Juin 2024 Cameroun Situation économique du Des instruments fiscaux pour une foresterie durable en 2024 Troisième édition Remerciements Cette édition du Rapport sur la situation économique du Cameroun a été préparée par une équipe de la Banque mondiale sous la direction conjointe de Francis Ghislain Ngomba Bodi (Économiste, EAWM2) et Amina Coulibaly (Économiste principale, EAWM2), et composée de Ryan Milan Rafaty (Spécialiste en gouvernance, EGVPI) et Chris Belmert Milindi Katindi (Consultant, EAWM2), sous la supervision de Robert Utz (Économiste en chef, EAWM2). Le rapport a bénéficié des idées et des commentaires de Samira Elkhamlichi (Spécialiste principale en environnement, SAWE4). L’équipe a bénéficié des conseils de Cheick Fantamady Kante (Directeur pays, AWCC1), Sandeep Mahajan (Responsable sectoriel Macroéconomie, EAWM2), Guillemette Jaffrin (Responsable des opérations, AWCC1), Clelia Rontoyanni (Cheffe de programme, EAWDR). Pinar Baydar (Analyste des opérations, EAWM2), Irène Sitienei (Assistante de programme, EAWM2) et Hilary Fuh Cham (Assistant d’équipe, AWCC1) ont appuyé l’équipe dans la préparation du rapport. Les constats, interprétations et conclusions exprimés dans cette publication ne reflètent pas nécessairement les points de vue des membres du Conseil d’administration de la Banque mondiale ou des pays qu’ils représentent. Le rapport est basé sur les informations disponibles jusqu’à la date du 15 mai 2024. L’équipe de la Banque mondiale serait heureuse de recevoir le feedback des parties prenantes sur le contenu de ce rapport. Toute correspondance devra être adressée à Francis Ngomba Bodi (fngombabodi@worldbank.org) et Amina Coulibaly (acoulibaly4@worldbank.org). 1 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Table des matières Résumé exécutif 3 Chapitre 1 : L’état de l’économie 11 1.1 Evolutions économiques récentes 12 1.1.1 Contexte économique mondial et régional 12 1.1.2 La croissance du PIB intérieur a ralenti en 2023, tandis que l’inflation moyenne a augmenté 14 1.1.3 Secteur externe : Le déficit du compte courant s’est creusé en 2023 21 1.1.4 Le rééquilibrage budgétaire se poursuit 24 1.1.5 Politique monétaire et secteur bancaire : les conditions monétaires sont demeurées restrictives et le système 32 bancaire camerounais reste résilient malgré certaines fragilités 1.2 Perspectives économiques à moyen terme 35 1.2.1 Perspectives économiques au niveau mondial et régional 35 1.2.2 La croissance du PIB au Cameroun devrait s’accélérer en 2025-2026 avant de se stabiliser par la suite, tandis que 36 l’inflation convergera progressivement vers la cible de 3 %. 1.2.3 Le déficit du compte courant restera stable à moyen terme 37 1.2.4 Le déficit budgétaire restera autour de 1 % du PIB à moyen terme, permettant au ratio dette/PIB de diminuer 37 1.2.5 Les perspectives de ce rapport sont moins optimistes qu’un an auparavant 39 1.2.6 Des risques baissiers pèsent sur cette perspective favorable 40 1.2.7 Problèmes et défis structurels au Cameroun 40 Chapitre 2 : Concevoir des instruments fiscaux pour la durabilité des forêts 44 2.1 Introduction : Contexte et objectifs 45 2.2 État et tendances des forêts au Cameroun 45 2.2.1 Place de l’exploitation forestière dans l’économie camerounaise 51 2.2.2 Augmentation de la déforestation 54 2.2.3 Émissions de carbone et engagements au titre de la CDN 55 2.2.4 Réformes de la politique forestière, gouvernance et inclusivité 58 2.3 Contexte régional et international 61 2.3.1 Financement de la gestion durable des forêts 61 2.3.2 Interdiction d’exportation de grumes de la CEMAC 63 2.3.3 Règlement européen sur les produits sans déforestation 66 2.4 Rôle de la politique fiscale environnementale : compromis dans le secteur forestier 70 2.5 Étude des instruments de politique fiscale forestière au Cameroun 75 2.5.1 Charges annuelles récurrentes 75 2.5.2 Licences d’exploitation forestière et vente aux enchères des concessions forestières 76 2.5.3 Taxes sur la production : redevances sur le bois collecté et taxes sur la valeur du bois sur pied 77 2.5.4 Impôts sur les sociétés 80 2.5.5 Dépenses fiscales pour l’agriculture et exonérations de taxe sur la valeur ajoutée pour les intrants agricoles 81 2.6 Opportunités pour une réforme de politique fiscale forestière climato-intelligente au Cameroun 83 2.6.1 Ajuster les taxes forestières en fonction de la durabilité des méthodes de production 83 2.6.2 Un système de bonus-malus en foresterie 84 2.7 Envisager l’avenir sur la base de l’expérience récente 86 2.7.1 La combinaison d’instruments fiscaux avec une meilleure gouvernance forestière aideront le Cameroun à 86 sauvegarder ses forêts tout en renforçant le rôle du secteur forestier dans l’économie 2.7.2 Le renforcement de la coopération régionale permettra de mieux équiper les pays du bassin du Congo pour faire 90 face aux défis transfrontaliers 2.7.3 Les efforts des pays du bassin du Congo pour préserver leurs forêts participent d’un bien public mondial et 92 nécessitent un soutien et une compensation internationale considérablement accrus Bibliographie 93 Résumé exécutif 3 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Cette troisième édition du Rapport sur la situation économique du Cameroun fait partie d’un programme de rapports annuels qui analysent les tendances et les contraintes de développement du Cameroun. Le rapport donne une analyse complète des évolutions économiques récentes du pays, des perspectives économiques à moyen terme et du rôle des instruments fiscaux dans la foresterie durable. Il examine la performance économique du Cameroun dans le contexte des conditions économiques aux niveaux mondial et régional et met en relief l’interaction entre les politiques fiscales et les défis du secteur forestier. Ralentissement de la croissance économique en 2023 dans un contexte de forte inflation élevée et de défis budgétaires En 2023, l’activité économique mondiale a ralenti, tombant à 2,6 % contre 3,0 % en 2022, en grande partie en raison du resserrement des politiques monétaires et de la réduction des appuis budgétaires dans les économies avancées. Les économies avancées ont vu leur croissance ralentir à 1,5 %, principalement en raison de la hausse des coûts d’emprunt et de la réduction des appuis budgétaires. Les États-Unis ont constitué une exception, connaissant une croissance plus forte grâce aux mesures de relance budgétaire. Les pays émergents et en développement ont connu une légère accélération de leur croissance, à 4,0 %, portée par une croissance modérée de la productivité, en particulier en Chine. Les prix des matières premières ont chuté de 24,2 %, sous l’effet de la baisse des prix du carburant et des produits alimentaires, malgré les tensions géopolitiques. Cependant, les cours du cacao ont affiché une tendance soutenue à la hausse à cause des contraintes d’approvisionnement résultant de conditions météorologiques défavorables dans les principaux pays producteurs. L’Afrique subsaharienne a connu un ralentissement de sa croissance économique qui est passée de 3,7 % en 2022 à 2,9 %, les grandes économies telles que le Nigeria et l’Afrique du Sud étant confrontées à d’importants défis. La croissance économique du Cameroun a ralenti en 2023 : la croissance du PIB réel a décéléré à 3,3 % contre 3,6 % en 2022. Ce ralentissement concernait tous les secteurs économiques – primaire, secondaire et tertiaire – dans un contexte de consolidation budgétaire, de hausse de l’inflation domestique et de persistance des conflits internes. 4 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Le secteur des services, qui a été l’un des principaux contributeurs à la croissance au cours des trois dernières décennies, a également connu un ralentissement en 2023, notamment en raison du déclin des activités de transport. Cette baisse a été largement attribuée à la hausse des prix des carburants en février 2023. Dans le secteur secondaire, les défis ont été particulièrement marqués avec une baisse soutenue de la production d’hydrocarbures qui a chuté de 4,3 % en 2023 en prolongement de la tendance des années précédentes. En outre, les industries agro-alimentaires ont été confrontées à des difficultés en raison de la hausse des coûts des intrants agricoles et des problèmes de contrebande, malgré l’amélioration de l’approvisionnement en énergie, grâce aux nouvelles capacités hydroélectriques et à l’expansion de la distribution d’énergie électrique. À l’inverse, le secteur du BTP a fait preuve de résilience, maintenant une croissance tirée en grande partie par de solides investissements privés, malgré le recul des investissements publics. Par ailleurs, selon la dernière enquête sur l’emploi, le taux d’activité a considérablement baissé alors que les taux de chômage et de sous-emploi étaient déjà élevés, en particulier parmi les jeunes. Alors que la population en âge de travailler est en croissance, la participation au marché du travail a considérablement diminué, passant de 70,2  % en 2010 à 57,1 % en 2021, la baisse la plus importante étant observée chez les jeunes. Parallèlement, le taux de chômage est passé de 3,8 % en 2010 à 5,9 % en 2021. L’inflation moyenne est passée à 7,4  % en 2023, contre 6,3  % en 2022. Les prix élevés des produits alimentaires et les coûts élevés de transport, sous l’impact de la hausse des prix du carburant, ont alimenté l’inflation en 2023. Malgré la politique monétaire restrictive de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), l’inflation globale est restée élevée à cause de facteurs domestiques. Le Gouvernement a relevé les salaires des fonctionnaires et le salaire minimum pour atténuer les effets de l’inflation, bien que ces mesures n’aient pas bénéficié aux travailleurs du secteur informel. Le déficit du compte courant s’est creusé à 4,0 % du PIB en 2023, contre 3,5 % en 2022, en raison d’un déficit commercial plus important dû à la baisse de la production et des exportations d’hydrocarbures. Néanmoins, la flambée des cours du cacao a eu un impact positif sur les recettes d’exportation. Les efforts de consolidation budgétaire se sont poursuivis, aboutissant à une réduction du déficit budgétaire à 0,8 % du PIB en 2023, contre 1,1 % en 2022. La hausse des recettes fiscales et la réduction des dépenses publiques, notamment les subventions aux carburants, ont contribué à cette amélioration. Les recettes fiscales non pétrolières sont passées de 10,6 % du PIB en 2022 à 11,4 % en 2023, reflétant de nouvelles mesures fiscales telles que la suppression des exonérations fiscales et l’augmentation des droits d’accise. Le ratio de la dette publique au PIB a légèrement baissé, passant de 44,9 % en 2022 à 44,3 % en 2023, bien que les intérêts aient augmenté en raison du resserrement des conditions financières. 5 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Croissance modérée à moyen terme dans un contexte de défis et de risques budgétaires Selon les perspectives économiques mondiales pour 2024, une croissance modérée du PIB de 2,4 % est prévue pour cette année, contre 2,6 % en 2023. Le ralentissement de la demande aux États-Unis et en Europe et les difficultés du secteur immobilier chinois limiteront la croissance. Les prix des matières premières devraient rester modérés, avec des risques importants liés à l’évolution géopolitique. L’Afrique subsaharienne devrait connaître une croissance de 3,8 %, malgré les difficultés budgétaires. Selon les prévisions, les conditions financières devraient être strictes puis s’assouplir d’ici 2025-2026 en Afrique centrale. La croissance du PIB réel du Cameroun à moyen terme devrait atteindre 4,0 % en 2024 et 4,5 % en moyenne de 2025 à 2027, grâce à l’amélioration de l’approvisionnement en énergie et à de solides investissements publics. L’achèvement du barrage hydroélectrique de Nachtigal et des lignes de transport d’électricité de la centrale électrique de Memve’ele permettra d’améliorer l’approvisionnement en énergie, stimulant ainsi les activités manufacturières. L’inflation devrait baisser progressivement, pour atteindre 3,0 % d’ici 2027, grâce à la modération de l’inflation des prix des biens importés et à la politique monétaire restrictive de la BEAC. Le déficit budgétaire devrait rester autour de 1,0 % du PIB à moyen terme, et la dette publique devrait baisser à 36,3 % du PIB d’ici 2027. Les principaux risques comprennent la volatilité des cours des matières premières, les crises de sécurité au niveau régional et les éventuelles tensions sociales. Comme les recommandations stratégiques le soulignent, les politiques budgétaires et monétaires robustes, les investissements dans les infrastructures, les réformes de la gouvernance et l’appui du secteur privé pour garantir un développement et une stabilité économiques durables sont d’une grande importance. Les politiques fiscales forestières pourraient être réformées de manière à contribuer à accroître les recettes publiques et à créer des emplois tout en promouvant la gestion durable des forêts. Le Cameroun possède de vastes zones forestières, riches en biodiversité, qui sont essentielles à la régulation climatique et aux moyens de subsistance des peuples autochtones et des communautés locales dépendantes des ressources forestières. Les forêts couvrent environ 35 % de la superficie du Cameroun et jouent un rôle essentiel dans la régulation du carbone et par-là dans la régulation du climat à l’échelle du pays et de la région. Elles représentent également un sanctuaire pour les populations autochtones qui dépendent fortement des ressources forestières pour leur alimentation et leur cadre 6 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable de vie. Environ 19 % de la forêt est située dans des aires protégées, y compris les 10 parcs nationaux du pays. Environ 70 % de la forêt est dédiée à la production durable et contrôlée de produits forestiers sous gestion d’entreprises privées. Le taux annuel de déforestation au Cameroun suit une tendance à la hausse, passant de 0,1 % à 0,6 % entre 2008 et 2020. Cette hausse de la déforestation a entraîné un déclin de la biodiversité et de la séquestration du carbone et fait ressortir les défis de la gestion forestière. Les facteurs de déforestation comprennent l’agriculture à petite échelle, l’exploitation forestière illégale, les activités minières incontrôlées et les pratiques d’utilisation des terres non durables telles que l’agriculture sur brûlis et l’expansion agro-industrielle non réglementée. La contribution du secteur forestier à l’économie camerounaise a toujours été significative, quoique faible par rapport à son potentiel. Bien que sa contribution au PIB national ait légèrement diminué au cours des deux dernières décennies, l’industrie forestière continue de jouer un rôle crucial dans l’économie. Au début des années 2000, l’industrie forestière représentait 20 % des exportations et 4 % du PIB. En 2021, elle représentait plus de 12,2 % des exportations et contribuait à 3,8 % du PIB. La chaîne de valeur forestière est la troisième source de recettes d’exportation au Cameroun après les secteurs du cacao et des hydrocarbures. Le secteur du bois fournit actuellement environ 45 000 emplois, dont 22 000 dans le secteur informel. Si le Cameroun est le plus grand producteur et exportateur de grumes de la région CEMAC, la transformation des grumes en produits finis est encore faible dans la filière bois. En raison de problèmes liés au manque d’infrastructures adéquates, à l’exploitation forestière illégale, aux problèmes de gouvernance, à l’insuffisance de compétences et à la corruption, l’industrie forestière camerounaise est limitée aux produits issus de la première transformation du bois tels que le bois rond industriel et le bois scié. Les pays de la CEMAC se sont orientés vers la mise en œuvre d’une interdiction de l’exportation de grumes rondes dans le cadre d’un effort visant à promouvoir la transformation locale du bois dans ces pays et à s’aligner sur un mouvement mondial vers une gestion durable des forêts. L’application de ce changement de politiques, prévue pour 2022 au départ, a été reportée à 2028, laissant aux pays suffisamment de temps pour s’adapter à ce programme transformateur. À la suite de la promulgation des décrets de la loi forestière de 1994, le Cameroun n’a commencé à interdire les exportations de grumes qu’en 1999, accordant ainsi un délai généreux pour permettre aux entités concernées de s’adapter. Cependant, la persistance des exportations de grumes, facilitées par un système alambiqué de quotas et d’exceptions, témoigne de la complexité de la question. Ces dernières années ont vu une augmentation du financement international pour la gestion durable des forêts dans la région du Bassin du Congo, mais les engagements internationaux sont encore insuffisants. Les engagements mondiaux ont tendance à ne pas être assortis d’objectifs quantifiables et transparents, ce qui fait qu’il persiste un écart entre les promesses et les résultats. La situation est encore plus compliquée lorsqu’il s’agit de la répartition des fonds. Les financements alloués aux communautés locales, aux forêts communales et aux populations autochtones restent manifestement insuffisants. Ce déficit est également constaté pour d’autres groupes vulnérables, tels que les femmes en milieu rural et les petits exploitants agricoles. Les réformes fiscales visant à optimiser les ressources forestières pourrait constituer une partie de la solution, offrant un moyen d’obtenir davantage de recettes publiques et de réaliser les objectifs environnementaux. Malgré l’abondance des ressources 7 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Photo by Atabong Armstrong, available at Wikimedia, licensed under CC BY-SA 4.0 forestières, le Cameroun a du mal à maximiser les recettes de son secteur forestier. Les recettes des taxes et impôts forestiers ne représentaient que 0,2 % du PIB en 2022. Les principales sources de recettes étaient les droits d’exportation du bois et la redevance forestière annuelle, suivis par les impôts sur les sociétés payés par les entreprises forestières. À l’avenir, les réformes fiscales pourraient être conçues de manière à intégrer davantage d’instruments de politique fiscale climato-intelligents qui peuvent être rentables et donner des résultats significatifs. Les instruments de politique fiscale relative aux forêts peuvent venir en complément des stratégies de conservation et de gestion des forêts, permettant aux décideurs politiques de réaliser les objectifs environnementaux et climatiques à un moindre coût, tout en générant davantage de recettes pour l’État. Les politiques fiscales telles que les subventions aux pratiques durables, les taxes environnementales, les réductions d’impôts pour la certification forestière et l’agroforesterie, le réinvestissement des revenus des ressources naturelles, les transferts fiscaux et les subventions peuvent jouer un rôle crucial dans la protection des terres forestières au Cameroun. Cependant, l’application de la fiscalité forestière doit se faire en prenant soigneusement en compte les facteurs économiques, sociaux et environnementaux. Il est crucial de garantir que les taxes et impôts soient équitables, transparents et utilisés de manière efficace pour promouvoir la gestion et la conservation durables des forêts. La recherche d’un équilibre entre la nécessité de décourager les pratiques néfastes et la nécessité de soutenir et d’encourager des moyens de subsistance durables contribuera à réaliser les objectifs de conservation des forêts à long terme. Il faut insister sur le fait que les redevances superficiaires révèlent les effets complexes, souvent imprévisibles, des taxes forestières sur les comportements en matière d’exploitation forestière. La réaction des exploitants forestiers à ces pressions fiscales montre que l’augmentation des tarifs incite parfois à une exploitation forestière plus intensive. L’intégration de la certification pour des pratiques durables dans les taux d’imposition relative aux forêts représente une approche avant-gardiste en matière de politique fiscale selon une perspective environnementale, une approche qui combine les 8 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable objectifs fiscaux et économiques à la préservation des atouts naturels pour le bénéfice des générations futures. Une telle stratégie reconnaît les complexités de la production durable et cherche à mobiliser les instruments fiscaux pour répondre à une combinaison d’objectifs fiscaux, économiques, sociaux et environnementaux. Les politiques fiscales qui promeuvent une foresterie durable peuvent également être utilisées par des pays tels que le Cameroun pour éviter de s’embarquer sur une trajectoire d’exploitation non durable qui menace les écosystèmes forestiers, à travers l’adoption d’une approche aux forêts et aux autres ressources qui permettra aux générations futures de continuer à bénéficier des riches ressources naturelles du pays. Alors que les autorités poursuivent leurs projets de révision du code forestier, différentes options de politique fiscale pourraient être envisagées dans le cadre d’une stratégie visant à augmenter les recettes fiscales tout en favorisant la génération de recettes, l’emploi et l’exploitation durable des ressources de bois. Les politiques fiscales qui pourraient être envisagées comprennent : • Élargir l’approche différenciée qui sous-tend les redevances foncières à d’autres instruments fiscaux. Dans cette approche, les pratiques plus durables et des concessions certifiées bénéficient d’une charge fiscale moindre tandis que les coûts fiscaux augmentent pour les entreprises fonctionnant avec des méthodes de production moins durables ; • Rationaliser les dépenses fiscales pour l’agriculture afin d’améliorer leur ciblage et les mettre en cohérence avec sur les objectifs environnementaux. • Réformer le code forestier à travers un processus participatif et inclusif qui prend en compte les intérêts de toutes les parties prenantes, y compris les communautés locales, les petits producteurs et les entreprises forestières. • Promouvoir les services numériques pour le secteur forestier, y compris pour les processus d’attribution et de vérification des permis et le paiement de tous les frais, taxes et redevances pour rehausser l’efficacité et la transparence. Les stratégies fiscales ne constituent cependant pas des solutions isolées mais des éléments d’un ensemble de politiques globales qui répondent aux défis à facettes multiples de la conservation des forêts. La réussite des stratégies et des efforts de conservation des forêts et de développement durable, allant des mesures réglementaires aux instruments économiques en passant par les campagnes d’information, dépend de la capacité à mettre en œuvre une stratégie cohérente et intégrée qui met à profit les atouts de chaque approche. On ne saurait trop insister sur le rôle de la gouvernance dans ce contexte. Un cadre de gouvernance solide est essentiel non seulement pour assurer une mise en œuvre efficace des politiques fiscales, mais aussi pour favoriser la collaboration et la transparence nécessaires à la gestion durable des forêts. Opportunités d’amélioration 1. Pratiques de gestion durable : La mise en œuvre de pratiques de gestion forestière durable (GFD) peut améliorer les avantages économiques à long terme de la foresterie. Les programmes de certification tels que le Forest Stewardship Council (FSC) peuvent ajouter de la valeur aux produits de bois. 2. Implication de la communauté : L’autonomisation des communautés locales à travers la gestion forestière participative peut améliorer la durabilité et garantir que les avantages de la foresterie sont répartis plus équitablement. 9 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 3. Appui et coopération de la communauté internationale  : Les interactions avec les organisations et les initiatives internationales peuvent ouvrir la voie à des appuis techniques et financiers aux projets forestiers durables. Les partenariats peuvent également contribuer à lutter contre l’exploitation forestière illégale et à améliorer la gouvernance. 4. Création de valeur ajoutée : Le développement d’industries locales de transformation du bois peut ajouter de la valeur aux produits forestiers, créer davantage d’emplois et augmenter les recettes par rapport à l’exportation de bois brut. Les principales recommandations de ce rapport sont présentées ci-après. Domaine de Action Entités responsables Calendrier politique Recouvrement Améliorer l’efficacité de l’administration fiscale Ministère des Finances Court à des recettes pour garantir une plus grande conformité et réduire moyen fiscales l’évasion fiscale. terme Élargir l’assiette fiscale en réduisant les exonérations Ministère des Finances, Court à fiscales et les taux préférentiels, notamment en Parlement moyen matière de TVA et d’impôt sur le revenu. terme Contrôle des Accorder la priorité aux dépenses consacrées aux Ministère des Finances, Court à dépenses projets d’infrastructure qui stimulent la croissance Ministère de l’Économie moyen économique et créent des opportunités d’emploi. terme Supprimer progressivement les subventions Ministère des Finances, Court à aux carburants tout en mettant en œuvre des Ministère de l’Économie moyen programmes d’assistance ciblés pour atténuer terme l’impact sur les populations vulnérables. Canaliser les économies provenant de la réduction des subventions vers des investissements productifs ou des programmes de protection sociale. Pratiques Mettre en œuvre une imposition sur la rente des Ministère des Forêts, Court à forestières ressources naturelles pour capter efficacement les Ministère des Finances moyen durables rentes des ressources. terme Établir des paiements pour les services Ministère des Moyen écosystémiques afin d’encourager la conservation Forêts, Ministère de terme et l’utilisation durable des forêts. l’Environnement Introduire des taxes environnementales et des Ministère de Moyen permis négociables pour réglementer et réduire les l’Environnement, terme pratiques non durables. Ministère des Finances Valeur ajoutée et Fournir des subventions et des incitations aux Ministère de l’Industrie, Moyen emploi industries forestières qui créent de la valeur et Ministère des Finances, terme génèrent des emplois. Ministère des Forêts Encourager la transformation locale du bois par des Ministère de l’Industrie, Moyen appuis financiers et techniques. Ministère du Commerce, à Long Ministère des Finances Terme 10 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Les principales recommandations de ce rapport sont présentées ci-après. Domaine de Action Entités responsables Calendrier politique Gouvernance Améliorer la transparence dans la gestion Ministère des Forêts, Court à forestière et forestière et garantir une application stricte des lois Agences de lutte contre moyen application de forestières. la corruption terme la loi Réviser la législation forestière pour la mettre en Ministère des Court à cohérence avec les engagements internationaux et Forêts, Ministère de moyen les pratiques d’excellence. l’Environnement, terme Ministère de la Justice Financements Développer des mécanismes pour attirer le Ministère des Moyen internationaux et financement climatique de la part des bailleurs Finances, Ministère terme privés internationaux et des investisseurs privés. de l’Environnement, Agences de Coopération Internationale Émettre des crédits carbone de haute intégrité Ministère de Moyen pour faciliter les transferts de ressources vers les l’Environnement, terme communautés locales. Ministère des Finances Reboisement et Mettre en œuvre des projets de reboisement à Ministère des Forêts, Long gestion durable grande échelle pour restaurer les zones forestières ONG environnementales terme des terres dégradées. Ministère de Renforcer les aires protégées et promouvoir des l’Environnement, pratiques durables de de gestion forestière. Ministère des Forêts Atténuation de la Lutter contre les facteurs de déforestation, tels Ministère des Forêts, Court à déforestation que l’agriculture à petite échelle et l’exploitation Ministère de l’Agriculture moyen forestière illégale, par le biais d’interventions terme ciblées. Mettre en œuvre le système de « bonus-malus » Ministère des Moyen pour financer des pratiques durables en taxant les Finances, Ministère terme productions non durables. de l’Environnement, Ministère des Forêts Politique Intégrer des outils fiscaux avec des garanties Ministère des Finances, Moyen fiscale pour la d’exécution et des programmes de certification Ministère des Forêts à long conservation des pour garantir une gestion durable des forêts. terme forêts Réductions d’impôts ou exonérations fiscales pour Ministère des Finances, Moyen les produits certifiés durables Ministère des Forêts à long terme Appliquer des charges annuelles récurrentes et Ministère des Finances, Moyen mettre aux enchères les concessions forestières sur Ministère des Forêts terme la base de critères de durabilité. Coopération Collaborer avec des initiatives régionales telles Ministère de Court à régionale et l’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale (CAFI) l’Environnement, moyen internationale et respecter les engagements pris lors de la COP26. Agences de coopération terme internationale Garantir le respect des réglementations Ministère du Commerce, Court à internationales, telles que le règlement de l’UE sur Ministère de moyen les produits sans déforestation. l’Environnement terme Capital humain Augmenter les dépenses publiques en matière Ministère des Finances, Moyen et protection d’éducation, de santé et de protection sociale en Ministères en charge de à long sociale appui aux communautés dépendantes des forêts. l’Éducation, Ministère de terme la Santé Développer des programmes pour améliorer les Ministère des Affaires Moyen compétences et les moyens de subsistance des Sociales, Ministère du à long populations tributaires de la forêt. Travail terme Chapitre 1 L’état de l’économie 12 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 1.1 Évolutions économiques récentes 1.1.1 Contexte économique au niveau mondial et régional : croissance stable du PIB mondial et baisse de l’inflation L’activité économique mondiale a ralenti en 2023, n’augmentant que de 2,6 % - contre 3,0 en 2022. Cette décélération globale, illustrée par le graphique 1, n’était pas uniforme sur l’ensemble du monde. Dans les économies avancées, la croissance a ralenti pour passer à 1,5 %, contre 2,5 % en 2022. Cette baisse est largement attribuée aux coûts d’emprunt élevés, résultant du resserrement des politiques monétaires, ainsi qu’à une diminution des appuis budgétaires. Cependant, les États-Unis, où les mesures de relance budgétaire ont conduit à une hausse du taux de croissance du PIB réel en 2023, font exception. A l’inverse, les pays émergents et en développement ont connu une légère accélération de leur croissance qui est passée de 3,7 % à 4,0 %. Cette situation s’explique principalement par une croissance modérée de la productivité, notamment en Chine où le ralentissement du secteur immobilier a freiné la performance économique. Graphique 1 : Croissance du PIB réel dans le monde Graphique 2 : Indice des prix des produits de base 8,0 200,0 7,0 150,0 6,0 5,0 100,0 4,0 50,0 3,0 2,0 0,0 1,0 21 1 21 4 21 7 22 0 22 1 22 4 22 7 23 0 23 1 23 4 23 7 24 0 01 20 M0 20 M0 20 M0 20 M1 20 M0 20 M0 20 M0 20 M1 20 M0 20 M0 20 M0 20 M1 M 21 0,0 20 Monde Economies Economies Afrique avancées émergentes SubSaharienne Indice des prix des produits de base et en développement Énergie Agriculture 2021 2022 2023e Métaux et minéraux Source : Banque mondiale, Perspectives économiques Source : Données sur le cours des produits de base de la Banque mondiale mondiales, janvier 2024 Remarques : Les indices sont basés sur les prix en USD nominaux, 2010=100 13 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable En 2023, les cours des produits de base ont baissé, en phase avec la contraction du PIB mondial, malgré l’escalade des conflits géopolitiques en fin d’année. L’indice des prix des produits de base a baissé de 24,2 % en moyenne en 2023 par rapport à 2022 (Graphique 2), principalement à cause de la baisse des prix des carburants et des produits alimentaires. Les cours du pétrole et du gaz ont considérablement baissé au cours du premier semestre 2023, mais une partie de cette baisse a été compensée au second semestre 2023 à la suite des tensions géopolitiques au Moyen-Orient et aux réductions de production de l’OPEP. L’augmentation de l’offre des principaux produits agricoles a contribué à la baisse des prix alimentaires et à la diminution de l’inflation mondiale. Cependant, le cours du cacao a affiché une tendance soutenue à la hausse (voir l’Encadré 3 ci-après) à cause des contraintes d’approvisionnement dans les principaux pays producteurs, principalement à cause de conditions météorologiques défavorables. Tout au long de l’année 2023, la désinflation a persisté dans le monde, alimentée par des politiques monétaires restrictives et la baisse des prix de l’énergie et des produits alimentaires. Selon les estimations, l’inflation mondiale s’élevait à 4,0 % à la fin de novembre 2023, contre 8,9 % un an auparavant. Cette tendance à la désinflation est plus marquée dans les économies avancées que dans les économies émergentes et en développement (MEED), où une dépréciation des taux de change et des réponses tardives de la part de leurs banques centrales ont été observées lors de la flambée d’inflation à la fin de 2021 et au début de 2022. Le contexte mondial de désinflation a provoqué une baisse des prix des biens importés dans les pays en développement. Le resserrement des politiques monétaires à l’échelle mondiale a eu un impact sur l’inflation mondiale, mais a également influencé les conditions financières sur les marchés financiers internationaux. Le relèvement des taux directeurs a exercé un effet de refroidissement sur la demande en entraînant une hausse des taux de prêt. De plus, les rendements des obligations d’État ont augmenté dans les économies émergentes et les économies avancées. Cependant, les taux d’intérêt étaient supérieurs dans les MEED qui ont connu une dépréciation du taux de change et une fuite de capitaux. Néanmoins, les MEED ont fait preuve d’une relative résilience, en particulier dans leur secteur bancaire. Cependant, à cause de leur faible accès aux marchés de crédit intérieurs, les gouvernements des pays en développement ont été confrontés à des défis découlant des conditions financières internationales restrictives. La croissance du PIB réel en Afrique subsaharienne a ralenti en 2023, passant de 3,7 % il y a un an à 2,9 %, reflétant l’évolution des trois plus grandes économies de la région (Nigeria, Afrique du Sud et Angola). Les entreprises sud-africaines ont continué à souffrir de graves pénuries d’énergie, entraînant une baisse de la croissance du PIB qui est passée de 1,9 % en 2022 à 0,7 % en 2023. Au Nigeria, le Gouvernement a entrepris un rééquilibrage budgétaire en supprimant progressivement et partiellement les subventions aux carburants, en uniformisant les multiples taux de change et en levant les interdictions d’importation. Même si ces mesures ont eu un impact positif sur les perspectives macroéconomiques à moyen terme du Nigeria, elles ont néanmoins entraîné une forte hausse de l’inflation et une perturbation considérable de l’activité économique en 2023. Dans la CEMAC, l’activité économique a connu un repli tandis que l’inflation est restée stable. La croissance du PIB réel s’est élevée à 2,0 % en 2023, contre 2,9 % en 2022, du 14 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable fait de divers facteurs, et principalement la baisse de la production des hydrocarbures due à l’épuisement progressif des gisements de pétrole et aux contraintes de production de gaz. En outre, la performance du secteur manufacturier a été inférieure aux attentes malgré la dynamique robuste des investissements privés non pétroliers. Dans le même temps, le taux d’inflation régional moyen est resté stable à 5,6 % en 2023 contre 5,5 % en 2022. La baisse des prix du pétrole et des produits alimentaires importés, ainsi que le contrôle de l’observance des prix administrés et la politique monétaire restrictive de la BEAC ont contribué à compenser les pressions inflationnistes résultant de l’élimination partielle des subventions aux prix des carburants dans plusieurs pays de la CEMAC, notamment le Cameroun, le Tchad, la République centrafricaine et la République du Congo. La baisse des prix du pétrole en 2023 a eu un impact négatif sur les avoirs extérieurs nets (AEN) de la CEMAC, ce qui a incité la Banque Centrale régionale, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) à intensifier ses efforts d’application stricte et complète de la réglementation des changes. À la suite de l’augmentation des réserves de change en 2022 et au premier semestre 2023, les AEN ont chuté en raison de la baisse des prix du pétrole.1 Pour inverser cette tendance, la BEAC a intensifié l’application de la réglementation des changes de 2018, notamment en ce qui concerne le rapatriement des fonds RES constitués en vue de la réhabilitation des sites pétroliers. A cet effet, des discussions sont en cours entre la BEAC, les ministères des Finances et des Hydrocarbures des pays de la CEMAC et les compagnies pétrolières sur l’étendue de ces fonds et le cadre juridique qui régira le processus de rapatriement et la gestion des comptes associés qui seront créés dans les livres de la Banque centrale. Par ailleurs, au regard de ce que le bois représente un des principaux produits d’exportation dans trois pays de la CEMAC, l’interdiction imminente des exportations de grumes en 2028 pourrait mettre à rude épreuve les réserves de change à moyen terme. 1.1.2 La croissance du PIB intérieur a ralenti en 2023, tandis que l’inflation moyenne a augmenté La reprise économique a été plus lente en 2023, la croissance du PIB réel n’ayant augmenté que de seulement 3,3 % contre 3,6 % en 2022 (Graphique 3). Jusqu’au début de 2024, toutes les estimations de la croissance du PIB réel en 2023 tournaient autour 4,0 %, mais les derniers comptes nationaux des deux derniers trimestres de 2023 ont indiqué une décélération marquée de la croissance. Ce ralentissement de la croissance a été observé dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire, dans le contexte du rééquilibrage budgétaire en cours, de la hausse de l’inflation intérieure et de l’existence de multiples sources de fragilité, notamment les conflits internes. Même si le secteur des services est resté le plus grand facteur de de croissance réelle en 2023, comme pendant les trois dernières décennies (Graphique 5), sa croissance a décéléré par rapport à 2022 à cause de la diminution des activités du secteur du transport consécutive à l’augmentation des prix du carburant en février 2023. 1 Baisse mensuelle moyenne de 7,6 % entre mai et octobre 2023 15 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Graphique 3 : Répartition de la croissance du PIB réel du Graphique 4 : Production d’hydrocarbures du Cameroun Cameroun 4,0 6,6 25,0 3,6 3,3 3,3 6,5 3,5 Milliards de pieds cubes standards 6,4 20,0 3,0 6,3 Millions de barrils 2,5 6,2 15,0 2,0 6,1 6,0 10,0 1,5 5,9 1,0 0,3 5,8 5,0 0,5 5,7 0,0 5,6 0,0 2021Q1 2021Q2 2021Q3 2021Q4 2022Q1 2022Q2 2022Q3 2022Q4 2023Q1 2023Q2 2023Q3 2023Q4 2020 2021 2022 2023e -0,5 PIB pétrolier PIB non pétrolier Production pétrolière PIB réel Production de gaz naturel (Axe de droite) Source : Autorités camerounaises et estimations de la Banque mondiale L’épuisement progressif des puits de pétrole et la sous- performance des industries agroalimentaires par rapport à ce qui était attendu ont contribué au ralentissement du secteur secondaire. La production de pétrole et de gaz (Graphique 4) a continué à baisser en 2023 et a chuté de 4,3 %, après des baisses de 2,6  % et 3,6  % en 2022 et 2021 respectivement. Malgré l’amélioration de l’approvisionnement en énergie à la suite de la mise en service du barrage hydroélectrique de Memve’ele et à l’expansion du réseau de distribution d’électricité, les industries agroalimentaires ont été affectées par la hausse des prix des intrants agricoles et la contrebande. Le secteur du bâtiment a maintenu sa dynamique de croissance, principalement grâce à la vigueur de l’investissement privé et malgré la contraction de l’investissement public (Graphique 6). Credits: Worldbank Cameroon 16 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Graphique 5 : Facteurs du côté de l’offre de la Graphique 6 : Facteurs du côté de la demande de la croissance du PIB réel croissance du PIB réel 4,0 6,0 3,5 4,0 3,0 2,0 2,5 2,0 0,0 1,5 -2,0 1,0 -4,0 0,5 2020 2021 2022 2023e 0,0 Exportations nettes 2020 2021 2022 2023e FBCF publique FBCF privée Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Consommation publique Consommation privée Graphique 7 : PIB réel et potentiel non pétrolier Graphique 8 : PIB par habitant au Cameroun 8,0 1,410,0 1,400,0 6,0 1,390,0 4,0 1,380,0 1,370,0 2,0 1,360,0 0,0 1,350,0 2020 2021 2022 2023e 2020 2021 2022 2023e Croissance du PIB non pétrolier Croissance du PIB potentiel non pétrolier PIB par tête (US$ réel de 2015) Moyenne de la croissance du PIB non pétrolier avant COVID-19 (2011-2019) Moyenne pré-COVID19 (2017-2019) Graphique 10 : Contribution de la chaîne de valeur Graphique 9 : Part de la chaîne de valeur du bois dans le PIB du bois à la croissance du PIB 7,0 Poids de la sylviculture dans le secteur primaire 5,0 30,0 6,0 4,5 Poids de la sylviculture dans le PIB 25,0 4,0 5,0 3,5 20,0 4,0 3,0 3,0 2,5 15,0 2,0 2,0 10,0 1,5 1,0 1,0 5,0 0,5 0,0 0,0 0,0 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 Autres industries du bois Manufactures de papier Sylviculture et exploitation forestière Ameublement Syviculture et exploitation forestière Poids de la sylviculture dans le secteur primaire Source : Autorités camerounaises et estimations de la Banque mondiale 17 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable L’activité économique a ralenti dans le secteur primaire en 2023. La contribution de ce secteur à la croissance réelle en 2023 est de 0,1 point de pourcentage, le niveau le plus bas depuis une décennie. Cette performance s’explique par la diminution de la production agricole orientée vers l’exportation, notamment les produits tels que le cacao, le caoutchouc et la banane. L’introduction d’une taxe à l’exportation de 10 % sur les exportations de fèves de cacao dans la Loi de finances de 2023 a entraîné une augmentation de la contrebande vers les pays voisins et une baisse des exportations douanières. En revanche, la croissance du secteur forestier est restée étonnamment stable en 2023 (contribution stable à la croissance réelle de 0,2 point de pourcentage en 2022 et 2023), malgré les restrictions progressives sur les exportations de grumes, la suspension temporaire de la délivrance de permis d’exploitation forestière et l’introduction d’une taxe à l’exportation sur les grumes dans le budget de 2023. La réduction de la pauvreté au Cameroun a stagné sur les 20 dernières années, avec environ 4 Camerounais sur 10 vivant en dessous du seuil national de pauvreté. Selon les données de l’Enquête auprès des ménages de 2021-2022,2 23,0 % de la population vit en dessous du seuil international d’extrême pauvreté de 2,15 USD PPA par personne et par jour. Malgré les efforts déployés pour lutter contre la pauvreté, le taux d’extrême pauvreté n’a pratiquement pas changé depuis 2001, ne connaissant qu’une légère diminution de 0,9 point de pourcentage entre 2014 et 2021. De plus, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil national de pauvreté a augmenté d’environ deux tiers entre 2001 et 2021. Bien qu’il y ait eu une légère réduction des inégalités, le coefficient de Gini passant de 44,0 en 2014 à 42,9 en 2021, ce dernier chiffre est encore supérieur à son niveau de 40,4 en 2001, ce qui indique des disparités importantes de niveau de vie entre les régions et entre les milieux urbain et rural. Le paysage de l’emploi présente des tendances inquiétantes  : la moitié de la population en âge de travailler, en particulier les jeunes, est au chômage ou ne fait pas partie de main-d’œuvre.3 Le taux d’activité a considérablement baissé, passant de 70,2 % en 2010 à 57,1 % en 2021,4 la plus forte baisse étant observée chez les jeunes. Par ailleurs, le taux de chômage a augmenté, passant de 3,8 en 2010 à 5,9 %. Au total, cette évolution a entraîné une baisse du taux d’emploi qui est passé de 66,4 % en 2010 à 51,2 % en 2021. À mesure que le taux d’emploi diminuait, le sous-emploi (principalement dans le secteur informel) des personnes employées est passé de 70,6 % en 2010 à 61,4 % en 2021.5 Cette situation pourrait être due en partie à la transformation structurelle et à l’exorde rural, avec le secteur informel urbain de plus en plus prépondérant au détriment 2 Cinquième Enquête Camerounaise Auprès des Ménages (ECAM-5), données collectées entre octobre 2021 et septembre 2022. 3 Troisième Enquête sur l’Emploi et le Secteur Informel au Cameroun (EESI3), Phase 1 : Enquête sur l’emploi, rapport principal, Institut National de la Statistique, Cameroun, août 2022 4 Il y a eu trois enquêtes sur l’emploi au Cameroun : en 2005, 2010 et 2021. 5 Le sous-emploi est calculé par l’Institut National de la Statistique du Cameroun comme une combinaison de deux variables : le nombre moyen d’heures travaillées dans une semaine par rapport à une référence (cette variable est restée stable entre 2010 et 2021) et le salaire horaire moyen par rapport au salaire horaire minimum (cette variable a augmenté de manière significative au cours de la période). Le Mémorandum Economique du Cameroun actuellement en préparation examinera en profondeur les développements récents sur le marché du travail. 18 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable de l’agriculture rurale. Cependant, les villes ne sont pas en mesure d’offrir des emplois à ces nouveaux citadins : le taux d’emploi a chuté en milieu urbain, passant de 54,7 % en 2010 à 46,1 % en 2021. En conséquence, la pauvreté urbaine a augmenté ces dernières années. L’inflation moyenne a augmenté pour atteindre 7,4  % en 2023, contre 6,3  % en 2022, malgré la politique monétaire restrictive de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) et le fléchissement de l’inflation mondiale. Malgré l’impact négatif de la politique monétaire restrictive de la BEAC et la baisse des prix mondiaux, les facteurs du côté de l’offre intérieure ont maintenu les prix à un niveau élevé. Les prix élevés des produits alimentaires et les coûts de transport élevés, résultant de la hausse des prix du carburant à la suite du relèvement du plafond des prix du carburant par le Gouvernement du Cameroun en mars 2023 et février 2024, ont maintenu l’inflation globale à des niveaux élevés (Graphique 11). L’inflation globale en glissement annuel a commencé à diminuer en décembre 2022, mais la hausse des prix du carburant en février 2023 a entraîné une tendance haussière ; l’inflation globale en glissement annuel n’est revenue à son niveau de janvier 2023 qu’en septembre 2023 (Graphique 13). Cependant, la tendance à long terme en matière d’inflation semble être orientée à la baisse. Du point de vue géographique, le niveau d’inflation en 2023 semble avoir affecté les villes des différentes régions de manière plus uniforme qu’en 2022 (Graphique 12). Le Gouvernement du Cameroun a pris certaines mesures pour atténuer les impacts négatifs de l’inflation sur les ménages, notamment en relevant les salaires des fonctionnaires et le salaire minimal en 2023 et 2024. Cependant, ces mesures n’affecteront pas les revenus des travailleurs du secteur informel où la plupart des pauvres gagnent leur vie. Credits: Worldbank Cameroon 19 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Graphique 12 : Dispersion régionale de l’inflation en Graphique 11 : Dynamique de l’inflation (en pourcentage) au glissement annuel Cameroun (Ecart-type de l’inflation entre les capitales régionales) 18,0 1,60 1,45 16,0 1,33 1,36 14,0 1,40 12,0 1,16 1,20 10,0 8,0 1,00 6,0 4,0 0,80 2,0 0,0 0,60 déc-20 mars-21 juin-21 sept-21 déc-21 mars-22 juin-22 sept-22 déc-22 mars-23 juin-23 sept-23 déc-23 0,40 Inflation globale, glissement annuel 0,20 Inflation des produits alimentaires Inflation des biens produits domestiquement 0,00 Inflation des produits importés 2020 2021 2022 2023 Source : Institut National de la Statistique du Cameroun Source : Institut National de la Statistique du Cameroun Remarques : Année de référence = 2022 Graphique 13 : Inflation globale moyenne et en glissement Graphique 14 : Inflation moyenne dans les capitales régionales annuel du Cameroun 9,0 9,0 8,0 8,0 7,0 7,0 6,0 6,0 5,0 5,0 4,0 4,0 3,0 3,0 2,0 2,0 1,0 1,0 0,0 0,0 déc-20 mars-21 juin-21 sept-21 déc-21 mars-22 juin-22 sept-22 déc-22 mars-23 juin-23 sept-23 déc-23 a Be é da é la ou a Ba ua a éa am ou w ér ou nd a rto Bu en lo ou s nd ar ar ou us o m D G M Eb fo Ya Ba ga Inflation globale, glissement annuel N Inflation globale, moyenne annuelle déc-20 déc-21 déc-22 déc-23 Source : Institut National de la Statistique du Cameroun Source : Institut National de la Statistique du Cameroun 20 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Avec la dynamique actuelle de croissance, l’ambition du Cameroun de devenir un pays à revenu intermédiaire tranche supérieure d’ici 2035 (Vision 2035) semble actuellement hors d’atteinte (Graphique 15). Les performances de croissance du pays ont été inférieures aux attentes, avec un taux de croissance annuel moyen de 3,7 % entre 2020 et 2022, nettement inférieur aux 6,6 % projetés par la SND30 pour atteindre l’objectif de la Vision 2035. Pour combler cet écart, le Cameroun devrait atteindre un taux de croissance annuel moyen minimum d’environ 10 % sur la période 2024-2030, ce qui nécessiterait de repenser profondément le modèle de croissance du pays, en mettant davantage l’accent sur la participation du secteur privé et en redéfinissant le rôle de l’État dans l’économie, comme indiqué dans le Cameroon Systematic Country Diagnostic de 2022. En l’absence de réformes mises en œuvre pour libérer l’énorme potentiel de croissance du Cameroun, les années nécessaires/la croissance du PIB réel nécessaire pour que le Cameroun atteigne le statut de PRIT augmentent d’année en année. Graphique 15: Les performances de croissances du Cameroun sont en-dessous des attentes, année après année 10 9,5 9,5 9 7,6 8 7,0 7 6 5,5 en % 5 4,5 4,0 3,5 3,6 4 3,3 3,3 3 2 1 0,3 0 2019 2020 2021 2022 2023e 2024f Croissance du PIB réel SND30 projections Source : Autorités camerounaises et estimations du staff de la Banque Mondiale. Notes : La SND30 est la Stratégie Nationale de Développement (2020-2030). En 2019 et 2020, le Cameroun avait comme stratégie de développement le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE). 21 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 1.1.3 Secteur externe : Le déficit du compte courant s’est creusé en 2023 Le déficit du compte courant a augmenté pour atteindre 4,0 % du PIB en 2023, contre 3,5 % en 2022 (Graphique 17), alimenté par l’accroissement du déficit commercial (Graphique 16). Après l’envolée des prix des hydrocarbures qui a dopé les recettes d’exportation en 2022, les prix ont baissé en 2023 ; cette baisse, combinée à la baisse de la production d’hydrocarbures, a conduit à l’augmentation du déficit commercial qui a atteint 3,8 % du PIB en 2023 contre 2,6 % en 2022. La baisse des exportations de cultures commerciales a également contribué à la diminution des exportations de biens. La balance des services s’est améliorée, les coûts de fret ayant diminué. La balance des transferts s’est considérablement en lien avec la hausse prononcée des envois de fonds des migrants. En 2023, le financement extérieur de la BdP a chuté de 2,2 points de PIB, une baisse qui s’explique principalement par la baisse de 2,1 points de PIB du solde du compte financier tandis que le solde du compte de capital est resté globalement inchangé. La réduction de l’endettement public et la fuite de capitaux alors que les taux d’intérêt étaient plus élevés au niveau du pays et au niveau international ont été les facteurs à l’origine de cette dynamique. En conséquence, la balance des paiements a enregistré un déficit de 1,1 % du PIB en 2023, et ce déficit a été entièrement financé par la variation des réserves officielles. Graphique 16 : Déficit commercial du Cameroun (en Graphique 17 : Déficit du compte courant du Cameroun pourcentage du PIB) (en pourcentage du PIB) 18,0 4,0 16,0 2,0 14,0 0,0 12,0 10,0 -2,0 -3,7 -4,0 -3,5 8,0 -4,0 -4,0 6,0 -6,0 4,0 3,5 3,8 -8,0 2,0 2,7 2,6 2020 2021 2022 2023e 0,0 2020 2021 2022 2023e Balance des revenus secondaires Balance des revenus primaires Exportations de biens Importations de biens Solde de la balance des services Déficit commercial Solde de la balance des biens Solde du compte courant Source : Autorités camerounaises et estimations de la Banque mondiale 22 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Encadré 1 : Récentes hausses des prix à la production du cacao au Cameroun Le cacao joue un rôle central dans l’économie camerounaise, en tant que principal produit d’exportation, mais aussi en tant qu’importante source d’emplois et de revenus. Le Cameroun est le quatrième producteur mondial de cacao en 2023, sa production se chiffrant à 280 000 tonnes (t) pour la récolte 2022-2023 (Graphique 18). Elle reste la principale culture commerciale pour la plupart de la population rurale, constituant la base d’environ 400 000 emplois. Elle représente 80 % des exportations de matières premières agricoles, contribuant à hauteur de 1,2 % au PIB national et de 8,2 % au PIB agricole. Reconnaissant son importance, le Gouvernement a établi des objectifs ambitieux en matière de promotion de production de cacao, notamment 600 000 tonnes d’ici 2025 et le double d’ici 2030. De plus, le secteur joue un rôle essentiel dans l’atténuation du changement climatique, la préservation des forêts et la mobilisation des recettes fiscales. Depuis la fin de 2022, le cours des Graphique 18 : Les plus grands producteurs de cacao fèves de cacao a considérablement augmenté, enregistrant une hausse de 140 % et passant ainsi de 1 544 FCFA le kilogramme au 1er janvier 2023 à 13 % 3 710 FCFA au 1er mars 2024. Cette envolée est attribuée à différents facteurs, 1% 3% notamment les mauvaises récoltes dans les principaux pays producteurs d’Afrique 4% de l’Ouest (Ghana et Côte d’Ivoire) dues à 44 % des conditions climatiques défavorables, 6% dans un contexte d’augmentation de la 6% demande et de baisse du ratio stocks/ broyage. Le marché du cacao a été confronté à des défis importants à cause 9% des pénuries d’approvisionnement observées tout au long de 2021 et 2022, 14 % un déficit supplémentaire de 374 000 tonnes étant prévu pour la période 2023- 2024. L’assouplissement des restrictions Production de fèves de cacao par pays en % liées à la COVID-19 a entraîné une reprise de la demande de produits à base de Côte d'Ivoire cacao, en particulier dans les activités de Ghana Equateur broyage. Les conditions météorologiques Cameroun défavorables dans les principaux pays Nigeria producteurs de cacao, tels que la Côte Brésil Indonesie d’Ivoire et le Ghana, ont davantage réduit Papouasie Nouvelle Guinée la production. Le ratio stocks/broyage a Reste du monde baissé, passant de 42 % pour la campagne agricole 2020-2021 à 31,4 % prévu pour 2023-2024, entraînant une hausse des prix. Même si le cours des fèves de cacao devrait rester élevé au moins jusqu’à la fin Source : Bulletin de l’ICCO n°4, année cacaoyère 2022/2023, campagne cacaoyère 23 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable de 2024 ou 2025 à cause des conditions météorologiques extrêmes persistant en Côte d’Ivoire et au Ghana, de la maladie à virus de l’œdème des pousses du cacaoyer et du vieillissement des arbres, en raison de ces facteurs structurels, le cours du cacao devrait demeurer élevé à moyen terme.6 La libéralisation du secteur du cacao au Cameroun a permis aux producteurs primaires de tirer considérablement avantage de la récente flambée du cours du cacao. Le mécanisme de tarification, basé sur des négociations entre les producteurs locaux et les exportateurs ou transformateurs et établissant le cours du marché international comme prix plafond, a conduit à l’application de prix à la production remarquablement élevés. Au 1er mars 2024, le prix à la production moyen au Cameroun atteignait 3 500 FCFA (5,8 USD), se rapprochant étroitement du cours du cacao sur le marché international de 3 710 FCFA (6,2 USD). Ce rapprochement a entraîné une augmentation des recettes des agriculteurs camerounais. En revanche, les producteurs de cacao des pays tels que la Côte d’Ivoire et le Ghana n’ont pas pu tirer profit de la flambée du cours du cacao à cause du mécanisme d’établissement des prix à la production par le Cocoa Board. Par exemple, au début de la campagne 2023-2024, le prix à la production garanti en Côte d’Ivoire était de 1 000 FCFA (1,7 USD), mettant en évidence une disparité significative dans la façon dont les tendances des cours mondiaux affectent les producteurs locaux de cacao. La flambée du cours du cacao pourrait affecter l’économie camerounaise par diverses voies, notamment à travers ses effets sur les producteurs agricoles, les comptes budgétaires et extérieurs, ainsi que la croissance globale du PIB. Elle pourrait probablement générer 350 milliards FCFA supplémentaires de recettes d’exportation en 2024. En tablant sur un cours moyen du cacao en 2024 compris entre 3 000 FCFA et 3 500 FCFA et un volume d’exportation de 235 000 tonnes, comme en 2022, la flambée du cours du cacao pourrait permettre de générer des recettes d’exportation supplémentaires de 350 à 470 milliards FCFA. Ces revenus pourraient compenser les deux tiers du déficit commercial de 2024 tout en augmentant les revenus des 400 000 travailleurs du secteur du cacao. Les recettes fiscales du secteur du cacao, recouvrées à travers les taxes à l’exportation, l’impôt sur les bénéfices de société des exportateurs, ainsi que la TVA et les droits de douane sur les intrants agricoles, peuvent également être affectées par la flambée du cours du cacao, en fonction de la dynamique de la production. Cependant, des gains budgétaires indirects pourraient être tirés de ces recettes supplémentaires et pourraient être canalisés vers la consommation et l’investissement. 6 Voir https://www.icco.org/wp-content/uploads/Cocoa-Market-Report-March-2024.pdf et https://www.jpmorgan.com/insights/global-research/commodities/cocoa-prices 24 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 1.1.4 Le rééquilibrage budgétaire se poursuit, permettant de réduire la dette publique exprimée en pourcentage du PIB Le rééquilibrage budgétaire s’est poursuivi en 2023, le déficit budgétaire étant de 0,8 % du PIB, contre 1,1 % en 2022, du fait de la hausse des recettes fiscales et à la réduction des dépenses, notamment une réduction significative des subventions aux carburants et une réduction de 12,6  % des dépenses en immobilisations. La réduction des subventions aux carburants à travers deux ajustements successifs des prix de détail en février 2023 (augmentation de 21 %) et en février 2024 (augmentation de 15 %) a considérablement réduit la facture des subventions aux carburants. Cependant, les dépenses impayées de subventions aux carburants à partir de 2022, totalisant 330 milliards FCFA (1,1 % du PIB), ont été reportées sur le budget de 2023, entraînant des dépenses totales en subventions aux carburants de 1,5 % du PIB en 2023, contre 3 % en 2022. Graphique 19 : Déficit budgétaire global et dette publique 60,0 3,5 50,0 3,0 Pourcentage du PIB Pourcentage du PIB 2,5 40,0 2,0 30,0 1,5 20,0 1,0 10,0 0,5 0,0 0,0 2020 2021 2022 2023e Dette publique domestique Dette publique extérieure Déficit budgétaire (Echelle de droite) Source : Autorités camerounaises et estimations de la Banque mondiale L’amélioration de la performance de mobilisation des recettes domestiques (+0,8 point de pourcentage) due à la performance des recettes non pétrolières a été atténuée par une diminution des recettes pétrolières. Les recettes intérieures totales ont augmenté, passant de 15,9 % du PIB en 2022 à 16,5 % en 2023, malgré la baisse 25 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable des recettes pétrolières, qui sont passées de 3,5 % du PIB en 2022 à 2,9 % du PIB en 2023 à cause de la baisse combinée de la production pétrolière et du cours du pétrole. Cependant, les recettes fiscales non pétrolières ont augmenté, passant de 10,6 % du PIB en 2022 à 11,4 % du PIB en 2023, reflétant l’impact des mesures fiscales introduites dans le budget de 2023, notamment la suppression de certaines exonérations fiscales, l’ajustement des droits d’accise conformément aux politiques de substitution aux importations, le relèvement du taux des droits de timbre et l’application de la taxe sur les transactions de monnaie mobile. De plus, la hausse des droits de timbre et d’enregistrement, ainsi que les mesures de l’administration fiscale visant à lutter contre la fraude douanière et commerciale, ont également contribué à cette amélioration. Les recettes non fiscales ont également connu une augmentation, passant de 0,9 % du PIB en 2022 à 1,1 % du PIB en 2023, tirant avantage des efforts visant à sécuriser et à élargir l’assiette des recettes à travers la numérisation du système de paiement du Trésor. Graphique 20 : Sources des recettes publiques Graphique 21 : Répartition des dépenses publiques 20,0 6 000 20,0 6 000 5 000 5 000 15.0 15,0 Pourcentage du PIB Pourcentage du PIB 4 000 4 000 Milliards FCFA Milliards FCFA 10,0 3 000 10,0 3 000 2 000 2 000 5,0 5,0 1 000 1 000 0,0 0 0,0 - 2020 2021 2022 2023e 2020 2021 2022 2023e Recettes fiscales forestières Dons Paiements d'intérêts Subventions et transferts Recettes non fiscales Recettes fiscales Achats de biens et services Salaires Recettes pétrolières Dépenses de capital Recettes totales (échelle de droite) Dépenses totales (échelle de droite) Source : Autorités camerounaises et estimations de la Banque mondiale 26 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Les dépenses publiques totales ont légèrement augmenté en 2023 par rapport à 2022, à cause de l’augmentation des dépenses en salaires et en biens et services, mais cette augmentation a été atténuée par la réduction des dépenses en subventions aux carburants et en investissements publics. Les subventions aux carburants ont été réduites de moitié, passant à 1,6 % du PIB en 2023. Pour atténuer l’impact de la hausse des prix à la pompe sur les ménages, le Gouvernement a relevé les salaires du secteur public de 5,2 %. Avec la révision des salaires et l’augmentation du nombre de fonctionnaires (+ 16 281 entre juin 2022 et juin 2023), les salaires et traitements ont bondi à 4,7 % du PIB en 2023, contre 4,4 en 2022. Les dépenses en biens et services ont connu une remarquable augmentation, passant de 3,3 % du PIB en 2022 à 4,0 % en 2023, et cette augmentation s’explique principalement par l’augmentation des dépenses de sécurité (+23,8  % en 2023 par rapport à 2022, payées en partie directement par la Société Nationale des Hydrocarbures7) dans un contexte d’accentuation des tensions dans les régions affectées par un conflit.8 Dans l’ensemble, les dépenses courantes ont légèrement augmenté de 1 point de pourcentage du PIB en 2023. Pour s’adapter à la baisser des recettes pétrolières et à l’augmentation des dépenses courantes, le Gouvernement a restreint les dépenses en immobilisations, qui sont passées de 4,7 % du PIB en 2022 à 3,9 points de pourcentage du PIB en 2023, ce niveau étant le plus bas depuis 2010. Cette réduction pourrait avoir des effets négatifs sur la croissance à long terme. Les sources de financement du déficit budgétaire ont évolué, les sources étrangères ayant été supplantées par l’accumulation d’arriérés et le marché obligataire intérieur. Des dépenses engagées en 2023, représentant 584,6 milliards FCFA, soit 2,0 % du PIB, ainsi que des arriérés des années précédentes, seront réglées en 2024, transférant une pression considérable sur l’exécution du budget de 2024 et perpétuant effectivement l’accumulation d’arriérés de paiement au fil des années financières. De plus, dans un contexte de resserrement des conditions financières dans le monde à cause de politiques monétaires restrictives, le financement extérieur du budget a continué de baisser et a chuté de 43,5 % en 2023 après une baisse de 17 % en 2022 (Graphique 22). Le financement non concessionnel est l’élément de financement qui a le plus diminué, représentant la moitié du financement extérieur en 2023, contre 85,6 % en 2022. Face à un resserrement similaire des conditions financières sur le marché obligataire régional à cause du relèvement du taux directeur de la BEAC et de la forte hausse des taux de rendement des titres à long terme, la répartition des obligations d’Etat indique une évolution vers des échéances plus courtes entraînant une baisse des taux d’intérêt : les obligations à échéance inférieure à un an représentaient 29,9 % du stock obligataire en décembre 2023, contre 18,2 % un an auparavant (voir l’Encadré 2). Même si cette évolution permet d’amortir l’effet de la hausse des taux d’intérêt, elle réduira et retardera le financement intérieur du programme d’investissement public dans le cadre de la Stratégie Nationale de Développement (SND30). 7 La SNH (Société Nationale des Hydrocarbures) a financé certaines dépenses de sécurité nationale à l’aide d’une partie des recettes pétrolières de l’État, et celles- ci sont enregistrées a posteriori dans le budget de l’Etat. 8 https://reliefweb.int/report/cameroon/acled-regional-overview-africa-july-2023 27 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Graphique 22 : Financement du déficit public du Cameroun (en pourcentage du PIB) Financement extérieur net Financement intérieur net Nouveaux Arriérés de paiement 4,7 4,6 4,4 3,3 2,6 2,1 2,0 1,9 1,8 1,8 1,6 1,6 1,2 1,1 0,4 0,2 0,1 -0,7 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Source : Autorités camerounaises et estimations de la Banque mondiale La dette publique9 a diminué, passant de 44,9 % du PIB en 2022 à 44,3 % en 2023, reflétant les efforts de rééquilibrage budgétaire en cours. Cependant, les intérêts ont augmenté. La réduction du stock de la dette publique est due au fait que le solde primaire est devenu légèrement excédentaire en 2023. La dette extérieure a légèrement diminué en 2023, passant de 33,9 % du PIB à 31,5 %, tandis que la dette intérieure a légèrement augmenté pour atteindre 12,8  % du PIB contre 11,0  % à la fin de 2022. Cependant, le service de la dette reste la composante budgétaire la plus importante, représentant 28 % des dépenses totales et 5,9 % du PIB en 2023, dépassant les dépenses d’investissement totales du Gouvernement. Le resserrement des conditions financières aux niveaux international et national a entraîné une augmentation notable des intérêts à courir sur la dette extérieure et intérieure. Les intérêts sur la dette extérieure ont augmenté de 15  % entre 2022 et 2023, tandis que le remboursement de la dette extérieure a augmenté de 20 %. Parallèlement, les intérêts sur la dette intérieure ont augmenté de manière spectaculaire, de plus de 200 %, en 2023 (voir l’Encadré 2). Selon les estimations de l’analyse de viabilité de la dette de la Banque mondiale et du FMI de décembre 2023, la dette du Cameroun est viable, même si le pays est exposé à un risque élevé de surendettement. La capacité d’endettement du pays reste faible. Bien que les indicateurs d’encours de la dette extérieure du Cameroun soient inférieurs au seuil, ceux du service de la dette extérieure restent au-dessus du seuil. De plus, les passifs conditionnels sont 9 Dette du Gouvernement central et des entreprises publiques 28 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable restés élevés, représentant 17,3 % du PIB en septembre 2023, tandis que la part du flottant et des arriérés sur la dette publique intérieure s’élevait à 7,5 %. Des lacunes persistent également dans la notification de la dette (Tableau 1), notamment en ce qui concerne les arriérés intérieurs. Des lacunes systémiques sont présentes dans le suivi et la déclaration des arriérés intérieurs : tant qu’il n’y a pas de lien direct entre les systèmes budgétaire et les systèmes de trésorerie, le Direction du Trésor ne peut savoir quelles sont les dépenses qui ont déjà été approuvées mais qui ne lui ont pas encore été déclarées ; de même, la Direction du Budget ne sait pas quelles dépenses autorisées ont été payées. Graphique 23. Dette publique en baisse mais service de la dette en hausse a. Dette du Gouvernement central du Cameroun b. Service de la dette publique du Cameroun (en pourcentage du PIB) (pourcentage du PIB) 45,0 0,8 2,5 40,0 0,7 35,0 2,0 0,6 30,0 0,5 1,5 25,0 0,4 20,0 0,3 1,0 15,0 0,2 10,0 0,5 0,1 5,0 - 0,0 0,0 2018 2019 2020 2021 2022 2023e 1 18 19 20 21 22 23 Q 20 20 20 20 20 20 24 20 Autres dettes domestiques Paiements d'intérêts sur la dette publique extérieure Avances statutaires de la BEAC Paiements d'intérêts sur la dette publique domestique Obligations du Trésor Amortissement de la dette publique extérieure Dette extérieure commerciale (Echelle de droite) Dette extérieure bilatérale Dette extérieure multilatérale Source : Ministère des Finances - Cameroun. 29 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Tableau 1 : Transparence dans la gestion de la dette publique 2023 2022 2021 2020 Accessibilité des données Couverture des instruments Couverture sectorielle Informations sur les emprunts extérieurs récemment contractés Périodicité Retard Stratégie de gestion de la dette Plan d’emprunt annuel Statistiques supplémentaires/éléments d’annotation 1. Insuffisant 2. Limité 3. Partiel 4. En entier Source: Banque mondiale, https://www.worldbank.org/en/topic/debt/brief/debt-transparency-report Credits: Worldbank Cameroon 30 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Encadré 2 : De la hausse des intérêts sur la dette publique intérieure du Cameroun Les intérêts sur la dette intérieure ont augmenté de plus de 200 % en 2023 à cause du resserrement des conditions de financement et de l’augmentation des emprunts intérieurs sous forme de bons et d’obligations du Trésor. Bien que, de tout temps, les taux d’intérêt sur les titres camerounais soient les plus bas de la région, le Cameroun fait face à des difficultés croissantes pour emprunter sur le marché intérieur étant donné que le ratio entre les montants qu’il souhaite lever et les montants effectivement levés diminue. Différents facteurs, tels que la dégradation des notations de crédit du Cameroun, les pics d’inflation, le resserrement des politiques monétaires, l’augmentation des besoins de financement et la réduction des différentiels de taux d’intérêt entre ceux de la Banque centrale européenne (BCE) et ceux de la BEAC, ont entraîné une hausse des taux d’intérêt sur les titres publics du Cameroun. La flambée de l’inflation, qui est passée de 2,5 % en 2021 à 7,4 % en 2023, a incité les investisseurs à exiger des rendements plus élevés sur les titres publics afin de préserver leur richesse réelle. La BEAC a réagi en resserrant sa politique monétaire à partir d’octobre 2021, afin de contenir les pressions inflationnistes naissantes (Graphique 28). De plus, les lacunes des finances publiques du Cameroun (notamment les arriérés, les fortes pressions sur les liquidités, la faible exécution du budget), qui ont entraîné des retards dans le paiement du service de la dette, ont conduit les agences de notation à rétrograder la dette du Cameroun. En conséquence, les rendements des bons du Trésor du Cameroun, de tout temps inférieurs au taux directeur de la BEAC, ont convergé avec ceux des autres pays de la CEMAC (Graphique 27). En outre, les besoins de financement plus élevés des Trésors de la CEMAC a mis à rude épreuve le marché régional des titres, le poussant à sa pleine capacité en termes de financement disponible. Le stock de titres publics de la CEMAC a fortement augmenté, passant à 9,2 % du PIB de la CEMAC à la fin de janvier 2024 contre 1,8 % du PIB en 2017. La faible profondeur du marché secondaire et la concentration des acteurs du marché autour du secteur bancaire ont exacerbé ce problème. La réduction du différentiel de taux d’intérêt entre ceux de la BCE et ceux de la BEAC a davantage aggravé les pénuries de financement sur le marché régional des titres publics. Ce différentiel a considérablement diminué depuis la fin de 2021 (Graphique 28), à la suite des multiples relèvements de taux successifs de la BCE. A mesure que les rendements dans la zone euro et dans la CEMAC convergent, la fuite des capitaux devient plus prononcée étant donné que le compromis entre la recherche de revenus des intérêts et la préférence des investisseurs pour un environnement plus sûr s’amenuise. Cette fuite des capitaux a entraîné une baisse du solde du compte financier du Cameroun de 2,2 points de PIB en 2023, expliquant en grande partie la baisse globale du solde de la balance des paiements de 2,9 points de PIB entre 2022 et 2023 (Graphique 29). 31 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Graphique 24 : Le Trésor du Cameroun a émis davantage Graphique 25 : Augmentation du taux d’intérêt moyen des d’obligations à courte échéance depuis la fin de 2022 (en bons du Trésor à échéance de 26 semaines (en pourcentage) pourcentage du total des titres) du CMR depuis la mi-2021 90,0 7,00 80,0 6,00 70,0 5,00 60,0 50,0 4,00 40,0 3,00 30,0 20,0 2,00 10,0 1,00 0,0 - 2 2 2 3 22 23 22 24 -2 07-déc-11 19-sept-12 14-mai-14 22-avr-15 14-déc-16 09-août-17 14-mar-18 23-jan-19 09-oct-19 06-mai-20 13-jan-21 01-sep-21 11-juil-22 16-jan-23 03-juil-23 -2 -2 -2 pt c- c- n- n- ar in pt dé dé se ja ja ju m se Bons du Trésor Obligations du Trésor Source : Bulletins mensuels du marché régional des titres publics, BEAC Source : Bulletins mensuels du marché régional des titres publics, BEAC Remarques : Les bons du Trésor ont une échéance inférieure à un an, contrairement aux obligations du Trésor. Graphique 26 : Augmentation du taux d’intérêt moyen Graphique 27 : Les taux d’intérêt des bons du Trésor des pondéré des obligations du Trésor du Cameroun pays de la CEMAC convergent (en pourcentage) 9 7 6,45 8 5,99 5,73 7 6 5,59 6 5 4,62 5 4 4 3 2 3 1 0 2 3 3 8 9 0 1 2 3 -2 -2 -1 -1 -2 -2 -2 -2 pt ût in in in in in in ao se ju ju ju ju ju ju 1 Cameroun Congo 0 Gabon Guinée Equatoriale 2019 2020 2021 2022 2023 Tchad Source: BEAC 32 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Graphique 28 : Le différentiel de taux d’intérêt nominal entre Graphique 29 : Davantage de capitaux ont quitté le pays la zone euro et la CEMAC diminue en 2023 7 4,7 6 3,2 2,6 5 1,7 4 0,2 0,3 0,5 0,4 3 2 1 -3,7 -3,5 -4,0 -4,0 0 2014M10 2015M11 2016M12 2005M1 2006M2 2007M3 2008M4 2009M5 2010M6 2011M7 2012M8 2013M9 2018M1 2019M2 2020M3 2021M4 2022M5 2023M6 2020 2021 2022 2023E Solde du compte courant Solde du compte financier BEAC BCE Solde du compte de capital Source: BEAC, BCE Source : Autorités camerounaises et estimations de la Banque mondiale 1.1.5 Politique monétaire et secteur bancaire : les conditions monétaires sont plus restrictives et le système bancaire camerounais reste résilient malgré certaines fragilités La BEAC a continué de resserrer sa politique monétaire en réponse à la hausse de l’inflation. Dans un contexte mondial et régional empreint d’incertitudes, les politiques de la BEAC sont restées axées sur la stabilité des prix et la stabilité extérieure, guidées par les cibles communautaires d’un taux d’inflation d’environ 3  % à moyen terme et d’une couverture des réserves monétaires supérieure à 20 %. La BEAC a relevé les taux directeurs en mars 2023 pour contenir les pressions inflationnistes et renforcer la position extérieure de la région. Elle a également continué à absorber les excédents de liquidité du système bancaire à travers des opérations hebdomadaires d’achat de liquidités à montants croissants. En conséquence, la liquidité du système bancaire (sans les interventions de la BEAC) a diminué de 28,5 % en janvier 2024 par rapport à son niveau d’il y a un an. Comme résultat de ces actions, le taux de couverture extérieure de la monnaie a atteint 71,1 % à la fin de 2023 (contre 73,1 % il y a un an), dépassant largement le plancher légal de 20 %. 33 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable La croissance de la masse monétaire au sens large a continué de ralentir, passant à 6,2 % en 2023, contre 16,9 % et 11,1 % en 2021 et 2022, respectivement, sous l’effet du resserrement de la politique monétaire de la BEAC. En plus des trois relèvements de taux directeur entre novembre 2021 et décembre 2023, la BEAC a commencé à absorber les excédents de liquidité au début de 2023, entraînant un ralentissement significatif de l’expansion de la base monétaire, qui n’a augmenté que de 2,2 % en 2023 contre 21,4 % en 2022. Le crédit intérieur au secteur privé a augmenté plus rapidement (croissance de 13 % en 2023) que le crédit au secteur public, sous l’effet d’une forte demande de crédit. En conséquence, le crédit au secteur privé a atteint 16 % du PIB, ce qui reste très faible par rapport aux moyennes des économies à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (45,5 %) ou des pays de l’ASS (38,8 %). Graphique 30 : Croissance des agrégats monétaires au Cameroun (en %) 40 30 20 10 0 -10 -20 janv-20 mars-20 mai-20 juil-20 sept-20 nov-20 janv-21 mars-21 mai-21 juil-21 sept-21 nov-21 janv-22 mars-22 mai-22 juil-22 sept-22 nov-22 janv-23 mars-23 mai-23 juil-23 sept-23 nov-23 Avoirs extérieurs nets Crédit au secteur privé Base monétaire Masse monétaire Source : Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) Bien que le système bancaire camerounais soit resté robuste, il y persiste des vulnérabilités liées aux problèmes de solvabilité et à une forte exposition au risque souverain. Les ratios de liquidité sont restés stables à 29,8 %, et le ratio d’adéquation des fonds propres du secteur bancaire a augmenté, passant de 15,0 % à la fin de 2022 à 16,3 % au deuxième trimestre de 2023, dépassant l’exigence réglementaire de 8 % fixée par la commission bancaire régionale (COBAC). Cependant, les risques de solvabilité persistent : les créances en souffrance représentaient 15,4 % du total des prêts bruts au deuxième trimestre de 2023, contre 13,0 % à la fin de 2022. Les risques pesant sur la stabilité financière proviennent également de l’exposition du système bancaire aux obligations souveraines qui ont augmenté ces dernières années pour représenter environ 35,3 % du total des actifs en 2022. 34 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Tableau 2 : Quelques indicateurs économiques 2021 2022 2023e 2024p  2025p  2026p  2027p Economie réelle : variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire PIB réel 3,3 3,6 3,3 4,0 4,2 4,6 5,1 Inflation moyenne 2,3 6,3 7,4 7,0 5,7 4,9 3,0 Contributions à la croissance du PIB réel (points de pourcentage) Consommation privée 3,2 2,9 1,7 2,4 2,5 2,6 2,8 Consommation publique 0,3 -0,4 0,0 0,5 0,6 0,0 0,7 FBCF privée 1,0 2,8 3,7 2,5 2,4 2,9 2,9 FBCF public 0,6 -1,2 -0,5 0,1 0,1 0,7 0,2 Exportations nettes -1,7 -0,2 -3,5 -1,4 -1,4 -1,6 -1,5 Comptes budgétaires (pourcentage du PIB) Solde budgétaire global -2,8 -1,1 -0,8 -0,8 -1,0 -1,1 -1,1 Solde primaire -1,7 -0,3 0,2 0,1 -0,1 -0,3 -0,3 Recettes totales et dons 14,3 15,9 16,5 16,8 17,1 17,2 17,2 Recettes pétrolières 1,9 3,5 2,9 2,5 2,3 2,2 2,1 Recettes fiscales 10,8 10,6 11,4 11,7 12,1 12,1 12,2 Recettes non fiscales 0,7 0,9 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 Dons 0,3 0,4 0,5 0,3 0,3 0,3 0,3 Autres recettes 0,6 0,5 0,6 1,1 1,1 1,2 1,1 Dépenses 17,0 17,1 17,3 17,6 18,1 18,3 18,3 Dépenses courantes 12,2 12,6 13,4 13,4 13,6 13,1 12,9 Salaires et traitements 4,3 4,3 4,6 4,8 4,9 4,7 4,7 Biens et services 4,1 3,2 3,9 3,8 3,8 3,8 3,8 Transferts et subventions 2,8 4,1 3,9 3,9 4,0 3,7 3,6 Paiements d’intérêts 1,1 0,9 1,0 0,9 0,9 0,8 0,8 Dépenses de capital 4,5 4,5 3,8 4,1 4,4 5,1 5,2 Dette publique générale 47,8 44,9 44,3 42,8 42,0 38,9 36,3 Dette extérieure 38,1 33,9 31,5 31,0 30,4 28,2 26,3 Agrégats monétaires (variation annuelle en pourcentage) Monnaie au sens large (M2) 16,9 11,1 6,2 8,3 6,4 6,5 6,7 Crédit domestique au secteur privé 13,9 11,7 13,0 9,5 7,7 7,4 7,2 Balance des paiements (pourcentage du PIB) Solde du compte courant -4,0 -3,5 -4,0 -4,5 -4,8 -4,3 -4,4 Importations de biens et services 20,6 20,9 21,5 21,6 21,8 22,7 23,7 Exportations de biens et services 14,3 13,4 13,1 14,2 15,3 15,9 16,6 Autres éléments PIB nominal (millions USD) 43 755 43 303 48 199 52 001 55 792 60 236 64 324 Remarque : e = estimation ; p = projection Sources : Autorités nationales, Banque mondiale et FMI, mai 2024 35 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 1.2 Perspectives économiques à moyen terme 1.2.1 Perspectives économiques au niveau mondial et régional : croissance économique modérée malgré de nombreuses incertitudes La croissance économique mondiale devrait être modérée à moyen terme, une prévision qui renvoie à une baisse probable du cours des produits de base. La croissance du PIB mondial devrait atteindre 2,4 % en 2024, contre 2,6 % en 2023.10 La hausse des taux d’intérêt réels aux Etats-Unis et dans la zone euro continuera de freiner la demande, tandis que la croissance de la Chine ralentira à cause de la crise du secteur immobilier et de la stagnation de la productivité. La baisse de la demande mondiale atténuera les pressions exercées sur les cours des produits de base, qui devraient rester modérés pendant les trois prochaines années, mais avec des risques significatifs en rapport aux évolutions géopolitiques au Moyen-Orient et en Europe. Même si elles demeurent restrictives, les conditions financières pourraient s’assouplir légèrement avec le retour de l’inflation aux niveaux cibles dans les grandes économies. L’activité en Afrique subsaharienne (ASS) devrait croître de 3,8 % en 2023, malgré les fragilités persistantes liées au creusement des déficits budgétaires, à l’augmentation des dettes publiques associée à l’augmentation des intérêts à courir et aux importants déficits du compte courant. Les trois plus grandes économies de la région (Afrique du Sud, Nigeria et Angola) devraient connaître une croissance plus lente, entraînant une baisse de la croissance moyenne en ASS à moyen terme. L’instabilité politique et les conflits violents constituent les principaux risques pesant sur les perspectives économiques de l’ASS. 10 Perspectives économiques mondiales, janvier 2024, Banque mondiale 36 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Les conditions financières restrictives en Afrique centrale devraient persister en 2024, mais pourraient s’assouplir en 2025-2026. La tendance baissière des avoirs étrangers nets dans la région tout au long du second semestre 2023, combinée à une inflation moyenne élevée au Cameroun et dans d’autres pays de la CEMAC, tirée par la hausse des prix du carburant, fera qu’il restera nécessaire de maintenir des conditions financières restrictives en 2024. Cependant, la BEAC pourrait envisager de modifier sa politique monétaire en 2025 et 2026, sous réserve du retour de l’inflation à son niveau cible de 3 %. 1.2.2 La croissance du PIB au Cameroun devrait s’accélérer en 2025-2026 avant de se stabiliser par la suite, tandis que l’inflation convergera progressivement vers la cible de 3 % La croissance du PIB réel du Cameroun à moyen terme, projetée à 4,0  % en 2024 et à 4,5  % en moyenne sur 2025-2027, sera tirée par une amélioration de l’approvisionnement en énergie et un important programme d’investissement public. La mise en service du barrage hydroélectrique de Nachtigal et l’achèvement des lignes de transport de la centrale électrique de Memve’ele à la fin de 2023 fourniront 420 MW supplémentaires qui permettront d’alléger les pénuries d’approvisionnement en énergie et de stimuler les activités dans le secteur manufacturier. De plus, le secteur du bâtiment tirera directement avantage de l’important programme d’investissement public à moyen terme, ce qui aura un effet d’entraînement sur les autres secteurs économiques. L’inflation devrait diminuer, passant de 7,4 % en 2023 à 7,0 % en 2024 pour atteindre 3,0 % en 2027. Cette baisse de l’inflation serait appuyée par la modération de l’inflation des prix à l’importation, l’augmentation de la production industrielle due à l’amélioration de l’approvisionnement en énergie et les effets de la politique monétaire restrictive de la BEAC. Cependant, il faudra du temps pour parvenir au niveau cible d’inflation de 3 % fixée par la BEAC ; cela dépendra des prix intérieurs des carburants, qui seront influencés par la dynamique mondiale du cours du pétrole et par la poursuite par les États-membres des efforts visant à réduire les subventions aux carburants. 37 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 1.2.3 Le déficit du compte courant restera stable à moyen terme Le déficit du compte courant se stabilisera à moyen terme autour de 4,5 % du PIB. Même si les prix des principaux produits de base suivront une trajectoire constante au fil de l’horizon de prévision, la récente flambée du cours des fèves de cacao devrait persister à moyen terme, compensant en partie les effets que la tendance baissière de la production pétrolière et l’implémentation du programme d’investissement public (qui nécessitera davantage d’importations) exerceront sur la balance commerciale. Les politiques gouvernementales visant à accroître la production de certaines cultures commerciales et à développer les chaînes de valeur du bois et des produits agricoles, à travers des mesures fiscales et réglementaires, ne pourront stimuler la performance du Cameroun en matière d’exportation à moyen terme que si les obstacles et les contraintes auxquels le secteur privé est confronté sont levés et qu’un cadre de concurrence équitable est établi. 1.2.4 Le déficit budgétaire restera autour de 1 % du PIB à moyen terme, permettant au ratio dette/PIB de diminuer En cohérence avec le rééquilibrage budgétaire en cours, le déficit budgétaire devrait rester autour de 1 % du PIB à moyen terme, à la suite de l’amélioration de la mobilisation des recettes intérieures et à la maîtrise des dépenses courantes. Les efforts budgétaires du côté des recettes, tels que la mise en œuvre du système de facturation électronique, porteront les recettes fiscales à 12,1 % du PIB d’ici 2027. Cependant, les recettes pétrolières diminueront à mesure que le cours du pétrole s’affaiblira et que les gisements pétroliers s’épuiseront. Du côté des dépenses, il y aura une réduction progressive des dépenses courantes, en particulier des subventions aux carburants, et une augmentation des investissements publics dans des projets d’infrastructures dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Développement (SND30). Les élections législatives, municipales et présidentielles de 2025 pourraient exercer certaines pressions sur les finances publiques. Selon les projections, la dette publique devrait diminuer à moyen terme, pour atteindre 36,3 % du PIB en 2027, cette diminution étant appuyée par la poursuite du rééquilibrage budgétaire sur la période étudiée. Le solde primaire devrait rester positif à moyen terme. Les mesures prises dans le cadre des PFDD-APP au titre du premier semestre 2024 visent à remédier aux principales vulnérabilités en rapport à la dette et comprennent la mise en œuvre du plan d’apurement du stock des arriérés intérieurs audités existants de 2000 à 2019, ainsi que la réduction des nouveaux emprunts extérieurs non concessionnels. 38 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Graphique 31 : Evolution récente et perspectives du déficit budgétaire et de la dette publique au Cameroun 60,0 3,5 50,0 3,0 2,5 Pourcentage du PIB Pourcentage du PIB 40,0 2,0 30,0 1,5 20,0 1,0 10,0 0,5 0,0 0,0 2020 2021 2022 2023e 2024p 2025p 2026p 2027p Dette publique intérieure Dette publique extérieure Déficit budgétaire Source : Autorités camerounaises et estimations de la Banque mondiale La flambée des intérêts sur la dette intérieure, résultant de la hausse des taux d’intérêt sur les bons et obligations du Trésor, constitue une menace pour le cadre budgétaire et la viabilité de la dette publique. Cela souligne le besoin urgent de réformes pour s’attaquer à ce problème. L’opérationnalisation du compte unique du Trésor (CUT) aidera le Gouvernement à améliorer la gestion de la trésorerie et à atténuer les pressions sur les liquidités. À l’avenir, encourager les investisseurs à participer au marché régional des titres publics pourrait promouvoir l’inclusion financière et améliorer la communication avec les acteurs du marché. Le Gouvernement pourrait prendre des mesures pour renforcer l’inclusion financière, par exemple en permettant aux citoyens d’acheter des titres publics en utilisant leurs comptes de monnaie mobile. De plus, il est essentiel de favoriser des relations et une communication plus étroites avec les fonds de pension, les compagnies d’assurance et autres entreprises capables d’investir dans des titres à long terme pour financer les investissements dans les infrastructures. Il est crucial de renforcer la transparence et la crédibilité financières de l’État, notamment en améliorant la gestion de la dette afin d’améliorer la notation du crédit souverain. Cependant, pour ce faire, il faut régler les arriérés actuels et mettre en œuvre une stratégie pour éviter les arriérés à l’avenir. 39 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 1.2.5 Les perspectives de ce rapport sont moins optimistes qu’un an auparavant Comme le montre le tableau 3, les projections macroéconomiques sont légèrement moins favorables qu’il y a un an. Les estimations de croissance économique en 2023 sont inférieures aux projections de l’année dernière, en raison d’investissements publics plus limités et d’une activité plus faible que prévu dans les industries manufacturières. Nous maintenons toutefois notre vision de l’accélération attendue de la croissance en 2024 et 2025, grâce à l’augmentation progressive de l’approvisionnement en électricité dans le cadre de la mise en service du barrage hydroélectrique de Nachtigal, ainsi qu’à l’augmentation des investissements publics. L’inflation est restée élevée au cours de l’année 2023 en raison de facteurs domestiques, notamment la suppression partielle des subventions aux carburants. Les prévisions précédentes concernant la balance courante étaient étayées par les effets positifs de la politique de diversification des exportations et par le boom attendu de la production de gaz en 2025. Alors que la politique de diversification des exportations pourrait mettre un certain temps à produire des résultats significatifs, l’important programme d’investissement public attendu suscitera un appel à davantage d’importations. Du côté du déficit budgétaire, les projections pour 2025 se sont dégradées en raison du programme d’investissement public envisagé et de la tentation de répondre à la demande sociale avant les élections générales. Tableau 3: Comparaisons des projections CAMEROUN Note de Conjoncture 2023 Note de Conjoncture 2024 Comparaison 2023e 2024p 2025p 2023e 2024p 2025p Croissance du PIB réel (%) 3,9 4,2 4,5 3,3 4,0 4,2 Inflation moyenne (%) 5,9 4,3 3,0 7,4 7,0 5,7 Solde budgétaire (% du PIB) -0,8 -0,7 -0,4 -0,8 -0,8 -1,0 Solde du compte courant (% du PIB) -2,7 -2,6 -2,4 -4,0 -4,5 -4,8 Source : Calculs du Staff de la Banque Mondiale. Notes : Les projections pour la Note de Conjoncture de 2023 sont basées sur les informations disponibles en avril 2023. Les estimations et projections pour la Note de Conjoncture de 2024 sont basées sur les informations disponibles au 15 mai 2024. Notes : Code couleur : rouge si projections moins favorables par rapport à 2023, jaune si stable, vert si projections plus favorables. 40 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 1.2.6 Des risques baissiers pèsent sur cette perspective favorable Bien que les perspectives soient favorables, elles restent exposées à d’importants risques baissiers. Ces risques sont associés : (i) à la volatilité du cours des produits de base (y compris le pétrole) ; (ii) à la persistance d’une crise sécuritaire dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord ; (iii) à la faiblesse des appuis budgétaires extérieurs par rapport à ce qui est prévu ; (iv) au taux de change nominal EUR/USD et ses effets sur la dette, l’inflation intérieure et les subventions aux carburants ; (v) à une éventuelle intensification des tensions sociales intérieures, qui pourrait connaître une escalade à l’approche des élections  ; et (vi) à de plus grandes catastrophes liées au changement climatique. 1.2.7 Problèmes et défis structurels au Cameroun Comme le montrent les indicateurs structurels du Cameroun, la situation est stagnante dans son ensemble (Tableau 4), ce qui voudrait dire que les résultats des efforts déployés par le pays en faveur de la transformation structurelle sont modestes. Les perspectives de transformation économique du Cameroun pourraient s’améliorer par l’accélération des réformes en cours. Au cours de l’année passée, le processus de décentralisation a progressé avec l’approbation de décrets transférant les compétences en matière de santé et d’enseignement secondaire. Ce progrès permettra d’adapter les dépenses publiques pour les rapprocher des besoins locaux. En matière de gestion des finances publiques, le Gouvernement a signé un décret créant le compte unique du Trésor et un arrêté ministériel réorganisant le Comité de Trésorerie et de Régulation Budgétaire (CoTReB) qui permettront d’améliorer la gestion de la trésorerie de l’État et de réduire les paiements en espèces effectués par le Trésor. Pour améliorer l’inclusion et l’accès équitable aux services, le Gouvernement a également publié des réglementations visant à garantir l’accès à l’école pour tous en limitant le montant des frais de scolarité demandés dans le cadre des associations de parents et à réduire le transfert massif d’enseignants à des postes administratifs. La réduction des subventions aux carburants pourrait contribuer efficacement à réduire la pauvreté si les économies budgétaires en résultant sont réaffectées à des filets de sécurité sociale bien ciblés. A cet égard, le Gouvernement a pris des mesures pour la mise en œuvre du registre social unique des personnes et des ménages vulnérables en définissant les modalités techniques et les modalités d’inscription, la méthodologie, les mécanismes et les critères de ciblage. Enfin, une réforme substantielle de la gestion des ressources en eau a été menée, ce qui pourrait permettre d’augmenter les superficies irriguées à travers le pays. 41 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Tableau 4 : Indicateurs de changement structurel au Cameroun LÉGENDE (1) Tendance des indicateurs de 2020 à 2022a : ↑ Hausse ↓ Baisse = Stable Tercile Tercile Tercile (2) Position dans le groupe de revenu :b TS TI TM supérieur inférieur moyen (a) Le tableau montre l’évolution de la valeur de l’indicateur sur une période de trois ans allant de 2020 à 2022, à l’exception de l’indice de ND-GAIN et de l’indice de performance logistique, dont les données présentées sont pour des années différentes. La valeur peut augmenter, diminuer ou rester stable. (b) De plus, pour chaque indicateur structurel, la position du pays dans son groupe de revenus, en fonction de la valeur de son indicateur en 2022, est déterminée. Le pays peut appartenir au tercile supérieur (pays à score plus élevé dans le groupe de revenu), au tercile moyen (pays à score moyen dans le groupe de revenu) ou au tercile inférieur (pays à score plus faible dans le groupe de revenu). Remarque : Les cellules vides du tableau indiquent qu’il n’y avait pas suffisamment de données disponibles pour évaluer la tendance ou déterminer la position tercile du pays. Indicateurs Valeurs Tendance Position par rapport au groupe des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (tercile supérieur – 2020 2021 2022 tercile moyen – tercile inférieur) SECTEUR PRIVÉ Entrées nettes d’investissements directs 1,7 2,1 2,0 = TM étrangers (% du PIB) Industrie (y compris bâtiment), valeur 23,0 24,5 26,3 ↑ TM ajoutée (% du PIB) Services, valeur ajoutée (% du PIB) 51,7 50,9 49,9 ↓ TM Agriculture, foresterie et pêche, valeur 17,4 16,9 16,9 = TM ajoutée (% du PIB) INFRASTRUCTURES Formation brute de capital fixe (% du PIB) 18,1 18,1 18 = TI Accès à l’électricité (% de la population) c 64,3 65,4 65,2 = TI Score : 2,1 Score : 2,6 Score : 2,1 Indice de performance logistique (IPL) de Rang : 148 Rang : 95 Rang : 134 ↓ TI la BMd En 2016 En 2018 En 2023 CAPITAL HUMAIN (EDUCATION) Dépenses publiques dans l’éducation, total 3,10 2,83 2,62 ↓ TM (% du PIB) Produit par heure travaillée (PIB constant 4,35 4,3 4,23 = TI 2017), GK$ en PPA) NUMERISATION Internautes (% de la population) 45,5 45,6 45,8 ↑ TM CHANGEMENT CLIMATIQUE Indice de ND-GAIN sur la vulnérabilité et la préparation au changement climatique 39,7 39,9 40,1 ↑ TI (0-100 ; plus le score est élevé, meilleure est la performance) EMPLOI Emploi dans l’agriculture (% de l’emploi 43,1 42,8 42,1 ↓ TM total) Emploi dans l’industrie (% de l’emploi total) 15,1 15,28 15,35 ↑ TM 42 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Indicateurs Valeurs Tendance Position par rapport au groupe des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (tercile supérieur – 2020 2021 2022 tercile moyen – tercile inférieur) Emploi dans les services (% de l’emploi 41,7 41,8 42,44 ↑ TM total) Taux d’activité, total (% de la population totale âgée de 15 à 64 ans) (estimation 71,78 71,47 72,46 ↑ TS modélisée de l’OIT)11 Taux d’activité, hommes (% de la population masculine âgée de 15 à 64 ans) 76,391 75,668 77,143 ↑ TS (estimation modélisée de l’OIT) Taux d’activité, femmes (% de la population féminine âgée de 15 à 64 ans) (estimation 67,233 67,331 67,836 ↑ TS modélisée de l’OIT) Emploi vulnérable, total (% de l’emploi 72,44 72,21 71,87 ↓ TS total) (estimation modélisée de l’OIT)e Emploi vulnérable, hommes (% des emplois des hommes) (estimation 64,50 64,17 64,26 = TS modélisée de l’OIT) Emploi vulnérable, femmes (% des emplois des femmes) (estimation modélisée de 81,41 81,17 80,49 ↓ TS l’OIT) GOUVERNANCE Rang percentile par rapport à tous les pays (allant de 0 [le plus bas] à 100 [le plus élevé]) Voix et responsabilité 15,46 17,87 17,39 = LT Stabilité politique et absence de violence 9,9 9,9 10,84 ↑ LT Efficacité du Gouvernement 17,14 16,19 18,86 ↑ LT Qualité réglementaire 20,47 16,66 19,33 ↑ LT Etat de droit 11,42 12,85 15,09 ↑ LT Lutte contre la corruption 12,38 13,33 13,20 = LT (c) Les indices d’accès à l’électricité et de ND-GAIN communiqués sont pour 2021, 2020 et 2019. La valeur de 2021 est utilisée pour classer chaque pays dans son tercile au sein de son groupe de revenus. (d) L’indice de performance logistique (LPI) de la BM communiqué est pour 2023, 2018 et 2016. La valeur de 2023 est utilisée pour classer chaque pays dans son tercile au sein de son groupe de revenus. (e) L’emploi vulnérable suit des règles de codage par couleurs différentes. Lorsque la vulnérabilité diminue, la couleur indique une amélioration (couleur verte), et lorsqu’elle augmente, elle indique une détérioration (couleur rouge). Appartenir au tercile supérieur signifie figurer parmi les pays à vulnérabilité plus élevée dans le groupe de revenu du pays. Sources : Indicateurs du développement dans le monde, Perspectives économiques mondiales, ILOStat, Institut de statistique de l’UNESCO, Agence internationale de l’énergie, Indice de ND-GAIN par pays, Portail des connaissances sur le changement climatique, Global Findex, Indicateurs mondiaux de gouvernance 11 Les chiffres du taux d’activité peuvent différer entre les sources officielles (Institut national des statistiques du Cameroun) et les données de l’OIT. 43 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Outre les défis mentionnés précédemment, la croissance du Cameroun se trouve freinée par des facteurs tels que le manque et la qualité des infrastructures physiques et une faible diversification des exportations. La mauvaise qualité des infrastructures, notamment électriques et routières, reste l’une des principales contraintes aux affaires au Cameroun, affectant pratiquement tous les secteurs.12 La connectivité Internet reste également insuffisante, entravant le progrès technologique. De plus, le sous-développement du système financier constitue un obstacle à l’investissement privé. Par ailleurs, à cause de sa forte dépendance à aux exportations, notamment de matières premières tels le pétrole, le Cameroun est exposé aux chocs extérieurs provoqués par les fluctuations de la demande et des cours mondiaux. Par ailleurs, le Cameroun est fortement exposé aux effets néfastes du changement climatique qui menacent à la fois la croissance économique et les moyens de subsistance de millions de personnes dépendant de l’agriculture. Dans le Rapport 2022 sur le changement climatique et le développement, quatre secteurs critiques sont reconnus comme étant particulièrement vulnérables, à savoir l’agroforesterie, les transports, l’énergie et le développement urbain. Les régions côtières sont menacées par les inondations et l’élévation du niveau du niveau de la mer tandis que les zones du nord sont sujettes aux sécheresses et aux inondations. La hausse rapide des températures et les longues périodes de sécheresse dans les régions du nord touchées par les conflits ont intensifié les tendances migratoires, les communautés recherchant ailleurs la stabilité, l’eau et des terres arables. La déforestation pose des risques importants en termes de changement climatique et de dégradation de l’environnement. La dégradation des sols, la déforestation et l’érosion côtière constituent des menaces supplémentaires pour les écosystèmes du Cameroun. La déforestation résulte de diverses activités, notamment la conversion des forêts à des fins agricoles, l’extraction de bois pour le chauffage et l’industrie, l’exploitation forestière et de vastes projets de développement. En 2021, le Cameroun se classait au septième rang mondial en matière de déforestation, avec une perte de 89 000 hectares, derrière son voisin, la République démocratique du Congo. Les forêts tropicales humides, cruciales pour la réalisation des objectifs mondiaux, séquestrent le carbone et abritent diverses espèces végétales et animales. Elles soutiennent de manière essentielle l’économie du Cameroun, notamment à travers la régulation des précipitations et les eaux de surface, une fonction essentielle pour l’agriculture, l’énergie hydroélectrique et l’approvisionnement des villes. 12 Cameroon Systematic Country Diagnostic 2021 Chapitre 2 Concevoir des instruments fiscaux pour des forêts durables 45 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 2.1 Introduction : Contexte et objectifs Le Bassin du Congo s’étend sur six pays : le Cameroun, la République centrafricaine, la Guinée équatoriale, le Gabon, la République démocratique du Congo (RDC) et la République du Congo. Ensemble, ces pays abritent la deuxième forêt tropicale du monde par sa taille et le plus vaste paysage forestier ininterrompu restant. Ce bassin constitue un puits de carbone vital, crucial pour l’équilibre écologique et la stabilisation du climat à l’échelle régionale et mondiale. C’est un riche réservoir de biodiversité et un précieux habitat pour 60 millions d’habitants pour qui ces forêts sont des ressources naturelles indispensables et font également partie intégrante de leur patrimoine culturel. Les peuples autochtones et les communautés locales de cette région dépendent de ces écosystèmes et les gèrent de manière durable. La gestion durable des forêts et la production de bois adéquatement réglementée sont d’importantes sources d’activité économique et de recettes dans le Bassin du Congo. Le Bassin du Congo a connu des taux de déforestation relativement faibles par rapport aux autres régions à forêts tropicales dans le passé. Cependant, 2021 a été marquée par une augmentation alarmante de la perte de forêts, en dépassement des années précédentes. La déforestation dans le Bassin du Congo a augmenté en 2021 par rapport à la période de référence de 2018 à 2020, avec une hausse de près de 30 000 hectares (soit 4,9 %), atteignant ainsi au total 636 000 hectares de forêts perdues cette année-là. Pour réaliser l’objectif mondial de mettre un terme à la déforestation d’ici 2030, une réduction de 10 % par an de la perte de couverture forestière par rapport au niveau de référence de 2018 à 2020 sera nécessaire. Selon une récente évaluation régionale, seuls deux pays du bassin du Congo – la République du Congo et le Gabon – sont actuellement en bonne voie d’atteindre cet objectif. Avec chaque année qui passe où les progrès ont été insuffisants, il devient plus difficile de réaliser les objectifs mondiaux de protection des forêts, et le quota de réductions annuelles à réaliser dans les années à venir augmente. En plus de la déforestation, les risques de dégradation et de fragmentation des forêts sont importants, menaçant l’intégrité du plus vaste paysage forestier intact du monde. Selon les estimations, la séquestration de carbone effectuées par la forêt du Bassin du Congo représente une valeur d’au moins 55 milliards USD par an, ce qui correspond à 36 % du PIB de la région couverte par la forêt en 2021.13,14 De plus, les forêts du Bassin du Congo atténuent également le réchauffement climatique à travers 13 Mitchell I. et S. Pleek. 2022 How Much Should the World Pay for the Congo Forest’s Carbon Removal? CGD Note. Novembre 2022. 14 Il s’agit d’une estimation à la baisse, basée sur la valeur de 50 USD par tonne utilisée par le Gouvernement américain. Cependant, selon d’autres estimations, la valeur pourrait atteindre 150 USD par tonne (Mitchell et Pleek, 2022). 46 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable l’effet de refroidissement provoqué par l’évapotranspiration. Parmi les autres services écosystémiques importants fournis par les forêts – dont certains présentent également des caractéristiques de bien public mondial - figurent la biodiversité, la lutte contre les inondations et l’érosion et le filtrage des réserves d’eau. Les pays du Bassin du Congo se trouvent face à des compromis difficiles entre préserver les forêts et saisir les opportunités économiques qui peuvent être sources de déforestation. Les principales menaces qui pèsent sur ces forêts essentielles intactes proviennent de l’exploitation minière industrielle, de l’exploitation forestière et de l’agriculture commerciale, des activités qui ouvrent la voie à davantage de développement mais aussi à la déforestation de territoires forestiers vierges. Si l’agriculture de subsistance reste la principale cause directe de déforestation dans la région, elle se produit généralement dans des zones déjà fragmentées. Des défis tels que l’insécurité du régime foncier pour les communautés locales, les problèmes de gouvernance, la faiblesse des cadres institutionnels et l’application insuffisante des lois accélèrent l’empiétement et accentuent les pressions directes sur ces forêts. Compte tenu du fait que les pays du Bassin du Congo ont besoin d’accélérer leur croissance et de créer des emplois, il est essentiel de trouver un juste équilibre entre les objectifs de préservation des forêts et l’exploitation des ressources et des terres forestières pour le développement économique. Le financement climatique international peut jouer un rôle important en fournissant des ressources qui offrent au minimum une compensation adéquate pour le renoncement à d’autres utilisations économiques des ressources forestières et des terres, tout en aidant à financer des investissements alternatifs favorisant une croissance durable et la création d’emplois. Les gouvernements des pays de la région du Bassin du Congo en Afrique centrale se sont engagés dans des efforts concertés pour réduire la déforestation, bien que la priorité qu’ils accordent à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté puisse de manière non intentionnelle entrer en conflit avec les objectifs de conservation des forêts en l’absence d’une mise en cohérence stratégique. L’intégration d’une approche centrée sur la forêt aux plans généraux de développement macroéconomiques et aux régimes de politique fiscale peut aider ces pays à réaliser un développement durable et à améliorer les moyens de subsistance en milieu rural, tout en préservant leurs écosystèmes forestiers. Pour réaliser ces objectifs dans le Bassin du Congo, il est nécessaire que les nations industrialisées, le secteur privé et les entités philanthropiques fassent preuve d’un engagement solidaire en investissant dans l’utilisation et la gestion durables de ces ressources forestières indispensables. La finance carbone, l’aide publique au développement et la mobilisation du secteur privé pour la protection des forêts peuvent grandement contribuer à faire de la préservation des forêts une composante durable des stratégies de développement des pays du Bassin du Congo en offrant au minimum aux pays une compensation pour les opportunités économiques auxquels ils renoncent pour préserver leurs forêts. Les pays du Bassin du Congo ont besoin de l’appui des pays industrialisés, du secteur privé et des organisations philanthropiques pour investir dans l’utilisation et la gestion durables de ces forêts vitales. Cependant, actuellement, la compensation financière pour la fourniture du bien public mondial qu’est la séquestration du carbone ne représente 47 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable que moins de 1 % de la valeur estimée de ces services. Les projets forestiers comptent pourtant parmi les interventions les moins coûteuses par tonne d’émissions de CO2 évitées (Mitchell and Pleek, 2022). En 2021, lors de la conférence climatique COP26 de l’ONU, plus de 140 pays, représentant plus de 90 % de la couverture forestière mondiale, se sont engagés à mettre un terme à la déforestation et à la dégradation des terres dans le monde d’ici 2030 dans le cadre de la Déclaration des dirigeants de Glasgow sur les forêts et l’utilisation des terres. Les six pays du Bassin du Congo ont approuvé cette déclaration, reconnaissant la nécessité cruciale de préserver les forêts à la fois au niveau mondial et dans leur région. Les bienfaiteurs internationaux ont reconnu l’importance primordiale des forêts du Bassin du Congo, engageant 1,5 milliard USD entre 2021 et 2025 pour contribuer à leur protection et à leur gestion durable. Pourtant, ces engagements, bien que louables, ne se sont pas pleinement concrétisés en actions. Selon les constats de l’évaluation mondiale de la Déclaration sur les forêts de 2022, un an après la COP26, le monde a enregistré une perte de 6,8 millions d’hectares de forêt, entraînant l’émission de 3,9 milliards de tonnes de gaz à effet de serre. Il reste à peine six ans pour réaliser l’objectif ambitieux de mettre un terme à la déforestation et de l’inverser d’ici 2030. Dans le cadre du Fonds de partenariat pour le carbone forestier, la Banque mondiale travaille avec 11 pays, dont le Cameroun, la République centrafricaine, la République du Congo et le Gabon, pour se préparer à l’émission de crédits carbone à haute intégrité qui faciliterait le transfert par les entreprises et les gouvernements de ressources aux communautés. La politique fiscale est un instrument institutionnel souvent sous-exploité dans les actions visant à favoriser l’utilisation durable des ressources forestières et la croissance alors qu’elle peut jouer un rôle complémentaire important par rapport à d’autres Credits: Edouard Tamba on Unsplash 48 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable instruments tels que la réglementation, l’information et le bénévolat. En particulier, la politique fiscale tend à agir avec efficacité dans les cas où les agents économiques réagissent aux signaux de prix et où la faiblesse de la capacité de gouvernance entrave l’application effective des réglementations.15 Les politiques de dépenses peuvent également appuyer la gestion durable des forêts, mais leur utilisation est considérablement limitée dans un contexte d’espace budgétaire restreint. Alors qu’un plus grand financement climatique pour les pays du Bassin du Congo est essentiel pour atténuer la nécessité d’un compromis entre la gestion durable des forêts et les objectifs de développement économique, les politiques fiscales environnementales peuvent contribuer à élargir l’espace budgétaire et à établir les importantes conditions préalables à une plus grande mobilisation de financements internationaux et privés pour l’action climatique nationale. Lorsqu’ils sont utilisés de manière efficace, les instruments fiscaux peuvent aider (a) à capter une part équitable des rentes des ressources pour le secteur public et ainsi contribuer à l’espace budgétaire dans son ensemble ; (b) promouvoir les objectifs de politique industrielle pour le secteur forestier, tels que la création de plus de valeur ajoutée nationale et d’un plus grand nombre d’emplois ; et (c) favoriser la gestion environnementale et l’utilisation durable des forêts. Les instruments clés comprennent l’imposition sur les rentes des ressources naturelles, les politiques de dépenses basées sur les résultats (paiements pour les services écosystémiques, REDD+16), les subventions, la fiscalité environnementale (impôts, redevances et frais), les permis négociables, les compensations/bio banques de biodiversité, les instruments de responsabilité (amendes pour non-conformité) ou les garanties d’exécution. Les différents instruments fiscaux agiront ensemble pour réaliser les objectifs mentionnés précédemment. De plus, les politiques économiques qui ne concernent pas directement les questions forestières, telles que les politiques agricoles ou minières, peuvent également affecter l’utilisation des ressources forestières. Il est donc important que les instruments fiscaux s’inscrivent dans une approche globale et cohérente de gestion durable des ressources forestières. Lorsqu’ils sont utilisés de manière efficace, les instruments fiscaux relatifs aux forêts peuvent jouer un rôle important dans l’élargissement de l’espace budgétaire, notamment en augmentant les dépenses qui contribueraient à promouvoir la gestion durable des forêts. Une telle utilisation est particulièrement importante dans le contexte camerounais où la consolidation budgétaire est une priorité politique pour contenir la dette et les déficits publics. Le Cameroun est confronté à un défi de taille, celui de devoir accroître ses recettes fiscales étant donné que celles-ci restent inférieures au seuil de 15 % requis pour soutenir les fonctions gouvernementales de base. Le Cameroun est à la traine en matière de recettes fiscales par rapport aux moyennes des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, de l’Afrique subsaharienne et de pays comparables d’autres régions. Une part substantielle des recettes fiscales non pétrolières provient d’un petit groupe de gros contribuables : les 0,5 % d’entreprises les plus riches contribuent à 73 % de ces recettes. À travers une utilisation efficace des instruments fiscaux relatifs aux forêts, le Cameroun peut augmenter ses recettes fiscales tout en promouvant la gestion et la conservation durables des forêts. 15 World Bank. (2021). Designing Fiscal Instruments for Sustainable Forests. Washington D.C. : The World Bank. 16 Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts et rôle de la conservation, de la gestion durable des forêts et du renforcement des stocks de carbone forestier dans les pays en développement. 49 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Les politiques fiscales en faveur des forêts durables sont étroitement liées aux éventuelles compensations internationales pour les services climatiques fournis par les pays du Bassin du Congo. Premièrement, les politiques fiscales environnementales peuvent contribuer à une gestion durable des forêts et servir ainsi de base à la mobilisation du financement carbone. Par ailleurs, compte tenu de l’étroitesse de l’espace budgétaire des pays du Bassin du Congo, les financements internationaux et privés sont également essentiels pour la mise en œuvre des programmes de conservation des forêts et la mise en place de systèmes adéquats de suivi, de rapport et de validation. Dans le thème spécial, (i) le contexte socioéconomique actuel de la politique forestière du Cameroun est examiné, (ii) le rôle et l’utilisation actuelle des instruments fiscaux relatifs aux forêts est discuté, et (iii) des options et des compromis sont avancés en ce qui concerne la conception des réformes de politique fiscale relative aux forêts en vue de capter de manière adéquate les rentes des ressources, promouvoir la création de valeur ajoutée et d’emplois basés sur la forêt, atténuer la déforestation et la dégradation des forêts et promouvoir une croissance durable, tout en établissant les importantes conditions préalables à une plus grande mobilisation de financements internationaux et privés pour l’action climatique nationale. Il subsiste un manque notable de connaissances approfondies dans ce domaine, notamment en ce qui concerne la manière dont les instruments de politique fiscale sont actuellement utilisés au niveau national, les effets de ces politiques sur diverses incitations et la manière dont certaines réformes de politique fiscale peuvent contribuer à l’objectif de mobiliser davantage de financement climatique de la part des donateurs internationaux et du secteur privé. Ce rapport peut constituer une première étape dans la définition d’un éventail de stratégies à proposer aux décideurs politiques en vue de l’élaboration d’un système fiscal adapté à la conservation des forêts et à la gestion de la croissance durable. L’analyse et la discussion sont fortement axées sur les instruments de recettes fiscales ciblant directement la production et la préservation forestières afin de mettre en évidence les opportunités de premier ordre d’utilisation des instruments fiscaux. Cependant, il est important de noter que la conception et la mise en œuvre concrètes des politiques devront prendre en compte tout un ensemble de questions complémentaires. Avant tout, les instruments fiscaux relatifs aux forêts constituent un sous- ensemble d’instruments économiques pour la gestion durable des forêts et complètent les approches réglementaires, l’information et les instruments volontaires. Deuxièmement, la déforestation et l’utilisation des ressources forestières dépendent également de politiques non forestières. Parmi les exemples importants de ces politiques non forestières figurent les politiques agricoles telles que les subventions agricoles qui peuvent entraîner une augmentation de la demande de terres et conduire à la déforestation. Les politiques du secteur de l’eau constituent un autre exemple important, compte tenu du rôle central que jouent la santé des systèmes fluviaux pour la durabilité des forêts. Les politiques qui conduisent à un prélèvement d’eau non durable ou à la pollution des rivières affecteraient les écosystèmes fluviaux et forestiers. Les politiques qui affectent les moyens de subsistance des populations et leur demande en produits forestiers constituent un autre exemple : le bois étant utilisé par de nombreux ménages, la fourniture de sources d’énergie alternatives réduirait la demande de bois. Enfin, il est également important de mentionner l’importance des cadres de planification de l’affectation des terres et leur interaction avec les politiques 50 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable fiscales. Par exemple, les réserves écologiques devraient être gérées différemment des forêts gérées par les communautés et les taxes/amendes devraient être établies en fonction de la planification de l’affectation des terres. Cette analyse s’appuie sur l’engagement plus large de la Banque mondiale en rapport aux forêts du Bassin du Congo et y contribue. Cet engagement comprend les travaux sur les Rapports nationaux sur le climat et le développement, les Revues des finances publiques et les Aide-mémoires économiques du pays qui ont été ou sont en cours de préparation pour la plupart des pays membres de la CEMAC. Dans plusieurs pays, dont le Cameroun, la République centrafricaine et le Gabon, la Banque mondiale mène des projets spécifiques en appui à l’utilisation et la gestion durables des forêts. Actuellement, elle prépare également des comptes du capital naturel pour plusieurs pays du Bassin du Congo et ces comptes fourniront des évaluations approfondies des services fournis par la forêt du Bassin du Congo. Comme autre aspect important de ses travaux, la Banque mondiale étudie les options permettant de monétiser le carbone et les services écosystémiques fournis par la forêt du Bassin du Congo, examinant les options telles que les obligations associées à la nature, les échanges dette-nature, ou aidant les pays à remplir les conditions préalables à l’accès au financement carbone. En reconnaissance de l’importance de réaliser davantage de bénéfices et de valeur ajoutée de leurs forêts, un projet qui appuierait, entre autres, les chaînes de valeur du secteur forestier dans la région de la CEMAC est en cours de préparation. Récemment, la Banque mondiale a également créé le Global Challenge Program : Forêts pour le développement, climat et biodiversité (GCP-F). Alors qu’il reconnaît que la conservation restera un élément essentiel de la gestion durable des forêts, ce programme élargira l’approche de manière à mettre l’accent sur les personnes à travers la création d’importantes opportunités économiques et la mobilisation d’importantes ressources du secteur privé pour développer des économies intersectorielles basées sur la forêt. Des activités spécifiques sont en cours de conception pour le déploiement du programme dans les pays du Bassin du Congo. Credits: Edouard Tamba on Unsplash 51 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 2.2 État et tendances des forêts au Cameroun Le Cameroun possède de vastes zones forestières, riches en biodiversité et essentielles à la régulation climatique et aux moyens de subsistance des peuples autochtones et des communautés locales qui dépendent des ressources forestières. Les forêts couvrent environ 35 % de la superficie du Cameroun et jouent un rôle essentiel dans la régulation du carbone et par-là dans la régulation du climat à l’échelle du pays et de la région. Elles représentent également un sanctuaire pour les populations autochtones qui dépendent fortement des ressources forestières pour leur alimentation et leur cadre de vie. La végétation est dominée par la steppe et le Yaéré à l’Extrême-Nord, la savane au Nord, l’Adamawa et les forêts semi-décidues au Sud, et les forêts sempervirentes et les mangroves dans la zone côtière.17 Elle sert de sanctuaire pour une large gamme d’espèces végétales et animales, favorisant la biodiversité et assurant la stabilité des écosystèmes. Les forêts régulent le cycle de l’eau, réduisent l’érosion des sols et purifient l’air et l’eau en filtrant les polluants. Place de l’exploitation forestière 2.2.1 2.1. dans l’économie camerounaise L’agriculture est un secteur majeur de l’économie camerounaise, représentant 17 % de son PIB en 2022 et employant 43 % de la main-d’œuvre. Malgré un potentiel agricole important, le pays reste confronté à de grandes difficultés à assurer une alimentation appropriée pour sa population. Cette situation, combinée à la croissance rapide de la population– à un rythme annuel moyen de 2,7 % au cours des cinq dernières années – et à d’autres défis économiques et sociaux, soulève de véritables problématiques en matière de sécurité alimentaire, de gestion durable de l’expansion agricole et de gestion des terres face à l’objectif de préserver la biodiversité et la viabilité des forêts. 17 Contribution National Déterminée du Cameroun, 2021 52 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable La contribution du secteur forestier à l’économie camerounaise a toujours été significative, bien qu’elle soit faible par rapport à son potentiel. Bien que sa contribution au PIB national ait légèrement diminué au cours des deux dernières décennies, l’industrie forestière continue de jouer un rôle crucial dans l’économie. Au début des années 2000, elle représentait 20 % des exportations et 4,0 % du PIB. En 2022, sa contribution au PIB était de 3,8 %18. La production industrielle de bois rond a atteint 5,4 millions de mètres cubes en 2021 (Graphique 32), générant environ 940,9 milliards FCFA de recettes. Le Cameroun exporte ses produits forestiers dans le monde entier et principalement vers la Chine, le Vietnam, l’Europe et les États-Unis (Graphique 33). Le secteur du bois fournit actuellement environ 45 000 emplois, dont 22 000 dans le secteur informel. La chaîne de valeur forestière est la troisième source de recettes d’exportation du Cameroun après les secteurs du cacao et des hydrocarbures. En 2022, elle représentait 314,8 milliards FCFA de recettes d’exportation (9,0 % des recettes totales d’exportation). Les exportations du secteur de l’exploitation forestière et du bois sont principalement composées de produits sous forme de grumes et de bois sciés. Depuis 2015, les exportations de grumes ont considérablement baissé, passant de 0,9 million de mètres cubes en 2015 à 0,7 million en 2022. Par ailleurs, les quantités de bois transformés (bois sciés principalement) exportées ont plus que doublé, atteignant 1,2 million de mètres cubes en 2022 contre 0,6 million en 2015. Cette dynamique résulte de la politique de relèvement des taxes à l’exportation sur les grumes qui a été récemment adoptée. Alors qu’ils occupent une place prépondérante dans le panier des exportations camerounaises, les produits forestiers n’ont représenté que 1,1  % des recettes publiques (0,2 % du PIB) en moyenne au cours des dix dernières années, à hauteur de 46,2 milliards FCFA (environ 76 millions USD) en termes de contribution absolue, en 2022. La moitié de ces recettes proviennent des taxes à l’exportation de grumes, tandis que l’autre moitié provient des redevances foncières et des taxes sur la collecte d’arbres. Le Cameroun est le plus grand producteur et exportateur de grumes de la région CEMAC, mais la transformation des grumes en produits finis y est encore faible. En raison de problèmes liés au manque d’infrastructures adaptées, à l’exploitation forestière illégale et aux problèmes de gouvernance et à la corruption, l’industrie forestière camerounaise est limitée aux produits de bois de première transformation, à savoir les bois ronds industriels et le bois scié, qui constituent l’essentiel des exportations de bois (Graphiques 34 et 35). La valeur des exportations des produits issus de la seconde transformation du bois, tels que les moulures et les meubles en bois, était d’environ 6 millions de dollars en 2022 (Graphique 35). Ce montant est relativement faible par rapport à l’ambition du pays d’augmenter significativement la part des produits finis en bois dans ses exportations. 18 Institut National de la Statistique du Cameroun, 2022 53 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Graphique 32. Bois rond industriel du Cameroun, volumes de Graphique 33. Part des partenaires d’exportation du production (milliers m3) Cameroun en 2018 6 000 Etats-Unis 5 000 France Sénégal 4 000 Italie 3 000 Belgique Vietnam 2 000 Chine 1 000 0% 5% 10 % 15 % 20 % 25 % 30 % 00 02 04 06 08 10 12 14 16 18 20 22 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 Source : Organisation Internationale des Bois Tropicaux (2024) Source : WITS (2024) Graphique 34 Exportations en 2022, produits de bois de Graphique 35 Exportation en 2022, produits de bois de première transformation, millions USD deuxième transformation, millions USD 900 25 800 20 700 600 15 500 400 10 300 200 5 100 0 0 on o A re na n le on o A re na ng n ou RC oi ha ng ab ou RC ia oi ha ab iv Co er or G iv G Co er d' m G G t d' m ua Ca te Ca te Eq Cô Cô e né ui Moulures Canne et Bambou G Bois de construction Autres types de bois Billes de bois Contreplaqué Bois scié Vernis Ameublement en bois Source : Organisation Internationale des Bois Tropicaux (2024) 54 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 2.2.2 Augmentation de la déforestation Le taux annuel de déforestation au Cameroun suit une tendance à la hausse, passant de 0,1 % à 0,6 % entre 2008 et 2020, alors que le taux de reboisement stagne à 0,1 % (Graphique 36). Ces tendances ont entraîné un déclin de la biodiversité et une baisse de la séquestration du carbone et posent des défis en matière de gestion forestière. De nombreuses menaces pèsent sur les terres forestières du Cameroun, notamment la déforestation due à l’agriculture à petite échelle, l’exploitation forestière illégale, les activités minières incontrôlées et les pratiques non durables d’utilisation des terres telles que l’agriculture sur brûlis et le développement agro-industriel non réglementé. De plus, les forêts sont de plus en plus vulnérables aux impacts du changement climatique qui se manifeste par une hausse des températures et une diminution des précipitations, augmentant ainsi le risque de sécheresse, d’incendies de forêt et d’épidémies au sein des populations.19 Le Gouvernement reconnaît que donner la priorité à tous les projets miniers sans considération d’autres aspects pourrait avoir un impact négatif considérable sur l’environnement et les écosystèmes, d’autant plus que plus de 70 % des réserves minières du pays se trouvent dans des zones forestières.20 La déforestation et la dégradation des forêts augmentent le risque et l’exposition aux maladies zoonotiques émergentes. À mesure que les humains empiètent sur les forêts naturelles, les risques d’épidémies et de transmission de telles maladies des animaux aux humains augmentent.21 Les facteurs de déforestation sont divers et liés entre eux, variant d’une région à l’autre dans bien des cas. Dans la zone des trois frontières Dja-Odzala-Minkebe (TRIDOM), la déforestation est principalement due à la construction d’infrastructures minières, routières et ferroviaires et à l’exploitation forestière. À Ebo, la production d’huile de palme et de maïs sont les principales sources de déforestation. À Campo, l’expansion urbaine, les projets d’infrastructures et les plantations de palmiers à huile sont les grands contributeurs à la perte du couvert forestier. Au Grand Mbam, les activités forestières et la culture du cacao sont les principales causes de la déforestation. Enfin, dans le nord du pays, la déforestation est imputable à la culture du coton, aux cultures vivrières, à l’exploitation du bois de feu et à la transhumance. La diversité des activités sources de déforestation soulignent l’importance de comprendre les liens complexes entre les différentes causes de la déforestation alors que l’on cherche à mettre en œuvre des stratégies efficaces de préservation des ressources forestières.22 19 Average annual temperature has increased while average annual precipitation has decreased in recent decades. The average annual temperature increased by 0.86°C over 46 years, from 24.28°C in 1974 to 25.14°C in 2020. see Climate Change Knowledge Portal (database), World Bank, Washington, DC (accessed 2022), https://climateknowledgeportal.worldbank.org/country/cameroon. 20 Contribution Déterminée au niveau National du Cameroun, 2021 21 Banque mondiale, 2021 22 Banque mondiale, 2022 55 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Graphique 36. Tendance de la déforestation au Cameroun 0,4 Superficie perturbée (MHa) 0,35 0,3 0,25 0,2 0,15 0,1 0,05 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Total des perturbations forestières (dégradation ou déforestation) Déforestation totale (directe ou après dégradation) Repousse forestière Source : Vancutsem et coll. (2024) 2.2.3 Émissions de carbone et engagements au titre de la CDN Les émissions liées au changement d’affectation des terres et à la foresterie sont le deuxième contributeur aux émissions totales de gaz à effet de serre au Cameroun, après l’industrie. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Cameroun n’ont que légèrement augmenté au cours des deux dernières décennies tandis que les émissions par habitant ont considérablement diminué. Cette situation résulte des efforts de reforestation et de la réorientation du bouquet énergétique en faveur des énergies renouvelables. Les émissions totales ont augmenté modérément, passant de 126 millions de tonnes en 2001 à 128 millions de tonnes en 2020 (Graphique 37), tandis que les émissions par habitant ont diminué de 9,54 tonnes d’équivalent CO2 par habitant en 1998 à 4,84 tonnes en 2020 (Graphique 38). Ce niveau est inférieur à la moyenne africaine de 3,2 tonnes, et à la moyenne mondiale de 6,12 tonnes en 2020. Les secteurs contribuant le plus aux émissions de GES sont l’industrie (60,3 millions de tonnes), le changement d’affectation des terres et la foresterie (35,1 millions de tonnes) et le secteur de l’énergie (15,7 millions de tonnes). En l’absence de toute action et dans un scénario de statu quo, une augmentation significative des émissions de gaz à effet de serre (GES) devrait se produire d’ici 2030, selon les propres projections du Cameroun. Les émissions devraient augmenter de 71 % par rapport à leur niveau de 2010, soulignant le besoin urgent d’engagements forts et de réformes des politiques forestières.23 23 CDN Cameroun 2021 56 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Graphique 37 Émissions totales et par habitant de GES du Graphique 38. Émissions de GES du Cameroun par secteur, Cameroun, millions de tonnes, 1990-2020 millions de tonnes, 2020 160 5 Industries 60,3 Total, Millions de tonnes de CO2 Foresterie et changement dans 140 35,1 Per capita, tonnes de CO2 l'utilisation des sols 4 Agriculture 13,2 120 Gaz issus de la production d'énergie 6,6 100 3 Déchets et ordures 4,1 80 Transport 3,5 2 60 BTP 2,7 40 1 Électricité et Chauffage 2,5 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017 2020 Manufactures et Construction 0,3 Autres combustions de carburant 0,1 Emissions de GHG Emission de GES par tête 0,0 50,0 100,0 Source : Climate Watch (2024) Le Cameroun a ratifié l’Accord de Paris en 2016 et a soumis une contribution déterminée au niveau national (CDN) actualisée à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 2022 dans laquelle le Gouvernement énonce l’objectif de réduire l’empreinte carbone du pays de 35 % d’ici 2030, 2010 étant pris comme année de référence. Cependant, la réalisation de cette réduction est conditionnée à l’appui de la communauté internationale, des donateurs et du secteur privé sous forme de financement, de renforcement de capacités et de transfert de technologie. Le Cameroun entend réduire ses émissions de 12 % sur ses propres ressources et jusqu’à 35 % avec une aide internationale substantielle. Le Gouvernement camerounais a choisi de se concentrer sur trois secteurs où le potentiel d’atténuation des émissions de carbone est élevé, à savoir l’agriculture, la foresterie et la gestion des terres, ainsi que l’énergie et la gestion des déchets. Sur les 35 % de réduction visée, près de la moitié proviendra de la foresterie et de la gestion des terres, un secteur que les autorités camerounaises reconnaissent comme présentant le plus grand potentiel de réduction. Parmi les mesures de protection des forêts proposées dans la CDN figurent : (i) la gestion durable des forêts à travers l’exploitation et le développement des forêts productives dans le cadre de plans d’aménagement ; (ii) la contribution à la croissance économique et à la lutte contre la pauvreté à travers la rétrocession d’une partie des recettes fiscales aux collectivités, la création d’emplois, la création de forêts communales dans le Domaine Forestier Permanent (DFP) et de forêts communautaires dans le Domaine Forestier Non Permanent ( DFnP); 57 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable (iii) la conservation de la biodiversité à travers le renforcement du réseau national d’aires protégées ; et (iv) l’amélioration de cohérence du système foncier à travers des plans de zonage (CDN du Cameroun, 2021). Les moyens technologiques envisagés dans les CDN comprennent le reboisement, la régénération forestière et les pratiques agroforestières, se concrétisant notamment par le reboisement de 650 000 hectares de terres dégradées et la protection de 3 299 000 hectares de forêts à l’échelle nationale. En outre, les autorités prévoient d’installer des barrières de contrôle sur les routes forestières et de former des écogardes pour effectuer des patrouilles permanentes dans toutes les aires protégées. Tableau 5. Engagement d’atténuation dans la CDN, part de réduction par secteur en 2030 Part de réduction des secteurs d’ici 2030 Agriculture Foresterie Énergie Déchets Total Volume de réductions (Gg 6 808,8 19 378,63 13 369,85 2 701,78 42 258,73 Eq CO2) Part de chaque secteur dans la réduction totale 16,1 % 45,9 % 31,6 % 6,4 % 100 % (pourcentage) Part de chaque secteur en pourcentage de réduction 5,7 % 16,3 % 11,2 % 2,3 % 35,5 % (pourcentage) Source : (Cameroon CDN, 2021) Selon les estimations établies par le Cameroun, le financement nécessaire pour réaliser ses objectifs de réduction de CO2 dans le secteur forestier est de 2 974,84 millions USD. L’investissement total nécessaire pour réaliser les objectifs fixés dans la CDN d’ici 2030 s’élève à 57.64 milliards USD dont 25.784 milliards USD pour l’atténuation et 31.856 milliards USD pour l’adaptation. Les fonds qui seront dirigés vers la foresterie serviront spécifiquement à financer le reboisement et la réhabilitation des écosystèmes dégradés et à sécuriser et étendre les zones protégées. Concernant les sources de financement public domestique, le Cameroun a mobilisé environ 162,35 millions USD sur la période 2015-2020 pour des activités planifiées au titre de la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris ou qui y sont liées24. De toute évidence, ce montant est insuffisant pour répondre aux besoins de mise en œuvre des activités prévues dans la CDN 2021. 24 Cameroon CDN, 2022 58 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Credits: Flore de Preneuf / World Bank 2.2.4 Réformes de la politique forestière, gouvernance et inclusivité En 2008, les autorités camerounaises ont lancé une révision de la législation forestière de 1994, en prolongement de l’effort continu qu’il mène pour adapter et améliorer les pratiques de gestion et de conservation des forêts en réponse aux défis émergents et aux engagements internationaux (Cerutti et al. 2008). La législation de 1994 a été conçue au départ pour améliorer la gestion des forêts de production, intégrer la participation communautaire et faire appliquer des pratiques de durabilité. Cependant, au fil des années, diverses lacunes, notamment des problèmes liés à la gouvernance forestière, à l’exploitation forestière illégale et à l’efficacité des plans de gestion forestière, ont fait qu’il était devenu nécessaire de revoir et de réviser complètement cette loi. Le processus de révision a été lent, en partie à cause du contexte sociopolitique et économique complexe d’implémentation de cette législation forestière. Les défis de contexte comprennent les retards bureaucratiques, les conflits d’intérêts entre les différentes parties prenantes et les difficultés liées à la mise en œuvre et à l’application de nouveaux cadres réglementaires. En outre, il est nécessaire d’aligner les lois nationales sur les accords internationaux, tels que l’accord de partenariat volontaire UE-Cameroun dans le cadre de l’initiative d’application des réglementations forestières, de gouvernance et d’échanges commerciaux (FLEGT), ce qui complique et prolonge encore le processus législatif. L’interaction des facteurs locaux et internationaux, des intérêts des parties prenantes et de l’impératif de répondre à la fois aux besoins de conservation et aux besoins économiques contribuent à la lente émergence d’une nouvelle législation forestière. Le Cameroun a élaboré une stratégie nationale REDD+ dans le cadre des efforts globaux visant à atténuer le changement climatique à travers la protection et la 59 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable gestion durable des forêts. L’objectif principal de cette politique forestière, publiée en 2018, est de maintenir au moins 30 % du territoire national dans le domaine forestier permanent. Un plan d’investissement climato-intelligent sur 10 ans a été élaboré pour donner la priorité à la réponse climatique dans les secteurs de l’agriculture et de l’élevage. Le Cameroun a progressé dans la mise en œuvre de sa stratégie REDD+, en établissant une unité nationale de coordination REDD+, en développant un système national de surveillance des forêts et en lançant des projets pilotes dans certaines régions. Cependant, le pays est confronté à plusieurs défis. Les ressources techniques et financières limitées, ainsi que les contraintes de capacité institutionnelle, ont entravé la mise en œuvre à grande échelle du plan. Assurer un engagement efficace des parties prenantes, en particulier avec les peuples autochtones et les communautés locales, a été difficile en raison de problèmes liés aux droits fonciers et aux mécanismes de partage des bénéfices. En outre, la lutte contre les causes sous-jacentes de la déforestation, telles que l’exploitation forestière illégale, l’expansion agricole et les activités minières, reste un obstacle important. Une amélioration est nécessaire dans la coordination des efforts déployés dans plusieurs secteurs et ministères, ainsi que l’alignement des politiques et des cadres juridiques nationaux sur les objectifs REDD+. L’amélioration de la gouvernance forestière, le développement d’une industrie solide de transformation du bois et l’amélioration du suivi, du reporting et de la vérification des activités d’exploitation forestière sont essentiels pour atteindre à la fois les objectifs économiques et la préservation des forêts. L’ambitieux plan de développement du Cameroun à l’horizon 2035 comprend des projets à grande échelle dans les secteurs des transports, des infrastructures et de l’énergie, qui devraient être alignés sur les objectifs de préservation des forêts afin de minimiser la déforestation et la dégradation des forêts. Équilibrer les grands projets d’infrastructures ou d’énergie avec la conservation des forêts nécessite une planification méticuleuse et des évaluations d’impact environnemental (EIE) complètes pour évaluer les conséquences potentielles sur les écosystèmes forestiers. Ces évaluations devraient impliquer la contribution de diverses parties prenantes, notamment des experts en environnement, des communautés locales et des groupes autochtones. Sur la base des résultats, la conception des projets peut être ajustée pour minimiser l’empiétement forestier, intégrer des mesures de compensation telles que le reboisement et mettre en œuvre des stratégies d’atténuation strictes pour sauvegarder la biodiversité et les corridors écologiques. Une meilleure gouvernance dans le secteur forestier nécessite de lutter contre la corruption et d’aligner les objectifs et les décisions entre les secteurs, comme ceux entre les ministères régissant l’agriculture, les mines et le développement des infrastructures. Cela nécessite également une meilleure coordination entre toutes les institutions responsables de la gestion forestière, tant au niveau national que local. L’augmentation de la transformation du bois nécessite des investissements dans les infrastructures et les compétences. L’amélioration du suivi, du reporting et de la vérification des activités d’exploitation forestière grâce à la numérisation contribuera également à lutter contre la déforestation et sera incontournable à la fois pour une meilleure gouvernance et pour l’émergence d’une industrie solide de transformation du bois. Garantir la propriété foncière des communautés forestières et imposer le partage des bénéfices forestiers est essentiel pour lutter contre la déforestation, améliorer les conditions sociales des communautés locales et renforcer la cohésion sociale. Les recherches montrent que lorsqu’il est mis en œuvre efficacement, l’octroi de droits de 60 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable participation aux acteurs locaux dans la gouvernance forestière peut améliorer la gestion forestière (klooster et Masera, 2000 ; Smith et Scheer, 2003 ; Veit, 2019). Lorsque les communautés ont un intérêt direct et un pouvoir de décision dans la gestion de leurs forêts locales, elles sont plus susceptibles d’adopter des pratiques durables qui correspondent à leurs intérêts à long terme. En recevant une partie des revenus d’activités telles que la récolte durable du bois, la collecte de produits forestiers non ligneux ou les initiatives d’écotourisme, les communautés deviennent des parties prenantes investies dans la gestion responsable de ces atouts naturels. De plus, les revenus générés par le partage des revenus peuvent être réinvestis dans des projets de développement communautaire, l’éducation, les soins de santé ou d’autres moyens de subsistance, renforçant ainsi le lien entre la conservation des forêts et le bien-être local. La gestion communautaire des forêts et le partage des bénéfices forestiers favorisent un sentiment d’appropriation et de responsabilité parmi les membres de la communauté, les encourageant à protéger les forêts de la surexploitation et des activités illégales. Pour être pleinement efficaces, les programmes de foresterie communautaire ont besoin de droits fonciers clairs, d’un renforcement des capacités et du soutien des niveaux supérieurs de gouvernance. Le Cameroun a déployé des efforts pour promouvoir les forêts communautaires depuis sa consécration dans la loi forestière de 1994, mais le manque d’assistance aux communautés locales et les difficultés de mise en œuvre limitent les avantages pour les populations et les forêts du cadre législatif. La loi forestière camerounaise de 1994, et le décret 95/531/PM d’août 1995, ont ouvert la voie à la création de forêts communautaires, garantissant l’accès des communautés rurales aux ressources forestières. En mai 2024, il y avait 705 forêts communales au Cameroun, dont 330 attribuées définitivement et 305 attribuées provisoirement25. Cependant, malgré ces progrès, de nombreuses communautés tributaires de la forêt pour leur subsistance sont encore confrontées à d’importantes difficultés pour obtenir des licences leur permettant d’exploiter des forêts communautaires. On estime que moins de la moitié des forêts communautaires sont pleinement opérationnelles dans le pays (Alemagi et al, 2022). La faiblesse des institutions, en particulier la mise en œuvre inadéquate des lois et politiques forestières communautaires, a été largement citée comme l’une des principales causes de la mauvaise performance du secteur (Piabuo et al., 2018 ; Essougong et al., 2019 ; Alemagi et al., 2022). Malgré les nombreuses initiatives du gouvernement pour promouvoir la foresterie communautaire, des déficits institutionnels persistent, notamment des problèmes juridiques, une mauvaise application de la loi, des limitations des droits, des problèmes de taille et de ressources biophysiques26, un manque de transparence dans le partage des revenus et des capacités de gestion limitées. Pour remédier efficacement à ces déficits, les autorités gouvernementales compétentes et les décideurs politiques au sein du Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF) devraient donner la priorité à la simplification des procédures d’obtention des licences forestières communautaires, à la fourniture d’une assistance technique et d’équipements aux communautés forestières locales, en proposant des programmes de renforcement des capacités sur la gestion du partage des revenus, et favoriser une meilleure collaboration plus transparente avec des tiers, tels que les organisations non gouvernementales et les entités du secteur privé (Moutoni, 2019). 25 Cameroon Forest Atlas 26 Au Cameroun, la limite maximale autorisée pour une forêt communautaire est de 5 000 hectares. C’est bien moins que les 200 000 hectares alloués aux sociétés d’exploitation forestière. 61 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 2.3 Contexte régional et international 2.3.1 Financement de la gestion durable des forêts Ces dernières années ont vu une augmentation notable du financement international pour la gestion durable des forêts dans la région CEMAC, une tendance illustrée par l’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale (CAFI) et les engagements renouvelés lors de la COP26. Ce soutien financier a été cristallisé dans la Déclaration commune pour le Bassin du Congo qui prévoit un ambitieux montant de 1,5 milliard USD à répartir entre les six pays de 2021 à 2025. Les lettres d’intention signées entre la CAFI et les autorités nationales ont davantage consolidé les engagements dont le montant s’élève à présent à 465 millions USD. Cependant, lorsque ces engagements sont considérés au regard du sombre tableau des besoins de protection des forêts du Bassin du Congo, leur montant s’en trouve éclipsé et on ne peut que constater le décalage entre les besoins et l’ambition. Les promesses financières internationales, bien que substantielles, ne sont souvent pas assorties d’objectifs quantifiables et transparents, ce qui fait qu’il persiste un écart entre les promesses et la pratique. Cet écart ressort davantage lorsqu’on considère le sous-financement relatif de l’action climatique et de la protection de l’environnement dans le Bassin du Congo comparé à d’autres régions de forêts tropicales. La situation est encore plus compliquée lorsqu’on considère la répartition des fonds. Les financements alloués aux communautés locales, aux forêts communales et aux populations autochtones restent manifestement insuffisants. Ce déficit est également constaté pour d’autres groupes vulnérables, tels que les femmes en milieu rural et les petits exploitants agricoles. Globalement, une mosaïque d’intentions et d’actions est observée : les gouvernements affectent effectivement des lignes budgétaires à la conservation des forêts et au financement des aires protégées, mais l’action publique souffre d’un manque de cohérence. Les objectifs financiers et les actions des différents ministères semblent souvent s’inspirer de scénarios différents, ce qui dilue l’impact potentiel de ces fonds. Par exemple, un ministère pourrait donner la priorité à la conservation et allouer des fonds aux zones protégées, tandis qu’un autre se concentrerait sur des projets de développement 62 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable économique susceptibles d’encourager par inadvertance la déforestation. En outre, il peut y avoir des divergences dans la mise en œuvre des politiques, certains départements ne parvenant pas à appliquer efficacement les lois sur la conservation ou n’ayant pas la capacité de surveiller et de gérer les zones protégées de manière adéquate. Alors que de nombreux observateurs internationaux affirment que les approches REDD+ et les mécanismes similaires axés sur les marchés volontaires du carbone peuvent offrir d’éventuels flux financiers vitaux pour les forêts du Bassin du Congo, la réalité est plus nuancée. Prenons l’exemple du Gabon, qui s’est distingué en 2021 comme étant le premier pays africain à recevoir par le biais de la CAFI des paiements basés sur les résultats du REDD+, obtenant 17 millions USD sur les 150 millions USD prévus. Bien que cette évolution soit louable, elle souligne un problème plus large : le flux de financement via REDD+ est un mince filet plutôt que le torrent de financement qui est nécessaire. De plus, l’intégrité du marché volontaire du carbone lui-même ne peut que susciter du scepticisme, son potentiel d’injections financières étant loin de répondre aux demandes pressantes de la région. Affiner les processus budgétaires au niveau national et augmenter la valeur ajoutée des activités forestières peuvent conduire à une canalisation plus efficace des fonds existants vers la protection des forêts. Une allocation budgétaire améliorée, une utilisation efficace des ressources, une crédibilité accrue, un alignement stratégique avec les plans nationaux, un suivi rigoureux et un engagement communautaire sont tous des éléments essentiels qui contribuent au succès des initiatives de protection des forêts. En abordant ces domaines, les gouvernements peuvent garantir que les fonds soient utilisés efficacement pour conserver et gérer durablement les ressources forestières. Les instruments de politique fiscale liés aux forêts et le financement basé sur les résultats (FBR) sont interconnectés grâce à leur objectif commun de promouvoir la gestion et la conservation durables des forêts. Les instruments de politique fiscale, tels que les taxes et subventions Pigouviennes, sont conçus pour influencer le comportement des acteurs forestiers en rendant les pratiques durables plus attractives financièrement. Par exemple, au Népal, des instruments de politique fiscale ont été utilisés pour résoudre les problèmes liés au partage des revenus et à la répartition des bénéfices entre les groupes communautaires d’utilisateurs des forêts, bien que les incohérences de ces politiques aient entravé leur efficacité. De même, en Inde, des transferts budgétaires intergouvernementaux ont été utilisés pour soutenir la conservation des forêts, mais la conception de ces transferts est cruciale pour atteindre les résultats souhaités en matière de conservation. D’un autre côté, le FBR lie les récompenses financières à l’atteinte de résultats spécifiques prédéfinis, tels que la réduction de la déforestation ou l’amélioration de la gouvernance forestière. Cette approche est au cœur d’initiatives telles que REDD+ (Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts), qui mobilise des ressources financières basées sur des réductions d’émissions vérifiées. L’intégration d’instruments de politique budgétaire avec le FBR peut améliorer l’efficacité des deux approches en fournissant des incitations financières continues pour des pratiques durables tout en garantissant la responsabilité et des résultats mesurables. Par exemple, l’utilisation par le Gabon d’un mécanisme d’instrument fiscal « bonus-malus » (remises) 63 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable dans la politique forestière démontre comment l’alignement des mesures fiscales sur les normes de certification de durabilité peut améliorer la répartition des ressources fiscales et la performance des politiques. Dans l’ensemble, la synergie entre les instruments de politique fiscale et le FBR peut créer un cadre solide pour atteindre les objectifs de gestion et de conservation durables des forêts. 2.3.2 Interdiction d’exportation de grumes de la CEMAC Les pays de la CEMAC se sont avancés vers la mise en œuvre d’une interdiction de l’exportation de grumes dans le cadre d’un effort visant à promouvoir la transformation du bois dans ces pays et à s’aligner sur un mouvement mondial de gestion durable des forêts. L’application de ce changement de politiques, prévu pour 2022 au départ, a été reportée à 2028, laissant aux pays suffisamment de temps pour s’adapter à ce programme transformateur. L’initiative constitue un volet d’une stratégie régionale plus large, à savoir la Stratégie pour l’industrialisation durable de la filière bois dans le Bassin du Congo, conçue pour concilier la gérance environnementale et le développement industriel. Dans le cadre de cette stratégie, il est envisagé de créer des zones économiques spéciales axées sur la transformation du bois, d’établir un comité régional chargé de la supervision des efforts d’industrialisation et de développer des plantations selon des pratiques durables. En outre, elle plaide en faveur de la création d’établissements d’enseignement qui formeront une nouvelle génération de professionnels dans le secteur du bois, avec à l’appui un code forestier harmonisé et une politique de fiscalité forestière unifiée. La Banque africaine de développement devrait jouer un rôle central dans le financement de ce projet transformateur. L’initiative régionale d’interdiction des exportations de grumes dans tout le Bassin du Congo représente un véritable tournant dans l’histoire de la coopération régionale, allant au-delà des efforts unilatéraux qui avaient prévalu dans le passé. Le Cameroun et le Gabon, chacun à leur époque et à leur manière, s’étaient déjà attaqués au formidable défi de mettre fin aux exportations de grumes, mais les résultats obtenus avaient été mitigés. Après la promulgation des décrets de sa loi forestière de 1994, le Cameroun n’a commencé à interdire les exportations de grumes qu’en 1999, accordant ainsi un délai généreux pour permettre aux concernés de s’adapter. Cependant, la persistance des exportations de grumes, facilitées par un système alambiqué de quotas et d’exceptions, témoigne de la complexité de la question. Allant plus loin, le Gabon a promulgué une interdiction totale des exportations de grumes en 2010, après avoir ciblé quatre espèces essentielles au départ. Cette interdiction d’exportation a cependant catalysé de manière 64 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable non intentionnelle un déplacement des activités d’exploitation forestière vers d’autres pays du Bassin du Congo, soulignant les limites inhérentes aux mesures unilatérales. Comme ce contexte le montre, une interdiction collective par les pays de la CEMAC constituerait non seulement une réorientation politique, mais également une mise en cohérence plus large en reconnaissance du fait les destins des nations de la région sont liés quand il s’agit de s’efforcer de limiter la déforestation et de promouvoir la gestion durable des forêts. L’interdiction viendrait en reconnaissance du fait que la préservation du bassin du Congo nécessite une vision partagée et une action collective. L’impact de ce changement de politique, une fois mis en œuvre, devrait être significatif. Par exemple, le Ministre Camerounais des Forêts, prévoit une augmentation substantielle des volumes de bois collecté dans les concessions forestières d’ici 2030, à hauteur de à 15 millions de mètres cubes par an, contre 7 millions de mètres cubes actuellement. Selon les prévisions du Ministère, cette augmentation doublera la contribution du secteur du bois au PIB et créera environ 100 000 emplois, contre 40 000 actuellement. L’accent portera sur une plus grande transformation des grumes et sur l’amélioration des activités de deuxième et troisième transformation. Cependant, il est reconnu que dans les premières années de mise en œuvre de l’interdiction, les pays de la région CEMAC pourraient être confrontés à des impacts négatifs de courte durée, notamment une baisse significative des recettes publiques provenant du secteur. Cette perspective a retardé davantage la mise en œuvre complète de l’interdiction d’exportation de grumes. 65 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Encadré 3 : Une trajectoire indicative de réforme structurelle pour passer des exportations de grumes à une transformation à plus forte valeur ajoutée Se départir des exportations de grumes au Gabon et dans d’autres pays de la CEMAC implique plusieurs étapes clés visant à favoriser la gestion durable des forêts, la diversification économique et le renforcement des capacités nationales. Premièrement, la mise en œuvre de réformes telles que l’interdiction d’exportation de grumes (LEB) peut réduire considérablement la déforestation, comme en témoigne la déforestation évitée au Gabon de près de 2 100 km² entre 2010 et 2018. Le renforcement du cadre réglementaire et institutionnel pour la promotion des exportations est crucial, parallèlement à l’amélioration de la qualité du capital humain et la création d’un environnement équitable des affaires. L’élaboration d’un plan national d’aménagement du territoire comprenant des concessions durables et une certification forestière obligatoire peut aider à équilibrer les objectifs économiques avec la protection de l’environnement. De plus, l’adoption d’un seuil national d’émission de carbone pour la conversion des terres et l’exigence de taux de mise en jachère au niveau des concessions peuvent atténuer les émissions de carbone provenant d’activités telles que l’expansion des plantations de bois et de palmiers à huile. Il est également essentiel de lutter contre l’informalité et les pratiques illégales sur le marché intérieur du bois grâce à une meilleure gouvernance et à une législation claire. Encourager les liens en aval dans l’industrie du bois en fixant des objectifs de transformation nationale, malgré des défis tels que des coûts de production élevés et des infrastructures inadéquates, peut accroître la valeur ajoutée dans le pays. Assurer la transparence de la chaîne d’approvisionnement et la traçabilité des produits ligneux grâce à l’analyse des isotopes stables et à d’autres technologies de suivi peut soutenir le devoir de diligence et le respect des réglementations internationales. Enfin, le succès de ces initiatives dépend de la capacité du gouvernement à mettre en œuvre une gestion forestière durable et de la volonté des concessionnaires d’investir dans des plans de gestion forestière à long terme. Ces mesures visent collectivement à passer des exportations de grumes à un modèle économique plus diversifié et durable au Gabon et dans d’autres pays de la CEMAC. 66 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 2.3.3 Règlement européen sur les produits sans déforestation Ajoutant à la complexité des initiatives régionales de la CEMAC dans le secteur forestier, l’Union européenne a pris d’importantes mesures qui restreignent l’importation de produits liés à la déforestation dans le cadre d’un effort plus large d’atténuation du changement climatique et de la perte de biodiversité. Le nouveau règlement de l’UE sur les produits sans déforestation vise à garantir que divers types de produits vendus au sein de l’UE ne proviennent pas de surfaces déboisées où que ce soit dans le monde. Dans la liste de ces produits figurent les produits de bois, les produits carnés, le cacao, le café, l’huile de palme, le soja, le caoutchouc, le charbon de bois et les produits imprimés sur papier. Le règlement de l’UE comporte trois éléments clés : des exigences de vérification préalable, des contrôles fondés sur le risque et des sanctions en cas de non-conformité. Premièrement, les entreprises devront fournir une déclaration de « vérification préalable » confirmant que leurs produits ne proviennent pas de terres déboisées et n’ont pas entraîné de dégradation des forêts, y compris de forêts primaires irremplaçables, après le 31 décembre 2020. Cette première exigence inclut le respect de la législation en vigueur du pays producteur (exportateur) en matière de droits de l’homme et de droits des peuples autochtones. Deuxièmement, l’UE classera les pays ou les régions en fonction du risque (faible, standard ou élevé) sur la base d’une évaluation objective. Les produits provenant de pays à faible risque seront soumis à une procédure de vérification préalable simplifiée, tandis que les pays dont le risque est plus élevé seront soumis à des contrôles plus rigoureux. Troisièmement, les entreprises qui ne respectent pas le règlement pourraient se voir infliger de lourdes amendes, dont le montant maximum est fixé à 4 % du chiffre d’affaires annuel de l’opérateur ou du négociant dans l’UE. L’application de la réglementation européenne sur la déforestation aux pays du Bassin du Congo pourrait encourager un plus grand élan vers l’application des régimes de certification combinée à des réformes de la politique fiscale environnementale qui promeuvent la gestion durable des forêts. En exigeant une évaluation préalable et une traçabilité rigoureuses des produits, le règlement de l’UE établit des normes plus élevées pour les systèmes de surveillance, de déclaration et de vérification environnementales dans le secteur forestier, ce qui pourrait encourager les pays producteurs à adopter des pratiques plus durables. Ces normes, à leur tour, pourraient conduire à l’adoption de politiques et de pratiques qui donnent la priorité à la conservation des forêts et l’utilisation durable des terres, aboutissant à la conformité aux normes environnementales de l’UE dans le but de conserver l’accès à ce marché. Cependant, l’effet réel de la réglementation européenne sur la déforestation pourrait être minime dans certains pays et dépendra de divers facteurs, notamment de l’exposition (faible) des exportateurs de produits forestiers de la CEMAC au marché de l’UE (et donc aux coûts supplémentaires que l’application de la réglementation entrainerait), la volonté politique des gouvernements de la région, la capacité 67 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable des industries locales à se conformer à ces normes, et l’appui des organismes internationaux et des ONG à la mise en conformité. Néanmoins, il est prévu qu’au fil du temps, l’approche de l’UE pourrait servir de modèle à d’autres régions et pays, démontrant comment des normes environnementales strictes peuvent être intégrées dans les politiques commerciales pour promouvoir les efforts mondiaux de conservation des forêts. Dans leur réponse régionale aux réglementations de l’UE interdisant les importations de produits de base liées à la déforestation, le Cameroun et d’autres pays du bassin du Congo seront probablement confrontés à des défis de gouvernance complexes qui exigeront de renforcer les capacités bureaucratiques et stratégiques de l’État. D’une part, à des degrés divers, les pays devront s’adapter aux exigences strictes de l’UE, qui exigent de produire des preuves que leurs exportations, telles que le bois, les produits agricoles, le papier et les minéraux, ne sont pas liées à la déforestation. D’autre part, ils devront se conformer aux politiques régionales telles que l’interdiction d’exportation de grumes de la CEMAC dans le cadre de leurs efforts visant à stimuler la transformation locale et les pratiques forestières durables. Il sera crucial d’assurer une meilleure coordination de l’ensemble des politiques nationales et des ministères des pays pour pouvoir prendre en charge ces doubles pressions de manière efficace. Les pays devront harmoniser leurs efforts visant à développer des pratiques forestières durables qui soient conformes aux normes internationales tout en renforçant les capacités de transformation nationales pour ajouter de la valeur à leurs exportations. Une telle coordination pourrait impliquer de partager les meilleures pratiques, d’élaborer des cadres régionaux pour une foresterie durable et d rechercher des appuis techniques et financiers auprès de partenaires internationaux pour mettre en place les infrastructures et les capacités nécessaires. Bien que ces orientations politiques présentent chacune leurs propres défis, elles offrent aux pays des opportunités d’améliorer leurs pratiques de gestion forestière, de diversifier leurs économies et d’améliorer leur position sur le marché mondial en s’alignant sur les normes environnementales internationales. À cette fin, la région CEMAC s’est engagée avec l’UE dans les Accords de partenariat volontaires (APV) sur l’application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux (FLEGT) dont l’objectif est de garantir que le bois exporté vers l’UE provient d’une source légale. Ces accords impliquent de définir une norme de légalité et de mettre en place un système d’assurance de la légalité du bois (TLAS) qui couvre l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Ces processus ont permis de rehausser la transparence, de renforcer les organisations de la société civile et de distribuer davantage de recettes forestières aux communautés. Le Cameroun a signé un accord global avec l’UE pour améliorer la transparence de son secteur forestier. L’accord, connu sous le nom d’Accord de partenariat volontaire FLEGT (Application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux), a été ratifié en 2011 et vise à garantir que les produits ligneux exportés du Cameroun vers l’UE sont conformes aux exigences légales (FAO, 2022). L’accord énonce diverses mesures telles que l’amélioration de la gouvernance forestière, le renforcement de l’application des lois et la promotion de la transparence dans le secteur du commerce du bois. Il accordait trois ans pour une phase préparatoire qui devait aboutir à la première autorisation FLEGT 68 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable et permettre d’établir un système de vérification de la légalité du bois (TLVS). À ce jour, aucune autorisation n’a été délivrée27, bien que le Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF) du Cameroun ait pris la première mesure officielle en promulguant un arrêté ministériel. Si les entreprises forestières s’y conforment, cet arrêté ministériel permettrait la délivrance d’un « certificat de légalité », simplifiant ainsi le processus d’obtention de l’autorisation FLEGT à l’avenir. Dans l’ensemble, l’APV est perçu comme ayant contribué dans une certaine mesure à la réduction de l’exploitation illégale dans le domaine forestier permanent (DFP), mais comme étant sans effet dans le domaine forestier non permanent (DFnP), où les cas d’exploitation illégale semblent avoir augmenté. (Cerutti, et al., 2022). Encadré 4 : Défis transversaux dans la gestion durable des forêts La promotion de la gestion durable des forêts (GDF) dans les pays de la CEMAC se heurte à plusieurs problèmes transversaux, notamment la faiblesse des structures de gouvernance et les contraintes d’économie politique. Une gouvernance efficace est cruciale pour la GDF, mais de nombreuses régions, y compris la CEMAC, souffrent d’une capacité de gouvernance insuffisante, ce qui entrave l’adoption de la certification forestière et d’autres pratiques durables. Les obstacles institutionnels et structurels, tels qu’un financement insuffisant et le manque de formation technique aux opérations forestières, entravent encore davantage la participation efficace des communautés locales à la gestion forestière, conduisant à la surexploitation et à la dégradation. De plus, la présence d’acteurs multiples, superposés et indépendants tout au long de la chaîne de valeur peut créer des problèmes de confiance et de crédibilité, compliquant ainsi la mise en œuvre de politiques telles que l’accord de partenariat volontaire (APV). Les contraintes de l’économie politique, telles que l’influence de secteurs économiques défavorables aux forêts comme l’agriculture, la bioénergie et l’exploitation minière, posent également des défis importants, nécessitant une coopération politique internationale cohérente et des actions d’intégration pour aligner ces secteurs sur les objectifs de la GDF. De plus, les coûts de transaction élevés associés à la mise en œuvre et à l’application de règles visant à réduire la surexploitation peuvent nuire à une gouvernance forestière efficace, en particulier dans des conditions d’incertitude environnementale et institutionnelle. Les progrès inégaux en matière de GDF, en particulier dans les pays tropicaux à faible revenu, soulignent la nécessité de plans de gestion forestière à long terme et d’une propriété claire des forêts pour prévenir la déforestation et la dégradation. Malgré l’expansion mondiale de la GDF, l’écart entre les pays développés et les pays en développement reste important, ce qui nécessite des solutions multidimensionnelles impliquant une coordination entre les différentes parties prenantes. Enfin, les avantages socio-économiques des forêts sont souvent compromis par une mauvaise gouvernance, qui nécessite une analyse systématique et des efforts ciblés pour améliorer les systèmes administratifs et promouvoir des changements positifs. Aborder ces questions transversales est essentiel pour parvenir au développement durable et assurer la résilience des écosystèmes forestiers dans les pays de la CEMAC. 27 Il semble qu’il y ait eu un désaccord entre l’Union européenne et le Ministère des Forêts et de la Faune sur le SIGIF2, qui est un système de régulation informatique de deuxième génération préconisé par l’UE. Il faudrait d’autres recherches pour comprendre ce qui s’est passé. 69 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable En outre, le cadre d’indicateurs de l’Initiative sur la gouvernance des forêts (GFI), un outil développé par le World Resources Institute et ses partenaires pour évaluer la qualité de la gouvernance forestière, a été utilisé au Cameroun pour soutenir les évaluations et la sensibilisation de la société civile, dans le but de renforcer la gouvernance forestière. Ce cadre fournit un ensemble complet d’indicateurs qui aident à établir un diagnostic des forces et des faiblesses des systèmes de gouvernance forestière. Il offre une approche systématique et reproductible de l’évaluation qualitative, aidant diverses parties prenantes, notamment les agences gouvernementales, les législateurs et les organisations de la société civile, à comprendre et à améliorer la gouvernance forestière. Le cadre d’indicateurs GFI a été testé sur le terrain et affiné dans plusieurs pays, dont le Brésil, l’Indonésie et le Cameroun. Par sa conception, il peut prendre en charge un large éventail d’utilisateurs et d’applications, allant de l’évaluation de l’efficacité de la mise en œuvre des politiques aux appuis de la société civile dans le plaidoyer en faveur d’une réforme de la gouvernance. Ensemble, ces réglementations forestières régionales et internationales et ces dispositifs de gouvernance en vigueur dans les pays de la CEMAC montre que l’approche à la lutte contre la déforestation et à la promotion de la gestion durable des forêts est à facettes multiples. En intégrant à la fois des mesures législatives et des initiatives de collaboration, ces efforts visent à garantir la conservation et l’utilisation durable des ressources forestières, contribuant ainsi aux objectifs mondiaux de conservation de la biodiversité et d’atténuation du changement climatique. Credits: Edouard Tamba on Unsplash 70 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 2.4 Rôle de la politique fiscale environnementale : compromis dans le secteur forestier Il existe de nombreuses stratégies de conservation des forêts, mais leur efficacité varie considérablement, en particulier dans le contexte des pays disposant de peu de ressources économiques. Les mécanismes de réglementation, tels que les normes obligatoires et les interdictions, se sont révélés prometteurs pour la réalisation des objectifs de conservation. Néanmoins, ils nécessitent une infrastructure administrative et de mise en application importante et peuvent ne pas être aussi rentables que d’autres mesures économiques. Les outils économiques, tels que les politiques fondées sur des dépenses axées sur les résultats, nécessitent des structures de gouvernance avancées et sont généralement plus coûteux à déployer du fait qu’ils exigent de mettre en place de nouvelles institutions et de nouveaux cadres administratifs. Certaines de ces politiques, telles REDD+, dépendent du soutien financier de bienfaiteurs internationaux. Graphique 39 : Quelques approches et instruments pour la gestion durable des forêts APPROCHES DE RÉGLEMENTATION INFORMATIONS ET INSTRUMENTS ÉCONO-MIQUES INSTRUMENTS VOLONTAIRES • Restrictions ou interdictions • Écolabel et certification (ex : • Politique de dépenses basée sur d’utilisation (ex : restrictions du certification de durabilité) les résultats (paiements pour des commerce de bois illégal) services écosystémiques, REDD+) • Marchés publics verts • Restrictions ou interdictions d’accès • Subventions • Approches volontaires (ex : et d’utilisation (ex : désignation en tant accords négociés entre les • Fiscalité environnementale (taxes, qu’aire protégée) entreprises et les États) droits et frais, redevances) • Permis et quotas • Comptabilité environnementale • Permis négociables • Normes de qualité, de quantité et de d’entreprise • Mécanismes de compensation de la conception (ex : diamètre minimum de • Crédit conditionnel biodiversité/bio banques coupe) • Instruments de responsabilisation • Aménagement du territoire (ex : (amendes pour non-conformité) corridors écologiques) • Garanties de bon achèvement • Outils et exigences de planification (ex : études d’impact environnemental, évaluations environnementales stratégiques) Source : Banque mondiale (2021), adapté de OCDE (2013) 71 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable À l’inverse, les instruments de politique budgétaire climato-intelligents appliqués au secteur forestier constituent, en principe, une stratégie rentable qui peut être mise en œuvre de manière indépendante par les pays. Bien conçus, les instruments fiscaux relatifs aux forêts peuvent avoir un impact même dans des environnements marqués par la faiblesse de la gouvernance ou de la capacité administrative. Les instruments de politique fiscale relative aux forêts peuvent compléter les stratégies de conservation et de gestion des forêts. Bien qu’il faille en élargir l’utilisation pour favoriser la conservation des forêts et les pratiques durables, la fiscalité environnementale ne constitue pas la solution à elle seule. Il est crucial de mettre en œuvre une approche holistique, intégrant des réglementations, des mesures d’information et diverses stratégies économiques adaptées aux réalités locales, y compris des politiques basées sur des dépenses axées sur les résultats, pour assurer la complétude et l’efficacité du cadre de conservation. Les gouvernements utilisent les impôts forestiers en plus de l’impôt sur les sociétés pour capter une plus grande part des recettes, mais cela se fait souvent dans un contexte où l’information est imparfaite et asymétrique. Théoriquement, l’objectif des taxes forestières est de capter la « valeur du bois sur pied » d’une forêt de production et dans ce sens, elles peuvent être assimilées à une rente économique (Gillis 1992). La valeur du bois sur pied correspond au prix du marché de la production de bois (c’est-à-dire un mélange de grumes, de bois sciés, de sous-produits et de produits finis) moins les coûts associés à l’exploitation forestière, à la gestion forestière, au transport, à la transformation, à la commercialisation, et un bénéfice « normal ». L’impôt sur les sociétés doit également être déduit pour obtenir la valeur du bois sur pied d’une unité d’aménagement forestier. La fiscalité forestière peut donc être considérée comme un moyen de capter la rente économique forestière non recouvrée à travers l’impôt sur les sociétés, dans un contexte d’asymétrie d’information entre les entreprises et les gouvernements en ce qui concerne les prix et les coûts des activités d’exploitation forestière. Une telle asymétrie d’information est souvent spécifiquement associée aux bois tropicaux et aux États fragiles. Dans certains cas, les espèces sont commercialisées en petites quantités sur quelques marchés, ce qui fait qu’il est difficile d’obtenir des informations sur les prix de vente. Les prix relatifs sont en évolution constante, non seulement entre espèces mais aussi entre grumes et produits transformés. En outre, les entreprises peuvent réduire leur assiette fiscale, souvent mais sans s’y limiter, par le biais des prix de transfert, et les autorités fiscales, en sous-effectif, n’arrivent pas à appréhender la situation réelle dans bien des cas. Par conséquent, les taxes forestières jouent un rôle essentiel dans la mesure où elles permettent de recouvrer un minimum des recettes pour l’État, en capturant une partie de la rente. L’application stratégique de la fiscalité forestière exige d’avoir une compréhension approfondie de ses impacts potentiels (Tableau 6). Une taxe ciblant la production de bois, par exemple, pourrait encourager de manière non intentionnelle des pratiques préjudiciables à la santé des forêts en fonction des nuances du processus de production. L’objectif est donc d’affiner les politiques fiscales de manière à encourager les méthodes conformes aux principes de gestion durable des forêts, en veillant à ce que la fiscalité serve non seulement les objectifs fiscaux, mais contribue également à l’objectif plus général de conservation des forêts. 72 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Tableau 6. Une sélection de mécanismes fiscaux et leur impact relatif sur les incitations à la gestion durable des forêts (GDF) INSTRUMENT DESCRIPTION EFFET SUR LES INCITATIONS AUTRES FISCAL DE GDF CARACTERISTIQUES Droits d’accise Taxe sur le bois et autres Impact mitigé – Sans mesures Accroît les recettes produits dérivés de la forêt supplémentaires, les incitations à fiscales Peut être basé sur la rente ou l’exploitation forestière illégale ou Coûts administratifs les bénéfices informelle, à la coupe sélective et élevés (information, au changement d’affectation des application de la terres peuvent être accrues. réglementation…) Redevance Redevance basée sur la Impact mitigé – Sans mesures Faibles coûts superficiaire superfi-cie exploitée supplémentaires, peut encourager administratifs la coupe intensive d’arbres. Taxe à l’export Taxe sur le bois exportés ou Impact mitigé – Sans mesures Accroît les recettes les autres produits forestiers, supplémentaires, peut générer fiscales col-lectées par les services des distorsions dans la Faibles coûts doua-niers consommation et le marketing des administratifs produits fores-tiers ou encourager l’inefficience and le gaspillage de ces produits dans l’industrie locale Taxe sur les Frais sur les biens d'équipe- Impact mitigé – peut permettre de Accroît les recettes intrants ment, la main-d'œuvre ou contrôler la coupe illégale d’arbres fiscales d'autres intrants Subventions ou Incitations fiscales et taux Fort impact sur les incitations Fait baisser les recettes exemp-tions ré-duits à la GDF et au changement fiscales fiscales d’affectation des terres, s’il est Coûts administratifs bien ciblé élevés Combinaison Combinaison de taxe Fort impact sur les incitations à la Effet neutre sur les de taxes et de et de rabais basée sur GDF, si bien ciblé recettes fiscales subven-tions/ l'adoption ferme de la GDF Coûts administratifs remises ou d'un autre indicateur moyens en cas de bonne environnemental information des acteurs Transferts fiscaux Part des transferts Fort impact sur les incitations pu- Effet neutre sur les éco-logiques budgétaires du bliques à la GDF et à la conserva- recettes fiscales gouvernement tion des forêts Faibles coûts central al-louée sur administratifs la base d’indicateurs environnementaux Source : Banque Mondiale (2022), Adapté et élargi à partir de Gray (2002) Note : Il s’agit d’une liste non exhaustive des mécanismes fiscaux forestiers. Le contexte national déterminera quels instruments sont les plus appropriés dans chaque circonstance. 73 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Le potentiel qu’une fiscalité forestière bien conçue a de générer des recettes peut, par exemple, inciter les autorités publiques à maintenir les terres forestières dans leur utilisation actuelle plutôt que d’en encourager la conversion à des fins agricoles. Cependant, les impôts classiques n’agissent pas comme des impôts à visée environnementale (pigouviennes), étant donné que les taux d’imposition ne varient pas en pratique en fonction de l’ampleur des externalités négatives (telles que les émissions) mais en fonction de la superficie exploitée ou du volume de bois. Même s’il est possible en théorie de prévoir des taxes et impôts prélevés sur la base des dommages environnementaux associés à une activité, cette approche pourrait entraîner des coûts administratifs élevés. Les services forestiers des États fragiles manquent de moyens financiers indépendants pour surveiller les opérations forestières et estimer le niveau des dommages de manière cohérente et objective. Encadré 5 : L’impact sur l’espace budgétaire des instruments fiscaux appliqués aux forêts Les instruments fiscaux liés aux forêts ont un impact significatif sur l’espace budgétaire en influençant les recettes et les dépenses publiques par le biais de divers mécanismes. Des instruments tels que la fiscalité et les subventions pigouviennes, ainsi que des systèmes fondés sur le marché tels que des taxes avec remise et des systèmes de certification, peuvent soit améliorer, soit restreindre l’espace budgétaire, selon leur conception et leur mise en œuvre. Par exemple, l’introduction de taxes avec remise, qui sont des mécanismes neutres sur le plan budgétaire, peut promouvoir une foresterie durable sans réduire les recettes publiques, comme le montre la promotion du bois et des produits agricoles certifiés en Afrique centrale. Cependant, l’efficacité de ces instruments peut être limitée par les coûts élevés d’administration et de conformité, ainsi que par les parts de marché de niche qu’ils occupent souvent, ce qui a été observé dans le cas des certificats volontaires soutenus par les pays développés. Plusieurs exemples internationaux illustrent les impacts variés que les instruments fiscaux liés aux forêts peuvent avoir sur les finances publiques. Au Brésil, la stratégie REDD+, qui comprend à la fois un financement basé sur les résultats et des instruments de marché, démontre comment des ressources financières peuvent être mobilisées pour la réduction des émissions, impactant ainsi l’espace budgétaire grâce à la redistribution des fonds entre différents niveaux de gouvernance. Au Népal, les incohérences des instruments de politique fiscale, telles que la fiscalité multiple et les mécanismes de partage des revenus peu clairs, ont entravé la gestion durable des ressources forestières et affecté la situation financière des groupes communautaires d’utilisateurs des forêts, impactant ainsi l’espace budgétaire local. En Pologne, le modèle des fonds forestiers redistribue les ressources des districts forestiers à revenus élevés vers les districts forestiers déficitaires, même s’il se heurte à des difficultés pour assurer une distribution juste et rationnelle. En outre, la mise en œuvre de normes de comptabilité financière comme l’AASB 1037 en Australie, qui impose la déclaration de la valeur marchande nette des actifs forestiers, peut influencer l’espace budgétaire en reconnaissant les changements dans la valeur des actifs comme des revenus ou des dépenses. L’impact des instruments fiscaux liés aux forêts sur l’espace budgétaire est multiforme, nécessitant une approche équilibrée qui prend en compte à la fois les mesures économiques et réglementaires pour parvenir à une gestion durable des forêts et à la stabilité fiscale. 74 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable Cette approche nuancée de fiscalité forestière s’inscrit dans une logique fiscale plus large visant à capter la rente économique face aux asymétries d’information. Lorsque les gouvernements se concentrent sur la « valeur du bois sur pied », ou la valeur nette de la production forestière après prise en compte des divers coûts, les taxes peuvent être utilisées comme un outil pour garantir des recettes qui pourraient autrement être perdues en raison d’inefficacités et de manques d’information. L’évaluation précise de cette valeur, en particulier dans des contextes où le commerce du bois est marqué par la volatilité et l’opacité, pose un défi qui fait clairement ressortir le rôle essentiel que les innovations doivent jouer dans la politique fiscale forestière environnementale pour garantir un recouvrement équitable et efficace des recettes issues des ressources forestières. Dans la prochaine section, un ensemble d’instruments fiscaux forestiers et leur justification économique et environnementale sont examinés ainsi que leur application ou non au Cameroun, le cas échéant. Cette étude commence avec les instruments fiscaux les plus élémentaires et les plus rudimentaires sur le plan administratif pour passer ensuite à ceux qui cherchent à établir un équilibre entre les considérations multidimensionnelles de ciblage environnemental (principe pigouvien), les considérations fiscales (génératrices de recettes), la capacité administrative et la capacité stratégique de l’État à gérer divers les divers intérêts acquis dans les secteurs des produits forestiers. 75 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 2.5 Étude des instruments de politique fiscale forestière au Cameroun Cette section donne un aperçu de la fiscalité relative aux forêts au Cameroun et couvre notamment les charges annuelles récurrentes, les permis d’exploitation forestière, la vente aux enchères des concessions forestières, les taxes à la production et les impôts sur les revenus des entreprises. 2.5.1 Charges annuelles récurrentes Les charges annuelles récurrentes se présentent sous plusieurs formes, notamment les taxes foncières (correspondant à un pourcentage de la valeur de la propriété, valeur des arbres incluse ou exclue) et la redevance superficiaire (une taxe fixe en fonction de la superficie du terrain) (Banque mondiale 2021). Les redevances superficiaires sont généralement plus simples à mettre en œuvre étant donné que la fiscalité foncière exige de réaliser régulièrement des réévaluations des terres. Cependant, les redevances superficiaires impliquent également un certain niveau de sophistication administrative dans la mesure où elles sont généralement déterminées par une évaluation de la concession forestière qui peut devoir être ajustée au fil du temps. Cette réévaluation est parfois réalisée par mise en enchères. Les redevances superficiaires font ressortir les effets complexes, souvent imprévisibles, des taxes forestières sur les comportements en matière d’exploitation forestière. La réaction des exploitants forestiers à ces pressions fiscales montre que des frais ou redevances plus élevés incitent parfois à intensifier l’exploitation forestière. Comme le suggère la littérature empirique, enrichie par les idées de Vincent, Gibson et Boscolo (2003), les frais plus élevés peuvent entrainer une ruée sans vision à long terme vers l’exploitation et pousser les exploitants forestiers à une extraction prématurée. En effet, les redevances superficiaires imposent un coût fixe dont les exploitants forestiers doivent s’acquitter quel que soit le volume de bois extrait. Le Cameroun n’impose pas de taxes foncières sur les terres forestières quoiqu’il lève des taxes foncières. Le taux applicable, l’assiette fiscale et les autres modalités fiscales sont énoncés en détail à l’article 243 du Code général des impôts, les recettes fiscales étant détaillées dans le projet de loi de règlement de l’année suivante. Une redevance annuelle minimale de 2 500 FCFA par hectare est appliquée pour une licence d’exploitation d’une durée d’un an, tandis qu’une redevance annuelle de 1 000 FCFA est appliquée par hectare pour les licences d’exploitation de plus longue durée. 76 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 2.5.2 Licences d’exploitation forestière et vente aux enchères des concessions forestières Les procédures d’appel d’offres (c’est-à-dire une mise en enchères) pour l’attribution des permis forestiers permettent d’imposer des redevances superficiaires en amont. Les droits de licence qui en résultent ex ante ont le caractère d’une taxe sur les rentes forestières. Selon la théorie économique, les exploitants forestiers seront disposés à soumissionner pour la concession à hauteur de la valeur de leurs rentes – c’est-à-dire des bénéfices économiques supérieurs aux taux d’actualisation des entreprises. Toujours selon la théorie économique, de telles enchères peuvent répondre à deux objectifs politiques qui sont liés : (i) accroître le recouvrement de recettes fiscales à travers une meilleure captation de la rente économique en mettant les entreprises en concurrence pour l’accès à la ressource ; et (ii) contrer l’attribution discrétionnaire des permis en effectuant des comparaisons entre les différentes propositions et, idéalement, en mettant à profit la publicité et la transparence de la procédure d’adjudication. Les contraintes d’économie politique qui pèsent sur la mise aux enchères des concessions forestières sont souvent considérables. La mise aux enchères des permis forestiers se heurte souvent à une forte opposition de la part d’acteurs du secteur privé, notamment ceux des secteurs de l’exploitation forestière et des produits liés à la déforestation. En même temps, les ministères chargés des Forêts ont tendance à privilégier les critères techniques sur les critères financiers et peuvent surestimer leur capacité à contrôler et à faire respecter les engagements une fois les permis attribués (ce qui fait qu’il est improbable que des sanctions soient appliquées). Au Cameroun, un système d’enchères conçu et révisé conjointement avec la Banque mondiale est mis en œuvre depuis 1997. Cependant, le fait que les soumissions comprennent à la fois une offre technique et une offre financière a ouvert la porte à la corruption (Topa et al. 2009). Alors qu’une plus grande pondération est accordée aux offres financières (70 %) dans la délivrance des permis pour les concessions obtenues, le seuil éliminatoire fixé pour les offres techniques a souvent profité à certains concurrents par rapport à d’autres qui ont été d’emblée exclus. Cependant, comme le nombre de soumissionnaires est faible, il y a un risque élevé de collusion en vue de sous-enchérir. Il y a également soupçon que la transmission d’informations (envoyées à l’avance par les soumissionnaires à la commission sous enveloppe scellée) sur les offres à certains concurrents avant la fin de la période de soumission auraient faussé les conditions de concurrence dans certains cas (Karsenty et Fournier 2008). Les enchères en temps réel atténueraient ce risque de fuite d’informations, mais il n’y a eu aucune tentative d’appliquer cette formule pour l’attribution de concessions dans le secteur forestier à ce jour. Au Cameroun, il a été démontré que le système d’enchères permet effectivement de recouvrer une plus grande part de la rente économique de la foresterie et reflète, dans une certaine mesure, la véritable volonté de payer (Topa et al. 2009). Cependant, ce mécanisme n’a pas été reproduit dans d’autres pays. Les acteurs du milieu préfèrent l’attribution discrétionnaire. Les entreprises craignent également que la concurrence ne conduise à des surenchères et à la « malédiction du gagnant ». Une redevance superficiaire 77 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable annuelle fixée par le biais de mise en enchères constitue un coût fixe, tandis que les prix du bois (et autres coûts) sont des coûts qui varient dans le temps. Cette variation peut créer un risque pour l’industrie forestière qui est une activité sur le long terme. Il est possible d’atténuer le risque de variation des prix en indexant la redevance annuelle fixée lors du processus d’enchères sur un indice de prix composite qui tient compte de la variation du prix du marché des diverses espèces et produits de bois (grumes, bois sciés, contreplaqué, etc.). Le Gouvernement camerounais ne met pas à la disposition du public des données à jour sur les frais annuels fixés lors de la procédure d’appel d’offres, ce qui fait qu’il n’est pas possible d’assurer un suivi transparent et fiable. De plus, la qualification formelle pour soumissionner dans le processus d’enchères n’est pas subordonnée à la durabilité des pratiques d’exploitation forestière proposées ni à l’obtention par les exploitants forestiers d’une certification du bois. L’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) publie une liste de prix bimensuelle  ; cependant, la liste n’est pas exhaustive et son exactitude est contestée. Néanmoins, elle reflète les tendances de variation des prix FOB pour diverses régions. Le renforcement de ce service d’information pourrait éventuellement convaincre les gouvernements d’expérimenter des mécanismes d’enchères pour l’attribution des permis forestiers sans faire peser tous les risques sur l’industrie. En Afrique, où les entreprises étrangères tendent à dominer la chaîne de valeur industrielle, les exploitants forestiers nationaux s’opposent farouchement au système d’enchères qu’ils considèrent comme favorisant les acteurs économiques puissants. Au Cameroun, depuis quelques années, certains tours d’adjudication sont réservés aux nationaux. Cependant, il s’est avéré que certains concessionnaires nationaux qui ont remporté des enchères avaient derrière eux des opérateurs étrangers. 2.5.3 Taxes sur la production : redevances sur le bois collecté et taxes sur la valeur du bois sur pied Les taxes à la production dans le secteur forestier prennent généralement soit la forme de redevances sur la valeur marchande du bois collecté soit la forme d’une taxe sur la valeur du bois sur pied. Les redevances basées sur la valeur du bois collecté sont généralement calculées en pourcentage de la valeur marchande du bois au moment de la collecte. Cela veut dire que le montant payé varie en fonction du prix du marché du bois qui peut fluctuer en fonction de la demande, de l’offre et d’autres conditions économiques. En revanche, une taxe sur la valeur du bois sur pied est une taxe fixe prélevée sur le volume de bois extrait, quelle que soit sa valeur marchande. Elle est généralement fixée par unité de volume (par exemple, par mètre cube ou par tonne), et le taux reste généralement constant à moins d’une réorientation de politique fiscale. La conception de la taxe sur la production a des implications économiques – à la fois en termes de variabilité des recettes et de partage des risques. Les redevances 78 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable qui dépendent de la valeur marchande du bois sont plus sujettes aux variations étant donné qu’elles sont directement liées aux prix du bois. Il en résulte que les propriétaires fonciers ou les gouvernements peuvent obtenir davantage de recettes lorsque les prix sont élevés, mais moins de recettes lorsque les prix baissent. En revanche, une taxe sur la valeur du bois sur pied offre un flux de recettes plus prévisible et plus stable parce qu’elle ne dépend pas des prix du marché. Les implications en matière de partage des risques sont également importantes. Les redevances sur la valeur du bois collecté permettent de répartir le risque de prix entre le propriétaire du bois et l’exploitant (ou le Gouvernement dans certains cas). Lorsque les prix sont élevés, les deux parties en tirent avantage, et lorsqu’ils sont bas, toutes deux en gagnent moins. D’un autre côté, une taxe sur la valeur du bois sur pied fait courir plus de risques aux exploitants de bois parce qu’ils doivent payer un taux fixe quel que soit le prix de vente du bois. Les taxes sur la valeur du bois sur pied sont moins complexes sur le plan administratif. Le calcul des redevances basées sur la valeur du bois peut être plus complexe, exigeant une évaluation précise des prix du bois, et peut soulever des différends sur les évaluations. Ce système pourrait également exiger une application et un audit plus rigoureux pour éviter une sous-déclaration des valeurs. La taxe sur la valeur du bois sur pied, étant un taux fixe basé sur le volume, est généralement plus simple à administrer et facilite la conformité. Les effets comportementaux des deux taxes à la production – les redevances sur le bois collecté et les taxes sur la valeur du bois sur pied – ont des impacts mitigés et ambigus sur les décisions de collecte. Dans le cas des redevances basées sur la valeur, il pourrait y avoir une incitation à collecter davantage de bois lorsque les prix sont élevés, ce qui pourrait conduire à des pratiques non durables en l’absence d’une réglementation forte. En revanche, une taxe fixe sur la valeur du bois sur pied pourrait encourager des pratiques de collecte plus cohérentes, mais elle pourrait également décourager la collecte de bois si la taxe fixe devenait économiquement lourde pendant les périodes où les prix du bois sont bas. Chaque système a ses avantages et ses défis, et le choix du système dépend souvent des objectifs économiques, de la capacité administrative et des objectifs de gestion forestière de la région ou du pays mettant en œuvre ces politiques. Les taxes sur la valeur du bois sur pied peuvent modifier les incitations dans la mesure où elles offrent la possibilité de moduler les taux d’imposition de manière à promouvoir certaines pratiques de gestion forestière durable. Conformément à ce principe, et pour encourager une utilisation optimale des matières premières, le Gouvernement du Cameroun s’est tourné vers une taxe sur la valeur du bois sur pied plutôt qu’une redevance sur le bois collecté à partir de 2000. En d’autres termes, le changement consistait à transférer la taxe sur les produits transformés du volume de production au volume (d’entrée) de grumes entrant dans les usines dans le but d’encourager une utilisation optimale de la matière première. L’objectif déclaré, celui d’encourager une utilisation optimale des matières premières, est conforme au principe des taxes sur la valeur du bois sur pied, qui sont mises en œuvre dans bien des cas pour garantir que le volume extrait est enregistré et taxé de manière appropriée, encourageant potentiellement une utilisation plus efficace des ressources. Cette nouvelle forme d’imposition a été appliquée pendant près d’une décennie, mais le recouvrement des taxes sur la valeur du bois sur pied s’est rapidement affaibli avec l’apparition de nombreux problèmes de mise en œuvre. Les contrôleurs postés 79 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable à l’entrée des (nombreuses) usines ont été « captés » par les entreprises et ont négligé de déclarer certains volumes (ou n’ont pas déclaré les espèces qui y sont effectivement entrées). Finalement, cette solution a été abandonnée et les taxes sont principalement collectées au point de contrôle des exportations. Cet exemple illustre les difficultés à mettre en œuvre les instruments fiscaux forestiers ciblés sur l’environnement dans les États fragiles. Les difficultés à maintenir l’efficacité du recouvrement des impôts, face à des problèmes tels que la corruption et les fausses déclarations aux points d’entrée des usines, reflètent les défis habituels liés à la mise en œuvre de taxes basées sur le volume lorsque la capacité de gouvernance ou administrative est faible. L’efficacité de la taxe, et en particulier pour les taxes sur la valeur du bois sur pied, dépendait de l’exactitude des déclarations de volume et de type de grumes entrant dans les usines. L’abandon éventuel de cette formule en faveur de la collecte de taxes aux points de passage obligés des exportations – c’est-à-dire une taxe à l’exportation sur le bois – constituerait un retour à une forme d’imposition plus simple et plus contrôlable. Ce retour en arrière est révélateur de la complexité d’une bonne gestion des taxes sur la valeur du bois sur pied, en particulier lorsque le contrôle et l’application peuvent manquer d’effectivité. Le taux des taxes à l’exportation du bois est exceptionnellement élevé au Cameroun, à 75 % (depuis la loi de finances 2024). Les entreprises implantées dans une zone franche industrielle paient actuellement un taux réduit de 60 % de la valeur FOB des grumes et de 15 % (depuis la Loi de finances 2023) de la valeur FOB des bois transformés. De plus, il existe une surtaxe minimale à l’exportation comprise entre 1 000 FCFA et 5 000 FCFA par unité de grume à la suite d’une vente aux enchères (tarifs douaniers 44.6, 44.7 et 44.9 tels que précisés dans le Code des douanes et le taux des tarifs douaniers). La forte imposition du bois à l’exportation peut entraîner tout un ensemble de défis économiques, administratifs et environnementaux. Premièrement, un niveau élevé de taxes à l’exportation peut entrainer une augmentation considérable du coût des produits ligneux pour les acheteurs internationaux, ce qui fait que les produits seraient moins compétitifs sur le marché mondial, et la demande d’exportations diminuerait en conséquence, affectant ainsi les recettes globales générées par le secteur du bois. Deuxièmement, même si un niveau d’imposition élevé à l’exportation a pour objectif de faire baisser les prix intérieurs en vue de stimuler l’industrie locale, il peut également fausser la dynamique du marché, conduisant potentiellement à des inefficacités dans l’allocation des ressources. Troisièmement, un niveau d’imposition élevé à l’exportation peut inciter les producteurs à se concentrer sur le marché intérieur même s’ils sont plus efficaces ou plus rentables sur les marchés d’exportation, ce qui peut entrainer une mauvaise allocation des ressources. Quatrièmement, il peut encourager les activités illégales telles que la contrebande ou la sous-déclaration des exportations pour contourner les taxes. Cette éventualité est particulièrement forte dans les pays où les mécanismes d’application sont faibles. L’ampleur des enjeux financiers peut également favoriser la corruption parmi les fonctionnaires chargés du recouvrement des impôts et de l’application des réglementations. Cinquièmement, un niveau élevé d’imposition à l’exportation peut décourager les investissements nationaux et étrangers dans l’industrie du bois. Il peut être perçu comme un obstacle à la rentabilité du côté des investisseurs, ce qui fait qu’il y aura moins d’entrées de capitaux, pourtant essentiels au développement et à la modernisation technologique du secteur. Sixièmement, si le marché intérieur 80 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable ne peut absorber efficacement tout le bois produit, il pourrait y avoir des incitations à surexploiter les ressources forestières, en particulier si la capacité de transformation nationale est faible ou inefficace. S’il existe une incitation économique à transformer le bois au niveau national en raison de taxes à l’exportation élevées, mais que la transformation locale s’accompagne de gaspillage ou est inefficace, cette transformation locale pourrait conduire à une plus grande dégradation de l’environnement que l’exportation de grumes pour transformation ailleurs. Septièmement, un niveau d’imposition élevé à l’exportation exige d’avoir des mécanismes solides de conformité et d’application afin de prévenir la fraude. Cela peut être pesant et coûteux sur le plan administratif, en particulier dans les pays où les capacités de gouvernance et institutionnelles sont faibles. Pour apporter une réponse à ces défis, il faut souvent une approche équilibrée qui tienne compte à la fois des avantages économiques de la fiscalité et des éventuelles conséquences négatives. Parmi les éventuelles solutions figurent une révision à la baisse des taux d’imposition, l’amélioration des mécanismes d’application et des politiques encourageant des pratiques durables sur les marchés intérieurs et d’exportation. 2.5.4 Impôts sur les sociétés Les entreprises forestières, en plus des taxes spécifiques à leur secteur telles que taxes à l’exportation ou les taxes sur la valeur du bois sur pied, sont également soumises à des impôts généraux sur le revenu d’entreprises. Ces impôts ont des implications uniques dans le secteur forestier en raison de ses caractéristiques distinctives, en particulier la longueur du cycle d’investissement. Dans le secteur forestier, il peut se passer plusieurs décennies entre le moment où les arbres sont plantés et celui où ils sont coupés et cet aspect doit être pris en compte dans la conception et l’application des impôts sur le revenu. Dans de nombreuses juridictions, les revenus tirés du bois ne sont pas imposés selon la méthode de comptabilité d’exercice où les revenus sont constatés au fur et à mesure qu’ils sont générés. À la place, ils sont imposés sur la base de leur réalisation, c’est-à-dire constatés au moment de la coupe. Cette méthode ne constate les produits issus du bois, moins les coûts y afférent, qu’au moment où le bois est effectivement coupé et vendu. Ces produits peuvent être imposés de façons variables : ils peuvent être traités comme des revenus ordinaires ou comme des plus-values. En règle générale, les taux d’imposition des plus-values à long terme sont inférieurs à ceux des revenus ordinaires. Lorsque les produits du bois sont imposés en tant que plus-values, l’avantage fiscal obtenu est généralement important parce que les taux appliqués sont normalement plus bas. 81 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 2.5.5 Dépenses fiscales pour l’agriculture et exonérations de taxe sur la valeur ajoutée pour les intrants agricoles Dans le contexte plus large des politiques fiscales ayant un impact sur la foresterie et la déforestation, le rôle des dépenses fiscales pour l’agriculture ainsi que des exonérations de TVA sur les intrants agricoles prennent un caractère crucial. Ces instruments financiers peuvent influencer considérablement les décisions d’affectation des terres, accélérant potentiellement la déforestation lorsqu’ils ne sont pas en cohérence avec les objectifs environnementaux. Le Code des impôts du Cameroun (articles 122 et 124-A) prévoit des exonérations de TVA sur les charges patronales et fiscales sur les salaires des employés du secteur agricole, les frais d’enregistrement des terres agricoles, les impôts fonciers et l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Les dépenses fiscales, qui comprennent divers allègements fiscaux et incitations aux activités agricoles, peuvent avoir un impact significatif sur la déforestation. Ces incitations sont souvent destinées à promouvoir l’expansion et la productivité agricoles mais peuvent de manière non intentionnelle encourager la conversion de terres boisées en champs agricoles, en particulier dans les régions où l’expansion agricole est le principal moteur de la déforestation. Les allégements fiscaux ou les incitations aux investissements agricoles peuvent faire qu’il devient financièrement intéressant pour les agriculteurs et les entreprises de défricher davantage de terres forestières pour les cultiver. Cela a un impact particulièrement important au Cameroun où l’agriculture est un moteur économique majeur et où la terre est considérée comme un actif essentiel. Dans les régions riches en biodiversité comme les forêts tropicales du Cameroun, les incitations à l’expansion agricole peuvent entraîner d’importantes perturbations écologiques, une perte de biodiversité et une augmentation des émissions de carbone dues à la déforestation. Sans cadre réglementaire approprié et sans planification durable de l’utilisation des terres, les dépenses fiscales peuvent saper les efforts de conservation de l’environnement. Elles peuvent aller à l’encontre des objectifs nationaux ou internationaux d’atténuation du changement climatique et de développement durable. Le Code des impôts du Cameroun (articles 122 et 124-A) prévoit des exonérations de TVA pour les pesticides, les semences, les engrais, les autres intrants agricoles ainsi que les machines et équipements agricoles. De telles exonérations de TVA des intrants agricoles (telles que les semences, les engrais et les machines) sont courantes dans de nombreux pays, dont le Cameroun, et constituent des mesures visant à réduire la charge financière pour les agriculteurs, à améliorer la sécurité alimentaire et à stimuler la productivité agricole. Si ces exonérations bénéficient de toute évidence à la rentabilité et la production agricoles, elles ont également des implications en matière d’affectation des terres et de durabilité environnementale. 82 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable À travers la réduction du coût des intrants agricoles, les exonérations de TVA peuvent permettre aux agriculteurs de cultiver de plus grandes superficies à moindre coût et de manière plus économiquement viable, éventuellement en empiétant sur les terres forestières. Bien que potentiellement bénéfiques pour la production alimentaire, ces exonérations peuvent conduire à des pratiques agricoles plus intensives qui pourraient entrainer une dégradation des sols, une réduction de la biodiversité et une augmentation du ruissellement et de la pollution si elles ne sont pas gérées dans une perspective de durabilité. Ces outils fiscaux pourraient être repensés de manière à soutenir des pratiques agricoles durables. Il est possible, par exemple, de mettre les dépenses fiscales et les exonérations de TVA en cohérence avec des critères environnementaux. Les autorités fiscales pourraient accorder ces avantages uniquement lorsque les pratiques agricoles mises en œuvre contribuent à maintenir ou améliorer la couverture forestière, s’appuient sur des technologies et des pratiques respectueuses de l’environnement qui contribuent à la conservation des sols et à la biodiversité, ou mobilisent des techniques agroforestières avancées. Pour atténuer les impacts environnementaux négatifs du développement agricole, tout en profitant des avantages économiques qu’il génère, il est crucial d’intégrer les politiques fiscales de manière stratégique. En concevant et mettant en œuvre avec attention de tels instruments fiscaux, les gouvernements peuvent contribuer à garantir que la croissance agricole contribue positivement au développement économique et à la durabilité environnementale, évitant les pièges d’une expansion incontrôlée qui aboutit à une forte déforestation. Credits: Worldbank Cameroon 83 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 2.6 Opportunités pour une réforme de politique fiscale forestière climato-intelligente au Cameroun 2.6.1 Ajuster les taxes forestières en fonction de la durabilité des méthodes de production Les avantages fiscaux et écologiques des taxes forestières dépendent du ciblage précis de l’assiette fiscale. Les taxes sur les produits de bois pèsent essentiellement sur la production, alors que l’impact environnemental varie considérablement en fonction des méthodes de production utilisées. Idéalement, les taxes forestières environnementales devraient cibler directement les méthodes de manière à encourager les investissements dans la gestion durable des forêts. En particulier, l’ajustement dynamique des taux d’imposition en fonction de la durabilité des pratiques de production, qui est l’idéal, ressort comme un principe optimal de fiscalité environnementale forestière, marquant une rupture d’avec les modèles d’imposition uniforme du passé. Cette approche innovante, qui n’est pas sans rappeler la transition de taxes aveugles sur l’électricité vers des taxes carbone, souligne l’importance de différencier les charges fiscales en fonction de l’impact environnemental. Une telle différenciation a pour objectif d’encourager une production durable dans le secteur forestier par un ajustement des taux d’imposition de manière à prendre compte de l’empreinte écologique des différentes méthodes de production. Ce changement correspond à une compréhension plus nuancée des incitations fiscales où il est reconnu que la durabilité de la production de bois varie considérablement en fonction des différentes techniques de collecte. Bien que les régimes fiscaux des produits de base puissent favoriser des pratiques durables, la variation des taux d’imposition en fonction des méthodes de production se heurte souvent un défi pratique, à savoir la faible compréhension que les autorités fiscales ont des spécificités de ces méthodes. Ce manque d’information entrave la capacité à ajuster les taux d’imposition avec précision en rapport à la durabilité des pratiques de production, diluant ainsi l’efficacité environnementale de ce type de fiscalité. Pour surmonter cet obstacle, il faut des stratégies innovantes permettant aux autorités 84 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable fiscales d’accéder à des informations détaillées sur les techniques de production, facilitant ainsi des politiques fiscales plus nuancées et plus efficaces. L’intégration de la certification de durabilité dans la politique fiscale offre une solution prometteuse à ce défi. En tirant parti des évaluations détaillées menées par les agences de certification, les autorités fiscales peuvent mettre les taux d’imposition en plus étroite cohérence avec l’impact environnemental des méthodes de production. Le fait d’accorder des réductions ou des exonérations fiscales aux produits certifiés durables introduit une structure incitative qui encourage les producteurs à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Cette approche apporte non seulement une réponse au manque d’information, mais favorise également la formalisation du marché en offrant des incitations à la légalité et à la durabilité des processus de production. La collaboration entre les autorités fiscales et les agences de certification illustre une approche synergique à la politique environnementale, dans laquelle les atouts de chaque entité sont exploités pour réaliser un objectif commun. Ce partenariat pourrait améliorer la dynamique du marché en créant une double structure d’incitation dans la mesure où les producteurs certifiés bénéficieraient à la fois des avantages fiscaux et de la préférence des consommateurs pour les produits durables. De plus, cette approche favorise la coopération internationale à travers une harmonisation des politiques fiscales nationales avec les objectifs mondiaux de durabilité, offrant un modèle de collaboration internationale en matière de conservation des forêts. En fin de compte, l’intégration de la certification de durabilité dans les taux d’imposition des produits forestiers (y compris le bois, le papier et éventuellement les produits agricoles et minéraux) représente une approche avant-gardiste en matière de politique fiscale environnementale qui reconnaît les complexités de la durabilité de la production et cherche à mettre les instruments fiscaux au service de la conservation de l’environnement. En adoptant cette stratégie, les gouvernements peuvent créer un cadre plus efficace, fondé sur l’information pour encourager les pratiques durables dans le secteur forestier et au-delà, ouvrant la voie à une économie mondiale plus durable et respectueuse de l’environnement. 2.6.2 Un système de bonus-malus en foresterie : financer les bonus aux activités forestières durables avec les taxes aux activités forestières non soutenables Un système de « bonus-malus » dans le secteur forestier consiste à appliquer des taxes plus élevées sur la production non durable afin de financer des réductions d’impôts pour les pratiques durables. Ce système se veut neutre sur le plan budgétaire, les recettes provenant de la hausse des impôts (malus) finançant directement les réductions (bonus). Ce modèle est particulièrement pertinent dans les pays faisant face à des contraintes 85 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable budgétaires comme c’est le cas dans les pays du bassin du Congo. Ce mécanisme nécessite un calibrage minutieux pour garantir qu’il n’entraîne pas de pertes de revenus pour l’État. Par exemple, lorsqu’il est appliqué à la fiscalité basée sur les niveaux de certification des concessions, le succès du mécanisme dépend de la prévision précise de la transition des unités non certifiées vers les unités certifiées, ce qui affecte à son tour la viabilité financière du système fiscal28. Au Gabon, un système de fiscalité forestière différenciée s’apparentant à un mécanisme de bonus-malus a été introduit : une réduction fiscale a été accordée aux concessions forestières certifiées (FSC ou PAFC), une hausse modérée a été appliquée à celles ayant une certification de légalité et des taxes plus élevées ont été appliquées aux entreprises opérant dans des concessions non certifiées. Ce système visait non seulement la neutralité budgétaire, mais également à augmenter les recettes fiscales globales en encourageant les pratiques durables par le biais de mesures fiscales. Les défis potentiels du mécanisme Bonus-Malus concernent l’accessibilité des systèmes de certification pour les opérateurs nationaux et les petits producteurs, souvent en raison des coûts d’audit élevés. Une solution potentielle à ce problème consisterait à allouer une partie de la fiscalité sectorielle à un fonds spécial dédié à subventionner ces coûts, réduisant ainsi les barrières financières et atténuant les conflits d’intérêts potentiels entre les auditeurs et leurs clients. La mise en œuvre d’un système de bonus-malus dans la fiscalité forestière peut encourager les pratiques forestières durables. Cependant, elle exige de solides capacités de gestion et de prévision permettant de garantir que les changements dans les modèles de production n’entraînent pas de déséquilibres budgétaires. En outre, les appuis apportés aux petits producteurs à travers des subventions financières pour leur permettre d’accéder à la certification peut améliorer l’inclusivité et l’efficacité de ces politiques. En mettant les incitations fiscales directement en relation avec les pratiques durables, les gouvernements peuvent promouvoir d’importants avantages environnementaux, mettant les activités économiques en cohérence avec des objectifs écologiques plus larges. 28 Karsenty, 2024 86 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 2.7 Envisager l’avenir sur la base de l’expérience récente 2.7.1 La combinaison d’instruments fiscaux avec une meilleure gouvernance forestière grâce à une application, un contrôle et une transparence améliorés aideront le Cameroun à sauvegarder ses forêts tout en renforçant le rôle du secteur forestier dans l’économie L’efficacité de la réforme de la fiscalité écologique dans le secteur forestier peut être renforcée par une conception de politique fiscale innovante, mais dépend de l’alignement sur la capacité de gouvernance d’un pays et de l’inclusion des parties prenantes. L’intégration des taxes avec les garanties de bonne exécution et les systèmes de certification présente une approche innovante pour tirer parti des outils fiscaux pour la gestion de l’environnement. Subventions aux pratiques durables, ajustant les taxes forestières à l’empreinte écologique de la région. La méthode de production du bois, les réductions d’impôts pour la certification forestière et l’agroforesterie, le réinvestissement des revenus des ressources naturelles, les transferts fiscaux et les subventions pour les pratiques forestières durables peuvent jouer un rôle crucial dans la protection des terres forestières du Cameroun. Cependant, l’expérience passée en Afrique centrale souligne la nécessité de processus d’élaboration de politiques inclusifs impliquant toutes les parties prenantes, y compris les communautés locales et les populations dépendantes de la forêt, pour garantir que les réformes forestières soutiennent à la fois la durabilité environnementale et le développement économique. Cependant, ces stratégies fiscales ne peuvent pas être mises en œuvre de façon isolée mais dans le cadre d’un ensemble de politiques globales qui répondent aux défis à facettes multiples de la conservation des forêts. La réussite des stratégies et des efforts de conservation des forêts et de développement durable, allant des mesures réglementaires aux instruments économiques en passant par les campagnes d’information, dépend de la 87 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable capacité à mettre en œuvre une stratégie cohérente et intégrée qui met à profit les atouts de chaque approche. On ne saurait trop insister sur le rôle de la gouvernance dans ce contexte. Un cadre de gouvernance solide est essentiel non seulement pour assurer une mise en œuvre efficace des politiques fiscales, mais aussi pour favoriser la collaboration et la transparence nécessaires à la gestion durable des forêts. Le Cameroun déploie des efforts pour soutenir une foresterie durable, une meilleure gouvernance et une meilleure utilisation des instruments de recettes fiscales, combinés aux efforts visant à accroître la valeur ajoutée dans l’industrie du bois, peuvent contribuer à atteindre à la fois la préservation des forêts et les objectifs économiques. Les règles internationales, plus récemment la loi européenne sur les produits sans déforestation, ont poussé le Cameroun vers une foresterie plus durable. Dans les années à venir, l’interdiction d’exportation de grumes de la CEMAC encouragera la combinaison de la gestion environnementale et du développement industriel dans le secteur forestier. La foresterie et les produits ligneux peuvent contribuer au plan de développement national du Cameroun à l’horizon 2035, mais le pays doit bâtir une solide industrie de transformation du bois. Enfin, si la communauté internationale commence à fournir les niveaux de financement carbone justifiés par l’importance du Cameroun et du puits de carbone vital du bassin du Congo, alors les forêts et les tourbières du Cameroun auront toutes les chances d’être préservées à l’avenir. Encadré 6 : Aperçus des réformes fiscales : transformer la foresterie en Afrique centrale Depuis le début des années 1990, la Banque mondiale a soutenu les réformes des régimes de concessions forestières en Afrique centrale avec deux objectifs principaux  : accroître la valeur économique des ressources forestières et démanteler le système de favoritisme dans l’attribution des permis forestiers29. Ces réformes visaient à améliorer la gouvernance et la transparence, mais se sont heurtées à la résistance des intérêts particuliers, ce qui n’a abouti qu’à une mise en œuvre partielle. Les principaux aspects comprenaient l’ajustement du cadre budgétaire pour augmenter les recettes publiques et réduire le gaspillage des ressources. Au fil du temps, les réformes forestières se sont concentrées sur les initiatives REDD+, qui mettent l’accent sur la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts. Ce changement reflète un changement plus large dans les priorités de la politique environnementale internationale. Cependant, l’impact réel de ces initiatives sur les pratiques de gestion forestière et les taux de déforestation a été mitigé. Afin de tirer les leçons du passé, il convient de reconnaître les difficultés pratiques liées à la mise en œuvre de ces réformes, notamment la nécessité de systèmes solides et transparents pour gérer et surveiller les activités forestières. Les efforts de réforme antérieurs dans le secteur forestier dans les pays du bassin du Congo ont été critiqués sous l’angle de l’implication insuffisante des communautés locales dans les processus de prise de décision et pour avoir sous-estimé la valorisation des produits non ligneux des forêts, qui sont importants en tant que moyens de 29 Karsenty, 2016 88 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable subsistance des populations qui en dépendent. Les travaux en cours des équipes de la Banque mondiale se concentrent désormais sur le développement d’une comptabilité solide du capital naturel, y compris la valeur des services écosystémiques forestiers et d’autres avantages non ligneux, dans les forêts du bassin du Congo. L’expérience passée souligne l’importance d’aligner les instruments fiscaux sur les objectifs de gestion forestière durable. Elle souligne également la nécessité de processus décisionnels inclusifs impliquant toutes les parties prenantes, y compris les communautés locales et les populations dépendantes des forêts, pour garantir que les réformes forestières soutiennent à la fois la durabilité environnementale et le développement économique. Même si les instruments fiscaux tels que des taux ajustés et les appels d’offres pour l’obtention de concessions ont joué un rôle central dans les efforts de réforme promus par la Banque mondiale, leur efficacité a été tempérée par l’interaction complexe entre la gouvernance locale, les intérêts économiques et les capacités institutionnelles. Le défi permanent consiste à concevoir et à mettre en œuvre des politiques fiscales qui équilibrent efficacement les incitations économiques avec les objectifs de conservation, en garantissant que les pratiques forestières contribuent au développement durable et à la protection de l’environnement. Se tournant vers l’avenir, face aux défis multiformes auxquels est confronté le secteur forestier camerounais, un ensemble cohérent de solutions est proposé, axé à la fois sur les réformes fiscales et sur les mesures visant à assurer la durabilité à long terme de la gestion et de la conservation des forêts. Ceux-ci inclus : • Ajuster les taux de taxation forestière pour refléter l’empreinte écologique des méthodes de production de bois. En tirant parti des évaluations détaillées menées par les agences de certification forestière, les autorités fiscales peuvent aligner plus étroitement les taux d’imposition sur l’impact environnemental des méthodes de production. • Encourager la certification forestière et, comme le Gabon, expérimenter la mise en place d’un système de « bonus-malus » où les concessions non certifiées sont plus taxées que les concessions certifiées. • Rationaliser les dépenses fiscales pour l’agriculture afin d’améliorer leur ciblage et de les aligner sur les objectifs environnementaux. Les autorités publiques pourraient envisager de mettre en place un système de suivi pour garantir que les fonds sont utilisés efficacement et alignés sur les objectifs environnementaux. • Promouvoir des services numériques conviviaux pour le secteur forestier, y compris les processus de demande de permis, de paiement des taxes et des frais, ainsi que le suivi en temps réel des activités forestières, en garantissant que ces plateformes sont disponibles dans les zones reculées pour accroître l’efficacité et la transparence. Dans le cadre du renforcement des capacités, le gouvernement pourrait proposer une formation aux responsables forestiers et aux concessionnaires sur l’utilisation des outils numériques afin d’améliorer l’efficacité et la transparence. 89 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable • Engager les communautés locales dans l’expansion et le renforcement de la mise en œuvre des projets REDD+ dans les forêts du Cameroun afin de garantir qu’elles bénéficient directement des efforts de séquestration du carbone. Cela pourrait inclure des incitations financières ou des programmes de moyens de subsistance alternatifs. Obtenir un financement basé sur la performance auprès des donateurs internationaux en démontrant des progrès mesurables en matière de séquestration du carbone et d’avantages pour la communauté. • Mettre en œuvre des réformes juridiques globales pour renforcer la gouvernance forestière et l’application des lois. La nouvelle loi forestière, en cours de révision, devrait inclure des définitions et des réglementations claires pour garantir une gestion durable des forêts, des mécanismes d’application solides pour se protéger contre les activités illégales et des dispositions pour l’implication des communautés locales dans les processus de prise de décision. • Favoriser les partenariats internationaux et obtenir un financement accru pour les projets de conservation des forêts et de résilience climatique. Le Cameroun devrait rechercher activement la coopération internationale pour attirer des financements climatiques, une assistance technique et un soutien au renforcement des capacités. En s’engageant dans des initiatives environnementales mondiales, des donateurs internationaux et des fonds climatiques, le pays peut obtenir les ressources nécessaires à la conservation des forêts, aux stratégies d’adaptation communautaires et aux programmes de moyens de subsistance durables. • Promouvoir l’agroforesterie et les pratiques de gestion durable des terres comme stratégies clés pour réduire la pression sur les forêts. Les investissements dans des projets agroforestiers intégrant la culture des arbres aux cultures agricoles, associés à la formation et au soutien technique des agriculteurs, peuvent faciliter la transition vers des pratiques agricoles plus durables, telles que la rotation des cultures, l’agriculture biologique et les techniques de conservation des sols, réduisant ainsi la déforestation et la dégradation des forêts. • Améliorer l’engagement communautaire et la gestion participative des forêts pour assurer la durabilité des efforts de conservation. L’autonomisation des communautés locales et des peuples autochtones grâce à des modèles de gestion forestière participative est cruciale pour l’utilisation durable des ressources forestières. La mise en œuvre de programmes communautaires de gestion forestière comprenant des mécanismes clairs de partage des bénéfices peut encourager la conservation et des moyens de subsistance durables. • Accroître les efforts pour développer une industrie locale de transformation du bois robuste, capable d’ajouter de la valeur aux produits forestiers, de créer plus d’emplois et de générer plus de revenus par rapport à l’exportation de bois brut. Cela pourrait être facilité en offrant des incitations telles que des allègements fiscaux, des subventions et un soutien technique. Se concentrer sur la production de produits de grande valeur pour les marchés nationaux et internationaux. Investir dans des programmes de formation professionnelle pour constituer une main-d’œuvre qualifiée capable de soutenir un secteur de transformation du bois florissant. 90 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable 2.7.2 Le renforcement de la coopération régionale grâce à des réglementations harmonisées, une meilleure application de la loi et un meilleur alignement des politiques fiscales forestières permettra de mieux équiper les pays du bassin du Congo pour faire face aux défis transfrontaliers, renforcer les capacités institutionnelles et attirer davantage de financements internationaux Une meilleure coordination des politiques de préservation des forêts dans les pays du bassin du Congo contribuera à garantir une application cohérente au-delà des frontières, à réduire les activités illégales et à améliorer les pratiques de gestion durable. Bien que les pays du bassin du Congo disposent de cadres juridiques visant à réglementer la gestion et la protection des forêts, le manque de directives régionales et leur application entravent souvent la mise en œuvre de ces lois. Le renforcement de la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC), notamment à travers son Observatoire des forêts d’Afrique centrale (OFAC), est essentiel pour harmoniser les cadres institutionnels nationaux et la collecte de données. L’harmonisation des politiques fiscales, notamment pour encourager les plans de gestion forestière et les certifications, et l’alignement des politiques agricoles et minières sur les efforts de protection des forêts peuvent contribuer de manière significative à la préservation des forêts. Les efforts politiques régionaux au sein de la CEMAC pour harmoniser les politiques fiscales liées aux forêts sont indispensables pour favoriser la conservation de l’environnement, l’environnement des affaires et l’intégration régionale. Même si l’alignement des pays sur l’interdiction de l’exportation de grumes pour promouvoir le secteur national du bois constitue une étape importante, cela n’est pas suffisant. Les politiques plus efficaces incluent l’amélioration de la couverture, de la qualité et du suivi, de la vérification et de l’application (MRV) des certifications de durabilité pour les produits liés à la forêt. Ces certifications garantissent que les produits répondent aux normes environnementales et sociales, améliorant ainsi l’accès au marché et les prix. L’adoption de taxes annuelles sur l’utilisation commerciale des terres, telles que les taxes foncières, peut décourager la déforestation et promouvoir une gestion durable des terres. La mise en œuvre de taxes avec remise, avec des taxes variant en fonction de la durabilité des méthodes de production, encourage les pratiques respectueuses de l’environnement, tout en éliminant les dépenses fiscales non rentables et préjudiciables à l’environnement, comme les subventions aux intrants agricoles, et soutient davantage la gestion durable des forêts. L’adoption par les pays de la CEMAC de ces bonnes pratiques en matière de politiques fiscales forestières peut atténuer les disparités de concurrence entre les pays membres, créant ainsi un environnement d’investissement stable et prévisible qui attire les investissements durables. Les initiatives régionales sont essentielles pour éviter le « chacun pour soi » préjudiciables au progrès collectif en déplaçant les 91 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable pratiques d’exploitation forestière non durables vers des pays moins réglementés. Grâce à une normalisation (pigouvienne) respectueuse de l’environnement de la fiscalité et des réglementations forestières, les gouvernements peuvent réduire l’évasion fiscale, capter de plus grandes rentes dans le secteur, promouvoir une répartition plus équitable des revenus et alléger les charges administratives pour les entreprises engagées dans des opérations transfrontalières. Les politiques régionales communes encouragent un plus grand investissement des entreprises étrangères dans des secteurs tels que le bois, l’agriculture et l’écotourisme, bénéficiant aux populations locales à travers la création d’emplois, le transfert de technologie et le développement des infrastructures. Des politiques cohérentes renforcent également l’intégration régionale en facilitant le commerce et la coopération, en renforçant la cohésion globale et en rendant la région plus attrayante pour les donateurs et les organisations internationales axées sur le changement climatique et le développement durable (OCDE 2019). Les initiatives forestières intégrées au niveau régional sont essentielles pour éviter les politiques de voisinage indigent, qui peuvent nuire au progrès collectif en déplaçant les pratiques d’exploitation forestière non durables vers des pays moins réglementés. Les réglementations harmonisées favorisent la gestion durable des forêts en garantissant l’application uniforme des normes environnementales, protégeant ainsi les forêts et la biodiversité au-delà des frontières. Les données probantes provenant de régions telles que l’Union européenne, l’Organisation du Traité de coopération amazonienne et la Communauté d’Afrique de l’Est démontrent que l’alignement régional des politiques permet de lutter efficacement contre la dégradation de l’environnement et favorise les pratiques durables (Commission européenne 2020 ; ACTO 2021). En adoptant des politiques fiscales coordonnées, les pays de la CEMAC peuvent sauvegarder leurs forêts, soutenir la croissance économique et renforcer la résilience régionale face à l’aggravation des effets du changement climatique. Une politique régionale commune en matière de fiscalité forestière peut également améliorer considérablement l’attractivité des pays de la CEMAC auprès des donateurs, des organisations internationales et des fonds de conservation de la nature. Les bailleurs de fonds tels que la Banque mondiale, le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et le Fonds vert pour le climat (FVC) sont plus susceptibles de soutenir les investissements dans les régions où les politiques sont harmonisées, car cela réduit le risque et la complexité dans la mise en œuvre des projets. Un financement potentiel et une assistance technique peuvent être débloqués pour des projets de développement tels que le reboisement, la conservation de la biodiversité et la gestion durable des terres (Banque mondiale 2021 ; FEM 2022), en renforçant les activités, notamment celles de l’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale (CAFI). La Banque mondiale, sous l’égide de son Global Challenge Program pour le développement forestier, le climat et la biodiversité, a initié un programme régional d’économies forestières durables dans le bassin du Congo pour accroître la cohérence régionale en matière de gouvernance et de politiques fiscales, renforcer les institutions régionales telles que la CEMAC, la COMIFAC, et l’OFAC, pour accéder aux avantages des avancées récentes des technologies numériques, en particulier l’observation de la Terre (OT) et l’intelligence artificielle (IA) pour la surveillance des forêts et de la biodiversité et les systèmes MRV (mesure, reporting et vérification) et investir dans la gestion durable des forêts et des aires protégées. Des instruments et mécanismes financiers tels que le Fonds de partenariat pour le carbone forestier (FCPF) et l’initiative REDD+ (Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation 92 Situation économique du Cameroun en 2024 – Des instruments fiscaux pour une foresterie durable des forêts) peuvent apporter un soutien vital supplémentaire. Il est possible de s’engager davantage auprès de ces investisseurs directs étrangers et des organisations d’aide liées au climat grâce à des plates-formes de coopération régionale, des propositions de projets conjoints et en démontrant un engagement fort en faveur de la cohérence des politiques et du développement durable. Cette approche collaborative garantit non seulement des ressources financières, mais apporte également une expertise et une technologie essentielles à la durabilité environnementale et économique à long terme (CCNUCC 2018). 2.7.3 Les efforts des pays du bassin du Congo pour préserver leurs forêts participent d’un bien public mondial essentiel sous la forme de services de régulation climatique et de biodiversité et nécessitent un soutien et une compensation internationale considérablement accrus La communauté internationale doit de toute urgence fournir un soutien financier substantiel et une compensation équitable pour la séquestration du carbone et les services écosystémiques des forêts du bassin du Congo. Malgré leur rôle central dans la régulation du climat mondial et la préservation de la biodiversité, ces forêts ne reçoivent pas une reconnaissance financière suffisante pour leurs contributions environnementales importantes. Agissant comme un puits de carbone important et fournissant des services écosystémiques vitaux qui profitent au monde entier, les forêts du bassin du Congo sont sous-financées. Les pays du bassin du Congo sont confrontés à un déficit de financement important pour leurs engagements climatiques, ne recevant qu’une petite fraction des fonds requis. Cette forte disparité met en évidence le besoin urgent d’investissements importants et équitables dans la conservation et la gestion durable de ces forêts. Un soutien financier adéquat est indispensable pour soutenir les efforts de conservation, lutter contre la déforestation et promouvoir le développement durable dans la région. Une compensation équitable pour ces services écosystémiques contribuerait non seulement à préserver ces forêts vitales, mais renforcerait également la stabilité économique et la croissance des pays du bassin du Congo, ouvrant ainsi la voie à un avenir plus équitable et durable pour tous. À cette fin, les pays doivent également être davantage prêts à mobiliser efficacement les options de financement climatique disponibles. La Banque mondiale, par le biais de son initiative régionale de services de conseil et d’analyse (ASA)30, aide ces pays à renforcer les capacités nécessaires pour attirer et gérer les financements climat basés sur les résultats. Cette approche prend en compte la valeur globale des écosystèmes forestiers et des services environnementaux, y compris la séquestration du carbone, la conservation de la biodiversité, la conservation des sols et la rétention d’eau. 30 La Banque mondiale, à travers ses services de conseil et d’analyse (ASA) sur les forêts du bassin du Congo, aide les pays de la CEMAC et la RDC à développer la comptabilité du capital naturel pour mesurer et tenir compte de la valeur globale des actifs forestiers et des services écosystémiques, améliorant ainsi la planification et la prise de décision nationales en faveur de la gestion durable des forêts. En outre, l’initiative aide ces pays à renforcer les capacités et la préparation nécessaires pour tirer parti des options existantes et innovantes en matière de financement climatique basé sur les résultats. 93 Bibliographie ACTO. (2021). Annual Report Amazon Regional Observatory (ARO). Brazilia: ACTO/ARO. 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