Graphique 1). Suite au redémarrage campagnes promotionnelles lors de la Coupe du de l’économie mondiale et aux mesures prises monde de football et du lancement de nouveaux par les autorités pour relancer la production produits. nationale, la croissance du PIB réel aurait été de 3,2 % en 2010 (contre 2 % en 2009). La croissance retrouvée du secteur primaire, estimée à environ 4 % en 2010, a été favorisée Comme attendue, cette reprise est par une forte expansion du secteur forestier et essentiellement tirée par le secteur tertiaire, à des cultures vivrières. Le secteur secondaire non l'origine de plus de la moitié de la croissance pétrolier a également connu une hausse estimée estimée. Ce secteur a profité du redressement à environ 4 %, sous l'impulsion du dans le transport du bois et du dynamisme Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 3 Cahiers économiques du Cameroun développement continu du secteur du bâtiment Inflation et du rebond de l’agroalimentaire. L’inflation annuelle moyenne s'est limitée à Graphique 1 : Contribution à la croissance du PIB, par 1,3 % en 2010 contre 3 % en 2009. Cette secteur, 2005-2010 (en pourcentage) évolution est en partie due aux mesures prises 5 4 par les autorités pour accroître l'offre 3 alimentaire. La stabilité des prix de détail des 2 1 produits pétroliers a également contribué à la 0 -1 maîtrise de l’inflation. Les composantes -2 2005 2006 2007 2008 2009 2010 « alimentation » et « transport » de l’Indice des Primaire Secondaire (Hors petrole) Petrole Croissance du PIB Tertiaire Sources: Autorites camerounaises et estimations de la Banque prix à la consommation (IPC) n’ont augmenté en Mondiale moyenne que de 1,2 % et 0,9 % respectivement. Graphique 2 : Production pétrolière, 2002-2010 (en millions de barils) 40 35 30 25 20 15 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Source: SNH Le Cameroun est un producteur de pétrole assez modeste, dont la production est en déclin (Graphique 2). L’épuisement des réserves, le vieillissement des infrastructures et – plus récemment – le report de certains investissements et projets de développement à cause de la crise financière expliquent ce tableau. Pour l’essentiel, la contribution de ce secteur à la croissance du PIB est négative Crédit photo: Raju Jan Singh depuis quelques années, et l’on estime que la Ces moyennes nationales cachent cependant de production pétrolière a encore reculé de 12 % fortes disparités entre régions, en partie du fait en 2010 (pour passer à 23,2 millions de barils). de la segmentation des marchés locaux. (Graphiques 3 et 4). Au Nord (Garoua), l’inflation enregistre une baisse spectaculaire qui Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 4 Cahiers économiques du Cameroun s'explique par la chute des prix des denrées Performance budgétaire alimentaires sous l'effet de bonnes récoltes. L'État a émis avec succès son premier emprunt Dans le reste du pays, la poussée de la demande obligataire en décembre 2010. Cet emprunt a des pays voisins a maintenu les prix alimentaires été souscrit à plus de 100 %, suscitant l'intérêt à un niveau élevé. Comme nous le soulignions d'investisseurs tant nationaux qu'étrangers, et dans le numéro de janvier, le Cameroun – et permettant de mobiliser les 200 milliards de l’Afrique centrale en général – a le réseau francs CFA escomptés (environ 1,8 % du PIB). routier le plus coûteux et le moins rapide du Assorties d'un taux d'intérêt de 5,6 %, les continent. Il faut, par exemple, quatre semaines obligations sont remboursables de 2012 à 2015. pour un aller-retour entre Douala et N'Djamena (environ 1 900 km). L’émission de l’emprunt obligataire en fin d'année a malgré tout été un handicap pour les dépenses d’investissement, le produit de cette Graphique 3 : Évolution de l’inflation dans les grandes opération étant affecté à d’importants projets villes (en pourcentage) d’infrastructure. En conséquence, le déficit budgétaire global (y compris les dons, base 8 7 caisse), qui s'est établi à 2,3 % du PIB, est 6 5 légèrement inférieur aux prévisions et 4 3 nettement en dessous du niveau prévu par le 2 1 décret présidentiel de septembre 2010 portant 0 Bafoussam Bamenda Douala Garoua Yaounde modification du budget de 2010 (3,5 % du PIB). 2009 2010 Sources: Autorites camerounaises et estimations de la Banque mondiale Le report du lancement du premier emprunt Graphique 4 : Déterminants de l’inflation dans les grandes obligataire de l'État a aussi créé des tensions de villes (en pourcentage) trésorerie. Le gouvernement a utilisé son 4 allocation de DTS (103 milliards de francs CFA) 3 pour s’acquitter de ses obligations envers la 2 1 SONARA, la Société nationale de raffinage, et la 0 dédommager des pertes résultant de sa décision -1 de geler les prix de détail des produits pétroliers. -2 Bafoussam Bamenda Douala Garoua Yaounde En revanche, d'autres obligations de paiement Indice general Produits alimentaires Sources: Autorites camerounaises et estimations de la Banque mondiale se seraient accumulées. Les difficultés de trésorerie ont par ailleurs conduit le gouvernement à utiliser la quasi-totalité de ses Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 5 Cahiers économiques du Cameroun dépôts utilisables à la BEAC, la Banque centrale d'investissement étant à peine supérieur à celui régionale. de 2009. Globalement, la performance budgétaire de Performance budgetaire, 2009-10 (en milliards CFAF) 2010 correspond pour l'essentiel à un schéma 2009 2010 Est. LFR Proj. BM Est. déjà observé : mobilisation insuffisante de Recettes et dons 1926 1932 1936 1940 Recettes 1839 1842 1845 1869 recettes non pétrolières, compensée par des Recettes petrolieres 507 407 461 497 Recettes non-petrolieres 1332 1435 1384 1372 revenus pétroliers plus importants, et Dons 87 90 91 71 Depenses totales 1937 2151 2044 2067 dépassement des crédits de fonctionnement, Fonctionnement 1496 1552 1545 1611 Investissement 441 599 499 456 Solde global -11 -219 -108 -127 compensé par des investissements moins Arrieres -17 -172 -158 -125 Solde global base caisse -28 -391 -266 -252 importants. Cette tendance est toutefois encore Sources: Autorites camerounaises et estimations Banque mondiale plus marquée en 2010, le niveau des dépenses Perspectives pour 2011 L'évolution de la situation observée en 2010 l’accès aux financements, la formation et la devrait se confirmer en 2011. La reprise de recherche. l'activité économique se poursuivra, la Contribution a la croissance du PIB (%) 2011 (proj.) croissance atteignant environ 4 %. Elle sera Secteur primaire 0.9% Secteur secondaire (hors petrole) 1.2% essentiellement tirée par le secteur non Petrole -0.5% pétrolier (qui progressera d'environ 4,5 %) alors Secteur tertiaire 2.2% Croissance PIB 3.8% que les activités pétrolières continueront de reculer (d’environ 11 %). Comme on l'a vu dans le numéro de janvier, le manque d'infrastructures est considéré comme Plus précisément, la croissance dans les secteurs une entrave majeure à l'accélération de la secondaire (hors pétrole) et tertiaire devrait croissance économique, sans laquelle la rester forte, et contribuer dans une très grande pauvreté ne peut durablement reculer. Les mesure à l’expansion de l’activité économique dépenses d’infrastructure ― transport et en 2011. Ces perspectives favorables tiennent énergie particulièrement ― peuvent contribuer surtout au redémarrage actuel de l’économie de façon déterminante à stimuler les secteurs mondiale, à la réalisation de programmes d'une importance capitale pour la croissance au d’infrastructure et à l'exécution de projets Cameroun. destinés à stimuler la productivité agricole en renforçant par exemple les mesures de soutien à Dans ce contexte, les autorités sont en train la culture de produits de première importance d’exploiter la marge de manœuvre que leur (tels que le cacao, le café, le coton et le riz), offre le faible niveau d'endettement du pays Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 6 Cahiers économiques du Cameroun pour financer l’expansion de leur programme de diversification des sources de revenus reste d’investissement (Graphique 5). Selon la limité au Cameroun. La mobilisation de recettes dernière analyse conjointe FMI-Banque non pétrolières est décevante dans l'ensemble, mondiale de viabilité de la dette, le risque de en partie du fait du nombre limité de surendettement du Cameroun reste faible, ce contribuables. L'objectif du budget de 2010 qui devrait permettre au pays d'emprunter des suppose d'inverser la récente tendance à la montants limités aux conditions du marché. baisse des revenus non pétroliers (Graphique 6). Graphique 5 : Dette publique totale, 2004-2010 (en Graphique 6 : Recettes non pétrolières, 2005-2011 (en pourcentage du PIB) pourcentage du PIB hors pétrole) 70 14.4 60 14.2 14 50 13.8 40 13.6 30 13.4 20 13.2 13 10 12.8 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Budget Sources: Autorites camerounaises et estimations Banque mondiale Sources: Autorites camerounaises et estimations Banque mondiale L’inflation devrait augmenter sous l’effet de la Le taux d'imposition étant déjà élevé, hausse des prix alimentaires, sans toutefois l’augmentation souhaitée des recettes non dépasser le critère de convergence régionale de pétrolières doit résulter de l’application de 3 %. Les initiatives en cours pour stimuler la mesures administratives. À cet égard, production agricole et subventionner les l’introduction d’une déclaration d’impôts unique importations alimentaires devraient continuer à pour les contribuables assujettis à la TVA, à atténuer l’impact de la hausse des prix l’impôt sur le revenu et à des patentes alimentaires sur le marché international. (supérieures à un certain niveau) est une mesure opportune qui peut simplifier Sur le plan budgétaire, l’objectif est de maîtriser considérablement les procédures existantes et la dégradation des finances publiques en 2011, renforcer le civisme fiscal. Les recettes ainsi en limitant le déficit global (dons compris) à perçues étant transférées au compte unique du 2,6 % du PIB. Cela suppose un renforcement de Trésor, le montant des ressources à percevoir l’effort de mobilisation des recettes non par les communes pourrait aussi être plus pétrolières et une plus grande maitrise des prévisible grâce à cette réforme. dépenses de fonctionnement pour faire plus de place à l’investissement. Comparé à la situation Les dépenses de fonctionnement devront, quant des autres pays producteurs de pétrole, l'effort à elles, être mieux maîtrisées pour libérer la Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 7 Cahiers économiques du Cameroun marge de manœuvre budgétaire nécessaire à Dans ces conditions, l'administration centrale l’accroissement des investissements, ce qui pourrait être tentée de « retarder » le transfert constituera aussi un changement radical aux municipalités des recettes locales transitant (Graphiques 7 et 8), d'autant qu'il pourrait être par le compte unique du Trésor. Les difficile d'éviter une augmentation des dépenses administrations locales manquant de liquidités, à l'approche de l'élection présidentielle. une telle mesure ne servirait qu’à accumuler des arriérés et affaiblir davantage le processus Graphique 7 : Dépenses de fonctionnement, 2005-2011 budgétaire. (en pourcentage du PIB) 15 14.5 Pour l'année à venir, et plus que par le passé, il 14 13.5 13 conviendrait donc que les autorités accordent 12.5 12 une attention particulière à i) la mobilisation de 11.5 11 recettes non pétrolières, ii) l'accès en temps 10.5 10 opportun aux marchés financiers, et iii) la 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Budget maîtrise des engagements de dépenses. Des Sources: Autorites camerounaises et estimations Banque mondiale efforts visant à créer un marché secondaire Graphique 8 : Dépenses d’investissement, 2005-2011 (en pourcentage du PIB) liquide des obligations publiques aideraient à 6 maintenir l’intérêt des investisseurs pour les 5 futurs emprunts obligataires. Une bonne 4 3 sélection et préparation des projets seront 2 également importantes si l’on veut que le 1 produit des nouveaux emprunts soit utilisé de la 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 manière la plus efficace possible. Budget Sources: Autorites camerounaises et estimations Banque mondiale Décentralisation des finances publiques De plus, le volume des paiements à honorer – opportunités et défis restera élevé et continuera de peser sur la Introduction trésorerie de l’État et sur l’exécution du budget Au Cameroun, les conditions de vie diffèrent de 2011. L'émission d'un nouvel emprunt largement d’une région à l’autre. Pour améliorer obligataire et de bons du Trésor est prévue, mais la prestation des services au niveau local, pourrait accuser les mêmes retards que pour la rapprocher les services des usagers, donner plus première opération. Les dépôts du de possibilités de choix et d’expression aux Gouvernement auprès de la BEAC ont diminué populations, et rendre les autorités plus et ne pourront cette fois que compenser d'une redevables de leurs actes dans la prestation des manière limitée tout problème de trésorerie. Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 8 Cahiers économiques du Cameroun services publics, le Gouvernement camerounais appropriées, les ressources financières ou les se fonde sur la décentralisation comme principal compétences et l’expérience requises pour moyen d’action. remplir leurs nouvelles responsabilités. La décentralisation étant encore à ses débuts au La décentralisation est certes inscrite dans la Cameroun, il est opportun de faire un état des révision constitutionnelle de 1996, mais ce n’est lieux et s’assurer que toutes les conditions que vers le début du second semestre 2004 que soient en place pour que les réformes l’Assemblée nationale a adopté les premières rencontrent le succès escompté. lois de décentralisation, mettant en œuvre les réformes. La décentralisation est présentée dans le dernier Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi – DSCE (2010-2020) comme une composante essentielle des efforts de promotion de la bonne gouvernance et d’un développement efficace. Pourtant, l’accent est mis sur la déconcentration des fonctions de l’administration centrale par la dévolution des compétences aux unités départementales des ministères concernés, ou aux représentants du centre, notamment les préfets ou les sous- préfets. Crédit photo : Raju Jan Singh Les études récentes soulignent toutefois que si Les résultats préliminaires de cet état des lieux la décentralisation est « partielle », elle pourrait suggèrent que le cadre juridique qui régit ne pas générer les avantages attendus en actuellement la décentralisation des finances termes d’amélioration des services et de publiques doit être clarifié, les responsabilités se réduction de la pauvreté1. Parfois, les unités chevauchent, et, à plusieurs égards, sujettes à décentralisées n’ont pas les incitations diverses interprétations. Il n’y a toujours pas de véritable transfert de compétences et de 1 Pour une revue des études récentes sur le bien- recettes propres : un élément crucial pour fondé et les préalables d’une décentralisation efficace, ainsi que les conséquences possibles de ce l’instauration d’une contrainte budgétaire processus en termes d’amélioration du service public au niveau local, lire Ahmad and Brosio, eds., 2006, rigoureuse. Le dispositif de transfert gagnerait à Handbook of Fiscal Federalism, Edward Elgar, et viser une plus grande péréquation et la Ahmad and Brosio, eds., 2009, Does Decentralization Enhance Service Delivery and Poverty Reduction? procédure budgétaire actuelle ne reflète pas Edward Elgar. Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 9 Cahiers économiques du Cameroun pleinement les priorités locales et ne favorise Disparités de niveaux de vie – besoin de pas la discipline budgétaire au niveau des meilleures prestations de services collectivités décentralisées. Les attentes sont Les collectivités locales ont besoin de meilleurs grandes, et il pourrait y avoir des répercussions services. Les indicateurs de prestation de défavorables si elles n’étaient pas satisfaites. services au Cameroun sont généralement inférieurs à ceux de pays ayant des niveaux de revenu similaire (Graphique 9). Pour des indicateurs tels que l’achèvement des études primaires et la mortalité juvénile, ses résultats sont carrément inférieurs à la moyenne de l’Afrique subsaharienne. En outre, la qualité des services diffère largement d’une région à l’autre. Un classement du « bien-être » relatif au Cameroun montre de grandes disparités régionales2. Comme on pouvait s’y attendre, Douala et Yaoundé obtiennent les meilleurs rangs, et l’Extrême- Nord le pire (Graphique 10). S’il n’implique pas que Douala et Yaoundé n’ont pas de besoins, l’indicateur montre qu’en termes relatifs, l’Extrême-Nord, le Nord et l’Est enregistrent les Crédit photo : Raju Jan Singh résultats les moins bons. 2 Dans un tel contexte, la question la plus Pour établir un indice composite, nous prenons un ensemble de besoins et de critères couramment importante pour les autorités est de déterminer utilisés : 1) pauvreté (moins de 738 FCFA/jour, en le rythme du processus de décentralisation et la pourcentage de la population) ; 2) fréquentation des écoles primaires (6-14 ans) ; 3) accès à l’eau programmation des mesures pour s’assurer que potable (en pourcentage de la population) ; 4) accès à l’électricité (en pourcentage de la population) ; 5) ce processus est mené de manière à améliorer la alphabétisation (personnes âgées de plus de 15 ans) ; prestation des services et à renforcer les 6) mortalité juvénile (pour 1 000 naissances vivantes ; enfants de moins de 5 ans) ; 7) sous-emploi responsabilités. Cette démarche permettrait (définition du OIT ; en pourcentage de la population) ; 8) accès à des toilettes propres (en d’établir une feuille de route pour une pourcentage de la population) ; et 9) accouchements application efficace et durable. sous assistance médicale (pourcentage des accouchements). Un rang est attribué à chacun de ces critères (1 étant le meilleur score). Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 10 Cahiers économiques du Cameroun Graphique 9 : Indicateurs d’accès aux services publics et de développement humain Taux d'achevement des etudes primaires Alphabetisation (proportion du groupe d'age concerne) (age 15+; pourcentage de la population) 100 100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 0 Revenu intermediaire Monde Afrique subsaharienne Cameroun Monde Revenu intermediaire Cameroun Afrique (tranche inferieure) (tranche inferieure) subsaharienne Source: Banque mondiale World Development Indicators, 2009) Source: Banque Mondiale (World Development Indicators, 2009) Acces a l'eau potable Acces a de meilleures installations sanitaires (pourcentage de la population) (pourcentage de la population) 100 70 80 60 50 60 40 40 30 20 20 10 0 0 Revenu intermediaire Monde Cameroun Afrique subsaharienne Monde Revenu intermediaire Cameroun Afrique (tranche inferieure) (tranche inferieure) subsaharienne Source: Banque mondiale (World Development Indicators, 2009) Source: Banque mondiale (World Development Indicators, 2009) Accouchements sous assistance medicale Mortalite juvenile (pourcentage de naissances) (moins de 5 ans; deces pour 1000 naissances vivantes) 80 160 140 60 120 100 40 80 60 40 20 20 0 0 Revenu intermediaire Monde Afrique Cameroun Revenu intermediaire Monde Cameroun Afrique (tranche inferieure) subsaharienne (tranche inferieure) subsaharienne Source: Banque mondiale (World Development Indicators, 2009) Source: Banque mondiale (World Development Indicators, 2009) Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 11 Cahiers économiques du Cameroun Graphique 10 : Indicateur du bien-être, 2007 (moyenne) services décentralisés est de construire des 12 salles de classe supplémentaires dans les écoles 10 8 — sur des sites choisis par le Ministère. 6 Pourtant, les populations locales peuvent avoir 4 2 d’autres priorités. 0 Cette déconcentration fragmentaire des Sources: ECAM 3, Rapport national sur les OMD (2008), estimations Banque mondiale NB: Pour les definitions et composantes de l'indicateur du bien-etre, voire texte. dispositifs administratifs au gré des ministères La situation s’est détériorée dans certaines de tutelle ne va pas se traduire par une véritable localités les moins développées au cours des dix décentralisation. Elle ne déléguera pas les dernières années (Graphique 11). On notera compétences requises par les populations surtout la réduction de l’accès aux installations locales ; et l’électorat local ne pourra pas sanitaires et à l’eau potable, ainsi que demander aux maires ou aux élus locaux des l’accroissement de la mortalité juvénile dans comptes pour les services fournis. Des attentes certaines régions. La fréquentation scolaire a ont pourtant été suscitées, et il y a des risques diminué à l’Est en dépit des efforts déployés qu’elles ne soient pas satisfaites. dans le domaine de l’enseignement primaire. De la même manière, certains indicateurs se sont Recettes propres ― très peu pour les collectivités locales détériorés dans les zones les plus riches — surtout à Yaoundé pour ce qui est de l’accès à Les collectivités locales sont surtout financées l’eau potable et à des installations sanitaires, et par leur quote-part des principaux impôts (taxe de l’accroissement de la mortalité juvénile ; et à sur la valeur ajoutée — TVA — et impôt sur les Douala pour l’accès à l’eau potable. sociétés — IS), les éléments de don contenus dans les prêts accordés par le Fonds spécial Affectation des dépenses – pas de véritable d’équipement et d’intervention intercommunale transfert de compétences (FEICOM) aux administrations locales, et la Jusqu’à présent, l’accent est surtout mis sur la redevance forestière annuelle (RFA). La part de déconcentration. En ce qui concerne la la TVA et de l’IS à redistribuer est certes décentralisation, les ministères de tutelle ont transférée au titre des centimes additionnels « décidé » de transférer des « sous-fonctions » communaux (CAC) qui, en vertu de la loi, administratives à des niveaux inférieurs, souvent appartiennent à la collectivité locale, mais elle sans la dotation requise en ressources humaines est répartie automatiquement ou selon une et financières. À titre d’exemple, la formule, et sort totalement du contrôle de responsabilité transférée habituellement aux l’administration locale qui ne peut en accroître Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 12 Cahiers économiques du Cameroun Graphique 11 : Conditions de vie – évolution régionale Pauvrete, 2001-07 Acces a de meilleures installations (variation en pourcentage) sanitaires, 2001-07 (variation en pourcentage) 40 20 20 0 0 -20 -20 -40 -40 -60 -60 -80 Sources: ECAM 2&3, estimations Banque mondiale Sources: Rapport national sur les OMD (2008), estimations Banque mondiale Acces a l'eau potable, 2001-07 Accouchement sous assistance medicale, (variation en pourcentage) 2004-06 (variation en pourcentage) 60 30 40 10 20 0 -10 -20 -30 -40 -50 -60 Sources: ECAM 2&3 , estimations Banque mondiale Sources: Rapport national sur les OMD (2008), estimations Banque mondiale Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 13 Cahiers économiques du Cameroun Mortalite juvenile, 1998-2004 Frequentation des ecoles primaires, 2001-07 (variation en pourcentage) (variation en pourcentage) 60 20 40 15 20 10 0 5 -20 0 -40 -5 Sources: Rapport national sur les OMD (2008), estimations Banque mondiale Sources: ECAM 2&3, estimations Banque mondiale Alphabetisation, 2001-07 Acces a l'electricite, 2001-07 (variation en pourcentage) (variation en pourcentage) 25 100 20 80 15 60 10 40 20 5 0 0 -20 -5 -40 -10 Sources: ECAM 2&3, estimations Banque mondiale Sources: ECAM 2&3, estimations Banque mondiale Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 14 Cahiers économiques du Cameroun le montant en cas de besoin. Transferts courants Le système de distribution des CAC met Une lacune majeure du scénario de la grandement l’accent sur l’égalité, les transferts décentralisation au Cameroun est donc étant calculés par habitant. Cette formule se l’absence de véritables recettes propres. Par justifie souvent comme étant facile à recettes propres, nous entendons l’aptitude des comprendre et attrayante d’un point de vue administrations locales à influer sur la base politique, compte tenu du coût de la prestation imposable, ou à fixer des taux d’impôt des services. Cela dit, l’utilisation de la significatifs. La caractéristique particulière des population comme base des transferts pose un recettes propres est que l’administration locale certain nombre de problèmes : est libre d’augmenter la dotation de ce poste  le fait de rapporter les recettes budgétaire en cas de besoin (pour honorer des transférées au nombre d’habitants obligations ou régler des arriérés, par exemple). présente le risque de politisation du C’est un facteur essentiel à prendre en compte recensement ; pour instaurer une contrainte budgétaire forte,  le coût des services publics dans des que l’administration locale administre l’impôt zones reculées telles que le Nord et la elle-même ou qu’elle ait recourt à la Direction région forestière de l’Est peut être générale des impôts (DGI) pour le recouvrement supérieur à la moyenne de toutes les des recettes. régions. Il peut aussi être plus élevé dans des régions très urbanisées. Ainsi, Modalités de transferts – besoin d’un système de péréquation plus moderne le transfert d’un même niveau de ressources par habitant ne se traduira Le mécanisme de transferts en place est flou. pas nécessairement par un accès égal Officiellement, les transferts par habitant sont aux services publics ; réalisés dans un souci d’« égalité ». Pourtant, cet  ce système peut générer des attentes objectif n’est pas atteint, compte tenu des basées sur des droits acquis plutôt que disparités en termes d’infrastructures et de sur la prestation de services ; ressources. Par ailleurs, les prix diffèrent  le transfert égal par habitant pourrait grandement d’une région à l’autre, ce qui considérablement biaiser la qualité des affecte l’accès aux services que l’on pourrait prestations de services si l’infrastructure s’offrir grâce aux transferts. de base n’est pas de niveau comparable. En effet, les francs dépensés dans des localités sans écoles n’auront peut-être Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 15 Cahiers économiques du Cameroun pas la même portée que dans celles qui existe une « asymmétrie » implicite dans les en sont pourvues. affectations des dépenses, la RFA étant censée financer des fonctions déconcentrées dans les Transferts en capital régions forestières, qui relèvent de Les critères d’allocation des transferts en capital l’administration centrale dans d’autres localités sont flous. Outre les CAC, le FEICOM administre – ce qui accroît la confusion sur la répartition un guichet de prêts destinés aux collectivités des responsabilités. locales, qui sont constitués d’un élément de don Graphique 12 : CAC et dons du FEICOM, 2010 pouvant atteindre 90 %. Il est difficile de (FCFA//habitant) percevoir quel modèle sous-tend le système de 12 14000 dons du FEICOM : celui-ci ne repose pas sur un 10 Indicateur du bien-etre 12000 CAC et dons du FEICOM 10000 8 cadre de « péréquation », et les transferts ne 8000 6 6000 semblent pas liés à une stratégie de croissance 4 4000 2 2000 et de développement. Malgré les efforts 0 0 considérables déployés pour définir les préférences locales, il ne semble pas y avoir de Sources: ECAM 3, Rapport national sur les OMD (2008), MINATD, FEICOM , et estimations Banque mondiale démarche délibérée visant à adapter ces financements aux priorités définies par exemple Élaboration du budget et stabilité dans les plans de développement local. macroéconomique – vers plus de discipline budgétaire Impact général Il est usuel que la fonction de stabilisation En conséquence, les allocations de CAC et des demeure une attribution de l’administration dons du FEICOM favorisent Douala et Yaoundé, centrale dans la mesure où les collectivités et semblent être négativement associées aux locales fournissent des services de base mais ne besoins, l’ampleur de ce phénomène n’étant pas disposent pas d’importantes ressources propres pleinement prise en compte dans les et n’ont pas accès au crédit. Les collectivités classements ordinaux de l’indicateur du bien- locales devraient par conséquent percevoir des être (Graphique 12). L’inclusion de la RFA – dont recettes et bénéficier de transferts qui ne on s’attendait à ce qu’elle compense dans une fluctuent pas beaucoup dans le temps. certaine mesure les biais induits par les modalités de répartition des CAC et des dons du En matière budgétaire, l’administration centrale FEICOM puisqu’elle est générée en grande devrait fournir des prévisions pluriannuelles partie par les municipalités les plus pauvres de raisonnables des transferts qu’elle propose, l’Est – ne change rien à la donne. Qui plus est, il probablement avec un plancher qui permette Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 16 Cahiers économiques du Cameroun aux collectivités locales d’exécuter leur budget décidé de réduire de moitié la RFA due, au profit avec assurance et certitude dans un cadre des sociétés, sans consulter les collectivités raisonnable. Cette démarche est capitale afin locales. Cette décision unilatérale a été d’introduire une redevabilité au niveau des critiquée, car elle mettait les collectivités locales collectivités locales. dans une situation de précarité qu’elles avaient de la peine à gérer. Malheureusement, le processus actuel Graphique 13 : Dépenses des collectivités locales en 2007 d’élaboration du budget ne favorise pas la (en millions FCFA) discipline budgétaire au niveau des collectivités 3000 locales. La difficulté provient en partie du fait 2500 Dotation Execution 2000 que les cycles budgétaires ne sont pas 1500 correctement synchronisés. Les transferts de 1000 500 l’administration centrale (budgétisés à la mi- 0 novembre) ne sont pas connus lors de l’élaboration des budgets des collectivités Sources: FEICOM et estimations Banque Mondiale locales (début novembre). En outre, les allocations effectives ne sont pas connues avant Sans recettes propres (sur lesquelles elles ont la février ou mars de l’année où les dépenses sont maîtrise des taux ou de la base) et sans grande effectuées, ce qui empêche les collectivités marge de manœuvre pour ajuster les dépenses, locales d’élaborer des budgets réalistes. En 2007 la réponse usuelle des collectivités locales est par exemple, année où des statistiques d’accumuler des arriérés, en particulier dans les complètes sont disponibles, l’écart entre les domaines qui affectent l’administration centrale montants budgétisés et les dépenses effectives – contribution à la sécurité sociale et paiement est substantiel (Graphique 13). pour les services publics. Le Ministère des Finances a épongé leurs arriérés sur ces La tendance de l’administration centrale à rubriques, démarche autorisée par la clause de transférer aux collectivités locales une partie de renflouement en faveur des collectivités locales la fonction de stabilisation représente une qui existe dans la législation actuelle. difficulté plus importante. Ceci se produit en partie au-travers des fluctuations des recettes En outre, aucune institution n’est capable de octroyées à ces dernières et de la baisse récente contrôler et d’évaluer tout le passif contracté et arbitraire de la redevance forestière en 2009 par des entités locales. Le système actuel en et 2010. À cause des difficultés que base caisse ne permet pas de connaître le stock rencontraient les sociétés forestières, l’État a de la dette. Des arriérés s’accumulent, mais ils Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 17 Cahiers économiques du Cameroun ne sont pas systématiquement inventoriés. propres prêts et aux recettes sur lesquelles il Même les instances de paiement ne sont exerce un contrôle (les CAC). généralement pas connues par ceux qui devraient, à savoir, les receveurs municipaux. Réformes – quelques pièces maîtresses Affectation des dépenses Les fonctions (ou sous-fonction ou sous-sous- fonctions) pour lesquelles les collectivités locales ont compétence et pour lesquelles elles peuvent être tenues responsables, doivent être clarifiées. L’enseignement primaire est une sous-fonction typique qui est normalement réservée aux niveaux inférieurs, même si l’administration centrale continue d’élaborer les programmes et fixer les normes. Dans le cas du Cameroun, l’on pourrait démarrer le processus par l’assainissement de l’eau, notamment en confiant la pleine responsabilité fonctionnelle (couvrant tous les aspects liés aux salaires, aux dépenses de fonctionnement et d’investissement) de ce domaine aux collectivités locales. Un tel processus de Crédit photo: Raju Jan Singh décentralisation deviendrait plus opérationnel avec une meilleure information sur l’allocation Tout établissement de crédit devrait évaluer la et l’emploi des ressources. dette globale d’une collectivité locale et déterminer si cette dernière a la capacité de Dans certains pays comme le Pérou, un rembourser. Malheureusement, le FEICOM ne processus graduel de décentralisation a conduit connait pas toujours le montant total des dettes. à une certification du niveau de compétences Il est assuré du versement des CAC et d’un des collectivités locales et une détermination de rééchelonnement facile, limitant sa motivation à leur capacité à s’acquitter de certaines déterminer l’ensemble des dettes contractées fonctions. L’argument selon lequel les par les collectivités locales. Les informations collectivités locales ne disposent pas de dont il dispose sont largement liées à ses capacités pour mener à bien certaines fonctions Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 18 Cahiers économiques du Cameroun est peu pertinent puisque le transfert de suivi des transactions immobilières. Pour des ressources humaines et financières suffit pour municipalités plus développées comme Douala combler toute lacune qui pourrait être et Yaoundé, on pourrait penser à appliquer les constatée dans les circonstances actuelles. techniques des administrations fiscales modernes – auto-évaluation et application de Affectation des recettes sanctions pour fausse déclaration (par exemple, Le gouvernement pourrait réexaminer la l’acquisition du bien immobilier au-delà de la répartition des recettes afin de déterminer valeur déclarée). Tout ceci pourrait nous celles qui seraient les plus appropriées pour conduire au même succès observé dans les villes servir de ressources propres pour les comme Bogotá. collectivités locales dans le cas du Cameroun. Les contraintes liées aux capacités peuvent être De plus, la nouvelle répartition des recettes levées grâce à l’utilisation de méthodes devrait permettre de: i) trouver le bon équilibre modernes d’auto-évaluation et d’audit. entre les recettes propres et les recettes Certaines fonctions pourraient même être sous- partagées pour minimiser les fluctuations des traitées auprès de la DGI. budgets des collectivités locales ; ii) renforcer la redevabilité des collectivités locales en leur La taxe foncière pourrait être considérée permettant de se tourner davantage vers la comme le socle des recettes propres des fiscalité locale ; et iii) éviter des mécanismes collectivités locales. Les sommes collectées complexes de partage des ressources (par actuellement sont modestes et partagées avec exemple les CAC pourraient être intégrés dans le FEICOM. La taxe foncière pourrait devenir une un système de péréquation). taxe entièrement réservée aux collectivités Conceptions des transferts locales tout en définissant le taux approprié (dont les seuils minimum et maximum Les autorités pourraient vouloir examiner un pourraient être adoptés par le parlement, si système plus moderne de « péréquation ». besoin est, comme c’est le cas dans tous les Comme c’est le cas dans les pays scandinaves et États unitaires où le pouvoir législatif appartient en Australie, l’objectif pourrait être de « mettre au parlement). à disposition des ressources afin que les collectivités locales puissent fournir des services L’on doit également s’attacher à mettre en place proportionnels au niveau d’imposition ». En un cadastre (qui peut être conservé au niveau termes simples, le cadre de répartition serait central ou régional), des mécanismes de basé sur des facteurs « normalisés ». Cela valorisation des biens fonciers et un système de permet de s’assurer que les collectivités locales Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 19 Cahiers économiques du Cameroun ne pourront pas influencer l’ampleur des d’affecter des ressources plus stables aux transferts par leur action ou absence d’action. collectivités locales et de confier clairement la fonction de stabilisation à l’administration Les transferts normalisés s’apparentent ainsi centrale, il faudrait s’attacher à améliorer la plus ou moins à des « sommes forfaitaires » et prévisibilité des transferts de l’administration ne devraient pas influencer les incitations au centrale pour permettre une budgétisation niveau local. Les dépenses normalisées devront efficace. tenir compte de coûts pour assurer les services pouvant varier, avec des coûts plus élevés pour La difficulté tient en partie au fait que les cycles les régions isolées et les communes urbaines budgétaires ne sont pas correctement densément peuplées. De la même façon, le synchronisés. Il serait relativement facile de potentiel de mobilisation de recettes propres corriger cela en partageant par exemple à sera basé sur des recettes normalisées l’avance l’enveloppe budgétaire probable de (répartition spatiale des assiettes fiscales l’administration centrale, peut-être au même prenant des taux moyens), et le fait qu’une moment que la circulaire budgétaire qui est municipalité choisisse de ne pas exploiter son transmise à tous les services centraux. Il faudrait assiette fiscale ne signifierait pas l’obtention également penser à déterminer un niveau d’un transfert plus important. Il y aurait ainsi minimal de transferts pour financer les dépenses une incitation à exploiter le mieux possible les de base et faciliter la préparation du budget au assiettes fiscale assignées. niveau des collectivités locales. Gestion de la dette et gouvernance Globalement, un cadre de péréquation moderne permet de se focaliser moins sur les « droits Le cadre juridique doit être modifié pour acquis » et davantage sur la qualité des i) supprimer les dispositions liées au prestations de services par les collectivités renflouement ; ii) limiter l’endettement comme locales. Cela permet une supervision au niveau pourcentage des recettes propres, par exemple ; local et peut induire une « concurrence par et iii) introduire des pénalités en cas de comparaison », avec des avantages importants dépassement de ces plafonds. Le Ministère des sur le plan de l’économie politique et de la Finances devrait surveiller toutes les sources de responsabilité. passif et risques des collectivités locales, y compris l’accumulation d’arriérés (en particulier Élaboration du budget les contributions à la sécurité sociale et le Il est important d’éviter des fluctuations dans le paiement des factures de services publics tels financement des collectivités locales. En plus que l’eau et l’électricité). Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 20 Cahiers économiques du Cameroun Plus généralement, une meilleure circulation de afin qu’ils puissent faire pression sur leurs élus l’information est nécessaire sur toutes les au cas où leur performance laissait à désirer opérations au niveau local, non seulement pour (Encadré 1). les gouvernements à tous les niveaux ; mais aussi pour informer le public et les bénéficiaires Encadré 1 : Promouvoir la transparence et l’efficacité budgétaires au Cameroun Partout dans le monde, les gouvernements, les bailleurs de fonds et la société civile sont résolus à accroître les ressources budgétaires afin d’améliorer la prestation des services de base et accélérer la réalisation des Objectifs de développement pour le Millénaire. Une utilisation plus efficace de ces ressources est essentielle à l’atteinte de ces objectifs. Le citoyen, ultime bénéficiaire, est souvent peu informé de l'utilisation de ces deniers publics et est rarement associé aux décisions liées à leur répartition. La transparence dans le processus budgétaire réduit les risques de gaspillage et de détournement de fonds, ce qui accroît le niveau de ressources disponibles pour faire reculer la pauvreté. Au Cameroun, deux régions – le Nord-Ouest et l’Adamaoua – sont au cœur d’une initiative pilote de promotion d'une plus grande transparence budgétaire. Cette initiative vise trois objectifs, à savoir : i) simplifier, analyser et communiquer le budget à divers échelons (région, département, communes, école et centre de santé) ; ii) sensibiliser et renforcer la capacité des responsables publics et des institutions locales/régionales à promouvoir un débat sur les dépense publiques en encourageant une demande pour une meilleure gouvernance; et iii) établir et diffuser les documents à l'appui de cette initiative. Un comité de pilotage dans chacune des deux régions est présidé par le gouverneur et coordonne les activités. 3 Pendant la première phase de cette initiative , une présentation simplifiée du budget et sa diffusion ont été mises en œuvre dans 60 établissements d’enseignement primaire et secondaire, 20 centres de santé et 12 conseils de collectivités locales. Des matrices types de budget simplifié destinées à ces structures ont été conçues et expérimentées sur le terrain. Les écoles et les centres de santé remplissent actuellement ces matrices en y faisant figurer des données sur leur budget et son exécution pour diffusion au grand public. Au niveau communal, les comptes administratifs d'un échantillon de communes sont en cours de traitement et de simplification. Par ailleurs, un indice est en train d’être élaboré pour évaluer le niveau de transparence budgétaire des communes. Cette démarche facilitera les échanges de bonnes pratiques entre communes. Au niveau régional et départemental, les données sur les crédits et les dépenses de l’exercice 2010 sont en cours d’analyse. Les échanges avec les différents intervenants – parents, responsables des centres de santé, maires et gouverneurs – ont montré que la demande de transparence budgétaire était forte. Ainsi, ces acteurs ont été très surpris par les résultats préliminaires suivants dans la région du Nord-Ouest : i) les dépenses d’investissement consacrées à l’éducation de base/à l'enseignement secondaire et à la santé publique varient 4 beaucoup d'un département à l'autre ; et ii) les dépenses publiques sont plus élevées dans le secondaire que 5 dans le primaire. Ces premiers résultats montrent qu’il existe une marge de progression importante pour la transparence budgétaire au Cameroun. Les acteurs locaux pensent que la communication des informations sur le budget aidera à empêcher les détournements de fonds, améliorer la transparence et accroître la participation citoyenne. 3 La première phase de l’initiative de transparence budgétaire devrait s’achever en août 2011. 4 Rapportée aux dépenses totales de 2010, la part des dépenses publiques consacrées à l’éducation de base varie de 10,4 % à 20,8 %. Dans le domaine de la santé, cette variation est de 6 % à 16,2 %. 5 Rapportée aux dépenses totales, la part des dépenses publiques consacrées à l’éducation de base, à l’enseignement secondaire et à la santé publique est de 13,4 %, 20,7 % et 10,8 % respectivement. Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 21 Cahiers économiques du Cameroun Juillet 2011 l Numéro : 2 / Page 22