ACCÉDER À L’ÉLECTRICITÉ EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO OPPORTUNITÉS ET DÉFIS © Copyright Mars 2020 La Banque internationale pour la reconstruction et le développement / LE GROUPE BANQUE MONDIALE 1818 H Street, NW | Washington DC 20433 | États-Unis Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. Les observations, interprétations et conclusions exprimées dans cet ouvrage ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des gouvernements que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données présentées dans cet ouvrage. Les frontières, couleurs, dénominations et autres informations figurant sur les cartes du présent ouvrage n’impliquent de la part de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire et ne signifient nullement que l’institution reconnaît ou accepte ces frontières. 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Photo de couverture : Per Bengtsson/Shutterstock.com ACCÉDER À L’ÉLECTRICITÉ EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO OPPORTUNITÉS ET DÉFIS Tracking SDG7: The Energy Progress Report 2018  CONTENTS INTRODUCTION ET PRINCIPES CLÉS 1 QUATRE DOMAINES PRIORITAIRES POUR AMÉLIORER L’ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ À COURT TERME 3 1. LA RARETÉ DES DONNÉES ET LE CARACTÈRE IMPRÉVISIBLE DE LA DEMANDE EN ÉLECTRICITÉ RENDENT DIFFICILE LA PLANIFICATION DU SECTEUR 6 1.1. UNE DEMANDE CONTRASTÉE ET CONTRAINTE 7 1.2. LES DÉFIS D’UNE DEMANDE EN RAPIDE AUGMENTATION 10 1.3. LA PLANIFICATION DANS UN CONTEXTE DE PROFONDE INCERTITUDE 13 2. PASSER LA PLANIFICATION DU SECTEUR ÉLECTRIQUE AU NIVEAU RÉGIONAL 14 2.1. DES INFRASTRUCTURES D’APPROVISIONNEMENT VIEILLISSANTES DOMINÉES PAR UN SEUL RÉSEAU PRINCIPAL INTERCONNECTÉ 15 2.2. LA PLANIFICATION CENTRALISÉE DE L’ÉLECTRIFICATION N’A PAS PERMIS D’AMÉLIORER L’ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ POUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE ET DE LA POPULATION 21 3. PARAMÈTRES D’UN EXERCICE DE PLANIFICATION À MOINDRE COÛT DANS UN ENVIRONNEMENT CONTRAINT 24 3.1. D’ABONDANTES RESSOURCES EN ÉNERGIES RENOUVELABLES SITUÉES À PROXIMITÉ DES FOYERS DE DEMANDE POTENTIELS 25 3.2. LA RARETÉ DES INFRASTRUCTURES, LA FRAGILITÉ ET LA FAIBLE GOUVERNANCE PEUVENT FAVORISER DES SOLUTIONS D’APPROVISIONNEMENT QUI NE SONT PAS TOUJOURS À MOINDRE COÛT 29 3.3. ADAPTER LA PLANIFICATION DU SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ À UN CONTEXTE DE GRANDE INCERTITUDE 31 iii Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. 4. VERS UN PLAN DE SYSTÈME ÉLECTRIQUE RÉGIONAL ADAPTÉ À LA FRAGILITÉ 38 4.1. RÉGION SUD-OUEST : RENFORCER ET DENSIFIER LA DORSALE INTERCONNECTÉE EXISTANTE ET FAVORISER LES RÉSEAUX ISOLÉS ET LES SYSTÈMES AUTONOMES LORSQUE LES AMÉLIORATIONS DU RÉSEAU NE SONT PAS VIABLES 39 4.2. RÉGION DE L’EST : PROMOUVOIR UNE INFRASTRUCTURE DÉCENTRALISÉE À GRANDE ÉCHELLE POUR FOURNIR DES SERVICES DANS DES ZONES NON COUVERTES PAR LES RÉSEAUX EXISTANTS DE LA SNEL 47 4.3. LA RÉGION DU CENTRE-NORD : CONSTRUIRE DES ÉNERGIES RENOUVELABLES DÉCENTRALISÉES POUR FOURNIR UN ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ DANS CETTE RÉGION ÉLOIGNÉE ET PEU DENSÉMENT PEUPLÉE. 50 5. ACCROÎTRE LE RÔLE DU SECTEUR PRIVÉ POUR ACCÉLÉRER L’ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ EN RDC 58 5.1. LE SECTEUR PRIVÉ A JUSQU’À RÉCEMMENT JOUÉ UN RÔLE LIMITÉ DANS LE DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ EN RDC 59 5.2. RENFORCEMENT DU CADRE JURIDIQUE ET RÉGLEMENTAIRE POUR ATTIRER LES OPÉRATEURS PRIVÉS 62 5.3. L’ÉMERGENCE DE RÉSEAUX ÉLECTRIQUES PRIVÉS : LE CAS DE L’EST DU CONGO 63 6. RÉFORMER L’OPÉRATEUR NATIONAL, LA SNEL, EN FAVEUR D’UN SECTEUR ÉNERGÉTIQUE PLUS DURABLE : UN PLAN À COURT ET À MOYEN TERME 66 6.1. LES DIFFICULTÉS FINANCIÈRES DE LA SNEL PROVIENNENT, EN GRANDE PARTIE, DE SA FAIBLESSE COMMERCIALE 67 6.2. RÉTABLIR LA SANTÉ FINANCIÈRE DU SEGMENT DISTRIBUTION DE LA SNEL POUR SÉCURISER LES RECETTES 69 6.3. CHANGER LES ATTITUDES ET LES COMPORTEMENTS 71 7. AFIN DE FOURNIR UN SERVICE D’ÉLECTRICITÉ FIABLE ET D’ÉTENDRE L’ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ EN RDC, LES OPÉRATEURS ONT BESOIN DE CAPITAUX ABORDABLES ET DE TARIFS SUSCEPTIBLES DE COUVRIR LES COÛTS. 74 7.1. L’ÉLARGISSEMENT DU CRÉDIT ET DES CAPITAUX À FAIBLE INTÉRÊT POUR LES OPÉRATEURS PRIVÉS EST ESSENTIEL POUR LA FOURNITURE D’ÉLECTRICITÉ À DES COÛTS ABORDABLES POUR LES CLIENTS 75 7.2. LA RENÉGOCIATION DES TARIFS RÉGLEMENTÉS ET LA RÉDUCTION DU POIDS DE LA DETTE DE LA SNEL SONT ESSENTIELLES POUR RÉTABLIR SA SANTÉ FINANCIÈRE ET RETROUVER SA CAPACITE D’INVESTISSEMENT 76 8. RÉFÉRENCES 80 iv  LISTES DES CARTES Carte 1 – Les 26 provinces de la RDC.................................................................................................................................................................................7 Carte 2 – Localisation des mines et des réseaux artisanaux isolés......................................................................................................................9 Carte 3 – Densité de population en RDC, 2015........................................................................................................................................................... 10 Carte 4 – Taux de pauvreté et répartition des pauvres en RDC......................................................................................................................... 11 Carte 5 – État actuel du développement du système électrique de la RDC.................................................................................................... 15 Carte 6 – Proportion des personnes ayant accès à l’électricité en RDC........................................................................................................... 21 Carte 7 – Ressources hydroélectriques de la RDC.................................................................................................................................................... 25 Carte 8 – Potentiel de l’électricité photovoltaïque (GHI, kWh/m2).................................................................................................................... 27 Carte 9 – Coût du transport par kilomètre jusqu’au marché le plus proche (USD par tonne)................................................................ 30 Carte 10 – Situation géographique des conflits entre 1997 et 2018.................................................................................................................. 31 Carte 11 – Le système électrique actuel de la région Sud-Ouest........................................................................................................................ 41 Carte 12 – Zones ciblées pour l’extension et la densification du réseau........................................................................................................ 44 Carte 13 – Réseau électrique existant dans la région de l’Est.............................................................................................................................. 48 Carte 14 – Réseau électrique existant dans la région du Centre-Nord............................................................................................................ 51 Carte 15 – Carte de la ville de Bumba............................................................................................................................................................................. 55 Carte 16 – Densité de population dans l’est de la RDC (habitants / 100 m2), 2015..................................................................................... 63 Carte 17 – Activités minières dans la région de l’Est............................................................................................................................................... 64 LISTES DES ENCADRÉS Encadré 1 – Inga 3 : un grand projet d’infrastructure complexe dans un contexte de fragilité et de faible capacité................... 26 Encadré 2 – Fragilité et conflits en RDC......................................................................................................................................................................... 32 Encadré 3 – Planification du secteur de l’électricité dans les États marqués par la fragilité, les conflits et la violence : étude de cas (d’après Bazilian et Chattopadhyay, 2015).............................................................................................................. 35 Encadré 4 – Bumba : un projet de mini-réseau hybride solaire qui pourrait remettre la ville sur la voie de la croissance économique et du développement social................................................................................................................... 55 Encadré 5 – Le stockage sur batterie : une option viable pour soutenir l’accès à l’énergie sous la forme de mini-réseaux et de services de réseau............................................................................................................................................................................. 56 Encadré 6 – Les acteurs du secteur privé dans le secteur de l’électricité en RDC...................................................................................... 61 Encadré 7 – Principales conclusions de l’audit technique et financier du contrat de performance et du contrat de services avec la SNEL................................................................................................................................................................................... 73 LISTES DES FIGURES Figure 1 – Consommation d’électricité par secteur depuis 2000 (GWh)...........................................................................................................8 Figure 2 – Consommation d’électricité par habitant en Afrique subsaharienne (kWh/personne).......................................................8 Figure 3 – Réseau de distribution de Kinshasa : causes des coupures de courant sur un mois type (%)......................................... 12 Figure 4 – Puissance hydroélectrique installée de la SNEL 1990–2018.......................................................................................................... 16 Figure 5 – État des centrales hydroélectriques de la SNEL, 2020....................................................................................................................... 19 Figure 6 – Comparaison des réseaux ouest-sud, est et des réseaux isolés, 2018........................................................................................ 19 Figure 7 – Estimation des pertes globales sur le réseau électrique de la SNEL............................................................................................ 20 Figure 8 – Proportion des personnes ayant accès à l’électricité par quintile de bien-être des ménages (2012).......................... 22 Figure 9 – Indicateurs de gouvernance : moyenne de la RDC par rapport à l’Afrique subsaharienne (rang centile — 0 à 100).................................................................................................................................................................................. 30 Figure 10 – Solutions d’approvisionnement dans un climat de certitude...................................................................................................... 33 v Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. Figure 11 – Répartition estimée des villes de la région Sud-Ouest, par nombre d’habitants (2017) (la population de la ville est sur l’axe vertical, l’axe horizontal indique le nombre de villes)..................................................................... 40 Figure 12 – Répartition estimée des villes de la région de l’Est selon le nombre d’habitants (2017)................................................. 47 Figure 13 – Répartition estimée des villes de la région Centre-Nord selon le nombre d’habitants (2017)...................................... 50 Figure 14 – Ménages électrifiés via les systèmes solaires domestiques vendus par BBOXX à Goma................................................ 61 Figure 15 – Répartition des défauts de paiement par segment de clients en, 2018................................................................................... 68 Figure 16 – Typologie des clients de la SNEL, 2018.................................................................................................................................................. 69 Figure 17 – Ventes en valeur (USD) par type de clients, 2018............................................................................................................................. 70 Figure 18 – Évolution des tarifs de la SNEL, 2005-2016.......................................................................................................................................... 76 Figure 19 – Comparaison du coût par kWh pour la SNEL par type de clients............................................................................................... 77 LISTES DES TABLEAUX Tableau 1 – Portefeuille de production hydroélectrique de la SNEL, 2020................................................................................................... 17 Tableau 2 – Modèle financier pour une capacité solaire photovoltaïque installée de 20 MW............................................................. 28  stimation de l’accès potentiel au réseau existant, aux réseaux isolés et aux systèmes autonomes Tableau 3 – E par région.......................................................................................................................................................................................................... 39 Tableau 4 – État du réseau de distribution à Kinshasa.......................................................................................................................................... 41 Tableau 5 – Projets prioritaires d’amélioration de l’électricité à inclure dans la future planification du développement du secteur de l’électricité à moindre coût pour les principaux centres urbains raccordés à la dorsale sud-ouest............................................................................................................................................................ 43 Tableau 6 – Projets prioritaires pour les grands centres urbains proches de la dorsale sud-ouest,.................................................. 44 Tableau 7 – Villes potentiellement candidates à l’établissement de réseaux isolés (nouveaux ou réhabilitation/ extension) dans la région Sud-Ouest.................................................................................................................................................... 45 Tableau 8 – Villes qui pourraient être candidates pour des réseaux isolés dans la région de l’Est................................................... 49 Tableau 9 – Villes qui pourraient être candidates pour des réseaux isolés dans la région du Centre-Nord.................................. 53 Tableau 10 – I nvestissements prioritaires visant à élargir l’accès à l’électricité et à rétablir la fiabilité de l’électricité à Kinshasa..................................................................................................................................................................................................... 70 REMERCIEMENTS vi  REMERCIEMENTS Le rapport a été élaboré par une équipe dirigée par Pierre Audinet et comprenant Juliette Besnard et Thomas Flochel. Cette équipe a travaillé sous la direction du Directeur pays, Jean Christophe Carret, et du Manager Energie en charge de l’Afrique Centrale Wendy Hughes. L’équipe a pu s’appuyer sur les précieux commentaires de : Olivia D’Aoust, Olivier Gallou, Clara Ivanescu, Marc Lixi, Emilie Jourdan, Pierre Lorillou, Claire Nicolas, Alain Ouédraogo, Sara Bryan Pasquier, Ann Rennie, Pedro Sanchez, Romuald Texier-Pauton, Didier Tsasa, Frédéric Verdol et Jesse Yang. L’équipe est reconnaissante aux pairs examinateurs Fanny Missfeldt-Ringius, Manuel Luengo et Isabel Neto pour leurs commentaires judicieux. Elle a également bénéficié de contributions importantes de la part du Ministère de l’Energie et des Ressources Hydrauliques/UCM, du Ministère du Portefeuille/COPIREP, de la Société Nationale d’Electricité (SNEL), de l’équipe du programme ESSOR et du cabinet Nodalis, ainsi que des différents opérateurs privés cités dans le rapport. L’assistance financière et technique de l’ESMAP a également vivement été appréciée. L’ESMAP, le programme mondial d’assistance technique et de transfert des connaissances administré par la Banque mondiale, aide les pays à revenu faible et intermédiaire à renforcer leur savoir-faire et leur capacité institutionnelle dans le but d’adopter des solutions énergétiques écologiquement viables qui favorisent la réduction de la pauvreté et la croissance économique. L’ESMAP est financé par l’Australie, l’Autriche, le Canada, le Danemark, la Commission européenne, la Finlande, la France, l’Allemagne, l’Islande, l’Italie, le Japon, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, la Fondation Rockefeller, la Suède, le Royaume-Uni, la Suède et la Banque mondiale. vii ABRÉVIATIONS & ACRONYMES ANSER Agence Nationale des Services d'Electrification en milieu Rural ARE Autorité de régulation de l'énergie BT Basse tension CMPC Coût moyen pondéré du capital cUSD Centime de dollar américain GdRDC Gouvernement de République démocratique du Congo GWh Giga-watt heure IFI Institution financière internationale IRENA Agence Internationale pour les Energies Renouvelables HT Haute tension kWh Kilo-watt heure kW Kilo-watt MT Moyenne tension MW Mega-watt PAYGO Pay-As-You-Go PME Petite et Moyenne Entreprise PPP Partenariat Public Prive RCA République Centrafricaine RDC République démocratique du Congo SEforALL Sustainable Energy for All SIG Système d'information géographique SNEL Société Nationale d’Electricité TGAC Taux de croissance annuel composé USD Dollar américain ix INTRODUCTION ET PRINCIPES CLÉS Nuru Photo : INTRODUCTION ET PRINCIPES CLÉS Le présent rapport examine la situation actuelle du secteur de l’électricité en République démocratique du Congo (RDC), notamment les opportunités et défis rencontrés, et présente un ensemble de recommandations axées sur les principes et les priorités pour le développement futur du secteur de l’énergie. Il définit la manière dont ces principes peuvent être mis en œuvre dans la planification du développement du secteur et identifie certains des investissements nécessaires pour progresser vers l’objectif d’accès universel à l’électricité. Cette note pourrait contribuer à la définition d’une feuille de route à court et à moyen terme pour le gouvernement et les bailleurs de fonds. Ce rapport s’appuie sur les « Assises de l’électricité », un dialogue national sur l’avenir du secteur énergétique de la RDC, qui s’est tenu à Kinshasa en mai 2018 sous le parrainage du Premier ministre. Cet espace de dialogue a été l’occasion pour les parties prenantes privées et publiques de toutes les provinces d’échanger des idées et des expériences sur l’avenir du secteur énergétique de la RDC et de définir les éléments d’une feuille de route pour ce secteur. 1. La principale priorité du secteur de l’électricité de la République démocratique du Congo est d’améliorer l’accès à l’électricité. La République démocratique du Congo est un grand pays qui compte 10 millions de ménages, dont 1,6 million ont accès à l’électricité. Cela constitue la troisième plus importante population au monde à être privée d’accès à l’électricité. Si les efforts d’électrification suivent le même rythme qu’au cours des dix dernières années, 84 millions de personnes, soit 80 % de la population totale, vivront toujours sans électricité en RDC en 2030. 2. Le potentiel bien réparti à la fois des ressources hydrauliques et des ressources solaires reste largement inexploité, le développement du secteur de l’électricité s’étant concentré sur quelques grandes centrales hydroélectriques au cours des dernières décennies. Si ces grandes centrales hydroélectriques fournissent clairement aujourd’hui la plus grande partie de l’électricité, cette stratégie a conduit (i) à la stagnation du taux d’accès de la population à l’électricité et à une amélioration limitée de la fiabilité du service, et (ii) à une demande non satisfaite estimée à 5 000 GWh en 2018. Selon sa version la plus récente, le projet Inga 3 générerait d’importantes recettes d’exportation pour le gouvernement de la RDC, mais ne constituerait pas une solution à moindre coût pour accroitre l’accès à l’électricité dans le pays. 3. La stratégie de développement du secteur de l’électricité doit tenir compte de la très faible gouvernance et du contexte de grande fragilité et se concentrer sur des solutions adaptées à cet environnement risqué. La superficie de la RDC est équivalente à celle de l’Europe occidentale avec à peu près autant de routes goudronnées que le Luxembourg. Les conflits et les guérillas font toujours rage dans plusieurs provinces, ce qui entraîne des risques élevés pour la sécurité et des mouvements de population importants qui rendent la demande d’électricité imprévisible. La population de la RDC fait partie des plus pauvres du monde et est souvent incapable d’assumer le coût de la connexion au réseau. Parmi les solutions techniques adaptées à un tel contexte figurent les centrales hydroélectriques, solaires et hybrides de petite et moyenne taille situées à proximité ou au sein de centres de population, ainsi que les systèmes individuels hors réseau. 4. Les besoins en investissements du secteur dépassent largement les capacités budgétaires du gouvernement et des efforts importants pour attirer les capitaux et opérateurs privés sont nécessaires. La fourniture d’un accès à l’électricité de réseau à tous les ménages des 26 chefs-lieux de province de la RDC via une combinaison de centrales hydroélectriques et solaires de taille moyenne coûterait environ 10,5 milliards de dollars américains (USD) en dépenses d’investissement (CAPEX). Cela porterait le taux d’accès à environ un tiers de la population, pour un coût équivalent à 30% du PIB. Si les 3,4 milliards USD nécessaires aux réseaux de transport et de distribution pourraient être couverts par des investissements publics, pour un coût annuel estimé à 5% du budget de l’État d’ici à 2030, le reste des activités de production nécessiterait un financement commercial. Il est nécessaire pour le gouvernement d’offrir des conditions d’investissement favorables et de créer un environnement réglementaire transparent et stable. © 1 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. 5. Il est essentiel de soutenir le développement du capital humain afin d’appliquer efficacement les politiques et la réglementation et pour répondre aux besoins du secteur en matière d’emploi. Aux niveaux central et provincial, les institutions publiques ne disposent pas des capacités nécessaires pour analyser, négocier, conclure et superviser des partenariats public-privé. Une autorité de régulation opérationnelle, indépendante et dotée de ressources suffisantes est une priorité et nécessitera un renforcement important des capacités. En outre, la formation initiale et continue d’ingénieurs et de techniciens est essentielle pour répondre aux besoins de compétences techniques de la Société Nationale d’Electricité (SNEL) et des autres acteurs du secteur de l’énergie opérant en RDC. 6. L’énergie solaire hors réseau offre des solutions modulaires pour accroître rapidement l’accès à moindre coût. Le gouvernement peut tirer parti d’une montée en puissance significative de ce secteur en améliorant l’environnement économique et en fournissant un financement abordable. On estime à un coût bien inférieur, soit environ 3,3 milliards USD, l’installation d’équipements de systèmes solaires domestiques qui permettraient aux deux tiers restants de la population de bénéficier d’un accès à l’électricité de Niveau 2. Seuls quelques opérateurs privés à la fois locaux et internationaux ont commencé à s’implanter sur le marché de la RDC. Le gouvernement peut aider à accroître les investissements privés en mettant en place l’autorité de régulation et l’agence d’électrification rurale, en réduisant les entraves fiscales, en subventionnant les coûts de connexion élevés et en facilitant l’accès au financement. 7. La SNEL, la Société Nationale d’Electricité, continue de contribuer de manière décisive à l’accès à l’électricité, en particulier à Kinshasa, mais elle est plongée dans un cercle vicieux de pertes commerciales, de dégradation des actifs et d’endettement croissant. Des décisions politiques courageuses pour ajuster les tarifs de l’électricité et éliminer les arriérés existants et accumulés, ainsi que pour achever le plan de redressement de la société, sont nécessaires pour rétablir la santé financière du service public et renforcer sa position dans un secteur libéralisé. 2 Introduction et principes clés QUATRE DOMAINES PRIORITAIRES POUR AMÉLIORER L’ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ À COURT TERME 1. RENFORCER LE CADRE INSTITUTIONNEL ET RÉGLEMENTAIRE POUR PERMETTRE UNE LIBÉRALISATION EFFECTIVE DU SECTEUR ÉLECTRIQUE DE LA RDC Défi : La loi de libéralisation de 2014, la loi de décentralisation, la loi sur le désengagement de l’Etat, la loi sur la transformation des entreprises publiques et leur législation secondaire n'ont pas été mis en œuvre et appliquées efficacement avec le soutien institutionnel requis pour créer un environnement favorable aux investissements des secteurs public et privé. Principe directeur : Renforcer la collaboration et l’appui technique des autorités centrales et des ministères provinciaux de l’énergie pour (i) mieux aligner les stratégies d’électrification surles spécificités locales, notamment les opportunités, les défis et les besoins, et (ii) appliquer de manière transparente un ensemble solide de réglementations pour permettre la croissance du secteur. Principales actions prioritaires : • Opérationnaliser l'autorité de régulation de l'énergie (ARE) et l'Agence Nationale des Services d'Electrification en milieu Rural (ANSER) pour mettre en œuvre la réglementation secondaire de la loi de libéralisation de 2014 et accélérer l'accès à l’électricité des zones rurales (feuille de route, ressources humaines et financières, outils, appui technique) ; • Renforcer les capacités financières et techniques de l’administration (aux niveaux central et provincial) à analyser, négocier, conclure et superviser des partenariats public-privé suivant des processus transparents et équitables ; • Organiser le transfert de connaissances sur les énergies renouvelables et le stockage sur batteries pour former les décideurs, les futurs techniciens et les ingénieurs ; • Favoriser la collecte de données notamment via des enquêtes ménages de type Multi-tier Framework. Ordre de grandeur : 1 million de dollars américains (USD) par an pour le fonctionnement de l'ARE et de l'ANSER, 3 millions de dollars américains (USD) pour une assistance technique destinée au ministère de l'Énergie et à 5 provinces clés. 2. RENFORCER LES SOLUTIONS D’ÉNERGIE RENOUVELABLE DÉCENTRALISÉES ET LES INVESTISSEMENTS DANS LES RÉSEAUX ISOLÉS EN SE BASANT SUR UNE PLANIFICATION SECTORIELLE INTÉGRANT LES CONTRAINTES PAYS Défi : Le degré élevé de fragilité du pays – qui se traduit notamment par une gouvernance faible, des problèmes de sécurité et de conflit, une infrastructure de transport médiocre, un manque de capacité financière publique – n’a pas été pris en compte dans le développement du système électrique par le passé. Le modèle d'expansion du réseau principal basé sur des actifs de production de grande ampleur et centralisés n'a donc pas permis d'accroître l'accès à l'électricité en RDC. Principe directeur : Ajuster la planification à moindre coût pour inclure les risques-pays, les besoins spécifiques régionaux et soutenir une stratégie d'électrification articulée autour de solutions d'énergies renouvelables réparties, en donnant la priorité aux technologies hydroélectriques et solaires de taille moyenne plus proches des centres de demande. 3 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. Principales actions prioritaires : • Investir dans l’évaluation des ressources et dans les études préparatoires de projets préliminaires au niveau gouvernemental afin de réduire les investissements en capital initiaux exigés par le secteur privé (études de préfaisabilité pour les réseaux isolés dans les principales capitales provinciales) ; • Lancer la planification à moindre coût du secteur, en particulier dans les principaux centres de demande non connectés au réseau le long de la dorsale sud-ouest ; • Lancer des enchères pour les réseaux isolés dans les capitales provinciales prioritaires. Ordre de grandeur : 4 millions de dollars américains (USD) par capitale provinciale. 3. ÉLIMINER LES OBSTACLES LES PLUS IMPORTANTS À LA CONDUITE DES AFFAIRES QUI ENTRAVENT ACTUELLEMENT LE DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR PRIVÉ Défis : Les politiques actuelles n’offrent pas de conditions d’investissement favorables et restent ambiguës sur des questions telles que la propriété et les concessions. Dans un contexte de faible pouvoir d’achat des utilisateurs finaux, de coûts élevés du capital et de secteur bancaire commercial faible, il n’existe pas de mécanismes de financement abordables pour les consommateurs et les opérateurs. Toutefois, la SNEL n’est pas en mesure de résoudre seule le problème du déficit d’accès et des opérateurs privés sont nécessaires pour renforcer les options d’approvisionnement décentralisées. Principe directeur : Créer un environnement favorable pour soutenir la participation du secteur privé au développement de réseaux isolés et de systèmes hors réseau en RDC. Principales actions prioritaires : • Supprimer les taxes d’importation sur les solutions hors réseau ; • Adopter les normes de qualité internationales pour les systèmes hors réseau ; • Mettre en place des mécanismes pour soutenir le financement des dépenses d’investissement par le biais de conditions de crédit commercial plus attractives ; • Soutenir le renforcement des capacités humaines par la formation initiale et continue d’ingénieurs et de techniciens. Ordre de grandeur : 200 millions de dollars américains (USD). 4. SOUTENIR LE REDRESSEMENT DU SERVICE PUBLIC D’ÉLECTRICITÉ Défis : Les faibles performances commerciales, la mauvaise gestion et un endettement intenable ont empêché la SNEL de faire face à une demande d’électricité galopante. Les dernières tentatives de mise en œuvre du plan de redressement approuvé par le conseil d’administration n’ont pas donné les résultats escomptés, principalement en raison de la faiblesse du leadership, des objectifs irréalistes et de l’écart de compétences sur des fonctions clés spécifiques. Principe directeur : Transformer la SNEL pour en faire un acteur davantage axé sur le client et axé sur les résultats dans un secteur libéralisé. Principales actions prioritaires : • Réhabiliter et moderniser le réseau de distribution de Kinshasa ; • Sécuriser les revenus commerciaux de la SNEL grâce à des investissements dans le service commercial, et étudier la possibilité d’un pilote sous-traitant les services de facturation et de recouvrement à un opérateur privé (en commençant par exemple par Kinshasa); 4 Introduction et principes clés • Augmenter les importations à court ou à moyen terme en provenance des pays voisins, y compris la Zambie, en particulier pour répondre à la demande non satisfaite du secteur minier situé dans le sud ; • Lancer des études de faisabilité pour la réhabilitation des centrales hydroélectriques stratégiques situées à proximité des principaux centres de demande (Nzilo, Zongo 1) ; • Fournir un soutien externe à la SNEL sous la forme d’un contrat de service ou d’un contrat de gestion afin d’intensifier le redressement sur des fonctions clés (commerciale, financière, informatique). Ordre de grandeur : Assistance technique et investissements associés pour la reprise des fonctions commerciale, financière et informatique : 10 millions de dollars américains (USD) par an ; réhabilitation du réseau basse tension de Kinshasa : 450 millions de dollars américains (USD). 5 1 LA RARETÉ DES DONNÉES ET LE CARACTÈRE IMPRÉVISIBLE DE LA DEMANDE EN ÉLECTRICITÉ RENDENT DIFFICILE LA Nuru SARL PLANIFICATION DU SECTEUR Photo : 1.  LA RARETÉ DES DONNÉES ET LE CARACTÈRE IMPRÉVISIBLE DE LA DEMANDE EN ÉLECTRICITÉ RENDENT DIFFICILE LA PLANIFICATION DU SECTEUR 1.1. UNE DEMANDE CONTRASTÉE ET CONTRAINTE La taille et la topographie de la RDC ont conduit à la création de poches de demande en électricité. Avec une superficie estimée de 2 345 000 km2, la RDC est le deuxième plus grand pays d’Afrique. Elle s’étend sur un territoire de la taille de l’Europe de l’Ouest et sa densité démographique est très faible1. Le pays est divisé en 26 provinces (Carte 1), dont certaines avoisinent la taille du Sénégal ou du Liban. La forêt tropicale, seconde en taille derrière celle du Brésil, couvre 55% du territoire national. La biomasse, comme le bois de chauffe et le charbon2, représente 90% de la consommation énergétique totale du pays et est utilisée principalement par les ménages. Mais outre le potentiel agro-industriel important répandu sur l’ensemble du territoire des réserves minérales conséquentes, en particulier de cobalt, de cuivre et de coltan, sont exploitées dans les provinces méridionales du Haut-Katanga, du Haut-Lomami et du Lualaba, les trois provinces du Kasaï, et dans l’est et nécessitent de l’électricité. CARTE 1 • Les 26 provinces de la RDC Avec une consommation annuelle d’électricité par habitant de 94 kWh, soit la moitié de la moyenne régionale, le pays se classe en avant-dernière position en Afrique subsaharienne3. La consommation totale d’électricité était de 7 266 GWh en 2015 (contre 4 533 GWh en 2000) (Figure 1). L’économie est devenue plus intensive en énergie, avec une consommation électrique totale affichant un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 3% entre 2000 et 2015, alors que sur la même période, le PIB par habitant progressait à un rythme moyen de 1,5%. L’industrie est la première consom- matrice d’électricité, avec 55% de la demande en RDC, suivie par le secteur résidentiel (35%), et les autres utilisa- tions et services commerciaux (10%) (Figure 1). Les niveaux de consommation industrielle et résidentielle d’électricité ont doublé depuis 2000 (respectivement + Source : Banque mondiale, auteurs 111% et + 105% entre 2000 et 2015) alors 1 Banque mondiale, 2018. 2 Une étude AECOM/EDF indique que l’énergie utilisée pour la cuisson en RDC provient de la biomasse à 92% (les trois quarts sous forme de bois de chauffe), une part qui s’établit à 79% chez les ménages urbains (dont deux tiers de charbon). 3 Hafner et al., 2018, Energy in Africa – Challenges and Opportunities, Springer Open. Il convient de noter que cette moyenne masque d’importantes différences entre les villes et les zones urbaines et rurales. © 7 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. FIGURE 1 • Consommation d’électricité par secteur depuis 2000 (GWh) 18 000 16 000 Consommation d'électricité (GWh) 14 000 12 000 10 000 7 899 8 000 7 383 7 271 7 266 6 654 6 263 6 718 5 742 6 131 6 100 6 000 4 533 4 611 4 456 4 623 4 656 4 883 4 000 2 000 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Industrie Résidentiel Services publics et commerciaux Agriculture/Foresterie Source : AIE, World Energy Statistics, 2017 FIGURE 2 • Consommation d’électricité par habitant en Afrique subsaharienne (kWh/personne) 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 4 000 4 500 Afrique du Sud 4 118 Zimbabwe 510 Angola 346 Ghana 320 Afrique subsaharienne 200 Kenya 168 Nigéria 144 Tanzanie 98 République démocratique du Congo 94 Ethiopie 85 Source : AIE, World Energy Statistics, 2017 et Banque mondiale, base de données « Indicateurs de développement dans le monde » que la consommation des services commerciaux et publics a diminué de moitié (- 48%). La consommation électrique résidentielle a cru à un rythme de 5% par an, soit un peu plus que le taux de croissance démographique moyen de 3,3%. La consommation industrielle provient essentiellement de l’industrie extractive. L’industrie extractive représentait 20% de la croissance réelle de la RDC en 20154 et 97,5% des exportations. Elle nécessite d’importantes quantités de combustible et d’électricité pour l’extraction et la transformation des minerais métalliques. L’activité minière déclarée se concentre principalement dans les provinces du Kasaï central et du Kasaï oriental, dans le Haut- Katanga et le Lualaba, mais aussi dans les régions du nord-est du Haut-Uele et de l’Ituri (Carte 2). Les industries telles que l’agroalimentaire, le textile, la métallurgie et l’industrie chimique légère implantées autour des grandes villes comme Kinshasa ne consomment pas beaucoup d’électricité, de même que les industries liées aux gisements de matières premières telles que le calcaire pour les cimenteries. 4 EITI, https://eiti.org/democratic-republic-of-congo#contribution-of-the-extractive-industry-to-the-economy. 8 1. La rareté des données et le caractère imprévisible de la demande en électricité rendent difficile la planification du secteur CARTE 2 • Localisation des mines et des réseaux artisanaux isolés Source : CICOS, IPIS, Banque mondiale, auteurs La demande résidentielle montre de grandes disparités de la demande moyenne entre les populations urbaines et rurales. Les consommateurs d’électricité résidentielle sont concentrés à Kinshasa et dans quelques autres grandes villes du Sud ou le long de la frontière orientale avec le Rwanda et l’Ouganda. La demande moyenne annuelle par habitant à Kinshasa est estimée à 380 kWh, contre 330 kWh dans les villes du Sud et 290 kWh dans les villes de l’est. En dehors de quelques villes, les autres régions ont une demande en électricité beaucoup plus faible en raison de leur faible densité démographique. Le Bas-Uele, par exemple, est aussi peu densément peuplé que la Russie (Carte 3). Les faibles revenus de l’agriculture de subsistance limitent la demande des ménages ruraux, qui est plus proche de 35 kWh par an d’après les estimations. Tous les segments de la demande en électricité sont fortement contraints par l’approvisionnement. La majeure partie de la demande dans le secteur résidentiel, n’est pas satisfaite, ce qui s’explique en partie par le fait que la RDC présente l’un des plus importants déficits d’accès à l’électricité au monde et de fortes disparités géographiques (voir chapitre 2 pour des informations sur l’accès). Il en va de même pour la demande dans l’industrie. Les mines situées dans le sud, par exemple, dépendent d’une combinaison d’électricité nationale, d’électricité importée via l’interconnecteur RDC-Zambie (une ligne de 220 kV entre Kasumbalesa et Luano), et d’autoproduction utilisant du diesel transporté sur de longues distances par barges sur les grands fleuves, camions et deux-roues. Moins de la moitié de cette demande connue est actuellement satisfaite, ce qui limite la performance du secteur.5 5 Chambre des Mines. 9 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. CARTE 3 • Densité de population en RDC, 2015 Source : Worldpop 1.2. LES DÉFIS D’UNE DEMANDE EN RAPIDE AUGMENTATION Le rythme de l’électrification a été très lent, contraint par des taux de natalité et de pauvreté élevés. La RDC possède l’un des taux de fertilité les plus élevés au monde (après le Niger et la Somalie)6 et ses habitants sont parmi les plus pauvres au monde, avec 91% de la population vivant avec moins de 3,10 $ par jour en 2012 (PPP 2011) (Carte 4). Le Nigeria, le Sénégal et le Bénin, autres pays de la région présentant des niveaux d’urbanisation similaires, présentent des taux de pauvreté de 76,5%, 66,3% et 75,6% respectivement. Si les efforts d’électrification suivent le même rythme qu’au cours de la dernière décennie, 84 millions de personnes, soit 80% de la population totale, vivront encore sans électricité en RDC en 2030. L’urbanisation rapide crée des poches de demande à forte densité qui offrent l’opportunité d’étendre et de densifier l’accès au réseau électrique de manière économique. 34 millions de personnes vivent dans des zones urbaines, soit 43% de la population7 et ce chiffre augmente de 4,5% par an. Environ un quart de cette population vit dans six centres urbains : Kinshasa, Lubumbashi, Mbuji-Mayi, Goma, Kananga et Kisangani. Avec près d’un million de personnes qui migrent vers les villes chaque année8, il existe une opportunité de raccorder de nouveaux clients rapidement et à faible coût. 6 6,1 naissances par femme en 2016, WDI. 7 WDI 2016. 8 Banque mondiale, 2018. Revue de l’urbanisation en République démocratique du Congo : Des villes productives et inclusives pour l’émergence de la République démocratique du Congo. Directions in Development—Environment and Sustainable Development ; Washington, DC : Banque mondiale. https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/28931. 10 1. La rareté des données et le caractère imprévisible de la demande en électricité rendent difficile la planification du secteur CARTE 4 • Taux de pauvreté et répartition des pauvres en RDC Source : Banque mondiale 11 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. FIGURE 3 • Réseau de distribution de Kinshasa : causes des coupures de courant sur un mois type (%) Défaillance des Réduction de la Autres cables MT tension 2% Manœuvres sur le Travaux 5% 2% réseau 1% 6% Causes inconnues 9% Surcharge (saturation des Délestages lignes, 65% transformateurs et équipements MT) 10% Source : SNEL – Rapport d’activité mensuel pour Kinshasa, avril 2018 La demande tant résidentielle qu’industrielle devrait croître rapidement. La demande en électricité du secteur résidentiel devrait passer, à un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 11%, d’environ 3 000 GWh à 11 000 GWh d’ici 2030. La demande totale actuelle des mines estimée à 7 000 GWh en 2018 devrait atteindre 11 000 GWh d’ici 2030, soit un TCAC de 4%. Si cette demande croissante n’est pas satisfaite par une augmentation de l’offre et par des améliorations de l’infrastructure électrique, elle entraînera une nouvelle détérioration du service de l’électricité. À Kinshasa, bien qu’environ 60% de la population ait accès à l’électricité, la qualité et la fiabilité du service sont médiocres. Ceci s’explique principalement par la saturation du réseau de distribution à Kinshasa et par les limites de capacité des centrales Inga 1 et 2. La puissance injectée dans le réseau est actuellement limitée à environ 500 MW, alors que la demande de pointe est estimée à 1000 MW.9 Pour combler ce déficit, la SNEL10 applique un programme de délestage quotidien et déclenche les équipements en surcharge (Figure 3). En avril 2018, le rapport d’activité mensuel de la SNEL signalait 3 130 interruptions sur le réseau de distribution de Kinshasa ayant entraîné des coupures de courant chez les clients. Les deux tiers de ces pannes étaient dus aux délestages, la seconde cause étant la surcharge du système. De plus, un délestage préventif est effectué sur une vingtaine de lignes lorsqu’il pleut afin de réduire les risques électriques. La piètre qualité de l’électricité et les coupures de courant fréquentes entraînent des problèmes importants pour les industries et les services dépendants de l’électricité. Une entreprise sur deux désigne l’électricité comme un frein majeur à la croissance et près de neuf sur dix subissent des pannes. De plus, 60% des entreprises possèdent un générateur en raison de l’absence de fiabilité de l’électricité, contre une moyenne de 43% dans le reste de l’Afrique subsaharienne. La plupart des entreprises, de même que les consommateurs résidentiels à revenus élevés et intermédiaires, doivent investir dans des générateurs de secours coûteux, généralement alimentés à l’essence ou au diesel, ce qui engendre des coûts supplémentaires importants pour les entreprises. Des pannes de courant fréquentes et prolongées peuvent entraîner des pertes économiques conséquentes et nuire aux délais de livraison et au développement des activités dans l’industrie. Elles peuvent également dissuader les entrepreneurs de se lancer dans des activités industrielles11. 9 Plan général d’aménagement de la ville-province de Kinshasa - Horizon 2016 - 2030 (juin 2016). 10 La SNEL est une entreprise publique régie par la loi #78/002 du 6 janvier 1978 est devenue une société par Actions à Responsabilité Limitée (SARL) en 2009. En 2014, elle est devenue une Société Anonyme (SA) avec l'Etat congolais comme actionnaire unique 11 Hafner et coll., 2018. 12 1. La rareté des données et le caractère imprévisible de la demande en électricité rendent difficile la planification du secteur 1.3. LA PLANIFICATION DANS UN CONTEXTE DE PROFONDE INCERTITUDE La RDC manque d’informations sur tous les aspects de la demande en électricité, ce qui aggrave les difficultés de planification. La seule taille de la RDC et les problèmes d’accessibilité rendent la collecte des informations compliquée et coûteuse. Le dernier, et unique, recensement de population a été réalisé en 198412. L’insuffisance des données de recensement empêche de bien comprendre les dynamiques de population. Les informations sur la taille de la population, sa répartition et les niveaux de revenu sont inexactes et varient significativement selon les sources. Même la population totale de la RDC varie de plus de 11 millions de personnes d’une source à une autre13. En outre, étant donné que la plupart des secteurs de l’économie fonctionnent de manière informelle, il existe très peu de données sur les usages productifs, le commerce et les revenus potentiels, et donc très peu de données également sur lesquelles fonder des estimations ou des prévisions de la demande. Peu de clients résidentiels de la SNEL sont équipés d’un compteur, leur consommation doit donc être estimée au lieu d’être mesurée. Et en l’absence d’enquête énergétique détaillée sur les ménages, il n’existe pas d’informations sur les dépenses en sources d’énergie alternatives telles que bougies, kérosène et batteries dans les ménages non raccordés. Les mouvements de population imprévisibles et à grande échelle rendent également la prévision de la demande plus difficile. Plus de 4,5 millions de personnes ont été déplacées par les conflits en cours – principalement au Kivu et au Tanganyika à l’est, dans le Kasaï central et plus récemment dans le nord-est de l’Ituri14. La région de Goma connaît la croissance démographique urbaine la plus rapide (croissance moyenne annuelle supérieure à 10% depuis 1984), encouragée par le conflit civil. De nombreuses personnes déplacées se retrouvent dans des bidonvilles urbains où vivent plus de 75% des populations urbaines15, et où il est plus difficile de fournir une électricité sûre et fiable. Dans le secteur industriel, la demande électrique actuelle et future des exploitations minières varie aussi en fonction des fluctuations des marchés des minéraux. Les sites miniers restent majoritairement informels et artisanaux ; le commerce informel des minéraux, de l’or en particulier, le long de la frontière orientale est très répandu16. Dans la partie nord-est du pays, même la taille et la demande en électricité des exploitations minières légales ne sont pas connues. La demande du secteur minier est par nature difficile à prévoir car elle est proportionnelle à la production minière, qui fluctue en fonction des marchés internationaux des minéraux. Pour mieux appréhender la demande en électricité actuelle et future en RDC, un effort concerté des organismes publics et des bailleurs de fonds, sous la direction du ministère de l’Énergie et des Ressources hydrologiques, afin d’améliorer la collecte des données sera nécessaire, de même qu’une approche souple pour tenir compte rapidement de la croissance de la demande. L’enquête SEforALL sur l’accès à l’électricité basé sur un cadre à plusieurs niveaux, en cours de préparation, portera sur les ménages de Kinshasa et Gbadolite afin de mieux cerner le niveau et la qualité du service d’électricité actuellement fourni ainsi que la satisfaction des consommateurs. Des enquêtes restreintes auprès des ménages seront menées dans neuf capitales provinciales, dans le cadre des études de préfaisabilité pour l’électrification de nouvelles capitales provinciales soutenues par la Banque mondiale. D’autres enquêtes seront nécessaires afin d’obtenir une vision plus précise pour soutenir la planification aux niveaux national et régional. Le renforcement de la collaboration entre les autorités locales et centrales dans la collecte des données peut également contribuer à faire progresser la planification au niveau infranational, de même que l’utilisation de données dans un système d’information géographique (SIG). Du côté des fournisseurs d’électricité, cette incertitude relative à la demande doit être intégrée dans la conception des infrastructures et dans la mise en œuvre de programmes axés sur la demande, telles que des mesures d’efficacité énergétique (exigences minimales de performance énergétique –MPE – pour l’éclairage, les principaux appareils ménagers consommateurs d’énergie et les équipements industriels) afin de ralentir la hausse de la demande en électricité. 12 http://ins-rdc.org/?q=content/deuxieme-recensement-general-de-la-population-et-de-l%E2%80%99habitat. 13 En comparant les données 2015 de WorldPop et de l’Annuaire statistique par exemple. 14 https://news.un.org/en/story/2018/03/1004542. 15 WDI, 2014. 16 Banque mondiale, 2018. 13 2 PASSER LA PLANIFICATION DU SECTEUR ÉLECTRIQUE AU NIVEAU RÉGIONAL Job Munduku Kaseya Photo : 2.  PASSER LA PLANIFICATION DU SECTEUR ÉLECTRIQUE AU NIVEAU RÉGIONAL 2.1. DES INFRASTRUCTURES D’APPROVISIONNEMENT VIEILLISSANTES DOMINÉES PAR UN SEUL RÉSEAU PRINCIPAL INTERCONNECTÉ La planification du secteur de l’énergie menée au niveau national a encouragé le développement de grands centres de production dotés d’un seul réseau principal interconnecté (Carte 5). Le réseau de transport de l’électricité de l’ouest-sud, exploité par la SNEL17, dessert la capitale Kinshasa et les principaux centres urbains et miniers des anciennes provinces du Bas Congo et du Katanga. Il est constitué de lignes haute tension totalisant une longueur de 6 937 km (dont 1 827 km à très Haute Tension Courant Continu (THTCC)). Il est interconnecté avec le Congo Brazzaville et la Zambie (avec des capacités de transit respectives de 150 et 500 MW). Il concentre 2 490 MW de capacité de production, soit 90% de la capacité de production du pays. À une autre échelle, un réseau secondaire interconnecté exploité par la SNEL, le réseau de transport de l’est, couvre les provinces du Kivu et est interconnecté avec le Rwanda et le Burundi. Le système électrique de la RDC comprend également quelques réseaux isolés gérés par la SNEL et une demi-douzaine d’opérateurs privés18. Ces réseaux isolés sont développés autour de centrales hydroélectriques, avec des capacités installées allant de 2 à 20 MW19, et des groupes électrogènes – CARTE 5 • État actuel du développement du système électrique de la RDC Source : SNEL, Banque mondiale, auteurs 17 Ce réseau représente environ 97% de son activité (SNEL) 18 Par exemple : Électricité du Congo (Tshikapa), SOCODEE (Goma), VIRUNGA SARL (Rutshuru), Énergie du Nord Kivu (Butembo-Beni), SOKIMO (Bunia), SICOHYDRO (Busanga). 19 Par exemple, l’approvisionnement de Kalemie par Bendera, Kamina par Kilubi, Gbadolite par Mobayi Mbongo, Kisangani par Tshopo et Mbuji Mayi par Tsahala. © 15 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. FIGURE 4 • Puissance hydroélectrique installée de la SNEL 1990–2018 80 4 000 60 3 000 Population (millions) Capacite (MW) 40 2 000 20 1 000 0 0 1960 1967 1974 1981 1988 1995 2002 2009 2016 Population RDC Capacité hydroélectrique installée de la SNEL (MW) (millions) Capacité hydroélectrique disponible de la SNEL (MW) Source : SNEL lorsqu’ils sont opérationnels – de l’ordre de quelques MW comme à Kananga et à Mbandaka. En plus des centrales électriques exploitées par la SNEL, des opérateurs privés exploitent des centrales hydroélectriques et thermiques d’une capacité cumulée d’environ 150 MW, telles que celles de Virunga à Matebe, Hydroforce à Mbuji-Mayi, EDC à Tshikapa, SINELAC à Bukavu ou Randgold à Kibali. Historiquement, l’expansion du réseau de transport de la RDC a toujours été encouragée par le secteur minier et l’urbanisation associée autour de Kolwezi et de Lubumbashi. La partie sud de la dorsale ouest-sud a été développée dans les années 1950 avec la mise en service progressive des installations hydroélectriques de Koni (42 MW), Nzilo (108 MW) et Nseke (260 MW). La partie occidentale du réseau dépendait de la production hydroélectrique de Zongo 1 (75 MW) et d’Inga 1 (351 MW) pour approvisionner Kinshasa et l’ancienne province du Bas Congo. La mise en service de la centrale hydroélectrique Inga 2 (1 424 MW) en 1982, qui représente encore à elle seule plus de 50% de la capacité de production du pays, a été suivie de la construction d’une ligne de transport à courant continu de 500 kV de 1 774 km reliant Inga et Kolwezi, assurant l’interconnexion des réseaux ouest et sud et le transfert d’énergie à Kolwezi pour faire face à la demande minière croissante. La capacité installée de la SNEL n’a pas sensiblement augmenté entre 1990 et 2017 (Figure 4). Aujourd’hui, les installations de production d’énergie de la SNEL consistent en 15 centrales hydroélectriques représentant une capacité installée de 2 579 MW (Tableau 1), 33 centrales thermiques d’une capacité installée de 31 MW et une centrale solaire de 1 MW à Manono (mise en service en mars 2018). La centrale hydroélectrique Zongo 2 a ajouté 150 MW à la puissance installée en 2018, mais sa production est actuellement limitée20. Avant Zongo, la dernière centrale mise en service par la SNEL a été la centrale hydroélectrique Mobayi Mbongo en 1990. Depuis cette date, la population a plus que doublé. De plus, pendant cette période, la détérioration progressive des installations a réduit la production disponible à 1 440 MW21, soit 55% de la capacité installée. Ainsi, depuis 1990, la capacité réelle disponible par habitant a été presque divisée par 5. Les tarifs qui ne couvrent pas les coûts, le faible taux de recouvrement et une mauvaise gestion ont empêché un entretien et des investissements adéquats dans la réhabilitation. De ce fait, aujourd’hui, environ 55% de la capacité de production est disponible en RDC. Alors que les installations hydroélectriques ont un âge moyen de 43 ans, 29 groupes hydroélectriques représentant 49% de la capacité totale installée n’ont jamais été réhabilitées depuis leur mise en service (Figure 5). La SNEL estime le coût de la réhabilitation de ces 29 générateurs entre 20 Dans l’attente de la mise en service prévue en 2020 de la nouvelle ligne de transport de 220 kV Zongo 2-Kinsuka et du poste électrique de Kinsuka situé à Kinshasa, Zongo 2 est raccordé à Zongo 1. Les lignes 70 kV de Zongo 1 ne permettent pas de répartir la capacité de production (225 MW) des deux centrales hydroélectriques. 21 Direction SNEL, mars 2020. 16 2. Passer la planification du secteur électrique au niveau régional TABLEAU 1 • Portefeuille de production hydroélectrique de la SNEL, 2020 Capacité Année Estimation Capacité installée Capacité de la Année de Centrales Financement du coût de disponible Région de Générateurs installée mise la dernière hydroélectriques à rechercher réhabilitation en février centrales (MW) en réhabilitation* (USD M) 2018 (MW) (MW) service G11 58,5 1972 2017 0 G12 58,5 1972 2013 0 G13 58,5 1973 JR X 35 55 OUEST INGA 1 351,0 G14 58,5 1974 2017 58,5 G15 58,5 1974 2016 58,5 G16 58,5 1974 JR X 35 55 G21 178 1981 2017 140 G22 178 1981 2018 145 G23 178 1981 JR 55,0 140 G24 178 1981 JR 83,0 130 OUEST INGA 2 1424,0 G25 178 1981 JR 55,0 140 G26 178 1982 JR 55,0 135 G27 178 1982 2018 0 G28 178 1982 2020 0 G1 13 1955 JR X 37,5 13 G2 13 1955 JR X 37,5 0 OUEST ZONGO 1 75,0 G3 13 1957 JR X 37,5 0 G4 18 1964 JR X 37,5 18 G5 18 1965 JR X 37,5 0 G1 2 1932 2018 0 G2 2 1932 EC 0 G3 2 1946 EC 0 OUEST SANGA 12,0 G4 2 1947 2018 0 G5 2 1948 EC 0 G6 2 1949 2017 0 G1 65 1956 EC 0 G2 65 1956 2015 62,1 SUD NSEKE 260,0 G3 65 1957 2011 62,1 G4 65 1957 2013 62,1 G1 27 1952 JR 30,0 25 G2 27 1953 JR 30,0 25 SUD NZILO 108,0 G3 27 1954 JR 35,0 25 G4 27 1954 JR 30,0 25 (continue en page 18) 17 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. TABLEAU 1 • Portefeuille de production hydroélectrique de la SNEL, 2020 (suite) Capacité Année Estimation Capacité installée Capacité de la Année de Centrales Financement du coût de disponible Région de Générateurs installée mise la dernière hydroélectriques à rechercher réhabilitation en février centrales (MW) en réhabilitation* (USD M) 2018 (MW) (MW) service G1 10,8 1930 EC 0 G2 10,8 1930 EC 0 G3 10,8 1930 EC 0 SUD MWADINGUSHA 67,8 G4 11,8 1938 EC 0 G5 11,8 1939 EC 0 G6 11,8 1954 EC 0 G1 14,04 1951 2015 13 SUD KONI 42,1 G2 14,04 1950 JR 37,5 13 G3 14,04 1950 EC 0 G1 6,3 1958 JR X 17 6 G2 6,3 1959 JR X 17 0 EST RUZIZI 1 29,8 G3 8,6 1972 JR X 17 0 G4 8,6 1972 2011 7 G1 7 1955 2013 0 ISOLÉ TSHOPO 19,7 G2 6,15 1955 JR X 20 6,15 G3 6,5 1975 JR X 20 6,5 G1 3,79 1990 JR 8,4 0 MOBAYI ISOLÉ 11,4 G2 3,79 1990 JR 8,4 3 MBONGO G3 3,79 1989 JR 8,4 0 G1 8,6 1959 EC 0 ISOLÉ BENDERA 17,2 G2 8,6 1959 EC 0 G1 3,6 1954 JR X 8 3 ISOLÉ KILUBI 10,8 G2 3,6 1954 JR X 8 0 G3 3,6 1954 JR X 8 0 G1 1,1 1932 JR 0 ISOLÉ MPOZO 2,2 G2 1,1 1932 JR 0 Sub TOTAL 2429 2429 808,2 1431,95 G1 50 2018 OUEST ZONGO 2 150,0 G2 50 2018 G3 50 2018 TOTAL 2579 2579 *JR: Jamais réhabilité / EC: En cours Source : SNEL 18 2. Passer la planification du secteur électrique au niveau régional FIGURE 5 • État des centrales hydroélectriques 800 millions USD et un milliard USD. Elle a déjà identifié des sources de la SNEL, 2020 de financement pour 600 millions USD. La SNEL a également indiqué qu’en mars 2020, seuls 46% des générateurs thermiques de 31 MW répartis sur le territoire, soit 14 MW, étaient disponibles Capacité (Tableau 1). Au-delà du manque d’entretien, l’indisponibilité hydroélectrique en cours de s’explique aussi par les difficultés d’approvisionnement en réhabilitation combustible et en pétrole et par les pillages qui ont accompagné 22% l’instabilité politique durant les guerres et les derniers conflits localisés des vingt dernières années. Capacité hydroélectrique Une campagne de réhabilitation lancée en 2010 visait d’abord Capacité jamais à entretenir puis à améliorer une douzaine de générateurs hydroélectrique réhabilitée de centrales hydroélectriques. Ces générateurs étaient situés réhabilitée 49% dans les centrales de Ruzizi (1x 8,6 MW), de Nseke (3 x 65 MW), 29% de Tshopo (1 x 7 MW), de Koni (1 x 14 MW) et plus récemment d’Inga 1 (4 x 58,5 MW) et d’Inga 2 (2 x 178 MW). Le projet PMEDE22 financé par la Banque mondiale a été l’une des principales campagnes de réhabilitation à avoir notamment financé la réhabilitation des unités d’Inga 1 et 2 (415 MW réhabilités, soit 23% de la capacité totale installée), ainsi que la construction du deuxième canal d’approvisionnement (+390 MW de capacité totale disponible des installations). Au total, la production Source : SNEL moyenne d’électricité disponible est passée de 1 010 MW à 1 078 MW, soit une augmentation de 7% entre 2016 et 2017. Cela s’est immédiatement traduit par une augmentation de 0,6 TWh de la production d’énergie électrique. Le réseau de transport a également bénéficié de réhabilitations. La ligne THTCC Inga-Kolwezi a été renforcée pour accroitre sa puissance de transit de 500 à 1000 MW vers le réseau de transport du Sud grâce à des financements obtenus par SNEL auprès des partenaires multilatéraux et privés (essentiellement miniers). Une deuxième ligne FIGURE 6 • Comparaison des réseaux ouest-sud, est et des réseaux isolés, 2018 100% 95% 92% 92% 90% 80% 75% 70% 60% 52% 50% 50% 45% 40% 30% 24% 20% 10% 1% 4% 4% 4% 0% Répartition régionale de la Répartition régionale de la % des générateurs Hydro % des clients de la SNEL capacité thermique et capacité de génération jamais réhabilités hydroélectrique installée disponible (%) (%) Réseau ouest et sud (T&D)* Réseau est (T&D) Réseaux isolés (T&D)** Source : SNEL – mai 2018 (* sans Zongo 2/** avec 28 MW d’unités thermiques) 22 Projet de développement des marchés de l’électricité régionaux et nationaux. 19 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. FIGURE 7 • Estimation des pertes globales sur le réseau électrique de la SNEL Moins de la moitié de l'énergie produite est valorisée Pertes 36% Énergie produite Non perçus 100% Énergie 25% distribuée et facturée Factures perçues Énergie 64% valorisée 75% 42% Source : SNEL, auteurs (400kV – exploitée en 220 kV en première phase) Inga-Kinshasa a été construite et mise en service en 2016 pour amener plus de puissance à Kinshasa (1000 MW). Les réseaux isolés de la SNEL se dégradent également progressivement et courent maintenant un risque important d’effondrement en l’absence d’une réhabilitation urgente de la production et des réseaux. 92% des générateurs hydroélectriques raccordés aux réseaux isolés de la SNEL n’ont jamais été réhabilités depuis leur mise en service (Figure 6). Lors d’une enquête menée par la Banque mondiale en février 2018, plusieurs exploitants locaux de centrales hydroélectriques de la SNEL ont exprimé leur inquiétude devant le niveau élevé de dégradation de leurs installations, en particulier pour les centrales isolées de Bendera, Kilubi et Mobayi Mbongo23, avec des productions disponibles moyennes respectives de 26,6%, 22,9% et 8,6% des capacités installées. Les systèmes isolés qui ne représentent que 4% de la capacité totale installée, 7% de la longueur totale des lignes de distribution et alimentent environ 4% des clients de la SNEL sont néanmoins les seules sources d’accès à l’électricité dans plusieurs provinces. Les réseaux de distribution sont également anciens et ont besoin d’être réhabilités. En l’absence de programmes d’entretien ou de travaux de réhabilitation à court terme, ils risquent de s’effondrer. Les opérateurs locaux ont constaté que la plupart des réseaux avaient été installés lors de la construction des centrales qui les alimentaient et étaient dans un état de vétusté, en particulier les réseaux de distribution des provinces du Kasaï central, du Kasaï oriental, de l’Équateur et du Bandundu. Cela provoque des pannes fréquentes de l’équipement et détériore la qualité de l’approvisionnement. Le manque de fonds pour l’entretien, le vol de câbles et les actes de vandalisme continuent d’aggraver la situation. Le système électrique de la RDC est également affecté par des pertes techniques et non techniques. Les pertes techniques et non techniques représentaient 36% de la production totale en 2016. Les premières sont dues principalement à la vétusté de certains équipements tels que les transformateurs et les lignes, à la façon dont certains équipements (comme le réseau de distribution de Kinshasa) sont exploités et à l’augmentation des charges (Figure 7), tandis que 23 La centrale hydroélectrique de Mobayi-Mbongo a été complètement arrêtée depuis le 1er novembre 2018. La dernière unité de production (une sur trois) qui fonctionnait est tombée en panne. À ce jour, il n’y a plus de production à la centrale hydroélectrique de Mobayi-Mbongo. 20 2. Passer la planification du secteur électrique au niveau régional les autres sont dues à la fraude et à la non-facturation de la consommation. En outre, la SNEL n'a pas réussi à recouvrer 25% de la valeur facturée. 8% des factures non recouvrées concernaient des clients privés haute et moyenne tension, 55% des clients privés basse tension, et le reste du non-recouvrement provenant de l’Etat (bâtiments publics, ministères, etc.) et les entreprises paraétatiques. Globalement, moins de la moitié de l’énergie produite est monétisée (Figure 7). 2.2. LA PLANIFICATION CENTRALISÉE DE L’ÉLECTRIFICATION N’A PAS PERMIS D’AMÉLIORER L’ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ POUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE ET DE LA POPULATION La capacité institutionnelle limitée n’a pas permis de concevoir un plan national d’électrification, qui est pourtant une condition préalable à la mise en œuvre efficace de tout programme. La dernière note d’orientation sur le développement du secteur remonte à 2009. L’adhésion de la RDC à l’initiative Énergie durable pour tous en 2012 n’a pas produit l’accélération attendue de l’électrification. La faible gouvernance du secteur, le manque de planification, le cadre institutionnel insuffisant et le manque d’engagement du gouvernement ont entraîné l’un des plus importants déficits d’accès à l’électricité du monde et de fortes disparités géographiques. Avec 65 millions de personnes sans accès à l’électricité en 2016, la RDC accueille la troisième plus importante population au monde sans accès à l’électricité, après l’Inde et l’Éthiopie24. La dernière enquête disponible sur les ménages réalisée en RDC (EDS 2013–14) a révélé que 14% de sa population avait accès à l’électricité, avec d’importantes disparités géographiques allant de 42% dans les zones CARTE 6 • Proportion des personnes ayant accès à l’électricité en RDC Source : EDS 2013–2014 24 Banque mondiale, Rapport de suivi 2018 sur l’ODD7 21 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. FIGURE 8 • Proportion des personnes ayant accès à l’électricité par quintile de bien-être des ménages (2012) 56% 60% 50% Part des ménages (%) 40% 35% 36% 32% 26% 30% 20% 14% 11% 10% 4% 1% 2% 0% Quintile inférieur Second quintile Quintile médian Quatrième quintile Quintile supérieur Quintile de bien-être des ménages Part des ménages avec l'électricité en RDC (%) Ménages avec l'électricité, moyenne des 20 pays ayant le plus grand déficit d'accès (%) Source : Global Micro Database, Banque mondiale, dernière année disponible (2012) urbaines à 0,4% dans les zones rurales (Carte 6). De grandes disparités existent également entre les villes. Si environ 60% de la population de Kinshasa dispose d’un accès à l’électricité, plusieurs villes de plus de 800 000 habitants, telles que Kananga et Mbuji-Maye, affichent un accès inférieur à 10%. En 2017, environ 10% de la population était raccordée au réseau électrique, avec d’importantes disparités régionales qui reflète en partie des contraintes d’approvisionnement et en partie des disparités économiques. Alors que l’accès à l’électricité du réseau résidentiel dans l’Ouest est estimé à 30%, il est plus proche de 10% dans le Sud, de 5% à l’Est et de 3% dans le Nord-Ouest25. Cela a également entraîné un niveau d’électrification très inégal avec l’un des écarts les plus importants au monde en termes de taux d’accès par niveau de revenu. En RDC, plus que dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne présentant un large déficit d’accès, le taux d’électrification augmente parallèlement à l’accroissement du bien-être global des ménages (Figure 8). Les populations les plus vulnérables doivent pouvoir accéder à l’électricité à un tarif abordable, que ce soit via des raccordements au réseau ou des systèmes isolés, et ceci est un défi politique clé qui doit être relevé dans le plan de développement du secteur électrique. Trois régions présentant des caractéristiques d’offre et de demande spécifiques se détachent et justifient une planification régionale différenciée : i) l’axe Sud-ouest, caractérisé par un système d’approvisionnement solide et une demande élevée ; ii) la région Est avec un système d’approvisionnement faible/sous-développé et une demande élevée ; iii) la région Centre-nord avec un système d’approvisionnement faible et une demande relativement plus faible. La loi sur la décentralisation a transféré de facto la fonction de planification au niveau infranational concerné (provinces et ETD26). Ni la SNEL ni une quelconque autorité centrale ne disposent actuellement de la capacité technique suffisante pour améliorer la fourniture de services d’électricité grâce à une planification de qualité homogène sur l’ensemble du territoire de la RDC. Chaque autorité provinciale a une meilleure compréhension de la diversité des richesses naturelles et des caractéristiques économiques et sociales de sa population. Une implication plus forte des autorités locales dans la planification centralisée du secteur de l’électricité permettrait de mieux prendre en compte les spécificités locales et de l’aligner sur la planification spatiale et urbaine au niveau provincial. Cependant, la planification au niveau sous-national comporte divers défis. À l’heure actuelle, les provinces ne disposent ni de la capacité institutionnelle et financière, ni de la capacité technique nécessaires pour assumer pleinement ce rôle. La coordination entre les autorités nationales et locales est essentielle mais doit aller de pair avec l’attribution d’un financement27. 25 EDS 2013-2014 26 Entité territoriale décentralisée. 27 Banque mondiale, 2018. 22 3 PARAMÈTRES D’UN EXERCICE DE PLANIFICATION À MOINDRE COÛT DANS UN Juliette Besnard ENVIRONNEMENT CONTRAINT Photo : 3.  PARAMÈTRES D’UN EXERCICE DE PLANIFICATION À MOINDRE COÛT DANS UN ENVIRONNEMENT CONTRAINT Ce chapitre examine les opportunités et les contraintes de l’évolution du secteur de l’électricité en RDC. Si la planification identifie les options d’approvisionnement à moindre coût en tenant compte de la demande, de l’offre existante, des dernières évolutions du marché et des ressources disponibles, elle devrait également reconnaître que, dans le climat de fragilité et de grande incertitude de la RDC, il est nécessaire de prendre plusieurs paramètres supplémentaires en compte pour la planification du secteur de l’électricité. 3.1. D’ABONDANTES RESSOURCES EN ÉNERGIES RENOUVELABLES SITUÉES À PROXIMITÉ DES FOYERS DE DEMANDE POTENTIELS La RDC dispose d’abondantes ressources hydroélectriques réparties sur le territoire. Une partie de ce potentiel se situe à proximité des industries extractives et des centres de population (Carte 7). Le potentiel technique hydrologique de la RDC est estimé à environ 100 GW, dont 70 GW ont déjà été spécifiquement localisés. La majeure partie de ce potentiel (64 GW) est concentrée dans la province du Bas-Congo. CARTE 7 • Ressources hydroélectriques de la RDC 70 MW Sites hydroélectriques potentiels 3000 MW Rivières Etendues d’eau Villes principales MW Potentiel hydroélectrique 300 MW 100 MW 75 MW 1050 MW 100 MW Inga : 44 000 MW Autres sites: 20 1600 MW 000 MW 210 MW Source : Resource Matters, SNEL, étude du développement du site hydroélectrique d’Inga et des interconnexions électriques associées — Rapport d’étude de préfaisabilité — volume 2 — AECOM et EDF — avril 2012 © 25 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. La RDC dispose de ressources hydroélectriques uniques qui ont le potentiel de fournir un important volume d’énergie renouvelable flexible et compétitive. Toutefois, leur développement a été limité jusqu’à présent et extrêmement lent. Selon un rapport récent de l’Agence internationale des énergies renouvelables28, l’énergie hydroélectrique reste la source d’électricité la moins chère au monde à 5 cts USD/kWh. En outre, l’énergie hydroélectrique présente l’avantage d’être flexible et de permettre le stockage d’énergie à grande échelle dans des réservoirs. En RDC, Inga est au cœur du potentiel hydroélectrique du pays. Les efforts déployés pour développer la production au cours des 8 dernières années ont donc principalement porté sur ce site. Ce choix s’appuyait sur le fait que : (i) le coût moyen actualisé de l’énergie pour les grands projets de développement d’Inga devait être de l’ordre de 2 cts USD/kWh (voir l’encadré ci-dessous), (ii) Inga dispose du potentiel à satisfaire ENCADRÉ 1 • INGA 3 : UN GRAND PROJET D’INFRASTRUCTURE COMPLEXE DANS UN CONTEXTE DE FRAGILITÉ ET DE FAIBLE CAPACITÉ Premières étapes du développement du site d’Inga, les projets Inga 1 et 2, qui constituent aujourd’hui encore la principale source de production d’électricité en RDC., ont respectivement été mis en service en 1974 et 1982, avec une capacité installée de 350 et 1 400 MW. Depuis, de nombreuses études ont cherché à savoir comment exploiter davantage l’important potentiel de Grand Inga (44 000 MW). L’étude la plus récente, réalisée par AECOM et EDF en 2012, propose un développement progressif du site avec le développement initial d’Inga 3 «basse chute» (BC) d’une capacité installée de 4 800 MW à un coût moyen actualisé de l’énergie initialement estimé à 2 cts USD/kWh, sur la base des dépenses d’investissement européennes pour des projets similaires, auxquelles s’ajoute une réserve pour imprévu physique de 20%. Cette estimation n’incluait pas les risques spécifiques liés à la situation de fragilité du pays qui auraient augmenté le coût estimé, ni le coût du transport vers les utilisateurs finaux de l’électricité. Le faible coût moyen actualisé estimé d’Inga 3 résulte également du fort potentiel hydrologique de ce site qui pourrait potentiellement fournir un facteur de capacité bien plus élevé que les autres centrales hydroélectriques, puisque la centrale serait toujours plus petite que le volume réel d’énergie exploitable. Sur cette base, et dans l’hypothèse d’un achat ferme de 2 500 MW par un client sud-africain, les offres pour la construction de la centrale de Inga 3 ont été mises à jour et soumises aux trois consortiums précédemment préqualifiés. En juin 2017, les deux consortiums restants, dirigés par ACS (Espagne) et China Three Gorges Corporation (CTGC), ont été invités à soumettre une proposition conjointe. Ils ont signé un accord de développement exclusif avec le gouvernement de la RDC en octobre 2018. Toutefois, peu de progrès ont été accomplis à ce jour, car les besoins de l’Afrique du Sud pour de telles importations sont moins pressants et des questions subsistent quant au volume et au calendrier de ce développement. Le coût de l’électricité d’Inga 3 pour les utilisateurs finaux dépendra du coût de financement de la centrale hydroélectrique et des dispositions prises en matière de partage des risques entre le promoteur, les intermédiaires financiers et le gouvernement de la RDC. Le coût final dépassera le chiffre indiqué ci-dessus. En s’appuyant sur les leçons tirées du passé et compte tenu des importants besoins en électricité non satisfaits de la RDC, la relance du développement d’Inga 3 devrait prendre en compte de manière plus explicite les conséquences d’une situation de fragilité dans l’analyse économique de la centrale hydroélectrique29. Inga 3 devrait également être conçue de sorte à satisfaire avant tout les besoins urgents en électricité de la RDC, et pas seulement comme un projet visant à générer des revenus à l’exportation qui se traduirait par un plus grand nombre de risques à atténuer, dont les problèmes de gouvernance liés à la gestion des revenus. Dans cette optique, il est possible que le projet Inga 3 soit lancé avec une capacité initialement plus petite que les volumes anticipés en 2012, ce qui n’empêchera en rien de préserver la possibilité d’étendre cette capacité dans le futur. Quoiqu’il en soit, avant de pouvoir poser la première pierre de la future centrale de Inga 3, des offres fermes d’achat de l’électricité qui y sera produite devront avoir été mobilisées. Enfin, Inga 3 devra également être intégrée à une planification à moindre coût plus large du secteur de l’électricité pour chacune des trois régions de la RDC. Cette planification tiendra compte de la nécessité de non seulement minimiser les coûts de production de l’électricité, mais également de développer le transport d’électricité. 28 Coûts de production de l’électricité d’origine renouvelable, 2017 29 Voir l’exemple du Soudan du Sud dans l’encadré 3. 26 3. Paramètres d’un exercice de planification à moindre coût dans un environnement contraint une partie de la demande d’électricité de la RDC, et (iii) le site pourrait offrir des opportunités importantes de génération de revenus de l’exportation d’électricité. Malheureusement, la priorité donnée à l’expansion de la centrale d’Inga a eu tendance à retarder le développement d’autres sites hydroélectriques, en particulier celui des sites de moindre capacite. Il est indispensable de se concentrer davantage sur le développement de centrales hydroélectriques de petites et moyennes capacités plus proches de la demande en électricité. Outre le développement de nouveaux sites hydroélectriques, la réhabilitation de l’hydroélectricité existante est l’option à moindre coût (estimée de l’ordre de 2,5 cts/kWh), avec des impacts environnementaux et sociaux potentiellement moindres et une durée de développement de projet plus courte que pour des centrales pas encore construites. Les sites hydroélectriques existants et leur potentiel de réhabilitation sont décrits au chapitre 2. Les trois régions de la RDC abritent de vastes étendues de terres dotées de ressources solaires de haute qualité. Le plus grand potentiel se situe là où la demande non satisfaite est la plus élevée le long de la frontière orientale et dans la moitié orientale de la région Sud-Ouest (Carte 8). On trouve trois catégories de ressources solaires de qualité en RDC : (i) rayonnement moyen (entre 1 810 et 1 830 kWh/m2) à Goma, Kinshasa et Kisangani, dont la qualité équivaut à celles du nord du Maroc et de l’Inde orientale, (ii) bon rayonnement (entre 1 860 et 1 900 kWh/m2) à Bandundu ou Kikwit, et (iii) rayonnement exceptionnel à Kolwezi ou Lubumbashi (plus de 2 000 kWh/m2), ce qui équivaut aux meilleures ressources au monde comme dans le sud de l’Espagne ou en Arizona (États-Unis). Avec la réduction rapide du coût des modules et des batteries solaires et une vitesse de déploiement plus soutenue que pour d’autres formes de production d’électricité, l’énergie solaire à grande échelle (raccordée au réseau ou via des réseaux isolés) est appelée à devenir compétitive en RDC, ce qui se traduit par une CARTE 8 • Potentiel de l’électricité photovoltaïque (GHI, kWh/m2) Source : Solargis 27 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. TABLEAU 2 • Modèle financier pour une capacité solaire photovoltaïque installée de 20 MWc Villes Tarif année 1 Tarif avec des Total des avec GHI Facteur E&E (moyen Situation ressources CAPEX augmentation (kWh/m2 de Stockage (milliers actualisé) géographique solaires (milliers fixe de 2%/ par an) capacité USD/MW) (cts de qualité USD/MW) an en cts USD/kWh) similaire USD/kWh Faible Kindu 1 779 Yaoundé 16% Non 1 155 32 15,3 16 rayonnement Goma/ 1 838 Rabat 16% Non 1 155 32 13,5 14 Mbandaka Rayonnement moyen Kinshasa 1 819 Tanger 17% Non 1 365 32 13.4 14 Kisangani 1 810 Accra 16% Non 1 365 32 13.4 14 Rayonnement Bandundu 1 867 Casablanca 17% Non 1 365 32 13 13,5 fort Isiro 1 933 Nairobi 17% Non 1 155 32 12,5 13 Lubumbashi— 2 149 Niamey 20% Non 1 365 32 11,1 11,6 Très fort sans stockage rayonnement Lubumbashi— Oui 2 149 Niamey 20% 1 475 32 12,2 12,7 avec stockage (7 MWh) Source Banque mondiale augmentation rapide de la capacité de production, en particulier dans l’sud-ouest du pays où la ressource est la plus importante. Aux coûts d’équipement actuels, des calculs sommaires donnent des estimations de prix inférieures au diesel, mais pas aussi faibles toutefois que l’hydroélectricité (Tableau 2). Selon un modèle financier simple, les tarifs moyens actualisés pour une centrale solaire photovoltaïque de 20 MWc vont de 11,1 cts USD/kWh (12,2 cts USD/kWh avec stockage) à Lubumbashi, où les ressources solaires sont optimales, à 15,5 cts USD/kWh à Kindu, où elles sont les plus faibles. Toutefois, pour parvenir à un faible coût moyen actualisé de l’électricité solaire photovoltaïque raccordée au réseau en RDC, il est nécessaire de combiner plusieurs facteurs, notamment le niveau de rayonnement, le niveau des CAPEX (contrats d’ingénierie, d’approvisionnement et de construction, lignes de transport, coûts de développement, terrains), le coût du capital (dette et capitaux propres des investisseurs), la durée du contrat d’achat d’électricité et l’existence d’incitations fiscales. Les investisseurs examineront en particulier les risques liés au pays (par exemple la sécurité, le climat d’investissement, la protection des investisseurs), la répartition des risques entre le gouvernement et le producteur d’électricité indépendant, la question de la liquidité potentielle de l’intermédiaire financier (c’est-à-dire la viabilité financière et la solvabilité de l’intermédiaire financier) et le temps et l’argent investis par le producteur d’énergie indépendant dans le développement. Dans le contexte de la RDC, il pourrait s’avérer difficile de trouver des producteurs d’énergie indépendants aux niveaux national et international. L’accès à des financements et à des garanties concessionnelles assortis de mesures clés pour améliorer l’environnement des affaires est nécessaire pour attirer les investissements dans le secteur. Le secteur minier, qui produit actuellement de l’électricité à l’aide de groupes électrogènes au diesel, pourrait être un partenaire intéressant pour les centrales solaires. Le secteur minier est déjà implanté dans le pays et connaît le risque pays. De plus, les compagnies minières ont besoin d’énergie et paient actuellement le diesel beaucoup plus cher. Contrairement aux termes des accords en vigueur entre la SNEL et les mines, tout accord devrait toutefois examiner de près l’équilibre des risques, la structure de la dette et le paiement des coûts de développement par les acteurs impliqués. 28 3. Paramètres d’un exercice de planification à moindre coût dans un environnement contraint Cette note reconnaît l’importance de la biomasse comme principale source d’énergie primaire en RDC, mais considère que ses limites sont trop importantes pour constituer une réponse significative au défi de l’accès à l’électricité. La RDC dispose d’importantes ressources de biomasse qui sont menacées par la déforestation. L’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que les forêts tropicales couvrent 67% de la superficie du pays. Les deux tiers sont constitués de forêts primaires qu’il est nécessaire de préserver, car elles comptent parmi les habitats abritant l’une des biodiversités les plus riches de la planète. En RDC, la biomasse traditionnelle est incontournable pour les besoins de cuisson des aliments de la population. La RDC dispose d’un solide potentiel pour la production d’énergie moderne à partir de déchets forestiers et agricoles et de méthane, mais aucune étude exhaustive systématique n’existe à ce jour. L’initiative SEforAll et la Banque Africaine de Développement (2017) n’ont identifié que trois projets de biomasse : la SNV pilote une coopérative de mini-réseau à Gemena, alimenté par quatre petits moteurs diesel fonctionnant à l’huile de palme et fournissant de l’électricité à 72 ménages (430 utilisateurs); la Compagnie des cultures de Binga-CCB exploite une centrale à biomasse alimentée par des sous-produits de l’huile de palme dans la ville de Binga; et, enfin, la Sucrerie Kwilu- Ngongo exploite une centrale à biomasse d’une capacité de 9 MW alimentée par de la bagasse à sucre dans la ville de Kwilu-Ngongo. Les contraintes liées à l’identification des ressources en biomasse pouvant être mobilisées à grande échelle et avec un approvisionnement suffisamment stable limitent le potentiel d’un développement proportionnel aux larges besoins en électricité. 3.2. LA RARETÉ DES INFRASTRUCTURES, LA FRAGILITÉ ET LA FAIBLE GOUVERNANCE PEUVENT FAVORISER DES SOLUTIONS D’APPROVISIONNEMENT QUI NE SONT PAS TOUJOURS À MOINDRE COÛT Malgré l’abondance des ressources en énergies renouvelables, l’absence d’infrastructures de transport nécessaires pour soutenir un projet d’infrastructure à grande échelle augmente considérablement les coûts du projet. Les infrastructures de transport en RDC sont en très mauvais état. La densité des infrastructures routières est parmi les plus faibles au monde, avec 1 km de routes revêtues par 1 000 km2 de terres, soit 16 fois moins que la moyenne des pays à faible revenu30 (Carte 9). La RDC possède un réseau de routes revêtues dont la taille est à peu près identique à celui du Luxembourg, pour une superficie mille fois supérieure. Le coût du transport fluvial sur le fleuve Congo — environ 5 centimes par tonne-km — représente seulement le tiers du coût du transport routier (Foster et Benitez, 2011), mais ce mode de transport des marchandises permettrait uniquement de gérer la logistique de sites potentiels sur les fleuves Congo et Kasaï. En outre, les très faibles niveaux de gouvernance ajoutent une couche de risque au développement des infrastructures et devraient être pris en compte au moment de choisir le type d’investissement à réaliser. Malgré les efforts visant à renforcer les institutions nationales et certaines améliorations, la qualité de la gouvernance telle que mesurée par les indicateurs de gouvernance dans le monde (IGM) de la Banque en RDC est très faible par rapport à la moyenne régionale. La RDC figure parmi les 10 centiles inférieurs pour les six principales dimensions de la gouvernance (Figure 9). De même, le rapport Doing Business pour 2017 classait la RDC au 182e rang sur 190 pays participants. Les faiblesses de la gouvernance continuent de nuire au climat des affaires et entravent le développement du secteur privé et la capacité du pays à attirer les investisseurs. Les grands projets d’infrastructures complexes sont particulièrement exposés à ces problèmes de gouvernance. 30 Damania et coll. (2015) 29 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. CARTE 9 • Coût du transport par kilomètre jusqu’au marché le plus proche (USD par tonne) Source : Damania (2015) FIGURE 9 • Indicateurs de gouvernance : moyenne de la RDC par rapport à l’Afrique subsaharienne (rang centile — 0 à 100) 40 35 30 25 20 15 10 5 0 République démocratique du Congo Afrique subsaharienne République démocratique du Congo Afrique subsaharienne République démocratique du Congo Afrique subsaharienne République démocratique du Congo Afrique subsaharienne République démocratique du Congo Afrique subsaharienne République démocratique du Congo Afrique subsaharienne Voix et Efficacité Qualité de la Lutte contre la Redevabilité Stabilité politique gouvernementale réglementation Etat de droit corruption 1996 2000 2006 2010 2016 Source : Banque mondiale, 2018 30 3. Paramètres d’un exercice de planification à moindre coût dans un environnement contraint CARTE 10 • Situation géographique des conflits entre 1997 et 2018 Source : ACLED, auteurs Bien que la planification traditionnelle tende à privilégier les «solutions efficaces à grande échelle», comme les infrastructures centralisées à grande échelle, il est également important pour la RDC d’inclure les risques liés aux problèmes de sécurité présents dans tout le pays, mais tout particulièrement à la frontière orientale (Carte 10). Les risques de dégradations, de destructions, de retards ou même d’annulations devraient donc être reconnus et intégrés à la planification du secteur de l’électricité pour mieux éclairer le processus décisionnel et favoriser les solutions plus flexibles ou progressives (Bazilian et Chattopadhyay, 2015). 3.3. ADAPTER LA PLANIFICATION DU SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ À UN CONTEXTE DE GRANDE INCERTITUDE Le potentiel énergétique d’une région et la priorisation des solutions d’approvisionnement en électricité doivent être évalués non seulement à l’aune de la demande estimée et de la disponibilité des ressources renouvelables, mais également en fonction des contraintes de développement et de construction attendues, des coûts en capital, des risques de violence et de la complexité logistique. Dans les régions à forte densité de demande et proches des infrastructures de réseau existantes, l’amélioration et l’extension du réseau national sont parfois la solution la plus adaptée. Dans les zones moins peuplées, plus éloignées du réseau, ou dans celles caractérisées par un degré élevé d’incertitude (notamment en matière de sécurité), les réseaux isolés31 et les 31 Un réseau isolé (ou mini-réseau) consiste en un ensemble de générateurs électriques et, potentiellement, de systèmes de stockage d’énergie interconnectés à un réseau de distribution qui approvi- sionne en électricité un groupe de clients localisé et fonctionne indépendamment du réseau de transport national. 31 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. ENCADRÉ 2 • FRAGILITÉ ET CONFLITS EN RDC La fragilité en RDC est souvent associée à des cycles récurrents de conflits violents dans les provinces orientales du pays. Cependant, comme le montrent les tensions politiques actuelles, des facteurs structurels et conjoncturels de fragilité affectent autant l’est que l’ouest du pays : • La fragilité du pays s’explique en grande partie par la nature de son système politique. Celui-ci se caractérise par un « néopatrimonialisme » profondément ancré qui a gommé les frontières entre les sphères publique et privée et profondément affecté la nature des institutions étatiques. Les indispensables réformes nécessaires à la stabilité économique et politique ont été interrompues ou bloquées, car elles auraient pu menacer les intérêts d’acteurs puissants. • L’économie congolaise n’est pas diversifiée et, de ce fait, est vulnérable aux crises externes. À la suite de l’accord de paix de 2002, la croissance économique a repris, encouragée par la relance de l’industrie minière. Entre 2010 et 2015, le taux de croissance moyen s’établissait à 7,7% par an. Cependant, cette performance remarquable n’a pas été utilisée pour diversifier l’économie et très peu d’investissements ont été réalisés dans des secteurs comme les transports, l’énergie ou l’agriculture, ce qui permettrait à l’économie de se départir de sa dépendance à l’industrie extractive, dont les bénéfices sont bien souvent accaparés par l’élite. • Un fort sentiment de frustration et d’impuissance renforce la perception selon laquelle la violence est une stratégie légitime. Depuis les dernières années du règne du Président Mobutu, le tissu social de la RDC s’est peu à peu détérioré et s’est dégradé davantage avec les deux guerres. La faiblesse des secteurs de la sécurité et de la justice et l’impunité qui en résulte ont également alimenté le manque de confiance dans les institutions étatiques et le sentiment que prendre les armes est nécessaire pour protéger sa communauté et résoudre les conflits. Les évolutions récentes, comme les tensions électorales, sont par nature conjoncturelles et n’ont de ce fait apporté aucune réponse aux causes structurelles, plus profondes, de la fragilité. Les provinces orientales restent vulnérables à des groupes armés relativement petits et fragmentés mais nombreux, et à des événements et des affrontements violents et récurrents. À l’heure actuelle, quelque 160 groupes armés sont actifs dans tout le pays. Il s’agit pour la plupart de petits groupes d’autodéfense locaux comptant environ trois cents combattants et qui se servent des griefs locaux pour mobiliser les combattants et accéder aux terres fertiles ou à d’autres ressources. On observe aujourd’hui une polarisation croissante à propos du retard dans l’organisation des élections. Depuis 2016, les tensions croissantes à Kinshasa se sont accompagnées d’une résurgence des conflits infranationaux dans l’ensemble du pays. Les insurgés du Nord et du Sud-Kivu et de la région du Kasaï ont tous exploité la détérioration du climat politique pour justifier leurs actes. Pour le moment, ces dynamiques semblent isolées, mais leur fréquence augmente et fait craindre une instabilité prolongée. Les conséquences humanitaires sont considérables, comme en témoigne le grand nombre de nouvelles personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et de réfugiés. Source : Banque mondiale technologies autonomes hors réseau, telles que les systèmes solaires domestiques, sont souvent plus adaptés (Figure 10). Ces facteurs peuvent agir à la marge pour orienter une solution recommandée en faveur de centrales solaires et de systèmes à énergie décentralisée plutôt que de grands projets hydroélectriques et de longues lignes de transport. Même si la construction d’une grande centrale hydroélectrique peut constituer l’option à moindre coût dans un contexte de certitude, ce pourrait ne plus être le cas si les coûts ajustés en fonction des risques (dont, par exemple, les coûts de financement supplémentaires, les coûts de passation des marchés) étaient pris en compte. Les exigences d’ingénierie structurelle sont moindres pour les installations solaires en comparaison à celles des autres sources d’énergie renouvelable, même si l’on ajoute le stockage. Elles peuvent être construites à proximité des centres urbains de demande, réduisant ainsi les coûts de transport. Elles sont modulaires et peuvent 32 3. Paramètres d’un exercice de planification à moindre coût dans un environnement contraint FIGURE 10 • Solutions d’approvisionnement dans un climat de certitude Coût réel sur le terrain de l’électricité non subventionnée (€/kWh) Extension du réseau national Installations Solaires Domestique et Lampes Solaires ie erg l/bioén « Espace pour mini réseaux » iese Mini-réseaux solaires/d ues Mini-réseaux hydrauliq Grande Taille de la communauté petite Forte Densité de la population faible Proche Distance au réseau electriques existant Eloignéé Facile Complexité du terrain Complexe Importante Importance économie Faible Source : Inensus donc s’adapter à la demande existante, puis être développées à mesure que la demande augmente. En outre, la maintenance de ces centrales solaires est également moins coûteuse et complexe. Cependant, toutes les options viables d’approvisionnement en électricité souffriront d’une culture de la performance dégradée et d’un sous-financement chronique des activités de maintenance en RDC. Bien qu’une planification puisse être mise en œuvre sur la base des informations existantes, le gouvernement et les parties intéressées du secteur devraient s’efforcer de produire davantage d’informations pour mieux estimer la demande. La méthode traditionnelle de planification du secteur de l’électricité est donc inadaptée. La planification du développement des infrastructures ne peut ignorer les risques inhérents aux environnements fragiles et affectés par des conflits. Trois catégories d’incertitude sont identifiées (Bazilian et Chattopadhyay, 2015) : la difficulté à prévoir la demande de charge, comme indiqué au chapitre 1, l’incertitude sur les étapes de développement et de construction des projets (retards, annulation) et incertitude sur le fonctionnement au jour le jour pendant toute la durée de vie de l’investissement (sabotage, attaque)32. Les systèmes centralisés bénéficiant d’économies d’échelle ne seraient pas toujours la solution la plus adaptée. De nouvelles hypothèses sont nécessaires pour mieux refléter l’impact de la fragilité sur la hiérarchisation des investissements. Dans les efforts futurs de planification en RDC, la planification à moindre coût devra tenir compte de l’impact du contexte de fragilité sur plusieurs variables. Ces hypothèses devraient inclure : i) La disponibilité moindre de la dette que dans un contexte non fragile. ii) Un rendement attendu du capital-investissement bien plus élevé que dans un contexte non fragile (avec un coût moyen pondéré du capital (CMPC) de 20 à 25%). 32 Bazilian et Chattopadhyay, (2015) Considering power system planning in fragile and conflict states. 33 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. iii)  La probabilité que les démarrages et les mises en service du projet accusent du retard, en particulier pour les projets plus grands de production d’électricité (> 100 MW). iv) La probabilité que les projets de production d’électricité soient totalement annulés. v) La probabilité que des dommages permanents soient causés par une exploitation et un entretien insuffisants ou par des actes de vandalisme sur les lignes de transport à haute tension associées. L’inclusion des risques associés à la fragilité dans les exercices de planification à moindre coût entraînera probablement plusieurs changements de priorités de développement des infrastructures du secteur par rapport aux efforts précédents en RDC. Ces changements entraîneront probablement : i) Un coût de développement total du système plus élevé que lorsque le facteur de fragilité n’était pas pris en compte; ii) Moins de grandes centrales hydroélectriques (> 100 MW) ; iii) Un mix d’approvisionnement en électricité plus diversifié avec des petites et moyennes centrales, des petites centrales solaires avec stockage et des petites centrales au diesel situées à proximité des charges ; iv) Une réduction des dépenses totales d’investissement dans le transport à haute tension, mais une augmentation des dépenses d’investissement dans la capacité de production; v) Un volume d’énergie non fournie par le réseau plus important, qui justifie de se concentrer davantage sur les solutions hors réseau. En s’appuyant sur les leçons tirées des engagements internationaux passés dans le secteur de l’électricité en RDC, la préparation de grands projets complexes (tels que Inga 3) requiert davantage d’attention et de ressources dédiées pour réduire le nombre d’incertitudes et atténuer les risques inhérents à la mise en œuvre. En outre, des engagements clairs sur les orientations stratégiques du projet devraient être obtenus dès le départ par l’autorité décisionnelle ultime. Les partenaires doivent conserver suffisamment de poids pour assurer la bonne structuration des contrats et le respect des clauses légales, et répondre aux défaillances dans la gestion des projets et des contrats. Au stade de la mise en œuvre, il est essentiel de renforcer les capacités techniques et transactionnelles internes des institutions décisionnelles nationales pour pouvoir superviser efficacement l’appui transactionnel et stratégique complexe fourni par les consultants. Les incitations à une mise en œuvre rapide doivent motiver les fournisseurs de projets. La majeure partie des bénéfices des fournisseurs devraient être conditionnée à la mise en service dans les temps des équipements. Des clauses de sortie et de transparence doivent être incluses aux contrats d’ingénierie du maître d’œuvre de même que les mécanismes d’exécution correspondants pour remédier aux faibles performances et au manque de professionnalisme des fournisseurs contractés. 34 3. Paramètres d’un exercice de planification à moindre coût dans un environnement contraint ENCADRÉ 3 • PLANIFICATION DU SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ DANS LES ÉTATS MARQUÉS PAR LA FRAGILITÉ, LES CONFLITS ET LA VIOLENCE : ÉTUDE DE CAS (D’APRÈS BAZILIAN ET CHATTOPADHYAY, 2015) Les méthodes traditionnelles de planification énergétique sont susceptibles de donner des résultats inadaptés dans les pays fragiles et exposés aux conflits. Les risques de violence et de dégradations, ou de retards importants et d’annulations du développement des infrastructures sont monnaie courante dans ces pays. Dans le cas du Soudan du Sud, Bazilian et Chattopadhyay (2015) ont relevé des différences frappantes en comparant les résultats de deux exercices de planification à moindre coût selon qu’ils tenaient compte ou non de ces facteurs. En juin 2015, le Soudan du Sud ne disposait pas de dorsale de transport et sa capacité de diesel installée était inférieure à 30 MW pour approvisionner des poches de demande dans les villes. Le pays affichait l’un des taux d’électrification les plus faibles au monde (moins de 10%) alors que la demande en électricité à long terme devrait atteindre 2 500 MW d’ici 2045. Un rapport préparé par Hatch (2015) a mis au point un plan traditionnel à long terme de développement de la capacité à moindre coût qui ne tient pas compte des risques associés à la levée de capitaux dans un environnement fragile. Principalement axé sur le développement de plusieurs projets hydroélectriques à relativement grande échelle — dont les centrales hydroélectriques de Shukoli (1 100 MW) et de Bedden (522 MW) —, il nécessiterait un investissement de 5,35 milliards USD dans de nouvelles capacités de production. Outre ces grands projets, le plan d’investissement dans les nouvelles capacités de production prévoit également une nouvelle infrastructure de transport d’un coût de 910 millions USD pour évacuer l’énergie des projets de production proposés. Bazilian et Chattopadhyay (2015) développent un modèle d’augmentation de la production contraint par le transport qui minimise les coûts totaux du système sous réserve qu’un ensemble de contraintes techniques et financières soient respectées. Ils intègrent les coûts de financement de la dette et des capitaux propres et les contraintes pouvant être associées à chacun de manière endogène (par exemple, un plafond de la dette) dans un modèle de planification à moindre coût, en émettant les hypothèses suivantes : Un financement à 60/40 via de la dette/des capitaux propres pour tous les projets de production, à hauteur de 1)  3,21 milliards USD de dette pour soutenir un nouvel investissement total de 5,35 milliards USD sur la période 2015–2045 ; 2) Un rendement des capitaux propres de 25%, reflétant un risque élevé et un coût de la dette de 7% ; et 3) Un plafond d’endettement de 2,4 milliards USD, soit 25% de moins que le niveau sans contrainte. Toutes choses étant égales par ailleurs, le plafond d’endettement augmenterait le coût des projets hydroélectriques à forte intensité de capital par rapport au coût des nouvelles centrales au diesel. 4) Tous les projets hydroélectriques accusent potentiellement du retard au cours de la première année. Il y a 45% de chances que les travaux démarrent dans les temps, 45% de risques que le projet accuse un retard pouvant aller jusqu’à 3 ans et 10% de risques que le projet soit annulé ; 5) Il y a également 10% de risques pour chaque année que tous les grands projets (> 100 MW) et les lignes à 220/400 kV associées soient irréversiblement endommagés. Le tableau ci-dessous compare les résultats du scénario conventionnel à moindre coût au « plan modifié à moindre coût». Les contraintes ont un impact considérable sur les coûts du système, entraînant une augmentation de 1,38 milliard USD, soit 18%, principalement en raison des coûts de production au diesel supplémentaires (+1,07 milliard USD) que ce dernier entraîne. Le scénario incluant le facteur de fragilité ajoute une capacité supplémentaire de 443 MW (soit presque le double de la capacité solaire) par rapport au scénario traditionnel à moindre coût. La variabilité de la production solaire explique la détérioration de la fiabilité du système avec un volume d’énergie non fournie prévu plus important. L’investissement dans les capacités de production est limité par le plafond d’endettement et par l’augmentation du coût du financement (en capitaux propres) qui en résulte. La différence la plus marquée réside dans le mix des nouveaux ajouts de capacité : la capacité des projets hydroélectriques incertains et à forte intensité de capital passe de 1 922 MW dans le scénario à moindre coût à 339 MW dans le plan modifié, et la capacité diesel double presque, principalement dans les zones urbaines. Le solaire augmente également de manière significative. (continue en page 36) 35 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. ENCADRÉ 3 • PLANIFICATION DU SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ DANS LES ÉTATS MARQUÉS PAR LA FRAGILITÉ, LES CONFLITS ET LA VIOLENCE : ÉTUDE DE CAS (D’APRÈS BAZILIAN ET CHATTOPADHYAY, 2015) (Continued) Modifié à moindre coût avec filtre de Paramètre Traditionnel à moindre coût fragilité Coût du système actualisé (2015–2045) 7 592 8 971 en millions USD* Volume attendu d’énergie non fournie 0,76% 1,23% (2015–2045) en% du volume total d’énergie Investissement dans la capacité de 5,35 4,08 production (milliards USD) Hydro (MW) 1 922 339 Nouveau diesel (MW) 1 198 2 354 *Remarque : Cela inclut les coûts en capital annualisés pour tous les nouveaux projets de production, coûts des combustibles et coûts d’énergie non fournie (mais cela n’inclut pas les coûts d’investissement dans le transport). Les graphiques ci-dessous présentent les profils de développement des capacités pour les scénarios à moindre coût (à gauche) et modifié (à droite). Le plan initial de capacité est plus irrégulier, car des grands projets hydroélectriques ont été ajoutés, provoquant des excédents importants suivis d’une faible augmentation de la capacité, alors que le scénario incluant le facteur de fragilité se caractérise par une augmentation de la capacité beaucoup plus progressive au fil des ans. Le solaire et le diesel se complètent, le diesel assurant le rôle de charge de base (et une partie du suivi de charge) et le solaire permettant de limiter l’utilisation de ce carburant coûteux. Étant donné que les mégaprojets hydroélectriques ne sont pas pris en compte dans le scénario incluant le facteur de fragilité, l’extension du réseau de transport à ces projets n’est pas non plus nécessaire, ce qui réduit le montant du capital de 910 millions USD à 376 millions USD. Les auteurs n’ont pas exploré le rôle que pourraient jouer le stockage ou de très petits appareils comme des systèmes solaires domestiques avec batterie. Ainsi, le réseau électrique de l’étude de cas illustrative (partie droite) continue de représenter une part importante de l’approvisionnement, la production d’énergie solaire décentralisée et de diesel augmentant celle du réseau principal. Plan de développement de la capacité à moindre coût 4 000 3 500 Capacité installée (MW) 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 - 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 2031 2032 2033 2034 2035 2036 2037 2038 2039 2040 2041 2042 2043 2044 2045 Existing Diesel Lakki HPP Bedden HPP Shukoli HPP Fula_Rapids HPP GenericHSD_Juba GenericHSD_Malakal GenericHSD_Malakal2 GenericHSD_Yei Solar 36 3. Paramètres d’un exercice de planification à moindre coût dans un environnement contraint ENCADRÉ 3 • PLANIFICATION DU SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ DANS LES ÉTATS MARQUÉS PAR LA FRAGILITÉ, LES CONFLITS ET LA VIOLENCE : ÉTUDE DE CAS (D’APRÈS BAZILIAN ET CHATTOPADHYAY, 2015) (Continued) Plan de capacité tenant compte d’un environnement fragile 4 000 3 500 Capacité installée (MW) 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 - 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 2031 2032 2033 2034 2035 2036 2037 2038 2039 2040 2041 2042 2043 2044 2045 Existing Diesel Lakki HPP Bedden HPP Shukoli HPP Fula_Rapids HPP GenericHSD_Juba GenericHSD_Malakal GenericHSD_Malakal2 GenericHSD_Yei Solar Source : Bazilian et Chattopadhyay, 2015 37 4 VERS UN PLAN DE Iongwa Mashangao and Malango Washikala SYSTÈME ÉLECTRIQUE RÉGIONAL ADAPTÉ À LA FRAGILITÉ Photo : 4.  VERS UN PLAN DE SYSTÈME ÉLECTRIQUE RÉGIONAL ADAPTÉ À LA FRAGILITÉ Ce chapitre traite des difficultés, opportunités et priorités du secteur de l’électricité dans chacune des trois régions identifiées (Sud-Ouest, Est et Centre-Nord). Les propositions exposées dans ce chapitre prennent en compte les spécificités régionales. Dans la région Sud-Ouest, par exemple, où plus de la moitié de la population vit dans la zone de réseau existante et où la densité de la demande est plus élevée, des investissements pourraient être réalisés en vue d’améliorer l’infrastructure du système électrique existant, et étendre l’accès au réseau et la capacité de ce dernier. Dans les régions éloignées des zones très peuplées et du réseau existant, les systèmes autonomes constitueraient une alternative plus viable. Toutefois, dans la région Centre-Nord, la priorité devrait être accordée à des projets de développement de réseaux isolés et de systèmes autonomes compte tenu de la densité de population plus faible et du relief plus accidenté. Même si la région Est possède un grand potentiel de systèmes autonomes, les principaux centres urbains de demande tels que Goma, Butembo et Beni pourraient également bénéficier d’améliorations et de l’extension des réseaux actuels (Tableau 3). TABLEAU 3 • Estimation de l’accès potentiel au réseau existant, aux réseaux isolés et aux systèmes autonomes par région Population vivant dans la Population vivant dans Population éligible aux zone du réseau existant des villes à potentiel de systèmes autonomes [qui Population totale estimée Région [qui pourrait théoriquement réseau isolé33 [qui pourrait pourrait théoriquement (2015) bénéficier d’un accès de théoriquement bénéficier bénéficier d’un accès niveau 5] d’un accès de niveau 5] de niveau 234] Sud-Ouest 40 882 615 52% 6% 42% Est 17 081 462 32% 10% 58% Centre-Nord 23 760 160 0–1% 16% 83% Source : Worldpop, estimations de la Banque mondiale 4.1. RÉGION SUD-OUEST : RENFORCER ET DENSIFIER LA DORSALE INTERCONNECTÉE EXISTANTE ET FAVORISER LES RÉSEAUX ISOLÉS ET LES SYSTÈMES AUTONOMES LORSQUE LES AMÉLIORATIONS DU RÉSEAU NE SONT PAS VIABLES La région Sud-Ouest est la région la plus densément peuplée du pays et environ 20 millions de personnes vivent à moins de 50 km du réseau existant, le nombre le plus élevé parmi toutes les régions35. Sur les 41 millions d’habitants de la région, plus de la moitié vivent dans des zones urbaines36, notamment quatre villes de plus d’un million d’habitants : Kinshasa, Lubumbashi, Mbuji-Mayi et Kananga (Figure 11). 33 Un réseau isolé (ou mini-réseau) est un ensemble de générateurs d’électricité et éventuellement de systèmes de stockage d’énergie interconnectés à un réseau de distribution qui fournit de l’électricité à un groupe de clients localisé et fonctionne indépendamment du réseau de transport national. 34 Les ménages du niveau 2 peuvent disposer de l’électricité au moins 4 heures par jour et de 2 à 3 heures par soir et peuvent alimenter un téléviseur ou un ventilateur (capacité <= 199 W). 35 Worldpop, SNEL 36 Worldpop 2015 © 39 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. FIGURE 11 • Répartition estimée des villes de la région Sud-Ouest, par nombre d’habitants (2017) (la population de la ville est sur l’axe vertical, l’axe horizontal indique le nombre de villes) 100 000 000,00 Kinshasa 10 000 000,00 Lubumbashi, Mbuji- Mayi, Kananga 1 000 000,00 Kolwezi, Likasi, Tshikapa, Kikwit, Matadi, Boma, Mwene- Ditu, Kabinda, Ngandajika, Bandundu, Kamina, Kipushi, Mbanza-Ngungu, Moanda, Tshilenge 100 000,00 10 000,00 1 000,00 1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34 37 40 43 46 49 52 55 58 61 64 67 70 73 76 79 82 85 88 91 94 97 Source : Auteurs, en se basant sur De Saint Moulin, 201037 Compte tenu de la forte densité de la demande et de l’infrastructure du réseau existant, les investissements dans le système électrique de la région Sud-Ouest devraient viser à : i) renforcer et densifier la dorsale interconnectée existante afin d’améliorer la fiabilité et la qualité de service et de répondre à la demande en forte croissance ; ii) favoriser les mini-réseaux et les systèmes autonomes pour lesquels les améliorations et les extensions du réseau sont moins viables sur le plan financier. Renforcer et densifier le réseau interconnecté existant L’infrastructure existante du réseau de transport d’électricité à haute tension (HT) est en bon état et a récemment été étendue. Entre 2012 et 2017, la longueur totale du réseau HT de la SNEL a augmenté de 23%, passant de 5 510 km à 6 771 km. L’axe Kolwezi-Kasumbalesa a été construit et deux lignes supplémentaires entre Inga et Kinshasa permettent de sécuriser l’approvisionnement de Kinshasa en cas de défaillance des lignes existantes. La ligne CCHT Inga-Kolwezi a également été réhabilitée au cours de la même période38 et des travaux sont en cours pour faire passer la capacité de transit de 560 à 1 000 MW. (Carte 11). Malgré les extensions et les améliorations, la demande dépasse toujours l’offre. La demande était estimée à 10 000 GWh en 2017 et devrait atteindre les 28 000 GWh d’ici 2030. Le secteur minier représente une part importante de cette demande, qui devrait atteindre 11 000 GWh d’ici 2030. De plus, de nombreuses infrastructures à moyenne et basse tension à travers le pays sont anciennes et se dégradent. Les réseaux de distribution de villes comme Lubumbashi, Kolwezi et Likasi sont vétustes et mis à rude épreuve en raison de la croissance de la population et de la demande. De plus, les réseaux de moyenne tension (MT) et basse tension (BT) de Kinshasa fonctionnent actuellement en deçà des normes techniques et nécessitent d’importants investissements de modernisation. Par exemple, en avril 2018, 20% de l’équipement MT en service de Kinshasa était surchargé (Tableau 4). Cela a endommagé le matériel et a nécessité un délestage. La situation 37 De Saint Moulin, L. (2010). Villes et organisation de l’espace au Congo (RDC). Cahiers Africains. Afrika Studies. N° 77. Paris : L’Harmattan 38 Réhabilitation financée dans le cadre du projet SAPMP de la Banque mondiale 40 4. Vers un plan de système électrique régional adapté à la fragilité CARTE 11 • Le système électrique actuel de la région Sud-Ouest Source : WorldPop, SNEL, Resource Matters, Banque mondiale TABLEAU 4 • État du réseau de distribution à Kinshasa Équipement Total En service Hors d’usage Inconnu F<80% 80%100% 10 4 0 5 3 2 Transformateurs HT/MT 14 71% 29% 0% 36% 21% 14% 40 4 1 19 12 8 Transformateurs MT/MT 44 91% 9% 2% 43% 27% 18% 41 13 3 24 10 4 Lignes 30 kV 54 76% 24% 6% 44% 19% 7% 65 4 4 49 9 3 Lignes 20 kV 69 94% 6% 6% 71% 13% 4% 211 36 19 92 45 55 Lignes 6,6 kV 247 85% 15% 8% 37% 18% 22% 367 61 27 189 79 72 Total 428 86% 14% 6% 44% 18% 17% Source : SNEL – Rapport mensuel d’activités à Kinshasa (avril 2018) 41 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. est aggravée par la vétusté des installations qui deviennent obsolètes et la dégradation du réseau BT, caractérisée par des câbles pleins de boîtes de dérivation non conformes, de postes dégradés en raison de raccordements frauduleux et du manque d’entretien. Dans les villes qui ont déjà accès au réseau, telles que Kinshasa, Boma, Mbanza-Ngungu et Bandundu, des raccordements électriques à de nouveaux aménagements sont nécessaires pour accroitre l’accès à l’électricité (Tableau 5). Les zones ombragées représentées sur la Carte 12 autour de Kinshasa à l’ouest et de Kolwezi au sud représentent les zones où la densification du réseau pourrait être l’option à moindre coût. Toutefois, pour que la densification du réseau soit la solution à moindre coût et afin de permettre l’élargissement de l’accès dans les zones identifiées, il faudra réhabiliter les capacités actuelles et les capacités de production supplémentaires pour approvisionner les nouveaux raccordements (Tableau 5). Cette augmentation de capacité pourrait être obtenue de plusieurs manières, notamment : • la réhabilitation et l’entretien des installations existantes afin de récupérer la totalité de la capacité installée. Les réhabilitations du dernier groupe d’Inga 1 (G16) et des 3 derniers groupes d’Inga 2 (G24, G25 et G26) sont prioritaires et doivent être achevées et les réhabilitations des centrales de Zongo 1 et de Nzilo doivent être lancées, pour 775 MW au total ; • le développement du réseau de transport pour pouvoir acheminer toute la capacité de Zongo 2 ; • le développement de nouveaux projets à partir d’un plan de production à moindre coût, basé sur des options hydroélectriques ou solaires (en particulier dans le Sud), le long de la dorsale ; et • l’augmentation des importations à court ou moyen terme en provenance des pays voisins pour répondre en particulier à la demande non satisfaite du secteur minier situé dans le Sud-Est. L’Angola a récemment accru sa production et envisage de développer davantage l’énergie solaire et hydraulique dans les années à venir, ce qui devrait permettre au pays d’exporter à moyen terme. La Zambie devrait également mettre en service le projet hydroélectrique de Kafue Lower (750 MW) d’ici 2020–2021, ce qui lui offrira la possibilité d’exporter vers la RDC (en particulier vers les industries du Katanga). Les gouvernements des deux pays ont également décidé d’accélérer conjointement le développement de l’hydroélectricité sur les sites communs de la rivière Luapula (environ 1 000 MW de capacité installée) afin d’approvisionner les activités minières et industrielles. L’interconnexion en développement entre Kolwezi et Solwezi devrait également faciliter ces exportations. En République centrafricaine (RCA), la possibilité de construction d’un nouveau site hydroélectrique sur la rivière Ubangui (207 MW) pourrait permettre d’approvisionner Gemena, Zongo et Libengue (RDC) en plus de Bangui (RCA). Analyser les réseaux isolés et les systèmes autonomes où les améliorations et les extensions du réseau ne sont économiquement pas viables L’attrait économique des mini-réseaux (ou réseaux isoles) nécessite une analyse au cas par cas qui examine l’éloignement, la sécurité, les prévisions de la demande et la capacité de la SNEL à investir et à étendre le réseau. Kananga et Mbuji-Mayi, qui comptent plus de 2 millions d’habitants, ne sont pas raccordées au réseau de transport bien que très proches de la ligne à courant continu de 500 kV qui relie Inga et Kolwezi. Dans ces provinces du Kasaï-Central et du Kasaï-Oriental, une alternative aux mini-réseaux pourrait être la construction d’une troisième station de conversion CC/CA près de Kananga et d’une ligne de transport pour raccorder Mbuji-Mayi. Des études complémentaires devraient permettre d’examiner si une solution de mini-réseau ou le raccordement au réseau interconnecté est l’option à moindre coût (Tableau 6). Selon l’étude d’évaluation des opportunités de marché des mini-réseaux (ADB et SE4All, 2017), les réseaux isolés ont été identifiés comme une solution économiquement faisable dans une quarantaine de petites villes (Tableau 7), représentant environ 2,5 millions d’habitants. Certaines de ces villes disposent d’infrastructures de production et de distribution déjà existantes ou désaffectées et pourraient être candidates à une réhabilitation ou d’une extension (marquées d’un astérisque dans le Tableau 7). En outre, des réseaux 42 4. Vers un plan de système électrique régional adapté à la fragilité TABLEAU 5 • Projets prioritaires d’amélioration de l’électricité à inclure dans la future planification du développement du secteur de l’électricité à moindre coût pour les principaux centres urbains raccordés à la dorsale sud-ouest Raccordée Principales villes au réseau Province Réseau de transport Réseau de distribution Réseau VS réseaux isolés (CL : chef-lieu) sud-ouest (oui/non) • Construction d'un poste élévateur 200kV/400kV à Inga et un poste abaisseur (400kV/200kV) à Kinshasa • Construction des lignes Réhabilitation, densification à 220 kV entre Zongo et extension du réseau de Kinshasa Kinshasa Oui 2 et Kinshasa pour distribution (lignes MT et BT, acheminer toute la postes, transformateurs) capacité de Zongo 2 + Zongo 1 • Réhabilitation et entretien du réseau actuel (lignes, postes HT/HT) Matadi (CL) Oui Réhabilitation, densification Réhabilitation et entretien du Boma Kongo Central Oui et extension des réseaux de réseau existant distribution dans la région Mbanza-Ngungu Oui Une étude devra être menée pour déterminer l’option à moindre coût entre l’extension Moanda Kongo Central Non du réseau de transport ou de distribution de Boma ou le développement d’un réseau isolé. Réhabilitation, densification Réhabilitation et entretien du Bandundu Kwilu Oui et extension des réseaux de réseau existant distribution dans la région Kolwezi (CL) Lualaba Oui Réhabilitation, densification et extension du réseau de Lubumbashi (CL) Haut Katanga Oui distribution (c.-à-d. lignes MT Entretien du réseau existant Likasi Haut Katanga Oui et BT, postes, transformateurs) dans le corridor Kolwezi- Kipushi Haut Katanga Oui Kasumbalesa Raccordement de Kamina au réseau de transport sud- Réhabilitation, densification Kamina (CL) Haut Lomami Non ouest par la construction et extension des réseaux de d’une ligne de 120 kV entre distribution dans la région Kilubi et Kamina Source : Auteurs 43 CARTE 12 • Zones ciblées pour l’extension et la densification du réseau Source : SNEL, ESRI, Resource Matters, Banque mondiale, auteurs TABLEAU 6 • Projets prioritaires pour les grands centres urbains proches de la dorsale sud-ouest Raccordée au Principales villes Réseaux VS Province réseau sud-ouest Réseau de transport Réseau de distribution (CL : chef-lieu) mini-réseaux (oui/non) Kananga (CL) Kasai Central Non Raccordement du Option A : Une étude Kasaï-Central et du devra être menée pour Kasaï-Oriental au réseau déterminer l’option de transport sud-ouest Réhabilitation, à moindre coût entre par la construction densification et la construction d’une d’une troisième station extension des réseaux station de conversion Mbuji-Mayi (CL) Kasai Oriental Non de conversion CC/CA à de distribution dans la CC/CA associée à la Kananga et de nouvelles région construction de lignes lignes de 220 kV couvrant de transport ou le au moins Kananga et développement de Mbuji-Mayi micro-réseaux Mwene-Ditu Kasai Oriental Non Option B : Inclure ces 4 villes dans l’étude, Ngandajika Kasai Oriental Non c’est-à-dire l’extension Tshilenge Kasai Oriental Non du réseau de transport de Mbuji-Mayi ainsi que la construction d’un Kabinda (CL) Lomami Non réseau de distribution dans chaque ville Source : Auteurs 44 4. Vers un plan de système électrique régional adapté à la fragilité TABLEAU 7 • Villes potentiellement candidates à l’établissement de réseaux isolés (nouveaux ou réhabilitation/ extension) dans la région Sud-Ouest Distance du réseau Distance du site de transport Province Ville Population (2015) hydroélectrique le d’électricité le plus plus proche (km) proche (km) Tshikapa* 583 000 9 53 Dekese 4 000 3 288 Kasaï Luiza 21 000 5 104 Kazumba 6 000 5 42 Kahemba 25 000 8 192 Kwango Popokabaka 17 000 16 119 Site hydroélectrique Feshi 10 000 11 129 Kwilu Mangai 59 000 6 144 Inongo 63 000 16 193 Nioki 57 000 0 75 Mai-Ndombe Kutu 51 000 6 110 Kiri 19 000 7 280 Pweto 35 000 307 124 Haut-Katanga Sakania* 14 000 152 68 Mitwaba* 6 000 255 133 Bukama* 97 000 172 61 Mulongo 82 000 165 103 Kipamba 43 000 166 145 Haut-Lomami Malemba-Nkulu* 40 000 168 134 Kabongo 20 000 51 106 Kole 6 000 128 51 Mweka 75 000 29 129 Kasai Autres sites de Luebo 42 000 45 97 production d’énergie renouvelable Demba 29 000 43 54 Kasai-Central Mankanza 25 000 39 98 Dimbelenge 5 000 26 83 Tshilenge 107 000 98 80 Kasaï-Oriental Miabi 73 000 55 53 Katanda 39 000 114 84 Moanda* 118 000 468 81 Kongo-Central Luozi 18 000 285 53 Kwango Kasongo-Lunda 31 000 50 184 Idiofa 81 000 73 58 Kwilu Dibaya-Lubue 51 000 34 153 (continue en page 46) 45 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. TABLEAU 7 • Villes potentiellement candidates à l’établissement de réseaux isolés (nouveaux ou réhabilitation/ extension) dans la région Sud-Ouest (Continued) Distance du réseau Distance du site de transport Province Ville Population (2015) hydroélectrique le d’électricité le plus plus proche (km) proche (km) Kabinda 201 000 142 154 Lomami Lubao 35 000 102 241 Lubudi 30 000 130 53 Dilolo 25 000 306 83 Lualaba Sandoa 14 000 263 110 Kapanga 3 000 119 169 Ilebo 108 000 42 128 Mushie 56 000 79 61 Mai-Ndombe Bolobo 43 000 46 180 Oshwe 30 000 28 203 Source : ADB&SE4All, 2017 Remarque : Les villes marquées d’un astérisque possèdent des infrastructures de production et de distribution déjà existantes ou déclassées qui pourraient éventuellement être candidates à une réhabilitation ou une extension. isolés pourraient également convenir à quelques villes supplémentaires de taille moyenne le long du réseau de transport, telles que Kikwit, qui ne peuvent pas être raccordées à la dorsale sud-ouest en raison de contraintes techniques et d’une demande insuffisante. Certains mini-réseaux fonctionnent déjà dans la région. L’opérateur EDC compte 400 clients à Tshikapa (Lungundi I)39. Le principal projet solaire existant en RDC est un mini-réseau solaire de 1 MW doté d’une capacité de stockage sur batterie de 3 MWh construit par les opérateurs Enerdeal et Congo Energy dans la ville de Manono pour alimenter la population locale et les PME. L’opérateur Enerkac a également développé une centrale hybride de 1 MW alimentant le mini-réseau de la SNEL à Kananga, dans le Kasaï-Central (non fonctionnel en 2019). Pour les 17 millions de personnes vivant dans différentes zones de la région Sud-Ouest et qui ne sont éligibles ni au raccordement au réseau ni aux mini-réseaux, les systèmes autonomes pourraient constituer l’alternative. L’Agence Internationale pour les Energies Renouvelables (IRENA) estime que 1,2 million de personnes ont déjà accès à des lampes solaires dans le pays (2016)40. Même dans les zones desservies par le réseau, les systèmes autonomes constituent une solution d’alimentation de secours lorsque le service électrique n’est pas fiable. À court terme, les distributeurs de systèmes autonomes se concentrent sur les zones urbaines non desservies, qui représentent de grands centres de demande relativement faciles d’accès. La production décentralisée est plus abordable mais offre un niveau de service inférieur. Sans mécanisme de financement spécifique, les populations les plus pauvres ne seront peut-être pas en mesure de subvenir à la demande minimale permettant des coûts de raccordement viables. Cela est particulièrement vrai dans les villes où le taux de pauvreté est faible mais le nombre d’habitants pauvres élevé, comme Kinshasa, Lubumbashi et Kolwezi (Banque mondiale, 2018). Le chapitre 7 aborde ce sujet. 39 ADB/SE4All (2017) 40 http://www.irena.org/-/media/Files/IRENA/Agency/Publication/2018/Jul/IRENA_Off-grid_RE_Solutions_2018.pdf 46 4. Vers un plan de système électrique régional adapté à la fragilité En conclusion, comme la plupart des grandes villes du Sud-Ouest sont déjà raccordées au réseau de transport d’électricité, le niveau de la demande (densité de population, activités économiques), l’approvisionnement actuel et un environnement à faible risque justifient économiquement l’extension et la densification du réseau de distribution dans ces zones. Le réseau de transport existant (lignes HT et postes) nécessite des travaux de réhabilitation et doit être entretenu. Tous les réseaux de distribution nécessitent une réhabilitation et une modernisation complètes, condition préalable à la densification et à l’extension, ce qui nécessitera entre autres la construction de nouveaux postes HT/MT et MT/MT avec transformateurs, de lignes MT et BT, de cabines, de compteurs intelligents. La modernisation de la répartition est également essentielle pour superviser efficacement le système électrique. Les mini-réseaux et les systèmes autonomes peuvent également constituer une alternative économique à l’extension du réseau dans des zones éloignées du réseau existant où la demande est faible et le terrain difficile. 4.2. RÉGION DE L’EST : PROMOUVOIR UNE INFRASTRUCTURE DÉCENTRALISÉE À GRANDE ÉCHELLE POUR FOURNIR DES SERVICES DANS DES ZONES NON COUVERTES PAR LES RÉSEAUX EXISTANTS DE LA SNEL Au-delà d’une certaine distance et là où l’accessibilité est un défi, le coût de raccordement des centres de demande par l’extension du réseau existant est prohibitif. Dans la région de l’Est, la poursuite de l’expansion est difficile parce que : • la chaîne de montagnes de Mitumba et une distance de 800 km constituent des contraintes à l’extension du réseau plus à l’est, de Lubumbashi à Kalemie ; • la faible densité de population et la faiblesse de la demande font qu’il est difficile de justifier économiquement l’extension du réseau au-delà de la zone Sud-Ouest où il est actuellement exploité (Figure 12). Sur les 17 millions d’habitants vivant dans la région de l’Est, seul un tiers environ vit dans des centres urbains très diversifiés de plus de 5 000 habitants, de Goma (avec 1,9 million d’habitants) à des villes de taille moyenne comme Bukavu ou Uvira et une vingtaine de villes plus petites de 100 000 à 5 000 habitants. FIGURE 12 • Répartition estimée des villes de la région de l’Est selon le nombre d’habitants (2017)41 10 000 000,00 Goma 1 000 000,00 Bukavu, Uvira, Butembo, Bunia, Beni, Kalemie 100 000,00 10 000,00 1 000,00 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 Source : Auteurs, sur la base des travaux de De Saint Moulin, 2010 42 41 Les estimations de la population sont approximatives et peuvent faire l’objet de fluctuations importantes en raison de l’absence de sources de données fiables et des mouvements de popula- tion observés dans la région. Par exemple, le maire de Butembo a indiqué que la ville compte environ 1,2 million d’habitants en 2018 tandis que les estimations basées sur les dernières données géospatiales disponibles indiquent 263 000 habitants. 42 De Saint Moulin, L. (2010). Villes et organisation de l’espace au Congo (RDC). Cahiers Africains. Afrika Studies. N°77. Paris : L’Harmattan 47 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. CARTE 13 • Réseau électrique existant dans la région de l’Est Source : WorldPop, Resource Matters, Banque mondiale, auteurs La région de l’Est dispose déjà de réseaux isolés alimentés par des centrales hydroélectriques de petite ou moyenne taille, dont certaines sont exploitées par la SNEL43 et d’autres par le secteur privé. Les centrales et leurs réseaux de la SNEL souffrent d’un mauvais entretien et ne sont pas fiables, y compris le réseau de Goma, où des entreprises privées ont installé leurs réseaux. L’opérateur Virunga SARL compte 5 160 clients à Rutshuru/ Kiwanja, 1 360 à Goma alimentés par une centrale de 13,1 MW à Matebe, et 1 170 clients à Mutwanga alimentés par deux centrales pour un total de 1,7 MW. Virunga SARL bénéficie notamment d’un don pour connecter 6 000 clients à Goma à travers un fonds de subventions financé par un projet de la Banque mondiale. Sa centrale de Matebe alimente également Goma grâce à un partenariat avec le groupe industriel local SOCODEE44 (Carte 13). L’opérateur Électricité du Nord Kivu, un partenariat entre la compagnie d’électricité STS et la province du Nord Kivu, compte plus de 1 100 clients à Butembo et a construit une ligne pour approvisionner la ville de Beni et prévoit d’augmenter sa capacité in stallée jusqu’à 20 MW supplémentaires. L’entreprise Nuru (ex-Kivu Green Energy) dessert 48 clients avec un micro-réseau de 55kW à Beni, et a recemment construit une centrale solaire de 1,3MW avec batteries lithium dans le quartier de Ndosho pour livrer de l’électricité a 4 000 clients à Goma. La construction s’est achevée en 6 mois avec l’inauguration de la centrale en début 2020. Un potentiel pour des réseaux isolés subsiste. On dénombre 24 villes (environ 1,7 million d’habitants) qui vivent à plus de 50 km du réseau existant et qui pourraient être candidates pour des réseaux isolés (Tableau 8). L’existence de nombreuses activités économiques autour de ces centres de population pourrait améliorer la viabilité financière de ces réseaux. De plus, les données spatiales indiquent que l’activité minière est répandue dans l’est du pays, bien que très peu d’informations soient disponibles (Carte 2). Pour les centres de demande situés à proximité de sites hydroélectriques potentiels, de nouveaux réseaux hydroélectriques isolés pourraient être installés si la situation de la sécurité locale le permet et si les contraintes 43 On dénombre la centrale hydroélectrique de Ruzizi 141 (29,8 MW de capacité installée mais seulement 15,2 MW de capacité disponible moyenne en 2017 ; environ 37 000 clients) près de Goma et le Bendera (17,2 MW de capacité installée mais seulement 4,6 MW de capacité disponible moyenne en 2017 ; environ 8 000 clients) près de Kalemie. 44 Le groupe SOCODEE, basé à Goma, achète 5 MW à Virunga SARL et dispose d’une concession pour distribuer cette électricité dans la ville de Goma. 48 4. Vers un plan de système électrique régional adapté à la fragilité TABLEAU 8 • Villes qui pourraient être candidates pour des réseaux isolés dans la région de l’Est Distance par Distance par rapport au réseau rapport au site Province Ville Population (2015) de transport hydroélectrique le d’électricité le plus plus proche (en km) proche (en km) 42 000 2 524 Ituri Aru 26 000 4 476 Beni 129 000 9 224 Nord-Kivu Katwa 82 000 13 190 Énergie hydroélectrique Shabunda 28 000 8 169 Sud-Kivu Kamituga 18 000 15 95 Fizi 17 000 11 100 Tanganyika Kongolo 80 000 20 177 Bunia* 367 000 56 346 Kituku 61 000 40 309 Ituri Mongbwalu* 42 000 34 403 Djugu* 38 000 27 406 Irumu 15 000 26 321 Butembo* 263 000 32 176 Rutshuru 76 000 129 60 Kirumba 48 000 120 58 Autres ressources Nord-Kivu Kayna 47 000 86 111 Kanyabayonga 41 000 96 101 Lubero 38 000 45 151 Walikale 13 000 31 106 Kabalo 75 000 80 117 Moba* 75 000 185 133 Tanganyika Nyunzu 57 000 91 126 Lukula 43 000 109 124 Source : ADB et SE4All, 2017 Remarque : Les villes marquées d’un astérisque ont une infrastructure de production et de distribution existante ou déclassée qui pourrait être candidate à la réhabilitation ou à l’expansion. logistiques permettent la construction et l’entretien de telles installations. Huit des villes candidates (d’environ 400 000 habitants) pour les réseaux hydroélectriques isolés se trouvent à moins de 20 km d’un site hydroélectrique potentiel répertorié par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dans l’Atlas des énergies renouvelables. Pour les villes où la sécurité est incertaine, ou celles qui sont loin des sites hydroélectriques potentiels, des centrales solaires photovoltaïques équipées de batteries pourraient alimenter des réseaux isolés où la ressource solaire est bonne. Par exemple, dans la région de l’Est, environ 1,3 million de personnes sont réparties dans 16 villes situées à plus de 50 km du réseau existant et pourraient être électrifiées par des réseaux isolés alimentés par des systèmes photovoltaïques solaires ou hybrides. Pour intensifier ces initiatives et attirer de nouveaux investissements plus importants, il faudra toutefois s’intéresser à certains facteurs de risque clés dans le secteur, à savoir la faiblesse du cadre réglementaire, la difficulté d’accès au crédit et le faible niveau d’accessibilité financière. 49 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. FIGURE 13 • Répartition estimée des villes de la région Centre-Nord selon le nombre d’habitants (2017) 10 000 000,00 Kisangani 1 000 000,00 Mbandaka, Isiro, Kindu, Gemena, Bumba, Lisala 100 000,00 10 000,00 1 000,00 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 Source : Auteurs, sur la base des travaux de De Saint Moulin, 201045 Compte tenu de la fragilité et de l’instabilité de la région, le développement de réseaux solaires photovoltaïques isolés pourrait être plus facile et plus pertinent sur le plan financier que de tenter de réhabiliter les infrastructures existantes. Par exemple, la centrale de Bendera doit être réhabilitée pour récupérer 17,2 MW de capacité et la réhabilitation de la ligne de transport 132 kV Bendera-Kalemie est essentielle pour alimenter la ville de Kalemie, la demande de pointe étant estimée par la SNEL à 14 MW. Suite aux études portant sur i) la sécurité pour réaliser les travaux de réhabilitation de la centrale et de la ligne et ii) la logistique de transport du matériel, une solution alternative pourrait être de construire une nouvelle centrale photovoltaïque (PV) à Kalemie avec stockage d’énergie sur batterie. Toutefois, même si la majorité de la population de la région de l’Est pouvait être raccordée au réseau ou à des réseaux isolés, environ 9,8 millions de personnes dépendraient encore de systèmes autonomes pour l’électricité. Les systèmes autonomes jouent un rôle clé dans la réduction de la pauvreté et la diversification économique (par l’émergence de nouvelles chaînes de valeur) en offrant un premier niveau d’accès à l’électricité. Ils vont des systèmes pico (lanternes solaires), qui fournissent un accès partiel de niveau 1 (4 heures/jour), aux systèmes solaires autonomes prêt-à-l’emploi et aux systèmes à base de composants (11+ Wp). L’expérience de l’Afrique de l’Est (par exemple en Éthiopie et au Kenya) a montré une augmentation rapide de l’accès à l’électricité grâce à des systèmes solaires autonomes, en appliquant un cadre réglementaire de soutien et en mettant en place des mécanismes de financement pour soutenir les promoteurs et les utilisateurs finaux. 4.3. LA RÉGION DU CENTRE-NORD : CONSTRUIRE DES ÉNERGIES RENOUVELABLES DÉCENTRALISÉES POUR FOURNIR UN ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ DANS CETTE RÉGION ÉLOIGNÉE ET PEU DENSÉMENT PEUPLÉE Étant donné l’éloignement et le faible peuplement de cette région, les énergies renouvelables décentralisées produites par des réseaux isolés et des systèmes autonomes sont les options les plus attrayantes pour la région du Centre-Nord. Des trois régions, la région du Centre-Nord est la plus grande géographiquement avec la plus faible densité de population. Seule Kisangani compte plus d’un million d’habitants, six villes comptent entre 1 million et 100 000 habitants et six villes entre 50 000 et 100 000 habitants (Figure 13). 45 De Saint Moulin, L. (2010). Villes et organisation de l’espace au Congo (RDC). Cahiers Africains. Afrika Studies. N°77. Paris : L’Harmattan 50 4. Vers un plan de système électrique régional adapté à la fragilité Les centres urbains de la région du Centre-Nord n’ont pas la masse critique de population et une activité économique suffisante pour justifier le coût de construction de lignes de transport d’énergie à partir de la dorsale Sud-Ouest. Par exemple, la construction d’une ligne de 400 km pour relier Mbandaka à la ville la plus proche de Bandundu raccordée au réseau électrique serait plus coûteuse que d’autres options. Cela explique en partie pourquoi la région n’a pas de réseau interconnecté (Carte 14) et pourquoi les options décentralisées sont les plus appropriées. Dans l’incertitude et pour les collectivités éloignées du réseau existant, les réseaux isolés et les systèmes autonomes offrent une solution de rechange attrayante. On estime qu’environ 4 millions de personnes pourraient être raccordées à des réseaux isolés dans la région Centre-Nord. Des réseaux isolés alimentés par de petits générateurs diesel exploités par la SNEL pourraient offrir des possibilités de privatisation et de réhabilitation. Ils existent déjà dans 32 sites différents à travers le pays (dont une douzaine dans la région du Centre-Nord), mais la plupart sont actuellement hors service par défaut de combustible et d’entretien/maintenance. La capacité installée totale était de 28,8 MW, mais le taux de capacité disponible était d’environ 7% en 2017. La moitié des petits générateurs a plus de 46 ans. Leur hybridation avec la production solaire photovoltaïque peut également être envisagée au cas par cas lorsque cela réduit le coût de production. Cela est particulièrement pertinent lorsque les coûts de transport du diesel sont élevés. Plusieurs efforts sont en cours pour améliorer l’accès à l’électricité par le biais de réseaux isolés dans cette région. Par exemple, un agrandissement de la centrale hydroélectrique de Mobayi près de Gbadolite est prévu et ajouterait 18,75 MW à la capacité installée de 11,25 MW. Cela permettrait d’accroître l’offre et l’accès dans les villes frontalières, notamment Businga, Gemena, Mobaye, Ima-Langandji, Kongbo, Dimbi, Pavica, Alindao et Kembe. Un autre projet dans la région prévoit de relier Bangui, Zongo et Libenge et de renforcer le transfert et la distribution d’électricité dans cette région. CARTE 14 • Réseau électrique existant dans la région du Centre-Nord Source : WorldPop, Resource Matters, auteurs 51 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. Vingt-cinq villes (environ 1 million d’habitants) situées à moins de 20 km d’un site hydroélectrique potentiel pourraient être candidates pour des réseaux isolés alimentés par des centrales hydroélectriques. Une analyse économique et financière complète permettrait de déterminer si les coûts supplémentaires liés à la complexité logistique et à l’éloignement de la plupart des centres urbains rendent le projet viable (Tableau 9). La région du Centre-Nord dispose également d’un grand potentiel de réseaux solaires photovoltaïques isolés qui pourraient raccorder environ 3 millions de personnes à l’électricité (Tableau 9). La baisse des coûts de l’équipement solaire et la relative simplicité de la construction et de l’exploitation pourraient encourager le développement de la technologie solaire dans la région, qui ne bénéficie pas du même niveau de potentiel hydroélectrique que le reste du pays. Par exemple, le programme Essor du Département pour le développement international du Royaume-Uni (DFID), dont l’objectif est de soutenir la réforme de l’État afin d’améliorer l’environnement d’affaires, a mis en place un projet spécifique ciblant l’accès à l’électricité dans quelques villes de la RDC, en commençant par une phase pilote visant trois villes de la région Centre-Nord. Cette initiative vise à soutenir le Gouvernement de la RDC dans la structuration et l’appel d’offres des trois nouvelles concessions de mini-réseaux solaires aux promoteurs et exploitants privés dans les villes de Gemena, Isiro et Bumba46 d’ici 2020. L’objectif étant de faire la démonstration d’une validation de principe et de catalyser d’autres investissements dans des projets de mini-réseaux à l’échelle du pays. Chaque mini-réseau devrait fournir à terme de l’électricité à entre 100 000 et 300 000 personnes avec une puissance installée de 3 MW à 10 MW. Malgré les solutions de réseau isolé décrites ci-dessus, environ 80% de la population du Centre-Nord, soit 20 millions de personnes, n’auront pas accès à un réseau viable ou à des options de réseau isolé. Les options d’approvisionnement autonome sont donc la solution principale et à moindre coût qui peut répondre aux besoins en électricité résidentiels et des PME en fournissant un premier niveau d’accès. Les ventes dans la région de l’Est, province du Kivu, ont connu la plus grande présence commerciale, en grande partie grâce à des produits importés facilement du Rwanda ou de l’Ouganda voisins. Toutefois, les conflits dans la région ont également limité les affaires et ébranlé la viabilité de l’établissement de marchés commercialement viables. Très peu de fournisseurs de produits de qualité vérifiés ont fait des efforts considérables pour pénétrer le marché en raison de barrières à l’entrée immédiates et élevées, en comparaison à d’autres marchés relativement plus faciles d’accès à proximité. Quelques entreprises privées vendent actuellement des produits solaires autonomes en RDC, dont Altech (170 000 lanternes et 300 systèmes autonomes vendus), BBOXX (10 000 ménages), Orange Energie (4 000 ménages)47, d.light (50 000 ménages), Renewlt et Weast (3 000 PME et équipements collectifs). Mais l’absence d’évaluation du marché empêche d’avoir une image complète de sa taille réelle à l’heure actuelle. La croissance du marché des systèmes autonomes se heurte à des difficultés ; la plupart des entreprises se sont concentrées sur des options commerciales relativement plus faciles, en étendant leurs activités dans des zones densement peuplées et en ciblant des clients à fort pouvoir d’achat qui sont déjà raccordés à un certain niveau d’électricité. Les coûts très élevés de la conduite des affaires en raison de la combinaison de divers facteurs et d’un environnement difficile ont a ce jour empêché le développement à grande échelle de ce marche à travers la RDC – y compris : un niveau élevé d’insécurité physique dans de nombreuses zones, l’absence d’état de droit, des droits et taxes élevés (qui se montent à plus de 50% de la valeur des marchandises) combinés à un niveau élevé de corruption sur les importations, des risques sur les taux de change et des sanctions entravant les transferts de fonds des banques internationales. 46 Bien que Bumba fasse partie des candidats à des mini-réseaux hydroélectriques, son éloignement, la demande modeste et les implications logistiques complexes du développement d’une centrale hydroélectrique dans la région peuvent amener les promoteurs à donner la priorité à une solution solaire. 47 Données de vente des fournisseurs transmises aux auteurs. 52 4. Vers un plan de système électrique régional adapté à la fragilité TABLEAU 9 • Villes qui pourraient être candidates pour des réseaux isolés dans la région du Centre-Nord Distance par Distance par rapport au réseau rapport au site Province Ville Population (2015) de transport hydroélectrique le d’électricité le plus plus proche (en km) proche (en km) Buta 74 000 18 685 Bondo 26 000 18 853 Bas-Uele Bambesa 21 000 20 660 Ango 12000 18 706 Lukolela 21 000 10 254 Équateur Ingende 5 000 14 369 Watsa 43 000 19 505 Dungu 38 000 1 584 Haut-Uele Wamba 25 000 17 422 Niangara 19 000 13 602 Kindu* 215 000 2 332 Kasongo* 75 000 11 259 Énergie hydroélectrique Punia 25 000 4 285 Maniema Kibombo 24 000 10 363 Kabambare 14 000 3 150 Lubutu 11 000 15 278 Bumba 142 000 7 828 Mongala Lisala 108 000 6 758 Bosobolo 18 000 8 870 Nord-Ubangi Yakoma 16 000 2 972 Zongo 45 000 18 845 Sud-Ubangi Kungu 11 000 7 699 Opala 22 000 19 519 Tshopo Ubundu 19 000 18 411 Tschuapa Monkoto 12 000 9 402 Aketi 56 000 26 748 Bas-Uele Poko 15 000 127 568 Mbandaka* 418 000 79 377 Basankusu* 38 000 51 555 Isangi 16 000 94 295 Autres ressources Équateur Bikoro 10 000 104 294 Bomongo 7 000 21 551 Bolomba 6 000 25 475 Haut-Uele Isiro 235 000 66 501 Maniema Kalima 66 000 21 246 (continue en page 54) 53 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. TABLEAU 9 • Villes qui pourraient être candidates pour des réseaux isolés dans la région du Centre-Nord (Continued) Distance par Distance par rapport au réseau rapport au site Province Ville Population (2015) de transport hydroélectrique le d’électricité le plus plus proche (en km) proche (en km) Bonga 89 000 97 720 Mongala Bongandanga 5 000 61 653 Gbadolite 68 000 35 900 Nord-Ubangi Businga 44 000 22 836 Mobayi-Mbongo 7 000 71 942 Logja 84 000 184 295 Lusambo 45 000 60 163 Luhatahata 24 000 149 245 Sankuru Lomela 13 000 157 430 Katako-Kombe 10 000 176 347 Lubefu 3 000 165 252 Gemena 181 000 46 765 Libenge 34 000 88 773 Sud-Ubangi Budjala 29 000 27 694 Bokungu 11 000 31 748 Kisangani* 1 085 000 87 470 Basoko 70 000 72 667 Tshopo Yangambi 57 000 24 576 Bafwasende 20 000 88 358 Yahuma 7 000 36 719 Boende* 47 000 45 506 Tshuapa Ikela 21 000 107 547 Befale 5 000 21 568 Source : ADB et SE4All, 2017 Remarque : Les villes marquées d’un astérisque ont une infrastructure de production et de distribution existante ou déclassée qui pourrait être candidate à la réhabilitation ou à l’expansion. 54 4. Vers un plan de système électrique régional adapté à la fragilité ENCADRÉ 4 • BUMBA : UN PROJET DE MINI-RÉSEAU HYBRIDE SOLAIRE QUI POURRAIT REMETTRE LA VILLE SUR LA VOIE DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL. Avec environ 180 000 habitants, la ville de Bumba se remet lentement des conflits armés. Le générateur diesel et le réseau de distribution de la SNEL ne fonctionnent plus depuis des années, ce qui entrave le développement d’activités génératrices de revenus telles que l’agro-industrie locale (riz, manioc, maïs, café, palmiers) et d’autres industries qui bénéficient de sa position stratégique sur le fleuve Congo. La ville et les communautés environnantes pourraient bénéficier énormément d’un projet d’électrification. L’initiative Essor – Accès à l’Électricité, financée par le DFID, a mené des études techniques de préfaisabilité qui suggèrent que la ville a des niveaux de demande qui mériteraient la construction d’un mini-réseau solaire hybride avec un parc solaire PV initial de 10 MWc, 16 MWh de batteries et 4 générateurs diesel de 725 kW chacun. L’investissement initial dans la production a été estimé à 24 millions USD et à 12 millions USD pour la distribution. Environ 4 000 ménages et 420 consommateurs non résidentiels pourraient être raccordés au mini-réseau pour une consommation totale estimée à 7,1 GWh la première année. De plus, des coûts de distribution additionnels de 1,3 million USD sont inclus dans le plan d’investissement initial estimatif pour financer des raccordements supplémentaires au cours des cinq premières années, atteignant 7 500 foyers et 720 clients non résidentiels la cinquième année pour une consommation totale de 15,5 GWh. Tandis que les ménages ne représenteraient que 34% de la consommation totale, on prévoit qu’ils seront importants pour la viabilité financière du mini-réseau. La ville bénéficie de deux clients potentiels importants, la Regideso et le groupe SOCAM-NT. Ainsi, ces clients pourraient être les plus importants de la future concession de mini-réseau solaire, mais les écoles, un hôpital général, des centres de santé, des hôtels, des boutiques et des moulins seront également des bénéficiaires importants pour lesquels un tarif social devra peut-être être envisagé afin de combiner les objectifs de développement avec un projet financé de manière durable. CARTE 15 • Carte de la ville de Bumba Source : Essor 55 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. ENCADRÉ 5 • LE STOCKAGE SUR BATTERIE : UNE OPTION VIABLE POUR SOUTENIR L’ACCÈS À L’ÉNERGIE SOUS LA FORME DE MINI-RÉSEAUX ET DE SERVICES DE RÉSEAU Le stockage sur batterie s’est considérablement développé au cours des dernières années. Des investissements massifs, principalement dans les batteries au lithium-ion (prix actuel des cellules inférieur à 250 USD/kWh), font baisser les coûts, tandis que les développeurs de projets font des progrès permanents dans la conception et la construction de systèmes de stockage personnalisés. Dans le secteur hors réseau, l’acide de plomb a été la principale application des batteries. Cependant, plusieurs autres technologies sont apparues dans le secteur hors réseau où les batteries Zinc Air sont devenues de plus en plus compétitives par rapport aux prix actuels des cellules de 160 à 250 USD/kWh avec des cycles de vie de plus de 10 000 cycles. Les principaux avantages des systèmes de stockage sur batterie sont la flexibilité et la facilité de mise en œuvre qui les rendent de plus en plus attrayants à déployer comme moyen alternatif de source d’électricité. Ceci est principalement dû à sa modularité et à sa capacité à faire face aux changements radicaux dans la production d’énergie renouvelable. En raison de la tendance actuelle à la baisse des coûts, les mini-réseaux d’énergie propre sous forme d’énergie solaire soutenue par le stockage sur batterie sont devenus non seulement une option viable mais aussi une option à moindre coût pour fournir de l’électricité dans les régions isolées de l’Afrique subsaharienne. Une estimation du coût ajusté pour les mini-réseaux autonomes avec les diminutions actuelles des coûts à partir de 2018 devrait être d’environ 3 000 USD/kW, y compris les coûts d’installation. Avec l’aide du stockage sur batterie, les mini-réseaux d’énergie renouvelable, principalement solaires, peuvent fournir des niveaux de services plus élevés et gagnent du terrain là où l’extension du réseau ou toute autre forme d’approvisionnement énergétique ne constitue pas une alternative rentable et faisable. Le stockage sur batterie peut également fournir un large éventail de services au réseau tels que la régulation de fréquence, le transfert d’énergie, le renforcement de la capacité d’énergie renouvelable, la gestion de la congestion du transport, etc. selon les besoins du système. Dans le cas de systèmes dont les capacités de réserve sont insuffisantes, la régulation de la fréquence à partir de batteries pourrait permettre d’équilibrer la production et la charge qui doit être assurée par les réserves tournantes. Dans le cas de réseaux fragiles, le stockage sur batterie peut permettre l’intégration des énergies renouvelables dans les systèmes. Pour ce faire, on équilibre la production intermittente en chargeant et déchargeant les batteries pour obtenir un rendement plus stable de ces sources renouvelables. À long terme, les distributeurs de systèmes autonomes devraient mettre en œuvre des stratégies pour cibler à la fois des marchés faciles d’accès, mais aussi des régions plus éloignées afin de maintenir leurs taux de croissance. Les zones inexploitées du dernier kilomètre, notamment dans la région Centre-Nord, constituent des moteurs de croissance importants. Mais les longues distances, les infrastructures médiocres et la géographie et le terrain difficiles conduisent à « plusieurs RDC » qui constituent des marchés séparés et distincts. Le segment « rural hors réseau » est très difficile à atteindre, avec une couverture téléphonique mobile limitée et un manque d’infrastructures fonctionnelles pour l’argent mobile combiné à un très faible pouvoir d’achat. La réduction des coûts de la conduite des affaires, le développement de la demande commerciale et l’appui à un financement abordable sont trois domaines clés d’intervention qui favoriseraient la croissance d’un marché de produits dont la qualité a été certifiée. Les subventions et l’élimination garantie des droits et taxes sur les lampes solaires de qualité vérifiée et les systèmes solaires domestiques pourraient réduire les coûts relatifs à la conduite des affaires pour les sociétés éligibles et permettent la rentabilité des projets sans pour autant sacrifier les clients situés au bas de l’échelle économique. Des appels d’offres concurrentiels pour la passation des marchés publics – applicables uniquement aux produits de qualité vérifiée, et la disponibilité de fonds de 56 4. Vers un plan de système électrique régional adapté à la fragilité roulement et de prêts à taux réduit permettraient aux fournisseurs d’accéder à des mécanismes de financement plus attractifs. Enfin, les programmes d’éducation des consommateurs qui permettent de différencier les produits « onéreux » de qualité vérifiée des produits concurrents de qualité médiocre, génériques et bon marché, ainsi que l’adoption et l’application de normes par le gouvernement pourraient aider à créer des marchés pour les produits de qualité vérifiés et les protéger du dumping et de la corruption de produits de mauvaise qualité à l’importation. 57 5 ACCROÎTRE LE RÔLE DU SECTEUR PRIVÉ POUR ACCÉLÉRER L’ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ EN RDC Essor Photo : 5.  ACCROÎTRE LE RÔLE DU SECTEUR PRIVÉ POUR ACCÉLÉRER L’ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ EN RDC D’ici 2030, il faudra 4 900 MW de capacité disponible rien que pour maintenir un niveau d’accès à l’électricité de 14% de la population via le réseau existant. Cela se traduit par 8 milliards USD de CAPEX rien que pour la génération. Ce montant ne comprend pas les 230 millions USD pour assurer la maintenance et les réparations. Avec un coût par connexion de 300 USD, le coût de la fourniture d’un accès via les systèmes solaires autonomes à la moitié de la population en 2030 serait d’environ 4 milliards USD. La SNEL n’a pas été capable d’accroitre sa base clients à mesure que la population a cru, avec pour résultat un déficit d’accès important qui ne fait que se creuser ; de plus, la compagnie n’est pas non plus en mesure d’effectuer les investissements nécessaires pour soutenir l’accès futur. La SNEL estime son nombre total de clients à environ 860 00048, dont 90% sont considérés comme résidentiels. En moyenne, elle a ajouté 23 000 nouvelles connexions chaque année depuis 201049, beaucoup moins que les 440 000 nouveaux ménages qui s’ajoutent chaque année en RDC depuis 201050. Les clients existants sont principalement concentrés à Kinshasa, dans le Bas Congo et au Katanga, avec très peu de connexions en dehors des provinces du sud, laissant de nombreuses zones très peuplées sans accès. Améliorer le service pour les clients existants et offrir de l’électricité à 86% de la population actuellement sans accès nécessitera donc une forte participation du secteur privé. Ce chapitre examine le rôle des opérateurs et des financements du secteur privé dans le développement du secteur de l’électricité. Il met en évidence les défis auxquels ces acteurs sont confrontés pour jouer un rôle plus important et examine certains des obstacles juridiques et de gouvernance qui devront être surmontés pour renforcer de manière significative la participation du secteur privé. 5.1. LE SECTEUR PRIVÉ A JUSQU’À RÉCEMMENT JOUÉ UN RÔLE LIMITÉ DANS LE DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ EN RDC Après 40 ans de monopole, la SNEL n’est plus le seul opérateur électrique, mais reste de loin le plus important. La SNEL exploite 95% de la capacité installée de la RDC et reste le seul opérateur de transport dans le pays. En 2014, l’adoption de la loi sur l’électricité a modifié le statut juridique de la SNEL en « société commerciale », au même statut que toute autre société opérant dans le pays. Ce changement a effectivement ouvert la voie au secteur privé possédant et exploitant des réseaux distincts à celui de la SNEL. Le secteur privé - principalement des sociétés minières - a investi pour accroître la capacité du réseau, principalement par le biais de prêts à la SNEL, en évitant les modèles d’investissement traditionnels tels que les producteurs d’électricité indépendants (PEI) et les montages « Build-Operate-Transfer » (BOT). Limitées dans leur production par le manque d’électricité, les sociétés minières ont trouvé divers moyens d’investir dans le secteur de l’énergie. Ils ont principalement financé la réhabilitation ou la construction d’actifs de production et de transport par le biais de prêts à la SNEL. Le plus important de ces projets a financé la réhabilitation des turbines 48 Données SNEL de 2016 49 COPIREP 50 Basé sur des données de population WDI et une taille moyenne de ménage de 5,3 (EDS). © 59 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. Inga II, la construction du HPP Nzilo II et l’amélioration de la ligne Inga-Kolwezi HV grâce à un crédit de 456 millions USD de la Kamoto Copper Company (KCC) et de Mutanda Mining (toutes deux filiales de Glencore)51. Au total, les sociétés minières ont accumulé plus d’un milliard de dollars de prêts à la SNEL dans le cadre de projets visant presque entièrement à améliorer l’approvisionnement en électricité de leurs mines. Ils ont également formé des PPP avec les gouvernements provinciaux, tels qu’Enerkac, dans lequel le gouvernement provincial du Kasai Central détient une part de 5%. Les sociétés minières ont construit leurs propres centrales pour alimenter leurs mines, telles que SOKIMO, dont la centrale hydroélectrique de Budana d’une puissance de 11 MW qui fournit l’excédent d’électricité aux villes voisines de Buni et Mongbwalu. Enfin, trois producteurs indépendants vendent de l’électricité aux réseaux SNEL, exploités par Hydroforce, Enerkac et Congo énergie (voir 5 ci-dessous pour une liste des acteurs du secteur privé dans le secteur). Une augmentation significative des investissements du secteur privé dans le réseau nécessiterait la mise en œuvre du plan de relance de la SNEL, qui pourrait ainsi devenir un acheteur crédible. L’accumulation de crédits provenant des exploitations minières pour financer l’expansion de l’offre de réseau a atteint ses limites. Avec plus de 3 milliards de dollars de dette et des pertes très élevées, la SNEL a un flux de trésorerie négatif et est incapable de réaliser les investissements requis. Cette situation prévaut depuis les années 90, lorsque la SNEL a effectué ses derniers investissements importants dans les actifs de production. Les faibles performances de la SNEL sont liées à un ensemble de facteurs internes tels que des inefficacités opérationnelles, des ressources humaines insuffisantes et une culture de faible performance, qui sont identifiés comme des domaines prioritaires du plan de relance. Cette situation empêche les investissements privés de développer la production sur le réseau, car la SNEL ne peut pas s’engager de manière crédible dans des contrat d’achat d’électricité (Power Purchase Agreement - PPA). Le chapitre 6 se concentre sur le redressement de la SNEL. Ces dernières années ont vu l’émergence de réseaux isolés gérés par le secteur privé. Ceux-ci incluent des réseaux isolés gérés par Virunga SARL, fondée par la fondation Virunga du parc national du Virunga, et ont reçu un financement de la part de donateurs pour la construction et l’exploitation de mini-réseaux à Mutwanga avec deux centrales hydroélectriques de 0,38 et 1,35 MW et une autre centrale hydroélectrique de 13,1 MW à Matebe desservant 6 520 clients. Électricité Du Congo (EDC), un autre opérateur de réseau indépendant, a réhabilité la centrale hydroélectrique de Lugundi, d’une puissance de 1,6 MW, et fournit de l’électricité à 400 clients de la ville de Tshikapa. Energie du Nord Kivu (ENK), un Partenariat Public Prive formé par la société belge STS et le gouvernement provincial du Nord-Kivu, exploite un réseau à Butembo, alimenté par une centrale hydroélectrique de 1,8 MW et desservant 1 500 clients résidentiels. D'autres, comme Proton, ont obtenu des concessions pour l'exploitation de réseaux mais cherchent des financements. Le secteur de l’énergie solaire hors réseau a également vu l’émergence de sociétés locales et internationales qui voient en ce grand marché souffrant du manque d’infrastructures électriques, un fort potentiel. Altech, une société congolaise distribuant des lanternes solaires et de petits kits solaires individuels, a étendu ses opérations depuis Bukavu dans tout le sud du pays, dans toutes les grandes villes et à Kinshasa depuis sa création en 2013, vendant plus de 170 000 kits solaires. En avril 2019, Altech s’est lancée dans la vente de systèmes autonomes (en partenariat avec Vodacom) à Kinshasa et Goma, avec plus de 300 systèmes vendus à la fin 2019. BBOXX, société britannique comptant plus d'un million de clients dans le monde, a équipé plus de 10 000 clients principalement résidentiels dans les Nord et Sud Kivus, dont la majorité à Goma où sa filiale congolaise a démarré ses activités en 2017. À Kinshasa, elle s'est associée à Orange Energie et compte plus de 4 000 clients résidentiels. BBOXX s’est implanté à Bukavu en 2019, et a récemment signé un protocole d’entente avec le gouvernement pour électrifier 10 millions de personnes en RDC d’ici 2025. Weast Energy, une société congolaise, est passée d’activités sous contrat EPC (ingénierie, achat et construction) à des clients du secteur public pour une entreprise SSD à des clients privés, axée sur les gros consommateurs et les utilisateurs productifs. L'encadré 6 ci-dessous présente le panorama actuel des acteurs du secteur privé dans le secteur de l'énergie en RDC. 51 Le FRIPT (Fiabilisation, réhabilitation et renforcement des Infrastructures SNEL de production et de transport) a également bénéficié d’un prêt de la Banque mondiale. 60 5. Accroître le rôle du secteur privé pour accélérer l’accès à l’électricité en RDC FIGURE 14 • Ménages électrifiés via les systèmes solaires domestiques vendus par BBOXX à Goma Environ 10 000 foyers électrifiés au moyen de kits BBOXX dans les Kivus Source : BBOXX ENCADRÉ Source : BBOXX 6 • LES ACTEURS PRIVES PRÉSENTS DANS LE SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ EN RDC Typologie des acteurs Présence géographique Clients Prospect e Acteur présent rgi s els ire a ne les r as in du la nie d'é sh tre rs dm ivi s so s o mi teu od to Su Kin rs en xi ges –a ind me pr / au teu Es st Operateurs d'electricite ur au -C uc t- E na cte Es d- rd es stè se he Ps t Mé SM No Ou Ré Ac Se Sy IP Electricité Du Congo (EDC) Electricité du Nord Kivu (ENK) Virunga SARL SOCODEE Proton Nuru Altech BBOXX Orange Energie Weast Energy CONGO ENERGY ENERKAK Hydroforce KATANGA ENERGY Ivanhoe Kibali Gold SICOHYDRO Autres: SUCRIÉRE KWILU, NGONGO, PERENCO, MIBA, CFU, PLC, ONG, SNCC, HEDC Source : Auteurs. Note : liste non exhaustive 61 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. 5.2. RENFORCEMENT DU CADRE JURIDIQUE ET RÉGLEMENTAIRE POUR ATTIRER LES OPÉRATEURS PRIVÉS Pour accélérer le développement des concessions et attirer les investissements et opérateurs privés, une mise en œuvre des réformes juridiques et réglementaires est indispensable. La loi sur l’électricité a été promulguée il y a quatre ans, mais de nombreux décrets d’application doivent encore être mis en œuvre. Les agences de régulation et d’électrification rurale - ARE et ANSER - ont, en principe, des rôles cruciaux à jouer pour appliquer et faire respecter les règles, définir les tarifs, attribuer des concessions et aider les administrations locales à coordonner les efforts d’électrification dans les provinces. Pourtant, ces organisations ne sont pas encore opérationnelles. Entre-temps, le ministère de l’Énergie joue ce rôle dans une certaine mesure, mais l’incertitude réglementaire augmente les risques pour les investissements et diminue l’attrait du secteur pour les investisseurs privés. Les contradictions du cadre juridique en ce qui concerne la propriété d’actifs existants et nouveaux par l’État ou par les opérateurs doivent être résolues avant que les acteurs du secteur privé prennent le risque d’investir dans des projets de grande envergure. Certains aspects légaux restent ambigus, ce qui dissuade les investisseurs. La réglementation actuelle et l’absence d’une autorité de régulation créent des incertitudes sur certains aspects de la tarification, empêchant ainsi les opérateurs de concevoir des projets viables. De plus, l’attribution et la gestion des concessions restent floues. Le rôle d’octroi de concessions aux opérateurs de réseau est transféré des autorités locales aux autorités nationales si un réseau dépasse les frontières provinciales. Dans le cadre réglementaire actuel, il n’est pas certain que le contrat de concession reste valable, ce qui présente un risque majeur pour les opérateurs existants. De même, le règlement ne définit pas les conditions de compensation des opérateurs lorsque des tarifs sociaux sont en vigueur. Plusieurs textes juridiques sur la décentralisation52 définissant de nouveaux rôles et la répartition des responsabilités entre l’administration centrale et les autorités provinciales ont en fait rendu la situation plus complexe. La prise de décision décentralisée est importante pour accélérer l’accès à l’électricité dans un pays confronté à de grandes disparités entre les régions et des besoins en électricité contrastés. Néanmoins, le processus de décentralisation n’est pas encore terminé. La mise en œuvre d’un système institutionnel partiellement décentralisé pour l’électricité entraîne des conflits et des risques de chevauchement dans l’attribution des concessions. La répartition des ressources financières entre les différents organismes compétents n’a pas été clarifiée et les autorités provinciales n’ont pas actuellement la capacité institutionnelle suffisante pour assumer leurs nouvelles responsabilités, notamment en ce qui concerne l’analyse des propositions de concession. Les investissements existants et les accords sur lesquels ils reposent, tels que les contrats de concession et les licences, doivent être mis à jour pour se conformer à la nouvelle réglementation. Tant la SNEL que les opérateurs privés existants doivent régulariser leur situation auprès du gouvernement central ainsi que des autorités provinciales. La faible capacité juridique de la SNEL et de ses homologues gouvernementaux rend ce processus difficile. Une mise à jour des accords devrait prendre en compte les futurs systèmes électriques et clarifier ce qui se passe en cas d’interconnexion des réseaux. Les nouveaux accords devraient définir des seuils pour limiter le nombre d’opérateurs sur un même territoire. Ces mesures auront pour effet d’encourager et de rassurer les futurs investisseurs potentiels. 52 Loi sur la libre administration des provinces du 31 juillet 2008 ; Loi organique N ° 16/001 du 03 Mai 2016 fixant l’organisation et le fonctionnement des services publics du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées ; Loi organique n ° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des subdivisions territoriales à l’intérieur des provinces ; Loi organique n ° 08/016 de 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des ETD et leurs rapports avec l’ État et la province ; Loi sur la Conférence des Gouverneurs d’octobre 2008 62 5. Accroître le rôle du secteur privé pour accélérer l’accès à l’électricité en RDC 5.3. L’ÉMERGENCE DE RÉSEAUX ÉLECTRIQUES PRIVÉS : LE CAS DE L’EST DU CONGO L’Est de la RDC fournit peut-être le meilleur exemple du développement de ce secteur de l’électricité libéralisé encore naissant. Le Nord-Kivu, et la ville de Goma en particulier, abrite plusieurs modèles de développement de réseaux pilotés par le secteur privé. Cette région abrite le premier mini-réseau privé du pays et des concessions de distribution privées font concurrence à la SNEL. La région a le potentiel de développer des interconnexions avec le Rwanda voisin et dispose d’un fort potentiel solaire et hydroélectrique. La densité de population et l’activité économique de la région en font une candidate possible pour un réseau interconnecté (carte 16). La rapidité du développement de l’électricité par le secteur privé dépendra de la manière dont les gouvernements provincial et central accompagneront le développement du secteur, notamment en fournissant des règles claires sur les concessions pour protéger les investissements des opérateurs et pour faciliter l’accès au crédit. L’Est de la RDC est l’une des régions les moins bien desservies du pays (voir carte 16). Le réseau principal de la SNEL est dans un état de délabrement avancé et une grande partie a été détruite par une éruption volcanique. Le service n’est pas fiable. La capacité disponible du réseau est en moyenne d’environ 4 MW, pour une demande estimée à 60,2 MW par la SNEL et à 80 MW par le gouvernement provincial. La ville de Goma, initialement alimentée par une centrale thermique, est désormais connectée aux sites hydroélectriques de Ruzizi I et II via la ligne Bukavu- Goma. Plusieurs autres localités sont reliées à cette ligne, notamment Sake, Kiroche, Shasha, Minova, Bweremana, Bibatama. Le réseau de la SNEL ne s’étend pas au nord de Goma et les centrales thermiques au diesel situées dans d’autres villes du nord de la province, telles que les villes de Butembo, Beni et Oicha, ne sont plus en activité. La SNEL importe également du réseau ougandais pour desservir certaines localités transfrontalières, notamment la localités de Kasindi (Nord Kivu). CARTE 16 • Densité de population dans l’est de la RDC (habitants / 100 m2), 2015 Source : Worldpop 63 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. La région pourrait héberger de nombreux réseaux isolés susceptibles de s’interconnecter progressivement pour relier la forte concentration d’activités économiques et de population à la production solaire et hydroélectrique, mais les autorités provinciales devront contribuer à accélérer ce processus par des incitations et une réglementation active. L’Est de la RDC représente environ 20% de la population totale. La densité de population autour de Bunia en Ituri et autour des villes de Goma et Bukavu au Nord et au Sud-Kivu est l’une des plus élevées du pays (carte 3). La région accueille également une activité minière soutenue (carte 17). Le cadastre minier enregistre de vastes zones d’exploitation minière officielle autour de Bunia et du Nord dans le Haut Uélé. La source d’électricité qui alimente actuellement ces mines n’est pas claire, mais leur taille indique une demande importante en électricité. En outre, les images satellites indiquent la profusion d’exploitation minière artisanale d’or, de cassitérite, de coltan et de diamants. Bien que l’échelle de production ne nécessite pas une demande importante en électricité, les revenus de cette activité économique pourraient financer des réseaux isolés pour la consommation des ménages. Les opérateurs privés se développent en utilisant la demande industrielle et en interconnectant des zones via des accords bilatéraux d’achat d’électricité et des accords financiers. Par exemple, la société privée Virunga SARL compte près de 7 700 clients à Mutwanga, Goma et à Rutshuru. Électricité du Nord-Kivu (ENK), une société privée publique du gouvernement provincial du Nord-Kivu et une société privée STS, possède et exploite une centrale hydroélectrique de 1,8 MW à Butembo et une ligne pour alimenter la ville de Beni. A Beni, l’entreprise Nuru (ex-Kivu Green Energy) dessert 48 clients avec un micro-réseau de 55kW. Les installations industrielles sont utilisées comme clients primaires/d'ancrage dans le but d’apporter une viabilité financière aux réseaux isolés. Par exemple, le mini-réseau alimenté par la centrale hydroélectrique de Mutwanga de 0,4 MW appartenant à Virunga SARL repose de manière substantielle sur l’approvisionnement en électricité de la fabrique de savon SICOVIR à Nzenga. À Goma, les opérateurs privés Virunga SARL, SOCODEE, et tout dernièrement Nuru, ont obtenu deslicences pour construire leurs réseaux et concurrencent la SNEL. SOCODEE a financé une ligne MT et transporte 5 MW d’électricité produite par la centrale hydroélectrique de Matebe de 13,1 MW de Virunga SARL pour alimenter son réseau dans la ville de Goma. Tous ces opérateurs se heurtent toutefois à des difficultés pour commercialiser l’énergie disponible car la CARTE 17 • Activités minières dans la région de l’Est CICOS, IPIS, World Bank, authors 64 5. Accroître le rôle du secteur privé pour accélérer l’accès à l’électricité en RDC population n’a pas les moyens de payer les coûts de connexion élevés. Des conflits entre opérateurs ont également éclaté, essentiellement dus à la faible gouvernance et régulation du secteur. La coexistence de la SNEL et des opérateurs privés dans la région souligne la nécessité d’une planification et d’une coordination aux niveaux central, provincial et local afin de garantir la cohérence du développement du secteur. La oncession de production sur le site de Talya Nord a été contestée entre deux opérateurs en raison de concessions concurrentes accordées par le ministère central, d’une part, et la province, d’autre part. Pour la ville de Goma, les entreprises Virunga SARL et SOCODEE ont eu des différends sur les territoires des concessions leur ayant été allouées, alors que la SNEL n'a pas encore régularisé sa concession et que Nuru a récemment obtenu une licence. Le régulateur aura à jouer un rôle important dans l’établissement des tarifs. Les structures tarifaires approuvées par le ministère de l’Énergie pour les clients SOCODEE permettent à l’opérateur de couvrir ses coûts. Néanmoins, les tarifs sont beaucoup plus élevés que les tarifs payés par les clients de la SNEL et qui sont fortement subventionnés : 0,21 USD / kWh pour les clients basse tension (0,16 USD / kWh pour la moyenne tension) par rapport au tarif moyen de 0,078 USD / kWh pour les clients SNEL. La coexistence de ces différents niveaux de tarifs pourrait être problématique, car les opérateurs sont en concurrence pour les clients et la SNEL ne peut pas facturer des tarifs reflétant les coûts. C’est un rôle important que l’autorité de régulation devra jouer une fois opérationnelle. Cet organisme veillera également à ce que les tarifs appliqués par les opérateurs reflètent des coûts raisonnables. En l’absence de régulateur, ni les autorités centrales ni les autorités provinciales ne sont en mesure de remplir ces rôles. Au fur et à mesure que de nouveaux opérateurs privés pénètrent sur le marché libéralisé, le rôle de la SNEL changera. Ce rôle dépendra de nombreux facteurs, notamment de la stratégie commerciale et de la capacité d’investissement. SNEL pourrait rester un acteur intégré verticalement, opérant de la production à la transmission et à la distribution dans certains domaines, ou concentrer ses activités sur la production et la transmission. Le réseau de transport récemment rénové est un actif stratégique appartenant à la SNEL, dont l’utilisation peut être maximisée, par exemple en transportant de l’électricité pour des opérateurs privés. La SNEL pourrait également restructurer ses activités dans des centres de coûts et de profit. Une possible restructuration de SNEL doit être guidée par le nouveau rôle que l’opérateur jouera à l’avenir. 65 6 RÉFORMER L’OPÉRATEUR NATIONAL, LA SNEL, EN FAVEUR D’UN SECTEUR ÉNERGÉTIQUE PLUS DURABLE : UN PLAN À Pierre Lorillou COURT ET À MOYEN TERME Photo : 6.  RÉFORMER L’OPÉRATEUR NATIONAL, LA SNEL, EN FAVEUR D’UN SECTEUR ÉNERGÉTIQUE PLUS DURABLE : UN PLAN À COURT ET À MOYEN TERME Ce chapitre examine les mesures les plus critiques à court et à moyen terme qui ont été identifiées parmi les efforts plus vastes demandés dans le cadre du plan de redressement de la SNEL et qui revêtent une importance structurelle pour l’amélioration des performances du service public d’électricité. La SNEL fait l’objet d’un plan de redressement destiné à réformer en profondeur le service public d’électricité et à le préparer à faire face à la concurrence dans un secteur de l’électricité libéralisé. Le changement au sein de la SNEL a été lancé en 2008 avec la mise en œuvre d’un programme de réhabilitation prioritaire, suivi de la signature en 2012 d’un contrat de performance sur cinq ans entre la SNEL et le gouvernement de la RDC, sous la supervision du ministère du Portefeuille et de son unité technique, le COPIREP. Le contrat de performance établissait des engagements mutuels visant à améliorer la performance du service public d’électricité et à augmenter la contribution financière du gouvernement au développement du secteur. Malheureusement, il n’a pas produit les résultats attendus et a expiré en 2016. La SNEL a également sollicité une assistance technique et a signé un contrat de services avec Manitoba Hydro International (MHI) en 2015. En novembre 2017, le conseil d’administration de la SNEL a approuvé une note d’orientation stratégique pour la période 2018–2020 qui réaffirme l’ambition du service public de se redresser. Le plan de redressement s’articule autour de trois objectifs clés : (i) entretenir, réhabiliter et renforcer les capacités de production, de transport et de distribution d’électricité du service public d’électricité, (ii) assurer le redressement financier de la SNEL et retrouver un solde en équilibre, et (iii) rationaliser les processus et renforcer les systèmes de gestion, ce qui conduirait à un service public d’électricité plus durable et compétitif. 6.1. LES DIFFICULTÉS FINANCIÈRES DE LA SNEL PROVIENNENT, EN GRANDE PARTIE, DE SA FAIBLESSE COMMERCIALE Puisque seuls quelques éléments du plan de redressement ont été mis en œuvre, la SNEL n’est toujours pas en mesure de concilier l’électricité livrée à ses clients, les recettes de ses ventes, et les entrées de trésorerie générées par leur recouvrement. La vétusté des équipements de distribution et l’absence de compteurs déployés à grande échelle empêchent la SNEL de suivre avec précision l’électricité au-delà de son réseau haute tension et de facturer l’électricité livrée aux clients. Parallèlement, la fraude est généralisée et prend la forme de raccordements illégaux, de fausses factures et de pertes dans le recouvrement des paiements. En conséquence, on estime qu’environ 50% de l’énergie produite par la SNEL n’est pas valorisée financièrement et ne se traduit pas par des flux de trésorerie. La SNEL n’est pas en mesure de quantifier la quantité d’électricité livrée à environ 99% de sa clientèle. Actuellement, seuls 19% des clients BT et 90% des clients MT disposent de compteurs. 86% des clients BT sont facturés mensuellement sur une base forfaitaire, quel que soit leur réel niveau de consommation d’électricité53. Cependant, la loi interdit désormais la facturation forfaitaire, et la SNEL doit maintenant installer des compteurs pour tous ses clients54, ce qui facilitera grandement les pratiques de facturation. Une campagne d’installation de compteurs classiques et a prépaiement pour 22 900 nouveaux raccordements a été conduite dans les quartiers de Kimbanseke et de Kisenso a Kinshasa. Direction SNEL, 2020 53 54 SNEL © 67 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. FIGURE 15 • Répartition des défauts de paiement par segment de clients en, 2018 Export Clients haute 1% tension Paraétatiques 24% 20% Clients basse tension Privés 48% 53% Etat Clients moyenne 26% tension 28% Source : SNEL De plus, les raccordements à l’électricité se fontpar parcelle, chacune comportant plusieurs clients, mais en raison de l’absence de compteurs individuels, la consommation réelle est inconnue. Les zones d’habitation à croissance rapide ont pris de court la planification urbaine et créent des zones d’habitat informel qui ne sont pas connectées aux services de base. Cette situation complique l’expansion des raccordements résidentiels par la SNEL et a ouvert la voie aux raccordements illégaux et partagés. Il est estimé qu’environ 6 millions de personnes basse tension bénéficient de raccordements illégaux. L’incapacité de la SNEL à suivre la consommation au niveau des ménages aboutit à une facturation à prix fixe et à l’émergence dans certains secteurs de « distributeurs secondaires » qui vendent de l’électricité à plusieurs utilisateurs finaux à partir d’un raccordement unique. La facturation est incomplète et le recouvrement des factures très faible. En moyenne, la SNEL ne facture pas un client sur quatre et ne récupère que 60 cents sur chaque dollar qu’elle facture. Les taux de recouvrement des factures vont de 89% pour les clients haute tension à 70% pour les clients moyenne tension, et sont de 51% pour les clients basse tension. Le segment des clients basse tension représente 48% des défauts de paiement, suivi de 24% pour les clients haute tension, et de 28% pour les clients moyenne tension. Si les clients privés représentent 53% des impayés, l’Etat et les agences/établissements paraétatiques représentent 46% des défauts de paiements en 2018. ( Figure 15 ). L’absence de compteurs au niveau des utilisateurs finaux empêche la SNEL de couper le courant en cas de défaut de paiement. L’opportunité d’initier un pilote pour sous-traiter les activités de facturation et de recouvrement a un opérateur privé, en commençant par exemple par la région de Kinshasa (périmètre restreint dans un premier temps) pourrait être analysée par la SNEL et pourrait permettre d’évaluer l’impact sur les recettes et les pertes commerciales. Compte tenu des interférences de l’Etat dans la gestion de l’entreprise, certains clients (« ayant-droits ») – pourtant facturés – ne paient pas et continuent d’être approvisionnés en électricité. Les entreprises d’État et le gouvernement comptent parmi les plus mauvais payeurs de la SNEL. À fin 2011, le gouvernement et 27 entreprises d’État ont accumulé près d’un milliard USD d’impayés dus à la SNEL. Depuis lors, ils ont accumulé 191 millions USD supplémentaires, répartis à parts égales entre l’État et les entreprises d’État. La Regideso, Gecamines et la SNCC représentent 72% de la dette depuis 2017. Ces entreprises bénéficient toutefois d’un service fiable grâce à une fourniture prioritaire imposée de facto à la SNEL, au détriment des autres clients. Le contrat de performance conclu entre le GdRDC et la SNEL n’a pas permis de réduire durablement les arriérés. Selon les conclusions de l’audit réalisé par Deloitte et conformément au décret n°12/031 du 2 octobre 2012 sur le passif de la SNEL, les créances de la SNEL sur d’autres entreprises d’État devraient être converties en participation au capital de ces compagnies. À ce jour, le processus a été interrompu et aucune action n’a été entreprise par le 68 6. Réformer l’opérateur national, la SNEL, en faveur d’un secteur énergétique plus durable : un plan à court et à moyen terme gouvernement. Bien que la consommation des institutions et bénéficiaires publics soit soumise chaque mois à l’approbation du ministère du budget, ces créances restent pour la plupart impayées. Entre-temps, au-delà de son réseau haute tension, l’absence de compteurs et d’équipement de suivi sur les systèmes de distribution empêche la SNEL d’optimiser ses flux d’énergie et d’identifier en temps réel les goulots d’étranglement et les dysfonctionnements. Les activités d’acheminement reposent sur des informations ascendantes, venant des équipes d'exploitation et de maintenance qui travaillent sur le terrain. Ces équipes sont composées en grande partie de travailleurs journaliers non spécialisés, qui n’ont aucune incitation à travailler correctement et à suivre les meilleures pratiques d’opération et de maintenance (O&M). Dans l'ensemble, le nombre de travailleurs journaliers est en augmentation constante et dépasse 2 300 personnes en 2017. La piètre qualité de service nuit aux relations de la SNEL avec les clients et a multiplié les cas de non- paiement et de fraude. À mesure que la qualité du service se détériore, les clients de la SNEL sont de moins en moins enclins à payer. Cette situation crée un cercle vicieux, ce qui exacerbe l’incapacité de la SNEL à investir dans la réhabilitation et la modernisation des actifs productifs, et dégrade encore la fiabilité des services. La relation de la SNEL avec ses clients HT et MT constitue un facteur majeur de sa viabilité financière. Ces deux segments de clientèle ne représentent ensemble que 0,25% des clients de la SNEL, mais 76,4% de ses recettes (Figure 16 ; Figure 17). Le fait de garantir leur satisfaction pourrait assurer des flux de trésorerie à court terme. Néanmoins, les clients BT représentent 99,75% des clients de la SNEL. Moins volatiles, ils devraient représenter le noyau principal de la clientèle de la SNEL à long terme. La minimisation des défauts de paiement et de la fraude constitue une priorité pour ce segment de clientèle. 6.2. RÉTABLIR LA SANTÉ FINANCIÈRE DU SEGMENT DISTRIBUTION DE LA SNEL POUR SÉCURISER LES RECETTES Dans un contexte de trésorerie limitée et de capacités d’investissement contraintes, la SNEL doit étudier chaque investissement en termes de rentabilité pour l’entreprise. La SNEL a ainsi identifié une enveloppe de 1,3 milliard USD d’investissements non prioritaires dont l’impact sur sa viabilité n’a pas été évalué. Cependant, son endettement actuel ne permet pas un tel investissement. Le plan de redressement a identifié des investissements FIGURE 16 • Typologie des clients de la SNEL, 2018 Clients haute tension Clients moyenne Export Etat Paraétatiques 0,01% tension 0,00% 1,06% 0,19% 0,24% Clients basse tension Privés 99,75% 98,75% Source : SNEL 69 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. FIGURE 17 • Ventes en valeur (USD) par type de clients, 2018 Export Paraétatiques 0,7% Clients basse 6,1% tension Etat 23,6% 6,4% Clients haute tension 53,5% Clients moyenne tension Privés 22,9% 86,9% prioritaires en vue d’améliorer l’efficacité opérationnelle et la performance commerciale de la SNEL pour un total d’environ 329 millions USD (Tableau 10). Ces investissements visent à accroître la capacité de la SNEL à recouvrer les recettes plutôt qu’à élargir la base de sa clientèle. Du côté des investissements, le plan de redressement de la SNEL se concentre sur la réhabilitation du réseau de distribution de Kinshasa et la modernisation des systèmes commerciaux. Kinshasa est le noyau de la base de la clientèle de la SNEL avec 1 300 raccordements officiels en moyenne tension et 512 000 en basse tension. Le système a été mis à l’épreuve avec le vieillissement de l’infrastructure et la demande supplémentaires imposées par une population croissante. La réhabilitation des réseaux de distribution existants à Kinshasa et dans ses environs constitue une priorité urgente pour éviter un effondrement du système. Certains travaux de réhabilitation des TABLEAU 10 • Investissements prioritaires visant à élargir l’accès à l’électricité et à rétablir la fiabilité de l’électricité à Kinshasa Investissements Millions USD Électrification de 75 villes dans les zones périphériques de Kinshasa pour raccorder 250.000 nouveaux 127 clients Installation de compteurs prépayés 118,7 Réhabilitation de postes 29,5 Achat de pièces de rechange pour des équipements stratégiques 18 Construction de nouveaux postes 16,5 Réhabilitation du réseau BT en 6 « CVS » 55 6 Modernisation du centre de répartition de la distribution 4 Recrutement d’équipes de maintenance avec des outils et équipements appropriés 3,9 Suppression de postes séparés 3,65 Achat d’outils 2 TOTAL 329,250 Source : MHI, SNEL 55 CVS signifie « Centres de Vente et de Service » 70 6. Réformer l’opérateur national, la SNEL, en faveur d’un secteur énergétique plus durable : un plan à court et à moyen terme cabines et des lignes basse tension de Kinshasa et le remplacement de disjoncteurs ont récemment commencé à Kinshasa mais sont largement insuffisants. Les investissements visant à renforcer la fiabilité et la stabilité du réseau constituent une autre condition préalable à l’amélioration de la qualité du service dans la région de Kinshasa. L’ajout de postes, la modernisation de la répartition de la distribution, l’installation de compteurs, la passation de marchés pour les pièces de rechange des équipements stratégiques et la suppression de cabines d’antennes contribueraient à une meilleure optimisation des flux de puissance et à une sécurité accrue du système. Le déploiement généralisé de compteurs prépayés pour les clients basse tension limiterait les fraudes et les transferts d’argent liquide avec pour objectif ultime d’accroître les revenus de la SNEL. Cela implique toutefois un système de soutien informatique robuste dont la mise en œuvre a subi des retards importants. Ces investissements permettraient à la SNEL d’élargir la base de sa clientèle dans la périphérie de Kinshasa et de raccorder environ 225 000 nouveaux clients. Certains investissements de fiabilisation et de renforcement des équipements du réseau ont été réalisés dans le cadre du projet PMEDE incluant notamment l’installation de cabines de décharge, l’assainissement de canalisations, le renforcement de puissances installées de 6 sous-stations et de 2 postes. Ces investissements doivent aboutir à une amélioration de la qualité de service, notamment pour les clients pour lesquels il est prévu une augmentation du recouvrement des créances. Outre les investissements dans la distribution, l’amélioration de l’exploitation et de la maintenance des infrastructures et des équipements permettrait d’améliorer la fiabilité du service. La sécurisation des ressources financières de l’exploitation et de la maintenance grâce à une allocation budgétaire suffisante et à des processus de dépenses efficaces (y compris la délégation locale de la gestion du budget d’exploitation et de maintenance) est essentielle afin de garantir que les investissements produisent leurs effets tout au long de leur cycle de vie. Un contrat de maintenance pour les lignes de transmission HT est en cours de signature. Les fonds de la BEI ainsi que les paiements mensuels de la SNEL sont détenus sur un compte séquestre au Luxembourg. Pendant 5 ans, l’opérateur de maintenance aura la responsabilité de mettre en place un programme de maintenance annuel et de former le personnel de la SNEL. Les investissements physiques doivent aller de pair avec le recrutement et la formation de personnel suffisant dans les domaines de compétence touchés par une pénurie importante de personnel qualifié, notamment en matière de gestion de réseau, d’exploitation et de maintenance, d’I&T, ainsi qu’en matière d’automatisation et de protection. Le capital humain de la SNEL atteignait 6616 employés et 2500 travailleurs journaliers en 2017. Le nombre de clients facturés par agent reste inférieur au seuil de 120 à 150 fixé dans le contrat de performance et était de 67 (travailleurs journaliers compris) en 2017. À titre de comparaison, la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) se situait au seuil de 342 clients par agent à la fin de 2016. La modernisation du centre de formation de Sanga et la promotion des principaux postes à pourvoir en vue d’attirer de nouveaux talents amélioreraient la productivité et la performance opérationnelle. En outre, le recouvrement des factures non payées par le gouvernement et les sociétés d’État est essentiel pour rétablir la santé financière de la SNEL. La mise en place d’une structure budgétaire ou tarifaire prévoyant des subventions à ces institutions pourrait être envisagée, étant donné que certaines d’entre elles fournissent des services stratégiques et essentiels et ne peuvent tout simplement pas payer. Le renforcement de l’efficacité énergétique dans les principales sociétés d’État devrait constituer une priorité car cela réduirait la consommation d’énergie et rendrait les factures plus abordables. 6.3. CHANGER LES ATTITUDES ET LES COMPORTEMENTS La réussite du plan de redressement nécessite un changement d’attitude des clients et un changement de comportement des employés. Dans un environnement plus concurrentiel, la SNEL doit passer du statut de fournisseur d’électricité intégré à celui de de gestionnaire d’énergie et de société de vente/commerciale. Ce changement de rôle implique une transformation majeure en termes de culture et de gouvernance en vue de 71 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. devenir une entreprise plus centrée sur le client et axée sur les résultats. Un leadership fort et un engagement continu de la part de la direction de la SNEL permettraient d’encourager cette transformation. Néanmoins, le changement de comportement des employés doit aller de pair avec un changement des habitudes des clients. La mesure de la consommation et la sécurisation des paiements auront un impact significatif sur les caractéristiques de la demande et permettront de modifier des pratiques non durables très répandues telles que la cuisson à l’électricité. Même si le prépaiement via des plates-formes de paiement modernisées (avec une application mobile, etc.) peut écarter les agents de collection intermédiaires, les clients doivent ressentir une amélioration de la qualité de service, faute de quoi leur attitude à l’égard du paiement ne changera pas. Le processus de recouvrement des créances via des « CVS » a favorisé les transactions monétaires directes qui empêchent la SNEL d’assurer un suivi fiable des ventes et d’obtenir des états de rapprochement des comptes précis. Ce processus a été géré par des travailleurs journaliers et opérant en rotation ou par les personnels non spécialisés de la SNEL, qui dans les deux cas n’ont jamais bénéficié d’une formation commerciale. La sécurisation du recouvrement des factures au moyen de transactions électroniques basées sur la consommation d’électricité réelle améliorera l’expérience du client et réduira le ressentiment des clients qui paient un prix fixe pour un service médiocre. Une campagne de communication peut aider à expliquer les efforts déployés par la SNEL et à rétablir une relation client saine. Cette campagne devrait décrire les efforts fournis en vue d’améliorer le service et la fiabilité, et devrait se concentrer sur quelques messages clés testés par des groupes témoins. Elle pourrait également chercher à s’adresser à différents publics, notamment ceux des secteurs public, résidentiel et industriel, et pourrait offrir des conseils en matière d’économie d’énergie afin de permettre aux clients de faire partie de la solution. Les changements requis au sein de la SNEL rencontreront une forte résistance. La gestion du changement n’a pas été incluse dans la mise en œuvre du plan de redressement jusqu’à présent. Une campagne interne de gestion du changement expliquant les réformes et leurs avantages pour les employés est essentielle afin d’obtenir l’adhésion de ces derniers. De plus, le renouvellement en profondeur du capital humain par le biais d’un processus transparent et concurrentiel peut également appuyer le changement des habitudes de travail et des pratiques de gestion. Un effort important en faveur des politiques de ressources humaines est nécessaire pour promouvoir la satisfaction des employés par le biais de programmes de formation renouvelés et de rotations de postes. La gestion des ressources humaines a été négligée pendant des années, victime d’intérêts particuliers et d’une mauvaise gouvernance. La formation du personnel ne correspond pas aux besoins opérationnels de la société. Le personnel de la SNEL est âgé en moyenne de 52 ans et le gel des embauches ces dernières années a empêché tout renversement de la pyramide. Il n’existe pas de plan de carrière clair permettant au personnel d’acquérir des compétences et de se spécialiser. Les affectations opérationnelles qui impliquent dans la plupart des cas des conditions de travail difficiles sans incitation financière ne sont pas attractives. Les nouveaux recrutements devraient rechercher en priorité des compétences techniques, commerciales et administratives spécifiques (finances, IT) afin de combler le déficit de compétences actuel qui entrave la mise en œuvre effective du plan de redressement. Les principales priorités de l’entreprise devraient conduire à la refonte du programme de formation et à l’adaptation des grilles de salaires pour que le personnel reste motivé et engagé. Le fait de promouvoir les interactions et les synergies entre les équipes pour éviter de travailler de manière cloisonnée faciliterait la mobilité du personnel et améliorerait considérablement les performances de la société. 72 ENCADRÉ 7 • PRINCIPALES CONCLUSIONS DE L’AUDIT TECHNIQUE ET FINANCIER DU CONTRAT DE PERFORMANCE ET DU CONTRAT DE SERVICES AVEC LA SNEL La première phase de la stratégie de redressement de la SNEL était structurée autour de 3 contrats : contrat de performance entre la SNEL et le GdRDC, contrat de services entre la SNEL et le MHI et contrat d’audit technique et financier mené par Deloitte. L’audit a permis de conclure que le niveau général d’exécution du plan de redressement demeure insuffisant par rapport au calendrier de redressement et aux attentes des différentes parties prenantes. Les principales activités considérées comme formant un facteur de réussite essentiel pour le redressement de la SNEL ne sont pas encore achevées (appropriation du plan de redressement par la direction générale et le personnel, mise en place du comité de pilotage, mise en œuvre d’une gestion axée sur les résultats, gestion du changement, plan directeur TIC). Les experts de MHI sont restés immergés dans les tâches quotidiennes au détriment des activités de transformation et de redressement de l’entreprise. Des lacunes ont été notamment relevées dans les activités liées à la passation des marchés, aux IT et aux RH. S’agissant du contrat de performance, aucun résultat significatif n’a été obtenu en ce qui concerne les engagements du GdRDC tandis qu’environ 70% des engagements de la SNEL ont été respectés. Les principaux engagements non atteints concernent le lancement du processus de compensation des créances et des dettes interentreprises, la réforme du système de contrôle des paiements de consommation pour les clients du secteur public, la restructuration du bilan et le règlement de la dette, ainsi que la collaboration pour le contrôle de la consommation d’électricité entre la SNEL et les clients du secteur public. 7 AFIN DE FOURNIR UN SERVICE D’ÉLECTRICITÉ FIABLE ET D’ÉTENDRE L’ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ EN RDC, LES OPÉRATEURS ONT BESOIN DE CAPITAUX ABORDABLES ET DE TARIFS SUSCEPTIBLES DE Frederic Verdol COUVRIR LES COÛTS Photo : 7.  AFIN DE FOURNIR UN SERVICE D’ÉLECTRICITÉ FIABLE ET D’ÉTENDRE L’ACCÈS À L’ÉLECTRICITÉ EN RDC, LES OPÉRATEURS ONT BESOIN DE CAPITAUX ABORDABLES ET DE TARIFS SUSCEPTIBLES DE COUVRIR LES COÛTS Le présent chapitre examine les raisons pour lesquelles l’élargissement du crédit et des capitaux à faible intérêt pour les opérateurs privés est essentiel pour la fourniture d’électricité à des coûts abordables pour les clients. Le gouvernement et les institutions financières internationales (IFI) ont un rôle important à jouer dans la collaboration avec les banques commerciales locales pour offrir des financements attractifs. Ce chapitre explore également le rôle de la renégociation des tarifs régulés dans le rétablissement de la santé financière de la SNEL et sa capacite à effectuer des investissements à l’avenir. Il examine également le rôle du réexamen des dettes de la SNEL dans la réduction du poids de la dette qui restreint ses flux de trésorerie. 7.1. L’ÉLARGISSEMENT DU CRÉDIT ET DES CAPITAUX À FAIBLE INTÉRÊT POUR LES OPÉRATEURS PRIVÉS EST ESSENTIEL POUR LA FOURNITURE D’ÉLECTRICITÉ À DES COÛTS ABORDABLES POUR LES CLIENTS Les opérateurs privés fixent leurs propres tarifs qui ne sont actuellement pas réglementés de manière ad hoc. Chaque opérateur convient d'un tarif avec le Ministère de l'Énergie ou l'autorité provinciale. Par exemple, dans la zone de Goma dans le Nord Kivu, Virunga SARL prélève 21 cUSD/kWh (hors taxe), tout comme SOCODEE pour les clients BT et 16 cUSD/kWh pour la MT. Dans le même temps, les offres des opérateurs de systèmes individuels tels que BBOXX vont de 17 USD à 100 USD par mois pour un service d’électricité résidentiel56. L’accessibilité financière est un souci majeur pour les opérateurs privés des réseaux isolés qui cherchent à raccorder de nouveaux clients. Les coûts de raccordement sont souvent très élevés pour de nombreux ménages, les PME et les institutions du service public telles que les hôpitaux et les écoles. Pour franchir cet obstacle, les opérateurs privés ont commencé à proposer des prêts à court terme aux utilisateurs finaux pour faciliter le paiement des frais de raccordement. Pendant ce temps, les solutions hors réseau permettent d’adapter le niveau du service aux besoins et aux moyens des clients. Les distributeurs doivent fournir des solutions flexibles de paiement PAYGO pour permettre aux clients d’étaler sur une période maximale de généralement 2 ans les paiements pour l’équipement. Dans l’objectif d’étendre leurs services de prêts ou simplement pour financer les dépenses d’investissement, les opérateurs privés des réseaux isolés ont besoin d’accéder à des moyens de financement attractifs, actuellement limités en RDC. Les opérateurs privés font face à des coûts très élevés et à des délais de remboursement très courts pour les prêts auprès du secteur des banques commerciales. La maturité de la majorité des emprunts n’excède pas 1 an, et les taux d’intérêts atteignent 2 chiffres. Ces hauts coûts financiers sont répercutés sur les consommateurs, ce qui ralentit la croissance de l’accès. Les banques locales (qui collaborent déjà avec Virunga et EDC/STS respectivement) sont soumises à des contraintes de liquidités et ne sont pas en mesure de fournir des prêts abordables à long-terme. Pendant ce temps, les distributeurs hors réseau dépendent de l’accessibilité du Ces informations sont susceptibles d’avoir changé depuis. 56 © 75 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. capital pour pouvoir offrir des solutions PAYGO aux consommateurs. Ce modèle commercial dépend grandement des capitaux car il requiert un versement initial pour l’équipement, pour lequel le paiement du consommateur est échelonné sur des mois ou des années. Le gouvernement et les IFI peuvent permettre la promotion de l’accès aux financements locaux à petite échelle pour les acteurs du marché. Ils peuvent impliquer les institutions financières dans les programmes relatifs au marché. Ils peuvent également fournir des incitations et des mécanismes financiers ciblés qui soutiennent le marché sans le fausser. Le gouvernement pourrait offrir des subventions aux opérateurs des réseaux isolés et aux entreprises hors réseau afin qu’ils étendent leur réseau de distribution aux clients résidentiels dans des zones prioritaires. Pour combler les lacunes relatives à l’accessibilité financière, cela peut se faire grâce à l’établissement d’un fonds d’électrification offrant des subventions aux opérateurs sur la base de leurs résultats pour chaque ménage qu’ils raccordent. Les financements en capital à travers des prêts concessionnels à long-terme peuvent également compléter les fonds propres des promoteurs pour les projets de production, de transport et de distribution d’électricité. Les lignes de crédit auprès des banques commerciales et des institutions de micro finance peuvent également faciliter l’introduction de liquidités pour la fourniture de prêts pour aider à financer les dépenses d’investissement. Étant donné que certains opérateurs font face à des difficultés pour lever le capital de démarrage, un soutien pourrait être fourni pour les travaux de préparation tels que les études de préfaisabilité et de faisabilité, ainsi que l’évaluation des ressources. Par ailleurs, un appui technique aux banques pour une meilleure compréhension du secteur peut aider à leur donner envie d’offrir des prêts. Enfin, des concessions pour l’électrification peuvent être établies et mises aux enchères pour le soumissionnaire nécessitant la somme la moins élevée pour subventionner l’investissement initial. 7.2. LA RENÉGOCIATION DES TARIFS RÉGLEMENTÉS ET LA RÉDUCTION DU POIDS DE LA DETTE DE LA SNEL SONT ESSENTIELLES POUR RÉTABLIR SA SANTÉ FINANCIÈRE ET RETROUVER SA CAPACITE D’INVESTISSEMENT Contrairement aux opérateurs privés qui définissent leurs propres tarifs, les tarifs de la SNEL ont été définis par l’État. En théorie, avec pour objectif le recouvrement des coûts. En pratique, cependant, le tarif de base n’a pas été révisé depuis 2009. Les tarifs sont définis selon le décret ministériel n°005/CAB/MIN-ECONAT&COM/2009 de mars 2009 selon les coûts standardisés. Ils ne sont révisés que pour refléter l’inflation, mais ne sont pas réajustés pour refléter les changements au niveau des coûts (Figure 18). Le tarif moyen effectif est d’environ 7,7 cUSD/kWh. FIGURE 18 • Évolution des tarifs de la SNEL, 2005–2016 0,12 0,1 BT - Social 0,08 BT - Residentiel 1 USD/kWh 0,06 BT -Residentiel 2 0,04 Moyenne tension 0,02 Haute tension 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Année Source : SNEL, présentation DEC, Assises de l’Électricité 76 7. Les opérateurs ont besoin de capitaux abordables et de tarifs susceptibles de couvrir les coûts FIGURE 19 • Comparaison du coût par kWh pour la SNEL par type de clients 0,2 0,175 0,15 0,125 0,1 Tarif moyenne tension 0,075 Tarif basse tension 0,05 Tarif haute tension 0,025 0 Cout de revient Cout de revient Impact sur le cout avec un taux de actuel pour du non-paiement pertes standard: la SNEL: des factures: 0,077 $/kWh 0,100$/kWh 0,152$/kWh Source : SNEL Sous le régime tarifaire actuel, la SNEL déclare que les tarifs n’ont pas pu couvrir les coûts, l’exploitation et la maintenance, le développement du secteur et les fonds de roulement. La SNEL perd actuellement 50 cents sur chaque kWh produit à cause du non-paiement des factures (Figure 19). Si ces pertes commerciales étaient réduites grâce à une migration vers une facturation au compteur basée sur la quantité plutôt qu’une facturation forfaitaire, les tarifs devraient pouvoir au moins couvrir les coûts. Une proposition tarifaire tenant compte de « la vérité des prix, la non-transférabilité des charges et l’égalité de traitement de toute la clientèle » a été transmise par la Direction générale de la SNEL à l’administration compétente en mai 2019 sans suite donnée a ce jour. Les tarifs miniers en particulier pourraient être fixés à un niveau plus élevé si la SNEL était autorisée à négocier directement avec chaque entreprise. Les clients HT payent actuellement un tarif de 5,9 cents/kWh pour l’énergie achetée à la SNEL (Figure 19). Or, nombre d’entre eux payent déjà 10 cents/kWh pour importer de l’électricité, et plus du double de ce montant pour de l’électricité issue de générateurs diesel. Le principe de négociations libres des tarifs pour les gros clients et les comptes éligibles doit être inscrit dans la loi pour permettre à la SNEL de négocier ses tarifs directement avec les clients du secteur minier. Une fois que l’autorité de régulation sera créée et active, elle jouera un rôle clé dans le processus de définition des tarifs. Le régulateur proposera pour adoption par décret interministériel des ministères de l’Économie et de l’Électricité « les règles et procédures pour la définition des tarifs de l’électricité pour les utilisateurs finaux, des tarifs d’accès pour les réseaux de transport et de distribution, et les tarifs pour les producteurs » (Article 24). Le régulateur devra également vérifier les tarifs proposés et les coûts enregistrés par les opérateurs (Articles 23 & 25). Il proposera aux ministères de l’Économie et de l’Électricité « le tarif des producteurs, le tarif pour l’utilisation des réseaux de transport et de distribution sur la base des éléments de coûts fournis par les opérateurs » (Article 94). Le total de la dette de la SNEL s’élève à 3 milliards USD, soit 6 fois ses revenus annuels. Cette dette comprend 885 millions USD en prêts auprès des banques de développement et 904 millions USD de prêts auprès d’entreprises privées (du secteur minier) connus sous le nom de « dettes PPP ». Les dettes ont plus que doublé depuis 2013, 77 Accéder à l’électricité en République Démocratique du Congo. Opportunités et défis. et les dettes impayées accumulent des intérêts supplémentaires chaque année. Du fait des difficultés rencontrées pour rembourser ces prêts, le montant total du capital et intérêt dû est supérieur au montant total emprunté (2,68 empruntés contre 3,07 dus aujourd’hui) sauf les dettes auprès de l’Association de Développement Internationale (IDA). Ceci s’applique particulièrement aux dettes PPP qui augmentent les pénalités. La SNEL enregistre un solde de trésorerie négatif, et le service de la dette à long terme nécessitera 370 millions USD en espèces en 2018. La situation de trésorerie de la SNEL en décembre 2016 était de 13 millions USD. Elle est passée à 16 millions USD en décembre 2017. Étant donné le solde de trésorerie négatif, la SNEL doit payer ses dettes en souscrivant des prêts à court terme. La SNEL utilise les dettes à court terme pour couvrir les dépenses incompressibles telles que les salaires, mais elle n’a pas les moyens d’assurer l’entretien de ses installations. C’est le principal facteur entraînant une dégradation accélérée. Depuis 6 ans maintenant, des audits financiers sont effectués à la SNEL. Ces audits peuvent servir au développement d’un modèle financier permettant à la société de structurer la dette et de prioriser les investissements. Par exemple, les améliorations dans le cadre des modalités des dettes de la SNEL auprès de ses clients miniers lui accorderont un répit et permettront à l’entreprise d’apurer la situation des comptes fournisseurs. Le poids de la dette des clients HT sur les finances de la SNEL empêche des entrées de trésorerie futures, ce qui est un obstacle à une bonne gestion du réseau. 78 8 RÉFÉRENCES Photo : Frederic Verdol RÉFÉRENCES AECOM et EDF (2013). Étude de faisabilité Grand Inga, avril 2013. Banque africaine de Développement et SEforALL, Hub Afrique (2017). Programme Mini-réseaux verts : République démocratique du Congo. Document Series #10. Ali, R., Barra, F., Berg, C., Damania, R.; Nash, J., Russ, Jason (2015). 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