6. Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous La transformation économique de l’AOC dépend des juridiques et de personnes de loi ; de comptables ; compétences de sa main-d’œuvre et de sa capacité et d’entrepreneurs, de chefs d’entreprise et de ges- à accélérer le développement d’un système d’inno- tionnaires. Le défi consiste à produire ces travailleurs vation national efficace. L’AOC a besoin d’une main- en réponse à la demande du marché du travail (tant d’œuvre capable de faire croître et de transformer ses actuelle qu’émergente), à mettre les diplômés des économies, tout en aidant les pays à se remettre de la programmes de formation en relation avec les em- pandémie de COVID-19, à faire face au changement ployeurs, et à appuyer le recyclage et le perfection- climatique et à tirer pleinement parti des technolo- nement continus des travailleurs (à travers l’appren- gies numériques. Le développement de cette main- tissage tout au long de la vie) pour leur permettre de d’œuvre nécessite des réformes stratégiques et des faire la transition de leurs anciens emplois à de nou- investissements dans l’éducation post-basique, en veaux ou d’avancer dans leur carrière professionnelle complément des efforts déployés dans l’éducation à mesure que l’économie évolue et se développe. de base pour réduire la pauvreté des apprentissages Des systèmes de développement des compétences et élargir l’accès. Le renforcement de la pertinence et d’enseignement supérieur performants pourraient et de la qualité du système de développement des non seulement sortir des personnes de la pauvreté, compétences de la région à travers des canaux mul- mais aussi induire le développement économique de tiples, y compris l’EFTP formel et l’enseignement su- nations et de régions entières. Dépassant le cadre du périeur ainsi que les options de formation informelles développement d’une main-d’œuvre qualifiée, les et non formelles, profiterait non seulement aux per- pays peuvent également repenser les écosystèmes sonnes, mais doterait également les pays d’AOC nationaux qui favorisent et stimulent l’innovation sur d’un large éventail de travailleurs compétents pour le moyen et le long termes. pourvoir aux emplois à tous les niveaux de l’écono- mie. Ces emplois comprennent, par exemple, ceux Ce chapitre présente une analyse du défi du dévelop- d’artisans, de techniciens et d’ingénieurs ; de scien- pement de compétences adaptées au marché de l’em- tifiques, de chercheurs et d’inventeurs  ; d’agents ploi et de la recherche en AOC et les interventions à de santé, d’infirmiers et de médecins  ; d’instruc- haut niveau d’impact pour améliorer la performance teurs, d’enseignants et de professeurs ; d’assistants des systèmes actuels d’acquisition de compétences. Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 133 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Il place la discussion dans son contexte en présen- l’agriculture intelligente, la finance numérique, tant le paysage économique émergent de la région, l’e-santé et l’éducation numérique. Il est essentiel fait d’une économie numérique croissante et de de faire des investissements dans l’enseignement l’agenda vert, et en faisant ressortir la pertinence et post-basique pour doter la main-d’œuvre de la région l’urgence croissantes. Ce chapitre documente la si- des compétences requises pour utiliser les nouvelles tuation actuelle de la main-d’œuvre de la région et technologies avec efficacité. Ces compétences per- les options d’acquisition de compétences à la dis- mettront également aux pays d’AOC d’avancer vers position des jeunes et des adultes, y compris ceux la réalisation de plusieurs ODD, notamment la faim qui sont déjà sur le marché du travail. Pour remédier zéro, l’eau potable et l’assainissement, une énergie aux faiblesses communes aux pays d’AOC, la Straté- abordable et propre, et des villes et des communau- gie régionale d’éducation définit des interventions à tés durables. haut niveau d’impact dans quatre domaines clés : la gouvernance, l’accès, la qualité et la pertinence, et Le paysage économique émergent de l’AOC a des im- la durabilité. Pour générer un impact, il est essentiel plications importantes pour son avenir en termes de d’adapter ces interventions au contexte de chaque création d’emplois, de demande et d’acquisition de pays pour. Le développement des compétences doit compétences. L’économie numérique de l’Afrique être en cohérence avec la création d’emplois pour suscite un intérêt mondial grandissant en raison de stimuler la croissance économique, un effort qui dé- son vaste potentiel. La Banque mondiale a engagé 25 passe le cadre du secteur de l’éducation et nécessi- milliards USD dans la transformation numérique de tera la mise en œuvre d’une approche à l’échelle de l’Afrique par le biais de l’initiative Economie numé- l’ensemble du gouvernement en partenariat avec le rique pour l’Afrique. En 2020, Facebook et d’autres secteur privé. partenaires de télécommunications ont annoncé le partenariat 2Africa, qui déploiera le câble sous-marin le plus complet pour l’Afrique et le Moyen-Orient. Ce 6.1. Economie numérique et verte projet, financé dans son intégralité, promet d’assu- émergente de l’AOC rer une connectivité Internet meilleure et plus abor- dable en Afrique. Parallèlement, l’impact négatif du changement climatique est aussi mondialement re- Les sept mégatendances décrites plus tôt (en particu- connu et, surtout, ses effets disproportionnés sur la lier la croissance démographique rapide, le change- région. De nouveaux emplois émergent continueront ment climatique, la (quatrième) révolution industrielle d’émerger à mesure que les pays s’engagent dans numérique et la pandémie de COVID-19) présentent une transition verte, générant de nouveaux besoins à la fois des défis et des opportunités pour le déve- en compétences, de même qu’ils ouvriront de nou- loppement du capital humain, la création d’emplois velles frontières pour la recherche scientifique dans et l’innovation dans la recherche. Les interventions la région. Le paysage économique émergeant a deux selon les modes habituels exacerberaient les chocs implications importantes. Premièrement, la popula- provoqués par ces mégatendances et n’est donc tion en général des pays d’AOC devra avoir un niveau pas envisageable pour les pays d’AOC. A la place, de compétences de base pour participer à l’écono- les pays doivent faire des investissements intelli- mie numérique et verte et en tirer pleinement parti. gents pour lutter contre le changement climatique, Par exemple, pour amplifier au maximum les avan- réduire la fracture numérique, créer des emplois et tages du développement croissant de l’infrastructure se remettre économiquement de la pandémie. Étant des TIC, tous les citoyens d’AOC doivent avoir un donné qu’une grande partie de l’infrastructure de la certain niveau de connaissances numériques. Deu- région reste à construire, elle a la possibilité d’investir xièmement, une masse critique de main-d’œuvre dans des technologies vertes telles que les villes et devra avoir les compétences requises (ingénierie, les transports intelligents, l’énergie propre, et la fabri- spécialistes en TIC et compétences techniques) cation et les services à faible émission de carbone. pour constituer un atout collectif permettant d’at- La région peut également tirer parti d’une gamme de tirer les investissements ; pour pourvoir les emplois domaines technologiques émergents pour accélérer à haute productivité dans les secteurs à forte crois- le développement durable et inclusif, notamment sance de l’économie, y compris la recherche ; et pour 134 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous constituer un vivier d’entrepreneurs capables de promouvant l’inclusion financière et accélérant le créer des entreprises dans les nouveaux domaines de commerce transfrontalier (Ong 2021).43 Le secteur croissance de l’économie numérique et verte. Cette des TIC lui-même au besoin d’une main-d’œuvre do- main-d’œuvre doit être suffisamment qualifiée pour tée d’un éventail de compétences numériques allant non seulement déployer et entretenir l’infrastructure des niveaux intermédiaires, à avancés et hautement et les plateformes numériques, mais aussi pour inno- spécialisés. Par ailleurs, une demande émergera ver et créer des technologies, des outils et des solu- également des secteurs traditionnels, qui adoptent tions permettant de relever les défis du développe- de plus en plus les technologies numériques. Dans ment de manière inclusive et durable (par exemple, l’agriculture, la construction, le transport et la logis- dans le domaine du verdissement par les TIC). tique, la fabrication, la banque et la finance, la santé et les services publics, les différentes catégories de métiers tels que les métiers dans les domaines scien- 6.1.1. Demande de compétences dans tifiques et techniques, ainsi que les postes de cadre l’économie numérique de la région moyen et professionnels nécessiteront de nouvelles compétences numériques. Par exemple, avec la Les compétences numériques sont un catalyseur es- liste croissante de pays mettant en œuvre l’identifi- sentiel de l’utilisation, de l’adoption et de la création cation numérique, les pays d’AOC auront besoin de inclusives et efficaces des technologies numériques. professionnels capables de lutter contre la cybercri- Abordées de manière stratégique, les technolo- minalité, d’élaborer des cadres réglementaires sur gies numériques pourraient transformer la nature la protection des données et d’assurer l’interopéra- du travail, ainsi que la prestation de services so- bilité des systèmes d’information entre les agences ciaux et financiers et l’accès à ces services pour de gouvernementales. nombreuses personnes en AOC, en particulier les pauvres, comme en témoigne la pandémie de CO- De plus en plus d’emplois dans la région passent éga- VID-19 dans le monde. Les entreprises du monde en- lement de l’agriculture aux services, où le taux d’adop- tier ont accéléré la numérisation de leurs interactions tion du numérique est le plus élevé de tous les sec- et de leurs opérations avec les clients et la chaîne teurs économiques. Au Nigeria et en Côte d’Ivoire, par d’approvisionnement de trois à quatre ans, transfor- exemple, selon les estimations de la Société finan- mant les modes conventionnels de faire des affaires cière internationale et la Banque mondiale (2021), le (McKinsey & Company 2020).42 Les technologies taux de prise d’emploi dans le secteur des services numériques peuvent aider à atteindre et à accélérer atteindra 50 à 60 pour cent d’ici 2030, contre 25 à le développement des compétences de tous les tra- 30 pour cent dans l’agriculture. Pour ces deux pays, vailleurs, au-delà de quelques privilégiés ; les béné- la demande se traduira par 67 millions44 opportunités ficiaires comprennent ceux qui ont un faible niveau de formation d’ici 2030. Environ 70 pour cent des be- d’instruction et peu d’opportunités. Les technologies soins de formation concerneront des compétences numériques peuvent également stimuler la produc- numériques de base et le reste, des compétences tivité et créer de meilleurs emplois dans toutes les numériques intermédiaires et avancées ; les besoins entreprises, y compris les entreprises informelles. en compétences seront distribués de façon égale Les plateformes numériques optimisées pour les entre la formation des nouveaux venus sur le marché mobiles commencent à perturber certains aspects du travail et le recyclage des travailleurs existants. de l’économie informelle dans plusieurs pays afri- Les autres facteurs clés d’adoption du numérique cains, augmentant l’accès aux marchés numériques sont un accès abordable et fiable à Internet, ainsi existants et nouveaux (commerce électronique), qu’à l’électricité. Une raison essentielle justifiant 42 Les technologies numériques telles que l’informatique en nuage ont permis le développement de nouveaux modèles et processus commerciaux (McKinsey & Company 2020). 43 Le Global Accelerator Lab Network (réseau mondial de laboratoires d’accélérateurs) du Programme des Nations Unies pour le développement relève des cas notables d’utilisation de plateformes numériques dans diverses entreprises africaines, comprenant Jumia (Ouganda), Tambula (Namibie) et Sanduk (Soudan et Sud-Soudan) (Ong 2021). 44 Pour être plus précis, la projection est de 57 millions opportunités de formation aux compétences numériques pour le Nigeria et de 10 millions pour la Côte d’Ivoire (Société financière internationale et Banque mondiale 2021). Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 135 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous la participation active des pays d’AOC à l’économie main-d’œuvre suffisamment qualifiée peuvent aug- numérique (et non un rôle passif de consommateur) menter progressivement le nombre de produits et de est que certains outils numériques fortement dépen- solutions locaux respectueux du climat et rentables, dants des données et de plus en plus utilisés dans qui contribueront à rendre la région plus verte et plus divers secteurs à l’échelle mondiale tels que l’intel- intelligente, mais aussi à créer des emplois verts. ligence artificielle et l’apprentissage automatique, L’innovation et la recherche intégrant les technolo- peuvent comporter des biais inhérents, susceptibles gies numériques (par exemple, l’écologisation par d’affecter profondément les citoyens de la région. Par les TIC) dans des domaines tels que l’agriculture de conséquent, il est très important d’avoir des profes- précision, l’énergie propre et intelligente, la science sionnels qui sont non seulement des experts dans du climat, l’utilisation durable de l’eau, la valorisation ces domaines, mais sont également prêts à agir au des déchets et les transports intelligents joueront niveau mondial et à diriger les efforts de collecte et un rôle clé dans la manière dont la région accélé- d’utilisation des données au niveau national. rera l’action climatique. En Afrique subsaharienne, l’énergie, la construction et l’agriculture créeront le plus grand nombre d’emplois verts dans les années à 6.1.2. Demande de compétences dans venir (ONU Femmes et Banque africaine de dévelop- une économie verte pement, 2021). Par rapport aux emplois non verts, les emplois dans l’économie verte exigent généralement L’Afrique subsaharienne, le plus faible contributeur des niveaux plus élevés de compétences cognitives aux émissions mondiales de carbone, est affectée et interpersonnelles ainsi qu’une préparation pré- de manière disproportionnée par le changement cli- alable grâce à une éducation formelle, l’expérience matique. Tous les pays d’AOC subissent les effets de professionnelle et les formations sur le tas. schémas météorologiques de plus en plus extrêmes. Les chocs météorologiques défavorables ont conduit à une baisse des revenus et de la productivité agri- 6.2. Main-d’œuvre dans la région de coles, affectant les ménages et les individus parti- l’AOC et canaux actuels d’acquisition culièrement vulnérables, notamment les femmes. de compétences Il est vrai que la lutte contre le changement clima- tique est coûteuse, cependant le coût de l’inaction dans la région sera nettement plus élevé (Fonds Le secteur informel, y compris l’agriculture de subsis- monétaire international 2021). Les pays ont besoin tance, emploie la majeure partie de la main-d’œuvre à la fois de stratégies d’atténuation et d’adaptation, des pays d’AOC, généralement dans des emplois non ainsi que des capacités nécessaires pour mettre en rémunérés ou faiblement rémunérés, à faible pro- œuvre ces stratégies, tout en veillant à l’équilibre ductivité et offrant peu d’opportunités. La transition entre le développement économique et la durabi- à partir de la réalité actuelle sera difficile quoique lité environnementale. Les pays d’AOC ont besoin possible, comme le montrent les exemples de l’Asie de professionnels capables de cerner, d’analyser et (les économies des Tigres asiatiques). La proportion d’expliquer les risques climatiques et de concevoir moyenne des travailleurs du secteur informel pour le des solutions rentables en matière de préparation, groupe d’âge des 25 à 64 ans est de 85 pour cent, de réponse et de relèvement en cas de catastrophe. variant entre 60 pour cent au Cap-Vert à 97 pour cent Par exemple, la main-d’œuvre doit être en mesure de au Bénin. Ce chiffre est plus élevé chez les jeunes développer des infrastructures résilientes au climat (15-24 ans), où la moyenne est de 94 pour cent.45 et de tirer parti des technologies numériques afin de Le Centre africain pour la transformation écono- mettre en place des systèmes d’alerte précoce en mique (ACET) (2018) affirme que «  [pour] de nom- temps réel permettant le suivi et la modélisation des breux pays africains, l’agriculture présente la voie la risques climatiques. Les pays d’AOC disposant d’une plus facile vers l’industrialisation et la transformation 45 Selon les dernières données disponibles de l’Organisation internationale du travail (https://ilostat.ilo.org/). 136 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous économique » 46 ; et l’Organisation pour l’alimentation au niveau des exploitations (y compris l’adoption de et l’agriculture (2018) note que la modernisation de technologies), et renforcer la recherche agricole ap- l’agriculture, un défi longtemps négligé en Afrique, pliquée dans les universités ainsi que sa diffusion par peut s’appuyer sur la chaîne agroalimentaire pour les services de vulgarisation.49 développer des opportunités d’emploi attractives pour la population jeune en plein essor de la région. Bien que les emplois du secteur formel offrent de bien meilleurs salaires et de bien meilleures perspectives, Dans les économies à faible revenu, la croissance ils ne s’en créent pas assez rapidement. Peu d’entre- issue de l’agriculture a un fort potentiel pour déve- prises étrangères de la région créent des emplois lopper les emplois des secteurs formel et informel, dans le secteur formel. Parmi les rares qui le font, la relever les revenus et réduire la pauvreté. Une étude plupart préfèrent confier ces emplois à des talents portant sur 55 pays, dont des pays africains, sur venus d’ailleurs, généralement de l’extérieur de la des périodes variables entre 1980 et 2000, montre région. Au Ghana, sur les quelque 200 000 per- que la croissance du PIB provenant de l’agriculture sonnes qui entrent sur le marché du travail chaque a permis de réduire la pauvreté de 2,9 fois plus par année, seuls 10 pour cent accèdent à de tels emplois rapport à celle provenant du secteur manufacturier (Centre africain pour la transformation économique et de 1,8 fois plus par rapport à celle provenant du 2018). Le taux de réussite est encore plus faible dans secteur de la construction (Loayza et Raddatz 2010). d’autres pays d’AOC. Pour les jeunes qui entrent sur Le succès spectaculaire de la Chine en matière de le marché du travail, devenir un entrepreneur pro- réduction de la pauvreté est particulièrement remar- ductif est une autre option, mais il s’agit d’une voie quable, certaines estimations situant la contribution à haut risque, en particulier pour ceux dépourvus de de l’agriculture à la réduction de la pauvreté à quatre capital et de compétences. Dans 11 pays d’AOC50, fois celle de l’industrie ou des services entre 1978 les données montrent que les salaires les plus élevés et 2001 (Ravallion 2009).47 En Chine, l’importante reviennent généralement aux personnes les plus ins- contribution de l’agriculture s’explique par la hausse truites, chaque année de scolarité supplémentaire de la productivité agricole, qui a stimulé les revenus, produisant un rendement privé estimé à 11 pour et par la libération de la main-d’œuvre excédentaire cent en moyenne, soit un peu plus que la moyenne vers d’autres secteurs et vers les zones urbaines. mondiale de 9 pour cent (Psacharapoulos et Patrinos De nombreux facteurs ont favorisé la première ten- 2018). dance, notamment « des efforts considérables pour stimuler le développement de la recherche et de la L’éducation influe également sur l’accès aux emplois vulgarisation agricoles et mieux les relier aux pra- salariés. Pour l’ensemble des travailleurs, la probabi- tiques agricoles » (Banque mondiale 2022) 48. Pour lité d’obtenir un emploi salarié est d’environ 15 pour libérer le potentiel de l’agriculture en vue d’améliorer cent en moyenne ; elle atteint 50 pour cent pour les les conditions de vie, les pays d’AOC doivent égale- personnes ayant suivi un enseignement supérieur ou ment envisager de renforcer, entre autres facteurs, un EFTP, contre seulement 2 pour cent pour celles l’offre de formations appropriées par le biais de ca- sans instruction. Des salaires plus élevés dans un naux formels et informels. Ces formations devraient contexte de rareté d’emplois dans le secteur for- viser à améliorer les connaissances et les pratiques mel constituent un problème omniprésent dans la 46 ACET (2018) évoque les deux principaux processus concernés : « la modernisation de l’agriculture en tant qu’entreprise, et le renforcement des liens entre les exploitations agricoles et les autres secteurs économiques de manière mutuellement bénéfique. » 47 En 1978, début des réformes de modernisation économique de la Chine sous la direction de Deng Xiaoping, 69 pour cent de sa population travaillait dans l’agricul- ture, contre une moyenne régionale de 44 pour cent pour la région de l’AOC en 2019 (indicateurs de développement dans le monde (WDI) consultés le 16 avril 2022, sur https://data.worldbank.org/indicator/SL.AGR.EMPL.ZS ). 48 Outre la recherche, la vulgarisation et les pratiques agricoles, la Banque mondiale (2022) identifie les facteurs clés suivants de l’augmentation de la productivité agricole durant de la modernisation économique de la Chine : « l’approfondissement de la réforme foncière rurale, la libéralisation du marché des produits et des systèmes de prix, la réduction progressive de la pression fiscale et le passage à des subventions agricoles nettes, l’investissement massif dans la mécanisation, l’irrigation et l’utilisation d’intrants modernes, ainsi que la commercialisation et l’intégration de la production agricole dans les chaînes de valeur. » 49 La Banque mondiale (1996) a documenté l’expérience dans ce domaine dans les opérations de la Banque mondiale pendant cette période de réforme de la Chine. 50 Bénin, Burkina Faso, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Tchad et Togo. Les données portent sur 2018 pour tous les pays, à l’exception du Ghana, dont les données portent sur 2016. Les détails analytiques figurent dans le rapport complet de cette Stratégie régionale d’éducation. Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 137 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous région, et implique un gaspillage de bénéfices pour de compétences disponibles pour trois groupes : le l’économie au sens large. Pour réduire ce gaspillage, «  stock  »  » de jeunes et de jeunes adultes qui ont certains pays d’AOC, tels que le Ghana, le Sénégal et quitté l’école et qui sont déjà sur le marché du travail le Nigeria (État d’Edo) sont en train de repenser le ; le «  flux » de jeunes et de jeunes adultes qui sont rôle des nouvelles technologies, en particulier celles encore dans le système d’éducation formelle et qui y numériques, dans leur stratégie économique. Ces transitent (y compris l’EFTP, l’enseignement général pays entendent créer un grand nombre d’emplois et ceux qui font de la recherche) ; et les adultes qui modérément qualifiés, complétés par un nombre travaillent dans le secteur informel et formel). plus restreint mais essentiel d’emplois hautement qualifiés, tout en formant les jeunes pour les intégrer dans ces emplois. Pour les membres de la popula- 6.2.1. Acquisition de compétences par les tion active qui sont fonctionnellement analphabètes, jeunes par le biais de canaux informels une approche par étapes peut favoriser l’acquisition de compétences de base et le placement dans un Pour le «  stock » de jeunes et de jeunes adultes qui emploi, suivie de l’acquisition progressive de com- ont quitté l’école et sont déjà sur le marché du travail, pétences supplémentaires grâce aux opportunités l’EFTP informel et non formel est le principal moyen de formation à court et à long terme. Mieux encore, d’acquérir des compétences. Les principales voies au-delà des avantages privés, l’enseignement supé- sont l’apprentissage traditionnel, les formations en rieur peut amener les nations vers le développement entreprises, les formations intensives, l’éducation de économique. Aucun pays développé n’a transformé la seconde chance et les programmes de rattrapage. son économie sans avoir amélioré son système d’en- L’apprentissage traditionnel, qui dure généralement seignement supérieur et ses secteurs de développe- de trois à cinq ans, est la voie la plus courante pour ment de compétences en général. acquérir des compétences professionnelles en vue d’un emploi dans le secteur informel. Ce système Des mesures stratégiques pour remédier aux fai- peut être important, représentant jusqu’à 80 à 90 blesses des systèmes de développement des compé- pour cent du secteur de la formation profession- tences dans les pays d’AOC peuvent contribuer à amé- nelle dans certains pays, et implique de nombreux liorer la faible qualité de la main-d’œuvre de la région. prestataires privés individuels (maîtres artisans) qui Ces mesures doivent viser à atteindre deux objectifs offrent une formation de qualité variable (utilisant de façon parallèle. Le premier consiste à s’assurer souvent des techniques dépassées) dans un marché que les nouveaux arrivants sur le marché du travail très peu réglementé, avec peu de dispositions pour sont mieux préparés et disposent de compétences la certification des compétences. Bien que les moda- adéquates pour l’emploi. Le second consiste à com- lités de l’apprentissage traditionnel varient selon les bler les lacunes en matière de compétences chez groupes communautaires dans les pays d’AOC, elles les personnes déjà actives, en particulier les jeunes constituent de loin la source la plus importante de adultes. Les données démographiques des Nations formation qualifiante dans la plupart de ces pays. Par Unies indiquent que, sur les 460 millions d’habitants exemple, Darvas et Palmer (2014) ont constaté qu’au que compte la région, quelque 90,5 millions (environ Ghana, moins de 10 pour cent des compétences pro- 20 pour cent) sont des jeunes âgés de 15 à 24 ans. fessionnelles sont acquises dans des établissements Parmi ces jeunes, 30 pour cent sont analphabètes et publics d’EFTP, avec environ 1,5 fois plus d’étudiants au moins 25 pour cent font partie de la catégorie des fréquentant des établissements privés d’EFTP et 10 NEET. Dans une enquête menée en 2020 auprès des fois plus d’étudiants effectuant un apprentissage directeurs généraux de 150 entreprises basées en informel. Les jeunes formés par l’apprentissage tra- Afrique (dont 40 pour cent basées dans la région de ditionnel manquent souvent de compétences nu- l’AOC), 44 pour cent des dirigeants ont souligné que mériques, financières et entrepreneuriales, qui sont le manque et/ou l’inadéquation des compétences importantes pour leur futur auto-emploi. Le suivi de la était leur principal défi en matière de ressources hu- qualité et des résultats de la formation dans ces sys- maines (Deloitte 2020). Dans les sections suivantes, tèmes traditionnels est extrêmement difficile. la Stratégie régionale d’éducation aborde les besoins en compétences et les options de développement 138 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.1. Programmes d’apprentis informel/traditionnel L’objectif central des programmes d’apprentis traditionnels est de développer les compétences néces- saires à l’exercice d’une activité indépendante par le biais d’un apprentissage en milieu professionnel. Les programmes d’apprentis traditionnels initient les apprentis à une culture d’entreprise et aux réseaux, ce qui renforce leur capital social et leur permet de trouver plus facilement un emploi ou de créer une entreprise lorsqu’ils obtiennent leur diplôme (Brewer et Hofmann 2011). Ce type d’apprentissage est rarement associé à une durée de formation fixe ou à un curriculum bien défini. Il n’est donc pas compa- rable à l’offre formelle d’EFTP. La méthode de formation consiste à observer et à aider un maître artisan/ artisan. La plupart des entreprises effectuent des « apprentissages cognitifs » à travers lesquels le maître artisan ou les travailleurs qualifiés démontrent et expliquent une tâche ; l’apprenti observe, imite et s’ex- erce ; et les formateurs fournissent un retour d’information et apportent des corrections. Dans certains cas, en plus d’effectuer un travail non rémunéré tout en apprenant, l’apprenti doit également verser des frais au maître artisan. Dans de rares cas, le maître artisan propose des cours théoriques de base sur le métier en complément de la formation pratique. Les programmes d’apprentis informels sont les plus répandus dans les métiers liés au secteur de la construction (tels que la charpenterie et la menuiserie, la plomberie et la maçonnerie), la couture et la coiffure, la fabrication de métaux, diverses disciplines de la réparation automobile et l’artisanat (par exemple, la sculpture sur bois). Les femmes qui suivent une formation technique informelle ou un apprentissage ont tendance à se retrouver dans des secteurs fortement concentrés où la demande est limitée, notamment la confection ou la coiffure. Malgré les efforts déployés pour adopter le modèle les systèmes formels d’EFTP et d’enseignement allemand d’apprentissage en alternance, sans autre supérieur. changement, l’apprentissage traditionnel restera la principale source d’acquisition de compétences dans Outre les programmes d’apprentis traditionnels, les for- la région de l’AOC, en particulier pour les jeunes issus mations proposées par les entreprises constituent une de milieux défavorisés. Quatre raisons expliquent la autre option (Encadré 6.1). Toutefois, seules quelques persistance de cette situation : entreprises organisent ce type de formation, géné- ralement dans le cadre de la responsabilité sociale ■ Le nombre de moyennes et grandes entreprises de l’entreprise ou pour disposer des compétences capables d’accueillir des étudiants n’est pas suf- nécessaires dans leur secteur d’activité qui ne sont fisant pour rendre le modèle d’apprentissage en pas disponibles au sein de la main-d’œuvre locale. alternance réalisable. Les «  boot camps  » (ou accélérateurs de compé- ■ À quelques exceptions près, le secteur privé n’est tences) constituent une autre option. Il s’agit de pro- pas suffisamment organisé pour jouer le rôle at- grammes intensifs à court terme conçus pour rendre tendu associé au système d’apprentissage en un apprenti immédiatement employable après la for- alternance. mation. Les boot camps sur le codage, par exemple, ■ La plupart des établissements d’EFTP et d’ensei- qui sont généralement organisés par le secteur privé, gnement supérieur n’ont pas la capacité de jouer sont devenus courants ces dernières années en ré- le rôle attendu d’eux dans le modèle d’apprentis- ponse à la demande croissante de compétences nu- sage en alternance. mériques. Les programmes de la seconde chance et ■ Les jeunes issus de milieux défavorisés (qui repré- de rattrapage complètent l’éventail d’options, en pro- sentent une grande partie de la population) rem- posant généralement des cours aux groupes défavo- plissent rarement les conditions d’entrée dans risés et à d’autres groupes vulnérables (tels que les jeunes femmes du secteur informel et les réfugiés). Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 139 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Figure 6.1. Indicateurs soulignant les défis en matière de qualité et d’accès à l’éducation pour les jeunes d’Afrique de l’Ouest et centrale (a) Taux d’analphabétisme des jeunes (b) Taux brut d’inscription dans l’enseignement supérieur Taux d’analphabétisme chez les jeunes (%, 15 - 24 ans) Taux brut de scolarisation à l’enseignement supérieur (%) Tchad Moyen Orient et Afrique du Nord MENA République centrafricaine Asie du Sud SA Niger Cap-Vert Mali Gabon Guinée Ghana Liberia Togo Burkina Faso Cameroun Guinée-Bissau Sénégal Bénin Mauritanie Gambie Sierra Leone Congo Afrique de I’Ouest et centrale AOC Bénin Gambie Afrique de I’Est et australe ESA 12 Sénégal Liberia Nigeria Afrique de I’Ouest et centrale AFW Afrique subsaharienne ASS Nigeria Afrique de I’Est et australe AEA Côte d'Ivoire Congo Afrique subsaharienne SSA Côte d'Ivoire Burkina Faso Cameroun Guinée Togo Gabon Mauritanie Moyen Orient et Afrique du Nord MOAN Mali South Asia AS Niger Ghana Tchad Cap-Vert République centrafricaine 0 20 40 60 80 0 10 20 30 40 50 Source : (a) D’après les données de la base de données de l’Institut de statistique de l’UNESCO utilisant les dernières données disponibles pour chaque pays (2014-2020) ; (b) d’après les données de la base de données de l’Institut de statistique de l’UNESCO et les calculs originaux utilisant les données nationales sur les inscriptions et les données démographiques de l’ONU, Département des affaires économiques et sociales, et Division de la population (2019). Dernières données utilisées (2014-2020). Ces programmes servent de passerelle pour réin- couverture reste inférieure à celle d’autres régions. tégrer le système éducatif formel ou le marché du Les taux de scolarisation restent trop faibles pour travail. avoir un impact significatif. Dans l’enseignement supérieur, l’éventail des prestataires comprend les universités, les écoles polytechniques, les col- 6.2.2. Acquisition de compétences par lèges communautaires et d’autres instituts spécia- les jeunes par le biais d’une éducation lisés. Malheureusement, dans l’ensemble des pays formelle d’AOC, la plupart de ces programmes (à l’exception de quelques établissements privés) sont axés sur Les options d’acquisition de compétences profes- l’offre – avec un faible engagement envers l’indus- sionnelles pour le «  flux » de jeunes qui passent par trie –, sont mal financés et ne sont pas dotés d’un le système d’éducation formelle se sont multipliées personnel adéquat. De plus, ils fonctionnent avec des ces dernières années, mais l’accès reste faible et la infrastructures d’enseignement, d’apprentissage et qualité des programmes reste mauvaise (Figure 6.1). de recherche dérisoires (constituant un frein à l’inno- Les effectifs dans l’EFTP secondaire formel et dans vation) et n’ont pas à une connexion Internet à large l’enseignement supérieur ont augmenté au cours bande abordable et fiable. Dans certains pays, les des dernières décennies, notamment dans l’en- ratios étudiants/corps enseignant sont exceptionnel- seignement supérieur privé (par exemple au Gha- lement élevés. Le taux d’embauche de professeurs na, en Côte d’Ivoire et au Nigeria). Néanmoins, la n’a pas suivi le rythme de l’expansion du secteur de 140 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Figure 6.2. Taux de scolarisation et d’obtention de diplômes dans l’enseignement supérieur par filière au Sénégal (a) Taux d’inscription et d’obtention de diplôme (b) Proportion des inscriptions féminines au di- plômes de master et de doctorat, par filière DIPLÔME DE MASTERS Santé 56% 44% 7,392 Sciences naturelles 59% 41% Agriculture 60% 40% Gestion et 67% 33% administration 2,157 Ingérierie 67% 33% 1,182 848 830 Lettres et sciences 68% 32% 293 190 215 sociales 67 0 Inscriptions Diplômés TIC 74% 26% Lettres et sciences sociales Sciences naturelles 0% 50% 100% Gestion, administration et droit TIC Hommes Femmes Source : Calcul original à partir de données nationales sur l’enseignement supérieur provenant de quatre grandes universités publiques du Sénégal. l’enseignement supérieur, entraînant un problème de le dernier recours pour les jeunes rencontrant des surpopulation. Au Burkina Faso, par exemple, le ratio difficultés dans l’enseignement général. Les taux étudiants/corps enseignant dans les établissements d’inscription dans l’EFTP formel et l’enseignement publics d’enseignement supérieur est de 112 pour 1 supérieur ne sont pas suffisamment orientés vers (Banque mondiale 2018b). Dans les établissements les filières STIM (Figure 6.2), qui sont essentielles publics d’EFTP, la qualité des enseignants est un défi pour les économies numérique et verte. Ce faible encore plus grand, la Côte d’Ivoire51 faisant exception taux d’inscription s’explique par divers facteurs, (ACET 2022). Par exemple, au Niger, seuls 12 pour notamment un faible nombre d’étudiants (faibles cent des enseignants de l’EFTP possèdent les quali- compétences en numératie et littératie) sortant de fications requises. l’enseignement secondaire supérieur, une exposition insuffisante des étudiants aux cours pratiques dans Les institutions formelles d’EFTP et d’enseignement les filières STIM, et le manque de programmes locaux supérieur (en particulier celles qui sont financées par abordables et attrayants.53 Les taux de participation des fonds publics) ne sont pas réactifs à la nature des femmes et des autres groupes défavorisés dans changeante du travail. Les programmes d’études sont les filières STIM (en particulier l’ingénierie et les TIC) dépassés et leur mise à jour implique généralement sont souvent très inférieurs à la moyenne, ce qui de longs processus bureaucratiques. De ce fait, les reflète l’impact de facteurs tels que les normes et diplômés n’acquièrent pas les compétences du 21e les attentes sociétales, l’absence de modèles et de siècle (y compris l’esprit d’entreprise)52 nécessaires mentors, les lacunes en matière d’information et le pour prospérer dans le monde du travail en mutation. manque de financement visant l’égalité des sexes. En raison de leur mauvaise qualité, les programmes En outre, l’adoption des apprentissages en alter- d’EFTP de la plupart des pays offrent très peu de nance/stages, qui sont nécessaires pour offrir une voies d’accès à une éducation plus poussée ou à de expérience pratique aux jeunes et les exposer à des meilleurs emplois et sont souvent considérés comme 51 Selon un récent rapport de l’ACET (ACET 2022), la Côte d’Ivoire a mis en place un cadre institutionnel solide grâce à des investissements stratégiques dans son Ins- titut pédagogique national pour l’enseignement technique et professionnel (IPNETP), qui propose une formation normalisée et réglemente son programme d’études. L’institut assure également le suivi et le perfectionnement continu des formateurs. 52 Les différents cadres de référence des compétences du XXIème siècle englobent des compétences cognitives, socio-émotionnelles et techniques. Parmi les com- pétences du XXIème siècle les plus courantes figurent la communication, la créativité, la pensée critique, la résolution de problèmes et la culture numérique (Shmis et al. 2021). 53 Il convient de noter qu’en 2019, plus de 245 000 étudiants des pays d’AOC étaient inscrits dans des programmes d’enseignement supérieur à l’étranger. Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 141 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Figure 6.3. Production de recherche des pays d’Afrique de l’Ouest et centrale et indice H correspondant (2020) 250 Nigeria 200 Gahana 150 Sénégal Cameroun Côte d’Ivoire Gambie Index H Republique du Congo Mali Burkina Faso Bénin Gabon 100 République Niger centrafricaine Guinée Sierra Leone Liberia Guinée-Bissau 50 Togo Cap-Vert Tchad Mauritanie Guinée équatorial 0 0 20 40 60 80 100 120 140 160 Documents cités par 1 million d’habitants Source : SCImago. SJR – SCImago Journal & Country Rank (2020). https://www.scimagojr.com. L’indice H est meilleur que de nombreuses autres mesures bibliométriques, car il tient compte à la fois de la productivité et de l’impact, il n’est pas biaisé par un faible nombre d’articles très réussis, il ne tient pas compte de la valeur des articles qui ne sont pas influents et il n’utilise que des données accessibles au public (Usher 2012). emplois dans leurs domaines d’intérêt, reste faible (faible accès aux opérations de capital-risque et forte dans le système formel. dépendance vis-à-vis du gouvernement et des bail- leurs), des liens limités entre la science et l’industrie Enfin, bien que résultats de la recherche de la région et une utilisation limitée de la propriété intellectuelle. aient augmenté au cours de la dernière décennie, les L’absence de politiques nationales en matière scien- pays d’AOC doivent favoriser un environnement plus tifique et technologique et de ressources financières propice pour développer davantage les résultats de la durables pour leur mise en œuvre, l’absence d’une recherche et leur impact. Les résultats et l’impact de masse critique d’universitaires, en particulier ceux la recherche restent faibles (Figure 6.3). La région qui peuvent consacrer des efforts et du temps à la re- de l’AOC est confrontée à des maladies infectieuses cherche plutôt qu’à l’enseignement, et l’insuffisance (les plus récentes étant l’Ebola et la COVID-19), aux de l’infrastructure scientifique en termes de labora- impacts du changement climatique (qui nécessitent toires de pointe et de connectivité Internet contribuent des mesures d’atténuation et d’adaptation), et à une également à cette faible performance. économie numérique en pleine expansion. En consé- quence, les investissements dans la recherche et le dé- veloppement au niveau local dans ces domaines sont 6.2.3. Acquisition de compétences par les essentiels. Le Ghana, qui a le plus grand volume de adultes en activité production scientifique de la région de l’AOC, produit trois fois moins que l’Afrique du Sud. L’Indice mondial La mauvaise qualité du capital humain parmi les de l’innovation 2020, qui classe les résultats en matière adultes déjà en activité est mise en évidence par les d’innovation de plus de 130 pays du monde entier, a pyramides de l’instruction des pays d’AOC. Ces pyra- classé les 12 pays d’AOC entre le 100e (Cap-Vert) et le mides se caractérisent généralement par une large 130e rang (Guinée) (Dutta, Lanvin et Wunsch-Vincent base peu éduquée et un faible nombre de travailleurs 2020). Le même rapport souligne que l’écosystème ayant suivi un enseignement supérieur au sommet. de l’innovation en Afrique est globalement caractérisé Dans la région de l’AOC, 42 pour cent de la main par plusieurs facteurs, notamment de faibles niveaux d’œuvre n’ont pas reçu d’éducation et seuls 11 pour d’activités scientifiques et technologiques (utilisation cent ont une formation supérieure. En comparaison, plus faible des TIC), des marchés financiers faibles dans la région de l’Asie de l’Est et du Pacifique, les 142 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Figure 6.4. Indicateurs du niveau d’instruction de la main-d’œuvre (a) Taux d’analphabétisme des adultes (b) Proportion de travailleurs employés ayant une formation supérieure Taux d’ analphabétisme chez les adultes (%-25-64 ans) Pourcentage de travailleurs en emploi ayant fait des étludes supérieures Tchad Mali Cap-Vert Niger Nigeria Burkina Faso Sierra Leone Gambie Guinée Bénin Liberia République centrafricaine Guinée Guinée-Bissau Gambie Ghana Sénégal Afrique de I’Ouest et centrale AOC Liberia Mauritanie Cameroun Afrique de I’Ouest et centrale AOC Nigeria Togo Togo Mauritanie Afrique subsaharlenne ASS Asie du sud AS Sénégal Afrique de I’Est et australe AEA Niger Ghana Cameroun Tchad Congo Moyen Orient et Afrique du Nord MOAN Burkina Faso Gabon Sierra Leone Cap-Vert Côte d'Ivoire Mali 0 20 40 60 80 100 0 5 10 15 20 Source : (a) Basé sur les données de la base de données de l’Institut de statistique de l’UNESCO utilisant les dernières données disponibles pour chaque pays (2014-2020) ; (b) Calculs originaux utilisant les dernières données disponibles sur l’emploi pour chaque pays (2014-2020) à partir de la base de données statistiques de l’Organisation internationale du travail. chiffres correspondants sont respectivement d’envi- politiques pertinentes fondées sur des données fac- ron 0 pour cent et 55 pour cent, même si cette région tuelles. Une partie de la structure de gouvernance a connu des problèmes de développement similaires nécessaire à la mise en œuvre réussie des politiques à ceux de la région de l’AOC dans les années 1950. et stratégies pertinentes est en train d’émerger, se- Le taux d’alphabétisation des adultes dans les pays lon les constats. Toutefois, il reste encore beaucoup d’AOC est de 52 pour cent en moyenne, et de 19 pour à faire en ce qui concerne l’accès à l’apprentissage cent au Tchad (Figure 6.4). Cette partie de la popula- et à l’éducation des adultes informels et non formels, tion a un faible niveau de littératie, de numératie, ainsi ainsi que leur reconnaissance, leur validation et leur que de compétences numériques et financières. Une accréditation (Institut de l’UNESCO pour l’apprentis- grande partie de la main-d’œuvre fonctionne ainsi en sage tout au long de la vie 2020). Les investissements dessous de son potentiel. Selon un rapport de l’Insti- financiers dans l’apprentissage et l’éducation des tut de l’UNESCO pour l’apprentissage tout au long de adultes dans la région sont également insuffisants. la vie (UIL) (2020) sur l’apprentissage et l’éducation Pour les travailleurs du secteur formel, le fait de s’as- des adultes en Afrique, il reste beaucoup à faire pour surer d’acquérir les compétences requises avant l’en- les pauvres, les femmes et les adultes en situation de trée dans la vie active reste un défi majeur. Pour un handicap afin de les aider à accéder aux possibilités nombre croissant de ces travailleurs, l’apprentissage de formation et d’éducation des adultes. Pourtant, le tout au long de la vie gagne en pertinence à mesure manque de données limite l’évaluation et le suivi des que la nature du travail et les possibilités d’emploi besoins de ces groupes vulnérables, ce qui amoindrit évoluent avec les technologies numériques et vertes. l’appui qui pourrait leur être apporté par le biais de Pour rester productifs, les travailleurs du secteur Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 143 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous formel doivent être en mesure d’approfondir leur ex- et des rôles accordés au secteur privé (Tan et al. pertise ou d’acquérir de nouvelles compétences par 2016). Comme principaux enseignements de ces ex- le biais d’un perfectionnement et/ou d’une remise à périences, il faut assurer un pilotage stratégique du niveau périodique. La majorité des entreprises étant programme d’emplois et de compétences qui soit à des petites et moyennes entreprises, les pays d’AOC l’échelle de l’ensemble du gouvernement ; prioriser ont besoin de politiques qui peuvent inciter et soute- les innovations et les réformes pour modéliser des ré- nir ces entreprises à investir dans et/ou à promouvoir ponses agiles aux besoins émergents du marché du le perfectionnement ou la requalification de leurs travail ; utiliser les résultats en matière d’emploi des employés. Trouver des approches pérennes pour per- diplômés comme indicateur clé de la performance mettre l’apprentissage tout au long de la vie pourrait institutionnelle et de l’adéquation aux besoins du ainsi initier un cycle vertueux pour le développement marché du travail ; et consolider et intégrer des inno- des compétences dans la région. vations éprouvées pour intégrer et diffuser les bonnes pratiques.54 Les pays d’AOC peuvent s’appuyer sur ces enseignements pour élaborer leur propre plan de 6.2.4. Compromis stratégiques pour le renforcement de leurs systèmes de développement développement des compétences dans des compétences, en tenant compte du paysage des le paysage économique émergent d’AOC emplois et des compétences de la région. Les pays d’AOC sont confrontés à des compromis dif- ficiles dans l’élaboration de stratégies pour dévelop- 6.3. Renforcer la gouvernance per des compétences adaptées au marché de l’emploi pour améliorer l’écosystème du compte tenu du fait qu’ils sont aux premiers stades de développement des compétences l’industrialisation, des faiblesses de la base de capital humain, du caractère naisant des systèmes de forma- tion formelle et des fortes contraintes budgétaires. Ces Le renforcement de la gouvernance des prestataires pays doivent s’efforcer de trouver un équilibre entre de formation est le premier de quatre paquets d’in- deux principaux compromis courants (Arias, Evans terventions à haut niveau d’impact complémentaires et Santos 2019). Le premier compromis est entre visant à remédier aux faiblesses des systèmes de l’investissement dans les compétences pour une développement des compétences dans la région de productivité économique élevée et les compétences l’AOC. Comme décrit ci-dessus, le système actuel de pour l’inclusion économique des chômeurs ainsi programmes formels d’EFTP et d’enseignement su- que de la population principalement agraire et les périeur financés par l’État ne suffit pas à lui seul à ré- travailleurs en auto-emploi dans le secteur informel. pondre à la demande d’acquisition de compétences Le deuxième compromis est entre les compétences dans la région. Les lacunes sont comblées par les pour les emplois d’aujourd’hui et les compétences prestataires de services informels, généralement des pour les emplois de demain. Les expériences au Chili, maîtres artisans, et dans une moindre mesure par en Irlande, en République de Corée, en Malaisie et des entreprises de formation privées, entre autres. à Singapour sur plusieurs décennies depuis les an- L’écosystème de l’acquisition de compétences nées 1970 indiquent qu’il est possible que d’atténuer est très fragmenté et les prestataires de formation ces compromis en suivant des voies divergentes de opèrent avec peu de cohérence avec les stratégies manière à aider les systèmes de formation formels économiques nationales. Une meilleure gouvernance naissants à gagner en maturité, en fonction des as- peut créer un système plus intégré qui profite à la fois pirations en matière de développement, de la stra- aux utilisateurs et aux fournisseurs de services de tégie économique, de la structure organisationnelle formation dans les secteurs public et privé, formel et 54 Un exemple de ce processus est l’évolution des centres de formation créés pour la première fois en 1972-1975 par le Conseil de développement économique de Singapour en partenariat avec diverses entreprises et gouvernements étrangers (Tan et Nam 2012). Ces centres ont été transformés en instituts de technologie entre 1979 et 1992 et consolidés en 1993 pour former l’école polytechnique de Nanyang sous la tutelle du ministère de l’Éducation. L’un des avantages a été l’ins- titutionnalisation de nombreuses innovations de Nanyang Polytechnic en matière de développement des compétences adaptées à l’industrie, y compris son modèle « d’usine d’enseignement » caractéristique. 144 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous informel. À cette fin, trois domaines de gouvernance fournir une orientation professionnelle (y compris des méritent une attention particulière : la réforme des liens vers des emplois et des microfinancements) qui modèles d’apprentissage traditionnels, la formalisa- cible les jeunes défavorisés pour un soutien supplé- tion du rôle des employeurs dans le développement mentaire. Placer les programmes d’apprentissage des compétences et l’élaboration de cadres de quali- sous la responsabilité de l’agence de coordination fications simples, mais inclusifs. de l’EFTP pourrait garantir une solide capacité de gestion financière et une coordination complexe. Troisièmement, les programmes d’apprentissage 6.3.1. Reformer les modèles actuels traditionnels peuvent fournir aux apprentis des outils de programmes d’apprentis pour de formation adaptés et des allocations qui corres- l’acquisition de compétences pondent ou dépassent ce qu’ils auraient gagné dans un emploi informel. Quatrièmement, une certification La réforme des modèles de programmes d’apprentis basée sur l’évaluation des formateurs (maîtres) et traditionnels peut contribuer à améliorer la productivi- des apprentis permettrait de valider les compétences té des apprentis lorsqu’ils deviennent des travailleurs acquises dans le cadre des programmes d’apprentis du secteur informel et permettre à certains d’entre eux traditionnels et faciliterait la reconnaissance de ces de prendre pied dans le secteur formel (Encadré 6.2). compétences. La fourniture systématique d’une for- Étant donné que les programmes d’apprentis tradi- mation complémentaire à ceux qui forment des ap- tionnels semblent devoir rester la principale source prentis dans des entreprises informelles contribue- d’acquisition de compétences dans la région de l’AOC rait à améliorer le niveau de compétences des jeunes pour les années à venir, ces réformes deviennent ain- qui reçoivent une formation de cette manière et amé- si une nécessité. La réussite de ces réformes dépen- liorerait les possibilités pour les formateurs, qui sont dra de la coordination stratégique au niveau national eux-mêmes des travailleurs informels, de formaliser entre toutes les parties prenantes, notamment le les compétences professionnelles acquises de ma- gouvernement, les groupes commerciaux (secteur nière informelle. Le Bénin, le Ghana, la Côte d’Ivoire informel), les partenaires industriels (secteur formel) et le Sénégal, par exemple, ont essayé de réformer et les établissements d’EFTP formels. Ces réformes leur système d’apprentissage traditionnel avec un devraient améliorer les programmes d’apprentis succès variable. Dans des pays tels que le Ghana, traditionnels pour qu’ils correspondent aux besoins de nouvelles réglementations visent à formaliser les en compétences de la réalité économique post-CO- programmes d’apprentis traditionnels et à les mettre VID-19. Premièrement, les programmes d’apprentis en cohérence avec un programme standardisé. Le traditionnels devraient commencer à inclure une projet e-voucher du Ghana est un exemple d’un tel formation en salle de classe, car ce type d’appren- programme. tissage a actuellement tendance à se concentrer exclusivement sur la formation pratique dispensée Dans la mesure du possible, les efforts visant à amélio- dans un atelier ou dans les locaux d’une entreprise. rer les programmes d’apprentis traditionnels doivent Le Bénin, par exemple, est en train d’expérimenter un être inclusifs et durables, et menés en coopération accord de partenariat avec les établissements d’EF- avec les groupes et associations locaux qui existent TP locaux afin d’intégrer un enseignement en salle dans l’économie informelle. L’égalité d’accès à ces de classe sur l’entrepreneuriat et les compétences systèmes améliorés est essentielle. Indépendam- numériques et transversales. Pour les communau- ment du contexte socio-économique et des sexes, tés qui ne disposent pas d’établissements d’EFTP à les femmes et les jeunes vulnérables doivent pouvoir proximité, des cours à taux zéro adaptés à la mobi- bénéficier eux aussi des améliorations apportées aux lité pourraient être appropriés. Deuxièmement, les programmes d’apprentis traditionnels (Adams, Jo- programmes d’apprentissage traditionnels peuvent hansson da Silva et Razmara 2013). 55 55 Adams, Johansson da Silva et Razmara (2013) offrent un excellent aperçu des stratégies visant à améliorer la qualité du développement des compétences dans le secteur informel. Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 145 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.2. Exemples de programmes d’apprentissage réformés Projet pilote d’apprentissage en alternance en Côte d’Ivoire. En 2010, le gouvernement de la Côte d’Ivo- ire et la Banque mondiale ont lancé conjointement un projet d’urgence pour l’emploi et le développement des compétences des jeunes. L’objectif du projet était d’améliorer l’accès des jeunes à des emplois tem- poraires et à des opportunités de développement des compétences. Le projet comportait un programme d’apprentissage formel, qui ciblait les jeunes peu qualifiés âgés de 18 à 24 ans dans les principales zones urbaines du pays. Le projet visait à placer ces jeunes dans des entreprises, où ils recevraient une forma- tion sur le tas ainsi qu’une formation théorique sous la direction d’un superviseur. Les postes les plus demandés étaient : mécanicien automobile ou moteur, ouvrier métallurgiste, chaudronnier, soudeur et maçon. Sur les 361 entreprises offrant des postes d’apprentissage, 84 pour cent n’avaient pas de statut juridique officiel et 68 pour cent ne tenaient pas de comptabilité. Le projet durait un à deux ans, en fonction de la profession. Les jeunes bénéficiaient d’une couverture d’assurance, d’outils de travail et d’une allocation mensuelle couvrant les repas et les frais de transport. En plus de la formation pratique sur le tas dans les entreprises, les jeunes pouvaient également bénéficier de 180 heures de formation théorique complémentaire par an et pouvaient demander des conseils indi- viduels à des conseillers en apprentissage. À la fin de l’apprentissage, chaque participant était évalué sur ses compétences pratiques et ses connaissances théoriques du métier. Les impacts à court terme sont les suivants : (a) les entreprises participant au programme ont embauché plus d’apprentis formels mais moins d’apprentis traditionnels que les entreprises ne participant pas au programme ; (b) les apprentis participant au programme ont travaillé en moyenne 23 pour cent de jours supplémentaires par rapport aux individus du groupe de comparaison ; et (c) la qualité du travail des apprentis du programme était 62 pour cent plus élevée par mois par rapport à celui des individus qui ne participaient pas au programme. Aucun impact direct sur les profits et les revenus des entreprises n’a été constaté, mais les impacts à court terme susmentionnés peuvent être suffisants pour rendre le programme rentable à court terme. Projet de bons d’éducation de l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) au Ghana pour la formation dans le secteur informel. Dans le secteur informel ghanéen, les maîtres artisans et les travailleurs des petites entreprises et des microentreprises acquièrent généralement leurs com- pétences professionnelles par le biais de l’apprentissage traditionnel. Cependant, ces entreprises ont de plus en plus de mal à suivre le rythme du progrès technologique. En outre, les compétences acquises par l’apprentissage traditionnel ne conduisent pas à une qualification reconnue par le cadre national des certifications ghanéen. Le gouvernement a décidé de mettre en œuvre l’approche de la formation modulaire basée sur les compétences, considérée comme la réponse adéquate aux besoins spécifiques du secteur informel. Tirant parti du système d’apprentis traditionnel existant, les unités de formation selon une approche par les compétences offrent à la fois une formation sur le lieu de travail et une formation complémen- taire proposée par des établissements de formation agréés. Un ensemble complet d’unités de formation basées sur les compétences mène à des qualifications formelles. Le Projet de bons d’éducation de l’EFTP du vise à répondre à la demande du secteur informel en matière d’amélioration des compétences grâce à un système innovant de financement par chèques éducatifs. (L’encadré continue à la page suivante) 146 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.2. Exemples de programmes d’apprentissage réformés (suite) Ce projet fournit des bons d’éducation aux maîtres artisans, à leurs apprentis et aux travailleurs. Les bons sont destinés à financer (a) les cours de formation axés sur les compétences dispensées par des établissements de formation accrédités ; (b) l’évaluation et la certification des compétences acquises par des organismes d’attribution accrédités ; et (c) les services de coordination et de suivi connexes fournis par les associations professionnelles respectives du secteur informel. Les bons sont délivrés aux bénéficiaires sous forme de codes électroniques transmis via SMS (e- bons). Un système en ligne de gestion des bons facilite la gestion opérationnelle du projet. Ce système com- prend l’enregistrement des offres de formation, la demande décentralisée de bons par le biais d’appa- reils mobiles, le suivi continu de la participation aux formations, la génération de factures, le contrôle des décaissements, les rapports actualisés quotidiennement sur la performance du projet et diverses fonctions de veille économique pour le Conseil de l’EFTP, l’autorité nationale de l’EFTP et la banque KfW (Allemagne). Le projet finance des formations en cosmétologie/coiffure, en électronique grand public, en répa- ration automobile, en construction/soudure, en confection. Il intervient également dans six nouveaux domaines professionnels, à savoir la pose de blocs, le carrelage, la plomberie, la restauration, l’installation électrique et la menuiserie. La formation est dispensée par un réseau de 98 établissements d’EFTP publics et privés accrédités. Au cours de la phase préparatoire, la GIZ (la principale agence de développement allemande) a entrepris un exercice préparatoire complet visant à créer les conditions préalables à la mise en œuvre réussie du projet e-ticket. Les activités préparatoires comprenaient l’élaboration de programmes d’études et de procédures d’évaluation, la formation des instructeurs, la mise à niveau des centres de formation afin e répondre aux critères d’accréditation et le développement des outils de gestion nécessaires. En février 2021, l’exercice avait permis de former 15 000 personnes. Sources : Crépon et Premand (s.d.) ; Hirji (2020) ; le site web du Projet de bons d’éducation de l’EFTP du Ghana (https://cotvet.gov.gh/gtvp/about-gtvp/). Note : CNC = cadre national des certifications ; EFTP = enseignement et formation techniques et professionnel. 6.3.2. Formaliser le rôle du secteur privé ne peut à lui seul absorber tous les apprentis et étu- dans le développement de compétences diants. De nombreux pays de la région disposent déjà d’organismes nationaux responsables de l’EFTP et La formalisation du rôle du secteur privé, notamment de l’enseignement supérieur. Malheureusement, des employeurs du secteur formel, en tant que four- dans des pays tels que la Côte d’Ivoire, l’intérêt por- nisseurs de compétences est cruciale pour la région de té par les employeurs à ces organismes nationaux l’AOC. Avec l’évolution rapide de la nature de l’emploi, a été faible, en partie à cause de l’influence limitée les partenariats stratégiques public-privé deviennent de facto de ces organismes, et en partie à cause des une nécessité. L’augmentation de la liste d’options coûts associés à leur participation aux activités. dynamiques et réactives dans les secteurs de l’EFTP et de l’enseignement supérieur nécessite l’implica- En plus d’alléger la pression sur le peu de ressources tion du secteur privé (y compris les employeurs et financières de l’État, la participation des prestataires leurs employés) dans l’élaboration des politiques, le privés a, dans de nombreuses économies, introduit financement et la prestation effective de la formation une dimension positive de saine concurrence. Les qualifiante. L’expansion des possibilités de formation établissements d’EFTP et d’enseignement supérieur nécessaires est si importante que le secteur public privés sont souvent étroitement en adéquation avec Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 147 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous les besoins du marché du travail et ont tendance à individuelles (par exemple, ArcelorMittal au Liberia répondre avec plus de souplesse à l’évolution de la [ArcelorMittal 2021], Dangote au Nigeria et Toyota demande que les établissements publics. La concur- au Kenya [Encadré 6.3]). D’autres gouvernements rence est un élément important pour garantir la quali- ont établi des partenariats avec des groupes d’en- té et la pertinence des programmes. Étant donné que treprises opérant dans des parcs et pôles technolo- leur survie dépend de leur capacité à attirer les bons giques (comme Edo Tech Park au Nigeria). Les gou- étudiants, les établissements privés sont plus forte- vernements peuvent étendre de manière stratégique ment incités à lancer des innovations en matière de ces types de partenariats public-privé à un nombre programmes et de pédagogie. Par conséquent, les plus grand d’employeurs. gouvernements des pays d’AOC doivent développer une vision claire des contributions de ces prestataires D’autres employeurs offrent également une formation privés ; établir des mécanismes d’assurance qualité en cours d’emploi à leurs employés afin d’accroître efficaces pour l’octroi de licences et l’accréditation et la productivité et la rentabilité de l’entreprise ; ces le retrait des programmes et des établissements qui investissements offrent des possibilités d’apprentis- ne répondent pas aux normes de qualité minimales ; sage tout au long de la vie, augmentant ainsi l’adap- et assurer le suivi de la distribution socioéconomique tabilité de la main-d’œuvre à la nature changeante de leurs étudiants, en permettant aux étudiants à de l’emploi. Pour encourager les employeurs à pro- faible revenu d’accéder aux systèmes de prêts étu- poser des formations, certains pays ont institué des diants là où de tels systèmes existent. Dans des pays taxes d’apprentissage destinés à alimenter un fonds comme le Tchad et la Côte d’Ivoire, les inscriptions d’apprentissage. Il est important de s’assurer que les privées ont quadruplé au cours de la dernière décen- employeurs aient leur mot à dire dans la gestion du nie. Les gouvernements doivent définir clairement fonds d’apprentissage afin de garantir que les prélè- leur vision concernant les contributions de l’EFTP et vements sont utilisés comme prévu pour améliorer de l’enseignement supérieur privés en tant que pilier les compétences des travailleurs dans des domaines important de la stratégie d’expansion. pertinents et nécessaires pour les employeurs. Le programme de Qualité intégrale et de modernisa- Certaines grandes entreprises nationales et multi- tion du Mexique est un bon exemple de prélèvement nationales dans la région de l’AOC remédient aux sur salaires effectué par le gouvernement pour pro- pénuries aiguës de travailleurs qualifiés dans leurs mouvoir le renforcement des compétences dans les entreprises en créant leurs propres centres/écoles petites et moyennes entreprises. Le Centre de déve- de formation en entreprise. Généralement, les entre- loppement des compétences de Penang, en Malai- prises établissent ces centres en collaboration avec sie, utilise un modèle différent, reposant sur les coti- les autorités publiques en charge de l’EFTP. Pour les sations des membres pour financer le renforcement pays où ils sont implantés, ces centres de formation des compétences pour les entreprises participantes en entreprise créent une situation «  gagnant-ga- (Banerji et al. 2010). Le fonds du centre malaisien gnant ». Les centres allègent le fardeau qui pèse sur appuie également un nombre important de petites et le gouvernement en ce qui concerne les investisse- moyennes entreprises. Le modèle du Centre de for- ments dans des programmes d’EFTP hautement mation portuaire et logistique au Sénégal (Encadré spécialisés. Par ailleurs, les centres veillent à ce que 6.4) offre un exemple de modèle alternatif permet- la croissance des entreprises ne soit pas entravée tant à plusieurs entreprises de former un partenariat par des pénuries de personnel qualifié. Les centres afin de bénéficier de formations spécifiques au sec- de formation efficaces offrent une formation pratique teur. En ce qui concerne la région de l’AOC, ce mo- aux jeunes, qui débouche sur leur certification. Les dèle alternatif est pertinent pour les industries dotées entreprises embauchent ensuite certains des diplô- d’associations d’employeurs fortes et bien rodées et més, et ceux qui ne sont pas recrutés peuvent faci- dont les besoins en formation sont clairement définis. lement trouver du travail ailleurs, grâce aux compé- tences hautement transférables qu’ils ont acquises Enfin, certains gouvernements ont créé les condi- pendant leur formation. Pour remédier aux pénuries tions nécessaires pour encourager la participation de compétences, certains gouvernements AOC ont du secteur privé au système national global d’EFTP. établi des partenariats officiels avec des entreprises Par exemple, certains pays ont créé des conditions 148 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.3. Exemples d’académies d’entreprise pour les jeunes Le groupe Dangote au Nigeria. La Dangote Academy a été créée en 2010 pour fournir une formation technique et de gestion au groupe Dangote, qui est actif dans la fabrication de ciment, le raffinage du sucre, la fabrication d’engrais, l’exploitation minière, l’énergie, l’agroalimentaire, le transport et la logis- tique. Actuellement, l’Académie dispose de centres à Lagos et à Obajana, dans l’État de Kogi. L’Académie a été créée pour répondre à la demande du groupe Dangote en matière de recrutement de techniciens et de cadres spécialisés, en raison des lacunes identifiées en termes de formation et de compétences pratiques qui touchent une grande partie des diplômés de l’enseignement supérieur nigérians. La vision officielle est de fournir une réserve de talents techniques pour le groupe Dangote tout en comblant le déficit de compétences industrielles au Nigeria. Les principaux programmes de formation de l’Academy sont les suivants : Le programme de formation professionnelle, qui s’adresse aux récents diplômés de l’enseignement polytech- nique désireux de devenir des techniciens et des opérateurs qualifiés. Il s’agit d’un programme de formation pratique de 12 mois, qui permet aux apprenants de faire de la pratique dans des ateliers et des usines. ■ Le programme d’ingénieurs diplômés, qui s’adresse aux diplômés en génie mécanique, électrique/ électronique et chimique. Le programme s’étale sur 12 mois et comprend une formation en atelier et en usine. ■ Le programme de techniciens juniors, qui forme les étudiants à l’ingénierie de base puis à des compé- tences techniques intensives via un atelier de formation sous la direction d’instructeurs spécialisés. Le programme est suivi d’une formation en usine dans l’une des usines de Dangote, sous la supervision d’un ingénieur et d’un directeur. Il s’agit d’un programme de 18 mois ouvert aux élèves des écoles se- condaires et des collèges techniques. ■ La Dangote Graduate Drivers Academy, qui vise à améliorer la qualité des conducteurs de flottes de transport. Elle propose une formation sur la conduite sécuritaire et préventive et couvre les normes de sécurité routière dans le but de réduire les taux d’accidents et d’améliorer les attitudes et les aptitudes des conducteurs à gérer les expéditions qui leur sont confiées. ■ Le programme de formation technique de l’ADF-VDMA, qui est basé sur le modèle allemand de forma- tion professionnelle en alternance. Ce programme, que l’académie gère dans ses locaux d’Obajana, est un accord de collaboration tripartite impliquant la VDMA (l’association de l’industrie du génie mé- canique), le gouvernement allemand (par le biais de son agence de développement, la GIZ) et la Fon- dation Aliko Dangote. Le programme offre gratuitement une formation résidentielle de 18 mois en mé- canique industrielle aux jeunes de 16 à 24 ans, par groupes/cohortes de 120 jeunes. Il offre également une variété de cours de courte durée aux professionnels de l’industrie (à des tarifs subventionnés). ■ A ce jour, l’Académie compte 650 diplômés ayant participé aux programmes de formation profession- nelle, d’ingénieurs diplômés et de techniciens juniors. Parmi les diplômés, 85 pour cent des diplômés ont été embauchés dans les différentes unités commerciales du groupe Dangote. La première promo- tion de 120 apprenants (dont 10 pour cent de femmes) du programme ADF-VDMA de l’Académie sor- tira au cours du troisième trimestre 2022. Toyota Kenya. Depuis 2014, Toyota gère la Toyota Kenya Academy à Nairobi, qui fait partie des activités sociales de l’entreprise menées par la Toyota Kenya Foundation. Outre la formation technique automobile (y compris pour les techniciens de l’industrie informelle des services automobiles) et le perfectionnement du personnel de gestion, l’académie forme également des techniciens en équipement de construction, en équipement agricole et dans d’autres domaines en dehors du domaine automobile. L’Académie offre des possibilités de formation continue adaptées aux besoins réels de compétences sur site. (L’encadré continue à la page suivante) Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 149 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.3. Exemples d’académies d’entreprise pour les jeunes (suite) Les programmes de formation sont élaborés par Toyota mais sont alignés sur le cadre des certifica- tions du Kenya. Les formations de trois mois sont payantes, mais des allocations sont disponibles par le biais de la Toyota Kenya Foundation. De nombreux diplômés reçoivent des offres d’emploi de Toyota Kenya à l’issue de leur formation. L’académie collabore avec l’autorité chargée de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels, l’agence japonaise de coopération internationale (JICA) et les universités kenyanes. Sources : Site web de Dangote Academy (https://www.dangote.com/our-business/dangote-academy/); Soumission par Dangote Group au Forum écono- mique mondial pour Dangote Academy (shorturl.at/cACX2); Site web de Toyota Kenya (https://toyotakenya.com/toyota-academy/). propices à l’accréditation d’institutions privées pour 6.3.3. Développer des cadres nationaux dispenser des formations d’EFTP liées à l’industrie, des certifications (CNC) simples et inclusifs à l’instar des « Vocational Enterprise Institutions » et des « Innovation Enterprise Institutions » du Nigeria.56 Les pays d’AOC doivent mettre en place des cadres na- Quelques pays hors de l’AOC ont réussi à confier au tionaux des certifications (CNC) simples mais inclusifs secteur privé la responsabilité de la gestion des prin- afin de clarifier les parcours d’apprentissage et de ga- cipaux éléments de leur système national d’EFTP. rantir la qualité et la comparabilité des formations dis- C’est le cas du SENAI, au Brésil, qui gère un réseau pensées. Les CNC et les cadres réglementaires aident de plus de 700 centres de formation. Le SENAI est les pays à mettre les programmes d’études axés sur partiellement financé par le gouvernement et est lié les compétences en cohérence avec les résultats des à la Confédération brésilienne de l’industrie, dont les qualifications et les parcours professionnels attendus. centres de formation mettent le développement des Les CNC facilitent la progression au sein du système compétences en adéquations avec les besoins spé- éducatif et créent des voies simples permettant aux cifiques de l’industrie. Au Maroc, le gouvernement étudiants de transférer leurs crédits entre les diffé- a obtenu un succès considérable avec les Instituts rentes filières d’enseignement. Par exemple, les CNC à Gestion Déléguée dans des secteurs industriels peuvent fournir des voies horizontales permettant aux sélectionnées. Bien que l’État paie tous les frais de jeunes qualifiés dans le système d’EFTP de rejoindre fonctionnement, la gestion incombe aux associations le système d’enseignement général. Les CNC doivent industrielles (Encadré 6.4). Le modèle marocain est également reconnaître les modèles d’apprentissage pertinent pour les pays d’AOC désireux d’attirer des novateurs émergents, tels que les micro-qualifications investisseurs étrangers dans un secteur spécifique. et les qualifications empilables. 57 Ils doivent offrir aux Toutefois, pour réussir, le modèle exige l’existence jeunes (qu’ils soient en formation ou sur le marché du d’associations industrielles bien rodées, capables de travail) et à la population adulte des moyens d’amélio- gérer un centre de formation sophistiqué. rer leur profil de compétences. L’élaboration et la mise en œuvre d’un CNC complet nécessitent du temps, des ressources et un engagement soutenu. Il est par conséquent nécessaire que les gouvernements pro- cèdent par étapes. Tout d’abord, les CNC devraient servir d’outil pour définir des parcours de progression pour les étudiants. La définition de ces parcours est 56 Au Nigeria, le gouvernement a établi un partenariat avec le secteur privé pour la mise en place des « Vocational Enterprise Institutions » et des « Innovation Enterprise Institutions ». Ces institutions offrent des formations qualifiantes, techniques et professionnelles axées sur les compétences, de niveau post-primaire et post-secon- daire, afin d’équiper les jeunes qui quittent l’école ainsi que les travailleurs. Ces deux institutions fournissent une aide financière. 57 Les qualifications cumulables font référence à des programmes qui consistent en une série de certificats qui se construisent les uns sur les autres. Lorsqu’un étu- diant a rassemblé un « paquet » de micro-qualifications, il peut transférer les qualifications vers un certificat ou un diplôme de niveau supérieur. 150 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.4. Exemples d’approches durables pour les programmes de formation de la main-d’œuvre existante Centre de formation portuaire et logistique. Créé initialement à la demande de l’Association Nationale des Employeurs en 2007, le Centre de formation portuaire et logistique du Sénégal est le résultat d’un partenariat public-privé réussi. Une convention tripartite définissant le fonctionnement futur du centre a été signée en 2006 par l’Etat sénégalais, le président de la Communauté des industries portuaires et l’Agence française de développement (AFD). Avec l’appui financier de l’AFD et du gouvernement sénégalais, la gestion du centre a été confiée à l’Association pour la formation aux métiers portuaires (AFMP), qui coordonne les entreprises privées du secteur portuaire. Aujourd’hui, le centre offre des for- mations à trois niveaux (niveau 5 : conducteurs, niveau 4 : techniciens spécialisés et niveau 3 : tech- niciens supérieurs spécialisés) dans les domaines du transport, de la logistique, de la manutention et des opérations portuaires. Chaque programme dure deux ans, avec l’obligation pour les étudiants de passer un tiers du temps en stage. Le centre compte plus de 100 entreprises partenaires du secteur. Ces partenariats sont précieux pour les étudiants dans la mesure où les entreprises leur proposent des stages pendant la formation. Le centre entretient un lien fort avec le secteur privé non seulement à travers la direction du centre, mais aussi à travers les enseignants, qui sont des professionnels du secteur. Les enseignants contribuent à la formation en s’assurant que les étudiants reçoivent un contenu pertinent et actualisé. Entre 2011 et 2021, plus de 900 étudiants ont obtenu avec succès un diplôme du centre, et plus de 5 500 étudiants ont suivi des cours de mise à niveau des compétences de courte durée. Instituts à gestion déléguée. Dans le cadre de la Stratégie de formation professionnelle pour 2021, le gouvernement du Maroc vise à accroître le rôle du secteur privé dans l’enseignement et la formation techniques et professionnels. Un élément clé de la stratégie est la création d’Instituts à Gestion Déléguée dans des secteurs à forte valeur ajoutée et d’importance stratégique pour la poursuite du développement économique. Ces instituts ont été établis en partenariat avec des organisations professionnelles privées (nationales et internationales). Il existe actuellement 10 instituts dans cinq secteurs : aéronautique, auto- mobile, énergies renouvelables, textile/habillement, et transport et sécurité routière. La plupart des instituts sont implantés dans la zone économique spéciale spécifique au secteur pour le- quel l’institut propose des cours de formation sur mesure. L’Institut des Métiers de l’Aéronautique, ouvert en 2011, en est un exemple. L’institut, situé à côté de l’aéroport international Mohammed V de Casablanca et implanté dans la zone franche Midparc Casablanca, qui est axée sur l’aéronautique, propose des forma- tions de compétences initiales et avancées. Un projet d’agrandissement achevé début 2017 a permis à l’institut d’augmenter sa capacité annuelle de 800 à 1 200 étudiants pour les programmes de formation et d’ajouter 300 places pour la formation continue. Cette expansion s’inscrivait dans le cadre d’un effort visant à atteindre l’objectif de 2020, à savoir l’ajout de 23 000 techniciens dans le segment de l’aéronautique. Les instituts sont principalement considérés comme un moyen d’attirer les investisseurs étrangers à la recherche d’une main-d’œuvre hautement qualifiée et spécialisée. Le principe est que l’État couvre tous les coûts de création et de fonctionnement de l’institut, y compris les salaires, le matériel péda- gogique et la maintenance. Généralement, la gestion est confiée à l’association des entreprises privées du secteur. L’État ne joue aucun rôle dans la gestion quotidienne et les instituts sont libres de définir le contenu de la formation en fonction des besoins spécifiques des partenaires. Sources : Busso (2020) ; www.cfmpl.sn. Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 151 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous particulièrement importante dans les pays en situa- En outre, un CNC devrait permettre la certification tion de FCV où les capacités de mise en œuvre sont formelle des compétences acquises par la validation très faibles. Les pays disposant de plus de capacités des acquis (VA). La VA offre à ceux qui ont acquis leurs peuvent choisir de cibler initialement les industries compétences par le biais d’une formation informelle prioritaires pour lesquelles les certifications sont les ou non formelle la possibilité de rechercher des em- plus pertinentes. Lors de l’élaboration des CNC, la plois dans le secteur formel. La VA est un processus priorité pourrait être donnée aux domaines émer- qui permet d’identifier, d’évaluer et de certifier les gents en termes de besoins en compétences (comme connaissances, les aptitudes et les compétences les compétences numériques). Il serait également d’une personne, indépendamment de la manière, du nécessaire de chercher à accélérer le processus en moment et du lieu où l’apprentissage a eu lieu. L’éva- adaptant les idées venues d’ailleurs aux conditions et luation est mesurée par rapport à des normes pres- priorités nationales. Les gouvernements peuvent éga- crites (résultats d’apprentissage) pour une qualifica- lement utiliser les CNC comme un outil de contrôle de tion partielle ou complète. La VA est pratiquée depuis la qualité et d’accréditation des prestataires de ser- de longue date dans des pays comme l’Australie et le vices publics et privés. Royaume-Uni, mais il s’agit d’un phénomène plus ré- cent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. La Lorsqu’ils sont harmonisés avec les cadres d’autres VA sert différents objectifs. Dans de nombreux pays, pays, les CNC facilitent la mobilité régionale de la il s’agit d’un outil d’évaluation des compétences des main-d’œuvre. Les cadres régionaux des certifica- candidats à l’admission dans l’enseignement supé- tions permettent aux employeurs de reconnaître rieur, en particulier des candidats qui ne satisfont pas les qualifications acquises dans d’autres pays et entièrement aux conditions d’entrée. Dans certains stimulent les échanges d’étudiants et de personnel pays, il sert d’outil permettant de tester les qualifica- enseignant au sein de la communauté de pays. Les tions des migrants. Dans le contexte des pays d’AOC, cadres régionaux des certifications varient consi- il pourrait contribuer à améliorer la qualité de la for- dérablement en termes d’objectifs, de couverture mation dans le système d’apprentissage traditionnel. sectorielle, de conception et d’utilisation. Certains La création d’un système de VA nécessite des orien- font office de cadre de référence commun (comme tations claires et des outils (en particulier des tech- le Cadre européen des certifications ou le Cadre de nologies numériques) pour évaluer les compétences référence pour les certifications de l’Association des et les certifications ultérieures. Le système doit donc nations de l’Asie du Sud-Est). D’autres sont plus être déployé par phases, en ciblant d’abord un petit larges et visent à établir des normes communes (tels nombre de secteurs ou de métiers où les certifica- que le cadre des certifications de la Communauté tions sont les plus pertinentes et les plus demandées de développement de l’Afrique du Sud, inspiré du ; l’identification de ces secteurs ou métiers doit être Cadre national des certifications de l’Afrique du Sud). fondée sur des données. L’Encadré 6.5 présente L’UNESCO, en collaboration avec la Commission de l’exemple du fonctionnement de la VA au Kenya. la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a organisé plusieurs événements régionaux dans le but d’encourager le développe- 6.4. Démanteler les obstacles à ment de systèmes de certifications dans la région et l’acquisition de compétences de stimuler la création d’un cadre régional des certifi- cations. À ce jour, cinq États membres de la CEDEAO (le Nigeria, la Gambie, le Sénégal, le Ghana et le Cap- La deuxième série d’interventions vise à démanteler Vert [Union africaine 2020]) ont élaboré ou sont en les obstacles liés à l’accès à l’acquisition de compé- train d’élaborer un cadre national des certifications tences. Ces interventions comprennent la diversifica- professionnelles. Les pays d’AOC peuvent également tion des options d’acquisition de compétences et la cibler une industrie ou un domaine prioritaire (tel que réduction des coûts de formation. Les programmes l’ingénierie) et harmoniser les normes de certification de rattrapage et les «  boot camps » sont un moyen dans ce domaine. d’aider un grand nombre de jeunes et d’adultes, en particulier les pauvres et les analphabètes, à accé- der à une formation pertinente pour l’emploi. Ces 152 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.5. Validation des acquis au Kenya La politique de validation des acquis (VA) au Kenya fournit un cadre général à toutes les activités liées à la VA menées au Kenya. La VA est intégrée aux cadres juridiques et politiques existants dans le secteur de l’éducation et de la formation. Elle est en cohérence avec le cadre national des certifications du Ken- ya. La politique de VA décrit les objectifs et les résultats attendus de la VA et définit les différents cadres institutionnels ainsi que leurs rôles et processus spécifiques dans la mise en œuvre de la VA. Le but de la VA est de promouvoir l’accès, l’employabilité, la mobilité et la progression tout en donnant des chances équitables aux groupes défavorisés, découragés et traditionnellement marginalisés. De plus, la politique vise à accroître l’engagement des organismes gouvernementaux, des employeurs et des employés, des établissements de formation et des praticiens de la VA envers la VA. La politique de VA soutient la mise en œuvre du système d’accumulation et de transfert de crédits du Kenya en tant qu’in- ternationalisation des qualifications kenyanes. L’Autorité industrielle nationale a mis en œuvre la VA dans les niveaux 2, 3 et 4 pour les techniciens. L’agenda 2018-2022 des « Big Four » identifie la promotion de la VA comme une priorité pour répondre à la pénurie de compétences existante au Kenya. L’Autorité nationale des certifications du Kenya, en con- sultation avec les parties prenantes, a élaboré le Cadre politique de la VA pour 2020 ; les lignes directrices relatives à la mise en œuvre de la VA, ainsi que les lignes directrices relatives à l’accréditation, l’évaluation et la certification par l’Autorité nationale des certifications du Kenya. Les lignes directrices relatives à la mise en œuvre de la VA peuvent être consultées à l’adresse suiva- nte : www.knqa.go.ke/wp-content/uploads/2020/05/Guidelines-for-RPL-2020.pdf Source : Webinaire d’apprentissage entre les pairs sur Cadre continental africain des certifications, 6 mars 2021, session 4 Juma Mukhwana Directeur général, Autorité nationale des certifications du Kenya interventions peuvent combler les lacunes en ma- base sont faibles. Les contraintes majeures qui en- tière d’apprentissage et de compétences qui, autre- travent le développement des compétences et l’accès ment, disqualifieraient les participants potentiels. à l’enseignement post-secondaire peuvent être élimi- Parmi les autres interventions, citons l’augmentation nées grâce à ces programmes de formation à court de l’offre d’opportunités de formation de qualité et terme. Les programmes de rattrapage peuvent offrir abordables et le ciblage de l’aide financière aux étu- aux étudiants mal préparés la possibilité d’acquérir les diants en fonction du mérite et des besoins. prérequis nécessaires pour atteindre le seuil d’entrée dans une filière d’enseignement particulière. Ces pro- grammes sont particulièrement utiles pour acquérir 6.4.1. Diversifier les offres de programmes les bases des filières STIM et des compétences numé- pour répondre aux besoins d’un éventail riques. Ces programmes peuvent donner des chances d’étudiants égales aux groupes sous-représentés, notamment les femmes, et aux jeunes vulnérables ayant eu une édu- Les programmes de rattrapage, les formations inten- cation de faible qualité, en particulier ceux qui sont sives et les programmes de la seconde chance peuvent intéressés par les filières STIM. Par exemple, le projet être utiles pour divers étudiants, notamment ceux qui Impact du Centre d’excellence de l’enseignement su- entrent à l’université et qui sont peu préparés pour les périeur (ACE) en Gambie a fourni des cours de rattra- diplômes STIM, les demandeurs d’emploi qui ont be- page en pré-ingénierie aux diplômés du second cycle soin d’un coup de pouce rapide pour se perfectionner, du secondaire. Parfois, ces programmes prennent la et les adultes et les jeunes dont les compétences de forme d’un « boot camp », c’est-à-dire une formation Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 153 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous intensive à court terme. Les boot camps sont particu- et de jeunes analphabètes dans la région de l’AOC, lièrement populaires dans le domaine des TIC, pour les les gouvernements peuvent se lancer dans des cam- cours sur le codage, la conception de bases de don- pagnes d’alphabétisation de masse soutenues en nées et le développement de logiciels par exemple. faveur des jeunes adultes âgés de 15 à 34 ans (en Ces cours sont souvent dispensés en collaboration ciblant en particulier chez les 25 à 34 ans) qui tirent avec des géants des TIC tels que Google, IBM, Micro- parti de la pénétration de la technologie du téléphone soft et CISCO et débouchent sur un certificat reconnu mobile dans la région pour atteindre une proportion par le secteur des TIC. Les boot camps sont un moyen importante de cette population sur une période plus rentable de renforcer les compétences de groupes courte. Les formations sont plus efficaces lorsqu’elles cibles spécifiques en vue d’un emploi dans un délai sont adaptées au secteur d’activité ou au métier et à relativement court, ce qui signifie que les boot camps la langue maternelle des apprenants. Citons, à titre ont un énorme potentiel dans la région. L’école Morin- d’exemples, le Projet d’alphabétisation de base par ga au Kenya propose des formations «  boot camp » cellulaire du Niger et l’initiative indienne de formation portant sur des compétences techniques, entrepre- des vendeurs de rue aux compétences numériques neuriales et autres et aide ses diplômés à trouver un (Encadré 6.6). Au Ghana, la Fondation Grameen tra- emploi. L’école affiche un taux d’emploi des diplômés vaille avec des agents communautaires et utilise une de 85 pour cent. plateforme d’agriculture numérique pour fournir aux producteurs de cacao une formation opportune et Les programmes de la seconde chance garantissent des conseils personnalisés sur les pratiques d’agri- l’inclusion et contribuent à combler les lacunes en culture durable et les investissements appropriés matière d’apprentissage en réenseignant les compé- pour leurs entreprises agricoles. Le livre blanc sur tences de base aux jeunes déscolarisés ou défavori- l’éducation au Sahel propose une série d’interven- sés et aux adultes analphabètes. Ces programmes tions supplémentaires pour soutenir les programmes peuvent créer des passerelles pour les jeunes ayant d’alphabétisation des adultes. 58 abandonné l’école, y compris ceux qui souhaitent ré- intégrer le système éducatif formel. Les programmes qui réussissent sont ceux qui ont « de multiples points 6.4.2. Élargir l’accès à des opportunités d’entrée et de sortie et des associations étroites avec de formation flexibles, abordables et de l’éducation formelle  » et qui combinent les forma- qualité tions techniques, cognitives et sur les compétences de vie (Keiko et al. 2015). La plupart des pays d’AOC Les gouvernements des pays d’AOC peuvent tirer disposent de programmes de la seconde chance parti de moyens nouveaux et innovants pour élargir sous forme d’éducation des adultes. Souvent, ces l’accès aux parcours d’acquisition de compétences programmes combinent une alphabétisation fonc- flexibles, peu coûteux et de qualité. Le nombre élevé tionnelle avec l’enseignement de compétences de de jeunes n’ayant pas accès à l’enseignement su- vie (nutrition, santé et droits civiques) et une forma- périeur ou à d’autres programmes de qualifications tion professionnelle élémentaire. En général, les pro- post-secondaires non-supérieurs, qui caractérise les grammes sont dispensés dans des centres d’appren- pays d’AOC, représente un gaspillage de ressources tissage pour adultes désignés, mais dans certains humaines. Dans les pays en situation de fragilité, pays, comme le Ghana et le Sénégal, l’éducation de conflit et de violence (FCV), les jeunes exclus de des adultes est également disponible sous forme de l’éducation et de l’emploi ont tendance à se sentir formation continue et à distance pour les personnes socialement exclus, ce qui en fait des recrues poten- ayant déjà un emploi. Au cours de la dernière dé- tielles des insurgés. En outre, l’enseignement supé- cennie, un large éventail de cours d’alphabétisation rieur dans la région reste non équitable. Les gouver- numérique de base pour adultes a vu le jour dans nements, le secteur privé et les établissements de la région. Compte tenu du grand nombre d’adultes formation professionnelle des pays d’AOC peuvent 58 Bien que les taux élevés d’analphabétisme des adultes soient endémiques dans les pays d’AOC, ils sont plus prononcés dans la sous-région du Sahel. Par consé- quent, le Livre blanc sur l’éducation au Sahel (Banque mondiale 2021) et la présente Stratégie régionale d’éducation sont en étroite cohérence afin de relever ce défi. 154 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.6. Inde – Formation aux compétences numériques pour les vendeurs de rue Selon Praveen (2021), le gouvernement de l’Inde est en train de prendre des mesures pour numériser le pays. À l’heure actuelle, seuls les membres de la classe supérieure et de la classe moyenne effectuent des paiements numériques à grande échelle ; les gens ordinaires et les petits commerçants manquent clairement de connaissances en matière de paiements numériques. Face à cette situation, le gouver- nement a récemment lancé la campagne Mein Bhi Digital 3.0 pour former les vendeurs de rue à effectuer et recevoir des paiements numériques. Cette campagne permettra de former des vendeurs de rue dans 223 villes du pays. Les principales sociétés indiennes de paiement numérique assureront la formation pour le compte du gouvernement. Ces sociétés formeront les vendeurs de rue dans différentes parties du pays aux paie- ments numériques, à l’identification de l’interface de paiement unifiée et aux codes QR. En outre, elles fourniront toutes les informations nécessaires relatives aux paiements numériques. Cette formation ainsi que les informations qui seront fournies permettront aux petits commerçants moins instruits qui tiennent des boutiques dans la rue d’effectuer et d’accepter des paiements numériques. envisager deux interventions permettant d’élargir par des établissements physiques classiques (par l’accès, à travers l’offre d’une formation profession- exemple, l’Université africaine de développement, au nelle et d’une éducation abordables et de qualité. Niger) et les programmes entièrement en ligne pro- La première consiste à réduire les coûts associés à posés par les universités ouvertes ou virtuelles (telles l’enseignement post-secondaire et à l’EFTP, en re- que les universités virtuelles du Burkina, du Nigeria courant par exemple à l’apprentissage en ligne ou et du Sénégal). Les universités virtuelles peuvent hybride. La seconde consiste à prendre en charge le contribuer à réduire les sureffectifs dans les univer- coût de la formation ou de l’éducation pour les étu- sités classiques. Compte tenu du caractère pratique diants les plus pauvres. de l’EFTP, certains prestataires ont commencé à in- tégrer des plateformes hybrides d’apprentissage (par Il faudrait que davantage d’établissements d’EFTP et exemple, la formation aux techniques de soudage in- d’enseignement supérieur dans les pays d’AOC tirent dustriel au Kenya [Encadré 6.7]). pleinement parti des possibilités offertes par les tech- nologies numériques dans le domaine de l’éducation. Un nombre croissant de cours en ligne de courte durée Les gouvernements des pays d’AOC peuvent tirer en- sont proposés par le secteur privé (IBM et Microsoft, seignements de la crise de COVID-19 et maximiser le par exemple) en partenariat avec des organismes de rendement sur les investissements croissants dans développement et des établissements d’enseigne- l’infrastructure numérique afin d’offrir aux jeunes et ment supérieur. Les gouvernements, en coordination aux adultes déjà sur le marché du travail, ainsi qu’aux avec le secteur privé et les partenaires au dévelop- jeunes inscrits dans l’EFTP et l’enseignement supé- pement, peuvent également étudier la possibilité de rieur, un large éventail de cours et de ressources en formation de masse (formation aux compétences ligne qui répondent directement aux besoins de com- numériques) des jeunes à l’aide de plateformes nu- pétences du marché du travail. Ces dernières années, mériques conviviales, tant au niveau national que le nombre d’inscriptions aux cours en ligne dans l’en- régional (par exemple, le programme Accélérateur seignement supérieur a augmenté à travers le monde d’emploi des jeunes Harambee en Afrique du Sud en raison de la flexibilité qu’ils offrent et du faible coût et le programme Codage pour l’emploi de la Banque pour les étudiants. Le format d’enseignement nu- africaine de développement). Ces opportunités d’ac- mérique dans l’enseignement supérieur varie entre quisition de compétences de masse constituent les programmes d’apprentissage hybride hébergés une offre de formation abordable pour les jeunes Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 155 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.7. Approches d’apprentissage hybride dans l’enseignement technique et la formation professionnelle et dans l’enseignement supérieur Compétences en soudure industrielle au Kenya. Les compétences en soudure industrielle, en particulier celles des communautés locales, sont susceptibles d’être très demandées en raison des projets d’infra- structure du gouvernement et des activités d’exploration pétrolière et gazière prévues et en cours dans les comtés de Turkana et Garissa au Kenya (y compris la construction d’un pipeline). C’est la raison pour laquelle les autorités du comté de Turkana, dans le nord du Kenya, en collaboration avec l’Association kenyane des fabricants et l’Institut de soudure d’Afrique de l’Est, ont proposé un programme de forma- tion de cinq mois en soudure industrielle aux jeunes des communautés de réfugiés et d’accueil. Une approche alternant théorie et pratique a été adoptée, 60 pour cent du cours étant consacré à la formation en entreprise et 40 pour cent à la formation en établissement. Le Ministère de la Santé a émis des consignes de sécurité par rapport à la reprise de l’enseignement technique et de la formation professionnelle (EFTP) en raison de la COVID-19. Les établissements d’enseignement ont ainsi réduit leurs effectifs pour accueillir les étudiants dans le respect des instruc- tions et le Ministère de l’Education a recommandé l’apprentissage en ligne comme panacée à la crise. Le système de gestion de l’apprentissage nouvellement développé a accueilli des cours essentiellement théoriques (compétences numériques, esprit d’entreprise, employabilité, sécurité et santé au travail). Des cours pratiques ont été dispensés à l’Institut. Les fonctionnalités technologiques comprenaient des cours en ligne via Zoom, des notes (texte, audio, vidéo), des exercices et des discussions/conversations en ligne (chat). Ces caractéristiques technologiques étaient compatibles avec les appareils mobiles tels que les smartphones et les tablettes, en complément des ordinateurs, pour permettre l’accès à distance au contenu. La technologie a été configurée de manière à fonctionner à la fois en ligne et hors ligne. Le contenu était mis à jour lorsque l’utilisateur était en ligne et restait accessible même lorsque ce dernier était hors ligne. Les enseignements tirés montrent que le succès de cette approche d’apprentissage hybride dépend fortement de la capacité du formateur à dispenser des cours numériques. De nombreuses formations sont nécessaires pour renforcer les capacités des formateurs. Tous les contenus ne peuvent pas être délivrés par voie numérique dans le cadre de l’EFTP, mais grâce à une formation pratique modelée sur la réalité (simulateurs de soudure), les étudiants peuvent mettre en pratique certaines compétences par voie numérique. Les technologies numériques permettent aux éducateurs de concevoir des opportunités d’apprentissage et donc de faire partie du processus d’apprentissage. Le choix du partenaire est essen- tiel. Les établissements privés ont tendance à être plus flexibles et à avoir la capacité de tirer parti des ressources, contrairement aux institutions publiques. Université africaine de développement au Niger. L’Université africaine de développement au Niger (https://ilimi.edu.ne/ ), qui a démarré ses activités en 2017, est une école de formation continue utilisant la technologie d’apprentissage virtuel comme principale modalité de prestation. (L’encadré continue à la page suivante) 156 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.7. Approches d’apprentissage hybride dans l’enseignement technique et la formation professionnelle et dans l’enseignement supérieur (suite) La version de l’apprentissage mixte de l’université comprend un enseignement en présentiel et syn- chrone. Tous les cours sont dispensés sur le campus dans une salle de classe, mais les étudiants ont également un accès en ligne depuis leur domicile. Les classes virtuelles sont enseignées par des profes- seurs à distance et soutenues par des professeurs associés nouvellement recrutés (également appelés assistants d’enseignement). Les assistants d’enseignement dirigent les activités en classe, surveillent les transmissions en direct (live streams), facilitent les examens et fournissent un appui scolaire tel que le tutorat et les sessions de rattrapage. Les cours en présentiel continuent de se dérouler normalement avec des professeurs à temps plein. Dans les deux formats de cours, les étudiants peuvent prendre part à des discussions et à des travaux de groupe avec leurs camarades de classe et interagir avec leurs professeurs et assistants d’enseignement. En raison de l’insuffisance des infrastructures Internet dans le pays, même les classes virtuelles sont enseignées sur le campus. Les problèmes d’infrastructure à l’échelle nationale ont conduit l’université à renforcer ses capacités Internet, à se doter d’un système de gestion de l’apprentissage et à restructurer le format de son programme d’études afin que les professeurs et les étudiants puissent tirer parti du proces- sus d’apprentissage. Ces efforts ont permis à l’université d’occuper une position unique pour dispenser un enseignement dans le pays, en dépit des limitations et des interruptions, étant donné que l’Internet tombe très souvent en panne ou devient extrêmement lente par intermittence. En tant que petite école et institution en pleine croissance disposant de peu de ressources, l’université a dû faire preuve d’ingéniosité. La création de cours interactifs a nécessité l’utilisation d’ordinateurs por- tables personnels, remis à neuf ou récupérés, ainsi que l’achat de caméras vidéo. Au niveau du campus, les cours interactifs ont nécessité d’accroitre la capacité Internet ainsi que du temps pour encourager et persuader les étudiants d’opter pour ce nouveau format. Le modèle de l’université exige une législation qui autorise l’engagement à temps partiel du personnel enseignant, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. Source : Organisation internationale du travail (2020). Note : EFTP = Enseignement technique et formation professionnelle. diplômés du second cycle du secondaire qui font d’enseignement supérieur doivent être informés de partie de la catégorie des NEET (jeunes non scola- l’essence de ces qualifications et des compétences risés, hors emploi et hors formation), qui occupent spécifiques associées aux différents certificats. Les des emplois vulnérables ou qui sont des réfugiés. Les qualifications cumulables sont encore émergentes cours en ligne peuvent aider les apprenants à obtenir, à l’échelle mondiale, mais pourraient apporter une à leur propre rythme, une série de certifications, de réelle transformation dans une région telle que badges et/ou diplômes numériques, appelés « qua- l’AOC. Les facteurs essentiels à la réussite du dé- lifications empilables  » ou «  micro-qualifications  » ploiement de l’éducation numérique comprennent dans un domaine particulier. Ils offrent une voie aux l’accès à l’électricité et à une connexion Internet personnes qui n’ont pas les moyens de suivre un pro- fiable à bon marché, l’accès aux appareils (ordina- gramme diplômant complet ou de s’engager dans un teurs portables, de bureau), les compétences numé- programme à plus long terme. Il est crucial d’avoir riques des formateurs et des apprenants, et la capa- un contrôle qualité adéquat pour régir ces qualifica- cité en pédagogie numérique des formateurs et du tions, et les employeurs ainsi que les établissements corps enseignant. Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 157 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.8. Le programme de prêt d’ordinateurs portables aux étudiants de l’Université virtuelle du Sénégal L’Université virtuelle du Sénégal a été créée avec l’appui de la Banque africaine de développement, de la Banque mondiale et d’autres bailleurs. Ses objectifs sont de (a) répondre à une demande croissante d’accès à l’enseignement supérieur ; (b) réduire les inégalités d’accès ; (c) s’intégrer dans le tissu social ; (d) déployer des formations en adéquation avec la demande du marché (emploi et auto-emploi) ; (e) agir comme vecteur des concepts liés à l’autonomie, à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication à des fins pédagogiques, aux capacités découlant la formation tout au long de la vie et aux capacités requises pour le travail collaboratif ; (f) concrétiser le concept de « formation pour tous » ; (g) accélérer le développement numérique du territoire ; et (h) renforcer la position du pays dans l’économie de la connaissance. L’université dispose d’espaces numériques ouverts dans différentes localités (y compris en zone ru- rale) où les étudiants peuvent se rassembler pour effectuer des travaux de groupe ou d’autres projets. Ces espaces permettent également aux étudiants de recevoir un appui à travers une orientation profes- sionnelle et de développer un sentiment d’appartenance. En outre, l’université offre des opportunités de service communautaire : les étudiants peuvent soumettre des propositions pour des subventions oc- troyées par voie de concours, mettre en œuvre des projets communautaires identifiés par le corps ensei- gnant et collaborer à des activités dirigées par le personnel. Dans le cadre de son programme de prêts aux étudiants, le gouvernement s’est associé à une banque commerciale du Sénégal. Le gouvernement a supprimé les taxes sur les ordinateurs portables pour en réduire le coût que les étudiants doivent payer à environ 10 pour cent du coût réel. En outre, le gouver- nement se porte garant pour les étudiants, ce qui accroît la confiance de la banque. Source : Fatou et al. (2019). par exemple le programme de prêts aux étudiants et 6.4.3. Cibler l’aide financière aux de bourses d’études du Rwanda, géré par la Banque étudiants en fonction du mérite et des de développement du Rwanda (2019), et le Fonds besoins fiduciaire pour l’éducation du Ghana, qui consacre une part de la taxe sur la valeur ajoutée à l’octroi de Pour élargir l’accès aux compétences et à l’enseigne- bourses à des étudiants doués mais financièrement ment supérieur, il est nécessaire de diversifier les op- démunis. Ces mécanismes se sont montrés être tions de financement des étudiants afin de soutenir les des moyens efficaces d’accroître l’accès pour les jeunes marginalisés et vulnérables. Pour les étudiants jeunes issus de familles défavorisées. Certains pays suivants des programmes d’EFTP pré-supérieurs, en – la Malaisie et le Mexique, par exemple – ont im- particulier les jeunes issus de ménages défavorisés, posé une proportion minimale de 5 à 10 pour cent des options telles que les bons d’études, les alloca- d’étudiants à faible revenu auxquels les prestataires tions (comme le Programme de bourses d’études privés doivent accorder un appui financier intégral. du Fonds de développement des compétences de la Pour les étudiants les plus pauvres, les programmes Tanzanie) et les programmes de formation gratuits de formation en ligne peuvent encore s’avérer coû- constituent des moyens de faciliter l’accès à l’éduca- teux. L’accès aux appareils numériques et à une tion et à la formation pour les jeunes issus de familles connexion Internet fiable et le coût de l’ensemble de défavorisées. Au niveau de l’enseignement supérieur, la formation peuvent être onéreux, ce qui fait qu’une certains programmes proposent des prêts à faible une aide financière reste nécessaire pour couvrir les taux d’intérêt et des bourses d’études ciblées. Citons frais d’inscription. Parmi les approches abordables 158 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous de l’éducation numérique, citons les négociations doivent être proactifs pour faciliter et encourager les avec les sociétés de télécommunications pour obte- collaborations productives. Il est particulièrement im- nir des prix préférentiels (taux zéro) pour l’accès aux portant d’impliquer les employeurs et les organisations ressources éducatives. La mise en œuvre de modèles professionnelles leaders du secteur (tels que les asso- innovants pour l’achat d’appareils et d’autres techno- ciations nationales d’ingénieurs professionnels) dans logies numériques pour les étudiants peut également la mesure où ces employeurs apportent avec eux des s’avérer utile, tels que le programme d’achat d’ordi- normes de qualité (en termes de produits et de ser- nateurs portables pour les étudiants soutenu par le vices) et ont une influence sur l’ensemble de leur sec- projet d’enseignement supérieur du Sénégal et les teur, par exemple, à travers leurs réseaux de clients, de accords/contrats cadres du projet d’enseignement fournisseurs et de sous-traitants (Banque de dévelop- supérieur du Burkina Faso (Encadré 6.8). Les méca- pement du Rwanda 2019). 59 La « persuasion morale » nismes offrant un appui financier aux jeunes issus de des hauts fonctionnaires, associée à de fortes incita- familles moins privilégiées présentent un grand po- tions d’ordre financier et autres, peut contribuer à dé- tentiel dans les pays d’AOC. Cependant, leur succès clencher des interactions susceptibles de se propager repose sur une gestion rigoureuse et un niveau élevé à l’ensemble du système d’EFTP et d’enseignement de transparence. supérieur, fournissant des modèles et des exemples pour renforcer la qualité et la pertinence d’un nombre croissant de programmes de formation. 60 6.4.4. Gérer la qualité et la pertinence des programmes d’EFTP et Les interactions entre les prestataires de services de d’enseignement supérieur formation et les employeurs profitent aux deux par- ties de multiples façons. Plus important encore, ces La troisième série d’interventions vise à améliorer interactions permettent de garantir que les étudiants la qualité et la pertinence des programmes d’EFTP acquièrent des compétences pertinentes pour le et d’enseignement supérieur. En ce qui concerne marché. Le personnel universitaire, les formateurs et les interventions visant à améliorer la qualité et la les étudiants peuvent être placés dans les entreprises pertinence des programmes, la Stratégie régionale par le biais de stages et d’accords d’apprentissage d’éducation prévoit trois interventions qui sont par- formels ; les experts de l’industrie peuvent siéger au ticulièrement pertinentes pour les systèmes d’EFTP sein des conseils d’administration des établissements et d’enseignement supérieur naissants de la région d’enseignement supérieur et des comités de concep- : (a) raffermir les liens entre les prestataires de ser- tion des programmes d’études ; les établissements de vices et les employeurs ; (b) accroître l’accès aux formation peuvent fournir des services de conseil sur technologies numériques pour les innovations dans le prototypage et le développement de produits pour l’enseignement, l’apprentissage et la recherche ; et les partenaires de l’industrie ; et des projets conjoints (c) investir dans la recherche et le développement en de recherche appliquée peuvent être entrepris pour capitalisant les approches régionales. résoudre les problèmes qui nuisent à la productivité et aux profits des entreprises. Les experts de l’indus- trie peuvent dispenser des cours en tant que confé- 6.4.5. Raffermir les liens entre les renciers ou travailler à temps partiel dans les centres prestataires de services et les employeurs de formation. Par exemple, un rôle d’ « entrepreneur en résidence » peut être créé afin de pouvoir recru- Étant donné que le travail des prestataires de services ter des entrepreneurs chevronnés qui enseigneront et des employeurs les amène rarement à entrer en des modules sur l’entrepreneuriat. Ces modules sur contact les uns avec les autres, et encore moins à avoir l’entrepreneuriat, complétés par des cours intégrant des interactions durables, les prestataires de formation des compétences transversales visant à renforcer la 59 En Corée, le gouvernement a créé le modèle BRIDGE qui relie le consortium de petites et moyennes entreprises du pays à Samsung et à d’autres grands conglomé- rats (Almeida et Cho 2012). 60 O’Hare (2008) décrit le rôle des centres technologiques régionaux, de l’Institut de technologie de Dublin et des Instituts nationaux d’enseignement supérieur dans la réalisation de ce résultat en Irlande. Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 159 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous résilience et à développer chez les étudiants des apti- supérieur peuvent soutenir ces activités en créant tudes de résolution de problèmes complexes, de lea- des centres de carrière spécialisés. En Tunisie, par dership, de travail d’équipe et de créativité, seront im- exemple, tous les instituts d’EFTP et les universités ont portants pour assurer la réussite des diplômés dans récemment mis en place, avec l’appui de la Banque une économie essentiellement informelle avec peu mondiale, des centres 4C ou Centres de carrières et de ressources. L’apprentissage hybride (modèle alle- de certification des compétences. Ces centres accom- mand), qui est le modèle d’EFTP prédominant dans plissent plusieurs missions : relations avec les entre- de nombreux pays européens, combine un appren- prises pour trouver des opportunités de stage pour les tissage structuré en entreprise, basé sur un contrat étudiants, enquêtes rétrospectives régulières, organi- d’apprentissage formel, et un apprentissage struc- sation de salons de l’emploi et d’ateliers pour former turé hors entreprise dans un établissement d’EFTP. les étudiants aux compétences liées à l’emploi.61 Par- Dans la plupart des cas, les apprentissages durent mi les initiatives qui illustrent l’aboutissement des ef- plusieurs années. À l’exception de l’Afrique du Sud, forts déployés pour établir des liens plus étroits entre de la Côte d’Ivoire, du Malawi et de l’île Maurice, les les prestataires de services et les employeurs, on peut programmes d’apprentissage formels ne sont pas très citer Sèmè City au Bénin, Educate! au Kenya, en Ou- courants en Afrique subsaharienne. Cependant, la ganda et au Rwanda, Giraffe en Afrique du Sud, « Learn plupart des programmes formels d’EFTP comportent and Earn » en Inde et Najja7ni en Tunisie. Toutes ces une période de mise en situation en milieu profession- initiatives visent à améliorer l’apprentissage et l’em- nel par le biais d’un stage, généralement à la fin du ployabilité des jeunes marginalisés (Encadré 6.9). programme. En outre, il existe des moyens éprouvés de faciliter la période de transition entre la formation et l’emploi pour les étudiants et les apprenants. Les 6.4.6. Élargir l’accès à des technologies jeunes qui sont prêts à entrer sur le marché du travail, numériques abordables dans les les fournisseurs de compétences et les employeurs domaines de l’enseignement, de peuvent être reliés les autres avec les autres par le l’apprentissage et de la recherche biais des plateformes de recrutement numériques qui relient les jeunes aux formations, aux services L’élargissement de l’accès aux technologies numé- d’orientation professionnelle et aux emplois, et qui riques peut améliorer l’apprentissage, la recherche et aident les employeurs à réduire les coûts et le temps l’innovation pédagogique, ce qui permettrait de mo- nécessaires pour trouver, former et embaucher du derniser et de renforcer la pertinence et la qualité de personnel compétent. Pour les demandeurs d’emploi, l’EFTP et de l’enseignement supérieur. L’association une formation formelle de courte durée sur le tas peut des technologies numériques à des approches pé- fournir l’expérience pratique supplémentaire néces- dagogiques innovantes peut améliorer la qualité et la saire pour obtenir un emploi. L’expérience du Rwan- pertinence des programmes d’éducation et de forma- da indique que pour la plupart des professions, ces tion. L’université d’Ashesi au Ghana (Encadré 6.10) et programmes devraient avoir une durée d’au moins six l’Université africaine de développement au Niger, par mois, souvent plus, afin que le stagiaire puisse acqué- exemple, ont mis en place des programmes d’études rir le niveau de compétences nécessaire qui lui per- bien équilibrés ayant permis à leurs diplômés d’obte- mettra d’obtenir un emploi rémunéré. nir de bons résultats, grâce à des cours techniques de bonne qualité et à la volonté de faire en sorte que les Par rapport à d’autres régions, le secteur privé des pays étudiants acquièrent les compétences techniques d’AOC est plus petit et moins organisé, et les établisse- et du 21e siècle nécessaires aux économies numé- ments d’EFTP et d’enseignement supérieur sont plus riques et vertes. Plusieurs approches novatrices clés faibles ; par conséquent, la mise en place d’une culture peuvent être envisagées. La première consiste à dé- forte de modèles employeurs-fournisseurs de compé- velopper des programmes d’études modernisés et tences est devenue de plus en plus pertinente dans ces des installations connexes (notamment pour réfor- pays. Les établissements d’EFTP et d’enseignement mer les programmes d’informatique et d’ingénierie), 61 Ces compétences liées à l’emploi comprennent la communication, la préparation de CV, les compétences numériques et l’esprit d’entreprise. 160 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.9. Exemples d’initiatives et de programmes de qualification des jeunes novateurs en phase avec les besoins de l’industrie Educate ! L’initiative Educate ! utilise un modèle évolutif de collaboration étroite avec les gouvernements, les écoles et les jeunes pour mettre en œuvre ses programmes (https://www.experienceeducate.org/). L’initiative fonctionne de trois manières. En premier lieu, elle travaille avec les gouvernements sur l’adop- tion, au niveau des systèmes, de solutions d’éducation et d’emploi basées sur les compétences. En tant que plus grand fournisseur de compétences pour les jeunes en Afrique de l’Est, l’initiative a travaillé avec les gouvernements et les écoles du Kenya, du Rwanda et de l’Ouganda pour intégrer les composantes essentielles dans les programmes scolaires nationaux. En second lieu, elle s’engage également dans un partenariat avec les écoles pour soutenir la formation aux compétences transférables et à l’entrepreneur- iat dans les écoles. En troisième lieu, l’initiative propose des formations intensives sur des compétences spécifiques à un secteur ou à un groupe déterminé aux jeunes non scolarisés (ceux qui ne peuvent pas accéder à l’école secondaire). Educate ! aide les jeunes à acquérir des compétences transférables telles que la pensée critique, la créa- tivité et la communication, ainsi que des compétences entrepreneuriales. Selon l’Initiative, les formations qu’elle dispense ont permis d’améliorer les compétences transversales, d’augmenter le taux d’achève- ment du secondaire (augmentation de 25 pour cent des inscriptions à l’université pour les jeunes femmes), d’accroître le nombre de jeunes choisissant des filières STIM et commerciales, de retarder la fécondité (21 pour cent de probabilité en moins d’avoir un enfant), de réduire les comportements à risque et de diminuer la violence entre partenaires intimes. Les résultats d’une évaluation couvrant la période 2015-2017, menée vers la fin des études secondaires des participants, ont montré que les participants (a) réalisent une augmentation de revenu de 95 pour cent (244 pour cent pour les filles), par rapport à un groupe de comparaison ; (b) avaient 50 pour cent (113 pour cent pour les filles) de chance de plus d’être employés, par rapport à une base de 17 pour cent ; et (c) avaient 44 pour cent (91 pour cent pour les filles) de chance de plus de posséder une entreprise. La vision de l’Initiative pour 2024 est d’avoir un impact mesurable sur 1 million d’étudiants et d’atteindre plus largement 4 millions d’étudiants à travers l’Afrique chaque année. À long terme, Educate ! vise à intégrer pleinement son modèle d’éducation basé sur les compétences dans les systèmes éducatifs nationaux sur l’ensemble du continent africain. L’initia- tive peut atteindre un grand nombre de jeunes à faible coût parce que son modèle utilise les infrastruc- tures d’éducation innovantes pour fournir, gérer et contrôler les résultats. L’initiative investit également dans des évaluations rigoureuses. Sèmè City. Sèmè City est la ville internationale de l’innovation et du savoir du Bénin (https://www.seme- city.bj/en/). Elle vise à former les jeunes aux emplois de demain par le biais de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de l’apprentissage tout au long de la vie, à garantir la production de résultats de recherche scientifique selon l’impact visé, et à soutenir les entrepreneurs à fort potentiel de croissance au Bénin. Sèmè City est déjà opérationnel à Cotonou. Ses premiers programmes ont été développés avec des partenaires internationaux de premier plan et s’appuient sur l’enseignement entre pairs (coachs, pas d’enseignants), l’apprentissage par projet, les projets concrets et pratiques, et une approche de la ré- flexion sur le design dans ses écoles de codage et de conception. L’un de ses principaux attraits est sa capacité à associer les établissements universitaires, les laboratoires de recherche ainsi qu’un nouvel incubateur d’entreprises qui a déjà soutenu plus de 1 000 start-ups. (L’encadré continue à la page suivante) Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 161 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.9. Exemples d’initiatives et de programmes de qualification des jeunes novateurs en phase avec les besoins de l’industrie (suite) Le site principal de Sèmè City est en cours d’implantation sur 336 hectares dans la zone périurbaine de Ouidah. Cette écocité intelligente offrira aux étudiants, chercheurs et entrepreneurs un environnement stimulant et unique grâce à l’utilisation de solutions innovantes en matière d’énergies renouvelables, d’écoconstruction, de mobilité, de gestion des déchets, d’économie circulaire et d’agriculture urbaine. L’objectif est de positionner Ouidah comme l’un des premiers « laboratoires vivants » d’Afrique de l’Ouest qui expérimente des solutions innovantes, assure la création d’emplois et le transfert de compétences, et met les données et la technologie au service de la ville. Sèmè City a été créée avec l’appui financier de plusieurs partenaires, notamment la Banque mondiale et de l’Agence française de développement. soutenus par une pédagogie innovante et des évalua- permettent de mettre en place des systèmes d’infor- tions centrées sur l’étudiant. Cette approche implique mation de gestion plus efficaces basés sur les don- la promotion de la pensée critique et des compé- nées sur les étudiants, les formateurs/professeurs et tences de leadership, la facilitation de la collabora- le personnel, et de mener des enquêtes rétrospectives tion, l’encouragement de la résolution de problèmes utiles sur les sortants. Les décideurs politiques, les complexes et l’intégration de technologies avancées ; dirigeants des établissements d’EFTP et d’enseigne- elle peut ainsi rendre l’apprentissage et la recherche ment supérieur et les étudiants ont besoin de ces don- plus stimulants, plus engageants, plus pratiques et nées pour comprendre la qualité et la pertinence des plus efficaces. La deuxième approche implique des programmes proposés aux étudiants. L’évaluation de applications d’apprentissage adaptatif assisté par ces données constitue la première étape pour cerner ordinateur pour la formation de rattrapage afin de les domaines où une amélioration de la performance suivre les étudiants peu performants et d’améliorer la est nécessaire. Par exemple, les taux d’inscription qualité du vivier d’étudiants. La troisième approche et d’obtention de diplômes des étudiants dans les utilise les micro-qualifications et d’autres ressources différents programmes aideront à déterminer si les numériques pour combler les lacunes créées par le établissements ont un bon équilibre entre le nombre manque d’instructeurs/professeurs qualifiés. La qua- d’inscrits dans les filières STIM et ceux dans les filières trième approche vise à intégrer des simulations, des autres que STIM. Les enquêtes rétrospectives sur les laboratoires virtuels et autres outils numériques (tels sortants peuvent également fournir des informations que la réalité virtuelle dans la formation médicale et précieuses sur l’employabilité des sortants et per- dans d’autres domaines), l’informatique dématéria- mettre d’obtenir un retour d’information des anciens lisée, l’intelligence artificielle et l’apprentissage ar- élèves sur la manière d’améliorer l’offre d’éducation. tificiel. Cette approche permet un enseignement et une recherche de haute qualité, notamment dans les Ces interventions axées sur la technologie doivent filières STIM, même en temps de restrictions budgé- être inclusives, évolutives et durables, et viser à taires. L’utilisation de ces technologies numériques réduire la fracture numérique. Pour faciliter cette permet de renforcer les compétences numériques transformation numérique, en particulier dans le tant des instructeurs que des étudiants. secteur public, il faudra investir davantage dans le matériel et le renforcement des capacités, ce Les technologies numériques peuvent jouer un rôle que certains gouvernements de la région de l’AOC essentiel en aidant les prestataires de services et les commencent à faire. Plus précisément, ces inves- gouvernements à évaluer régulièrement la perfor- tissements impliqueront (a) que les gouvernements mance des établissements grâce à la collecte et les et les prestataires de services travaillent en étroite diverses analyses de données institutionnelles. Elles collaboration avec le secteur privé pour fournir des 162 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.10. L’éducation innovante à l’université d’Ashesi (Ghana) L’université d’Ashesi (Ghana), outre ses cours techniques magistraux, a reçu une reconnaissance in- ternationale pour son programme multidisciplinaire innovant visant à développer la pensée critique, les compétences en matière de leadership, le raisonnement éthique et les aptitudes à communiquer efficacement (https://www.ashesi.edu.gh/). Depuis la remise des diplômes à sa première promotion de 30 étudiants en 2002, ce jeune établissement privé à but non lucratif a atteint un effectif total d’environ 1 300 étudiants. L’université d’Ashesi a été l’un des premiers établissements d’enseignement supérieur africains à combiner les arts et les sciences libéraux avec des spécialisations professionnelles, dans le but de former des leaders entrepreneuriaux dotés d’un fort engagement éthique. En 2017, le Sommet mondial de l’innovation dans l’éducation (WISE) de la Fondation du Qatar a décerné au fondateur d’Ashe- si, Patrick Awuah, le Prix WISE pour l’éducation en reconnaissance du programme d’études innovant d’Ashesi qui permet à la jeunesse africaine de s’épanouir. Au cœur de l’expérience d’Ashesi se trouve un programme d’études interdisciplinaire qui met un accent particulier sur l’apprentissage par l’expérience et une culture de campus centrée sur les comportements éthiques, le leadership et la durabilité. appareils et l’accès à l’Internet aux étudiants et aux fiables. Les institutions ne disposent pas de lignes enseignants/formateurs par le biais de programmes budgétaires appropriées pour financer la connecti- durables et abordables et (b) que l’accès à ces vité, les laboratoires informatiques, etc. L’élimination technologies s’accompagne d’un renforcement de ces obstacles peut permettre les innovations et les des capacités des étudiants, des enseignants et du collaborations dans l’enseignement, l’apprentissage personnel dans l’utilisation des technologies. Au et la recherche. Bien qu’encore à l’état embryon- Sénégal, le gouvernement fournit aux étudiants de naire, les réseaux nationaux de recherche et d’édu- l’enseignement supérieur public un accès gratuit à cation jouent un rôle essentiel dans les systèmes l’Internet sur le campus et un accès à 5 giga-oc- d’EFTP et d’enseignement supérieur formels dans tets de données par mois à l’extérieur du campus, les pays d’AOC. Ces réseaux relient les étudiants et ce qui est possible grâce à un accord entre le Mi- les professeurs à un écosystème vaste et dynamique nistère de l’Enseignement supérieur et SONATEL, d’informations, de ressources d’apprentissage et de le principal opérateur de télécommunications du résultats de recherche provenant des quatre coins pays (Bashir 2020). du monde. Les réseaux servent d’entités garantissant à leurs membres l’accès à des connexions à large Les réseaux de recherche et d’éducation peuvent être bande plus sûres et à des prix plus raisonnables, ainsi de puissants instruments de partage d’expérience qu’à d’autres services et plateformes de technologie et de mutualisation des ressources de recherche et numérique (systèmes de gestion de l’apprentissage, de TIC. Dans plusieurs pays du monde, les réseaux courrier électronique sécurisé, réseaux privés vir- nationaux de recherche et d’éducation ont augmen- tuels, services de vidéoconférence, etc.). Les réseaux té leur appui aux établissements d’enseignement (y peuvent également accueillir des systèmes informa- compris les écoles) en matière de TIC et ont servi de tiques à haut rendement en appui à la recherche, qui canaux essentiels pour la collaboration et le partage exigent une capacité de traitement des données à des ressources numériques. Cependant, le peu de haut débit et d’exécution de calculs complexes (par réseaux de ce type qui existent dans les pays d’AOC exemple, dans les domaines de la bio-informatique, peinent à fonctionner en raison du manque de fi- du séquençage génomique et de la modélisation du nancement, du coût du haut débit et du manque de changement climatique). La mise en œuvre de mo- capacités techniques. Peu de systèmes d’EFTP et dèles de financement viables et la fourniture d’un d’enseignement supérieur dans la région sont reliés appui technique pour renforcer les réseaux sont une à des réseaux nationaux de recherche et d’éducation nécessité. Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 163 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Tableau 6.1. Technologies numériques dans le domaine de l’enseignement, de l’apprentissage, de la recherche et de la gestion Types de technologie Enseignement & Recherche Gestion Apprentissage académique Technologie de Ordinateurs / Internet / RNRE ✓ ✓ ✓ la connectivité Connexion à distance aux laboratoires numériques ✓ ✓ Technologies Téléphones cellulaires et applications mobiles ✓ ✓ numériques Drones pour la télédétection ✓ individuelles Imagerie par satellite ✓ Chaine de blocs pour sécuriser les micro-qualifications et les ✓ diplômes Impression 3D, AR/VR ✓ ✓ Contenu éducatif en ligne ✓ ✓ Outils d’IA et de ML ✓ ✓ Plateformes Système de gestion de l’apprentissage/Portails éducatifs en ✓ ✓ numériques ligne avec ressources d’apprentissage (y compris MOOC, micro-qualifications) Système d’information sur le marché du travail ✓ ✓ Plateformes de compétences et d’emploi conviviales et ✓ multi-appareil Systèmes d’information de gestion basés sur les TIC pour ✓ l’éducation Technologies Apprentissage personnalisé et adaptatif piloté par l’IA ✓ ✓ convergentes62 Big data pour le retour d’évaluation formative ✓ Analyse prédictive pour l’identification des élèves à risque ✓ ✓ Analyse des big data et télédétection ✓ Source : Document de travail sur les Compétences et l’enseignement supérieur pour la Stratégie d’éducation de l’AOC (adapté de la Banque mondiale [2021f]). Notes : IA = intelligence artificielle ; AR = réalité augmentée ; TIC = technologies de l’information et de la communication ; AA = apprentissage artificiel ; MOOC = cours en ligne ouverts et massifs ; RNRE = réseaux nationaux de recherche et d’éducation ; RV = réalité virtuelle. 6.4.7. Investir dans la recherche et le pour les pays d’AOC. Les économies de la région développement en tirant parti des sont petites, fragmentées et souvent cloisonnées. approches régionales Six des 22 pays d’AOC (dont quatre de la région du Sahel) sont enclavés ou isolés par les mers. Les do- Bien que la région soit confrontée à de nombreux tations en ressources naturelles et le capital humain défis en ce qui concerne les jeunes et les adultes varient considérablement d’un pays à l’autre. En sans emploi, non qualifiés et vulnérables, elle doit même temps, les pays sont confrontés à des défis en même temps accorder une attention suffisante communs tels que les problèmes liés au change- à la recherche et au développement dans le cadre ment climatique, à l’énergie, à l’eau, à la sécurité ali- de l’agenda de l’enseignement supérieur. C’est ainsi mentaire, aux maladies infectieuses et bien d’autres qu’elle pourra développer des solutions innovantes déjà énumérés dans cette stratégie. L’intégration et locales en réponse aux nombreux défis écono- la collaboration régionales sont donc une bouée de miques, sociaux et environnementaux urgents de la sauvetage vitale pour la région de l’AOC. Les pays région et améliorer sa compétitivité mondiale. Ce- d’AOC peuvent s’appuyer sur les approches régio- pendant, les investissements dans la recherche et nales pour partager et consolider les ressources le développement et la formation de compétences dans la conduite de la recherche et dans la forma- hautement spécialisées peuvent s’avérer coûteux tion de la prochaine génération de chercheurs et 62 Les technologies convergentes sont la combinaison synergique de quatre groupes de technologies : les technologies de l’information, les biotechnologies, les nano- technologies et les technologies cognitives (Banque mondiale 2021a). 164 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous de professeurs de qualité dans des compétences la transformation numérique de la région. Le projet hautement spécialisées. Les approches régionales CEA, financé conjointement par la Banque mondiale offrent la possibilité de mettre à profit l’avantage et l’Agence française de développement, grâce au- compétitif de chaque pays, de bénéficier de l’ap- quel des réseaux régionaux multidisciplinaires ont prentissage entre les pairs et de tirer parti des écono- été établis, vise essentiellement le même objectif. mies d’échelle en facilitant efficacement la mobilité Compte tenu des pénuries de personnel enseignant transfrontalière des connaissances, des données, qualifié, l’enseignement supérieur dans la région de des étudiants, des chercheurs et des enseignants. l’AOC bénéficierait de la création de davantage de ré- Les gouvernements des pays d’AOC peuvent attirer seaux régionaux de cette nature. les ressources et mettre l’accent sur des domaines de recherche prioritaires tels que le changement cli- matique, les TIC, la santé, les énergies renouvelables 6.5. Encourager la prestation de et l’agriculture durable, en s’appuyant sur la mise services pérenne en œuvre du projet CEA appuyé par la Banque mon- diale63 (Encadré 6.11) et le Fonds régional d’études et d’innovation (dans le cadre du Partenariat pour La quatrième et dernière série d’interventions met les compétences en sciences appliquées, ingénierie l’accent sur la promotion d’une prestation de services et technologie (PASET)). Dans le cadre du dévelop- pérenne. Compte tenu des contraintes budgétaires pement de programmes à moyen et long termes, les majeures qui persistent dans toute la région, il est es- gouvernements d’AOC doivent également prévoir sentiel d’assurer une prestation de services pérenne des mesures visant à mettre en place des systèmes des programmes d’EFTP, d’enseignement supérieur d’innovation nationaux efficaces. et de développement de la main-d’œuvre existante, en particulier dans le secteur public. L’EFTP non su- Les réseaux thématiques de chercheurs, où la col- périeur et l’éducation et la formation non formelles, laboration peut prendre la forme d’activités de re- y compris les programmes d’apprentis, ont tradition- cherche conjointes et de programmes de formation nellement attiré le moins de dépenses publiques. De et d’éducation conjoints, offrent des possibilités de ce fait, une réévaluation et une éventuelle augmen- partager le peu de ressources de manière efficace. tation des allocations s’imposent. Pour l’EFTP supé- Le Partenariat pour un apprentissage hybride amé- rieur, l’enseignement supérieur et la main-d’œuvre lioré est un exemple de réseau régional d’éducation existante, la promotion d’une prestation de services existant. L’objectif principal de ce partenariat est de pérenne nécessitera des mesures visant à mobiliser remédier aux pénuries de personnel. Aujourd’hui, le davantage de ressources et gérer le coût de la pres- partenariat est composé d’universités et de parte- tation de services. naires techniques basés au Royaume-Uni, au Cana- da et dans plus de 20 pays africains. L’initiative est soutenue par le Bureau des Affaires étrangères, du 6.5.1. Diversifier les sources de Commonwealth, et du Développement (FCDO) du financement Royaume-Uni. Les membres en Afrique de l’Ouest comprennent six universités au Nigeria et six au Le développement et le maintien de systèmes de quali- Ghana. Un autre exemple est le Centre régional d’ex- fication et d’enseignement supérieur de haute qualité cellence pour les TIC en Afrique de l’Est, financé par nécessitent des investissements substantiels. Aucun le gouvernement allemand.64 Ce centre sert de pôle pays de la région de l’AOC ne dispose des ressources d’innovation régional et aide les universités d’Afrique financières nécessaires pour assumer cette respon- de l’Est à fournir des compétences techniques ré- sabilité à lui seul. Des mécanismes de financement pondant aux besoins des acteurs du secteur privé, du novateurs, intégrant des partenariats avec le secteur secteur public et de la société civile dans le cadre de privé, sont nécessaires. L’approche de mobilisation 63 Dans la région de l’AOC, le projet de CEA a soutenu le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Niger, le Nigeria, le Sénégal et le Togo 64 www.giz.de/en/worldwide/80869.html Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 165 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.11. Un exemple d’intervention régionale : Les Centres d’excellence africains Le projet des Centres d’excellence de l’enseignement supérieur en Afrique (CEA). L’Afrique de l’Ouest et centrale (AOC) a été la première région à lancer le très innovant projet CEA, projet phare de l’enseigne- ment supérieur en 2014. Le projet CEA s’est depuis étendu à travers une série de trois programmes (CEA I et CEA Impact dans les pays d’AOC et CEA II en Afrique de l’Est et australe). Il a soutenu plus de 70 centres dans plus de 50 universités répartis dans 20 pays (dont 11 pays d’AOC) de l’Afrique sub-saharienne. Au total, la Banque mondiale et l’Agence française de développement ont soutenu les gouvernements d’Af- rique subsaharienne à hauteur de 587 millions USD et 72 millions USD, respectivement. Le programme CEA vise à développer l’économie du savoir en Afrique, à former une main-d’œuvre hautement qualifiée et à améliorer les capacités de recherche appliquée dans des domaines thématiques clés tels que les STIM (par exemple, l’énergie, les mines, l’eau et les technologies de l’information et de la communica- tion [TIC]), les transports, l’éducation, l’environnement (changement climatique), la santé et l’agriculture. Tous ces domaines font partie de secteurs clés pour le développement de l’Afrique. En janvier 2021, les centres, tous domaines confondus, ont enregistré près de 60 000 inscriptions (~20 000 au niveau master, ~5 400 au niveau doctorat et le reste dans des formations professionnelles à cycle court). Ils ont établi 73 programmes accrédités au niveau international, ont été à l’origine de plus de 7 000 publications de re- cherche et ont généré plus de 140 millions USD de revenus externes. Les centres ont été à l’avant-garde de la riposte aux crises de l’Ebola et de la COVID-19 dans la région de l’AOC en termes de séquençage génomique, de tests et de dépistages de masse, de campagnes de santé publique, de fourniture de don- nées pour l’élaboration de politiques de santé publique aux niveaux national et régional, et de production d’équipements de protection individuelle (par exemple en utilisant l’impression 3D) et de dispositifs de lavage/hygiène des mains. Les principaux enseignements tirés du programme sont les suivants : ■ Le financement basé sur les résultats s’est avéré être un outil efficace pour encourager le changement de comportement lié aux objectifs clés de l’enseignement supérieur. ■ L’appropriation et la collaboration aux niveaux institutionnel et national, ainsi qu’un leadership fort des centres, sont des facteurs clés qui déterminent la capacité des centres à réaliser leurs objectifs. ■ Les liens avec le secteur privé sont essentiels au transfert de connaissances et à l’intégration des di- plômés du centre dans leurs secteurs. ■ Les plateformes régionales favorisent le partage des connaissances, ce qui garantit un apprentissage régulier entre les pairs ainsi qu’une mobilité et des partenariats transfrontaliers. ■ Les réseaux régionaux entre les différents centres créent une connaissance collective des défis ré- gionaux et des solutions qui conduisent à des collaborations durables au-delà de la durée du projet. Douze réseaux thématiques régionaux ont été établis par les centres de la région de l’AOC et leurs partenaires. ■ La collecte centralisée de données numériques permet un processus complet et plus efficace d’éva- luation des résultats et améliore la qualité des données provenant de centres multiples. ■ Les investissements dans les infrastructures et la pédagogie de l’enseignement numérique sont essen- tiels pour progresser vers les objectifs d’accès, d’enseignement, d’apprentissage et de recherche dans les établissements d’enseignement supérieur. (L’encadré continue à la page suivante) 166 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.11. Un exemple d’intervention régionale : Les Centres d’excellence africains (suite) Le programme CEA Impact (centres dans la région de l’AOC) et les réseaux thématiques régionaux. Au début du projet CEA Impact en 2019, l’Agence française de développement s’est engagée à sou- tenir, avec une subvention de 6 millions EUR, quatre réseaux thématiques régionaux dans le cadre du projet, par le biais d’une initiative appelée CEA PARTNER. Les réseaux, qui sont formés par un ensemble de centres, étaient axés sur la santé, l’eau, les TIC et l’exploitation minière durable. Chaque réseau a son coordinateur désigné, qui siège au centre principal. En date de janvier 2022, les réseaux ont soutenu 38 boursiers, financé 44 programmes de recherche et de développement (pour la mobilité et les publications de recherche conjointes) et organisé 10 ateliers thématiques (dont deux ateliers de formation intensive pour les réseaux TIC et mines). Les membres ont participé à 10 ateliers de recherche internationaux. Huit start-ups ont été incubées via le programme d’incubation 100 pour cent numérique de l’Institut français de développement/Kedge Business School pour le projet CEA. Des cours en ligne ouverts et massifs ont été créés pour la formation et 2,6 millions EUR ont été mo- bilisés auprès des partenaires (principalement par le réseau santé pour la COVID-19). Les réseaux ont également mobilisé plusieurs partenaires (Atos, Conseil mondial de l’eau, SEN’EAU et Fondation Rockefeller, entre autres). Au plus fort de la crise de la COVID-19, CEA Impact a étudié davantage les opportunités de col- laboration entre les centres à travers les différentes disciplines, la mobilité des professeurs et des étudiants, les partenariats régionaux et internationaux, les demandes conjointes de subventions et le développement de cours en ligne. Ainsi, en 2021, CEA Impact a sélectionné par voie de concours huit réseaux thématiques multidisciplinaires. Chaque réseau sélectionné a reçu une subvention de démarrage de près de 100 000 USD provenant de la subvention régionale de la Banque mondiale, gérée par l’unité de facilitation régionale du projet (l’unité est hébergée par l’Association des univer- sités africaines). Les huit réseaux sont axés sur l’ingénierie durable, le transport et la logistique, les déchets marins, l’énergie, la sécurité alimentaire, l’éducation numérique et la santé de la reproduction, de la mère et de l’enfant. Notes : CEA = Centres d’excellence de l’enseignement supérieur en Afrique ; AOC = Afrique de l’Ouest et centrale ; WANIDA = Réseau ouest africain des centres d’excellence africains (CEA) sur les maladies infectieuses. durable des ressources doit incorporer la génération internationales octroyées par voie de concours. de revenus par le biais de dons philanthropiques, la L’expérience montre que les incitations financières recherche contractuelle, les services de conseil, la renforcent la volonté d’un secteur à s’engager dans formation continue, éventuellement sous la forme le développement des compétences, au-delà de ses de cours professionnels à cycle court adaptés aux propres besoins internes immédiats. Le cofinance- besoins des clients privés, des organisations non ment de programmes par les entreprises et les gou- gouvernementales et du secteur public, et le relè- vernements est un autre moyen courant d’accroître vement des frais de scolarité pour ceux qui ont les la mobilisation des ressources, tant dans l’EFTP que moyens de payer. La participation à des concours de dans l’enseignement supérieur. Dans certains pays, subventions peut également apporter de nouveaux les gouvernements ont introduit un modèle de finan- financements. Par exemple, un centre soutenu par la cement partagé, dans lequel le secteur concerné Banque mondiale dans le cadre du programme CEA finance les coûts de la formation en cours d’emploi I (2014-2020) par une subvention de 8 millions USD tandis que les gouvernements financent les coûts a mobilisé plus de 100 millions USD de financement de la formation hors emploi dans les établissements supplémentaire par le biais d’autres subventions d’EFTP (comme nous l’avons vu précédemment Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 167 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous dans la section sur l’apprentissage en alternance). et les syndicats. Par exemple, le Fonds de dévelop- Dans d’autres pays comme le Ghana, le Fonds fidu- pement des compétences de Singapour, qui relève ciaire pour l’éducation du Ghana est financé par un de l’Agence de développement de la main d’œuvre pourcentage de la taxe nationale sur la valeur ajoutée de Singapour, est gouverné par des représentants pour soutenir l’enseignement supérieur. du patronat (sept sièges), du gouvernement (quatre sièges) et des travailleurs (trois sièges). Les autres L’évolution rapide du monde du travail exige que fonds de développement des compétences sont la main-d’œuvre ait constamment la possibilité de généralement financés par des partenaires au dé- se perfectionner ou de se recycler pour s’adapter à veloppement tels que la Banque mondiale et oc- l’évolution des besoins en compétences du marché. troient des subventions compétitives (souvent ba- Les gouvernements, les prestataires de formation sées sur des demandes) aux centres de formation/ et les partenaires industriels doivent collectivement formateurs. donner la priorité au renforcement de l’écosystème des compétences afin que des fonds soient toujours Lors de l’introduction de mécanismes de cofinance- disponibles pour soutenir la formation tout au long ment tels que le Fonds de développement des com- de la vie des travailleurs. Peu de pays d’AOC dispose pétences de Singapour, il est essentiel que ceux qui de systèmes efficaces de formation tout au long de financent la taxe de formation aient leur mot à dire sur la vie. La capacité des institutions et des entreprises la manière dont les fonds sont dépensés, gouvernés et à proposer des programmes de formation intensive gérés afin de s’assurer qu’ils savent exactement pour- à court terme pour répondre aux pics de demande quoi ils paient. Les autres facteurs associés aux fonds de compétences spécifiques doit être renforcée par de développement des compétences cofinancés des sources de financement telles que les fonds qui fonctionnent efficacement et durablement com- de développement des compétences (Encadré prennent (a) des objectifs et des buts bien définis qui 6.12). Souvent, les établissements de formation pri- sont régulièrement réexaminés ; (b) une autorité fis- vés sont plus efficaces pour répondre aux besoins cale nationale assurant la collecte des fonds, plutôt émergents en matière de mise à niveau des compé- que l’agence en charge de la gestion du fonds de for- tences. La plupart des fonds de développement des mation (conformément à l’expérience internationale, compétences sont orientés vers le financement des bien que des pays comme le Singapour aient bien employeurs pour le perfectionnement de leur main- réussi sans adopter cette approche) ; (c) une base d’œuvre existante, bien que certains visent égale- de données actualisée des employeurs admissibles à ment les centres de formation de l’EFTP. Dans cer- la taxe et des données publiques sur l’utilisation des tains pays, les entreprises – en fonction de leur taille fonds et les excédents accumulés (le cas échéant) ; et de leur objectif – sont tenues par la loi de verser (d) un taux de prélèvement raisonnable (au niveau in- un certain pourcentage (généralement environ 1 ternational, environ 1 pour cent de la masse salariale pour cent) de leur masse salariale à un fonds dédié des employeurs) ; (e) des mécanismes en place pour à la formation. Les prélèvements sur les salaires ont garantir que l’allocation directe prévue aux centres été introduits pour la première fois au Brésil dans de formation et/ou aux employeurs pour les coûts les années 1940, puis se sont élargis à d’autres pays de formation est respectée ; (f) des approches inno- d’Amérique latine et des Caraïbes et à d’autres par- vantes pour permettre aux employeurs de l’économie ties du monde, par exemple aux Fidji, en Afrique du informelle de bénéficier des fonds de développement Sud, en Tanzanie et au Mozambique (Palmer 2020). des compétences ; et (g) des considérations pour Dans certains pays, la gouvernance des fonds peut permettre aux personnes de choisir ou d’acheter une être transférée à des entités qui comprennent des formation afin d’encourager la formation tout au long représentants du gouvernement et des partenaires de la vie, en particulier au sein de la main-d’œuvre du secteur, tels que les associations d’employeurs existante. 168 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Encadré 6.12. Fonds de développement de compétences : les variantes Fonds de développement des compétences financés par la Banque mondiale. Grâce au financement de la Banque mondiale, des fonds de développement des compétences sont opérationnels dans plusieurs pays africains, dont le Ghana, la Tanzanie, la Sierra Leone, l’Ouganda et le Rwanda. Ces fonds visent à soutenir l’offre de formations qualifiantes à court terme axées sur la demande. En général, les groupes cibles sont les travailleurs des secteurs formel et informel, les jeunes non scolarisés et les établissements d’EFTP intéressés par le développement de programmes de formation innovants. La durée des forma- tions varie de 1 à 26 semaines. Les thèmes abordés sont très variés, allant des compétences pratiques simples telles que la soudure, la pâtisserie et la culture d’avocats à l’apiculture, l’utilisation de l’informa- tique pour le diagnostic mécanique automobile, les pratiques aquacoles et le stylisme. Les fonds, appelés fonds de défi, sont octroyés sur la base de demandes. Les demandes sont évaluées en fonction de leur pertinence par rapport au marché du travail et de la capacité des demandeurs. En général, les fonds reçoivent deux à trois fois plus de demandes qu’ils ne peuvent en financer. Un comité des subventions, auquel participent des représentants du secteur privé et du gouvernement, est chargé de sélectionner les propositions jugées adéquates pour le financement. L’expérience montre que les fonds ont obtenu d’excellents résultats en catalysant des programmes de formation innovants et d’amélioration des compétences à court terme dans de nombreux domaines différents. Fonds de développement des compétences de Singapour. En vertu de la loi de 1979 sur la taxe de dével- oppement des compétences (https://sdl.ssg.gov.sg/), les employeurs sont tenus de payer une taxe men- suelle pour tous les employés qui fournissent des services à Singapour, y compris les employés étrangers et les employés occasionnels, à temps partiel ou temporaires. Les employés de maison, les jardiniers et les chauffeurs sont exemptés de cette taxe. La taxe payable s’élève à 0,25 pour cent de la rémunération mensuelle de chaque employé, avec des montants minimum et maximum payables en fonction des revenus des employés. Tous les prélève- ments effectués sont versés au Fonds de développement des compétences, qui finance les programmes de perfectionnement de la main-d’œuvre et octroie des subventions de formation aux employeurs qui envoient leurs employés suivre une formation dans le cadre du système national d’éducation et de forma- tion continues. Ce système permet à l’Agence de développement de la main d’œuvre (WDA) de financer son réseau de centres de formation. Actuellement, les employeurs peuvent bénéficier de subventions couvrant 50 à 90 pour cent du coût pour les cours financés par la WDA et 75 à 97 pour cent du coût pour les cours financés par le ministère de l’éducation. La taxe sur le développement des compétences et le Fonds de développement des compétences sont administrés par l’agence SkillsFuture Singapore. Les employés ne peuvent pas soumettre une demande auprès du Fonds de développement des com- pétences de leur propre chef. Ils doivent demander à leur entreprise de les parrainer pour une formation. Ils peuvent toutefois demander des crédits SkillsFuture pour payer leur formation. Les crédits SkillsFuture sont des crédits que les citoyens peuvent utiliser pour payer les frais de participation à des cours liés à l’acquisition de compétences professionnelles. Les crédits peuvent s’appliquer en plus des subventions pour les frais de cours fournies par le gouvernement. Le programme est géré par la WDA. Note : WDA = Agence de développement de la main-d’œuvre. Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 169 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Tableau 6.2. Impact des approches de financement sur les objectifs politiques Mesure politique Equité Qualité et Résultats de Efficacité dans Mobilisation des pertinence recherche l’utilisation des ressources ressources Formules de financement ✓ ✓ ✓ ✓ - Contrats de performance ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ Fonds accessibles par voie de concours ✓ ✓ ✓ - - Fonds de contrepartie - - - - ✓ Source : Elaboré par les auteurs. 6.5.2. Promouvoir une allocation des dépenses récurrentes. Les gouvernements peuvent ressources équitable et axée sur la utiliser des formules mathématiques pour motiver les performance établissements, en liant l’allocation des ressources à des indicateurs importants (intrants et extrants) de Si l’on considère l’expérience mondiale en matière la performance institutionnelle (tels que les effectifs d’allocations publiques à l’EFTP et à l’enseignement d’étudiants ou les résultats de recherche). L’Afrique supérieur, le fait de lier les allocations aux indicateurs du Sud utilise des formules de financement pour l’al- de performance et aux objectifs nationaux clés peut location de ressources publiques aux établissements faire une différence substantielle dans la performance d’enseignement supérieur, en intégrant des incita- des établissements et peut contribuer à l’innovation et tions liées à l’équité dans la formule (par exemple, la à l’optimisation de l’utilisation des ressources. Sur la proportion d’étudiants noirs inscrits). Les contrats de base des enseignements tirés au niveau mondial, les performance sont des accords réglementaires non gouvernements devraient tenir compte de huit prin- contraignants négociés entre les gouvernements et cipes directeurs dans l’allocation de fonds publics les établissements d’EFTP/enseignement supérieur, aux établissements d’EFTP (en particulier au niveau qui définissent un ensemble d’obligations mutuelles. supérieur) et d’enseignement supérieur : (a) claire Le gouvernement fournit un financement supplé- cohérence avec les priorités nationales, (b) lien ex- mentaire lorsque les établissements atteignent les plicite avec la performance, (c) équité entre tous les objectifs de performance fixés. Le Chili a utilisé des groupes de population, (d) cohérence et compatibi- contrats de performance pour susciter des progrès lité entre les différents instruments de financement, substantiels de la part de ses établissements. Le (e) objectivité et transparence du processus et des programme CEA utilise des contrats de performance critères d’allocation, (f) stabilité du financement sur (entre les gouvernements et les universités) pour sti- une période raisonnable, (g) allocation sous forme muler la performance des centres. Les subventions de subvention globale, et (h) autonomie et redevabi- concurrentielles constituent un mécanisme d’allo- lité des établissements (Salmi 2017 ; Arnhold et al. cation des ressources efficace et flexible pour des 2018). Les gouvernements doivent examiner attenti- investissements transformateurs. Ces subventions vement leur capacité à faire le suivi des résultats lors- peuvent avoir différentes fenêtres sous lesquelles les qu’ils envisagent ces mécanismes d’allocation. établissements peuvent soumettre des propositions pour examen et sélection. L’expérience de la Tuni- Les gouvernements peuvent mettre en œuvre diffé- sie, du Chili et de la Chine confirme la capacité des rents types d’allocations basées sur la performance fonds accessibles par voie de concours à améliorer (séparément ou en combinaison) en gardant à l’es- la qualité et la pertinence, les innovations pédago- prit les principes susmentionnés, notamment les for- giques, la gestion et la génération de revenus (par le mules de financement, les contrats de performance biais de subventions de contrepartie). Chacune de et les subventions octroyées par voie de concours. ces trois approches ou une combinaison de celles-ci Les formules de financement sont les plus objec- peut aider à réaliser divers objectifs politiques (Ta- tives et les plus transparentes pour l’affectation aux bleau 6.2). 170 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous Les pays d’AOC ont besoin de processus de gestion systèmes d’EFTP et d’enseignement supérieur par des finances publiques plus solides pour améliorer le biais de fusions et de regroupements permettrait l’efficacité et l’efficience des dépenses publiques une meilleure utilisation des ressources disponibles, en matière d’éducation. De nombreux pays d’AOC surtout lorsqu’elle est associée à une spécialisation ne disposent pas de capacités suffisantes pour pla- sectorielle des établissements, ce qui réduirait l’offre nifier et allouer un budget permettant de réaliser excédentaire pour des compétences identiques. Une les objectifs stratégiques du secteur et exécuter ce meilleure utilisation des capacités signifierait une budget comme prévu. Les principales faiblesses sont plus grande efficacité de gestion et des coûts unitaires le manque de capacité à suivre les dépenses et à plus bas. L’Ecole polytechnique du Rwanda (Rwanda contrôler les dépenses salariales et non salariales. Polytechnics) est un exemple de fusion d’un certain Les efforts de décentralisation des dépenses vers les nombre d’établissements d’EFTP post-secondaires autorités locales ou vers les établissements d’EFTP et dont les programmes se chevauchaient auparavant. d’enseignement supérieur individuels pour améliorer Il s’agit d’une structure faîtière comprenant les huit la qualité et la pertinence de l’enseignement et de la centres régionaux publics de polytechnique intégrée. formation ont réussi dans certains contextes, mais La fusion a permis de concentrer au niveau de Rwan- pas dans d’autres. Ce qui compte, c’est l’adéquation da Polytechnics un grand nombre de fonctions ad- et la rapidité des fonds et la capacité des autorités ministratives et de développement, et d’assurer une et des gestionnaires concernés à faire leur travail. meilleure coordination des offres de cours par les dif- Les pays doivent donc renforcer leurs capacités de férents établissements polytechniques. gestion financière en fonction de leur contexte spé- cifique afin de garantir des flux de fonds efficaces et Pour être en mesure de répondre à l’évolution adéquats dans le système. Pour parvenir à une allo- constante de la demande de compétences, les dif- cation et une utilisation efficaces et efficientes des férents niveaux des systèmes d’EFTP et d’enseigne- fonds publics et à un meilleur suivi des résultats, les ment supérieur doivent avoir un mandat clair et la pays d’AOC doivent se doter d’une plus grande ca- capacité de s’en acquitter avec agilité. L’expérience pacité de gestion et d’un processus concurrentiel montre que le fait d’autoriser chaque établissement de recrutement, assurer des formations fréquentes à introduire de nouveaux cours, à supprimer pro- pour les hauts responsables des ministères et les gressivement ceux qui ne sont pas demandés et à responsables des établissements, et disposer d’un adapter la composition du personnel enseignant en personnel technique plus qualifié, notamment des conséquence a un effet positif significatif sur la per- spécialistes des TIC, de la gestion des données, des formance de l’établissement. La direction peut obte- chercheurs institutionnels et des spécialistes des fi- nir les meilleurs résultats lorsqu’elle est guidée par un nances et des marchés publics. conseil consultatif auquel participent le monde des affaires et d’autres parties prenantes locales. 6.5.3. Consolider la prestation de services et les offres de programmes pour une 6.6. Donner la priorité aux maitrise des coûts interventions à haut niveau d’impact pour développer les compétences A l’échelle mondiale, le nombre d’établissements liées à l’emploi d’EFTP et d’enseignement supérieur a explosé, sou- vent sans un contrôle adéquat de la qualité et de la pertinence des programmes proposés. Si l’augmenta- Les pays d’AOC s’efforcent de transformer leurs éco- tion de l’offre éducative contribue à faciliter l’accès, nomies et de sortir leurs citoyens de la pauvreté, de en particulier pour les jeunes ruraux, elle ne s’accom- renforcer leurs capacités à développer des solutions pagne pas nécessairement d’un élargissement de locales aux nombreux défis du développement et de l’éventail de spécialisations disponibles. En général, devenir compétitifs au niveau mondial dans un monde la majorité des établissements proposent des pro- de plus en plus interconnecté, numérique et écolo- grammes de compétences standard nécessitant de gique. Pour réaliser ces objectifs, le développement faibles investissements initiaux. La consolidation des de la main-d’œuvre (actuelle et future) de la région Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale 171 Interventions à haut niveau d’impact pour développer des compétences adaptées au marché de l’emploi pour tous de l’AOC doit être au cœur des politiques et des in- à haut niveau d’impact pour les gouvernements, les vestissements, les efforts devant notamment porter fournisseurs de compétences et le secteur privé. Ces sur l’amélioration des résultats d’apprentissage et interventions sont centrées sur les exigences du dé- l’élargissement de l’accès à l’éducation des filles et veloppement inclusif et durable des compétences des autres jeunes vulnérables aux niveaux de l’ensei- adaptées au monde de l’emploi et des capacités de gnement de base et secondaire. Le développement recherche, à savoir renforcer la gouvernance de l’offre ou le manque de compétences touche tous les sec- de compétences, supprimer les obstacles à l’acquisi- teurs économiques. C’est pourquoi la Stratégie ré- tion de compétences, gérer la prestation de services gionale d’éducation présentée dans ce chapitre pro- pour en assurer la qualité et la pertinence, et favoriser pose quatre séries d’interventions complémentaires la durabilité de la prestation de services (Figure 6.5). Figure 6.5. Interventions visant à développer les compétences professionnelles pour tous QUOI? PORQUOI? COMMENT? Renforcer la L'écosystème de la formation • Réformer les apprentissages traditionnels gouvernance de l'o re professionnelle est très fragmenté, • Formaliser le rôle des employeurs dans l'o re de de compétences essentiellement informel et doté de compétences contrôles de qualité limités, ce qui fait • Améliorer le CQ pour diversifier les parcours d'apprentissage qu’il est di cile à gérer. et faciliter la mobilité Supprimer les obstacles Le manque d'accès équitable à des • Soutenir l'accès équitable aux programmes de rattrapage et à l'acquisition de programmes d'éducation et de des formations intensives par ex. alphabétisation de masse compétences, compétences de base abordables, et formation aux compétences numériques flexibles et de qualité entrave • Diversifier les options de financement des apprenants notamment l'expansion d'une main-d'œuvre • Élargir I’accès à des options de formation flexibles, peu l'insu sance des qualifiée. coûteuses et de bonne qualité compétences de base Gérer la prestation Les programmes doivent préparer • Développer des compétences professionnelles et de services pour en adéquatement les jeunes à l'emploi entrepreneuriales avec la participation du secteur privé assurer la qualité et sur des marchés du travail • Exploiter les technologies numériques et promouvoir des dynamiques, et accroitre les produits pédagogies innovantes la pertinence de recherches en cohérence avec les • Investir dans les R&D ciblés, mettant à profit les opportunités nationales et régionales. approches régionales Promouvoir la Les options de prestation de services • Diversifier la mobilisation des ressources pour la pérennité pérennité de doivent être conçues de manière à (y compris pour la recherche et l'innovation) la prestation garantir leur e cacité, leur viabilité et • Promouvoir une allocation des ressources équitable et leur pérennité. basée sur la performance de services 172 Stratégie d’éducation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale